Urbania #39 Étudiants

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AUTOMNE 2013 | NUMÉR0 39 | ÉTUDIANTS | FAIT PAR DES NERDS

9,95 $ 10 ¤


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AILLEURS

La vie sur le campus

01 | AFGHANISTAN | PAR SYLVIE BRIAND

02 | ÉGYPTE | PAR MARILYN CORMIER

L'Université de Kaboul n'est pas une tour d'ivoire, mais une dure école de la vie où des professeurs, touchant un salaire à peine suffisant pour espérer enseignent à des étudiants fauchés désespérant sur les bancs gratuits de salles délabrées — de rejoindre leurs camarades partis à l'étranger. Ce sont des réacs manifestant au nom d'Allah contre les droits de leurs consœurs minoritaires tandis que, pas bien loin dans une salle surveillée, des branchés se déchaînent dans un concert rock endiablé. Ce sont encore des descendants de Genghis Khan en grève de la faim pour dénoncer la discrimination contre leurs yeux bridés, de futurs ingénieurs sans instruments et de futurs médecins découvrant le corps humain dans des livres sans images pour la fleur d'Ève ou l'oiseau d'Adam. L'université, comme me l'a dit un Afghan, est un luxe sans prix dans un pays riche en illettrés, où la guerre semble depuis trente ans le seul débouché.

Être étudiant en Égypte, c'est d'abord choisir entre l’université publique ou privée. Si, faute d’argent ou de résultats acceptables, l’étudiant se tourne vers le public, il doit être prêt à passer quelques années dans un milieu pour le moins surpeuplé : plus d'un quart de million d'étudiants sont inscrits à l'Université du Caire. Certaines facultés, comme celles de droit et de commerce, sont tellement bondées qu'on les surnomme les « facultés du peuple ». Avec près de 2000 universitaires par amphithéâtre, les professeurs utilisent des amplis archaïques pour se faire entendre de tous. Pendant ce temps, des dizaines d’indolents subtilisent l'électricité de ces mêmes amplis pour s'adonner aux jeux vidéo et écouter de la musique en classe. Pour ceux qui ne veulent pas assister aux cours, reste toujours les étudiants fauchés qui acceptent de prendre des notes à leur place. Les paresseux peuvent se procurer leurs services pour la modique somme de 10 livres égyptiennes (environ 1 dollar canadien), à leurs risques et périls.

S’il y a un monde qui sépare l’UQÀM et l’Université de Montréal, imaginez deux secondes la différence entre le système d’éducation de l’Afghanistan et celui du Japon. Ayoye. PHOTOS LES INTERNETS 05

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03 | RUSSIE | PAR CHRISTIAN DESJARDINS

04 | FRANCE | PAR PAULINE ROUX

05 | JAPON | PAR CARL TREMBLAY-SLATER

La gratuité scolaire, si désirée au Québec, est acquise sur les terres poutiniennes, mais elle a un prix. En effet, l'accès aux universités se fait à la suite d'examens extrêmement difficiles qui servent surtout à réduire le nombre d'étudiants, étant donné une demande nettement au-dessus de l'offre. Or, en Russie, il y a toujours moyen de réussir. La corruption est fréquente, même si l'État essaie de la combattre. Non seulement c'est très facile de tricher, mais les professeurs laissent parfois ouvertement les étudiants copier pour réussir aux examens importants. Autre point intéressant, les étudiantes russes. Ce qui est remarquable n'est pas tant le fait qu'elles soient jolies, mais qu'elles s'habillent pour aller en classe comme les Québécoises s'habillent pour sortir. Les cours sont donc pleins de filles maquillées au rouleau...

Il y a deux choses immuables à l’université française : la grève et le resto U. La grève, comme une secousse ordinaire, arrive presque annuellement avec la douceur du printemps. On fait des montagnes de chaises devant le portail, on cloue les portes des classes de cours, on dort sous les tables, on met en place des stratégies anti-émeutes, on fait des cuisines collectives « bioéquito-hippie » devant les distributeurs à Kit Kat et on regrette, une chose, le resto U. Parce que quand il y a grève, il n'y a pas de resto U, merde. Le resto U, c’est une cafétéria à 3,10 euros (environ 4 dollars canadiens) où on sert, comme le dit le slogan, « un repas complet à prix social. » Quand on reçoit ses bourses mensuelles, on s’emballe et on invite tous les copains du cours de socio à manger à notre table. Avant, on pouvait aussi fumer… Maintenant, c’est toujours aussi doux, mais ça ne sent plus le tabac, ça sent la brandade.

