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suisse régionale ?
régional, y compris en desserte de stations d’altitude. Quant à la transmission, Iveco, qui fut avec ZF pionnier dans la robotisation des boîtes de vitesses avec l’EuroTronic (alias ZF AS Tronic) poursuit cette fidélité dans le temps. Cette fois-ci avec la transmission robotisée ZF TraXon 12 rapports montée en série rebaptisée Hi-Tronix 12TX 1810 TO (donc avec surmultipliée). Les porteurs de la série AD partagent certaines évolutions avec les tracteurs AS au niveau aérodynamique. Mais le bandeau supérieur de cabine n’a pas changé par rapport aux générations précédentes. Lors de cette brève prise en main dans la région parisienne, nous avons roulé avec un porteur Iveco S-Way 6x2 AD260S40Y/PS GNC (traduction de l’Iveco en français : un porteur de 26 t de PTAC à cabine étroite et courte Active Day avec moteur de 400 ch à suspension mixte mécanique et pneumatique à l’arrière) d’empattement 5 500 mm. Le tout carrossé par Lecapitaine en caisse isotherme FRC à peau polyester de 55 m3 multitempérature, réfrigérée par un groupe froid Carrier Transicold Supra 1250MT alimenté au GNV. Le véhicule était lesté avec 4 000 kg dans le com- partiment de chargement. Les conditions météo furent printanières avec +20 °C extérieurs, mais la circulation fut à l’image de la politique de transport poursuivie par la mairie de Paris : infernale ! L’Iveco Cursor est connu pour son tempérament fougueux (tant qu’il n’est pas sous anesthésiant électronique). Les versions GNV ne dérogent pas à la règle et accentuent même ce tempérament. Le fonctionnement en allumage commandé (avec bobines et bougies d’allumage, rappelons-le) nécessite d’aller chercher davantage les tours moteur. Heureusement, le constructeur a bien personnalisé les indications au compte-tours et la zone verte tient compte de ces nouveaux réglages. Retenez que dans le cas présent, avec le Cursor 9 de 400 ch (de son petit nom Iveco F2CFE601E*M), le couple est à son optimum dans la plage de 1 200 à 1 575 tr/mn. La pleine puissance est obtenue à 1 575 tr/mn et est tenue jusqu’à 2 000 tr/mn. Le limiteur intervient à 2 200 tr/mn. Si la culasse, les pistons et les injecteurs (injection multipoint) sont spécifiques à la motorisation GNV, ce ne sont pas les seuls changements. En effet, du fait de la combustion au méthane (ou biométhane, la molécule chimique étant la même) en allumage commandé, il n’y a plus ici d’AdBlue. Toute la dépollution se fait par un simple catalyseur 3 voies fonctionnant en boucle avec sonde lambda. Contrairement à Scania, Iveco n’a pas recours à une vanne EGR sur ses moteurs GNV. L’injection se fait en phase gazeuse à basse pression. Pour les bases communes avec l’Iveco Cursor 9 Diesel, on retrouve un bloc 6 cylindres en ligne à 4 temps de 8 710 cm3, avec culasse monobloc et 4 soupapes par cylindre suralimenté par turbocompresseur unique à géométrie fixe et soupape de décharge. À l‘heure où l’on parle de la désindustrialisation dans les médias de masse, il est bon de rappeler que la famille de moteurs Cursor est usinée et construite en France, à Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire (seule la pièce brute de fonderie est importée).

