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camion zéro émission ?

en zone euro s’est diffusée très largement et revêt désormais un caractère « interne » et « généralisé ».

Les dernières prévisions de la BCE pour la zone euro (en moyenne annuelle de PIB) devraient se situer à 1 % pour l’année 2023 (contre 3,6 % en 2022).

Selon Denis Beau, la France devrait connaître 0,6 % de croissance sur l’année 2023. Face à cette croissance très faible, l’inflation continue de caracoler à 5,3 % pour l’année 2023, sur le même périmètre et pour la même période, toujours selon la BCE. Pour la Banque de France, dans ses prévisions de mars 2023, l’inflation devrait atteindre son pic au mois de juin 2023 « avant de se replier pour revenir vers 2 % fin 2024 et 2025 ».

Une des craintes des économistes des banques centrales étant l’entrée dans un cycle de « stagflation » comme celui qui a prévalu entre 1975 et 1985 : inflation forte conjuguée à une croissance (donc une produc- tion de richesse comptable) faible, voire récessive. « Depuis sa résurgence en 2021, l’inflation a continué à augmenter en 2022 à un rythme jamais atteint depuis les années 1980 […], à la Banque de France, nous estimons, comme nos collègues des autres banques centrales de l’Eurosystème, que la forte accélération de l’inflation trouve fondamentalement son origine non pas dans un excès de liquidités, mais dans les goulets d’étranglements qui résultent du rebond plus rapide que prévu de l’activité à l’issue de la pandémie, ainsi que dans la forte hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation, largement exacerbée par la guerre en Ukraine », confirme Denis Beau.

La hausse des taux joue sur les investissements

Scania France a évoqué l’évolution de l’inflation dans sa présentation d’avril 2023 consacrée aux résultats de l’année 2022. Selon la filiale du constructeur, cela aurait eu deux conséquences majeures : de fortes perturbations pour les entreprises sur les coûts d’exploitation, mais aussi une hausse sensible des taux d’intérêt. Scania Finance France anticipe de potentielles baisses d’activité, va- riables suivant les métiers des clients mais très différentes semble-t-il d’une région à une autre. « Il n’y a pas de tendance globale », résume Laurence Éluère, directrice commerciale et développement chez Scania France. De nombreux observateurs dans les banques de détail attendent le mois de juillet 2023 avec anxiété : la BCE révisera-t-elle sa politique ? Augmentera-t-elle encore ses taux directeurs ? Laurence Éluère confirme que « la hausse des taux, on l’a eue en 2022. Pour 2023, on n’a plus cet effet de surprise, la Banque centrale européenne a fait ce qu’elle a annoncé. Mais les perturbations perdurent. La hausse des taux est importante et joue pour les investissements des clients. […] Celui qui sait anticiper ce qui se passera à la fin de l’année est très fort », tout en se rassurant : le niveau des défaillances d’entreprises de transport demeure inférieur à celui d’avant Covid-19.

Philippe Quillet, directeur général de Daimler Truck Financial Service pour la France, se fait fataliste : « Le quotidien est fait de taux d’intérêt qui augmentent. À quel moment cette hausse va-t-elle cesser ? Serait-ce en juillet ou en décembre ? Même si je n’ai pas de boule de cristal, je parierais plus sur une stabilisation. Cette hausse a surtout entraîné un coup de frein phénoménal dans l’immobilier ». Pour ce qui est de l’accès à l’argent, il détaille : « Nous le faisons via le groupe Daimler qui s’approvisionne sur le marché, soit nous passons par d’autres établissements financiers français ou étrangers ». Charles-Henri Guespereau, directeur général d’Iveco Capital, confirme pour sa part : « Nous subissons la hausse des taux comme les autres banques. Cela peut freiner quelques entreprises, mais nous ne constatons pas d’impact sur notre activité ni sur le mode de financement demandé par les clients »

