TàG Press +41 pour Heure Suisse N° 106

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SUISSE

Sous la Loupe: PORSCHE DESIGN

JOURNAL SUISSE D’HORLOGERIE

N O 106 - JUILLET - AOUT 2010 / 7 EURO / 12 FS / CAN$ 9,50

PAGES SPECIALES


ACTUHORLOGÈRE

BELL & ROSS: ÉLOGE DE LA SIMPLICITÉ

«J

e crois que les gens aiment la marque parce qu’elle propose des montres simples, fonctionnelles, lisibles et robustes, dont le design épuré est en même temps très moderne.» Roberto Passariello, le directeur de la communication de Bell & Ross, a raison: c’est effectivement les éléments qui font la force de cette (encore) jeune marque franco-suisse. A tel point que sa collection la plus célèbre, Instrument, a été l’une des plus copiées ces dernières années. Parmi les grands crus du millésime 2010 présenté à Bâle, on a dégusté avec plaisir la BR01-92 Radar, dont l’effet est garanti, la BR03-92 Military Ceramic, teintée de vert militaire, et enfin la Vintage BR Carbon, expression parfaite

de la sobriété horlogère contemporaine. Une réussite stylistique encore rehaussée par l’utilisation de la couleur sable pour la finition des aiguilles, index et chiffres, sans oublier celle du bracelet en cuir naturel qui lui fait écho. La Vintage 2010 existe en version classique (heures, minutes et seconde indépendante, mouvement automatique ETA 2895, 2700 francs) ou chronographe deux compteurs (mouvement automatique ETA 2894, 4200 francs). ! THB

Le style vintage selon Bell & Ross: une vraie réussite.

VICENTERRA: LA GMT-3 ET SES COMPLICATIONS PLANÉTAIRES

C

roisé au détour d’une escale à Baselworld, le constructeur Vincent Plomb, à l’heure des confidences sur fond de brouhaha festivalier, lève le Vincent Plomb a trouvé une manière originale de réaliser son projet en lançant une souscription.

voile sur sa première création. Tournis de planètes… La formule en souscription n’est pas nouvelle. Elle permet, dans une aventure entrepreneuriale naissante, la prise mesurée de risque. Fin 2009, Laurent Favre a prévendu 24 exemplaires de sa Phoenix 10.1 Quantième à Grand Affichage Rotatif pour relancer A. Favre & Fils, une raison sociale d’avant l’ex istence de Favre-Leuba. Ainsi circule ces jours une souscription portant sur les 100 premières GMT-3 VicenTerra. Dans le registre nirvana complicationnel, ce tonneau d’esthète recèle un cœur issu d’un ETA 2892 (automatique), le calibre REA-GMT-3, auquel s’ajoute un disque jour-nuit posé au zénith (12 h), un indicateur d’ensoleillement – aube à 6 h, coucher à 8 h – cédant la nuit à un ciel étoilé saupoudré

de diams. Une date rétrograde squatte l’index 2 h, tandis qu’un globe terrestre miniature (Ø 6,5 mm), posé à 5 h, tourne sur lui-même en vingt-quatre heures. Profond et poétique, ce concentré de temps planétaire ne laissera pas indifférent celui qui chine hors des sentiers battus. ! JAG / TàG Press +41 Pour tout renseignement: Vincent Plomb, tél. +41 (0)78 808 92 88, mail: realis.vp@ vtxnet.ch


NOUVEAUTÉSHEURE

ARMAND NICOLET ET SA L08: UNE ACCESSIBLE INTEMPORELLE

Sans être originale, l’histoire de la marque Armand Nicolet reste de celles qui plaisent aux amoureux d’une horlogerie d’épure, vraie, riche en valeurs historiques mais n’hésitant pas à se réclamer de potentiels à venir… Par Joël A. Grandjean / TàG Press +41

