The Private Banker (printemps 2024)

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“L’immobilier durable est récompensé” Carl Pauli La durabilité devient un thème majeur dans le monde de l’immobilier. Si vous ratez le train de l’ESG, vous risquez de rester désespérément à la traîne.

printemps 2024

THE

PRIVATE BANKER


Édito

Chers membres de la PBA-B, Tout d'abord, je vous souhaite une nouvelle année pleine de santé, de prospérité et d'inspiration. Que 2024 regorge d'expériences inoubliables, sur le plan tant privé que professionnel. À l'approche de la nouvelle année, nous envisageons tous avec enthousiasme les défis qui nous attendent. Pour ce nouveau numéro de notre magazine The Private Banker, nous avons choisi l'immobilier comme thème central. Afin d’examiner de plus près cet élément majeur du portefeuille de nombreux investisseurs, nous vous proposons ici divers outils et conseils, qu'il s'agisse d'investir dans l'immobilier (étranger) ou d'explorer les dernières tendances du marché. Bien entendu, nous abordons également l'un des défis les plus importants auxquels le monde de l'immobilier est confronté: la durabilité. Par ailleurs, j'ai le plaisir et l'honneur de vous informer que Jean Sonneville me succédera au poste de secrétaire général de la PBA-B à partir de l'assemblée générale de mai 2024. Précédemment CEO de Société Générale Private Banking en Belgique, Jean Sonneville nous fera bénéficier de sa riche expérience et de ses vastes connaissances. Et afin d’inaugurer dignement cette nouvelle periode, nous invitons tous nos membres à la deuxième édition de notre barbecue de printemps au Chalet Robinson, à Bruxelles, le jeudi 20 juin au soir.

Sommaire

Bonne lecture!

04 “Un peu de certitude ferait Peter Van der Smissen Secrétaire général de la PBA-B

du bien au secteur de l’immobilier”

Table ronde - Benoît Chauvin, Stefaan Demeijer et Kris Liesse

Ours The Private Banker est le magazine trimestriel des membres de la Private Bankers Association - Belgium. Rédacteur en chef et éditeur responsable: Peter Van der Smissen Rédaction: Content Republic https://trustmedia.be/services Numéro 9: janvier 2024 Crédit photo: Frank Toussaint Prix par numéro pour les non-membres: 10€

07 Envie d’investir dans

l’immobilier? Plusieurs options s’offrent à vous Interview - René Clerix


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08 “Soyez vigilant si vous

appliquez la taxation belge à l’immobilier étranger” Interview - Dieter Vanneste et Wim Vermeulen

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“L’immobilier durable est récompensé” Interview - Carl Pauli

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“Chaque banque a sa stratégie” Un ancien élève sous le feu des projecteurs: Alessandro Cicconi

Agenda Lundi 19 février (14h)

Webinaire: Cayman tax 2.1: Aperçu général et accent particulier sur la question: quand un OPC est-il un fonds dédié, et quelles en sont les conséquences? Par Christophe Coudron (Tiberghien)

Mardi 12 mars (14h)

Webinaire: Green premiums and brown discounts, how sustainability is creating winners and losers in real estate. Par Carl Pauli, Real Estate Analyst chez Degroof Petercam Asset Management

Mercredi 17 avril (journée complète)

Masterclass sur la fiscalité des fonds d’investissement par PierreOlivier van Caubergh, associé chez Arteo

Mercredi 29 mai

Assemblée générale de la Private Bankers Association – Belgium (PBA-B)

Jeudi 20 juin (18h)

BBQ de printemps au Chalet Robinson, au cœur du bois de la Cambre à Bruxelles

Lundi 24 juin

Publication de la dixième édition édition de The Private Banker


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Private Bankers Association

TABLE R ON DE

“Un peu de certitude ferait

au secteur de l’immobilier” du bien

Les spécialistes de l’immobilier ne possèdent pas de boule de cristal, mais cela n’empêche pas les experts assis autour de notre table de mettre en lumière quelques solides tendances actuelles. Songez à la hausse des prix de l’immobilier, à la surchauffe du marché locatif et aux méthodes alternatives pour acheter un bien. Sans oublier, bien entendu, le développement durable.

