REFLECT BEPS Hiver 2016

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#09 FIRST THINGS FIRST | HIVER 2016

* Base Erosion and Profit Shifting - Vers une ‘smart transition’ en Belgique ?

BEPS* PROFIT or LOSS?


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AVANT-PROPOS

D

es réformes fondamentales de la fiscalité internationale sont en cours, tant au niveau de l’OCDE qu’au niveau de l’Union européenne. Les crises économiques et financières successives, les grandes difficultés de consolidation budgétaire rencontrées par les États, l’émoi légitime causé au sein de la population par les révélations sur certaines structures fiscales agressives mises en place par quelques grands groupes internationaux et les révélations liées notamment aux dossiers LuxLeaks et SwissLeaks ont radicalement modifié les regards portés sur la fiscalité internationale et son application aux entreprises. À la demande du G20, l’OCDE a lancé un programme d’actions visant à contrer l’érosion des bases imposables et les transferts artificiels de bénéfices (‘BEPS’ ou Base Erosion and Profit Shifting). L’objectif fondamental est de veiller à ce que les impôts soient effectivement payés là où les activités sont exercées et les profits générés, afin que chaque État perçoive une part équitable des impôts (‘a fair share of tax’) dus par les entreprises.

L’EUROPE AUSSI PLANCHE SUR UN PAQUET DE MESURES DE RÉFORME FISCALE

Le plan d’action de l’OCDE a été définitivement approuvé le 5 octobre 2015. Sa mise en œuvre a débuté à la même date et impliquera de nombreuses modifications des législations et pratiques nationales ainsi que des conventions préventives de la double imposition. Au niveau européen, la volonté de la Commission européenne est d’aboutir à une mise en œuvre coordonnée – voire harmonisée – entre États membres. Un paquet de mesures sur la transparence fiscale a été publié en mars 2015 (une 1re directive sur l’échange automatique de renseignements sur les rulings a déjà été approuvée en octobre 2015) et un plan d’action pour une fiscalité des entreprises plus juste et plus efficace a été publié en juin 2015.

adéquate des plans d’action mette en péril le développement des activités internationales et le bon fonctionnement du marché intérieur. Ces réformes visent avant tout les entreprises ayant des activités internationales et qui mettent en place des plannings agressifs et optimalisent artificiellement leur pression fiscale. Mais en pratique, les nouvelles règles et surtout les nouvelles obligations imposées toucheront indistinctement toutes les autres entreprises ayant des activités transfrontalières, y compris celles qui respectent entièrement les règles du jeu et y compris les PME. Pour ces entreprises, qui accomplissent déjà correctement leurs obligations fiscales, les plans d’action ‘BEPS’ risquent d’aboutir à une augmentation significative de la pression fiscale, à des risques accrus de double imposition internationale et à une explosion des charges administratives (compliance & reporting). En outre, on constate que la transparence fiscale accrue est souvent utilisée à des fins populistes, certains n’hésitant pas à utiliser systématiquement l’arme de l’atteinte à la réputation pour faire valoir leurs prétentions. Il est donc essentiel que toute entreprise se prépare activement aux changements annoncés, dont certains sont déjà entrés en vigueur (par exemple, les nouvelles règles en matière de justification des prix de transfert pour les transactions entre entreprises liées) ou entreront en vigueur dès le 1er janvier 2016 (par exemple, la nouvelle directive relative au régime fiscal des dividendes entre sociétés mère et fille, le ‘Country-by-Country Reporting’ …). Ce présent numéro du REFLECT vise à vous donner un aperçu global des changements à venir. À vous permettre d’identifier rapidement les évolutions qui concernent plus particulièrement votre entreprise. À accompagner votre stratégie. En un mot, à vous préparer à temps à la nouvelle donne : The New Tax World. Bonne lecture.

S’il est légitime de veiller à ce que l’impôt des sociétés soit correctement prélevé, sur la base d’un cadre fiscal international approprié et efficace, on peut cependant craindre qu’une mise en œuvre in-

PIETER TIMMERMANS ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ FEB

© DANIEL RYS

FEB

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BEPS - PROFIT OR

DANS CE NUMÉRO 04 BEPS : LES GRANDES LIGNES 06 GLOSSAIRE

08 BEPS, UN MONDE (FISCAL) DE DIFFÉRENCE En septembre 2013, l’OCDE a lancé un vaste programme connu sous le nom de ‘BEPS’ (Base Erosion and Profit Shifting). Il regroupe 15 actions visant à lutter contre l’évasion fiscale, les transferts artificiels de bénéfices et la concurrence fiscale déloyale entre États. De son côté, profitant de cette dynamique initiée au niveau international, la Commission s’est lancée dans des actions ‘miroir’ au niveau européen. Ce chapitre décortique les principales décisions découlant de ces initiatives.

2 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

18 UNE HARMONISATION HARMONISATION QUI NE SERT SER T PAS PAS LES VRAIS INTÉRÊTS DES ENTREPRISES Les regards portés sur la fiscalité internationale et sur son application aux entreprises ont radicalement changé ces dernières années. C’est sous la pression de cette nouvelle perception qu’est né le Base Erosion and Profit Shifting, visant à lutter contre l’ingénierie fiscale agressive et ses conséquences : diminution des bases imposables et transferts artificiels de bénéfices vers des pays à faible fiscalité. Comment en est-on arrivé là ? Focus sur les étapes et la motivation d’un long processus.


LOSS? Jean Baeten, Executive Manager du Centre de compétence Fiscalité & Investissements de la FEB, a assuré le contenu rédactionnel de ce nouveau numéro de REFLECT.

WHO

THÈMES 48 CYBERSÉCURITÉ ELLE MET LES ENTREPRISES BELGES AU DÉFI

49 BETTER REGULATION MOINS DE CHARGES = PLUS DE CROISSANCE !

50 AGILITÉ DANS L’EMPLOI

28 “IL FAUT RETROUVER UN ÉQUILIBRE” La fiscalité internationale est à la veille d’une nouvelle ère. Les objectifs que poursuivent l’OCDE et l’Union européenne avec le BEPS sont clairs. Mais sont-ils réalistes ? Nous avons réuni cinq spécialistes autour de la table et nous les avons interrogés.

38 SOR SORTIR TIR GAGNANT DU BEPS Sans doute est-il encore trop tôt pour transposer l’impact qu’aura le programme BEPS en pratiques ‘bonnes’ ou ‘à éviter’. Nous tentons d’abord, et à l’aide d’un tableau, de lister toutes les actions susceptibles d’influencer la politique fiscale belge pour les entreprises. À elles ensuite de bien s’y préparer. Comment ? Explication avec Wim Wuyts, Global Head of Tax de Bekaert et par ailleurs président de la commission fiscale de la FEB.

PAS DE TRAVAIL FAISABLE SANS AGILITÉ DANS L’EMPLOI

51 TRADE FOR ALL LA COMMISSION SUIT UN AGENDA COMMERCIAL AMBITIEUX

52 GESTION DES RISQUES DANS CHAQUE DIFFICULTÉ VOIR L’OPPORTUNITÉ

46 THÈMES Une sélection de dossiers auxquels nos experts travaillent actuellement.

54 JURISPRUDENCE SOCIALE 56 AGENDA FEB FEB

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BEPS : LES GRANDES LIGNES 4. DEUXIÈME PILIER : PLUS DE SUBSTANCE En tendant à plus de substance, l’OCDE veut mieux imposer les bénéfices là où sont localisées les activités qui les ont générés. La substance d’une entreprise est déterminée par ses fondements économiques (e.a. son personnel et ses actifs) et pas seulement par ses accords juridiques. Mais plus que par le passé, il faudra aussi justifier et documenter pourquoi on a adopté une stratégie fiscale déterminée. Ce sera par exemple le cas pour les ‘patent boxes’ dans les pays où il existe un régime favorable pour les revenus des droits de propriété intellectuelle. L’OCDE exige qu’un lien direct soit établi entre les frais encourus pour développer les activités de recherche et de développement et les revenus qui en découlent par le biais d’un brevet.

1. BEPS, 15 ACTIONS En 2013, l’OCDE (et le G20) a lancé le programme d’action BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), soit quinze actions pour lutter contre l’évasion fiscale, les transferts artificiels de bénéfices et la concurrence fiscale déloyale entre États. Certaines entreprises multinationales créent des structures qui leur permettent de ne payer (presque) pas d’impôt dans les pays européens à forte taxation. Soit ces entreprises déduisent des frais importants (approuvés par le fisc) (l’érosion de la base imposable ou base erosion : les lettres ‘BE’ du BEPS). Soit les impôts payés sont dus dans des pays à faible taxation, comme le Luxembourg ou l’Irlande (transfert des bénéfices ou profit shifting : les lettres ‘PS’ du BEPS). L’Union européenne adhère au programme d’action de l’OCDE, mais elle veut aller plus loin. 2. QUELLES SONT LES ENTREPRISES VISÉES ? Les nouvelles règles de la fiscalité internationale n’affecteront que les entreprises qui sont actives à l’international, c’est-à-dire les entreprises qui ont une filiale ou une entité juridique en dehors des frontières belges. La nouvelle réglementation fiscale internationale et européenne n’a pas d’influence sur l’activité des entreprises qui n’opèrent que sur le territoire belge – les entreprises belgo-belges – quel que soit leur chiffre d’affaires. 3. PREMIER PILIER : PLUS DE COHÉRENCE L’OCDE veut augmenter la cohérence des interactions entre les différents systèmes d’impôt des sociétés dans les différents pays. Elle veut éviter que certains revenus échappent à l’impôt en raison de deux régimes fiscaux contradictoires dans des pays différents (‘la double non-imposition’).

4 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

5. TROISIÈME PILIER : PLUS DE TRANSPARENCE L’OCDE tend vers une transparence absolue grâce à de nouvelles obligations de rapport, de documentation et de déclaration pour les entreprises. Grâce à ces rapports et à ces informations, les autorités fiscales des différents pays pourront mieux cibler les entreprises qu’elles doivent contrôler. Ainsi, de nouvelles exigences sont imposées en matière de documentation des prix de transfert, tant pour le pays où est établie la société mère que pour les pays des filiales et établissements stables. Les entreprises sont également obligées de fournir des données relatives aux activités exercées, aux actifs détenus, au personnel employé et aux impôts payés dans chaque pays (‘country-by-country reporting’). Cette déclaration devra être introduite auprès des autorités fiscales de la société mère du groupe, à charge pour celles-ci de la transmettre à leurs collègues des différents autres pays concernés. L’échange d’informations automatique entre les administrations sera encore renforcé. Toute décision anticipée (‘ruling’) qui est susceptible d’avoir un impact fiscal transfrontalier sera désormais communiquée de manière systématique à tout pays concerné. À l’entreprise d’évaluer le risque de l’introduction d’un ruling. 6. PLUS DE RISQUE DE DOUBLE IMPOSITION La transparence constitue un énorme multiplicateur pour la double imposition. En effet, elle augmente la probabilité de conflits entre les prétentions fiscales des différents pays et la possibilité que la combinaison des différentes prétentions aboutisse à ce que plus de 100% de la base imposable soit taxée. Le nombre de litiges augmentera donc aussi. Mais les procédures existantes de règlement des litiges de double imposition s’avèrent peu efficaces, extrêmement coûteuses et rarement couronnées de succès.