I

l était une fois un entrepreneur, féru de montres, connaisseur et actif dans la branche deux décennies durant. Il rencontre, en 1987, Willy Nicolet, fils d’Armand Nicolet, un horloger d’entre les deux siècles passés ayant sévi à Tramelan, haut lieu d’une horlogerie historique florissante. L’ancienne manufacture revivra, sera restaurée et restera habitée par les signes distinctifs de son fondateur, tout en s’ouvrant aux marchés actuels. Armand Nicolet, fils d’horloger, entre donc en horlogerie comme on entrait autrefois dans les ordres. Vocation et passion. A la fin du XIXe siècle, au sortir de son apprentissage, il ouvre son premier atelier d’horlogerie. Et, en 1902, s’illustre dans l’univers de

la montre de poche soignée, titillant parfois celui des complications telles que les répétitions minutes, quarts ou heures, les calendriers perpétuels… Encore prisé par les collectionneurs, au détour d’un catalogue de ventes aux enchères ou d’une transmission d’héritage, ce nom est également synonyme, durant les fifties, de la production, à Tramelan, de la presque totalité des calibres Venus. Rappelons que cette ville était, à l’époque, le troisième pôle horloger de Suisse, avec la concentration de 800 horlogers et 105 fabriques. Les montres ont-elle une âme? C’est la question que pose la L08, sur le mode de l’édition limitée en multiples de 150 (50 pour la version sertie). Pour la boîte, ronde et classique, la noblesse d’un acier efficace cède parfois, pour la lunette, à l’or rose ou aux diamants. Le fameux guilloché du cadran en relief, devenu signe reconnaissable du style Armand Nicolet, s’entrouvre sur des détails triés d’un calibre vintage 18 000 alternances par heure, le AN0711A, concentré de nouvelles Des premières montres de poche aux garde-temps d’aujourd’hui, la tradition de la belle horlogerie classique perdure.

Armand Nicolet, qui ouvrit son premier atelier d’horlogerie à la fin du XIXe siècle.

technologies saupoudré des composants du calibre UT 600 de 1957, retrouvés dans les combles et les tiroirs de la maison originelle. Ce moteur à remontage manuel, dont il ne reste par définition qu’un nombre limité d’exemplaires, se distingue par son épaisseur réduite. Oh, pas celle d’une extraplate, mais déjà avec l’élégance des discrètes qui en jettent sans chercher à s’imposer. Tenu en laisse par un bracelet cuir de crocodile, le temps servi par cette réincarnation des valeurs originelles de l’horlogerie se devait de s’entourer d’attentions subtiles: décorations Côtes de Genève, rhodium perlé, index appliqués à la main, étanchéité à 5 atmosphères et réserve de marche de 36 heures. ■



DÉVELOPPEMENTDURABLE

LE BÂTIMENT MODÈLE

D’AGENHOR: UNE SACRÉE COMPLICATION Tandis qu’un vent de bonne conscience environnementale souffle sur l’horlogerie, certains ont une longueur d’avance. Jean-Marc Wiederrecht s’illustre en dehors du cadre des complications horlogères. Par Joël A. Grandjean / TàG Press +41

L’

A Meyrin (GE), le bâtiment d’Agenhor se veut un modèle du genre:

le développement durable appliqué à l’architecture éthique environnementale Finalement, un budget «construction» et au fonctionnement de tous les services. occupe la pensée ambiante, est arrêté. La chance veut qu’un même dans le monde du luxe. Nombre de marques terrain à bâtir se présente à Meyrin. C’est alors que les choses exploitent le filon sur le plan de leur communication, brandissant se compliquent. Papa Wiederrecht ressasse depuis toujours le leurs louables efforts. Ici un label Minergie, là une visite de rêve utopique de bâtir une usine qui n’ait aucun impact sur manufacture où s’énumèrent, à force de détails techniques, les l’environnement. Zéro émission de CO2, rien de moins. Il va avancées significatives, les récupérations et économies d’éner- sans dire qu’un tel leitmotiv engendre des contraintes et écarte gie réalisées. Jean-Marc Wiederrecht, principalement connu en d’emblée les options architecturales. Le nouveau bâtiment et ses horlogerie pour être un maître ès complications, devient aussi, habitants devront donc produire au moins autant d’énergie dans le monde de la construction architecturale, une référence qu’ils en consomment. Qui dit «au moins» sous-entend même citée. qu’ils pourraient en produire plus que nécessaire! Naîtrait alors une nouvelle notion, celle des «charges négatives». Autrement LE W-ZÉRO CO2 , NOUVELLE NORME? Avoir de la suite dans les dit, un bâtiment qui pourrait même reverser de l’énergie à la idées. Le Chaux-de-Fonnier d’origine est depuis longtemps communauté. sensible au respect de l’environnement. L’histoire commence par Longuement ruminée par Jean-Marc Wiederrecht, l’idée est, le sujet du master de son fils Nicolas, au sortir de sa formation selon lui, une question de bon sens: construire des dalles universitaire HEC. L’élève planche sur les solutions qui permet- supérieures de plus grande taille que le bâtiment, comme des traient à Agenhor – Atelier genevois d’horlogerie, l’entreprise «casquettes», doit permettre, en hiver, de faire pénétrer le soleil familiale qu’il s’apprête à rejoindre, de réussir sa mue. Car à par les surfaces vitrées, apportant sa contribution au chauffage Bernex, où elle est domiciliée, et même avec la volonté de rester intérieur. Ces mêmes dalles, en été, pourraient «briser les une société à taille humaine, tout est devenu trop petit. Tous les rayons», les empêchant de taper sur les façades. Autre contrainte scénarios sont envisagés. Déménager, louer, réaménager?… revendiquée: se passer d’énergie fossile. Ni pétrole ni gaz. Reste


la pompe à chaleur, puisant les calories dans le sol. Deux puits de 140 m de profondeur sont creusés. A ce niveau souterrain, la température est constante, à 12° C environ. Un fluide caloporteur (de l’eau et de l’alcool pour faire simple) transporte les calories supplémentaires (l’hiver, l’air est plus frais) et les stocke au sortir d’un processus mêlant dilatation et pression, jusqu’à obtenir une eau à 30° C, laquelle infiltrera alors la tuyauterie du chauffage au sol. SOLAIRE ET SOIN DU DÉTAIL Si extraire et faire circuler ce liquide requiert tout de même une certaine consommation d’électricité, celle-ci est quatre à cinq fois inférieure aux besoins normaux. Là où 100 unités électriques auraient été nécessaires, seules 20 suffiront. La prochaine étape, autre phase d’investissement, sera l’installation de panneaux solaires. Les prévisions sont mesurables: avec 200 m2 de panneaux, on répondra aux 30 000 kWh nécessaires au fonctionnement de l’ensemble du bâtiment, ordinateurs, éclairages et machines compris. Comme dans l’horlogerie, tout est dans le détail, le «mieux que nécessaire» ou le réglage. Ici, l’isolation entoure même le

sous-sol. La masse des dalles en béton a été augmentée, rendant optimales leur inertie et leur capacité de réfraction. Tantôt restituent-elles la chaleur, tantôt la fraîcheur. L’été, un ingénieux système d’aération permet à l’air frais nocturne de circuler, toutes fenêtres ouvertes et, le jour venu, de rester prisonnier des volumes. L’effet thermos! Les fameuses «casquettes» protègent les vitres closes et hermétiques du soleil tapant.

LA FABRIQUE AGENHOR EN QUELQUES LIGNES – ARCHITECTE: VINCENT ROESTI – CÔTÉ MATÉRIAUX, LA SIMPLICITÉ: LE BÉTON ET BEAUCOUP D’ISOLANTS – TROIS NIVEAUX (SOUS-SOL, REZ-DE-CHAUSSÉE, 1ER ÉTAGE) POUR ENVIRON 450 M2 ET 4000 M3 - APRÈS L’HIVER RIGOUREUX 2009-2010, LA CONSOMMATION DE LA PREMIÈRE ANNÉE EST DE 30 000 KWH. ■

Jean-Marc Wiederrecht s’illustre non seulement pour ses mouvements d’exception mais aussi pour sa démarche écologique.

