Urbania # 23 Design

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URBANIA.CA ÉTÉ 2009 / NUMÉRO 23 / DESIGN / IMPRIMÉ EN CMYK / 9,95 $


MANON

Frédéric Metz a été directeur du département de design graphique de l’UQAM pendant 15 ans : il a enseigné aux plus grands noms de la pub et du design à Montréal. Manon LeBlanc est designer d’intérieur : elle est aujourd’hui animatrice d’un show de décoration à Canal Vie et éditrice du célèbre magazine Manon, tu m’inspires. Lorsqu’on les a réunis au chic restaurant Le Saint-Gabriel, dans le Vieux-Montréal, on pensait qu’il en résulterait le plus beau catfight de l’histoire. Il n’en fut rien (malheureusement). Rencontre entre un Metz pas si grinçant et une Manon bien branchée, pour une game de je-te-complimente-tu-me-complimentes. PHOTO : MARIE-CLAUDE HAMEL (mchamelphoto.com) ASSISTANT : PATRICK CORMIER (pcormier.com)

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Bonjour Manon ! Bonjour ! Qu’est-ce que tu penses de la déco ici? J’adore les murs, mais je changerais le mobilier… Je suis d’accord. Les lustres, passe encore, mais tout le reste… Tu m’enlèves ça et tu mets des meubles super italiens! Ah oui! Des meubles très design! Au Québec, on dirait que le monde a de la difficulté à accepter la vieillerie et la mélanger avec des choses hypercontemporaines. Les gens préfèrent acheter des imitations de vieilleries plutôt que des vraies pièces. Moi, s’il y a une chose que je déteste, c’est les imitations. Souvent, dans les émissions de télé, on voit de vieilles maisons ancestrales rénovées… L’extérieur est beau, mais à l’intérieur ça se peut pas comme c’est laid! Pourquoi, selon toi? À cause d’un manque d’éducation, probablement... Parce qu’il n’y a pas assez de personnes comme toi pour éduquer les gens aux belles choses, peut-être? Mais faut que t’avoues qu’il y a quand même une évolution depuis quelques années. Je me souviens, quand j’avais 18 ans, j’allais magasiner à Paris parce qu’il y avait des objets que je ne trouvais pas ici. Ils arrivaient à Montréal trois ans plus tard! Aujourd’hui, on ne voit plus ce problème. Moi, j’ai pleuré quand Caban a fermé à Montréal. Ah oui, c’était la plus belle boutique! Maintenant, ce genre de commerce ne tient pas le coup ici. Moi, si j’étais le gouvernement, je subventionnerais ces boutiques-là bien avant General Motors! Le marché a changé. Aujourd’hui, on peut trouver de belles choses à bon prix chez HomeSense ou Ikea. Pourquoi aller chez Caban quand on peut trouver la même chose ailleurs...? C’est sûr! Mais ce que les gens ne comprennent pas, c’est qu’on peut acheter une chaise à 1000 $ et la placer à côté de meubles de chez Ikea. D’accord, mais le public a quand même évolué. Et c’est en grande partie grâce aux émissions de déco. Toi, qu’est-ce que tu penses de ces émissions-là? Je n’en ai pas vu beaucoup. Par contre, je peux dire que les « avant » sont souvent plus beaux que les « après ». Une cuisine en faux chêne avec des dorures, par exemple, je ne trouve pas ça nécessairement plus beau qu’une cuisine en mélamine. Et puis, je ne suis pas vraiment d’accord avec le message que ces émissions envoient aux gens, comme : « Fais ta maison en 24 heures ». Ça m’enrage! Les belles maisons, ça prend des années à faire! Là, on leur fait croire que c’est instantané. C’est sain qu’on parle de décoration, mais il ne faut pas faire croire aux gens que tout est facile. Le vrai design, c’est pas ça.


