Urbania #11 Party

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WWW.URBANIA.CA PRINTEMPS 2006 | NUMÉRO 11 | PARTY | FABRIQUÉ À MONTRÉAL | 6,95 $


SYLVIE

ASHLEY

MICK

ARIANE

ALAIN

BARMAID AU BAR SHERBROOKE

ÉTUDIANTE EN DIÉTÉTIQUE À MCGILL

ÉTUDIANT EN CUISINE

ÉTUDIANTE EN DESIGN DE MODE

MUSICIEN

1 Toutes les excuses sont bonnes pour faire le party 2 a) Une ambiance conviviale b) Un osti de beau gars 3 Le party de Noël en 2002. Ma famille était réunie au grand complet pour une des rares fois.

1 L’arrivée de la fin de semaine 2 a) Des shots de tequila b) Du vomi 3 Je me souviens avoir vu mes amis dans un état lamentable...

1 Pour écouter de la bonne musique 2 a) Beaucoup de bière b) En chansons 3 Une MTS

1 Organiser de faux surprise partys pour notre amie Alice 2 a) Du faux plastique b) Une galvaude à la Banquise

1 Avoir du plaisir 2 a) Une toune de Daniel Rose b) Une bonne partie de fesses 3 Le soir de mon mariage

3 Le soir où j’essayais de faire du breakdance

C’est connu, Urbania aime illustrer la diversité montréalaise à travers ses vox pop. Pour le thème du party, la tâche s’annonçait facile et la stratégie prometteuse : trois soirs, trois bars. Cependant, notre équipe s’est vite aperçue que même lorsque les lieux, les gens et les ambiances changent, la quête d’un party est universelle.

MAXIME

JACQUES

ALEX

ANDRÉE-ANNE

BISKÉ

COMMIS D’ÉPICERIE

GUITARISTE

OPTOMÉTRISTE

REINE DU FOYER ET CHANTEUSE

1 Pas besoin d’excuses

1 Pour sortir ma guitare

1 Parce que c’est jeudi !

2 a) Un joint b) Une baise

2 a) Une toune qui fait bouger b) Une bonne bagarre

2 a) Une Bleue Dry 710 mL b) Un falafel bien juteux et dégoulinant

1 On le fait pour s’amuser et je sais ce que c’est puisque je suis animatrice au Bar Sherbrooke !

ÉTUDIANT EN MUSIQUE À MARIE-VICTORIN

3 Un party de famille à Noël

3 Une danse intime avec un étranger qui a bien tourné

3 Mon anniversaire qui a duré une semaine : j’ai fini dans le coma !

2 a) Une chanson qui swing b) Des gens qui s’aiment et qui chantent en se tenant par la main 3 Une levée de fonds pour les enfants handicapés

1 Cruiser des beaux mecs 2 a) De la musique hip-hop parce que c’est sale b) Dans le lit du gars que t’as choisi 3 Une orgie dans le VIP room du Unity


IRENE

PIERRE

LIZBETH

DOUGLAS

MICHEL

ÉTUDIANTE

COL BLEU POUR LA VILLE DE MONTRÉAL

PSYCHOLOGUE MEXICAINE

TOURISTE ANGLAIS

AGENT DE SÉCURITÉ

1 Pour voir du monde

1 Poshfucking sexy dirty chicks

1 Pour avoir du fun

1 Danser toute la nuit 2 a) De la bonne musique b) Un mec dans mon lit 3 Vendredi dernier au Unity, je dansais en plein milieu du stage !

1 Être avec ma blonde, ça c’est une maudite bonne raison 2 a) Une bonne bouffe b) Du bon sexe 3 Mon dépucelage

2 a) Beaucoup de monde b) Une danse lascive 3 Ici, en ce moment même. (NDLR : Lizbeth flirtait avec le photographe)

2 a) A chicken brochette b) A chick brochette 3 A pirate party

2 a) De bons amis b) Un bon repas avec des sandwiches 3 Quand j’étais jeune, les partys duraient trois jours dans le sous-sol de mes parents. On dansait la gigue avec mononc’ Didou.