7. ADAPTATION DES CONVENTIONS PRÉVENTIVES DE LA DOUBLE IMPOSITION À l’aide d’un nouvel instrument multilatéral (l’action transversale numéro 15), toutes les conventions préventives de la double imposition devraient être modifiées simultanément afin d’empêcher leur utilisation abusive. En effet, certaines entreprises font du ‘treaty shopping’ et utilisent des sociétés boîtes aux lettres pour payer des impôts dans les pays qui offrent les taux d’imposition les plus favorables. Les conventions fiscales doivent également être modifiées afin de prévenir l’utilisation abusive d’un’ établissement stable’. 8. NOUVELLES RÈGLES POUR LES PRIX DE TRANSFERT (TRANSFER PRICING) Le BEPS revoit complètement les règles relatives aux prix de transfert (le ‘transfer pricing’). Ces règles visent à s’assurer que toutes les transactions intragroupes entre sociétés liées s’effectuent à un prix et à des conditions conformes à un marché de pleine concurrence. Songeons à la localisation des immobilisations incorporelles, des risques et des capitaux, aux flux financiers entre sociétés, aux transferts de biens et de services … De cette manière, le BEPS vise à répartir correctement et équitablement les bénéfices des entreprises – et donc leur taxation – entre les différents pays où sont exercées les activités des entreprises multinationales. 9. EUROPE VS. OCDE Au cours de l’année écoulée, l’OCDE et l’UE se sont livrées à une véritable course contre les mesures fiscales nuisibles. L’Europe propose de renforcer certaines actions de l’OCDE – compte tenu des exigences accrues liées à un marché intégré – et parfois même d’imposer des obligations supplémentaires en matière de transparence. Ainsi, la directive sur l’échange automatique d’informations sur les rulings entrera en vigueur le 1er janvier 2017 avec effet rétroactif jusqu’en 2012. 10. IMPACT DU BEPS SUR LES ENTREPRISES BELGES En résumé, les nouvelles règles ont un impact sur : • le fonctionnement des rulings ; • la déduction pour les brevets (la taxation des revenus des brevets pourrait augmenter en raison d’un prélèvement à la source) ; • notre système d’exonération des dividendes (système des RDT ou revenus définitivement taxés) entre sociétés liées ; • les exonérations de prélèvement à la source sur les intérêts et les royalties entre sociétés liées ; • l’application coordonnée des obligations concernant les prix de transfert ;

• la taxation des établissements et filiales étrangers (reconnaissance accélérée de l’existence d’un établissement stable à l’étranger en cas d’activité transfrontalière) ; • la gestion des risques fiscaux liés aux cas de double taxation ; • les obligations de déclaration et de publication.

11. CONSÉQUENCES DU BEPS POUR LES ENTREPRISES • Le taux d’imposition effectif des entreprises actives à l’international augmentera sensiblement (d’environ 2 à 3 points) ; • En raison de la transparence accrue, les entreprises devront, plus encore que par le passé, être à même de justifier leur politique fiscale devant l’opinion publique ; • Les entreprises doivent veiller à ce que l’organisation fiscale du groupe soit adaptée au nouveau cadre normatif ; • Les structures hybrides pouvant donner lieu à la non-imposition effective d’une partie du bénéfice disparaîtront presque totalement. Les structures de holding ne seront défendables que si l’économie et la stratégie de l’entreprise les imposent ; • Les coûts de compliance augmenteront fortement à cause des obligations de documentation internes accrues pour les transactions et de la gestion des nouveaux flux d’information et obligations de rapport ; • La déductibilité des intérêts sera limitée dans certains pays ; • La facturation intragroupe (prix de transfert) devra être mieux étayée ; • Plus de risques fiscaux en rapport avec les activités transfrontalières. Ainsi, la transparence accrue augmente aussi le risque de double imposition. 12. PRÉPAREZ VOTRE ENTREPRISE ! QUATRE CONSEILS 1. Le conseil d’administration doit définir la stratégie de positionnement fiscal de l’entreprise, avec plus ou moins de risques. La politique fiscale fait désormais partie intégrante de la bonne gouvernance ; 2. Communiquez dans toute l’entreprise les nouvelles règles du jeu et la nouvelle culture. De cette manière, chacun dans l’entreprise comprendra la complexité et développera les bons réflexes en cas de décisions ; 3. Faites l’analyse des lacunes et élaborez un plan d’action pour la transition de l’ancien au nouveau monde fiscal ; 4. Documentez en détail toutes les transactions de transfer pricing. Cette documentation est comme une police d’assurance que l’entreprise contracte pour éviter au maximum la double imposition.

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GLOSSAIRE CCCTB Common Consolidated Corporate Tax Base (ACCIS – Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés) : un ensemble unique de règles que les sociétés opérant au sein de l’Union européenne pourraient utiliser pour calculer leurs bénéfices imposables. COUNTRY-BY-COUNTRY REPORTING Une des 15 mesures BEPS prévoit que chaque multinationale doit établir un rapport qui donne par pays un aperçu des actifs, de l’emploi, des bénéfices, etc. La maison-mère devra établir cet aperçu chaque année et l’introduire auprès de sa propre administration fiscale. Tous les pays concernés recevront une copie de ce rapport.

DÉDUCTION POUR BREVET Elle est aussi appelée déduction pour revenus des brevets et est un incitant fiscal destiné à stimuler la recherche et le développement. Elle permet aux entreprises innovantes de déduire les revenus de leurs brevets qualifiants à hauteur de 80% dans leur déclaration d’impôt. Grâce à cette déduction pour brevet, la pression fiscale diminue sensiblement pour les entreprises qui génèrent des revenus de brevets qualifiants. Par cet incitant fiscal, les pouvoirs publics incitent les entreprises belges à l’innovation technologique afin de renforcer la compétitivité de notre économie. DIRECTIVE ‘MÈRES-FILIALES’ La directive européenne relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés-mères et à leurs filiales établies dans différents Etats membres (90/435/CEE). La directive veut que la distribution de bénéfices entre les sociétés-mères et leurs filiales soit en principe exonérée de retenue à la source.

GLOSSAIRE

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DIRECTIVE ‘INTÉRÊTS ET REDEVANCES’ La directive européenne relative au régime fiscal commun applicable au paiement d’intérêts et de redevances entre entreprises associées dans différents Etats membres (2003|49|CEE). La directive veut que le paiement d’intérêts et de redevances entre entreprises associées soit en principe exonéré de retenue à la source. INSTRUMENT MULTILATÉRAL (action 15 du programme d’actions BEPS) En raison des innombrables conventions préventives de la double imposition existantes, il sera difficile d’introduire les nouvelles règles BEPS dans chaque convention séparément. Grâce à un instrument multilatéral, il serait possible de renégocier toutes les conventions simultanément, tout en introduisant les nouvelles règles. On évite ainsi entre autres le ‘treaty shopping’ (par exemple l’utilisation de sociétés boîtes aux lettres pour bénéficier d’exemptions conventionnelles dans certains pays). RÈGLES CFC (CONTROLLED FOREIGN COMPANY) Cette législation fiscale veut éviter que les contribuables fassent transiter leurs revenus par des pays où les impôts sont faibles ou nuls, c’est-à-dire des paradis fiscaux. SUBSTANCE La recherche de plus de substance vise à mieux imposer les bénéfices là où sont établies les activités dont ils découlent. En d’autres termes, le bénéfice est taxé à l’endroit où se trouve les fondements économiques de l’entreprise (facilités de production, travailleurs, organes de décision, comptabilité, …). Les prix de transfert entre entreprises doivent être conformes à la création de valeur.

SURVEILLANCE HORIZONTALE Toute la chaîne fiscale de la transaction à la déclaration et à la taxation est une chaîne dans laquelle le chef d’entreprise, le prestataire de services fiscaux et le service de taxation jouent un rôle. Dans la surveillance horizontale, le fisc privilégie la collaboration. Cela implique des accords préalables si nécessaire, plutôt que des contrôles a posteriori. Cela implique aussi d’utiliser la qualité qui existe dans la chaîne, de conclure des accords sur cette qualité et d’éviter les doublons. La collaboration est donc centrale : chacun dans son propre rôle en vue de l’exécution des lois fiscales d’une manière efficace et d’une manière qui permette au contribuable de savoir à quoi s’en tenir. TRANSFER PRICING Se rapporte à tous les types d’opérations entre établissements dans différents pays qui appartiennent au même groupe. Dans le cas des transactions financières et autres entre entreprises liées, le risque existe que la fixation des prix ne s’effectue pas de manière conforme au marché et ne soit par conséquent pas acceptée par les différentes administrations fiscales. Le fait que certaines entreprises auraient utilisé le transfer pricing pour déplacer des bénéfices vers des pays pratiquant une imposition moindre a incité de nombreux pays à adopter une législation en matière de transfer pricing. Le fisc tente ainsi de préserver ses recettes fiscales.

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BEPS, UN MONDE (FISCAL) DE DIFFÉRENCE


WHAT En septembre 2013, l’OCDE a lancé un vaste programme connu sous le nom de ‘BEPS’ (Base Erosion and Profit Shifting). Il regroupe 15 actions visant à lutter contre l’évasion fiscale, les transferts artificiels de bénéfices et la concurrence fiscale déloyale entre États. De son côté, profitant de cette dynamique initiée au niveau international, la Commission s’est lancée dans des actions ‘miroir’ au niveau européen. Ce chapitre décortique pour vous les principales décisions découlant de ces initiatives. Leurs retombées concrètes sur la gestion fiscale de votre entreprise seront développées dans les rubriques ‘WHO’ et ‘HOW’.

1.

LE PROGRAMME D’ACTION BEPS DE L’OCDE

Les travaux intensifs de l’OCDE dans le cadre de BEPS (‘Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices’, en français) ont abouti à 15 actions ciblées, publiées le 6 octobre 2015 sous forme de 15 rapports finaux et articulées – pour 13 d’entre elles – autour de trois grands objectifs : plus de cohérence, plus de substance et plus de transparence. Deux actions, comme le montre le schéma (‘The BEPS Project’), sont organisées transversalement.

