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Interview • Guillaume Perdu, fondateur et dirigeant d’Ekolis
Guillaume Perdu
Fondateur et dirigeant d’Ekolis
eMAG Transport : La semi a été le parent pauvre pendant de nombreuses années. La connectivité permet de la mettre en avant?
Guillaume Perdu : Il est important de souligner que la semi-remorque est la source de revenu de l’entreprise. Quand on a parlé de connectivité et de télématique ces dernières années, on s’est intéressé aux sources de coûts de l’entreprise : le camion, sa consommation et son conducteur. Aujourd’hui, sous la pression des chargeurs, le lien avec la marchandise, sa traçabilité, sa qualité, sont devenus des éléments essentiels dans la relation avec le client. Le transporteur devient un transporteur de données en plus d’être un transporteur de marchandises. Ce phénomène de marché place la semi-remorque au centre de la relation client. Sa connectivité s’impose comme le moyen de fiabiliser la donnée et de fluidifier le partage des informations liées à la marchandise en amenant l’indépendance vis-à-vis du tracteur.
eMT: Quelles sont les principales et dernières innovations en matière de connectivité sur une semi?
G. P: L’ajout de sources d’énergie renouvelables sur la semi-remorque est sans aucun doute la principale innovation vue sur les différents salons en 2022. Ekolis a d’ailleurs présenté une solution pour alimenter les balises de géolocalisation via des panneaux photovoltaïques souples et légers. Je suis convaincu que l’ajout de ces nouvelles sources d’énergie va ouvrir le champ à des innovations de rupture, notamment autour de l’identification de la marchandise. En 2024, le nouvel environnement réglementaire, qui oblige les constructeurs de semi-remorques à équiper leurs nouveaux véhicules de capteurs de pression des pneumatiques, va favoriser le déploiement de ces équipements, sur le parc existant d’une part, et favoriser le déploiement de la télématique remorque d’autre part. Cette opportunité devrait favoriser l’intégration de nouvelles solutions de service pour aller au-delà des suivis de pression ou de température. Je pense notamment aux solutions de verrouillage à distance, de caméras embarquées et des équipements connectés comme le hayon ou le chariot embarqué.
eMT: La connectivité est mieux accueillie, mieux acceptée aujourd’hui par les transporteurs?
G. P: Il y a une prise de conscience croissante mais encore modeste de la part des transporteurs. En réalité, le dirigeant dans sa relation avec la semi-remorque n’a pas encore forcément identifié l’importance de la digitaliser pour des questions de gestion de parc comme il pouvait l’avoir fait sur le tracteur. La notion d’optimisation d’exploitation du parc n’est pas encore largement répandue. Le vrai accélérateur de la connectivité de la remorque est la réponse à un meilleur service offert au client chargeur donneur d’ordre.
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La valeur ajoutée se situe plutôt dans une approche de connectivité, de lien direct avec le suivi de la marchandise, que dans une approche de simple gestion de parc au sens véhicule.
eMT: On évoque une accélération de la digitalisation, elle devrait être plus grande encore d’ici peu?
G. P: 2024 marque l’obligation pour les constructeurs d’homologuer les semi-remorques avec des systèmes de pression de pneumatiques. C’est la première marche vers la connexion des capteurs de pression avec Le système EBS qui va se charger de transmettre l’information au tracteur. C’est un déclencheur. De la même façon que pour les véhicules moteurs, les constructeurs ont intégré progressivement l’informatique embarquée en équipement d’origine, le parc semi-remorque sera intégralement équipé d’ici à environ 15 ans. Cette évolution va générer une accélération de la digitalisation et favoriser la mise en place d’équipements sur le parc existant. C’est pour cela qu’Ekolis propose dès maintenant une hybridation de l’équipement du parc, pour adapter le matériel à l’usage et favoriser l’arrivée de cette télématique remorque native.
eMT: Les innovations ne cessent d’évoluer dans l’industrie du véhicule industriel, y compris dans celle de la semi. Vous préconisez une hybridation de la semi, en quoi cela consiste?
G. P: L’âge moyen du parc de semi-remorque en France est de 15 ans. Nous avons des renouvellements entre 7 et 8 % du parc tous les ans. Le parc remorque d’une entreprise de transport peut être divisé en 3 catégories : des véhicules récents, des véhicules en cours d’exploitation et des véhicules qui vont sortir du parc dans les 3 ans. Nous proposons l’installation de boîtiers adaptés à la durée de détention du véhicule, pour optimiser l’investissement tout en fournissant les données nécessaires à l’exploitation du parc. Ainsi, la gamme Ekolis 360° propose des boîtiers connectés à l’EBS, des boîtiers à alimentation solaire externe plus durable ou des boîtiers totalement autonomes. Nous avons présenté cette gamme Ekolis 360° à Technotrans en octobre dernier, et nous la proposons désormais dans nos offres commerciales.
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eMT: Une synergie entre les fabricants de semi et les constructeurs permettrait une meilleure utilisation de la télématique. Est-elle réellement possible et sous quelle forme?
G. P: Il y a un manque autour de l’harmonisation. Le transporteur est souvent pris entre le marteau et l’enclume dans le choix de ses fournisseurs à cause de la technologie. Et ce n’est pas normal. La norme de 2024 va accélérer l’obligation pour les constructeurs moteurs et semi-remorques de se mettre autour de la table et de s’entendre, de s’accorder sur l’utilisation de la norme existante de transmission de données entre le tracteur et la semi. On peut comprendre qu’avec les défis technologiques qui attendent les constructeurs moteurs autour de l’énergie, la compatibilité télématique ne soit pas la priorité. Néanmoins, c’est un point sur lequel le marché devra obligatoirement progresser.
eMT: Le fait de se rapprocher du tracteur ne risque-t-il pas d’entraîner la semi dans la réglementation de décarbonation très stricte, sachant que l’émission de gaz à effet de serre n’est pas la même?
G. P: Ce n’est pas un risque, c’est une trajectoire. De toute façon, la semi-remorque doit être intégrée dans la décarbonation du transport. Et, au contraire, voyons-le comme une opportunité d’embarquer les efforts technologiques autour de la semi-remorque. C’est le transport que nous décarbonons, et le transport, c’est un tracteur et une semi. Certes, c’est le tracteur qui consomme de l’énergie, mais si la semi est capable d’être décarbonée, c’est l’ensemble du transport qui en tirera les bénéfices. En les liant l’un et l’autre, nous aurons forcément une réduction des émissions sur l’ensemble. Et c’est nécessaire. C’est aussi de notre responsabilité à nous, sociétés de technologie, de proposer au monde du transport des solutions dans lesquelles la semi est actrice de la décarbonation.