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Ouin, les canaux spécialisés aiment beaucoup susciter des émotions… Tu sais que je refuse de faire des pièces pour les vedettes? Moi, ce que je veux avec mon émission, c’est d’abord de faire plaisir à des gens qui n’en auraient pas nécessairement les moyens. Là, par exemple, j’ai investi 70 000 $ sur une maison à Saint-Hubert qui appartient à une famille de quatre enfants. La femme travaille dans un dépanneur et son mari conduit des camions. Si je ne les aidais pas, ils n’auraient pas les moyens de la rénover. Comment choisissez-vous les candidats? Ils font leur demande à Canal Vie, au service à l’auditoire. Et vous en recevez combien? Des centaines. Et on les lit toutes! Tu les lis toutes, toi là, Manon LeBlanc? Je ne te crois pas! C’est mon fi ls qui les lit. Moi, j’investis l’argent que j’ai dans la déco. Est-ce que c’est arrivé que des gens disent « yeurk »? Non, pas encore… Pour éviter que ça arrive, je leur fais remplir des questionnaires sur leurs intérêts : leurs sports préférés, leurs goûts vestimentaires, leurs préférences en décoration… En général, les gens rêvent d’avoir des petits châteaux, j’imagine? Sûrement pas du design italien… Tu serais surpris. Y en a pas mal qui veulent ça. À force d’écouter des émissions de déco en rafale, leurs goûts changent…. Tu sais que 400 000 personnes par semaine écoutent mon émission? C’est une émission de service et je pense sincèrement que ça leur rend service. Est-ce qu’il y a des gens qui te demandent des maisons blanches à l’intérieur? Oserais-tu le faire? Absolument! Ce qui est beau dans le blanc contre le blanc, c’est le relief, l’ombrage. Je me souviens d’une amie très zen qui m’avait dit en 1960 : « Quand ton système mental va accepter le blanc, tu ne pourras plus revenir en arrière. » Et elle a eu raison. Depuis le jour où j’ai tout peint en blanc, j’ai toujours gardé cette habitude. Aujourd’hui, il n’est plus question de mettre de la couleur sur mes murs. C’est parce que toute la journée, tu parles de design, tu manipules des images, des styles… Lorsque t’arrives chez toi, le blanc, c’est la paix, le repos. Ça te fait penser à rien et ça te fait du bien. Tu es fine psychologue! Ça doit être ça. Je voulais te parler de quelque chose, Frédéric. Moi, mon chemin de vie ne m’a pas fait étudier. J’ai passé ma vie dans les ateliers, à repeindre des toiles. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la déco. J’aurais été ravie d’aller à l’école, d’étudier avec quelqu’un comme toi, pour amener mon talent plus loin. Mais là, ça ne sera plus possible. Je viens tout juste de prendre ma retraite. Maintenant, je peux dormir le matin si je veux, prendre des pauses... T’as l’air très heureux et serein, en tout cas! Attention, je suis un grand comédien! Ok… Comme n’importe quelle personne qui a fait de la télé, j’ai une façade. Je fais croire que je suis très heureux. Mais dans la vraie vie, je suis très maniaco-dépressif. T’as des up and down? Oui, je peux être enthousiaste comme maintenant, aller dans un 5 à 7, rire, puis arriver chez moi tout seul et déprimer. J’ai essayé les psys, mais ça n’a pas marché. Souvent, j’en sais plus qu’eux, alors… C’est drôle que tu dises ça parce que je me suis posé la question aujourd’hui : est-ce que je suis maniaco-dépressive? Des fois, je me demande si ma vie va bien et si je suis satisfaite dans l’ensemble. Peut-être que non, dans le fond… Le lendemain matin, je suis en super forme. Je me trouve difficile à suivre. T’es peut-être comme moi. J’ai une amie qui m’a dit : « Je peux pas croire que t’es malheureux. » C’est exactement ce qui fait que je suis malheureux. T’as beaucoup de talent, tu dois être très exigeant et perfectionniste. Ça te rend peut-être malheureux de pas pouvoir aller au bout de ça. Ça doit être ça... ¶