Pas faciles, les études universitaires ? Cessez de vous plaindre. Au Japon, l'université n'est qu'une interminable séance d'apprentissage par cœur totalement mésadaptée à la réalité actuelle, et ce, pour un avenir tout aussi glauque. S'ils ne décrochent pas d'emploi permanent l'année suivant la collation des grades, les étudiants se font rencarder dans le club des freeters — les sansemploi permanents —, un véritable déshonneur. Des statistiques montrent que dans cette perspective, près du quart des universitaires sombrent dans la dépression, souvent profonde. Un point positif : au lieu d'avoir à manger du Kraft Dinner, ils peuvent manger du beef kari, une sauce nappée au cari avec de sporadiques morceaux de bœuf servie sur du riz.


06 | LIBAN | PAR VANESSA MOUAWAD

07 | SUISSE | PAR MÉLISSA NAHORY

08 | NOUVELLE-ZÉLANDE | PAR CHRIS PATON

Au Liban, si tu es riche, tu dois fréquenter le meilleur établissement, celui qui coûte 7000 $-8000 $ par session : tu dois absolument étudier à l'université affiliée à un programme d'éducation américain, parce que c'est tellement plus prestigieux pour ton image. Avec aucune aide financière gouvernementale et aucun boulot à ton actif, le portefeuille de papa-maman épongera la facture. Pendant tes études, tu vas tout bonnement à tes cours avec deux livres à la main (un sac à dos, ça risque de détruire ton style) et tu parles anglais avec tes amis pour faire comprendre à ton entourage que tu es bien au-dessus du Libanais moyen. Et au bout de tes 3-4 années d'études, tu as droit à la grosse collation des grades digne d'un film américain, en bonne et due forme sur le terrain de football de l'université. Après ça, tu dépends aussi de papa-maman pour te trouver un boulot grâce à leurs nombreux contacts… mais qui n'aura rien à voir avec ton domaine d'études.

La vie d’un étudiant universitaire suisse se résume en deux mots : douceur et insouciance. D’abord, l’étudiant suisse reste dans le terrier parental aussi longtemps qu’il le peut. Le logement étant vraiment très coûteux (au minimum 800 $ pour une chambre en colocation et plus de 1200 $ pour un studio), il n’a pas d’autre choix. L’étudiant suisse est donc nourri, logé, blanchi et choyé jusqu'à l’obtention de son diplôme. Heureusement, les grandes universités du pays sont publiques et coûtent une somme symbolique (500 $ pour ceux qui ont les moyens et seulement 60 $ pour les étudiants provenant de familles avec des revenus modestes). Tous les diplômés peuvent donc y accéder, en ne s’endettant jamais pour leurs études : le crédit ne fait pas partie de la culture suisse. Une fois la période estudiantine terminée, par contre, le monde féerique de l’université laisse place à une réalité nettement plus rude : logements introuvables et hors de prix et difficulté à décrocher le premier job. Bonne chance pour accéder à son indépendance !

Les études, d’une université à l’autre, se ressemblent probablement toutes. Avant, on pouvait se payer le luxe d’une année d’adaptation où les initiations et l'alcool étaient bien plus importants qu’étudier. C’est encore le cas pour certains, mais, aujourd’hui, les frais de scolarité sont tellement plus élevés que personne ne veut gaspiller une année. Ce qu’il y a de génial avec certaines universités en Nouvelle-Zélande, c’est que tu te retrouves dans de grands espaces verts à la seconde où tu franchis le seuil de ta porte. Je ne connais pas beaucoup d’autres endroits où tu peux skier, surfer, jouer au golf, faire de l’escalade ou du kayak à côté de la ville. Les étudiants se regroupent habituellement dans des logements assez rudimentaires. Ça peut être froid en hiver ! Dans tous les cas, le coût de la vie est bas et la vie de party est géniale. Bière et BBQ constituent l’alimentation de base durant les études à l’université. À noter : Les textes ci-haut n’ont pas la prétention d’être objectifs. Ils reflètent l’expérience que les auteurs ont eu lors de leur séjour à l’étranger dans une université en particulier et ne sont pas nécessairement représentatifs de toutes les universités du pays.