Nouvelle transmission
Diantre, mais pourquoi diable les ingénieurs d’Iveco n’arrivent-ils pas à obtenir une bonne programmation des boîtes robotisées d’origine ZF ? On avait ressenti cette frustration à l’époque des ZF AS Tronic. Nous pouvions espérer mieux avec la ZF TraXon. Eh bien, c’est raté ! Pourtant, le constructeur fut un pionnier avec ZF dans les transmissions robotisées avec l’EuroTronic, bien avant l’an 2000. Avec l’expérience acquise, on aurait pu s’attendre à une transmission parfaitement optimisée. Ce ne fut pas le cas, hélas. Sur le parcours périurbain, la boîte robotisée a brillé par son manque de pertinence dans ses stratégies de changement de rapports. Elle n’était pas constante : des fois laissant le moteur mouliner pour rien, des fois le laissant peiner à 700 tr/mn (vous avez bien lu) en sortie de rond-point. Ce comportement mériterait un examen approfondi dans un contexte plus routier. La boîte étant ici une ZF TraXon rebaptisée Iveco Hi-Tronix 12TX 1810 TO, on se dit que ce n’est pas le hardware qui génère la déception (notre précédente prise en main ayant été faite avec une transmission Iveco Hi-Tronix 12TX 2210TD), mais bien le logiciel qui conditionne les stratégies de pilo- tage de la boîte robotisée. On conserve ici toujours 12 démultiplications avant (et 2 arrières, voire 4 en option) avec ici un rapport final surmultiplié. La nouvelle transmission intègre en option une fonction de balancement (rocking-mode) pour se sortir d’un mauvais pas au démarrage, en complément du traditionnel verrouillage de différentiel mécanique encore disponible. La transmission disposant toujours d’un embrayage à friction, il sera prudent de revenir au neutre lors des phases d’attente ou aux feux de circulation pour préserver les butées et diaphragmes d’embrayage. Dommage que la boîte automatique à convertisseur Allison ne soit pas disponible dans cette version de puissance à 400 ch. Regret d’autant plus vif que ce modèle, bénéficiant de la vignette Crit’Air 1, dispose d’un bon sésame pour entrer dans les ZFE-m qui sont vouées à proliférer en France. Autre avantage de la boîte automatique à convertisseur : elle sait ramper, ce qui est très agréable en manœuvre ou dans les phases de trafic congestionné. Seule consolation de la boîte robotisée actuelle, le point de patinage de l’embrayage se pilote désormais bien mieux que par le passé, ce qui facilite les manœuvres. Au pire, pour les espaces particulièrement exigus, les manœuvres de précision se feront en 1re ou en marche arrière dite lente, ce qui assure une parfaite linéarité de progression. Le levier de commande du ralentisseur et d’appel des rapports de boîte rappellera des souvenirs aux utilisateurs d’Iveco Stralis et Stralis XP, jusqu’à son aspect plastique et son bruit lors de son utilisation (cloc-croc) !


Lors de notre prise en main, nous avons dû maintes fois donner des consignes à la boîte via ce levier à droite de la colonne de direction. Par chance, nous n’avions pas le mode Eco-Fleet qui limite les fonctionnalités du mode de conduite semi-automatique en annihilant le rétro contact à l’accélérateur (vous savez, ce Lexomil numérique que nous avions tant décrié lors d’une prise en main précédente d’Iveco
Le liquide de refroidissement se contrôle facilement une fois le capot avant levé. Il est à surveiller vu les calories généreusement dispensées par les moteurs GNV.
Fiche Technique
Iveco S-Way 6x2 AD260S40Y/PS GNC
Moteur ★★★★
Iveco Cursor 9 CNG, 6 cylindres en ligne, 8 710 cm3, allumage commandé, suralimentation par turbocompresseur unique avec soupape de décharge, injection multipoint séquentielle électronique. Refroidissement liquide. Puissance 400 ch à 2 000 tr/mn. Couple 1 700 Nm à 1 200 tr/mn. Dépollution Euro VI-E avec catalyseur unique à 3 voies.


Transmission ★★
Boîte robotisée ZF 1810TO à 12 rapports avant (12e rapport en surmultiplication) et 2 rapports arrière. Embrayage monodisque à sec piloté type MF430. Rapport de pont (modèle essayé) : 3.7/1. Autres rapports de pont : 3.36 ; 4.11 et 4.63/1.
