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De l’éthique dans les métiers de l’éducation
Tous les enfants et adolescents sont vulnérables. Nombre d’entre eux vivent des expériences familiales, amicales, scolaires qui les fragilisent beaucoup émotionnellement, au point d’orienter r adicalement leurs parcours, et leur rapport au savoir, à l’éducation, à la formation.
Christophe Marsollier, docteur en science s de l’éducation, nous invite à mieux comprendre l’étendue et le poids des risques auxquels chaque enfant, chaque jeune se trouve plus ou moins exposé dans sa vie personnelle et scolaire. Il oriente notre réflexion sur nos identités professionnelles et l’éthique éducative qui en découle. Entretien.
Àquels enfants et jeunes vous intéressez-vous dans ce livre ?
J’ai souhaité à travers cet ouvrage mettre en lumière la nécessité de développer l’attention aux élèves à besoins éducatifs particuliers qui ne sont pas en situation de handicap, ni à haut potentiel ni allophones, mais dont les familles subissent, temporairement ou durablement, des contextes avec des difficultés socio-économiques, culturelles, professionnelles ou familiales qui limitent significativement le suivi bienveillant des apprentissages de leur enfant. Ces jeunes sont bien plus nombreux que ceux en situation de handicap (43 0 000), puisqu’ils représentent 20 à 100 % des élèves selon les quartiers où le type d’établissement. Dans les classes des écoles et collèges situés en REP+ et des lycées professionnels, les élèves traversant des situations de grande vulnérabilité représentent la majorité, soit 70 à 100 % selon les classes.
Dans le champ large de l’ É ducation, les politiques publiques prennent-elles en compte les vulnérabilités ?
En cherchant à lutter contre le décrochage scolaire, l’échec scolaire, le harcèlement, les discriminations et la radicalisation, et en développant l’inclusion scolaire, on peut dire que l’éducation nationale cherche depuis une trentaine d’années, sans utiliser explicitement le prisme des vulnérabilités, hormis pour le handicap, à être plus attentive à ces élèves et à les accompagner. Mais l’explicitation du sens précis de ce concept, des différents types de vulnérabilités (physique, sexuelle, psycho-affective, cognitive, socio-linguistique, économique, climatique, numérique, etc.), de leurs facteurs, de leurs signes, souvent peu visibles, et de leurs enjeux, permet de sensibiliser les personnels sur l’intérêt de développer cette attention pour rendre l’école plus qualitative et plus performante.
Comment repérer et prendre en charge ces vulnérabilités ?
L’attention à l’égard de ces situations de vulnérabilité, passagères ou durables que vivent de nombreux élèves et leur accompagnement constituent les deux piliers qu’il conviendrait explicitement de développer au sein des équipes pour rendre l’école plus égalitaire et favoriser le bien-être des élèves.
De nombreux personnels savent très bien repérer les signes de vulnérabilité : découragement, refus de noter les devoirs, oubli récurrent du matériel scolaire, retard fréquent, discours négatif sur l’école, décrochage scolaire, représentation négative de l’école, sentiment d’inutilité, de perte de temps ; passages fréquents par l’infirmerie, asthénie, angoisses, phobie scolaire, repli sur soi, mutisme, etc.. Réunir régulièrement des cellules de veille avec la participation de professeurs principaux est une nécessité qu’un nombre croissant d’équipes ont bien comprise. La prise en charge de ces élèves est efficace lorsqu’elle s’appuie sur l’écoute active, l’accueil de leurs émotions, l’expression de leurs besoins fondamentaux insatisfaits, l’intérêt porté à l’égard de ce qu’ils vivent personnellement, au sein d’espaces de parole sécurisants et contenants.
Christophe Marsollier est docteur en sciences de l’ É ducation , membre du laboratoire BONHEURS à l’Université de Cergy-Pontoise, inspecteur général de l’ Éducation, du sport et de la recherche.

Auteur de plusieurs ouvrages sur la relation pédagogique, l’éthique professionnelle et les espaces de parole à l’École.
Alerte sur la VEO
« Parmi les multiples facteurs de vulnérabilités psychologiques, l’un d’eux toucherait 85 % des enfants et adolescents, il s’agit de la Violence Éducative Ordinaire (VEO).
Elle constitue une violence systémique portée par une logique de domination et de contrôle des adultes vis-à-vis des enfants, même sous couvert de bonnes intentions.
Encore extrêmement répandue dans le monde, même en France, la VEO reste peu visible et culturellement banalisée. Très ancrées, dans les habitudes familiales, elle est inscrite depuis des millénaires dans les pratiques éducatives.
La VEO regroupe les violences physiques, les contraintes corporelles et violences sexuelles, les violences psychologiques (cri, insulte, intimidation, chantage, humiliation verbale, menace, dévalorisation, exigence excessive, consigne et injonction contradictoire, …) »




Extrait de la page 82 de l’ouvrage
« L’attention aux vulnérabilités des élèves » (éditions Berger Levrault).