Les goulets d’étranglements jouent sur les prix Denis Beau rappelle que les « goulets d’étranglements au niveau de l’offre en termes d’approvisionnement et de recrutement ont également joué négativement sur l’activité ». L’Observatoire du véhicule industriel, dans sa synthèse de l’année 2022 publiée en janvier 2023, constatait pour sa part une hausse de l’ordre de 20,1 % des valeurs de véhicules d’occasion. Cela faisait suite à une année 2021 où ces mêmes véhicules d’occasion avaient vu leurs valeurs marchandes grimper de 18,4 %. Les constructeurs ont également revu à la hausse leurs tarifs de véhicules neufs. Les carrossiers constructeurs ont fait de même, puisqu’ils étaient à la fois sous pression de leurs fournisseurs et victimes de la flambée du prix des matières premières et de l’énergie. Les perturbations sur le marché du VO sont la conséquence directe des retards de livraison de véhicules neufs. Cette hausse des prix ••• se conjugue à un « assèchement » des parcs VO, confirmé par nos interlocuteurs parmi les captives financières des constructeurs.

Pour nombre de transporteurs, l’acquisition de VO (ou la non-restitution d’un véhicule en location longue durée ou crédit-bail) a été un palliatif à la pénurie de véhicules neufs disponibles. Lors de sa conférence annuelle tenue fin avril 2023 évoquant l’activité Scania France pour l’année 2022, on retient paradoxalement un fort développement des véhicules d’occasion vendus dans le réseau, avec 494 transactions, et 185 M€ prêtés (en nouveaux contrats), « une année en baisse par rapport à une activité normale où nous réalisons plutôt 200 M€ de prêts », complète Laurence Éluère. Une baisse d’activité à mettre en rapport avec les volumes de véhicules neufs (et d’occasion) facturés, ces pénuries de matériels n’aidant pas au développement de l’activité de financement. Philippe Quillet corrobore également l’importance croissante de l’activité de financement des VO pour les clients du réseau (ou les distributeurs) Daimler Truck France. Cette pénurie de matériels confirme que l’activité des véhicules d’occasion se traite désormais à égalité de prestation et de service avec les véhicules neufs.

Comment alléger cette charge pour les entreprises ?

Denis Beau confie que la situation actuelle devrait peser sur les marges et la profitabilité des entreprises. Certaines devant en outre faire face aux échéances des PGE*** mis en place pendant les années Covid. « La période d’amortissement de ces prêts aura un impact immédiat en 2023 sur la trésorerie disponible des entreprises bénéficiaires de PGE et leur capacité d’investissement », alerte de son côté l’Observatoire du financement des entreprises dans son rapport annuel 2022. Si certains secteurs industriels peuvent être attentistes en termes d’investissements, tel n’est pas le cas du transport routier qui doit investir à marche forcée vers l’électrification des parcs pour accéder aux ZFE-m dont la mise en place, certes chaotique et peu cohérente, apparaît inéluctable. Il leur est donc difficile d’attendre une normalisation des conditions financières. Or, la BCE a mené une politique très agressive, confirmée par Denis Beau : « le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’augmenter les taux directeurs à un rythme accéléré, de 250 points de base au total en 6 mois entre juillet et décembre 2022 ». La BCE a poursuivi cette révision en janvier, mars et mai 2023. « Le Conseil des gouverneurs de la BCE est allé plus loin et fait entrer la politique monétaire dans un territoire restrictif au sens technique du terme », explique Denis Beau. Des hausses qui se transmettent « progressivement mais pleinement aux conditions de fi- nancement et aux conditions monétaires au sein des pays de la zone euro », comme l’explique la Banque de France.

Dans ce contexte dit « de turbulences », Scania Finance France propose de « modifier les contrats en cours pour alléger la trésorerie et les charges des entreprises clientes et une diversification des engagements financiers ». Il est évoqué plus en détail « d’agir sur les crédits-bails » qui représentent plus de 90 % de l’activité de Scania Finance France. Philippe Quillet mise sur un concept très innovant dans le monde du véhicule industriel mais pratiqué de longue date dans l’automobile : le crédit-bail ballon. Une « trouvaille » commerciale inventée par Ford France (automobiles) au cours des années 1990 qui visait à l’époque à pousser les clients à renouveler plus fréquemment leurs automobiles. Pour les véhicules industriels, la motivation n’est pas la même : « le calcul est différent : la valeur de reprise (VR) est ici calculée au prix du marché, ce qui change des VR du crédit-bail classique où l’on se situe entre 5 et 10 % de la valeur à neuf Cela réduit le coût des loyers. C’est une nouveauté introduite depuis le mois d’avril 2023 qui permet d’atténuer les effets de la hausse des taux, des prix des véhicules et des incertitudes qui pèsent sur les clients en raison des futures ZFE-m. C’est une alternative nouvelle sur le marché »

Comment faire face à l’électrification des véhicules ?