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EN BOÎTE

Pour certains, Starfrit, c’est les accessoires en plastique blanc «cheapettes» qu’on trouve dans tous les tiroirs de cuisine. Pour d’autres, ce sont les infopublicités d’une compagnie de poêles à frire «sûrement made in China». Starfrit, c’est pourtant une gamme de produits conçus par les Promotions Atlantiques, une entreprise familiale «made in Longueuil». Rencontre avec Jacques, Jacques Junior, Éric et Angélique Gatien, apôtres du design pratico-pratique. TEXTE : ANDRÉ PÉLOQUIN (andrepeloquin.wordpress.com) | PHOTO : SIMON DUHAMEL (simonduhamel.com) | ASSISTANT : NIK MIRUS (nickmirus.com)

La ressemblance est frappante. La poignée de main ferme, la stature, le faciès, le charme, le «bling» : Jacques Gatien est le Marlon Brando du Québec (plus à l’époque de The Godfather que de A Streetcar Named Desire, disons). Âgé de 71 ans, le président fondateur des Promotions Atlantiques trempe davantage dans l’eau de vaisselle que dans des affaires interlopes. En plus de la gamme de produits de cuisine Starfrit, on doit à son entreprise le design et la commercialisation de la brosse Oskar, du tapis Sauve-Pantalon, de la colle Krazy Glue, de la vadrouille Abeille et de bien d’autres gogosses au design certifié ISO 9002. Malgré les apparences (et les produits manufacturés), les Corleone du «bien empaqueté, bien étiqueté et vendu à un prix défiant la compétition» aiment bien se salir et se mettre les deux mains dans la poutine (joke de cuisine, ici). «On passe beaucoup de temps à tester nos produits, affi rme Gatien senior. Je me rappelle d’un prototype de Sauve-Pantalon qu’on avait congelé et qu’on avait frappé à coups de marteau pour tester en conditions hivernales. Il avait éclaté en mille morceaux!» Mais plutôt que de causer labos, sarraus et lunettes de protection, un portrait de famille s’impose. De la mitrailleuse à la friteuse Début des années 60. Jacques Gatien vient tout juste de terminer son service militaire et s’enrôle comme «démonstrateur» d’articles de cuisine dans les foires, les salons et les expos agricoles. Armé de sa bonhommie et de ses démonstrations très pragmatiques de nouveaux produits indiiiiiispensaaables à la maison, l’ex-soldat fait tinter sa caisse enregistreuse et charme rapidement le public. Tiens, tiens.

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« C’est sûr qu’on a quelques produits qui n’ont pas fonctionné ou qui sont devenus populaires seulement lorsque nos compétiteurs ont mis des imitations sur le marché, mais on a quand même une bonne moyenne au bâton ! » Flairant la bonne affaire, Gatien s’improvise importateur et distributeur de nouveaux produits de cuisine et ménagers qui ne sont pas encore sur les planchers des grandes surfaces, sous le fleuron des Promotions Atlantiques Inc. Son but est simple : commercialiser les inventions des créateurs québécois et internationaux. «Depuis 1965, les designers industriels et les inventeurs nous envoient leurs prototypes, des objets en carton ou des bouts de bois avec une lame par exemple, explique-t-il. Nous, on s’assure de les redesigner, de les rendre le plus attrayant, le plus durable et le plus marketing possible.» Ok, mais comment reconnaît-on un prototype qui a du potentiel? «Il doit répondre à un besoin, explique le patriarche. Faciliter le quotidien, la vie de tous les jours si tu veux. Je vais te donner un exemple. J’étais en voyage en Asie, je parcourais un marché, puis j’ai croisé un vendeur qui agitait un contenant en plastique rempli d’eau sans se mouiller. Je lui ai demandé sa carte, juste au cas. Et puis, un jour, de retour chez moi, je me suis éclaboussé en sortant du céleri d’un bac d’eau dans mon frigidaire. J’ai contacté le monsieur et, depuis, on distribue son produit, sous le nom de Lock N Lock.»