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09 | BRÉSIL | PAR DANIEL MILAZZO

10 | CHINE | PAR DOMINIQUE NADEAU-GOYETTE

11 | SUÈDE | PAR HÉLÈNE MERCIER

Au Brésil, les cours débutent vers le mois de janvier. Au moment de l’initiation, selon un rituel bien précis, les étudiants se rasent la tête, une pratique très répandue ici, bien qu’elle ne soit pas appliquée dans 100 % des universités. En plus d’abandonner (de se couper) les cheveux, les étudiants, enthousiastes, en profitent pour faire le tour de la ville en criant aux autres : « Oui, j’ai réussi ! » Faut dire que, ici, passer par l’entonnoir des examens mérite une célébration. Surtout lorsqu’on a été admis dans une des universités publiques, qui sont les plus valorisées au Brésil. Même si elles sont toutes gratuites, celles-ci perpétuent le spectre de l’exclusion : ici, un Noir à l’université, c’est rare. Des quotas leur réservent des places, sans toutefois mettre fin une fois pour toutes aux problèmes de discrimination raciale, héritage maudit de la période d’esclavage.

Les universités à Hong Kong sont gérées comme des compagnies. L’efficacité et l’efficience sont des sujets omniprésents dans leur administration. Le style hiérarchique étant à la mode ici, il est difficile de remettre en question les enseignements et de proposer des améliorations aux cours. L’ambiance sur le campus se résume en trois mots : perfectionnisme, compétitivité, conservatisme. Les étudiants choisiront toujours des sujets sûrs pour leur dissertation plutôt que ceux où leur propre apprentissage serait maximal et exploratoire. Les étudiants en quête d’honneur sont cependant rebelles à leur manière : toujours en retard en classe d’au moins 30 minutes, quelques-uns ronflent à la face de leur professeur, alors que d’autres en profitent pour chatter entre eux sur What’s App, commentant sans retenue la présentation.

Les professeurs suédois ont dans leur ADN un cool, une ouverture, une proximité et un souci pour l'équité qui ébranlent parfois l’étudiant nord-américain. Oubliez l’enseignement magistral ; il faut plutôt apprendre à apprécier les travaux d’équipe, l’évaluation par les pairs et les discussions informelles d’égal à égal avec « l’érudit » qui se trouve devant la classe. Afin de ne pas encourager la compétition maladive, seulement trois lettres ornent les bulletins : VG (réussi avec distinction), G (réussi) ou U (échec). Dans certains départements de sciences po du pays des trois couronnes, les maîtres annoncent leurs préférences politiques au premier cours. Full disclosure afin que les étudiants analysent par la suite en connaissance d’allégeance les commentaires professoraux.


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Quand Jérôme Grondin a fait la connaissance de Marc Robidoux au cégep, il y a quelques années, il ne pouvait pas voir jusqu’où cette relation le mènerait. Marc non plus, mais bon, ce n’est pas très étonnant de sa part. Histoire d’une amitié qui a commencé à tâtons entre un aveugle et son aidant. T E X T E VA L É R I E D A R V E A U, Q U É B E C P H O T O D A P H N É C A R O N ( D A P H N E C A R O N .C O M ), Q U É B E C A S S I S TA N T N I C O L A S G A U T H I E R , Q U É B E C

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uand on m’annonce que je vais devenir une cheerleader des Carabins de l’Université de Montréal pour une journée, je m’imagine déjà, en petite jupe, en train de me maquiller avec ma gang de chums de filles. J’envisage même de pousser l’expérience jusqu’à me pogner le quart-arrière de l’équipe de football pour repousser les limites du stéréotype. Sérieusement, je suis enchanté de la proposition, parce que je sais que je vais passer la soirée avec un groupe de chicks aux boules proéminentes et à la cuisse longue, et que je vais être le seul gars en plus. Je pourrai enfin leur poser une question que je me pose depuis longtemps : pourquoi ne pratiquent-elles pas leur propre activité physique ou un vrai sport, plutôt que de se mettre au service d’une gang de gars machos en se trémoussant vulgairement à leurs côtés ?