Les horlogers, épargnés par une luminosité trop directe, ont été placés au nord, les services administratifs au sud. Entre deux, le passage doit son éclairage à un «solar dôme» posé sur le toit: ses ramifications réfléchissantes en forme de conduits transportent une lumière totalement exempte de consommation électrique. Le reste des luminaires, à très basse consommation, se règle en fonction de la luminosité. Jean-Marc Wiederrecht ne voulait pas de climatisation; il voulait pouvoir ouvrir les fenêtres, pour entendre l’eau couler – une marre a été creusée – et les oiseaux chanter. Utopique? Grâce à son usine laboratoire, à son écobilan positif et aux «charges négatives», il démontre que le respect de l’environnement est un modèle économique viable. D’ailleurs, son bâtiment pourrait même lui rapporter de l’argent, puisque les SIG, fournisseur officiel genevois d’électricité, rachètent à bon prix tout surplus d’énergie renouvelable produit par des particuliers… ■


JOURNAL SUISSE D’HORLOGERIE

ECHODESFABRIQUES...

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MUSÉES PILLÉS, MUSÉES OUBLIÉS… Par Joël A. Grandjean | jgrandjean@jsh.ch

Monde, s’est visiblement inspiré d’un autre bouquin, antérieur, celui de Simon Houpt, nommé Tableaux Volés (Editions Bachès). Mais qu’importe les connivences littéraires, l’un comme l’autre font preuve d’un oubli de taille! Même s’ils racontent les cambriolages commis en 2008 à la Fondation Bührle de Zurich ou ceux qui ont démuni la Fondation Neumann de Gingins en 2004, pas de trace du casse de la route de Malagnou, à Genève, là où était sis le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, autre espace patrimonial devenu invisible depuis. ■

«LE MUSÉE INVISIBLE» ET

SES ŒUVRES MANQUANTES

Raconter dans un livre la plupart des affaires de vols de tableaux ou d’œuvres d’art: voici une «belle balade dans la nature» qui débouche sur ce livre de Nathaniel Herzberg, Le musée invisible. Les chefsd’œuvre volés (Editions du Toucan, 208 pages). L’auteur, journaliste au 64


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GENÈVE… MUSÉE RAYÉ DE LA CARTE?

scandale, les marques horlogères, avec leurs grands moyens, auraient

Le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie aurait-il été rayé de la carte? C’est l’histoire d’un musée devenu invisible pour avoir trop longtemps

redressé la barre. Tous auraient houspillé le conseiller administratif qui, avouant sa bévue, aurait présenté ses plus plates excuses aux grands

été fermé suite à un casse mémorable. Difficile à gober! Si c’était vrai, la foule serait descendue dans la rue, les citoyens auraient hurlé au

horlogers disparus, à la mémoire des ouvriers suant et trimant durant des siècles, aux huguenots accueillis par Genève, ainsi qu’aux 18 000

L’ancien Musée de l'horlogerie et de l'émaillerie.

œuvres en déshérence. La Julie (Tribune de Genève) en aurait fait quelques manchettes, quitte à mettre de l’huile sur le feu. Hélas… en creusant un peu, la réalité est crue: ce musée n’a plus d’entité propre. Son titre de «filiale du Musée d’art et d’histoire (MAH)», obtenu entre

© photo: Gérard Pétremand (Centre Multimédia, Département de la culture)

1969 et 1972, a simplement été biffé. Avalé par le MAH! Tout a été habilement enrubanné dans une communication officielle qui cite les

VACHERON CONSTANTIN ET BARBIERMUELLER: L’HUMAIN AU CENTRE

«nouveaux horizons» et parle d’intégration. Aucun PV de séance ne parle de rature. Les mots sont si anodins et si innocents qu’il valait mieux ne pas les laisser traîner dans un PV de séance. En filigrane, un message clair: on veut bien que l’horlogerie soit industrie, économie, mais de là à la considérer comme une culture… D’accord, elle est aussi art et histoire! Elle a juste quelque chose de plus: c’est qu’elle appartient à Genève et à la Suisse plus généralement, comme la grappa à Bassano del Grappa, Henry Ford à Detroit, la porcelaine à Limoges… Finalement, Genève est plus traumatisée par ses richesses que par le pillage de celles-ci. Une capitale mondiale de la haute horlogerie? Oui, sans musée horloger public, tout au plus disposant d’un vague département du genre… Ce n’est pas une blague. ■ Lire également le billet sur www.horlogerie-suisse.com