PORTRAIT

Frites et fric Depuis sa création, Promotions Atlantiques a commercialisé plus de 4000 « bébelles », dont un hachoir à frites. «C’était notre produit étoile, explique le père Gatien. Étoile, star, friteuse, frites... C’est comme ça qu’est né le fameux nom Starfrit». La gamme d’accessoires est donc mise sur pied en 1984. «En 2010, la marque fêtera son 25e anniversaire», souligne fièrement Éric, le responsable des opérations «slash» fi ls aîné «slash» sûrement le mouton noir des trois enfants (donc le Sonny Corleone de la bande). C’est grâce à cette série d’innovations en plastique blanc, allant du VacuVin (un «système de conservation pour bouteilles de vin déjà entamées») au combo salière et moulin à poivre («pour saler et moudre du poivre d'une seule main») que Jacques Gatien se fait connaître du public. Sans oublier ses infopublicités, qui misent sur sa grande amabilité et les performances de ses produits, plutôt que sur des décors léchés, des porte-parole célèbres ou des offres incroooOOOoooyaaables offertes pour un temps limité seulement. «Dans un article du Devoir, on l’a déjà baptisé le Magicien d'Oz…kar», ajoute Éric, avant de confier que les trois héritiers ont aussi collaboré à des publicités pour des flotteurs de piscine lorsqu’ils étaient plus jeunes. Imperméable aux compliments, le paternel demeure humble. «On a beau m’écrire les plus beaux textes du monde, je fi nis toujours par improviser. L’expérience, vous savez..!» Brando, j’vous dis, Brando! Design pour emporter, famille sans assemblage requis Contrairement à Ikea, qui privilégie un «style de vie» minimaliste, compact et ponctué de ‘tites crisses de vis qui disparaissent quand vient le temps de monter la dernière pièce du meuble, les Gatien promeuvent un design beau, bon, pas cher. «C’est notre meilleur atout pour demeurer compétitif, explique Jacques Junior, directeur régional. En offrant des produits légers, aux coûts de production bas et faciles à empaqueter, on économise, et nos clients aussi.» Une philosophie qui réussit, puisque leurs produits sont maintenant distribués d’un océan à l’autre. «C’est sûr qu’on a quelques produits qui n’ont pas fonctionné ou qui sont devenus populaires seulement lorsque nos compétiteurs ont mis des imitations sur le marché, mais on a quand même une bonne moyenne au bâton, ajoute le coach Gatien senior. On a une moyenne de 300, j’dirais.» Bref, plus de coups sûrs que Gary Carter.

De 9 à 5, mais de 5 à 9 ? On s'est fait raconter la petite histoire de la business, on a aussi parlé de design et même du fonctionnement de l’arrière-boutique avec ses tests de résistance et d’empaquetage efficace à gogo, mais la question qui nous brûle le bout des lèvres depuis le début de l’entretien demeure : est-ce que les Gatien se donnent des produits Starfrit en cadeaux d’échange à Noël ? «Bien sûr que non! s’exclame Angélique, responsable du service à la clientèle. À nos amis et connaissances, bien sûr, mais jamais entre nous.» Et pourtant, l'univers Starfrit n'est jamais très loin. «Ça a toujours été difficile pour nous de se distancer de la compagnie et même d’en prendre congé», confie ensuite Jacques senior. Les premières années, je déprimais après une semaine. Je voulais déjà revenir.» Puis, le patriarche clôt la réunion familiale : «On a une règle maintenant : interdiction de parler de job en vacances.» La conclusion parfaite à tout bon procès-verbal d’un meeting d’affaires, quoi. ¶

60 000 000$

DE CHIFFRE D’AFFAIRES ANNUEL

85 EMPLOYÉS 1 000 000

DE POÊLES VENDUES L’ANNÉE DERNIÈRE

600 000

OUVRE-BOÎTES VENDUS L'ANNÉE DERNIÈRE

1 300 000

DE LOCK & LOCK VENDUS L'ANNÉE DERNIÈRE URBANIA 23_DESIGN.indd

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CHEMISE DE BÛCHERON

La chemise de bûcheron, fabriquée avec de la laine et beaucoup d’amour, servait à la base à protéger du froid, du vent et du bran de scie la peau des abatteurs, des tronçonneurs et autres noms virils finissant en «eur». Une fois de temps en temps, ces messieurs, qui n’avaient pas l’occasion de se laver souvent au cours des longs mois de défrichage, « faisaient prendre l’air aux bibittes», comme ils disaient. Traduction : ils mettaient leur chemise à l’envers pour forcer les poux à se déplacer à l’extérieur…