1 Nommez une excellente raison pour faire le party 2 a) Un bon party ça commence avec... b) Et ça finit avec... 3 Votre meilleur souvenir de party

RAFAËL

ALEXANDRE ET DAPHNÉE

LIANNE

JULIE

KEVIN

ÉTUDIANT EN MUSIQUE À MARIE-VICTORIN

AMOUREUX

COWGIRL TEXANE

MÉCANICIENNE

DOORMAN AU ST-SULPICE

1 Se réconcilier après une engueulade

1 Pour se foutre à poil

1 Pour se remonter le moral

1 Voir des belles femmes

2 a) À la verticale b) À l’horizontale

2 a) De l’alcool b) Plus d’alcool

2 a) Des belles femmes b) Une bonne baise

3 La soirée où j’ai rencontré ma blonde. Yihaaa !

3 L’anniversaire de mes 18 ans. Je vous laisse imaginer le reste.

3 Un party d’Halloween chez nous, ça brassait à fond.

1 Pour lâcher son fou 2 a) Une danse intense b) À quatre pattes 3 Un party au Unity où TOUS les clients étaient saouls

2 Elle : a) Un clin d’oeil b) Un french Lui : a) De la boisson b) De la bouffe 3 Claude, le boss de Daphnée, lui lèchant la bedaine au dernier party de bureau...


normand dugal

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‡ dj et propriétaire de disconormand ‡ Depuis près de 30 ans, Normand Dugal sillonne Montréal et ses environs dans sa camionnette DiscoNormand pour mettre le feu aux partys. Infatigable, dans ses temps libres, il est professeur à La Maison des Discothèques Mobiles. Un gars de party, bien sûr, mais surtout un vrai pro de la fête. interview : Marc-Olivier Desbiens | photo : Dominique Lafond ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜

Normand, pourrais-tu nous expliquer ce qu’est une disco mobile ? C’est très simple. C’est un dj qui se déplace avec tout l’équipement nécessaire pour aller chez toi et qui s’adapte à tes goûts et à la situation. Par opposition à la discothèque qui est fixe et où c’est toi qui s’adapte. ‡ D’après toi, qu’est-ce que ça prend pour être un organisateur professionnel de party ? Plusieurs qualités sont importantes : il faut être bon vendeur, technicien, comptable, publicitaire, en plus d’être un bon dj. Je ne dis pas que j’ai toutes les qualités du monde, mais celles-là je les ai. Tu sais, il y a tellement de « ti-counes » qui s’improvisent dj pour des soirées, c’est mauvais pour l’image des discos mobiles. Un amateur, comme le beau-frère qui demande 200 $ pour la soirée, tu sais que tu vas en avoir pour ton argent, c’est-à-dire, pas grand-chose. Chez un pro, c’est vrai que tu payes plus cher, mais t’as toute une différence de qualité. Un beau jeu de lumières, de la musique diversifiée et des animateurs professionnels. Tout ça garantit presque le succès de ta soirée. ‡ Justement, quels sont les éléments essentiels pour réussir un party ? Contrairement à ce que la plupart des gens peuvent penser, il faut que le plancher de danse soit plutôt trop petit que trop grand. Je n’ai jamais vu un party qui ne levait pas à cause d’un plancher trop petit. Par contre, les gens ne se sentent pas à l’aise sur une grande piste de danse. Ils se sentent regardés et ça les gêne. Ensuite, il y a l’éclairage qui est très important. Si c’est trop éclairé, oublie ça, personne ne va danser. Finalement, il y a la musique. C’est probablement le plus important. ‡ C’est quoi de la bonne musique de party ? Si tu veux réussir ton party, il y a une chose à respecter : la diversité ! Moi, par exemple, je commence toujours mes soirées par trois chansons : le succès d’il y a un an et demi, le succès d’il y a 10 ans et le succès actuel. Comme ça, mes clients se rendent compte que je sais accrocher tout le monde, que je connais autant mes classiques que la musique d’aujourd hui et que je ne suis pas quétaine. Au cours de la soirée, il faut respecter la sainte règle de la trinité : mettre les chansons du même genre musical par trois. Une fois que t’as réussi à amener un groupe sur la piste de danse, tu ne veux pas les renvoyer tout de suite s’asseoir. Par contre, j’ai remarqué que peu importe les invités, la musique des années 70 et du début des années 80 est toujours aussi populaire. Et puis, tu te rends compte avec l’expérience qu’il y a une dizaine de chansons qui reviennent toujours et que les gens te demandent sans arrêt, celles-là, ce sont tes valeurs sûres. ‡ J’imagine que pendant toutes ces années, tu as dû vivre des situations cocasses ou particulières ? Oui effectivement, souvent l’alcool coule à flots, ça aide à se lécher, mais parfois ça crée des situations un peu plus chaudes. Je me souviens d’une bataille de fin de soirée avec la mariée qui reprochait à sa cousine de danser trop collée sur son mari ! Elles ont fini sur la piste de danse à s’injurier, à se tirer les cheveux et à se donner des coups de pied. Je peux te dire qu’après ça, le party était fini ! N ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜

www.disconormand.com ou 450-nor-mand

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mc gilles

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‡ disc-jockey et animateur de radio ‡ Grâce à son site ousortir.com, nous connaissons désormais l’existence à Montréal du Bar Sherbrooke, rue Sainte-Catherine, et du bar Au Beauceron Western où le bock de bière se transige pour la modique somme de 1 $. L’animateur mc Gilles, qui ne recule devant rien pour nous faire découvrir chaque semaine la meilleure musique de poubelles à la radio de cism, discute party attablé à une chic taverne de la rue Masson. interview : Marc-André Brouillard | photo : Dominique Lafond ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜

Comment ça se déroule une soirée de MC Gilles ? Le but c’est d’être surpris, d’entendre des choses que vous n’avez pas entendues depuis longtemps. De Guy Lafleur Disco à Pat Boone reprenant Metallica en passant par une séance d’exercice de Claire Pimparé sur l’air d’Eye of the Tiger. ‡ Quels sont pour toi les éléments d’une soirée gagnante ? Il faut que les gens dansent avec le moins d’alcool possible. Quand ça prend douze bières pour avoir du fun, c’est parce que c’est probablement pas si le fun que ça. ‡ Qu’est-ce que tu apprécies dans les nombreux bars trash que tu nous as fait découvrir sur le site ousortir.com ? Il n’y a pas de tabous, pas de m’as-tu vu, pas de stress. Si ça te tente de danser parce que tu aimes la chanson qui joue dans le jukebox, tu te lèves et tu danses. Si ça te tente de crier, tu cries. C’est la liberté totale sans jugement, chose assez difficile à trouver de nos jours. Avec ma superbe moustache et mon Lada vert, je me fais davantage remarquer lorsque je rentre au Edgar Hypertaverne qu’au Bar Sherbrooke. ‡ Que penses-tu des bars branchés ? Ça coûte cher et c’est moins le fun que les tavernes décrépies. C’est difficile d’y faire une approche gagnante et dans le fond, c’est beaucoup de monde ensemble qui croient avoir du fun en remplissant le temps. C’est un peu comme être au bureau de 9 à 5, mais en groupe avec une bière. Je ne comprends pas très bien le concept. ‡ Quel conseil leur donnerais-tu pour qu’ils se décoincent un peu plus ? Lâchez-moi le lounge avec les laptops style Laïka rue St-Laurent où les gens chattent et font leur travail de session à 11 h le soir en buvant une bière. Comment veux-tu avoir du fun ? C’est impossible. Tu ne peux même pas échanger. Ça tue le party. C’est comme le iPod. C’est rendu que lorsque j’anime une soirée, les gens viennent me voir pour que je branche ma console sur leur iPod pour qu’ils puissent entendre leur toune. C’est pas à Gisèle de décider ce qui va jouer, c’est au dj. Il est payé pour ça ! ‡ En terminant, si je n’avais qu’un bar à visiter dans ma vie, lequel me conseillerais-tu ? Le Bar de l’O à Charlemagne. C’est le premier bar où Céline Dion a chanté à l’âge de huit ans. Malheureusement, elle n’y est jamais retournée et c’est très triste. Il y a une photo de Céline à Las Vegas à l’entrée et une autre d’elle à l’époque où elle avait des dents… spéciales. Y a des shows hallucinants, j’y ai vu un concert mémorable de Dani Daraîche, la moins connue de la non moins célèbre famille du même nom. Ça s’appelle le Bar de l’O, mais ce n’est pas du tout sur le bord de l’eau. C’est très cool, le Bar de l’O avec un « O ».N ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜

www.mcgilles.com

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Distinguee partenaire de vos fins de soirees


louise masson

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‡ gourou du savoir-vivre ‡ Faire le party est pour certains un exutoire : un moment de grâce parfois peu gracieux lors duquel on se dévisse la tête histoire d’oublier un peu qui et où nous sommes. Pour Madame Louise Masson, reine de l’étiquette et virtuose du savoir-vivre, la fête est plutôt un art, avec tout ce que cela comporte de codes et de conventions à respecter. Un écho courtois du xviiie siècle, rebondissant dans un xxie siècle déjanté. interview : Julie Laferrière | photo : Gunther Gamper ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜

Comment définiriez-vous la décadence, ici, aujourd’hui ? La décadence, de nos jours, c’est malheureusement ne pas s’imposer de règles. C’est refuser toute discipline alors que la discipline est un squelette sans lequel tout s’écroule. Tous ne maîtrisent pas l’art de la fête, tous ne savent pas où s’arrêter. Moi, petite, j’ai vu un homme être malade de bière. Ça m’a vaccinée à vie ! ‡ Quels sont les préceptes de votre enseignement pour réussir la fête, tout en restant digne ? Vous savez, perdre le nord lors d’un party peut dramatiquement ternir notre réputation. L’humiliation est tout à fait évitable. Je suggère de boire stratégiquement. Avant une soirée qui s’annonce arrosée, ingurgitez une cuillère à table d’huile d’olive. Ainsi, l’alcool flottera sans pénétrer tout le système. On garde ainsi le plaisir d’une douce ivresse tout en évitant de devenir saoul mort. ‡ Pourrions-nous dire, dans une certaine perspective, que la bienséance permet la décadence ? L’étiquette est justement ce qui permet la liberté. Ceux qui ignorent les bases du civisme ne peuvent pas être décadents puisqu’ils sont ignorants. Pour être décadent, il faut être embarrassé de quelque chose qui existe. Que ce soit des règles ou des codes. C’est ainsi que l’on peut véritablement désobéir. ‡ Mais au-delà du simple désir de désobéir, que peuvent cacher nos comportements parfois barbares ? Je dois vous dire que j’ai vu au Québec les pires partys de Noël de toute ma vie. Ça n’a aucun sens ! On se saoule, on danse sur les tables. Les femmes arrivent presque déshabillées. Une proximité démesurée s’installe entre des collègues qui en viennent parfois à se toucher là où certains ne le voudraient pas et là où d’autres, au contraire, justement, le voudraient trop. Lâcher son fou, c’est bien, mais on le fait beaucoup, ici. À quel prix et à quel point ! En fait, tout est relâché. ‡ Serions-nous des mésadaptés de la fête ? Nous avons une tendance maladive à l’égocentrisme et à l’individualisme. Ceci teinte nos rapports aux autres. Observez, autour d’une table par exemple : nous devenons incapables de nous parler. Nous ne savons plus quoi nous dire et comment communiquer. Alors on dit des conneries. Puis on s’enivre pour se désinhiber et pour tenter, en vain, d’entrer en contact avec l’autre. ‡ Dans un contexte festif, est-il possible que la décadence, le plaisir et la classe se côtoient ? Quand on y songe, faire la fête, avoir l’esprit à la fête ou encore donner une fête qui soit réussie, c’est savoir créer de la joie pour tout le monde et que personne, sous aucun prétexte, ne soit laissé pour compte. ‡ Finalement, existerait-il une oasis où absolument tout serait permis et où le mot décadence n’aurait pas sa raison d’être ? Oui ! Il existe un lieu et c’est la chambre à coucher. Là, il n’y a pas de déchéance ou de décadence possible puisque cet endroit est complètement privé. On peut donc y agir en totale liberté. Mais attention ! Quand deux personnes s’y retrouvent finalement, c’est qu’elles ont su être respectables en société et l’une envers l’autre. Je dois quand même spécifier que la propreté de la chambre et l’hygiène du corps doivent participer à cette rencontre... N ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜ ˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜˜ Nous avons poussé l’indécence en provoquant cette rencontre improbable à l’Hôtel Saint-James. Nous tenons à remercier Elizabeth Glimenaki et Cyril Duport pour l’accueil chaleureux.