Liaisons au sol ★★★
Silhouette 3 essieux 6x2/4. Essieux rigides, suspensions à lames paraboliques. Suspension pneumatique sur tandem arrière à commande électronique. Essieu n° 3 relevable. Pneumatiques
Michelin 385/65 R 22.5 essieu n° 1 ; 315/80 R 22.5 jumelés essieu n° 2 et 385/65 R 22.5 essieu n° 3.
S-Way), puisque ce modèle en est dépourvu. Pour une fois, une option qui fait bien de le rester ! La fonction de mise en roue libre (Eco-Roll) est ici montée en série, seule la gestion topographique est en option (GPS prédictif, code option 78878). Iveco France laisse un vaste choix de rapports de pont avec 4 démultiplications. Pour cette prise en main, nous avions le 3.7/1 qui n’est pas le plus long et apparaît comme un bon compromis, y compris pour le roulage sur autoroute (à 90 km/h en monte 315/80R22.5, la démultiplication donne en théorie un régime moteur de 1 305 tr/ mn, soit en plein dans la zone de couple maximal). C’est d’ailleurs la monte standard départ usine pour cette silhouette avec cette chaîne cinématique. Pour les parcours plus vallonnés, on pourra envisager la démultiplication 4.11/1 qui reste compatible avec un usage autoroutier.
Carrossage de qualité
Dès que l’on voit l’inventivité des équipes d’Iveco et d’Iveco France en matière de carrossage, on comprend pourquoi la marque reste une valeur sûre côté porteurs. Pour la cabine, le modèle de la prise en main n’offre (apparemment) guère le choix : c’est la version dite AD (Active Day). Traduire courte et à pavillon plat, donc sans couchette. Dans le cas qui nous occupe, le pavillon culmine à 3,02 m de haut. Un déflecteur de toit peut être proposé en option usine, mais ici il n’est pas pertinent vu le montage du groupe froid en face avant de la carrosserie.
L’Iveco S-Way GNV à moteur Cursor 9 et silhouette 6x2/4 (essieu tiré ou poussé) existe aussi enversion à cabine dite AT (Active Time) avec couchette et, éventuellement, rehausse de pavillon. Dans ce ••• cas, les hauteurs hors-tout (indicatives car ne tenant pas compte des montes pneumatiques) sont de 2,90 m en AT pavillon plat et 3,55 m de hauteur hors-tout en version à pavillon rehaussé. Le couchage inférieur est alors donné pour 1,95 m de longueur et une largeur de 54 cm. L’éventuelle couchette supérieure du AT surélevé ferait 1,85 m de long pour 68 cm de large. Ces deux familles de cabines AD et AT, héritées de l’Iveco EuroTech rappelons-le, ont une largeur de 2,3 m hors-tout. Cela peut être une information pertinente pour certaines carrosseries.
Certes, la base est ancienne, mais à l’issue de la prise en main, on se dit que ce camion demeure très actuel sur bien des points. Car son atout maître est la polyvalence : avec sa vignette Crit’Air 1 et sa certification Piek intégrale, il peut aller de métropoles en métropoles tout en desservant en chemin les hameaux les plus isolés grâce à son autonomie. Iveco revendique 942 km dans la configuration présente (avec une consommation de GNC de 26 kg/100 km), et sur ce sujet autonomie propose une grande variété de réservoirs GNC (12 configurations possibles !). Les temps de ravitaillement en GNC n’ont rien à voir avec les immobilisations requises par les véhicules électriques à batteries, ce qui assure une disponibilité opérationnelle et une flexibilité d’emploi appréciable. Tout bénéfice pour la rentabilité. Cette polyvalence est renforcée par le nombre de versions et de silhouettes proposées au catalogue. Car ce modèle est également homologué en version porteur remorquant et offre, de série, un ralentisseur hydraulique secondaire ZF Intarder (merci Iveco !) qui sera très apprécié par les utilisateurs circulant sur route. Les carrossiers devraient également y trouver leur bonheur tant le choix d’empattements porte-à-faux, interfaces mécaniques, électriques ou électroniques est vaste.