Chapitre 1 : Quels sont les symboles de l’identité québécoise? Après avoir regardé en rafale toutes les reprises de la Petite Vie, les Raquetteurs de Michel Brault au ralenti et manger 15 boîtes de gâteaux Vachon, on a lancé un appel à différentes personnalités québécoises (Richard Desjardins, Marie-France Bazzo, Fred Pellerin, Hugo Latulippe, Michel Tremblay, Lorraine Pintal, Marie Saint Pierre…) pour avoir leur version de la québécitude : pour savoir ce que sont, selon elles, les 10 symboles de l’identité québécoise. Les réponses que nous avons reçues se sont avérées aussi variées que les saveurs de crème glacée disponibles au bar laitier du village. Côté bouffe, on nous a suggéré: le fromage en crottes, le Jos. Louis, la tire sur neige, l’enseigne « Belle Province », le sac de sucre Lantic… Pour les logos, celui des Rôtisseries St-Hubert

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est revenu à plusieurs reprises, aux côtés de ceux des Caisses Desjardins, des pharmacies Jean Coutu, d’Hydro-Québec, de Kanuk et du Parti Québécois. Certains sont allés puiser dans notre folklore en ressortant les cuillères, la ceinture fléchée, la chaise en babiche et le ruine-babines. D’autres nous ont soumis des propositions bien de notre temps, comme le CD de Karkwa, les sacs en fourrure de Rachel F, la Tohu ou le bumper sticker de CHOI FM, proclamant l’importance de la liberté d’expression. Après coup, on a formé un comité urbanien pour procéder au même exercice et ainsi créer notre propre liste. Pendant des heures, on a bu de la liqueur aux fraises Kiri, mangé des chips Humpty Dumpty et débattu afin d’identifier les objets qui nous titillent la fibre nationaliste. Notre choix s’est arrêté sur les dix

FRED PELLERIN, CONTEUR

• Le logo du Cirque du Soleil • Le «Q» d’Hydro-Québec • Un fort de neige • Les bonshommes de Garneau • Le sprocket de Bombardier • Le logo du Canadien • Du fromage en crottes • Un dépanneur • Des Jos. Louis de Vachon • De la tire sur neige


REPORTAGE

BIÈRE LAURENTIDE

L’histoire du Québec est intimement liée à celle de la bière. En 1646, le frère Ambroise prépare du blond et pétillant liquide pour ses paroissiens; de 1704 à 1744, les frères Charron, fondateurs de l'Hôpital général de Montréal, ajoutent une brasserie à leur établissement; en 1785, John Molson reprend la brasserie de Thomas Loid et fonde une des plus vieilles institutions montréalaises. Parmi les produits offerts par la famille Molson, on compte la Laurentide, dont la robe scintillante et le col bien mousseux, qui atteignent leur sommet lorsque savourée température pièce, sont irremplaçables selon certains. Malheureusement, la présence de la jolie blondinette se fait de plus en plus rare sur les tablettes de dépanneur. Peut-être est-ce justement à cause de sa rareté, elle qui est maintenant exclusivement vendue en caisse de 28, que la Laurentide occupe une place aussi privilégiée dans le cœur des buveurs de bière québécois?

