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La hausse des prix en question ÉNERGIES
L’année 2021, et plus encore 2022, fut marquée par de très fortes hausses du prix des énergies, du pétrole brut à l’électricité en passant par le gaz. Si le début d’année 2023 marque un certain reflux, tout n’est pas encore serein. Aux menaces géopolitiques internationales à court terme se profilent à moyen terme les conséquences du vote du programme ETS2 par le Parlement européen.
Après une année 2022 un peu folle, on pourrait apprécier la relative décrue du prix des énergies. L’IFP Énergies nouvelles observait dans sa note hebdomadaire du 22 mai 2023 une relative stabilité des cours du Brent (à 76 $ le baril). Des facteurs politiques prédominent dans la fixation des cours selon l’IFP, puisqu’au milieu du mois de mai 2023 les acheteurs semblaient préoccupés par « les spéculations autour de l’aboutissement ou non des négociations sur le plafond de la dette des États-Unis.
C’est l’un des éléments qui favorise la volatilité des cours du pétrole, avec l’évolution du taux du dollar US, le niveau d’inflation, la reprise économique plus ou moins forte en Chine et l’impact des baisses de production des pays de l’Opep+ applicables à partir de ce mois. La Russie pour sa part continue d’exporter à des niveaux relativement élevés, ce qui contribue à la relative détente du marché pétrolier ». Selon Guy Maisonnier, ingénieur économiste à l’IFP Énergies nouvelles, une des clés sur les marchés pétroliers est la Chine. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’à elle seule, elle représente 60 % de la croissance mondiale anticipée pour la demande de pétrole sur l’année 2023 ! Quant aux prix du gaz et de l’électricité, ils sont pour le mois de mai en baisse sensible, le gaz passant de 42 €/MWh en avril à 34 €/MWh et l’électricité étant descendue de 115 €/MWH en avril 2023 à 87 €/MWh en mai. « Les moyennes 2023 sont, pour le moment, estimées à respectivement 42 €/MWh et 134 €/MWh, en recul sensible par rapport à 2022 (123 et 286 €/MWh). »
La menace fiscale
La révision en cours au Parlement européen du système communautaire d’échange de quotas d’émis- sions (SCEQE) a des conséquences sur trois autres dossiers législatifs : le fonds social pour le climat, le mécanisme d’ajustement aux frontières du carbone et une proposition visant à réglementer les émissions de dioxyde de carbone des véhicules. Pascal Canfin, eurodéputé affilié au groupe Renew et président de la commission de l’environnement, plaide évidemment pour que la fiscalité carbone appliquée aux bâtiments et aux transports dans le cadre de la révision des quotas carbone dans la négociation SCEQE 2 (ou EU ETS 2 en anglais) serve à alimenter le fonds social pour le climat. On sait que l’objectif initial était de taxer le dioxyde de carbone sur la base de 100 € la tonne (un objectif transposé en France dans la composante taxe carbone de la TICPE). La révision actuelle est menée dans la poursuite du plan de la commission européenne appelé « Fit for 55 », présenté le 14 juillet 2021. La révision SCEQE 2 vise à créer un nouveau marché du carbone pour les fournisseurs d’énergies pour le transport routier. La taxe carbone serait intégrée dans le prix de vente par les distributeurs d’énergies. Cela pose quelques problèmes aux transporteurs si cette mesure doit distinguer les usages particuliers des usages professionnels, car cela signifiera de nouvelles tracasseries administratives et déclarations diverses. D’où un vent de fronde des fédérations nationales de transporteurs en Europe. De son côté, Thibaud Clisson, analyste environnement, social et gouvernance (ESG) chez
BNP Paribas Asset Management, s’inquiétait dès août 2022 du « rôle d’investisseurs extérieurs au SCEQE qui détiennent des quotas européens », d’où des demandes rapportées à l’UE et à ses institutions pour « mettre un frein à l’activité spéculative de ces acteurs non conformes ».

L’Autorité européenne des marchés financiers et la Banque centrale européenne auraient minoré ces effets pervers. Pourtant cette « sincérité » des marchés a été mise à mal à plusieurs reprises, comme le rappelle le site Connaissance des énergies : en 2009, une fraude à la TVA nécessita une adaptation du régime fiscal adaptable au système des quotas. En mars 2010, ce fut l’arrivée sur le marché de crédits internationaux inutilisables. En janvier 2011, le marché fut suspendu suite au vol de milliers de permis d’émissions dans 14 pays. Le système des SCEQE mis en place depuis 2005 prévoit des quotas d’émissions gratuits, mais ils seront l’objet de réductions, voire d’élimination progressive à partir de 2027. Cette mauvaise nouvelle vient s’ajouter au déremboursement de la TICPE, planifié dans la loi climat et résilience pour 2030 au plus tard. Autant de mesures qui contribuent au renchérissement des coûts et/ou à l’affaiblissement des marges des entreprises de transport. Un comble en cette période de forte inflation !
Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr
Après Vecto, les constructeurs sous la menace du MACF
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), porté par l’Union européenne suite à un accord intervenu le 13 décembre 2022 entre le Conseil et le Parlement européen vise à taxer les importations selon leur « intensité carbone ». Il est acquitté par les importateurs de certaines matières premières en équivalents certificats carbone (les fameux SCEQE).
Ce dispositif complexe doit entrer en application progressive à partir du 1er octobre 2023 (phase déclarative), avant d’entraîner les achats de certificats carbone en janvier 2026. Il y a un paradoxe incroyable dans le mécanisme mis en place : les produits finis (véhicules complets) ou semi-finis (composants) n’entrent pas dans le calcul du MACF. En revanche, le fer, l’acier, l’aluminium ou l‘hydrogène et l’électricité importés seront taxés. Autant de matières premières nécessaires à la construction des véhicules, qu’il s’agisse des camions ou des carrosseries.
Comme le rappelle Claude Cham, président de la Fiev (Fédération des industries des équipements pour véhicules), dans un article paru dans Réalités industrielles daté de mai 2023, cela constitue une « double incitation à la délocalisation pour les constructeurs ». Il évoque une autre menace : « les effets du MACF pourraient être annihilés par d’éventuelles dévaluations compétitives décidées par les pays exportant vers l’UE ». Et de citer la livre turque qui a baissé de 33 % face à l’euro sur la période 2010 et 2021, « ce qui pourrait contrebalancer le surcoût lié au MACF et contourner l’incitation à la décarbonation pour les entreprises exportant vers l’UE »