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Le point de vue de… Youssef Souidi, sociologue sociale : l'égalité républicaine n'est pas assurée »

Youssef Souidi, chercheur et sociologue* a publié plusieurs articles sur le niveau de mixité ou de ségrégation dans les collèges publics et privés sous contrat. Une question en étroite relation selon lui avec les deux notions d’éducation et de démocratie.

Dans ces situations de ségrégation, comment peut-on promouvoir les valeurs de la République ?

Peut-on faire le lien entre mixité, cohésion sociale et notre modèle démocratique ?

Youssef Souidi : C'est bien de faire ce lien. Quand on parle de mixité sociale en milieu scolaire, on va souvent réfléchir en termes d'inégalités scolaires. Or les résultats au brevet ne sont pas le seul juge de paix des bienfaits des politiques de mixité sociale. Des études ont montré que le fait d'avoir de la mixité au collège, au lycée, en primaire, permettait de réduire notamment les préjugés. Au-delà de ça, on peut penser qu'être mieux intégré économiquement, socialement, c'est également avoir une meilleure cohésion sociale.

Les collèges privés sous contrat forment un groupe presque totalement séparé au niveau socioculturel de ceux en éducation prioritaire. Un niveau de ségrégation aussi élevé dans notre pays pose-t-il des problèmes ?

Y.S. : Là où ça pose particulièrement problème, c'est quand vous avez des collèges proches géographiquement et en fait, très différents socialement. En France, on a à peu près 90 000 élèves qui sont scolarisés dans un collège très défavorisé socialement, situé à moins de quinze minutes à pied d'un collège favorisé socialement. Sur le fronton des écoles est inscrit « liberté, égalité, fraternité », mais dans ces configurations, il est très clair que cette égalité n'est pas assurée.

Y.S. : Si on veut se contenter de cette situation de ségrégation, on peut accorder beaucoup plus de moyens à ces établissements défavorisés. Mais est-ce souhaitable ? On peut effectivement penser que cela menace la cohésion sociale et que ça rend les principes républicains qui sont appris par les élèves totalement abstraits. Cette question dans le débat public est de plus en plus prégnante. C'est à mettre en parallèle avec le fait que l'écart social de recrutement entre les établissements privés et les publics s'est accentué au cours des dernières décennies. Cela pose la question du séparatisme social qui peut menacer la cohésion sociale de la nation. En janvier 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo, le Premier ministre de l'époque, Manuel Valls, parlait d'apartheid social et territorial. C'est cette question notamment qui revient quand on parle de la ségrégation sociale dans les collèges.

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