THE BEPS PROJECT

COHERENCE

SUBSTANCE

TRANSPARENCY

Hybrid mismatch arrangements (2)

Preventive tax treaty abuse (6)

Methodologies and data analysis (11)

Interest deductions (4)

Avoidance of PE status (7)

Disclosure rules (12)

CFC Rules (3)

TP aspects of intangibles (8)

TP documentation (13)

Harmful tax practices (5)

TP/Risk and Capital (9)

Dispute resolution (14)

TP/High risk transactions (10)

Digital economy (1) Multilateral instrument (15)

SOURCE : OCDE, WWW.OECD.ORG/CTP/BEPS.HTM

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WHAT Les objectifs poursuivis par ces différentes actions et les moyens à mettre concrètement en œuvre peuvent être résumés comme suit. 1.1. PLUS DE COHÉRENCE Une plus grande cohérence (actions 2, 3, 4 et 5) est recherchée au niveau de la coordination des systèmes nationaux d’impôt des sociétés et de leur interactivité. On veut lutter contre l’absence d’imposition de certains revenus due à l’application cumulée de deux systèmes fiscaux contradictoires. Comment ?

en évitant que des charges d’intérêt déduites dans un pays soient requalifiées en dividendes dans un autre pays et exonérées à ce titre dans cet autre pays (ce qu’on appelle des structures ‘hybrides’) ;

en empêchant que des charges excessives d’intérêt soient artificiellement déduites dans un pays où l’impôt des sociétés est élevé, avec pour résultat de diminuer l’impôt à payer dans ce pays . Cet objectif peut être réalisé, par exemple, en fixant une limite à la déduction des intérêts par référence à un pourcentage de l’EBITDA (soit les revenus d’une entreprise avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations) ;

en prévoyant des règles ‘CFC’ (controlled foreign companies – sociétés étrangères contrôlées) destinées à veiller à ce que des bénéfices insuffisamment taxés dans le pays

BEPS PRÉVOIT UN MEILLEUR ENCADREMENT DE CERTAINS RÉGIMES DE FAVEUR, NOTAMMENT POUR LES REVENUS DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE d’activité soient soumis à un impôt complémentaire dans l’État de résidence de la société mère (comme c’est le cas actuellement aux États-Unis) ;

en encadrant mieux certains régimes de faveur, en particulier pour les revenus de la propriété intellectuelle, qui bénéficient chez nous de la ‘déduction pour brevets’ ; L’approche préconisée est d’établir un lien (‘nexus’) entre les dépenses de R&D effectuées dans un pays donné et les revenus qui y sont liés et qui seuls peuvent bénéficier du régime de taxation favorable.

enfin, en relançant le Forum sur les pratiques fiscales dommageables sur de nouvelles bases afin de prévenir et d’empêcher toute concurrence fiscale déloyale entre États membres (on se souviendra notamment de la ‘saga’ des centres de coordination en ce qui concerne la Belgique)*.

1.2. PLUS DE SUBSTANCE La recherche de plus de substance (actions 6, 7, 8, 9 et 10) vise à mieux imposer les bénéfices là où sont localisées les activités qui les ont générées. À l’aide d’un nouvel instrument multilatéral (action 15) qui sera mis en place, toutes les conventions préventives de la double imposition devraient pouvoir être modifiées simultanément afin d’empêcher l’utilisation abusive des conventions préventives de la double imposition. Comme dans le cas du ‘treaty shopping’, qui consiste en l’utilisation de sociétés ‘boîtes aux lettres’ afin de bénéficier d’exonérations conventionnelles dans certains pays. Les conventions fiscales devraient également être modifiées afin de prévenir l’utilisation abusive d’un établissement stable. Certaines structures internationales qui ont été identifiées lors des travaux de l’OCDE auraient pour effet de réduire substantiellement la charge fiscale globale des groupes multinationaux, en jouant sur la présence ou l’absence d’un établissement stable dans les différents pays où ils sont actifs. Les règles en matière de prix de transfert (‘transfer pricing’) ont quant à elles été revues en profondeur et rendues encore plus contraignantes. Ces règles visent à s’assurer que toutes les transactions intra-groupes entre sociétés liées s’effectuent à un prix et à des

* Les centres de coordination étaient des entreprises établies en Belgique et faisant partie d’un groupe multinational, dont le seul but était de fournir certaines prestations en matière de financement, de gestion de trésorerie, de comptabilité, de consultance, etc. à d’autres entreprises du même groupe. Ces centres de coordination bénéficiaient d’un régime fiscal avantageux. En 1984, ce régime était jugé compatible avec la législation communautaire mais, en 2003, la Commission européenne a décrété qu’il n’était plus compatible avec les règles en vigueur concernant les aides d’État et que la Belgique devait donc y mettre un terme. 10 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?


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WHAT conditions conformes à un marché de pleine concurrence (localisation des immobilisations incorporelles, des risques et des capitaux, flux financiers entre sociétés, transferts de biens et de services, centralisation d’activités communes …). Partant, elles visent à répartir correctement et équitablement les bénéfices des entreprises – et donc leur taxation – entre les différents pays où sont exercées les activités des entreprises multinationales.

LES CONVENTIONS FISCALES VISANT PLUS DE SUBSTANCE DOIVENT PERMETTRE DE PRÉVENIR L’UTILISATION ABUSIVE D’UN ÉTABLISSEMENT STABLE 1.3. PLUS DE TRANSPARENCE L’objectif de transparence (actions 11, 12, 13 et 14) sera concrétisé par de nouvelles obligations de rapportage et de déclarations à charge des entreprises. Ces informations doivent permettre aux États de mettre en place et d’affiner leurs techniques d’analyse de risques, afin de mieux cibler les entreprises à contrôler. De nouvelles exigences de documentation des prix de transfert ont été élaborées, tant à destination de l’État de la société mère que de ceux des filiales et établissements stables. Une obligation de déclaration de certaines données relatives aux activités exercées, aux actifs détenus, au personnel employé et aux impôts payés dans chaque pays a été instaurée (‘country by country reporting’). Cette déclaration devra être introduite auprès des autorités fiscales de la société mère du groupe, à charge pour ces autorités de la transmettre aux autorités des différents autres pays concernés. Une obligation de déclaration ‘spontanée’ de tout planning fiscal est proposée. L’échange automatique d’informations entre administrations sera encore renforcé, en prévoyant désormais la communication systématique à tout pays concerné de toute décision anticipée (‘ruling’) qui est susceptible d’y avoir un impact fiscal transfrontalier. Enfin, des études seront également menées afin de permettre aux 12 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

L’AUGMENTATION DES CAS DE DOUBLE IMPOSITION, DOMMAGE COLLATÉRAL ? Le renforcement de la transparence, un des trois objectifs du BEPS, doit permettre aux États d’avoir une meilleure connaissance des activités des entreprises sur leur territoire et de pouvoir effectuer une analyse de risque. Objectif : évaluer s’ils perçoivent effectivement une part équitable des impôts de ces entreprises sur les bénéfices générés par ces activités. Cet objectif a toutefois pour corollaire que les prétentions des États soient conflictuelles et que leur cumul pourrait aboutir à ce que plus de 100% de la base imposable soit taxée. On parle alors de cas de double imposition. Afin de résoudre ces cas, qui risquent donc de se multiplier avec l’intensification de la transparence, les mécanismes de résolution des conflits devraient être améliorés. Les conventions préventives de la double imposition prévoient des procédures d’accord amiable ou le recours à l’arbitrage. Mais ces mécanismes s’avèrent actuellement peu efficaces, extrêmement coûteux et rarement couronnés de succès. Or, force est de constater que c’est sur cette thématique que l’OCDE et les États membres ont été les moins actifs et que les résultats de leurs travaux sont les plus décevants.

États membres et à l’OCDE de mieux quantifier les pertes de recettes liées à l’évasion fiscale internationale.

LE BEPS PRÉVOIT DE RENFORCER L’ÉCHANGE AUTOMATIQUE D’INFORMATIONS ENTRE ADMINISTRATIONS

1.4. DEUX ACTIONS TRANSVERSALES Deux actions du programme BEPS, organisées transversalement (voir le schéma ‘The BEPS Project’ p. 9), doivent encore être signalées : • ACTION 1 : Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique : il s’agit d’identifier les principales difficultés posées par l’économie numérique pour l’application des règles fiscales internationales existantes, et d’élaborer des solutions détaillées pour les résoudre, en adoptant une démarche globale et en tenant compte à la fois de la fiscalité directe et indirecte ; • ACTION 15 : Élaborer un instrument multilatéral permettant aux pays qui le souhaitent de mettre en œuvre sans délai les mesures arrêtées lors des travaux relatifs à l’érosion de la base d’imposition et au transfert artificiel de bénéfices, et de modifier en une seule fois toutes leurs conventions fiscales bilatérales.


WHAT LES CONVENTIONS PRÉVENTIVES DE LA DOUBLE IMPOSITION DEVRONT ÊTRE AMENDÉES

2.