Le compte rendu de la task force transports, réunissant fédérations professionnelles nationales et différents prestataires en lien avec le transport (énergéticiens, constructeurs), a donné lieu à une remise officielle auprès du ministère de la Transition écologique le 24 mai 2023. Ce rapport n’a pas manqué de relever les enjeux de financements pour des transporteurs. Aller vers l’électrification forcée, qu’il s’agisse de véhicules à batteries ou à pile à combustible, exige une refonte des critères bancaires, avec « la contrainte du taux d’endettement maximal qui conditionne les prêts accordés par les banques […]. Enfin, au regard du niveau important d’endettement des opérateurs, les aides directes sont à privilégier par rapport à des outils tels que le prêt à taux zéro ». La FNTR a été encore plus directe : « Il est primordial de préserver la compétitivité et la capacité des entreprises à investir dans la décarbonation. La transition énergétique du transport routier de marchandises impose la planification d’un plan d’accompagnement et d’aides massives et pérennes à l’investissement pour l’acquisition des véhicules et le développement du réseau d’avitaillement, pour les entreprises du secteur incluant les acteurs de la location de véhicules industriels »

Une des options envisageables pour financer le passage à l’électromobilité à batteries ou à hydrogène est celle de la location kilométrique tout compris, comme le propose Volta Trucks pour ses camions à batteries. Une option également retenue comme scénario de base pour Hyliko et ses camions à pile à combustible. Les acteurs de la location, comme Clovis location (en lien avec le groupement des concessionnaires Renault Trucks), ou CharterWay (groupe Daimler Truck), ou encore les spécialistes comme Petit Forestier s’engagent également dans l’acquisition de véhicules électriques à batteries, carrossés, pour les locations courte, moyenne ou longue durée. Cependant, cela change la donne pour les entreprises qui perdent la main sur leur « patrimoine ». Cette évolution s’observe déjà dans le domaine du transport de voyageurs où les donneurs d’ordres (autorités organisatrices délégataires) ne demandent plus aux transporteurs qu’à faire rouler « leurs » véhicules. Les autocaristes deviennent alors des prestataires de services mettant juste des conducteurs à disposition. Une évolution qui n’est pas du goût de tous.

L’électrification pourrait amener une recomposition d’un autre ordre, cette fois-ci chez les constructeurs.

Charles-Henri Guespereau, directeur général d’Iveco Capital, confie que son groupe a une approche différenciée en fonction des segments de mar- ché : « pour des véhicules comme l’Iveco eDaily, nous sommes à même de proposer une offre de location avec services, intégrant la borne de recharge, prenant en compte les besoins précis des clients ». Mais en Italie, Iveco est allé plus loin en proposant sous la marque Gates une offre dédiée exclusivement à la location kilométrique. « Cette offre de location avec facturation à l’usage a été lancée en Italie car il y avait une demande du marché. Elle sera déployée dans d’autres pays d’Europe dès 2024 », conclut-il brièvement. Laurence Éluère de Scania France reconnaît : « on se prépare à une durée d’allongement des plans de financements ». Les réflexions sont en cours pour trouver des moyens d’aller au-delà des 60 mois. Elle estime que le crédit-bail sera la norme pour ces véhicules, car « cela épargne l’imputation de la TVA qui pèse très lourd avec les véhicules électriques dans le cas d’une location » Une situation fiscale et comptable qui contraste singulièrement avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, où selon notre interlocutrice la location est de mise. Autre conséquence par ailleurs rarement évoquée : le décalage entre la livraison du véhicule (donc sa facturation) et… le versement des aides promises. « Les aides et subventions peuvent arriver 6 à 12 mois après la livraison ou l’acceptation du dossier », rappelle Laurence Éluère. De quoi assurer quelques jongleries comptables pour les transporteurs et les organismes financiers ! •••

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