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Quand Puilaetco sortira-t-elle de ses starting-blocks luxembourgeois?

La maison mère luxembourgeoise de Puilaetco, Quintet, a récemment annoncé une nouvelle restructuration de sa banque privée belge. Une annonce qui émerge alors que ces dernières années, de nombreux gestionnaires de fonds et stratèges ont qui é le groupe. Mais si l’on en croit Puilaetco, cela ne remet pas en question ses ambitions de croissance: «Nous sommes au contraire des précurseurs».

Il y a au moins une chose dont les collaborateurs de Puilaetco ne devraient pas s’inquiéter. Lorsque la banque privée s’installera, à la fin du mois de mai, dans le bâtiment iconique de la Royale Belge à Watermael-Boitsfort, à un kilomètre de ses bureaux actuels, ses voisins pourront lui prêter main-forte. Car dans le bâtiment de l’Avenue Hermann-Debroux, où le quartier général de Puilaetco est encore installé, se trouvent également l’European Elevator Association ainsi que l’European Lift Association, deux sociétés de lobbying pour qui le déménagement de mobilier et d’équipements de bureaux n’a plus aucun secret. Il y a deux ans, lorsque Puilaetco a annoncé son déménagement pour investir l’ancien siège de la Royale Belge –aujourd’hui «Le Souverain 25» – sa patronne, Ludivine Pilate, avait laissé entendre que ce e installation s’inscrivait dans l’image de dynamisme que la banque souhaitait refléter. Puilaetco, un groupe dont les origines remontent au milieu du XIXe siècle, essaie en effet, depuis plusieurs années, de se doter d’une nouvelle image. Il y a trois ans, la banque a abandonné l’appellation «Dewaay». Ludivine Pilate n’a pas caché qu’elle souhaitait également s’adresser à un public plus jeune, avec une gamme de produits adaptée et un nouveau réseau d’agences. Le déménagement à Watermael-Boitsfort devrait être l’aboutissement de ce e transformation. Pour développer sa présence sur le marché belge de la banque privée, Puilaetco dispose d’un autre atout. Depuis 2004, la banque fait partie du groupe luxembourgeois Quintet, l’ancienne KBL European Private Bankers, contrôlée par le fonds qatari Precision Capital. L’informatique et le réseau international de Quintet, actif dans six pays, doivent servir de catalyseurs à la croissance de Puilaetco, entièrement supervisée depuis trois ans par les autorités de contrôle financier luxembourgeoises. Malgré ce e opération de lifting, Puilaetco – qui comptabilise 11 milliards d’euros d’actifs sous gestion – est restée quelque peu à la traîne dans le classement des plus grandes banques privées du pays. Même si notre dernière enquête (octobre 2022) a révélé que les turbulences boursières de l’année dernière avaient eu moins d’impact sur les actifs gérés par Puilaetco que sur ceux de plusieurs de ses concurrents.

La maison mère Quintet est en pleine restructuration. En février, elle a annoncé qu’elle souhaitait supprimer 165 postes (sur un total de 2.000) pour augmenter son efficacité et renforcer la collaboration entre les différentes filiales. Pour Puilaetco, l’impact de ce e mesure devrait être plutôt limité. La banque privée belge compte aujourd’hui 179 collaborateurs. «Seuls quelques postes devraient disparaître, mais aucun licenciement sec n’est prévu. Cela se fera naturellement via des départs à la retraite et des départs volontaires», nous dit-on.

Des clients chevronnés

La restructuration devrait toucher toutes les entités de Quintet. «Au sein du groupe, nous sommes précurseurs sur de nombreux plans, notamment grâce à nos excellents résultats», explique Georges Nédée, responsable «Client Solutions» et membre du Comité de direction de Puilaetco. Non pas que la banque ait eu des mois faciles, poursuit Georges Nédée. «À l’instar de nos concurrents, les turbulences sur les marchés financiers ont eu un impact sur nos actifs sous gestion. Heureusement, de nombreux clients sont des investisseurs chevronnés et n’ont pas paniqué.»

