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Après la tempête de la hausse des taux, les banques privées misent sur les obligations

La hausse des taux d’intérêt a affecté les portefeuilles des clients des banques privées. Dans la poche obligataire, les dégâts ont été limités grâce à des stratégies visant à réduire la sensibilité aux taux. Depuis la fin de l’année dernière, les gestionnaires augmentent l’exposition des portefeuilles aux obligations parce qu’ils sont convaincus

Les clients des banques privées n’ont pas échappé à la très mauvaise année boursière 2022. Les gestionnaires de portefeuille le reconnaissent: il était très difficile, voire impossible, d’éviter des pertes. «Pour la première fois en plus de 40 ans, les taux d’intérêt ont fortement augmenté, faisant chuter la valeur des obligations. Il était dès lors inévitable que les portefeuilles d’obligations soient impactés», reconnaissent Nicolas Sopel, senior macro strategist chez Quintet, et Marc Eeckhout, senior portfolio manager chez Puilaetco, la filiale belge du groupe luxembourgeois. «Les investisseurs en actions ont également été impactés, les actions devenant relativement moins a rayantes par rapport aux actifs moins risqués. En dehors du secteur de l’énergie, de l’or et du dollar américain, aucune classe d’actifs n’a généré des rendements positifs. Il n’y avait pas de refuge possible.» «Le fait de voir les marchés d’actions et d’obligations chuter de manière concomitante est un phénomène qui ne s’était produit qu’à trois reprises depuis les années 1920!», souligne Geoffroy Vermeire, managing director de Lombard Odier Belgique. «Il est particulièrement frappant de constater que les portefeuilles conservateurs privilégiant les obligations se sont effondrés autant que les portefeuilles plus équilibrés ou plus exposés aux actions.»

Clients inquiets

La déroute des obligations, actifs financiers censés être défensifs, a inquiété les clients les plus réticents à la prise de risque dans la gestion de leur patrimoine. «Beaucoup de clients se sont évidemment inquiétés de la soudaine hausse des taux», confie Jérôme van der Bruggen, chief investment officer chez Degroof Petercam. «Nous avons été très souvent sur le pont pour l’expliquer et nous continuons à le faire aujourd’hui, car l’inflation, qui a provoqué ce mouvement des taux, n’est pas derrière nous.»

«Le caractère exceptionnel de l’ampleur et de la rapidité de la hausse des taux a inévitablement suscité des inquiétudes chez certains de nos clients, d’autant plus qu’elle s’est produite dans un contexte de grande incertitude liée notamment à la guerre en Ukraine», précise David Schmidt, managing director de Banque de Luxembourg Belgium. «Cela nous a incité à communiquer davantage afin de rassurer nos clients.» «Nous n’avons pas dû essuyer de reproches particuliers, mais plus dédramatiser une mauvaise surprise de taille pour les détenteurs de portefeuilles plus défensifs», explique Geoffroy Vermeire (Lombard Odier Belgique). «L’effort de vulgarisation et de mise en perspective historique était important.»

Les pertes sur les obligations ont été limitées grâce à des stratégies visant à limiter la sensibilité aux taux. «La forte hausse des taux d’intérêt a eu un impact sur la valorisation des portefeuilles de nos clients investis dans nos mandats de gestion les plus défensifs, mais fort heureusement, leurs portefeuilles étaient très largement sous-pondérés en obligations depuis bien avant l’année 2022», indique David Schmidt (Banque de Luxembourg Belgium). «Ce e sous-pondération obligataire a été compensée par des investissements dans les stratégies alternatives, l’or et les liquidités.»

«Nous redoutions depuis longtemps une augmentation des taux», explique Jérôme van der Bruggen (Degroof Petercam). «Depuis au moins cinq ans, nos portefeuilles étaient donc gérés avec des sensibilités aux taux sensiblement inférieures à celles des indices traditionnels qui suivent les marchés obligataires. Ça ne veut pas dire que les portefeuilles des clients n’ont pas du tout souffert, mais ce e prudence les a bien protégés. Avant 2022, ce e stratégie nous a coûté: la poche obligataire de nos portefeuilles équilibrés performait moins bien que les indices obligataires. Mais ces derniers mois, ce e approche prudente a été récompensée, car les portefeuilles ont moins souffert.»

Retour vers les obligations

Les banques privées ont aussi cherché à limiter la casse côté actions. «La hausse des taux a eu un effet négatif sur la performance des actions en 2022, ce qui nous a obligés à adapter notre stratégie de gestion», signale Guillaume Duchesne, responsable de la gestion chez Banque Transatlantique Belgium. «Pour faire face à ce changement de paradigme, nous avons, très rapidement, protégé les portefeuilles de nos clients en réduisant l’exposition aux actions et en augmentant le cash.»