LES ACTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE

Les actions de l’Union européenne visent en premier lieu à mettre en œuvre au sein du marché unique et de manière concertée les actions déjà décidées au niveau de l’OCDE. Mais L’Europe souhaite aller plus loin. Les actions qu’elle propose visent également à les renforcer dans certains cas, en tenant compte des exigences accrues liées à l’existence d’un marché intégré, et parfois même à imposer des mesures additionnelles, ce qui est en particulier le cas en matière de transparence. 2.1. PLUS DE TRANSPARENCE Le 18 mars 2015, la Commission présentait son ‘paquet’ en faveur de la transparence fiscale. La mesure phare concerne l’échange automatique de renseignements en matière de rulings (décisions anticipées). Le projet de directive qui le concrétise a entre-temps été adopté par le Conseil Ecofin du 6 octobre 2015, et ses dispositions entreront (rétroactivement) en vigueur dès le 1er janvier 2017. Comme déjà souligné, ce projet de directive va nettement au-delà de ce qui est déjà imposé par l’OCDE : il impose des obligations additionnelles en matière d’échange d’information sur les rulings au sein de l’Union européenne : • toutes les décisions de l’administration fiscale sont visées, y compris de simples accords à l’issue d’un contrôle fiscal. Les décisions doivent toutefois avoir un aspect transfrontalier ; • l’échange d’information s’effectue entre autorités compétentes. Il est automatique, périodique et obligatoire, et s’opère avec les 27 autres pays de l’Union européenne (même ceux qui ne sont pas impliqués) et avec la Commission ; • les informations doivent être standardisées et résumées selon un format préétabli. Les langues officielles de l’Union européenne seront d’application, mais des règles relatives aux arrangements linguistiques doivent encore être établies ; • des règles de confidentialités sont prévues ; • sont visées toutes les demandes initiales, de modification ou de renouvellement de décisions à partir du 1er janvier 2017 ;

LE CALENDRIER DE MISE EN ŒUVRE DE BEPS Après deux années de travaux particulièrement intensifs, les travaux de l’OCDE se sont achevés en juillet 2015. Les rapports qui les concluent et les mesures concrètes qui ont été retenues ont été définitivement approuvés par l’OCDE le 22 septembre 2015 et par le G20 le 16 novembre 2015. Ils sont intégralement publiés sur le site internet de l’OCDE. www.oecd.org/ctp/beps-actions.htm Les travaux effectifs de mise en œuvre de ces 15 actions ont débuté officiellement le 5 octobre 2015 et entraîneront des changements considérables dans la gestion et la gouvernance fiscales des entreprises, en particulier en matière de rapportage et pour la gestion des risques fiscaux liés à l’exercice d’activités transfrontalières. De même, les politiques fiscales nationales incitatives seront fortement encadrées et devront être revisitées (notamment en matière de R&D) afin de contrer tout risque de concurrence fiscale déloyale entre États. Certaines mesures, à savoir les nouvelles lignes directrices en matière de prix de transfert, s’appliquent depuis la publication des rapports – le 5 octobre donc – et cela même de manière rétroactive puisqu’elles sont intégrées dans les lignes directrices existantes. Certaines s’appliqueront dès le 1er janvier ou le 1er juillet 2016, avec des modifications législatives à concrétiser avant ces dates dans tous les pays membres (c’est le cas en matière de transparence, avec le ‘Country-by-Country Reporting’, les nouvelles exigences documentaires en matière de prix de transfert et l’encadrement plus strict des régimes nationaux favorables de taxation des revenus de la propriété intellectuelle dont fait partie le régime belge de déduction pour brevet). Les conventions préventives de la double imposition devront être amendées. D’autres actions ont un horizon à plus long terme, notamment certaines mesures préconisées en matière d’impôt des sociétés, qui sont surtout proposées comme cadre de référence en cas de réforme nationale. Vous lirez, dans les rubriques WHO et HOW, p. 28 et p. 38, l’impact de toutes ces mesures sur votre gestion fiscale. Dans la rubrique HOW, vous trouverez également la liste illustrative des actions à transposer en Belgique).

• sont également visées les demandes introduites depuis le 1er janvier 2012, à condition que les décisions prises soient toujours en vigueur au 1er janvier 2017. Cette dernière restriction ne sera pas applicable aux décisions prises depuis le FEB

13


WHAT 1er janvier 2014. Autrement dit, les décisions prises depuis le 1er janvier 2014 mais plus en vigueur au 1er janvier 2017 devront toujours être échangées. Les États membres peuvent appliquer une dérogation aux PME (sociétés ou groupes ayant un chiffre d’affaires annuel de moins de 40 millions EUR).

L’UE VA PLUS LOIN QUE L’OCDE EN IMPOSANT DES OBLIGATIONS ADDITIONNELLES EN MATIÈRE D’ÉCHANGE D’INFORMATION Parmi les autres initiatives en matière de transparence, on relèvera encore : • le lancement d’une consultation publique sur la transparence fiscale des entreprises, visant notamment à examiner l’opportunité d’instaurer au niveau européen une obligation de publier des informations sur les impôts acquittés par les entreprises dans chaque pays où elles exercent des activités (cf. le ‘Country-by-country Reporting’ instauré par l’OCDE) ; • la mise en place d’outils statistiques afin de mieux pouvoir quantifier les pertes de recettes des États membres liées à la fraude et à l’évasion fiscales. Dans le prolongement de ces initiatives, d’autres ont également été prises : • la poursuite du plan d’action du 27 juin 2012 pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Ce plan d’action a déjà abouti, entre autres, à la révision en décembre 2014 de la directive relative à la coopération administrative (cadre législatif pour l’échange de renseignements), à la révision de la directive ‘mère – fille’ (mesure générale anti-abus et clause ‘subject to tax’ pour contrer les structures hybrides) et à la création d’une plateforme pour la bonne gouvernance fiscale*;

• le lancement de plusieurs enquêtes en matière d’aides d’État, qui toutes ont pour conséquence (voulue ?) de créer une forte insécurité juridique dans un certain nombre de petits pays plus volontaires que les autres dans leur politique fiscale. En ce qui concerne la Belgique, la Commission a entamé une procédure à l’encontre du régime des ‘Excess profit rulings’ ; • la relance d’une réflexion approfondie sur le ‘Code de bonne conduite’ dans le domaine de la fiscalité des entreprises en vue de l’améliorer et d’augmenter l’efficacité du groupe de travail pour combattre la concurrence fiscale déloyale entre États membres. Notons encore que la Commission spéciale ‘TAXE’ (mise en place en février 2015 à la suite des révélations LuxLeaks) et la Commission économique et monétaire (ECON) du Parlement européen ont préparé des projets de rapport qui formulent des recommandations extrêmement rigoureuses en matière d’impôt des sociétés. Ces travaux du Parlement européen ont trouvé un écho très favorable dans les déclarations que le président Juncker et le Commissaire aux Affaires économiques et monétaires Pierre Moscovici ont récemment formulées (notamment sur l’État de l’Union et sur le programme de travail de la Commission pour 2016). Enfin, le Parlement européen a proposé d’amender le projet de directive ‘Shareholders’ rights’ afin de déjà y prévoir une obligation de publication des informations sur les impôts acquittés par les entreprises dans chaque pays où elles exercent des activités. Le Commissaire Moscovici envisage également de lancer une initiative en ce domaine. 2.2. UNE FISCALITÉ DES ENTREPRISES PLUS JUSTE La Commission européenne a ensuite, le 17 juin 2015, présenté son propre plan d’action ‘Pour une fiscalité des entreprises plus juste et plus efficace au sein de l’Union’. Ce plan d’action identifie cinq domaines d’action prioritaires : 1. relance de l’Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) ; 2. garantir une fiscalité équitable par laquelle les bénéfices sont taxés là où ils sont réalisés ; 3. créer un meilleur environnement pour les entreprises ; 4. accroître la transparence (cf. le paquet de mesures annoncées le 18 mars 2015) ; 5. amélioration de la coordination au sein de l’UE. Concrètement, ce plan d’action se résume en deux objectifs majeurs : • transposer rapidement dans notre législation européenne toutes les actions du programme BEPS de l’OCDE (domaines d’action 2, 4 et 5) ; • relancer les travaux relatifs à une base d’imposition harmonisée, mais sans reprendre trois des quatre éléments essentiels demandés par les entreprises, à savoir le caractère optionnel, la consolidation européenne et le guichet unique (domaine d’action 1).

* La plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal a été érigée par la Commission européenne et se compose d’experts des

États membres et de représentants des parties prenantes. Elle soutient la Commission dans ses travaux dans le cadre de la lutte contre le planning fiscal agressif et de la bonne gouvernance en matière fiscale.

14 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?


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WHAT Plus concrètement : • la nature optionnelle implique qu’une société ou un groupe de sociétés peut librement choisir d’appliquer ou non l’ACCIS. Si tel n’est pas le cas, les règles nationales et européennes actuelles restent intégralement d’application ; • la consolidation européenne signifie que les résultats fiscaux de toutes les entreprises d’un groupe sont consolidés au niveau européen dans une déclaration unique (les recettes de l’impôt des sociétés sont ensuite réparties entre les États membres sur la base de clés de répartition macroéconomiques) ; • dans un système de guiche unique, toutes les obligations fiscales (la déclaration, par ex.) peuvent être remplies par l’intermédiaire d’un seul État membre (l’administration fiscale de la société-mère doit alors se charger elle-même de la coordination avec les autres États membres). Concernant le domaine d’action 3, la Commission évoque notamment la possibilité de prévoir un système transfrontalier de récupération des pertes, mais l’expérience du passé a démontré que, faute d’engagement exprès du Conseil en ce sens, ce genre de proposition ne survit guère aux débats entre États membres. Est également envisagée l’amélioration des mécanismes de règlement des différends en matière de double imposition dont il est établi que les procédures sont longues, coûteuses et aboutissent rarement à un accord. Mis à part une volonté de meilleure coordination des États membres, force est de constater que les propositions de la Commission restent vagues et fort peu contraignantes pour les États membres sur ce dernier point.

UN SYSTÈME TRANSFRONTALIER DE RÉCUPÉRATION DES PERTES N’A JUSQU’ICI PAS SURVÉCU AUX DÉBATS ENTRE ÉTATS MEMBRES

2.3. LE CALENDRIER DES ACTIONS DE L’UE La Commission européenne a publié un calendrier détaillé pour la réalisation de toutes les actions annoncées (voir p. 17 le schéma ‘Timeline for Action for Fair and Efficient Corporate Taxation’). Parmi les actions qui auront un impact à court terme sur la gestion fiscale des entreprises, on relèvera en particulier : • les résultats des enquêtes et procédures en matière d’aides d’État. En Belgique, c’est la décision de la DG Concurrence sur le régime des ‘Excess Profit Rulings’ qui est particulièrement attendue ; • les modifications à la directive ‘mère – fille’ (applicables dès 2016) devraient avoir un impact sur notre régime d’exonération des dividendes entre sociétés liées ; 16 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

• les modifications envisagées à la directive ‘intérêts et redevances’ (ne plus octroyer d’exonération dans l’État de la source lorsqu’il n’y a pas d’imposition effective dans l’État de résidence de la société à laquelle des intérêts ou redevances sont payés) pourraient impacter par exemple la taxation des revenus de brevets. Celle-ci se verrait alourdie par une imposition à la source ; • l’encadrement annoncé des régimes fiscaux nationaux favorables aux brevets, qui pourrait aller au-delà de la nouvelle approche déjà adoptée par l’OCDE ; • le projet de directive ‘BEPS’ annoncé pour fin 2015 et visant à transposer au sein de l’Union européenne certaines des mesures adoptées par l’OCDE (prévenir l’utilisation abusive d’un établissement stable, améliorer les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées …) ; • le renforcement et la mise en œuvre coordonnée des nouvelles lignes directrices adoptées par l’OCDE en matière de prix de transfert ; • la réforme des travaux du groupe ‘Code de bonne conduite’, en accordant une priorité absolue à la taxation effective des bénéfices ; • le nouveau projet de directive ACCIS annoncé pour 2016. L’impact plus concret de toutes ces mesures sur les entreprises sera développé dans les parties ‘WHO’ (p. 28) et ‘HOW (p. 38) de ce REFLECT. Leur première conséquence sera une augmentation significative du taux de taxation effectif des entreprises qui exercent leurs activités de manière transfrontalière. Leur deuxième conséquence sera d’imposer une révision fondamentale de la manière d’envisager la gestion fiscale des entreprises : les exigences accrues de transparence imposeront aux entreprises, plus encore que par le passé, d’être à même de justifier leur politique fiscale devant l’opinion publique. Cette politique fiscale deviendra donc, plus que jamais, une responsabilité du Conseil d’administration et du management de la société. Une troisième conséquence sera un renforcement considérable des obligations internes de documentation de toutes les transactions, qui devra être opérationnalisée au sein des groupes afin de mettre en place les processus pour générer et gérer ces nouveaux flux d’informations et de rapportage. Une quatrième conséquence sera la croissance accrue des risques fiscaux liés à des activités transfrontalières. Il deviendra quasi-impossible aux fiscalistes des sociétés de pouvoir calculer à l’avance la charge fiscale globale liée aux activités et aux investissements du groupe.