IL VA Y AVOIR DU SPORT

Ignorant tout de la soirée qui m’attend, je chasse la chaleur caniculaire en m’aérant les aisselles et la bédaine dans le vestibule du cepsum. Soudain, j’entends mon nom scandé derrière moi, du haut d’un escalier. Je me retourne : c’est Véronique Bourgeois, l’entraîneure-chef de l’équipe de pom-pom girls, avec qui j’ai rendez-vous. Je grimpe les marches, encore essoufflé de ma journée comme messager à vélo il y a trois mois, et je me fais dire, en arrivant en haut : « J’espère que t’aimes ça, courir din’ marches, parce que t’as pas fini, mon homme ! » Super. Ça commence bien pour moi qui préfère marcher dans ma cour… En se dirigeant vers le local d’entraînement de l’équipe, Véronique m’énonce les fondements de son sport. « Du sport, du sport... Vous faites juste danser pour encourager ceux qui jouent au football. Eux font du sport !» rétorquai-je. En fait, voyez-vous le gars, là-bas, en plein milieu du champ ? C’est moi, coucou ! La coach m’explique que c’est le plus grand préjugé auquel son SPORT fait face, parce que oui, apparemment que c’est du SPORT. Plusieurs hommes de Cro-Magnon comme moi continuent de s’imaginer que la seule et unique fonction du cheerleading sur cette planète est d’offrir un spectacle silicone, paillettes et froufrous à des spectateurs de football enbudweiserisés. Or, pas pantoute. J’allais bientôt le découvrir.

ORGUEIL ET PRÉJUGÉS

L’équipe s’entraîne dans un gymnase qui ressemble pas mal plus à une salle de perfectionnement pour le Cirque du Soleil qu’à une salle de danse. Partout sur le sol, on trouve des matelas de protection. Des poutres de gymnastique attendent de se faire marcher dessus dans un coin, pendant qu’un trampoline est à la disposition des plus habiles. Mais l’immense majorité du gymnase est recouverte d’un tapis de gymnastique bleu. Tsé, du style qui donne l’impression d’avoir des ressorts dans les mollets quand on court dessus ? Ça me fascine, ces tapis-là, j’ai toujours l’impression que je suis le Coyote qui chasse le Roadrunner quand je cours là-dessus.


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Je suis un des derniers arrivés. Sur place, une bonne trentaine de personnes se préparent à la séance en discutant entre elles. Certaines ont l’air de se connaître, tandis que d’autres sont plus isolées. Mais étrangement, la tension est palpable. La pratique à laquelle je suis invité est particulière : elle fait partie du camp de sélection de l’équipe. C’est même écrit sur le t-shirt qu’on me remet. C’est donc dire que parmi les personnes présentes, certaines seront éliminées et ne représenteront pas les couleurs de l’Université de Montréal. Ai-je moimême des chances de faire l’équipe (ce qui serait absolument absurde) ? À ce stade-ci, rien ne me permet d’en douter : dans la vie comme dans les sports, je comprends vite et je me débrouille toujours bien. Je ne suis toutefois pas étudiant à l’UdeM, ce qui annule pas mal toutes mes chances... Ce qui me frappe, c’est qu’il y a des gars, quand même six ou sept. Je ne comprends pas trop ce qu’ils font là. C’est certain qu’il y en a au moins un dans la gang d’astucieux qui est là juste pour rencontrer plein de filles. Je le sais, j’ai déjà pris Aquaforme comme cours d’éduc, au cégep. Les filles, elles, sont loin de l’idée préconçue que je pouvais avoir. Bien que toutes jolies, elles n’ont rien des pitounes qu’on peut s’imaginer quand on pense à un match des Cowboys de Dallas, par exemple. Elles n’ont pas un pouce de maquillage d’épaisseur dans le visage et elles portent toutes de très ordinaires t-shirts « Camp de sélection 2013 » et des shorts noirs. C’est drôle, mais ça ne me déçoit pas, bien au contraire. Je suis juste moins intimidé que si j’étais en présence de bimbos. Là, on joue tous dans la même ligue.

« Je peux suivre, mais j’ai l’air d’une matante saoule qui plante dans le sapin de Noël à Drôles de vidéos. » — GUINDON

L’entraîneure-chef convoque une petite réunion d’information. Elle en profite pour m’introduire au groupe et rappelle les objectifs de la séance d’aujourd’hui. En gros, il s’agira de réussir une série de stunts de niveau 5. Les « voltiges » devront toutes être capables de faire des front à la fin de la pratique. Ça sonne comme du klingon à mes oreilles, mais ça a l’air ben l’fun. Avant de passer aux choses sérieuses, il faut toutefois s’échauffer.

