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Private banker, un métier au cœur de votre intimité financière

de besoins et d’attentes spécifiques, se construit patiemment et doit reposer sur des bases solides.

La mission du private banker, c’est de perme re à ses clients de dormir sereinement avec leur patrimoine. Quelles sont les qualités requises pour gérer ces relations très personnelles?

MURIEL MICHEL

Le private banker exerce un métier extrêmement sensible, puisqu’il rentre dans l’intimité du client par la voie la plus secrète: l’argent. Le chargé de relation, comme on a également coutume de l’appeler, doit avoir une vue à 360 degrés sur la situation financière personnelle et familiale (et, dans certains cas, professionnelle) de son client. Il doit connaître les besoins de ce dernier sur le bout des doigts, pour lui garantir une gestion «tailor-made», un suivi personnalisé et une sérénité maximale.

Psychologie

On devine aisément que ça ne s’improvise pas. Pourtant, ça ne s’apprend pas non plus. Si ce e mission requiert un minimum de connaissances en économie, en finances, sur les marchés, ainsi que des capacités didactiques, la condition sine qua non d’une alchimie parfaite, ce sont les «soft skills». «Un état d’esprit, des compétences innées pour s’adapter à son interlocuteur», résume

Michael Harris, Head of Private Banking & Wealth Management à la Banque Nagelmaeckers. Des qualités humaines au premier rang desquelles le sens de l’écoute (des besoins et des souhaits), l’empathie et la confidentialité, pour une approche subtile. Chaque client qui va se dévoiler ayant son propre rapport à l’argent qu’il va falloir décoder, appréhender, analyser et gérer. Tout cela en tenant compte des interférences et des particularités de son environnement familial. «Le client advisor doit faire preuve de beaucoup de psychologie. Parfois, il m’arrive même de me sentir comme une sorte de psychologue patrimoniale», assure ainsi Isabelle Simon, Senior manager Private banking chez Puilaetco. «Dans un dîner ou une réception, lorsqu’on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds ‘je suis réducteur d’angoisse’. Du coup, on pense que je suis psy et cela suscite beaucoup de curiosité», confie pour sa part Rémy Dercq, Head of Private Banking Brussels & Wallonia chez

Degroof Pertecam, qui compte, dans son entourage, des collègues historiens, informaticiens, économistes ou ingénieur de formation.

«Ce qui importe avant tout, c’est d’être multi-compétent».

Ce e relation qui charrie son lot de secrets de famille, de confidences, d’exigences, d’angoisses, de besoins et d’a entes spécifiques, se construit patiemment et doit reposer sur des bases solides.

Afin de pouvoir aborder, ensemble, le plus sereinement possible, l’impact des inévitables périodes houleuses et chahutées (qu’elles soient liées aux marchés financiers ou aux grandes étapes et aléas de la vie) sur le patrimoine. Conseil en finance, en planification successorale, en matière de pension, de fiscalité, juridique.... le panel est vaste.

«Partner in life»

«L’enjeu, c’est d’être un véritable ‘partner in life’. Cela exige des contacts fréquents, de visu, pour créer la confiance», souligne Michel Buysschaert, CEO de Delen Private Bank. «Un bon chargé de relations doit avoir une passion pour la connexion avec son client, bien au-delà de son portefeuille», résume-t-il. C’est pourquoi les private bankers ont en général un portefeuille limité à 100 ou 150 relations familiales. «Il faut pouvoir leur accorder du temps, les voir régulièrement. Deux à trois fois par an, pour conserver le lien. Ou à la demande, pour ceux qui sont plus stressés», confie Isabelle Simon.

Lorsqu’une relation de confiance s’instaure, vu les enjeux, c’est souvent parti pour des décennies, sur plusieurs générations. Isabelle Simon évoque ainsi spontanément «ses familles», ce qui donne la mesure de son a achement et de la profondeur du lien qu’elle a établi avec elles. «La principale préoccupation des clients, ce sont leurs enfants et la transmission du patrimoine aux enfants.»

Les performances, sources de tension

Les principales sources de stress et de questions sont les conditions de marché et les performances. «Le client auquel on demande ‘comment allez-vous’? vous ’répondra toujours ‘Cela dépend de vous (comprenez, des résultats du rapport de gestion)… », observe Rémy Dercq.