Qu’en est-il de la valeur des biens immobiliers? Les prix vont-ils continuer à augmenter? Stefan Demeijer (Immoscoop): “Voici deux ans, en pleine période de pandémie, le marché de l’immobilier était en surchauffe. Les habitations de qualité trouvent encore facilement acquéreur, mais celles dont les performances énergétiques sont mauvaises exigent deux ou trois fois plus de temps pour être vendues. La différence se creuse entre les biens de qualité et les autres. Le marché semble ralentir mais, en réalité, il se normalise par rapport à ce qu’il était il y a cinq ans. Sur notre plateforme, nous voyons clairement où se situe l’intérêt des candidats acquéreurs.” “Pour prédire la valeur d’un bien sur la durée, il vaut mieux faire un exercice de segmentation, car il existe de grandes disparités régionales. Si les taux ne baisseront pas soudainement en 2024, ils ne monteront pas non plus en flèche. Il est difficile de prétendre que le marché de l’immobilier est plus favorable à l’acquéreur, mais il ralentit, et les candidats à l’achat nourrissent des exigences plus spécifiques.” Kris Liesse (ING): “Le marché belge de l’immobilier est stable. Plus de 70% de nos compatriotes possèdent leur propre logement. Depuis 1990, nous avons uniquement connu deux années de baisse des prix, contre 15 dans certains pays. Et lorsque les prix baissent en Belgique, il s’agit d’un faible pourcentage. Cette stabilité est un point positif majeur. Ceci dit, l’écart entre les biens durables et non durables va se creuser. À l’avenir, il sera plus difficile de reproduire ce que l’immobilier apportait aux propriétaires: battre l’inflation et offrir des rendements supérieurs.” Benoît Chauvin (Matexi): “Nous nous dirigeons vers un marché à deux vitesses. Nous notons des progrès dans l’immobilier peu énergivore et de qualité. Si les prix

“À l’avenir, il sera plus difficile de reproduire ce que l’immobilier apportait aux propriétaires: battre l’inflation et offrir des rendements supérieurs.” Kris Liesse Head of Real Estate Finance Business Banking, ING baissent, ce sera surtout du côté des habitations moins bien isolées. Cela s’explique par les incitants publics pour les labels énergétiques.” Liesse: “Nous observons également que la capacité d’emprunt des candidats acheteurs a baissé de 20%. La part des revenus nécessaire pour rembourser un emprunt moyen est passée de 19 à 25% pour un appartement, et de 25 à 35% pour une maison. Dans le segment du neuf, les coûts des matières premières et les salaires ont augmenté. Le nombre de candidats acheteurs d’une première habitation est en train de fondre.” Demeijer: “Les chiffres de Statbel confirment cela: le nombre de transactions a baissé de 30% en un an.” Chauvin: “Le nombre de ménages s’accroît chaque année. L’investissement dans l’immobilier reste fortement tributaire de la demande. Malgré la baisse de leur capacité d’emprunt, les Belges continuent à vouloir

acheter leur logement. Le report n’est que temporaire. Nous remarquons aussi qu’ils manquent régulièrement de capitaux propres. Les gens disposent certes d’un bon revenu, mais ils reçoivent moins de capitaux de leurs parents parce que ceuxci doivent eux-mêmes prendre en charge leurs parents vieillissants. Par conséquent, les enfants partent de rien. Ils accordent aussi moins d’importance à l’épargne que les générations précédentes et préfèrent profiter de la vie, comme partir en city-trip, aller skier ou s’offrir le dernier iPhone.”