HUGO LATULIPPE, CINÉASTE ET AUTEUR

• Un aviron de canot en bois (pour gaucher) • Une toile de Riopelle, grande comme un mur • Une cage à homards en bois • Une caméra ATON 16 mm (comme sur l’épaule de Michel Brault) • Une chaise berçante (comme dans Crac! de Frédéric Back) • Une hache rouge avec un manche en bois • Un violon • Une ancre de bateau en acier noir • Une carte du monde • Un disque de Karkwa

merveilles du monde suivantes : la carte d’assurance maladie (pour la Révolution tranquille et le système des soins de santé public), la canne de sirop d’érable (parce que le Québec est le plus important exportateur de produits de l’érable de la planète), le logo du Canadien (pour Maurice Richard et notre passion pour le hockey), la ceinture fléchée (pour les Patriotes), la chemise de bûcheron (pour nos forêts et Roy Dupuis dans les Filles de Caleb), le crucifi x (pour notre passé clérical), le pylône électrique (parce qu’on est les plus grands producteurs d’hydro-électricité de l’univers), la bouteille de Laurentide (pour notre côté party animal), le fromage P’tit Québec (pour la fleur de lys et l’expression «p’tit» qu’on utilise à tort et à travers) et fi nalement la

motoneige de Bombardier (pour la touchante histoire de JosephArmand et notre nordicité). Une fois toutes ces belles choses rassemblées sous nos yeux, plusieurs questions continuaient de nous démanger : pourquoi certains objets étaient-ils immédiatement proclamés «symboles» et d’autres pas? Que révélaient nos choix sur notre identité? Pourquoi avions-nous opté pour autant d’objets folkloriques alors que nous ne connaissons de l’époque des bûcherons que ce qu’Ovila Pronovost a bien voulu nous en apprendre et que nous ne pouvons pas vraiment faire la différence entre une ceinture fléchée tissée à la main et une autre fabriquée en usine et vendue chez Zellers?

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4 ERIC DEMAY « Chaque plaque est unique, parce qu’elle permet à chaque conducteur de compléter la devise du Québec : il peut, par exemple, la compléter en faisant référence à des événements ou des personnages marquants de notre histoire. Pour ma part, j’ai choisi de parler de la rivalité CanadiensNordiques, parce que je trouvais qu’elle était plus contemporaine que celle franco-anglo. »

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SCIEN ET KLOR, 5 123KLAN

« Notre série illustre notre vision du Québec, de 1970 à 2015. Même si on habite au Québec depuis seulement deux ans, on a voulu présenter une vision très positive de la province. Autant à cause de sa beauté que de son caractère multiculturel. »

6 YANNICK LÉVESQUE 7 CÉDRIC SPORTES,

8 SÉBASTIEN BISSON,

« Ma plaque, c’est une allégorie du Québec d’aujourd’hui : une poutine multiculturelle. Au premier coup d’œil, le mélange peut sembler “improbable”, mais en vérité il est totalement exquis. Évidemment, la poutine est aussi notre véritable symbole national, notre objet de fierté. On en trouve de plus en plus dans le monde, alors pourquoi ne pas en avoir derrière notre voiture? »

« En créant cette plaque, je ne voulais pas prendre de position politique. Je me suis amusé à partir de la dualité entre la gauche et la droite au Québec, et des différentes interprétations de la devise québécoise. D’un côté, on peut voir le Je me souviens des Québécois francophones, ancrés dans les traditions. De l’autre, le Remember what? d’une génération d’anglophones, davantage mondialistes que régionalistes, et plus progressistes. »

APPEL À TOUS

PERENNIA

« La devise du Québec est souvent interprétée de façon revancharde, alors que, à l’origine, elle avait une mission beaucoup plus rassembleuse. Pour lui rendre justice, j’ai traduit le « Je me souviens » en alphabet syllabique, qui a été inventé par un Blanc pour se rapprocher du peuple amérindien tout en respectant leur culture. Ma plaque symbolise la rencontre des Européens et des Amérindiens, qui est la souche du multiculturalisme québécois. »

PAPRIKA


APPEL À TOUS

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9 BAILLAT, CARDELL & FILS

« Notre plaque nous ramène à l’essentiel : l’amour et l’hiver, la saison qui influence le plus la personnalité des Québécois. Et puisqu’il n’y a pas meilleur homme que Gilles Vigneault pour parler de la saison hivernale, nous avons décidé d’inclure l’une de ses citations. »