La majorité des clients veut éviter les tracas quotidiens de la gestion de son patrimoine. Elle délègue. L’ancienne génération est tout à fait dans cet état d’esprit. Chez Nagelmaekers le «dicton de la page 4» est célèbre. «90 à 95% des clients s’arrêtent à la page 4 du rapport de rendement de leur portefeuille. Ils se limitent au résultat, les détails ne les intéressent pas. Notre rôle est d’aller au-delà, donner un explicatif rationnel sur le contexte, les raisons pour lesquelles on a a eint ce résultat et de faire des projections à l’horizon de trois, six et douze mois.

Pour qu’ils puissent se projeter et réagir de la façon la moins épidermique possible le jour où ils seraient confrontés à un épisode compliqué», explique Michael Harris. «Lorsque les marchés sont contraires, il est indispensable d’être proactif. Il n’y a rien de pire, pour le client, que de découvrir son relevé de portefeuille à la fin du trimestre, de constater que les marchés ont baissé et qu’entretemps, il n’a eu aucun contact», estime Isabelle Simon.

La mauvaise appréciation du profil d’investisseur est un autre grand classique. Définir un horizon de placement et une sensibilité au risque, cela reste très théorique. Lorsque le risque se matérialise, perdre effectivement 10 ou 20%, pour certains, c’est insoutenable et provoque des réactions irrationnelles. Dans ces circonstances, le mot d’ordre est de tenir un discours positif et de recadrer. «Un contexte négatif peut aussi être source d’opportunités. Et que représentent quelques mois ou une année de volatilité dans la vie d’un portefeuille d’investissement», suggère Michael Harris. «L’objectif étant de démontrer que les options qui ont été prises initialement restent d’actualité. Et que même si les circonstances de marché ont évolué, il ne faut pas tout reme re en cause, pour autant que la logique de base ait été bien définie».

Le plus frustrant? Les clients qui prennent la

«Un bon chargé de relations doit avoir une passion pour la connexion avec son client, bien au-delà de son portefeuille.»

MICHEL BUYSSCHAERT CEO DE DELEN PRIVATE BANK

mauvaise décision, malgré les explications et les mises en garde, et qui, ensuite, se plaignent qu’on ne les a pas suffisamment prévenus ou empêchés de vendre. «On ne peut forcer un client à rester dans une situation qui le stresse». Si cela suscite un ressentiment ou de la frustration, s’il faut trouver un «responsable», il vaut mieux alors changer de private banker.

Scénarios familiaux

Pour Rémy Dercq, le plus complexe à gérer, cela reste les scénarios familiaux. «Par exemple, lorsqu’au sein d’une famille, le patrimoine a été tabou, qu’on n’en a jamais parlé et que les enfants découvrent subitement, lors d’un décès, l’existence d’une somme d’argent importante». Ou des épisodes malheureux comme une séparation, un accident de santé, un enfant handicapé qui conduisent à repenser complètement les choses.

L’entrepreneur, client atypique

L’entrepreneur est un client un peu atypique, observe Rémy Dercq. «Pour celui qui a créé et développé sa société, qui s’y est investi corps et âme et en maîtrisait tous les leviers, le fait de vendre, puis de déléguer la gestion de ce patrimoine est traumatisant. Il aura le sentiment désagréable de perdre le contrôle, il devra apprendre à faire confiance à d’autres, découvrir des concepts et un vocabulaire qu’il ne maîtrise pas». L’entrepreneur n’aura absolument pas la même a itude ni les mêmes besoins qu’une famille industrielle traditionnelle, qui exerce son activité depuis des générations. Ces gens-là ont l’habitude d’avoir du patrimoine, de le gérer et feront plus aisément le gros dos, lorsque la situation est compliquée».

Les jeunes sont très sélectifs

Les jeunes font partie des clients qui nécessitent le plus d’a ention et de suivi. Ils sont souvent très impliqués et regardants sur une série de points relatifs à l’idéologie de l’investissement. Privilégiant une approche qualitative, ils vont scruter de près les critères de durabilité, étudier la structure des coûts, chercher à comprendre les mécanismes et les outils utilisés. «On peut investir dans le contact avec ces jeunes clients, mais la clé, c’est que la solution d’investissement qu’on propose leur convienne. L’ancienne génération, elle, se laissera davantage porter et sera plus sensible au contact personnel», conclut Michael Harris.

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