Il existe d’autres moyens d’acheter de l’immobilier, dont la location avec option d’achat… Liesse: “Cette tendance s’inscrit dans ce que nous venons de dire à propos de l’épargne. Dans ce cas, vous louez un bien pendant une période donnée, et une partie des loyers vous est remboursée au moment où vous achetez le bien. Entre-temps, vous avez pu dépenser cet argent pour d’autres choses, mais vous réussissez plus facilement à réunir le capital nécessaire pour souscrire un emprunt hypothécaire.” Chauvin: “Matexi a lancé HappyNest en juin 2023. Il s’agit d’une solution de location-achat en collaboration avec BNP Paribas Fortis. Cela aide à franchir la barrière psychologique qui veut que le loyer soit considéré comme de l’argent perdu.” Liesse: “Si le nombre de biens de ce type demeure limité en Belgique, on voit naître de nouvelles initiatives. J’entends beaucoup de réactions positives des candidats acheteurs qui s’inscrivent sur la liste d’attente.” Chauvin: “Voici 18 ou 20 mois, tout le monde voulait acheter. Les choses ont changé, mais on ne peut parler de séisme. Le marché de la location se développe relativement vite, car l’offre à la location de biens de qualité et peu énergivores ne


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Kris Liesse, Stefan Demeijer et Benoît Chauvin

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TABLE R ON DE

“Les candidats acheteurs accordent moins d’importance à l’épargne que les générations précédentes, et préfèrent profiter de la vie.” Benoît Chauvin Manager Business Portfolio Invest, Matexi

jours pour trouver un locataire, contre 80 jours début 2022. Beaucoup de ménages souhaitent louer parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter ou parce qu’ils savent qu’ils ne trouveront jamais un bien d’une taille qui leur convienne sur le marché. Ceci étant dit, les loyers augmentent aussi sensiblement. On peut se demander si les pouvoirs publics interviendront dans le cas où les ménages ne trouvent plus de biens à louer ou à acheter à un prix acceptable. Je conseille à ceux qui désirent investir dans l’immobilier de ne pas considérer la situation actuelle comme normale ou de penser qu’elle est là pour durer.”

“Il y a deux ans, le marché de l’achat d’immobilier était en surchauffe. Aujourd’hui, c’est le cas du marché locatif.” Stefan Demeijer CEO, Immoscoop

parvient pas à suivre la demande. Pour finir, les Belges veulent toujours être propriétaires de leur maison ou appartement.” Demeijer: “Il y a deux ans, le marché de l’achat était en surchauffe; aujourd’hui, c’est le cas du marché locatif. Le nombre de personnes qui prennent contact via notre plateforme pour visiter des biens mis en location continue d’augmenter fortement. En Flandre, un appartement de taille moyenne a désormais besoin de 30

Investir dans l’immobilier destiné à la location reste-t-il intéressant pour les particuliers? Les revenus ne sont pas taxés, mais les pouvoirs publics ont l’intention de changer les choses. Chauvin: “Il s’agit d’une énième tentative, et nous espérons que cela n’arrivera pas. Les bailleurs particuliers disposent d’un pouvoir de fixation des prix parce que la demande de biens à louer est forte. Alors, que feront-ils de cette taxe? Ils la répercuteront sur les loyers. Finalement, c’est le locataire qui sera le dindon de la farce. C’est toujours porteur de cibler ceux qui ont de l’argent mais, en définitive, ce sont les personnes qui se trouvent au bout de la chaîne qui paient la facture.” Liesse: “Un peu de certitude ferait du bien au secteur. La fiscalité n’est plus un incitant. Prenez le taux de 6% pour la démolition et la reconstruction, qui est supposé lutter contre les chancres urbains. C’était un bon système pour les utilisateurs finaux et les investisseurs.” Chauvin: “La fiscalité n’est pas toujours utilisée à bon escient. Si vous voulez installer une pompe à chaleur dans une nouvelle construction, vous payez une TVA de

21%, alors que vous ne paierez que 6% si vous optez pour une chaudière à pellets dans une habitation ancienne. En tant que promoteur, c’est difficile à comprendre. La reconversion devra venir de l’immobilier obsolète des villes.” Demeijer: “S’il n’est pas possible de tout contrôler, les pouvoirs publics pourraient au moins faire en sorte d’éviter les excès. En créant des conditions favorables pour les investisseurs qui souhaitent travailler à long terme et dans la stabilité, ils auraient plus de chances de développer un marché sain. L’instabilité provoquée par les interventions des pouvoirs publics est destructrice.”