Après le gros de la tempête marquée par la forte progression des taux d’intérêt l’an dernier, les gestionnaires de portefeuilles ont commencé à s’intéresser à nouveau aux obligations. «Nous avons, début 2023, profité de la remontée des taux, en augmentant notre allocation d’actifs vers les obligations de grande qualité, telles que les obligations souveraines», disent Nicolas Sopel et Marc Eeckhout (Quintet/Puilaetco). «Même si les prix de ces obligations baissent sur le court terme, nous bénéficions de coupons élevés qui contribuent à la bonne tenue des performances de nos portefeuilles.»

«L’augmentation sensible des taux d’intérêt a considérablement amélioré le profil rendement/ risque des actifs obligataires», confirme David Schmidt (Banque de Luxembourg Belgium).

«Nous en avons profité pour repondérer progressivement les obligations au sein de la partie défensive des portefeuilles de nos clients en mandat de gestion.» «Depuis la fin de l’année 2022, nous avons commencé à investir à nouveau progressivement dans des éme eurs obligataires», confie Guillaume Duchesne (Banque Transatlantique Belgium). «Le contexte a évolué.

Les obligations sont à nouveau un actif a rayant. La hausse des taux est toujours en cours, mais une grande partie du chemin a été réalisée. La désinflation sera graduelle, mais est en place. Il y a des opportunités à saisir sur les marchés obligataires.» Mais «nous restons convaincus que les actions ont du potentiel et restent un bon investissement contre l’inflation dont, notamment, les titres qui offrent un rendement sur dividende intéressant», nuance-t-il.

Baisse de l’inflation a endue Jérôme van der Bruggen (Degroof Petercam) souligne quant à lui l’évolution fondamentale dans l’arbitrage entre actions et obligations: «Les rendements obligataires se retrouvent de nouveau au-dessus des rendements sur dividendes, surtout aux États-Unis, alors que pendant très longtemps, ça a été le contraire. Quand on est un allocateur d’actifs tel que nous, ça change la donne et il faut agir. Après avoir été sous-pondérés en obligations, nous avons racheté des obligations dans les portefeuilles et nous avons augmenté légèrement leur sensibilité aux taux pour bénéficier de ce changement. Nous partons du principe que le combat contre l’inflation sera mené à bien. La réaction des banques centrales a été rapide et virulente.»

Geoffroy Vermeire (Lombard Odier Belgique) abonde en ce sens: «Nous anticipons une décélération de ce e inflation lors des prochains trimestres. Dans ce contexte, nous continuons de privilégier les obligations de haute qualité et maintenons notre positionnement sur le crédit de qualité, compte tenu de son rendement toujours a ractif.»

Malgré la chute boursière de 2022, les clients

«Les rendements obligataires se retrouvent au-dessus des rendements sur dividendes alors que pendant très longtemps, ça a été le contraire. Quand on est un allocateur d’actifs tel que nous, ça change la donne et il faut agir.» des banques privées semblent rester disposés à investir dans des actifs risqués. «Nous avons sondé l’intérêt de nos clients sur leur a itude par rapport à la prise de risque en 2023», indiquent Nicolas Sopel et Marc Eeckhout (Quintet/ Puilaetco). «Le résultat fut quelque peu surprenant dans le sens où nos clients ne sont pas apparus réticents à la prise de risque, par exemple, en souhaitant rester exposés aux actifs plus risqués tels que les actions. Nous en détenons bien évidemment toujours dans nos portefeuilles diversifiés. Mais en ce début d’année, nous estimons que les obligations de qualité, souveraines notamment, marquent leur grand retour, en offrant notamment une diversification et une protection, ce qu’elles n’ont pas pu faire en 2022.»

Pour les clients des banques privées, l’autre avantage de la hausse des taux est que les liquidités sont à nouveau rémunérées, après des années des taux d’intérêt négatifs. «Nous n’avons pas appliqué d’intérêts négatifs sur les dépôts de nos clients, bien que ce cash nous coûtait relativement cher», assure Guillaume Duchesne (Banque Transatlantique Belgium). Mais «aujourd’hui, la situation est très différente puisque nous sommes en mesure de rémunérer les liquidités de nos clients, que les dépôts à terme ont retrouvé de l’intérêt et que les sicav monétaires sont à présent en territoire positif. Nous investissons dans ce type de produits en a endant des opportunités en actions et en obligations.»

Et des opportunités, les gestionnaires de portefeuilles des banques privées sont tous d’accord pour affirmer qu’il y en aura dans les prochains mois.

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