WHAT TIMELINE FOR ACTION FOR FAIR FAIR AND EFFICIENT CORPORATE CORPORATE TAXA TAXATION* TION* IMMEDIATE

2015

2017

2016

POST-2017

CCCTB : A HOLISTIC SOLUTION TO PROFIT SHIFTING Agreement on common anti-avoidance measures, linked to BEPS New CCCTB Proposal Council discussions on common tax base Council discussions on consolidation

ENSURING EFFECTIVE TAXATION WHERE PROFITS ARE GENERATED Council discussions on effective taxation Proposal on effective taxation (tbc) Improvements to transfer pricing framework Guidance on Patent Boxes Proposal on Patent Boxes (tbc)

BETTER TAX ENVIRONMENT FOR BUSINESS Proposal for cross-border loss offset** Improvements to dispute resolution mechanism

PROGRESS ON TAX TRANSPARENCY Council discussions on tax rulings Implementation of automatic exchange on tax rulings Non-cooperative tax jurisdictions list Screening process by the Code of Conduct Group of non-cooperative tax jurisdictions Further work on transparency (public consultation/ impact assesment/possible measures)

EU TOOLS FOR COORDINATION Coordination of Member States' audits Reform of Code of Conduct Group Reform of Platform on Tax Good Governance

* Indicative timeline ** within CCCTB proposal

SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE, DG FISCALITÉ ET UNION DOUANIÈRE HTTP ://EC.EUROPA.EU/TAXATION_ CUSTOMS/RESOURCES/DOCUMENTS/ TAXATION/COMPANY_TAX/FAIRER_ CORPORATE_TAXATION/TAX_TIMELINE_ NEW.PDF

FEB

17



WHY

UNE HARMONISATION QUI NE SERT PAS LES VRAIS INTÉRÊTS DES ENTREPRISES Les regards portés sur la fiscalité internationale et sur son application aux entreprises ont radicalement changé ces dernières années. C’est sous la pression de cette nouvelle perception qu’est né le Base Erosion and Profit Shifting, visant à lutter contre l’ingénierie fiscale agressive et ses conséquences : diminution des bases imposables et transferts artificiels de bénéfices vers des pays à faible fiscalité. Comment en est-on arrivé là ? Focus sur les étapes et la motivation d’un long processus.

Les crises économiques et financières successives, les grandes difficultés budgétaires rencontrées par les États, l’émoi causé au sein de la population par les révélations sur certaines structures fiscales agressives mises en place par quelques grands groupes internationaux ont radicalement modifié les regards portés sur a fiscalité internationale et sur son application aux entreprises. S’y sont ajoutées les révélations Lux Leaks et Swiss Leaks sur l’évasion fiscale. Si bien que certains ont revendiqué une remise en question fondamentale de toutes les règles fiscales internationales en vigueur depuis le début du 20e siècle.

1.

LE CONTEXTE

Bien qu’une évaluation des pertes de recettes liées à l’évasion fiscale internationale soit un exercice délicat à réaliser, certains calculs préliminaires font état d’un chiffre se situant entre 100 et 240 milliards USD par an. En septembre 2013, à la demande expresse des grands pays qui

composent le G8 et le G20, l’OCDE a lancé un vaste programme d’action connu sous le nom de ‘BEPS’. Ils visent à lutter contre l’évasion fiscale et contre la concurrence fiscale dommageable. La volonté de l’OCDE est d’adapter le cadre normatif international sans pour autant le remettre en question et d’éviter ainsi que chaque État ne prenne des actions unilatérales qui viendraient en conflit avec celles adoptées par les autres États. Pour l’OCDE, seule une action concertée au niveau global permettra de réintroduire plus de cohérence, de substance et de transparence dans la fiscalité internationale des entreprises. Après deux années de travaux intensifs, le programme d’action de l’OCDE (constitué de 15 thèmes principaux – voir la rubrique WHAT, p. 8) était prêt fin juillet 2015, et les rapports qui le concrétisent ont été définitivement approuvés par l’OCDE le 22 septembre 2015 et par le G20 le 16 novembre 2015. Leur mise en œuvre, dès 2016 pour certains, entraînera des changements considérables dans la gestion fiscale FEB

19


WHY internationale des entreprises, en particulier en matière de rapportage et pour la gestion des risques liés à l’exercice d’activités transfrontalières. Ces changements ne concerneront pas uniquement les entreprises multinationales. Toutes les entreprises qui entreprennent à l’international sont visées. Nous analyserons et commenterons ces changements plus en détail dans la rubrique HOW p. 38.

AUJOURD’HUI, LA LUTTE CONTRE L’ÉVASION L’EMPORTE SUR LA VOLONTÉ DE SUPPRIMER LES ENTRAVES FISCALES

De son côté, l’Union européenne n’est pas restée inactive en matière d’évasion fiscale. Dans la foulée des travaux de l’OCDE, elle a publié, au mois de mars 2015, un paquet de mesures sur la transparence fiscale et adopté, au mois de juin 2015, un plan d’action en cinq domaines d’action prioritaires. Objectif : instaurer un système d’imposition des sociétés plus juste et plus efficace au sein de l’Union européenne. Ce plan d’action traduit la volonté de restaurer les recettes fiscales des (grands) États en : • faisant en sorte que l’impôt soit payé là où les activités sont exercées et les bénéfices générés ; • encadrant plus strictement la concurrence fiscale, notamment au niveau des régimes préférentiels, et en veillant à une plus grande harmonisation au niveau européen. Ce plan d’action doit permettre d’intégrer les travaux de l’OCDE relatifs au BEPS au sein de l’Union européenne, en tenant compte des contraintes du marché unique et de la volonté d’aller plus loin que l’OCDE, compte tenu de notre plus forte intégration politique en Europe. 20 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

Il constitue également l’aboutissement d’une dynamique entamée au sein de l’Union européenne depuis plus de 30 ans et qui a abouti cette année à la finalisation d’une véritable révolution copernicienne dans la manière d’envisager la fiscalité des entreprises en Europe. Alors qu’à l’origine, la volonté des autorités européennes était essentiellement de garantir l’application des quatre libertés fondamentales au sein du marché unique et de supprimer les entraves fiscales à son bon fonctionnement, désormais c’est avant tout d’une volonté d’harmonisation fiscale mise prioritairement au service de l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale qu’il s’agit. Dans la mesure où cette (r)évolution copernicienne européenne s’est effectuée parallèlement et de manière complémentaire à celle de l’OCDE, il n’est pas inutile d’en rappeler les grandes étapes.

2.

HISTORIQUE D’UNE (R)ÉVOLUTION COPERNICIENNE EN EUROPE

Comment est-on passé d’une harmonisation initialement conçue pour mettre en place une fiscalité favorable aux entreprises dans un marché unique sans entraves à une harmonisation désormais considérée avant tout comme un moyen de lutter contre l’évasion fiscale et la concurrence fiscale dommageable ? Et qu’est-ce que cela implique pour les entreprises ? 2.1. L’ACTE UNIQUE EUROPÉEN (1987) Après 30 ans de tâtonnement et de travaux infructueux, la fiscalité des entreprises a connu son (seul et) véritable essor à la suite à l’adoption de l’Acte unique européen, entré en vigueur le 1er janvier 1987. Cet acte unique a permis la transformation, le 1er janvier 1993, du marché commun issu du Traité de Rome en un marché unique sans frontières intérieures. Il a également ouvert la voie à la création de l’Union européenne, qui a pris forme ultérieurement avec le Traité de Maastricht. L’Acte unique européen avait pour objectif l’achèvement du marché intérieur à la fin de 1992 (à savoir, garantir l’effectivité des quatre libertés fondamentales de circulation accordées en droit depuis 1957 sous le nom de marché commun). La Commission prévoyait en ce sens l’adoption d’environ 300 directives pour démanteler les barrières physiques, politiques et fiscales faisant obstacle à la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Cette première étape de la politique fiscale européenne a abouti en 1990 (et en partie ultérieurement) à l’adoption des trois seules directives fiscales en vigueur à ce jour et d’une convention : • la directive ‘mère - fille’ (exonération de retenue à la source sur les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère et élimination de la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère) ;


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WHY • la directive ‘intérêts et redevances’ (suppression des retenues à la source relatives aux paiements d’intérêts et de redevances entre entreprises associées) ; • la directive ‘fusions’ (report d’imposition dans le cas des fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents) ; • la convention d’arbitrage (fixe une procédure d’arbitrage pour trancher les éventuels litiges sur l’application des prix de transfert entre deux pays). Une quatrième directive, relative à la compensation transfrontalière des pertes fiscales, n’a pas pu aboutir à un consensus et a été retirée par la Commission. Comme le monstre du Loch Ness, elle réapparaîtra encore de temps en temps pour mieux disparaître à nouveau. 2.2. LE PAQUET FISCAL (1997) La priorité européenne, visant à la suppression des entraves fiscales au sein du marché unique, a rapidement cédé le pas à une nouvelle priorité, visant à garantir la stabilité budgétaire, à savoir prévenir des pertes importantes de recettes fiscales et à inverser (déjà en 1997 !) la tendance consistant à imposer davantage le travail que d’autres bases plus mobiles d’imposition (comme le capital). L’Europe avait pris conscience qu’avec le marché unique, la suppression des entraves réglementaires et la réalisation de l’Union économique et monétaire, la fiscalité deviendrait un élément essentiel dans la prise de décision des entreprises. C’est depuis ce constat qu’elle a entamé son plaidoyer pour une plus grande coordination fiscale au sein de l’Union européenne. Et c’est ainsi que, dans la foulée du Conseil de Vérone de 1996, le Conseil adopta en 1997 le fameux ‘paquet fiscal’ qui visait à définir une approche coordonnée contre la concurrence fiscale dommageable (qui a abouti, en Belgique, à la disparition progressive du régime des centres de coordination).