Une autre tendance que l’on ne peut ignorer est celle du développement durable. Chauvin: “Avec la fiscalité européenne, il ne fera que monter en puissance. Le développement durable ne concerne pas uniquement l’énergie verte, mais aussi l’accessibilité, par exemple, comme le concept de ‘ville du quart d’heure’, où tout doit être accessible à pied ou à vélo en moins de 15 minutes. La durabilité se trouve tout en haut de la liste des critères des investisseurs et des banques.” Liesse: “D’ici à 2050, toutes les banques devront être neutres en carbone. Il devient essentiel pour les investisseurs d’obtenir dès à présent le label A de performance énergétique.” Demeijer: “En Flandre, une habitation devrait être rénovée toutes les 11 minutes si nous voulions respecter les normes. C’est impressionnant. Les pouvoirs publics exerceront probablement une très forte pression sur les propriétaires – professionnels ou particuliers – afin qu’ils procèdent aux travaux de rénovation.”


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ÉPAR G N ER E T IN V E ST IR

Envie d’investir dans l’immobilier?

Plusieurs options s’offrent à vous Il existe plusieurs manières d’investir dans l’immobilier: directement, en achetant un bien pour le mettre ensuite en location, ou indirectement, via des fonds. René Clerix (Candriam) passe en revue les avantages et les inconvénients de ces deux solutions. La façon la plus simple d’investir dans l’immobilier consiste à acheter un bien. “Vous devez cependant débourser une somme importante au moment de l’achat, en particulier s’il s’agit d’un immeuble de bureaux”, pointe René Clerix, Head of Institutional Equity Portfolio Management chez Candriam. “En outre, vous devez vous charger de la gestion, du suivi et des travaux de rénovation ou d’entretien. Et en cas de vide locatif, vous devez trouver de nouveaux locataires. Vous pouvez confier cette tâche à une agence immobilière, mais cela génère des coûts.”

Diversification Une façon indirecte d’investir dans l’immobilier consiste à placer son argent dans un fonds. Il n’est pas nécessaire de disposer de vastes montants, et le fonds vous garantit un niveau élevé de diversification. “Les fonds sont spécialisés dans certains segments, par exemple le commerce de détail ou les bureaux, voire dans plusieurs secteurs, et investissent en même temps dans plusieurs bâtiments”, éclaire René Clerix. “Les revenus locatifs proviennent dès lors de sources variées.”

La structure des fonds peut être optimisée d’un point de vue fiscal. Vous pouvez structurer vos biens immobiliers en les plaçant dans une société à vocation particulière (SPV, ou Special Purpose Vehicle) de façon à ce que les revenus soient considérés comme des loyers et non comme des dividendes. Enfin, vous ne devez pas vous occuper de la gestion, qui est effectuée par le gestionnaire du fonds.

dépendra du prix d’achat, des revenus locatifs, de la hausse des loyers et du prix de vente des biens. La réputation des gestionnaires joue ici un rôle majeur.”

Un des points négatifs de cette formule est la volatilité de la valeur des biens sousjacents. Les frais de gestion et autres coûts peuvent également peser sur le rendement.

Obligation d’information

Échéance fixe La plupart des fonds immobiliers ont une échéance fixe (sept ans, en général), avec la possibilité de prolonger de quelques années. “Après une période donnée, votre capital vous est remboursé avec une plus-value ou une moins-value en fonction de la stratégie de sortie du fonds”, souligne René Clerix. “La plupart du temps, un objectif de rendement de 8 ou 9% est fixé pour la durée totale. Mais vous n’avez aucune garantie que ce rendement soit atteint. Tout

Il existe aussi des fonds sans échéance, que l’on appelle open-end (fonds ouverts). “Le principal avantage est que vous pouvez sortir du fonds à tout moment, contrairement aux fonds closed-end.”