A l’heure où un grand nombre de marques horlogères ou d’ailleurs s’engouffrent sur le terrain de la planète en danger et des désastreuses conséquences y relatives pour les animaux et les environnements,

groupes isolés, régis pourtant par une organisation sociopolitique complexe, gorgée de riches traditions médicinales ou musicales, sont menacés par l’expansion des sociétés dominantes ou l’effet de la démographie. Car ils usent, dans leurs pratiques culturelles ou religieuses, d’objets périssables, absents des musées: statues en terre crue,

Vacheron Constantin s’embarque dans une aventure qui s’intéresse aux êtres humains. Décalage? Son soutien va au collectionneur genevois Jean Paul Barbier-Mueller, créateur d’une fondation pour étudier les ethnies et les microcultures en voie de disparition. L’occasion

transmissions orales, préoccupations religieuses aniconiques… Au programme, des observations menées sur le terrain et via la publication de résultats sur trois petits peuples de Côte d’Ivoire, dont les créations plastiques sont à ce jour absentes des musées, ainsi que sur

rêvée pour l’enseigne horlogère de poursuivre sa «Patrimony Story» et d’aller à contre-courant. L’intérêt de la démarche vient du fait qu’elle

Jean Paul Barbier-Mueller et Juan-Carlos Torres, CEO de Vacheron Constantin.

un groupe d’environ 6000 individus du Burkina Faso sud-ouest, à propos duquel aucune donnée scientifique n’existe. Des missions de la dernière

émane d’un éminent amasseur du tangible – trésors archéologiques retrouvés, statues ou écrits dénichés (musées à Genève et Barcelone,

chance – la globalisation menace –, qui offrent une certaine parenté avec la préservation patrimoniale des métiers horlogers et le savoir-

bientôt à Dallas) – soudainement

faire entretenu par Vacheron Constantin, entre autres… ■

rattrapé par la réalité de l’éphémère. En effet, bon nombre de ces

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CHRONOMÈTRESDE MARINE

JOURNAL SUISSE D’HORLOGERIE

ARNOLD ET LA PRODUCTION AU XVIIIE SIÈCLE

Le Journal Suisse d’Horlogerie, magazine créé en 1876, en est à sa 134e année de parution. A feuilleter ses archives, certains sujets surgissent comme les éclairages historiques d’une actualité étonnante. Comme cette petite perle, également mise en ligne sur le site horlogerie-suisse.com. Par Joël A. Grandjean, rédacteur en chef JSH | Proposé par Eric Cosandey, professeur | Auteur de l’époque: Paul Ditisheim

J

ohn Arnold et Thomas Earnshaw sont les deux horlogers anglais qui, au XVIIIe siècle, en développant sur une échelle importante la

fabrication du chronomètre de marine, ont contribué à en généraliser l’emploi. Jusqu’alors, la plupart des éléments constitutifs de ces instruments devaient sortir des mains mêmes des constructeurs. Leur production restait donc étroitement limitée. Il fallut à John Harrison trois ans pour terminer successivement ses dernières montres marines N° 4 et N° 5. Ce délai fut également nécessaire à Kendall pour livrer au Board of Longitude la réplique de ce N° 4. Ce n’est qu’après trois années de travail que Mudge parvint à terminer son premier chronomètre de marine… Le commandant Gould a relevé dans The Marine Chronometer la portée de ces longs délais, en ajoutant que si la production totale du célèbre Ferdinand Berthoud s’est élevée à une septantaine d’appareils en une quarantaine d’années, il ne lui a pas été possible d’exécuter ses chronomètres à une allure dépassant annuellement deux ou trois unités […] Au cours de cette même période, Arnold comme Earnshaw sont parvenus à produire plus d’un millier de chronomètres de marche très satisfaisante. Leur mode de fabrication permit de les livrer à des conditions de prix bien inférieures à celles des horlogers venant d’être cités. Les types qu’ils créèrent ont de plus servi de guide aux fabrications entreprises dans d’autres pays. Cette production n’a pu être atteinte qu’en faisant appel à la division