Confort sonore, bonne finition
À l’issue de cette prise en main, limitée toutefois à la région parisienne, on peut retenir plusieurs enseignements. En premier lieu, la quiétude qui règne à bord du fait de la motorisation GNV qui génère très peu de vibrations et de décibels (la configuration Piek y est peut-être pour quelque chose). En second lieu, la qualité de finition très satisfaisante, même dans cette version dépouillée très typée loueurs (normal, c’était un modèle pour Petit Forestier). Les plastiques durs, sans moussage, auraient pu être générateurs de grincements, il n’en fut rien. Un patron-chauffeur souhaitera toutefois une planche de bord plus valorisante. Iveco France ferait bien de prévoir dans son option groupée Driving Comfort un mobilier moins basique. La silhouette 6x2/4 à deux essieux directionnels facilite grandement les évolutions en ville. Mais elle sera aussi appréciée sur les routes de montagne. La puissance de 400 ch pour un 26 t trouvera alors sa pleine justification. La seule limite en maniabilité viendra du gabarit hors-tout (et de la largeur de la carrosserie). Dommage que taxes à l’essieu et tarifications autoroutières aberrantes pénalisent les 3 essieux par rapport aux 2 essieux (pourtant plus agressifs pour les chaussées que notre silhouette 6x2/4 avec 3e essieu relevable de cette prise en main).
Pour une cabine courte, le confort a été très honorable grâce à la suspension cabine pneumatique optionnelle. On a surtout apprécié de pou- voir régler le dossier ou la course de siège sans être bloqué par l’arrière de la cabine. Le confort a pleinement profité des 3 essieux et de l’empattement relativement long, associé à une répartition de charge très homogène conjuguée à un tandem arrière à suspension pneumatique. Ce confort dynamique fait que l’on se dit que ce camion peut faire bien plus que de la livraison urbaine, d’où les regrets relatifs à cet habitacle monacal. Dommage que la colonne de direction soit aussi encombrante au niveau des genoux, et les conducteurs de petit gabarit déploreront la hauteur des trois marches à franchir pour accéder ou descendre de cabine. Mais une autre limite à l’urbanité vient… de la boîte de vitesses robotisée. Elle nous a franchement déçus par sa lenteur de réaction. En fait, nous avons passé l’essentiel du temps à sélectionner manuellement les vitesses, tant en montée qu’en descente de rapports. Pourtant, nous n’avions pas ici la fonction Eco-Fleet si critiquée lors de notre précédente prise en main d’Iveco S-Way. On en vient à souhaiter la disponibilité d’une vraie boîte automatique à convertisseur. Or, Iveco en propose une (d’origine Allison Transmission) mais pas sur cette variante de puissance. Dommage ! Autre point critique, déjà ressenti lors d’une précédente prise en main d’Iveco S-Way : une commande de frein spongieuse. Elle manque cruellement de progressivité et cela est franchement pénalisant en ville ou dans les circonstances de trafic congestionné. Quant aux coûts d’utilisation, fluctuations du prix de GNC mises à part, on retiendra que la maintenance est un peu plus exigeante que pour un diesel Euro VI, avec toutefois un avantage à l’usage du fait de l’absence d’AdBlue, de filtre à particules et de vanne EGR. Au- tant de sources de tracas en moins dans le cadre d’un usage urbain.
Un modèle qui doit beaucoup de sa cohérence, une fois de plus, à une association très intelligente entre carrosserie et châssis cabine. Car les équipementiers (ici Carrier Transicold associé au carrossier Lecapitaine) se sont surpassés afin de faire un véhicule tout-en-un totalement intégré. Les carrossiers et leurs clients apprécieront également l’octroi du bonus charge utile de 1 000 kg ici éligible. En prime, la satisfaction de rouler et travailler en mode zéro carbone fossile si l’on se ravitaille en bioGNV. Pour une décarbonation rapide du transport frigorifique, ce modèle est un atout maître.




Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr
TRM24.fr