Une dernière méthode consiste à investir dans l’immobilier coté. “Dans ce cas, vous achetez une action du fonds ou d’une entreprise pour percevoir des revenus”, poursuit René Clerix. “L’immobilier coté offre aux investisseurs une liquidité immédiate. Il s’agit d’entreprises qui sont soit spécialisées dans un secteur spécifique, soit diversifiées dans plusieurs segments de l’immobilier. Elles ont une stratégie à long terme et peuvent dès lors faire croître leur portefeuille au fil du temps.” Avec, à la clé, un avantage fiscal supplémentaire: les sociétés immobilières qui bénéficient du statut de SIR (société immobilière réglementée) sont tenues de distribuer au moins 80% de leurs revenus sous la forme de dividendes. Et puisqu’elles sont cotées en Bourse, elles doivent respecter certaines obligations d’information. Leur inconvénient se situe dans la volatilité du marché: “L’impact de l’évolution des taux d’intérêt se fait plus rapidement sentir dans le cas de l’immobilier coté que dans celui des fonds immobiliers, par exemple”, conclut René Clerix. “Dans un contexte de hausse des taux, leur cours baisse plus rapidement que la valeur de leur portefeuille immobilier.”

“Le principal avantage est que vous pouvez sortir du fonds à tout moment.“ René Clerix Head of Institutional Equity Portfolio Management, Candriam


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FISC ALIT É

“Soyez vigilant si vous appliquez

la taxation belge à l’immobilier étranger” Ceux qui souhaitent acheter un bien immobilier à l’étranger doivent tenir compte d’un ensemble complexe de règles fiscales, en Belgique comme dans le pays où le bien est situé. Les choses sont souvent différentes hors de nos frontières. Et les droits de donation et de succession compliquent encore la situation. Dieter Vanneste (KBC) et Wim Vermeulen (Cazimir) partagent leurs conseils.

“La plupart des pays taxent les revenus locatifs des biens immobiliers à l’intérieur de leurs frontières, tandis que la Belgique taxe les revenus internationaux de ses résidents”, souligne d’emblée Wim Vermeulen, avocat chez Cazimir. “C’est pourquoi certains pays signent des conventions dites ‘de prévention de double imposition’, afin que les revenus étrangers des contribuables ne soient pas taxés deux fois.” La plupart des conventions préventives de double imposition ont été signées avec les pays où de nombreux Belges partent en vacances, comme l’Espagne, la France, les Pays-Bas et le Portugal. En Belgique, les revenus des biens immobiliers situés à l’étranger sont la plupart du temps exonérés d’impôt en vertu de la “clause de progression”. “Cela signifie que vous êtes exonéré en Belgique, mais que les revenus étrangers sont pris en compte pour déterminer le taux d’imposition des revenus belges”, précise Wim Vermeulen. “Dans la plupart des cas, cela se traduit par un effet ‘push-up’.” “Il arrive que la Belgique, en se fondant sur la convention préventive de double imposition, n’accorde l’exonération que si une taxe est effectivement payée à l’étranger”, embraie Dieter Vanneste, conseiller en fiscalité des entreprises chez KBC. “Cela pourrait par exemple poser des problèmes dans le cadre de la nouvelle convention avec la France pour les résidences secondaires qui ne sont pas louées.”

Payer deux fois Un point crucial porte sur l’affectation du bien. A-t-il été acheté en tant qu’investissement, pour un usage privé ou une combinaison des deux? “S’il s’agit d’un bien pour un usage privé, nous conseillons de l’acheter en tant que personne physique”, reprend Wim Vermeulen. “Dans de nombreux pays, les revenus locatifs réels et la plus-value réalisée lors de la revente sont taxés. Si vous achetez un bien via une société, cela peut avoir des conséquences doublement négatives.” Il cite l’exemple de l’administrateur d’une société belge, qui bénéficie gratuitement de l’usage d’un