LA VIE EST UN SPORT DANGEREUX

Habitués, les candidats se mettent en branle. Ils partent à courir en levant les genoux jusqu’au plafond. Je les suis, mais après quatre enjambées, j’ai déjà hâte que ça soit fini. On fait un tour du gymnase, puis on passe aux petits sauts à pieds joints. Ça, ça me fracasse littéralement le haut du dos. Je triche un peu parce que ça fait trop mal. On enchaîne ensuite avec des pas chassés. Je peux suivre, mais j’ai l’air d’une matante saoule qui plante dans le sapin de Noël à Drôles de vidéos. Ça fait cinq minutes que l’échauffement (pas l’entraînement) est commencé et je sue déjà à grosses gouttes. Je regarde l’horloge sur le mur : il ne reste que 1 h 55 l’entraînement. Je vais succomber à ma torture, c’est certain.


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CULTURE POP

GUINDON

L’école de la vie… à la télévision

En fouillant dans les archives de Watatatow, on a réalisé que ce n’était pas tant que ça une émission qui se passait à l’école. Mais vu que Zap n’a duré que trois ans et qu’on n’est pas encore tout à fait nostalgiques de Virginie, on a jugé que c’était l’élément de culture populaire dont on avait le plus envie de parler. Pour se justifier, on se dit que ça nous a suivis durant toute notre vie d’étudiant, du primaire jusqu’aux cycles supérieurs. T E X T E J U D I T H L U S S I E R , Q U É B E C — I L L U S T R AT I O N G A B R I E L L E L A I L A -T I T T L E Y (G A B R I E L L E L A I L A .B L O G S P O T.C A ), Q U É B E C


49 100 lance tres », ce de u a s ou sen c’est n er l’es on oi, pis our résum u-delà de s e m t s n p ’e ’a , c ’u y u , d o i q est to Leblanc-R abitée jus it le reflet . Les s h a ta n m ’é i ’a l u l c é , h i c u w M vieux tatato sion q l’émis ence. « Wa C’était nos e plus c . s ans, d ment adole québécoise ! » 1 3 , le s é na réalit en tout ca ifier Méli . Non seu nsacré e o al s, mien ément qu au mond is elle a c le plus r a s u w o m s o s d t , a a s a t e ut ta ur eule od On pe an de Wa s les épis roman po t pas la s é s u f l ’e o é t t e à 17 h n grand le clanché aîtrise au Mais elle e semaine -vous z l . m d e e s r e r soi e oue emp s’est re d émoi tous les t us chaque tre ne l’av au- delà d m n o ê e o s n e d t e n -v i u , e z b e s r e i e d w .P ll la popu été au ren ous aussi Watatato ’écoute, e nada d r V é a i s . d C o e à av 4 ans vez regar e. Les cot ue Radio - rs de a ant 1 fair ant q spectateu ns pend ais vous our le ns av a é m able p 02, trois a 3 000 tél u x 12-17 n pas, n o a 47 a is 20 l’âge r t pas : en , 81 % des t destinée es. e ous n tr en ment re la plogu iginaleme i, nous au niversité n e r i ic o u t r o l’ t m c n e , n oi io n’e td odu ce gep e émiss ltes. T de, pr cette … des adu unes du cé ique Lalan ais une niè t v d je n étaien ucoup de uvient Mo ission. « J’a mais quan , m a é lé ç l’ é r t « Bea nt », se so e le rd rde evant e rega daie e, pilie regar e à l’époqu out l’âge d s’assoyait d enus. » t ev ié assoc ait plus du iversité, elle s étaient d viol, John i v u n ’a d m u n a e l’ i de qu ses ogu vent à e que ntrait e la dr p sou elle re pour voir c victime d -Toton tro trois fois rs i te r viseu ie était alo t dire Sain yant vieill 17 ans. Soph a faisaien uillard, a iellement enfin ess ffic ait l Co et Van , et Miche us, avait o t-Cyr, pouv r pour u o n S n jo o ly r e g e c a u u p Jo vite q ncarnait, H deux fois s n i mo e be i l’i ur d la bar ur qu . L’acte e se raser ge réel : 24 p e t it jou e ion , t d i â cesser trahir son t re ç u le e s e n au d loin i t lé s ne pa qu’i l ava l le s dé c ol orin, étai ble L or s au x ore i Pierre M it i nc apa era a nfois r ie b at te ucteu r, Je n jou r, i l s ulions par r u d o o ’u v r p u s s, o e rq ou le p é d ie n d out e er. « N bl de se débarrass e au x c om it impossi v es n ta de s’e r de nou , mais il é i l l a rd , d u y n e o t o i s u C s aj o es u ne mis e s je . ser d nir l’é rajeu dé b a r r a s i nc e nt . L uv ie nt-i l o s V e s e e s e d », d ac hé s i n ou L au r t t r o p a t t n é t a ie