22 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

LE FAMEUX ‘PAQUET FISCAL’ EUROPÉEN DE 1997 A ABOUTI, EN BELGIQUE, À LA DISPARITION PROGRESSIVE DU RÉGIME DES CENTRES DE COORDINATION

Ce paquet, qui concrétisait la deuxième étape de la politique fiscale européenne, incluait le ‘Code de bonne conduite’ européen, une communication sur les aides d’État à caractère fiscal et la directive relative à la fiscalité de l’épargne. Il donna également l’impulsion décisive pour l’adoption en 2003 de la directive ‘intérêts et redevances’. 2.3. LA STRATÉGIE DE LISBONNE (2000) La troisième étape de la politique fiscale européenne a consisté essentiellement à proposer une symbiose des deux premières étapes en exécution de la Stratégie de Lisbonne (mars 2000)*. Outre la poursuite de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable (stabilisation des recettes des États membres et promotion de l’emploi), il s’agissait également de veiller à ce que la politique en matière de fiscalité des entreprises soutienne la concrétisation de l’objectif de Lisbonne.

* La Stratégie de Lisbonne est un programme à long terme lancé par l’Union européenne en 2000. Objectif : faire de l’économie européenne “l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale”.


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WHY Ceci aboutit en 2003 à la mise en place d’une approche à deux vitesses concernant l’impôt des sociétés : • prévoir une série d’actions à court terme pour supprimer les entraves fiscales et garantir l’exercice des quatre libertés fondamentales. Il en est notamment résulté : - la modernisation des trois directives fiscales et l’amélioration de la convention d’arbitrage, - la publication d’orientations relatives aux principes dégagés par la Cour de justice en matière de discrimination et un recours systématique à cette dernière pour obliger les États membres à adapter leur législation, - des initiatives visant à réduire les risques de double imposition et des coûts de documentation liés aux prix de transfert, - et enfin, de nouvelles réflexions en matière de compensation transfrontalière des pertes ; • adopter une approche plus ambitieuse à plus long terme, avec la mise en place d’une ‘Assiette commune consolidée en matière d’Impôt des Sociétés’ (‘ACCIS’ ou ‘CCCTB’ en anglais). Cette approche devait permettre de résoudre de manière exhaustive l’ensemble des obstacles fiscaux identifiés durant la première phase. Cette troisième étape de la politique fiscale européenne, qui s’étend jusque 2009, a été très décevante dans les faits pour les entreprises. Si les mesures en faveur des entreprises qui avaient été prévues à court terme ont bien été menées à bien (comme la modernisation des directives fiscales, réalisée en 2003), aucune nouvelle initiative positive n’a été proposée. L’objectif de coordination fiscale poursuivi depuis 1996 a ainsi cédé le pas à un nouvel objectif d’harmonisation fiscale à long terme, centré exclusivement sur la mise en place d’une ACCIS, et ce, à la demande de l’Allemagne et de la France, qui souhaitaient harmoniser la base d’imposition des sociétés (sans la consolider au niveau européen) et la lier à un taux d’imposition minimum de 20%. Comme l’écrivait déjà le journaliste A. Faljaoui dans un éditorial publié le 24 juin 2004 dans Trends-Tendances : “Sous couvert d’harmonisation fiscale, c’est le cartel des percepteurs qui se met en place”. Comme nous le verrons plus loin, c’est ce cartel qui a en effet définitivement orienté la politique fiscale européenne à la suite des élections de 2014. Un ‘non-paper’ de la Commission relatif à l’ACCIS, discuté lors du Conseil Ecofin de Scheveningen en septembre 2004, lança les travaux relatifs à l’élaboration d’une proposition concrète. Ces travaux dureront 10 ans et mèneront à une impasse. Avec pour conséquence qu’aucune nouvelle action positive n’a pu être réalisée durant toute cette période pour les entreprises.

24 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

LES TRAVAUX RELATIFS À LA MISE EN PLACE D’UNE CONSOLIDATION DE L’IMPÔT DES SOCIÉTÉS ONT DURÉ 10 ANS ET MENÉ À UNE IMPASSE


WHY 2.4. EUROPE 2020 (2010) En mars 2010, l’Europe adopte sa stratégie de croissance sur 10 ans ‘Europe 2020’, comprenant 5 objectifs ambitieux et mettant en place une nouvelle gouvernance économique. Un des outils pour y parvenir est le renforcement du marché unique. Sur la base d’un rapport de l’ex-Commissaire européen à la Concurrence Mario Monti, l’Union européenne adopta le 27 octobre 2010 l’Acte pour le marché unique, reprenant 50 propositions concrètes pour achever la mise en place du marché unique européen. En matière de fiscalité des entreprises, c’est l’ACCIS qui fut à nouveau mise en avant. Une proposition de directive sera finalisée en 2011… mais elle fera l’objet d’un blocage complet au niveau du Conseil par rapport à ses éléments essentiels aux yeux des entreprises (comme la consolidation ou le caractère optionnel). Cette quatrième étape de la politique fiscale européenne (et ce de manière encore accrue en raison de la crise financière de 2008-2009) se résumera en pratique quasi exclusivement à des actions en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en coordination avec les travaux du G20 et de l’OCDE : mise en place d’une ‘bonne gouvernance fiscale’ , lutte contre les paradis fiscaux, collecte plus efficace de l’impôt, intensification de la coopération transfrontalière entre administrations et des échanges de renseignements, augmentation de la compliance, lutte contre la concurrence fiscale déloyale... L’harmonisation fiscale elle-même sera mise au service de la lutte contre l’évasion fiscale, avec des modifications ponctuelles apportées aux trois directives fiscales pour pouvoir lutter contre certains plannings fiscaux jugés agressifs. 2.5. BEPS ET LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES EN EUROPE (2014) En parfaite continuité avec les évolutions successives de la politique fiscale européenne, les priorités de la nouvelle Commission Juncker (et du Conseil) se sont nourries des travaux du G20 et de l’OCDE relatifs aux programmes d’action BEPS pour jeter les bases d’une nouvelle approche de la fiscalité des entreprises au sein de l’Union européenne et réaliser ainsi définitivement la révolution copernicienne susmentionnée. Les priorités du programme Juncker sont claires et précises : il faut lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et l’ACCIS est un des moyens essentiels pour y arriver. Conformément aux instructions concrètes formulées fin 2014 dans une lettre

conjointe de l’Allemagne, de la France et de l’Italie, le programme de travail 2015 de la Commission consacre définitivement la volonté de mettre l’harmonisation fiscale au service de la lutte contre l’évasion fiscale en proposant un ‘festival’ d’actions (qui sont plus amplement détaillées dans la rubrique WHAT p. 13) : • propositions d’adaptation des trois directives fiscales (encore elles !) avec de nouvelles mesures anti-abus et l’exigence d’une taxation minimale effective comme condition supplémentaire d’application ; • publication d’un paquet de mesures pour promouvoir la transparence fiscale ; • adoption d’un plan d’action pour une fiscalité des entreprises plus juste et plus efficace, visant notamment à relancer les travaux sur l’ACCIS mais en reportant à une phase ultérieure tous les éléments (essentiels pour les entreprises) dont les grands pays ne veulent pas … Ces travaux doivent par contre veiller prioritairement à bien intégrer les aspects fiscaux internationaux repris dans les différents programmes d’action BEPS ; • réforme du code de bonne conduite ; • rapportage pays par pays ; • etc. ;

TEL LE MONSTRE DU LOCH NESS, LA VOLONTÉ DE PERMETTRE UNE COMPENSATION TRANSFRONTALIÈRE DES PERTES REFAIT À NOUVEAU SURFACE Deux mesures favorables aux entreprises sont toutefois remises en avant. Tel le monstre du Loch Ness, la volonté de permettre une compensation transfrontalière des pertes refait à nouveau surface après 25 ans d’absence. Il en va de même de celle visant à mettre en place un véritable mécanisme généralisé de résolution des conflits de double imposition entre États membres. L’expérience des 25 dernières années n’incite cependant pas à l’optimisme quant aux chances de succès de pouvoir concrétiser ces deux volontés si elles ne sont pas rapidement et fermement soutenues au niveau du Conseil. FEB

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WHY

3.

BEPS : LE POINT DE VUE DES ENTREPRISES

Si la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constitue un objectif légitime et prioritaire pour l’OCDE et le G20, ce qui choque par contre c’est que cet objectif soit désormais devenu un objectif exclusif de tout autre. Et ce, au détriment du lancement de nombreuses autres actions prioritaires qui seraient également indispensables pour créer un environnement fiscal plus simple et plus favorable aux entreprises. Les entreprises s’inquiètent vivement du danger que les travaux en cours pourraient constituer pour l’économie. Elles craignent que les règles fiscales internationales deviennent encore plus complexes, que les risques de double imposition se multiplient et que les États privilégient leurs rentrées fiscales en cas de litige en raison de l’absence de modes contraignants de résolution des conflits entre eux en cas de double imposition. Elles sont également inquiètes de l’alourdissement considérable des charges administratives que les nouvelles actions vont causer et du risque de remise en question de leur compétitivité. Tous ces éléments risquent de contrarier fortement les activités internationales des entreprises et de freiner considérablement leurs investissements. De même, le plan d’action de la Commission européenne a surtout pour objectif de concrétiser les instructions données fin 2014 à la Commission par les ministres des Finances français, allemand et italien en vue d’éradiquer l’évasion fiscale en Europe et d’enrayer toute (même saine) concurrence fiscale entre pays de l’Union européenne. L’objectif d’harmonisation de la Commission sert en quelque sorte de paravent à l’objectif de restauration des recettes fiscales de quelques grands pays. Deux objectifs qui, sur le plan fiscal, empêchent depuis plus de 10 ans l’achèvement réel d’un marché unique sans entraves (fiscales), favorable à la croissance et compétitif pour les entreprises. La copie est donc à revoir, d’urgence ! Le climat créé par ces programmes et plans d’action, ainsi que par la communication qui les accompagne, a trop souvent pour conséquence que, partout dans le monde, les entreprises sont de plus en plus souvent stigmatisées, parfois de manière extrêmement populiste et simpliste, et qu’elles sont confrontées à un climat de méfiance, à une inflation de leurs obli26 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

gations administratives et à une multiplication de nouveaux risques fiscaux. De nouvelles exigences sont ainsi apparues, notamment en matière de transparence, de rapportage, de coopération renforcée avec les autorités, de responsabilité sociétale, de contribution aux finances publiques, et de cogestion et de prise en charge des risques de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