“S’il s’agit d’un bien situé à l’étranger et destiné à un usage privé, nous conseillons de l’acheter en tant que personne physique.”’ Wim Vermeulen Avocat, Cazimir bien immobilier situé en France ou en Espagne: “En Belgique, cet avantage est considéré comme une partie de la rémunération, et vous êtes taxé. Vu que l’Espagne et la France ne constatent aucun paiement de loyer, la taxe sera fixée sur la base d’un loyer fictif.” Depuis plusieurs années, il n’est plus possible de déduire les frais liés au bien immobilier des résultats belges de la société. “Si votre investissement à l’étranger se soldait par une perte – autrement dit, si les frais dépassaient les revenus –, vous pouviez déduire cette perte de votre résultat en Belgique, ce qui était avantageux”, rappelle Dieter Vanneste. “Si vous voulez malgré tout acheter un bien via une société belge, il convient souvent de commencer par faire don des actions de la société aux enfants pour éviter d’éventuels droits de succession“, ajoute Wim Vermeulen. Ce dernier insiste au passage sur le fait que la plupart des candidats acheteurs d’un bien à l’étranger n’ont pas besoin d’un financement, alors qu’emprunter peut être intéressant aux plans financier et fiscal. “Dans de nombreux cas, nous suggérons de réaliser un plan de succession, en particulier si les enfants sont encore jeunes. Si vous comptez déménager au Portugal dans les sept ans, vous n’avez plus besoin de planification successorale, car aucuns droits de succession n’y sont dus sur les héritages en ligne directe. Dans ce cas, vous pouvez


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opter pour un crédit ‘bullet’. Un financement permet aussi parfois d’éviter l’impôt sur le patrimoine. Nous examinons surtout les choses d’un point de vue fiscal.”

Donner et hériter Les droits de donation et de succession sont encore plus complexes. Pour un héritage international, le risque de double imposition est réel. “En cas de décès, le patrimoine international des Belges est taxé”, prévient Dieter Vanneste. “Si vous possédez un bien immobilier en Espagne, vos héritiers seront également taxés en Belgique, mais ils bénéficieront d’un crédit d’impôt. S’ils paient des droits de succession en Espagne, ils pourront les déduire au prorata, mais le montant déductible ne pourra dépasser les droits de succession réglés en Belgique.” Wim Vermeulen cite un autre exemple simple et concret: “Après votre décès, vos biens immobiliers situés en France sont ajoutés à votre succession belge et, dans le pire des cas, vos héritiers en ligne directe devront payer 27% de droits de succession. Mais ils bénéficieront d’un crédit pour les montants payés en France. Si la taxe française est de 20%, vos héritiers ne devront payer que 7% en Belgique. Si les droits français sont de 40%, ils ne devront rien payer en Belgique, mais le surplus ne leur sera pas remboursé.”

En règle générale, l’expert de Cazimir conseille de convertir autant que possible les biens immobiliers détenus à l’étranger en biens mobiliers belges. “En matière de planification successorale, le traitement des biens mobiliers est beaucoup plus simple que celui des biens immobiliers. Si vous pouvez, d’une manière ou d’une autre, convertir de l’immobilier en biens mobiliers, le traitement fiscal sera plus facile et moins coûteux. C’est notamment possible en prêtant de l’argent aux enfants pour qu’ils achètent le bien à l’étranger.”

Achat scindé Une technique fréquemment utilisée en planification successorale est l’achat scindé. En d’autres termes, les enfants achètent la nue-propriété d’un bien immobilier, tandis que les parents acquièrent l’usufruit. Ces derniers ont donc le droit de jouir du bien et de le mettre en location. “Mais ce n’est pas possible dans tous les pays”, nuance Dieter Vanneste. “Et même lorsque c’est possible, les conséquences fiscales ne sont pas les mêmes partout. Au moment de votre décès, il se peut que vos héritiers doivent payer des droits de succession. Les règles ne sont pas forcément les mêmes en Belgique et à l’étranger. Si vous voulez acheter un bien hors de nos frontières et optimiser cet achat, il est essentiel d’examiner les avantages et les inconvénients pour les deux parties.”