Au même moment, la banque a profité d’une autre bonne nouvelle. «La nouvelle politique de taux de la Banque Centrale européenne (BCE) nous a donné un énorme coup de pouce, car nous avons d’importantes liquidités inscrites à notre bilan», explique Georges Nédée. La décision de la BCE de resserrer sa politique monétaire n’est pas arrivée trop tôt. Tout comme d’autres banques privées, Puilaetco a vu ses revenus d’intérêts se réduire d’année en année, tandis que les lourds investissements dans la nouvelle stratégie, la digitalisation et la mise en conformité de la banque avec les nouvelles réglementations ont pesé sur les résultats. Selon les dernières données disponibles, Puilaetco affichait une perte de 479.000 euros en 2019, la dernière année avant que le groupe ne soit placé sous supervision luxembourgeoise. Mais si l’on en croit Georges Nédée, Puilaetco a toujours été rentable sur le plan opérationnel – c’est-à-dire sans tenir compte des évènements exceptionnels – et ce e rentabilité s’est même améliorée l’an dernier, grâce à la hausse des taux d’intérêt, mais aussi à l’introduction d’un nouveau mix de produits et à un strict contrôle des coûts. «Il y a quelques années, notre ratio coûts/revenus était encore de 90. Aujourd’hui, il se situe aux alentours de 60, avant prise en compte des coûts du groupe.» Selon Georges Nédée, ces résultats ont pu être a eints, non pas à coup de lourdes restructurations, mais parce qu’une partie des tâches administratives est déléguée à la maison mère luxembourgeoise, ce qui permet à Puilaetco de se concentrer sur les aspects commerciaux de son métier. Au même moment, l’offre de services a été simplifiée, ce qui a également réduit les coûts. «Il y a huit ans, au moment du rachat d’UBS Belgique, de nombreux clients de ce e banque ont opté pour la gestion-conseil. Entre-temps, nous avons pu convaincre une grande partie d’entre eux de se tourner vers la gestion discrétionnaire.» Pour rappel, dans le cadre de la gestion discrétionnaire, les clients délèguent à la banque la totalité de la gestion de leur portefeuille. Ce e méthode de travail est généralement moins chère pour les banques que la gestion-conseil.

La maison mère Quintet est en pleine restructuration. En février, elle a annoncé qu’elle souhaitait supprimer 165 postes sur un total de 2.000.

Une volière?

Cependant, tout le monde n’est pas d’accord avec ce e grille de lecture. Il y a deux ans, Frank Vranken, Chief Strategist et Chief Investment Officer, a qui é la banque. L’été dernier, quatre gestionnaires de fonds lui ont emboîté le pas parce qu’ils ne se retrouvaient plus dans la nouvelle stratégie de la banque.

«Depuis que Puilaetco a été absorbée par Quintet, elle est devenue une volière», explique une source qui préfère rester anonyme. «De nombreux collaborateurs sont partis parce qu’ils ne reconnaissaient plus leur banque. En outre, la mayonnaise ne semble pas avoir pris entre les différentes filiales du groupe Quintet. Les Qataris se sont rendu compte que les banques européennes qu’ils avaient rachetées avaient du mal à augmenter leur part de marché. Leur souhait de vendre Quintet n’est d’ailleurs qu’un secret de Polichinelle. Mais les candidats au rachat ne semblent pas se bousculer au portillon.» Le directeur de Puilaetco a déjà entendu ces bruits de couloirs. «Nous ne pouvons jamais exclure que le groupe soit vendu, mais nous bénéficions d’un engagement sans faille de notre actionnaire. Ces dix dernières années, il a d’ailleurs prouvé sa confiance dans le groupe. C’est un fait que plusieurs collaborateurs ont qui é Puilaetco, mais le turnover de nos employés n’est pas très différent de celui des autres acteurs du secteur. Le nombre de nos employés est resté stable par rapport aux années précédentes. Plusieurs personnes – pour la plupart des ‘généralistes’ – sont parties à la suite de l’intégration opérationnelle de Puilaetco dans le groupe Quintet.»

«La nouvelle politique de taux de la Banque Centrale européenne (BCE) nous a donné un énorme coup de pouce, car nous avons d’importantes liquidités inscrites à notre bilan.»

GEORGES NÉDÉE MEMBRE DU COMITÉ DE DIRECTION DE PUILAETCO

«Alors qu’auparavant Puilaetco se concentrait principalement sur la gestion d’actifs financiers, nous sommes aujourd’hui davantage un acteur qui accompagne ses clients dans la gestion de leur patrimoine», poursuit Georges Nédée. «L’an dernier, nous avons conclu un accord de collaboration avec la fintech belge Abbove, spécialisée en gestion patrimoniale. Nous nous intéressons également à l’immobilier, aux assurances, aux investissements dans l’art, etc. Des secteurs pour lesquels il faut disposer d’une expertise dans divers sous-domaines.» D’après Georges Nédée, la dernière réorganisation chez Quintet ne devrait pas freiner la croissance de Puilaetco. «Nous sommes en train d’accélérer notre croissance organique, notamment parce que nous avons aussi commencé à proposer des services à des clients institutionnels», explique le manager. «Nous cherchons activement des partenariats qui devraient nous aider à augmenter notre part de marché. Il peut s’agir d’une société fintech comme Abbove, mais aussi d’un assureur ou d’une société de private equity.»

La question de savoir si la banque poursuivra sa stratégie de croissance sous le nom Puilaetco reste sans réponse. Un changement de nom ne peut être exclu. «À court terme, nous n’avons aucun projet de changement de nom», explique Georges Nédée. «Nous voulons passer à la vitesse supérieure, en particulier en Flandre, où nous sommes en deçà de notre potentiel. C’est pourquoi nous réfléchissons aujourd’hui à une façon de nous positionner sur ce marché. Mais nous ne voulons pas perdre de vue notre histoire et la place que nous occupons sur le marché belge.»

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