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C’EST COOL, CARRÉMENT BUZZANT

Tout a commencé au tournant de la décennie 1990. Radio-Canada veut, elle aussi, présenter une émission pour ados et approche Jean-Pierre Morin, fort du succès monstre qu’est Le Club des 100 watts. « On me disait que les jeunes n’écoutaient pas de fiction à la télévision. À ça, je répondais : “C’est sûr qu’ils n’en écoutent pas, vous n’en faites pas !” J’étais convaincu qu’en leur parlant de leurs préoccupations, ça les intéresserait », se rappelle le producteur. À l’époque, il y a bien Degrassi qui parle de drogue, de sida et de suicide, mais ici, personne ne se reconnaît vraiment dans les voix doublées de Joey ou de Christine «Spike» Nelson. Au Québec, la plus récente fiction jeunesse, Beau temps, mauvais temps, date de 1950 ! Au Club des 100 watts, les dramatiques mettant en vedette Annie Major-Matte et Sébastien Bergeron sont trop courtes et pas assez fréquentes au goût des fans de Marc-André Coallier, qui en redemandent. À défaut d’avoir leur émission, les jeunes écoutent Chambres en ville, qui traite d’enjeux beaucoup trop vieux pour eux, et fuient les émission pour enfants. « Dans la télévision jeunesse, tout le monde était beau et gentil, propre et parlait bien. C’est sûr que les ados sacraient leur camp ! », fait valoir Jean-Pierre Morin. Ainsi, Watatatow devient le premier véritable téléroman jeunesse au Québec. On fait alors la connaissance de la famille Couillard, des jumelles Fraser (interprétées par les filles de Louisette Dussault), d’Einstein, de Raphaël, de Greg (l’ami anglo), de Bérubé, le bum de la Cellule-Ose, et de Pascale Cusson, interprétée par la microscopique Marie-France Monette. Mais bon, téléroman est un bien grand mot. Les premières saisons de Watatatow mettent en scène des épisodes fermés, dont les intrigues simples (« Mon ami me vend 10 cassettes Nintendo 25 $ chacune. Je peux les revendre facilement 40-45 $ si vous me passez 250 $ ! »), entrecoupées de riffs de guitare électrique, se bouclent dans la demi-heure. Ce n’est qu’en 1994 que les trames narratives des différents clans commencent à se poursuivre d’un épisode à l’autre.


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CONFESSION

Elle a payé ses études en travaillant à Niagara Falls de 1992 à 1997, dans le temps où il fallait s’expatrier en Ontario pour faire des danses à 20. Le client pouvait alors glisser ses mains le long des hanches des danseuses, mais c’était pas clair jusqu’où ils pouvaient glisser leurs doigts. Elle nous invite à chausser ses souliers à plate-forme. TEX TE ANONYME I L L U S T R AT I O N S A G AT H E B R AY- B O U R R E T ( A G AT H E B B .C O M ), Q U É B E C

Lapdance lounge, mi-soirée, me reste trois heures pour faire limite mes 500 piasses et je doute en être capable tant la place est morte. Le double de demain ne sera pas assez pour faire break-even. Enfin, il y a eu ce client qui m’a demandé de l’y joindre; de m’asseoir non pas sur lui, mais à côté, sur la banquette, par empathie. Pathétique. Un type qui porte le poids du monde sur ses épaules et qui pense me sauver. Oh ! Et pourtant, il ne répondra pas à mes questions, ne me trouvera pas drôle, ne rira pas de mon accent. Un weirdo. Pourquoi me choisir ? Ai-je dansé pour lui hier soir ? C’est quoi son nom, déjà ? Il est de Montréal ? Nan, j’en doute. Policier ?