MAXIME RHEAULT, 10 TRANSISTOR DESIGN

« J’ai créé une série de formes géométriques, lisibles par photo-scan. Elle permet d’identifier chaque voiture partout où elle passe : station-service, autoroute, stationnement, douane. Le codebarre blanc est complémentaire et universellement déchiffrable par cellulaire. Les automobilistes peuvent donc dénoncer une infraction par téléphone. Finalement, les couleurs sont inspirées d’œuvres picturales québécoises. Dans ce cas-ci, j’ai choisi celle de Jean-Paul Lemieux. »

11 NICOLAS MASSEY,

12 RITA

« Avec ma plaque, je voulais rendre hommage aux filles des régions, parce qu’elles sont plus hot et plus cochonnes que n’importe quelles autres filles sur la planète. C’est vrai. C’est connu que les gens qui vivent à l’extérieur des centres urbains s’adonnent davantage à des pratiques sexuelles explicites. Vous comprendrez pourquoi ma copine est originaire de Laval. »

« Notre plaque, c’est un trip de designers. On aime ou on aime pas. Il n’y a vraiment rien de plus à expliquer. »

AMEN / EPOXY

13 DOMINIC ARBOUR ET COLIN CÔTÉ, MICHEL DALLAIRE DESIGN INDUSTRIEL

« Notre plaque évoque la nature profonde du Québec. Le bois, c’est très folklorique et ça illustre le côté western de la province. Toujours dans le même esprit, on a ressorti la phrase « La belle province » parce qu’on était nostalgiques de l’époque où elle était la devise. »

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LES VILLES

NOUS PARLENT

Il y a un an, le maire Gérald Tremblay (qu’on avait pourtant crucifié sur la croix du mont Royal) a remis à l’éditeur d’Urbania, Philippe Lamarre, la toute première bourse Phyllis-Lambert Design Montréal. Des douces mains de Gérald, notre boss a reçu un chèque pour aller documenter le design graphique vernaculaire des trois villes de design de l’UNESCO, soit Buenos Aires, Berlin et l’exotique Montréal, pour en faire un site Internet collaboratif. Cet hiver, pendant qu’on travaillait comme des défoncés sur l’édition précédente, il a parcouru les rues de ces trois métropoles, appareil photo en main. Il nous présente ici un échantillon de ce qu’il a rapporté et partage avec nous ses impressions sur chacune des villes observées. TEXTE ET PHOTOS : PHILIPPE LAMARRE

Le graphisme vernaculaire, c’est le patrimoine graphique d’une ville, exprimé à travers les enseignes commerciales, la signalisation, les murales, les affiches de chats perdus. Pas tout à fait le genre de choses qu’on a l’habitude de voir dans un musée ou affichées sur une carte postale. Chaque jour, les marques standardisées envahissent le paysage visuel urbain, faisant ainsi disparaître des symboles du passé sans qu’on en ait conservé la moindre trace. Ce projet vise à conserver une mémoire de

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l’empreinte picturale des villes du monde à travers une iconographie qu’on croit trop souvent banale, mais qui fait sans contredit partie de leur identité. Sur le site urbania.ca/cityspk, vous pouvez non seulement découvrir les villes à travers un point de vue original, mais vous pouvez aussi contribuer à rendre l’expérience encore plus riche en partageant vos images de graphisme vernaculaire prises partout dans le monde.


Difficile d’observer de l’extérieur sa propre ville quand on y a vécu presque toute sa vie. Toutefois, mes voyages à Buenos Aires et Berlin ont modifié mon regard sur Montréal. Après avoir passé des semaines à parcourir des villes étrangères à la conquête des détails visuels qui les rendent uniques, j’ai réussi à aiguiser mon œil de façon telle que je remarque aujourd’hui des choses que je n’avais jamais vues avant à Montréal. Qu’il s’agisse d’une pancarte qui annonce un aréna à proximité, une vente de garage ou une marque de bière d’épinette, ce n’est pas tant par notre graphisme que nous nous distinguons, mais bien par ce que nous communiquons à travers lui.


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