LES ENTREPRISES SONT DE PLUS EN PLUS SOUVENT STIGMATISÉES, PARFOIS DE MANIÈRE EXTRÊMEMENT POPULISTE ET SIMPLISTE

Force est de constater que les programmes d’action BEPS et les plans d’action de l’Union européenne ne traduisent aucune vision orientée vers les vrais besoins des entreprises et visant à mettre en place une fiscalité réellement au service de la croissance et de la création d’emploi. Leur angle de vision, essentiellement négatif, nuira aux entreprises bona fide. Ils mettront en outre en péril le développement des activités internationales et le bon fonctionnement du marché intérieur. Face à cette approche essentiellement négative, il faudrait au contraire plaider de manière constructive et résolue pour une nouvelle culture fiscale, qui définisse clairement et de manière équilibrée les droits et devoirs des entreprises et des administrations fiscales, afin de restaurer un climat de respect et de confiance mutuelle. Plus de responsabilités doit aller de pair avec un climat fiscal plus serein pour entreprendre. Et les entreprises qui respectent loyalement les règles du jeu doivent en être récompensées. Un tel climat implique de garantir la stabilité, la qualité et la continuité d’un environnement fiscal positif pour les entreprises. Il s’agit aussi d’arrêter les contrôles tatillons et de cibler les contrôles sur les véritables risques, et de rétablir la sécurité juridique en restaurant un horizon de prévisibilité des règles fiscales.


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“IL FAUT RETROUVER UN ÉQUILIBRE”


WHO La fiscalité internationale est à la veille d’une nouvelle ère. Les objectifs que poursuivent l’OCDE et l’Union européenne avec le BEPS sont clairs. Mais sont-ils réalistes ? Nous avons réuni cinq spécialistes autour de la table et nous les avons interrogés. PHILIPPE DEDOBBELEER, conseiller général au sein de l’Administration générale de la fiscalité (SPF Finances), observateur privilégié de la fiscalité européenne

LUC DE BROE, professeur ordinaire de droit fiscal à la Katholieke Universiteit Leuven, titulaire de la Deloitte Chair de droit fiscal international et européen, avocat-associé Laga

HILDE WAMPERS, fiscaliste d’entreprise et membre de la Commission fiscale de la FEB

OCDE VS. UE I BEPS, évolution ou révolution ? Luc Batselier (LB) : “Une évolution normale. Je dirais même un mouvement de rattrapage dans la fiscalité internationale qui ne s’est guère adaptée au cours des dernières décennies. Le changement le plus radical est la transparence absolue. Pour la première fois, de nombreux pays disposeront d’information de base sur la stratégie fiscale des entreprises chez eux. Personnellement, je me demande comment les administrations géreront cette transparence accrue. En Belgique, une soixantaine d’entreprises seront soumises au ‘Country-by-Country reporting’ – n.d.l.r.: obligatoire à partir d’un chiffre d’affaires consolidé de 750 millions EUR. De plus, le fisc recevra de multiples rapports d’entreprises étrangères. Qu’en fera-t-il à partir de fin 2017 ? Qui évaluera ces rapports et à quoi servira cette information ? Rappelons qu’un rapport ne pourra jamais justifier en soi une modification de l’impôt. Il faudra toujours d’autres éléments pour étayer une nouvelle taxation. Si certains pays ne suivent pas les directives de l’OCDE, les autres pays cesseront sans doute d’envoyer des rapports, avec toutes les conséquences qui en résultent.” I Quid des pays qui n’appartiennent pas à l’OCDE ? LB : “Plus de 60 pays ont participé à la prise de décision. Je pars donc du principe que ces pays respecteront leur engagement comme il se doit.”

LUC BATSELIER, représentant du ministre des Finances auprès de l’OCDE, représentation permanente de la Belgique auprès de l’OCDE

WERNER LAPAGE, associé fiscal chez BDO

Hilde Wampers (HW) : “Les entreprises se préparent déjà depuis quelques années proactivement à la nouvelle constellation. Je m’inquiète toutefois surtout de l’impact des règles ‘mondiales’ sur le fonctionnement des entreprises. Le paysage fiscal avait effectivement besoin d’être revu. Le comportement de flibustier de certains avait entamé la confiance. Il est clair que tous les acteurs doivent faire un pas pour rétablir la confiance : l’administration, comme les entreprises et le législateur.”

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L’Europe partage-t-elle la vision de l’OCDE ou veut-elle aller plus loin, c’est-à-dire être plus sévère ? Philippe Dedobbeleer (PDD) : “C’est une évolution comme on n’en a pas connu dans le passé. Par rapport au plan BEPS, on sent une réelle volonté de la part de l’UE de suivre, d’être proactif, voire d’aller plus loin que ce que recommande le BEPS. Parfois l’UE intègre certains enseignements du BEPS dans ses travaux, parfois elle va FEB

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WHO prendre une réglementation propre, et parfois elle va vouloir aller plus loin, par exemple dans sa volonté de réactiver l’ACCIS (Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés). Donc, oui, l’OCDE et l’UE vont dans le même sens, avec cette particularité que l’OCDE édite du soft law (par exemple des recommandations), et l’UE, du hard law dès lors qu’elle traduit la recommandation dans une directive, avec un délai de transposition contraignant.”

I

Cela signifie-t-il que certains pays de l’OCDE appliqueront la réglementation de manière ‘soft’, alors que les États membres européens devront suivre une ligne dure ? PDD : “Cela pourrait effectivement se produire.” Luc De Broe (LDB) : “Un cauchemar. Le risque est grand en effet que les pays de l’OCDE qui ne font pas partie de l’UE procéderont à une transposition ‘soft’ du Country-by-Country reporting, tandis que l’Europe imposera à ses membres la ligne dure d’une législation contraignante. Cela signifie que les entreprises européennes devront respecter des obligations de transparence plus lourdes que leurs concurrents américains, chinois, indiens… C’est en effet un des cauchemars qui pourraient se produire.” Werner Lapage (WL) : “L’OCDE et l’UE recherchent la cohérence. Mais le risque réside dans l’interprétation de toutes ces règles et directives. L’opposition entre le droit contraignant européen et le ‘soft law’ international peut entraîner une différence de force de frappe sur la scène internationale. La Belgique (et par extension l’Europe) ne doit pas vouloir être l’élève le plus zélé de la classe, mais bien le plus intelligent. Adopter une ligne dure n’est pas une décision intelligente.” HW : “On constate déjà qu’un pays comme le Royaume-Uni n’est ‘BEPS-compliant’ que lorsqu’il en tire un avantage économique. Le BEPS risque donc de se révéler préjudiciable pour les petits États membres. Ils ont un plus petit marché et sont donc ‘obligés’ de trouver d’autres manières d’être attractifs pour les entreprises (multinationales). Il faut aussi veiller à ce que les entreprises belges restent concurrentielles.”

LA BELGIQUE : ATTRACTIVE ?

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La Belgique doit donc relever le défi de rester attractive pour les investisseurs étrangers ? LB : “L’Europe doit en effet veiller à rester une terre d’investissement suffisamment attractive pour le reste du monde, en dépit de sa ligne dure.” LDB : “Sachez aussi que l’Europe examine toute forme d’intervention publique, comme certains rulings, et qu’elle peut les qualifier d’aides d’État. Si l’Europe donne une définition large à l’aide d’État, de nombreux régimes spéciaux risquent d’être considérés comme tels. De plus, le régime de déduction pour brevet sera aussi harmonisé au 30 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

SI L’APPLICATION DES RÈGLES BEPS N’EST PAS COHÉRENTE, LE RISQUE DE DOUBLE IMPOSITION SUBSISTERA Werner Lapage


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IL EST CLAIR QUE TOUS LES ACTEURS (ADMINISTRATION, ENTREPRISES ET LÉGISLATEUR) DOIVENT FAIRE UN PAS POUR RÉTABLIR LA CONFIANCE Hilde Wampers

niveau européen. L’UE exige que le régime de ‘patent-box’* de l’OCDE soit transposé pour le 31 décembre 2016. Sinon, elle promulguera ellemême une directive. Parallèlement, la déduction des intérêts notionnels s’effrite… Bref, la Belgique perd ses atouts un à un.” WL : “Certains pays, comme le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l’Australie, prennent déjà proactivement des mesures d’inspiration protectionniste qui pourraient entraver plus tard l’harmonisation de l’application. L’idée fondamentale d’une égalité de traitement pour tous est forte, mais si tous les acteurs n’appliquent pas les règles à l’identique, il subsistera de grandes disparités.”

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Notre pays doit-il donc se montrer plus inventif en matière d’incitants fiscaux ? LDB : “Que du contraire. La Belgique devra abandonner sa stratégie de niche, entre autres en ce qui concerne l’impôt des sociétés. Notre pays doit s’orienter vers une réduction radicale de l’impôt des sociétés – ce qui n’est pas évident en période de pénurie budgétaire – et évoluer vers une base imposable large avec peu de déductions et d’exceptions. Pour être compétitifs par rapport aux Pays-Bas ou à l’Angleterre, il faudrait idéalement taxer à 20% au lieu de 34%. Cela représente environ 4,5 milliards EUR de recettes en moins à récupérer ailleurs. La probabilité d’avoir un CCCTB (Common Consolidated Corporate Tax Base) à l’horizon 2020 augmente. Si un pays veut rester concurrentiel, il doit adopter des mesures non fiscales. Une solution autre fiscale est le crédit d’impôt.

* Régime patent-box (action 5 du programme BEPS) : les avantages fiscaux accordés aux revenus provenant des brevets ne seront désormais accordés que si le contribuable a réalisé lui-même l’activité de R&D effective qui a contribué au revenu IP.

32 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

Cela signifie maintenir un tarif élevé et accorder des réductions par exemple pour les investissements en R&D ou la création d’emploi.”

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Cela signifie qu’un petit pays, sans beaucoup de ressources propres, est rapidement mis hors-jeu ? LDB et LB: “C’est – brièvement – l’objectif du BEPS. Les grands pays, comme l’Allemagne, ont réussi à gommer la concurrence fiscale des petits États membres. Tout le monde doit se concurrencer avec les mêmes moyens non fiscaux : infrastructure, connaissance des langues, débouchés, qualité de l’enseignement, mobilité… Plus facile à dire qu’à faire. En d’autres termes, les grands pays utilisent l’OCDE ou l’UE comme alibi pour mettre la concurrence des petits pays hors-jeu, mais ils ont en fait donné eux-mêmes l’impulsion aux nouvelles règles. Le BEPS est donc politique.”