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“Si vous voulez acheter un bien à l’étranger et optimiser cet achat, il est essentiel d’examiner les avantages et les inconvénients pour les deux parties.” Dieter Vanneste Conseiller fiscal en entreprise, KBC

Wim Vermeulen acquiesce: “On me demande souvent si l’achat scindé est possible en France, en Espagne ou en Allemagne. La réponse n’est pas toujours univoque. Ce qui est avantageux chez nous ne l’est pas nécessairement à l’étranger. Avant de donner un conseil, je vérifie avec un collègue étranger si telle ou telle technique demeure possible, car les législations évoluent en permanence.”


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D UR ABILIT É

“ L’immobilier durable est récompensé”

Le développement durable occupe une place de plus en plus centrale dans le secteur de l’immobilier. Les propriétaires qui ratent le train de l’ESG risquent de rester désespérément à la traîne. Carl Pauli, analyste chez Degroof Petercam Asset Management (DPAM) et spécialiste de l’immobilier, passe en revue les risques et les opportunités en la matière.

L’immobilier – secteur de la construction compris – représente 15% de l’économie mondiale, mais il est responsable de 40% des émissions de CO2. Or, l’Union européenne souhaite réduire ses émissions de 55% d’ici à 2030, et être neutre en carbone à l’horizon 2050. “Pour atteindre ces objectifs, il est logique de se concentrer sur le secteur immobilier”, estime Carl Pauli. “L’Union européenne a commencé par adopter la politique du bâton et de la carotte. La carotte consiste en une série de subsides en vue de rendre les bâtiments moins énergivores, tandis que le bâton comprend les réglementations exigeant une meilleure efficacité énergétique.”

Actifs abandonnés Ces exigences accrues pourraient-elles provoquer un autre type de risque, à savoir l’abandon de certains bâtiments? “Il s’agit de bâtiments obsolètes dont la rénovation n’a aucun sens d’un point de vue économique”, précise Carl Pauli. “Comme toujours, l’emplacement joue un rôle-clé dans le secteur immobilier. Un ancien immeuble de bureaux en périphérie ne vaut peutêtre pas la peine d’être rénové, contrairement à un bâtiment comparable situé dans un centre d’affaires bien connecté et très fréquenté.” En Europe, les bâtiments sont assez vétustes et affichent souvent de mauvaises performances énergétiques. “Entre 85 et

“À Londres, vous pouvez exiger un loyer supérieur de 14% si votre immeuble de bureaux affiche un score BREEAM Excellent.” Carl Pauli Analyste spécialisé en immobilier chez Degroof Petercam Asset Management

95% de ces bâtiments existeront encore en 2050. C’est pourquoi l’EU a lancé sa Renovation Wave, qui vise à doubler le taux de rénovation pour le faire passer à un niveau ambitieux de 3%.”

Gagnants et perdants Le renforcement des réglementations en matière de durabilité, associé au taux bas de rénovation, devrait générer des gagnants et des perdants: les bâtiments rénovés, future-proof, et ceux qui ne vaudront plus rien. “Longtemps, personne n’a su avec certitude si la valeur des bâtiments

durables serait supérieure ou s’ils généreraient des revenus locatifs plus élevés”, note Carl Pauli. “Cette tendance s’est clairement confirmée ces deux dernières années.” Ces caractéristiques de durabilité ne sont pas seulement mesurées dans le cadre de la certification de la performance énergétique des bâtiments (PEB), puisqu’il existe également des certifications dites “Green Building”. “Pour établir un certificat PEB, les experts se basent sur l’efficacité énergétique théorique du bâtiment, tandis que le certificat Green Building tient compte de la qualité de l’air, de la pollution sonore, de la luminosité, etc. Loin de se limiter à la performance énergétique, il s’attache au bien-être des occupants.” “À Londres, vous pouvez exiger un loyer supérieur de 14% si vous disposez d’un score BREEAM Excellent, tandis qu’au RoyaumeUni, un score BREEAM Outstanding permet de réduire le vide locatif des immeubles de bureaux de 63%. Ces primes ‘vertes’ existent ailleurs en Europe, y compris dans le segment résidentiel.” Carl Pauli approfondira ce thème à l’occasion d’un webinaire en anglais, “Green Premiums and brown discounts, how sustainability is creating winners and losers in real estate”, le mardi 12 mars à 14h