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01 h 50 ‡ On the road again À peine sortis de la Sala Rossa, plus enjoués que jamais, et accompagnés de Jody, une coiffeuse ontarienne au regard glauque, on saute dans un taxi en direction du Saphir. Le chauffeur est pas fin, il chiale un peu et reste de glace devant notre bonheur immense. Tant pis pour lui, notre joie est infinie. Nous on veut une boule disco et de la basse sous nos pieds. 02 h 04 ‡ Rock’n’roll et loup-garou Devant le bar, on convainc le vieux portier et la fille au vestiaire de nous laisser entrer gratuitement. Après tout, nous sommes en mission hautement professionnelle et scientifique… Mais dès notre entrée fracassante, une angoisse s’installe. On a perdu John, le pétulant photographe ! Yann sort sur le boulevard Saint-Laurent pour crier son nom dans la nuit. Pendant que Yann hurle à la lune sous la pluie, je retrouve John, tout bonnement installé au bar, avec à la main, un drink qui lui a coûté 12 $, bizarre… On accapare le dj, on se prend pour John Travolta, la piste de danse s’enflamme sous nos chorégraphies rock’n’roll. J’ai le tournis. Yann déclare que c’est enfin l’heure de la fameuse expérience australienne… 02 h 25 ‡ Je t’aime à l’australienne Yann nous entraîne au bar d’un pas décidé mais chancelant, commande trois shooters de tequila, du sel et du citron. Il nous met au défi de boire notre tequila comme à Sydney, c’est-à-dire en se mettant du sel dans le nez, de la tequila dans la bouche et du citron dans l’œil. Littéralement et dans cet ordre. C’est con, inutile et terriblement Jackass. Mais on est fous, on est jeunes et on dit oui à la vie ! Résultat : ça fait tellement mal que tu ne goûtes pas la tequila. Pratique. La barmaid nous fait la moue, elle boude, elle n’aime pas trop nos expériences exotiques. 03 h 00 ‡ Avant que les néons ne s’allument On se sauve du Saphir avant que notre carrosse ne se transforme en citrouille. On se retrouve chez des copains de Yann qui fêtent un anniversaire. Il y a des serpentins et des flûtes. Il y a pleins d’inconnus qui deviennent illico nos amis. Il y a un gros ballon d’exercice rouge. Hourra. La fête continue. Yann essaie de se tenir en équilibre sur le gros ballon d’exercice rouge pendant au moins une demi-heure. Il n’y arrive pas. On débouche une autre bière, qu’on ne boira pas. On est les meilleurs amis du monde. On laisse notre euphorie mariner en tentant de faire la split debout. ‡ ‡ ‡ Mission accomplie. Le party est fini. On est allés jusqu’au bout de la fête, on a dévoré la planète à pleines dents. John a immortalisé chaque état. Yann est ravi et rêveur. Moi je me sens comme une fleur. Je ne sais pas trop pourquoi. On marche tous les trois sous la pluie battante, histoire de rentrer chacun chez soi trempés, complètement vidés, avec un sourire un peu béat aux lèvres. Entre les vapeurs d’alcool, je dois maintenant retrouver mes souvenirs, relire les notes que je n’ai pas prises, recoller mes mots à la bonne place, pour pouvoir raconter notre folle nuit. Et non, ben non, Yann n’a pas fait son jogging le lendemain matin… N



Qu’est-ce qui fait une bonne photo de party selon Caroline Hayeur ? Ce qui me stimule profondément en photographie, c’est de saisir les moments d’émotions où les barrières entre les humains tombent. Quand on est dans un état de transe, les codes établis ne comptent plus. Cette énergie pure est universelle et peu importe la culture, tout le monde se reconnaît dans cette quête d’extase. Souvent, en photo documentaire, on cherche à exploiter les misères humaines, moi je préfère chercher à immortaliser les moments de plaisir ou d’exaltation. Comment en es-tu venue à faire des photos de rave ? Au milieu des années 90, Montréal était un peu morne. Tout était « rock ». Le cœur de l’énergie festive de la ville, c’était les Foufs où les gens allaient trasher pour se défouler. Quand les raves sont arrivés à Montréal, j’ai embarqué à fond. Le premier où je suis allée se déroulait dans un énorme hangar à paquebots du Vieux-Montréal. C’était vraiment fou comme ambiance et j’ai ressenti un appel : il fallait que je fasse des photos de ça. Au rave suivant, j’apportais mon matériel et je m’installais au beau milieu du party. C’est ce qui a donné naissance à Rituel festif.