ou se rapprochent du centre sous l’effet d’une lame bimétallique enroulée en spirale. Dès 1779, le mode d’actionnement des masses compensatrices fut modifié et remplacé par une paire de bilames symétriques

du travail. Arnold et Earnshaw […] consacrèrent leurs efforts à une réalisation rationnelle, recourant à des artisans spécialisés pour les opérations d’ébauche, la fourniture des rouages, pierres, ressorts, cadrans, aiguilles, boîtiers. Ceux-ci ne manquaient pas dans le district horloger

repliées en S. […] L’échappement offrait l’inconvénient d’exiger la présence de l’huile aux parties agissantes: ceci provoquait de sérieuses perturbations de marche. Il y a plusieurs points communs entre ce dispositif et la construction d’un autre échappement à détente pivotée

de Clerkenwell ou dans le Lancashire. Ils eurent cependant à former le personnel voulu pour exécuter certaines parties, telles l’échappement et le balancier, tout en se réservant les opérations finales de la pose du spiral et du réglage, considérées comme de précieux secrets de fabrication.

d’Arnold. La roue d’échappement portait une double denture, mais les fonctions présentaient, côté huiles, les mêmes inconvénients que le dispositif précédent. Arnold substitua à cet échappement le dispositif pour lequel il avait

Arnold et Earnshaw ne furent cependant pas meilleurs amis que Pierre Le Roy et Ferdinand Berthoud. Comme le commandant Gould l’a fait remarquer, ils se sont âprement disputé la priorité de l’origine de tous les perfectionnements apportés à l’échappement du chronomètre de

obtenu un brevet d’invention. La détente ne repose plus sur des pivots, mais elle est fixée à sa base sur la platine; elle est amincie en ressort de manière à pouvoir fléchir près de son point d’attache. Earnshaw a revendiqué la paternité de cette nouvelle disposition, comme il l’a indi-

marine et à la constitution de ses organes réglant.

qué dans Longitude, an Appeal to the Public, volume de 314 pages publié en 1808. Il donne les détails les plus précis sur les conditions dans lesquelles il réalisa sa découverte. Il s’était rendu compte des

On voit alors apparaître le premier dispositif de balancier compensateur, exécuté en 1773, où deux masses diamétralement opposées s’éloignent 66

John Arnold, 1736-1799. Son nom revit sous l’appellation «Arnold & Son, Master of The Longitude in London Since 1764». Elle a son siège à La Chaux-de-Fonds. www.arnoldandson.com


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Extrait

Montre de poche réalisée par John Arnold. Visuel extrait des archives de JSH.

Le dispositif de l’échappement à détente ressort d’Earnshaw continue à être employé dans tous les chronomètres de marine, sous une forme pratiquement inchangée depuis lors. Un modèle agrandi, exécuté par l’inventeur pour le compte du Board of Longitude, a été reproduit d’après l’original conservé à l’Observatoire de Greenwich, dans notre publication commémorative de 1921, «Le Centenaire de Thomas Earnshaw», par Paul Ditisheim, Journal Suisse d’Horlogerie, 1929.

John Arnold, né en 1736 dans un village des Cornouailles, était fils d’horloger, auprès duquel il commença son apprentissage. Mais, à la suite d’une dispute de famille, il quitta la maison paternelle et s’embarqua bien jeune pour le continent. Après avoir voyagé d’abord en Hollande, puis en Allemagne, en gagnant péniblement sa vie, parfois comme armurier lorsque le travail d’horloger faisait défaut, Arnold rentra en Angleterre. Il connaissait un peu les langues, son esprit était déjà mûri par les années passées à l’étranger. Il s’établit à Londres et se fit bientôt connaître par une petite montre à sonnerie insérée dans le chaton d’une bague. Il fut admis à présenter cette pièce au roi en 1764. Ce tour de force lui valut la faveur de la cour et de nombreux clients. C’est en 1770 qu’il entra en relations avec le Board of Longitude et soumit à l’Observatoire de Greenwich son premier chronomètre de marine.