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UN AN CIEN ÉLÈ V E SO US L E F EU DE S PR OJE C T EUR S : AL E S S AN D R O CI C C ON I

“Chaque banque a sa stratégie. ’est intéressant de voir C comment les autres travaillent”

En tant qu’Italien résidant en Belgique, Alessandro Cicconi considérait la planification patrimoniale comme son point faible. Son précédent employeur, Leleux Associated Brokers, lui a donné l’occasion de suivre la formation Patrimonial approach for private bankers et d’améliorer ainsi largement ses connaissances en la matière. Alessandro Cicconi a fait ses études en Italie. “Tout ce que j’y ai appris sur les réglementations et la fiscalité concernait mon pays natal. J’avais l’impression que la planification patrimoniale était mon point faible. Il existe des similitudes entre l’Italie et la Belgique, mais aussi de grandes différences.” Son ancien employeur, Leleux Associated Brokers, lui a offert la chance de suivre la formation Patrimonial approach for private bankers. “J’étais fasciné, notamment par les professeurs, en dépit de la complexité de certains sujets. Ils ont réussi à maintenir intacte notre attention parce qu’ils liaient la théorie à des cas concrets. Les participants ont apprécié cette méthode.” Parallèlement, ce fut pour eux l’occasion de rencontrer d’autres banquiers. “Chaque banque a sa stratégie propre. C’était intéressant de voir comment les autres travaillent, y compris du point de vue humain.”

Pratique quotidienne

de l’avoir suivi, même s’il m’a coûté du sang, de la sueur et des larmes, étant donné que le français n’est pas ma langue maternelle.” Alessandro Cicconi applique régulièrement dans sa vie professionnelle ce qu’il a appris durant la formation. “Chez Leleux Associated Brokers, j’occupais le poste de Relationship Manager et je conseillais les clients. Il est important d’être au courant des principaux thèmes, même si cela ne relève pas de votre responsabilité directe. Cela vous donne de bons réflexes lorsque vous discutez avec des clients. Je me suis senti plus sûr de moi, parce que je pouvais donner des explications pointues.” Chez son employeur actuel, ABN AMRO, Alessandro Cicconi conseille des particuliers en matière d’investissement. L’immobilier est l’une des classes d’actifs où ils peuvent investir: “Les clients ont accès à

Il estime avoir beaucoup appris. “J’ai suivi d’autres formations, mais les examens consistaient souvent à répondre exclusivement à des questions à choix multiple. La première partie de la formation Patrimonial approach comprend des QCM, mais vous devez ensuite discuter d’un cas avec un jury. De cette manière, vous arrivez à vous situer par rapport à une situation concrète que vous pourriez rencontrer dans votre travail au quotidien. Vous avez réellement l’impression que le cours est utile. Je suis content

“Il est important d’être au courant des principaux thèmes, même si cela ne relève pas de votre responsabilité directe.” Alessandro Cicconi Investment advisor, ABN AMRO

toutes les options en fonction de leur profil de risque et de leurs besoins: investissement direct dans des sociétés immobilières partout dans le monde, ou achat de fonds spécifiques dans le cadre d’une approche moins volatile et plus diversifiée.”

Sentiment de liberté Papa de deux jeunes enfants, Alessandro Cicconi n’a guère de temps libre. Il se détend en écoutant de la musique – “cela me libère l’esprit” – et en jouant de la batterie. “Cet instrument m’a toujours donné un sentiment de liberté parce que, dans ces moments-là, je ne pense à rien d’autre. C’est aussi un instrument très physique. Je bouge beaucoup pendant que je joue. Je fais donc d’une pierre deux coups! J’ai acheté une batterie électronique pour faire moins de bruit. Mes voisins ne se sont jamais plaints.”


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