Qu’as-tu fait une fois ce projet terminé ? Je suis partie avec un ami boire de la vodka à Moscou ! Laisse-moi te dire que c’était un buzz assez différent des raves montréalais. J’ai réalisé quelques reportages sur le nightlife moscovite pour des magazines français et québécois. À mon retour au Québec, j’ai appris que Rituel festif avait été sélectionné par les Galeries photo Fnac pour faire la tournée des festivals en France ! De cette expérience a découlé toute ma nouvelle carrière artistique. J’ai été invitée par La Filature, une association de Mulhouse en Alsace, pour faire un projet sur la danse contemporaine. Je leur ai plutôt proposé un projet sur la danse sociale ! Ils ont trippé, car ils n’avaient jamais eu autant de gens à leur vernissage. Tous les petits vieux du village étaient venus se voir en photo ! Quel est le prochain projet que tu nous présenteras ? Un truc que je suis allée shooter à l’Île-aux-Grues, où à la mi-février on fête encore la mi-Carême. Les gens se déguisent et font la tournée du voisinage, un peu comme à l’Halloween, mais on parle ici d’adultes ! À chaque maison, on doit faire une danse dans le salon de l’hôte qui tente ensuite de deviner qui se cache derrière le déguisement en se fiant aux mouvements des corps. C’est une tradition ancestrale qui est en réalité un ciment social et une maudite belle excuse pour passer une soirée en gang à boire de la bière ! À force d’en voir, trouves-tu que les partys finissent par se ressembler ? C’est certain qu’à la longue, je me suis mise à rechercher plus d’intimité. Au départ, avec Rituel festif, je shootais de parfaits inconnus et c’est ce qui me faisait tripper. Mais en vieillissant, je cherche à me rapprocher davantage de mes sujets. Je ne veux pas seulement être un observateur extérieur. N



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« Un soir, dans une grosse orgie, deux femmes me faisaient une pipe et j’ai senti un doigt s’introduire dans mon anus. J’ai compris quelques minutes plus tard que c’était le doigt du conjoint d’une des deux femmes. » — Sylvain, 32 ans

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« Je me souviens d’une orgie en 1997, il devait y avoir 70 personnes dans un 4 et demie. » — Jean Hamel, Président de l’Association des échangistes du Québec

Est-ce que ça répond à ma question ? Quelle question ? Ah oui ! Comment ça commence une orgie ! J’ai proposé à Urbania d’y répondre et d’explorer un univers peu connu, voire secret de la sexualité : la partouze. Car le sexe c’est bien, mais à plusieurs c’est mieux. Trouver une orgie et des gens pour en parler, c’est plus difficile que ça peut paraître. Lire les petites annonces des journaux, passer quelques coups de fil et visiter des clubs échangistes ne semblent pas porter fruit. En désespoir de cause, je me suis tourné vers le Web. Surfer le Web me permet de trouver beaucoup d’information ainsi que de visionner quelques vidéos afin d’étoffer ma recherche. Après quelques heures d’étoffement, je tombe sur le site JouerAvecLeFantasme.com. On y trouve des couples à la recherche de partenaires pour de folles soirées. Je place une annonce : «jeune journaliste cherche orgie pour reportage, ou plus si affinités». Quelques messages envoyés et quelques réponses plus tard, j’entre en contact avec Sylvie et Pierre, un couple dans la trentaine qui organise deux fois par mois des soirées coquines. Ils m’expliquent qu’ils ont débuté par l’échangisme, mais que la pluralité des partenaires dans une orgie offre la possibilité d’assouvir plusieurs fantasmes. Le couple et moi discutons sur msn à quelques reprises. On jase de tout et de rien : échangisme, érection, élection, orgie, hockey, gangbang, sodomie et autres prédilections luxurieuses. Ils m’envoient des photos et demandent à voir les miennes. La confiance s’installe. Il ne reste plus qu’on m’invite à une de leur soirée. Finalement, l’invitation est venue par courriel un mardi soir. On m’y annonce que trois couples se rencontrent et me permettent d’assister à l’événement. Wouhou ! Enfin, je vais voir une orgie live, une partouze, une partie de jambes en l’air. Qu’est-ce qu’on porte pour aller dans une orgie ?