59 100 VIVEMENT QUE LA TOUNE COMMENCE, QU’ON EN FINISSE

D’un bond, je me lève quand le DJ mixe vers Roxette. Dos au mur, je le fixe, une main sur ma hanche, ma robe à 24 boutons-pression prête à exploser, mon sourire soulignant mon indécence. Je vais lui en donner, un bon show. Hop ! Je titube vers sa face avec ma grâce juvénile. *** C’est pas sorcier : c’est un calcul mathématique qui mène l’une à choisir de servir du PFK ou une autre de se laisser pincer les boules. Je sais pas pour le PFK, parce que je suis paresseuse ; j’ai préféré passer deux semaines par fin de session à me dénuder plutôt que de me claquer deux shifts par jour pour un maigre salaire qui paierait mes chères études universitaires. À 18 ans moins deux jours, j’étais déjà serveuse sur le plancher de danse du Big Bang, rue Amherst, à me faire tipper 10 cennes la bière. Trois mois d’esclavage qui ne se racontent pas. Pour la suite, par contre, ça se couche sans problème sur une ou deux pages... Un soir, on était frosté dans un after, des filles m’ont parlé de Niagara Falls ; leur Eldorado-à-20-piasses-la-toune, pas-besoin-de-faire-d’extras, tu-vas-te-faire-2 000-balles-par-jour, viens-donc ! Donc, j’y suis allée. Et j’y suis restée cinq ans (le temps de rembourser mon prêt et mon ordi). J’avais troqué l’insulte de ramasser les corps morts des ados pour vider le portefeuille de touristes américains, et ça m’allait très bien. Pour les attouchements indécents, c’était kif-kif. Pour mes notes, j’étais bolée, alors y avait pas plus de mal là-bas qu’ailleurs.

TROUS NOIRS, GROS BRUNS ET PAILLETTES

Les premières fois, c’est en autobus qu’on s’y rend. Tu prétends partir en vacances, et ô merveille, personne ne te pose de questions. Mais ça ne prend pas de temps que tu vois les chutes arriver à 160 km/h, la pédale dans le tapis de ta bagnole flambant neuve dès que la cloche du dernier cours a sonné. Pas une minute à perdre quand tes plate-forme doivent spinner sur le plancher à 21 heures tapantes. Le plus difficile, c’est d’expliquer comment t’as payé la voiture. Pour les uns, tu travailles dans un bar et c’est payant que l’crisse. Pour les autres, tes parents sont riches. Mais tu apprécies franchement le fait qu’aucune pitoune de ton université n’ait eu la même idée que toi pour payer sa dette. — Here comes Raven on stage, please give her a warm hand of applause… You don’t have to be beautiful | To turn me on… Non. Juste à boire pas mal, te grayer la face de maquillage pis la tête d’une poigne de cheveux de pouliche pis te grouiller le cul sur le stage. Ça va faire la job et tu vas ramasser ton dû. Tu vas saigner, tu vas pleurer, tu vas avoir des bleus (sont pas tous bien élevés, les boys), tu vas avoir des trous de mémoire par exprès, tu vas avoir honte au début quand les miroirs vont te montrer quelqu’un qui te ressemble vaguement. Tu vas faire semblant que de tomber sur un connu parmi les inconnus est impossible — à 640 km de Montréal, ce serait plutôt étonnant. Mais à la fin de chaque soir, tu vas te rouler dans un lit couvert de bruns parce que c’est moins sale que ta peau. Littéralement. Il y a de très longs moments, accoudées au bar, où on ne dit rien entre nous, la mère de famille, les deux Serbo-Croates, la perdue, la junkie, la vieille, la feature (une pornstar en tournée) pis l’autre « étudiante ». Elles sont toutes des personnages par-dessus des personnages. Des effeuilleuses de vide. Si on parle, on se dévoile. De toute façon, ça intéresse personne et je parle pas l’anglais. Avec les clients, je cultive