Chronomètre de marine «Arnold» visible au Musée de Greenwich. (Repro ID: L0242-001 © National Maritime Museum, Greenwich, London)

Chronomètre de marine Hamilton dans sa boîte. (Repro ID: F3196-1 © National Maritime Museum, Greenwich, London)

inconvénients inhérents à l’emploi d’un axe pivoté pour supporter la pièce intermédiaire de l’échappement; pour y obvier, il avait terminé son nouveau dispositif à détente ressort, mais les moyens lui faisaient défaut pour protéger lui-même par un brevet cette importante transformation. Le compte rendu de ses tribulations est un cruel exemple du sort qui bien souvent est réservé aux inventeurs.

Dessins de la main de John Arnold. Deux balanciers commentés par le maître.

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CHRONIQUEHEURE

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LE PRIX DE L’HISTOIRE Après s’être momentanément interrompue, la course à la conquête d’une aura patrimoniale se poursuit au sein des marques qui ont à la fois des moyens et une histoire demeurée intacte, même partiellement. Une histoire dont il reste suffisamment d’éléments une fois la poussière poutzée, malgré les rachats et les reventes, malgré le syndrome de la table rase exercé presque maladivement par tout repreneur qui se respecte. Malgré aussi les errances de certains managers qui, notamment au sortir de la crise des années 1970, ont mené à la benne à ordures tant de trésors irremplaçables, sous prétexte qu’ils s’avéraient bien inutiles face aux nouveaux enjeux d’une horlogerie virant au quartz. S’ils avaient su! Dans le sillage du retour aux arts mécaniques, ce culte de l’histoire est devenu un enjeu sensible auprès des consommateurs. D’autant que, durant ces trente dernières années, les excellentes performances des ventes aux enchères horlogères, panachées de records et de démesure, ont fait office de facteur amplifiant. D’un seul coup, la récente crise a stoppé ces élans. A l’orée d’une esquisse de reprise, les affaires historiques reprennent. Le musée Omega rouvre, flambant refait, la Heritage Gallery de Jaeger-LeCoultre relance son programme d’expositions temporaires, mettant l’invention à l’honneur. Quant à la Piaget Time Gallery, elle est habitée par une tournante dédiée à son mythique modèle Polo, si cher à la famille Piaget et pourtant vigoureusement décrié par le repreneur juste après le rachat de la marque! Reste que ces initiatives, pilotées par les départements communication plus que par un attaché de la direction, sont porteuses de messages dirigés et partiaux. Et même si le métier d’historien est entré en horlogerie, après avoir été empiriquement exercé par des employés affublés du titre de «mémoire vivante de l’entreprise», il se peut que l’Histoire et ses vérités en souffrent. En effet, les intérêts divergent. D’un côté, la louange d’une enseigne se nourrissant de son propre prestige, gommant ses errances et ses passages à vide; de l’autre, l’univers des chercheurs indépendants, avides de découvertes désintéressées. Tel Joseph Florès, passionné d’histoire qui, après avoir consulté un manuscrit daté du 23 décembre 1878 de l’Académie royale des sciences de Paris, a démontré que le père de la première montre automatique était Dieudonné-Hubert Sarton (1748-1828), horloger liégeois, et non pas Abraham-Louis Perrelet (1729-1826), comme il est communément admis depuis que l’ont affirmé Alfred Chapuis et Eugène Jaquet dans leur ouvrage de 1952. Juste un exemple… A l’heure où le «H» majuscule de l’Histoire horlogère pourrait être consolidé, certains de ses garants y perçoivent non pas ses ouvrières origines, mais son versant alerte-au-luxe-dans-un-monde-en-crise. Ils ont tout faux: à Genève, ils viennent même de supprimer le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, transformant en corpus de collections ce qui était, depuis 1969-1972, une filiale autonome du Musée d’art et d’histoire. Joël A. Grandjean Rédacteur en chef JSH – Journal Suisse d’Horlogerie

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«A l’orée

d’une esquisse de reprise, les affaires historiques reprennent.

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