UNE SOIRÉE D’ENFER

Montréal, un samedi soir d’hiver à la maison de Pierre et Sylvie; je sonne à la porte. Pierre m’accueille et me propose de «pénétrer»… question de me mettre mal à l’aise sans doute. Tout le monde se trouve dans la cuisine, apéros en mains. Ils sont dans la trentaine et de belle apparence, ce qui apaise mes craintes. Par contre, la diversité m’étonne: un avocat, un entrepreneur, une infirmière, un acteur (non, il n’est pas connu) et une fonctionnaire. Des gens avec très peu de choses en commun... à part le sexe. Au repas, on m’installe au bout de la table; trois hommes à ma gauche, trois femmes à ma droite. De quoi me sentir comme Janette Bertrand, le facelift en moins. Les discussions sont les mêmes que nous avons tous entre amis un samedi soir. Les hommes parlent de sport, les femmes de potins hollywoodiens. Le vin coule à flots. Une question me brûle les lèvres. Je demande

à une brunette qui me fait de l’œil depuis mon arrivée quelles sont les règles d’une orgie. Selon elle, ça varie selon le groupe : «pour nous, il y en a trois; tout le monde respecte les préférences des autres, tout le monde se protège et personne n’en parle publiquement». Sylvie, pour sa part, me demande si je vais prendre part aux festivités. Timidement, je prends le couvert de mon intégrité journalistique pour repousser l’invitation. Six ou sept bouteilles de vin plus tard, on passe au salon. Un verre à la main, deux femmes dansent lascivement sur une musique de Madonna. Mon but ultime serait-il atteint ? Deux femmes qui se frottent, est-ce un début d’orgie ? Sylvie, assise entre son conjoint et un autre homme, flatte la cuisse de ce dernier. Tout se passe ensuite très rapidement. Les danseuses s’embrassent. Sylvie masturbe maintenant les deux mâles, bientôt prêts à la servir. L’autre trio retire un matelas gonflable caché sous un sofa. Ils s’installent tous les trois et retirent leurs vêtements. «Ça répond à ta question ?» me lance Sylvie. Mon délire éthylique me rend confus et m’empêche de répondre. Le gars qui profite d’une fellation des deux femmes me demande si je veux me joindre à eux. Encore une fois, je défends mon intégrité journalistique. L’effervescence est à son comble. Les couples, les trios ou les quatuors prennent des positions dignes du Cirque du Soleil. J’observe la scène comme un explorateur en territoire inconnu. Je remarque que la bisexualité féminine et l’hétérosexualité masculine semblent de mise. C’est alors que mon œil se pose sur un couple en retrait. La femelle enfourche un mâle en me jettant un regard intense. Pierre s’approche et se positionne derrière elle. La suite logique me perturbe. Je tente de tourner mon attention ailleurs mais c’est impossible. Je suis comme un chevreuil pris en pleine nuit dans les phares d’une voiture sur une route de campagne. Vlan ! La libertine se prend deux queues ! Elle me regarde toujours. Tout ce que je trouve à dire c’est : «ayoye !». Après quelques échanges, les trois hommes se retrouvent en position post-coïtale, nus sur le sofa, le temps de reprendre des forces. Pour s’exciter, ils regardent les trois femmes au milieu de la pièce s’enlacer, se caresser et se faire l’amour. Une scène plutôt bandante, même pour un rédacteur qui commence à y prendre goût. Disons qu’une orgie entre amis bat à plates coutures un match de Scategories ou Fais-moi un dessin. Plusieurs heures et plusieurs orgasmes plus tard, les orgiaques enfilent leurs sous-vêtements. Tous ont pris leur pied. Ils s’embrassent. Ils se souhaitent bonne nuit et s’endorment sur un matelas gonflable. Finalement, je me dis qu’une orgie, ça commence avec le respect, le désir, la sensualité… et beaucoup d’alcool. Quant à moi, je rentre à la maison à quatre heures du matin… en prenant à deux mains mon intégrité journalistique. N

URBANIA 11 | PARTY | 55

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