« j’ai préféré passer deux semaines par fin de session à me dénuder plutôt que de me claquer deux shifts par jour. » cet accent qui fait cute et qui procure souvent une danse de plus quand je le susurre à l’oreille. Franco = ca$hing. Étudiante = ca$$hing. Cul de course = ca$$$hing. Pas de totons = moyen. Pas blonde = très moyen. Je suis moyenne. Et je fais moyennement de bidous. Le corps est un atout et un combat à la fois. Heureusement qu’il y a des costumes pour mettre un peu de contenu dans notre spectacle. La grande rousse les fait tous frémir, mais sous sa perruque, il n’y a pas un poil. Nadja la noire cache ses tatouages sous des couches de fond de teint que je l’aide parfois à appliquer. Kathy m’a montré comment danser quand t’as tes règles. Virginia à la cravache déteste les hommes et c’est un peu pour ça que c’est elle qui leur arrache leurs bobettes aux stag parties. Sam a des morceaux de linge pour chaque événement du calendrier. Ça doit lui coûter une fortune, mais c’est elle la meilleure, avec son rack à 10 000 $. Et elle ne rechigne pas quand un kid lui tord les mamelons, parce que depuis l’opération, elle ne sent plus rien, la pauvre. *** Le client m’empoigne la hanche. J’aime qu’on me serre très fort. — Stay there, don’t move. J’adore qu’on me fasse mal, pour que je ressente de quoi. Je fige… C’est bon. Mais perdre le contrôle, ce n’est pas payant. Dans un éclair de lucidité, j’essaie un mouvement brusque pour me remettre debout, alors que ses doigts se crispent. — Now listen carefully 'cause I won’t repeat. Do you understand what is happening right now? Danser, c’est aussi jouer avec une part de mystère, d’incompréhensible, inhérente à la rencontre d’un tas d’individus ayant chacun leurs désirs. Le client se mouille un doigt et le porte à ma bouche. Sans s’arrêter, il le plonge au fond de ma gorge en le glissant le long de mon palais. Il le repose sur ma langue, ouvre ma gueule. Me laisse la refermer. Je saisis la chance d’apprendre à ne pas vomir. Il effleure mes dents, je le mords. Il rattrape mon cou violemment. Je deviens une toute petite lumière dans le lounge de lapdances. La toune s’achève, il va me demander de rester. Il va me demander de danser. Mais il se lève sur les dernières notes, me jette 40 $ américains et sort sans se retourner. S’ils étaient tous comme lui, je paierais la balance de mon prêt sans avoir de regrets.


De gauche à droite : Mérouan W. Bahl, Quentin Monceau, Simon Silvain, Grégoire Barré, Jonathan Eloi, Grégory Calonges, Franck Dellière, Michael David Miller, Antoine Wozny et Brice Mionet.


PORTRAIT

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Lorsqu’on parle de fraternités, notre premier réflexe, c’est de penser à des Américains, riches, dans un gros manoir, qui jouent au bière pong avec des gobelets rouges et qui portent des cardigans noirs. Pourtant, le phénomène est loin d’être réservé à nos voisins du Sud, puisque Montréal compte près d’une vingtaine de frat houses sur son territoire. Urbania a poussé les portes de la plus grande fraternité francophone au monde pour faire la lumière sur leur énigmatique univers. T E X T E C AT H E R I N E P E R R E A U LT- L E S S A R D, Q U É B E C — P H O T O M A R T I N F L A M A N D ( M A R T I N F L A M A N D.C O M ), Q U É B E C — A S S I S TA N T A R N O H .


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PORTRAIT

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La photo de finissant est souvent prise à un âge ingrat. En voici la preuve imprimée sur du papier glacé. PHOTOS ARCHIVES PERSONNELLES

MARC CASSIVI

Université de Montréal — 22 ans

EMMANUEL BILODEAU

Université de Montréal — 22 ans

ÉRIC SALVAIL

École Fernand-Lefebvre — 16 ans

ÉMILIE BIBEAU

École secondaire de Rochebelle — 16 ans


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BIZ - LOCO LOCASS

MARIE-CLAUDE SAVARD

École Joseph-François-Perrault — 1990

Université de Montréal — 1995

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JOËL LEGENDRE

YANN PERREAU

Collège Saint-Bernard — 16 ans

Polyvalente Pierre-de-Lestage — 16 ans

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ge Je FLOREN C an-d e-Br E K ébœ uf

CATHERINE POGONAT

École Sophie-Barat — 16 ans

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Collè YANNICK ge M ont-S NÉZET-SÉ G aintLouis UIN — 17 an

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ALEXANDRE DUMAS

Polyvalente Le Boisé — 16 ans

D'AUTRES PHOTOS DE DIPLÔMÉS SUR URBANIA.CA

GHYSLAIN DUFRESNE - CHICK'N SWELL Polyvalente de L'Érablière — 17 ans

DANIEL GRENIER - CHICK'N SWELL Polyvalente Le Boisé — 16 ans

FRANCIS CLOUTIER - CHICK'N SWELL Polyvalente Le Boisé — 16 ans


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