I Quelle est la portée politique du BEPS LB : “Les nouvelles normes minimales, comme la transparence, posent le moins de problèmes. Les accords qui ne fixent pas de minima (songeons à la limitation de la déduction des intérêts, aux régimes hybrides, aux règles CFC, etc.) sont plus problématiques. La Belgique veut respecter le BEPS, mais dans la mesure où le système laisse des choix, elle veut préserver sa position concurrentielle dans les limites du BEPS.” HW : “La Belgique politique doit adopter une position claire par rapport au BEPS. Une ligne de politique fiscale stratégique en faveur du pays, de son économie et de sa position concurrentielle en Europe et dans le monde. Apporter une réponse univoque à la question ‘Quels sont les avantages de notre pays et que voulons-nous réaliser pour les entreprises ?”


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LA BELGIQUE RESPECTERA LE BEPS, MAIS DANS LA MESURE OÙ LE SYSTÈME LAISSE DES CHOIX, ELLE VEUT PRÉSERVER SA POSITION CONCURRENTIELLE Luc Batselier

LB : “Le Royaume-Uni par exemple organise une consultation publique sur l’avenir de la ‘patent income deduction’ (en Belgique, la déduction pour brevet). Sur cette base, ils détermineront comment ils pourront introduire les nouvelles règles de la manière la plus rentable et la plus compétitive pour ‘le pays’.”

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Est-il encore possible d’entreprendre à l’international de manière ‘flexible’ ? En d’autres termes, les constructions fiscales légales sont-elles encore d’actualité ? HW : “Le défi croît, c’est une certitude. À chaque décision que je prends comme fiscaliste d’entreprise, je me demande : ‘Pourrais-je expliquer ma décision si je fais la une du journal ?’ Chaque transaction doit pouvoir être justifiée dans le cadre de la stratégie de l’entreprise. C’est fondamental. Si je dispose de deux options fiscales légales et équivalentes, je choisis sans problème de manière intelligente la plus favorable. Si vous pouvez acheter le même produit moins cher dans le magasin A que dans le magasin B, vous choisirez la formule la moins onéreuse, n’est-ce pas ? Prenons le cas d’une entreprise très innovante qui peut réduire complètement son assiette d’imposition grâce à une déduction pour brevet parfaitement légale. Où se situe la limite ? Quelle est sa ‘fair share’? Cela exige une approche intelligente.” LDB : “Une fiscalité socialement responsable doit être modérée. Une transaction fiscale, comme le dit Hilde, doit être justifiée par l’activité, fiscalement avantageuse dans les limites légales et explicable au grand public. Dans le paysage fiscal actuel, nous avons évolué de l’évitement de la double imposition vers la recherche de la double non-imposition (ou planification fiscale agressive) par l’exploitation

des discordances entre les réglementations des différents pays. L’entreprise socialement responsable dans le cadre du BEPS tendra vers le principe de ‘single tax’. Elle paiera une fois l’impôt (et pas zéro fois) et pourra le faire dans le pays le plus favorable. À condition que l’impôt soit payé dans le pays où est créée la plus grande part de la plusvalue économique réelle (‘substance’). C’en sera donc fini des intermédiaires à faible substance. Le message est de se tenir à l’écart des paradis fiscaux. Enfin, garantissez autant que possible au préalable votre sécurité juridique en concluant des rulings avec le fisc.”

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Reste la question : de combien de substance doit disposer une entreprise ? Tous : “C’est une question très difficile.” WL : “La substance d’une entreprise est déterminée par ses fondements économiques (e.a. son personnel et ses actifs) et pas seulement par sa forme juridique. Mais plus que par le passé, il faudra aussi justifier et documenter pourquoi on a adopté une stratégie fiscale déterminée. La conclusion d’un contrat IP dans un pays A ne suffira plus pour faire aussi taxer les revenus dans ce pays.” HW : “Documenter est indispensable de sorte que les coûts de compliance augmenteront sensiblement à court terme.”

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LE BEPS N’EST PAS QUE SOURCE D’INQUIÉTUDE Philippe Dedobbeleer

GOÛT DU RISQUE FISCAL

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Les entreprises belges craignent-elles plus de prendre des risques que leurs collègues étrangères ? LDB : “Les entreprises belges ne forment pas un monolithe. Les 60 qui doivent satisfaire au ‘Countryby-Country reporting’ se sont bien préparées proactivement. Néanmoins, certaines filiales américaines d’entreprises belges sont prêtes à prendre un peu plus de risques. Les Américains choisissent de manière très sélective dans le BEPS ce qu’ils vont faire ou pas. Sur les petites entreprises belges, par contre, le BEPS n’a pratiquement pas d’impact.

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Est-ce le rôle du consultant d’aider à fixer les limites WL : “Le BEPS vise surtout les grandes entreprises multinationales. Mais les PME actives à l’international sont aussi visées par certaines mesures. Songeons à l’action 4* par laquelle les autorités veulent éviter que la base imposable soit réduite par des déductions d’intérêt. Le conseiller de l’entreprise cherche à maximaliser le bénéfice et à réduire la pression fiscale, mais toujours dans les limites de la législation nationale et internationale. S’il le faut, nous aidons à démanteler des structures mises en place ‘in tempore non suspecto’.

34 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

Il est aussi important de rester vigilant à ce qui change à l’étranger, de suivre de près les évolutions législatives qui se produisent dans ces pays. Ce n’est pas évident quand on connaît ne fût-ce que la complexité et la disparité des règles de limitation de la déduction des intérêts (thin cap) dans les divers pays.” HW : “Le profil de risque fiscal d’une entreprise doit être conforme à la stratégie économique définie par le conseil d’administration. Cette ligne est à la fois un repère et un confort.” WL : “Il en va de même pour les rulings.” HW : “Exact. On sait qu’il est préférable de négocier au préalable certaines constructions ou transactions avec le fisc pour éviter des discussions a posteriori. Une entreprise veut des certitudes, elle veut pouvoir mener une stratégie d’investissement et connaître les conséquences fiscales à long terme. Cela ne signifie pas qu’elle redoute le risque.” LB : “Le BEPS règle aujourd’hui des questions qui passaient inaperçues il y a trois ou quatre ans. Personne ne peut prévoir ce qui sera encore mis en question à l’avenir. Je sais que nous allons au-devant d’une période très trouble pendant les deux ou trois prochaines années.” HW : “N’était-ce pas aussi une approche du BEPS ? En brandissant la menace d’un risque pour la réputation, on fait réagir les entreprises proactivement à ce qui pourrait arriver. L’État de droit fixe les règles.

* Éviter la déduction des intérêts (action 4 du programme BEPS) : éviter l’érosion de la base imposable

au moyen de déductions d’intérêts et d’autres paiements financiers qui sont économiquement comparables aux paiements d’intérêts. Par ex. par l’utilisation de prêts intragroupe et de prêts de tiers pour réaliser des charges d’intérêt excessives ou générer des revenus exonérés d’impôts ou des revenus différés.


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LA BELGIQUE PERD SES ATOUTS UN À UN Luc De Broe

Si ces règles ne correspondent plus à la moralité régnante, la pression pour adapter les règles à la nouvelle morale devient grande. Ce n’est pas une évolution illogique, mais elle ne peut passer que par la législation. Ma grande crainte est que la transparence absolue amène à rendre publiques de nombreuses choses sans que le citoyen lambda y ait vraiment intérêt et au risque de créer une image erronée. Le public doit en effet pouvoir faire confiance au contrôle exercé par les fonctionnaires désignés à cet effet et il ne doit pas jouer lui-même un rôle de contrôle.” PDD : “On parle d’une période d’incertitude pour les entreprises. Mais il est peut-être bon de préciser que c’est aussi une période de turbulence pour les États. Ceux-ci ont besoin de prévisibilité, notamment pour l’établissement des budgets. Or, avec le BEPS et le plan d’action de la Commission européenne, les États vont perdre en ‘territorialité’ de l’impôt – puisque l’on va vers une base commune européenne de l’impôt des sociétés. Dans notre pays, ce dernier et certains incitants fiscaux ne pourront donc plus servir, comme c’est le cas aujourd’hui, d’outil de politique publique, permettant d’influer sur la politique socio-économique. Je songe aux déductions pour investissements majorées ou aux déductions pour revenus de brevets, destinées à stimuler la R&D. Bref, les spécificités fiscales belges utilisées comme outil de maîtrise budgétaire ou comme outil socio-économique vont progressivement faire place à des règles et des régimes standardisés. Si je me réfère à la mise en œuvre de l’ACCIS telle que prévue dans le plan d’action du 17 juin 2015 de la Commission européenne, il est question de l’appliquer “au minimum à toutes les multinationales”, ce qui veut dire potentiellement à toutes les entreprises ayant une activité transfrontalière. À cela s’ajoutera, 36 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

lorsque l’ACCIS sera une réalité, la question de la clé de répartition des recettes de l’impôt des sociétés européen entre les États.”

SWOT BEPS I D’autres forces ou faiblesses du BEPS ? LB : “Le BEPS a aussi des avantages. Ainsi, il peut générer un level playing field vraiment international. À condition que les pays tiers qui ne sont pas membres de l’OCDE n’utilisent pas astucieusement les règles ‘occidentales’ plus strictes. Il faut absolument une application cohérente au sein de l’OCDE et en Europe.” WL : “Je crains que si l’application des règles BEPS n’est pas cohérente, le risque de double imposition subsiste. D’où l’importance d’un bon régime de règlement des litiges.” LB : “Tout à fait d’accord. La Belgique a toujours préconisé, pendant les négociations de l’OCDE, une norme minimum d’arbitrage. Mais cette demande n’est pas passée. L’action 14 (amélioration des procédures de concertation mutuelle) est un des maillons les plus faibles pour notre pays. L’exigence minimum inscrite aujourd’hui dans la règle dit que chaque pays doit promettre qu’il fera de son mieux pour exécuter les règles. Je crains que les ‘mutual agreement procedures’ ne fassent qu’augmenter.” PDD : “Le BEPS n’est pas que source d’inquiétude… Dans le cadre du plan d’action du 17 juin 2015 de la Commission, il y a aussi un volet


WHO avec des propositions favorables aux entreprises au travers d’un renforcement de la convention d’arbitrage, d’un élargissement du scope de cette convention et d’une amélioration de son fonctionnement.” I Le BEPS remet-il le fisc à l’épicentre ? LB : “Autrefois, le pendule fiscal penchait du côté des entreprises. Aujourd’hui, on a le sentiment qu’il va trop du côté du fisc. Il faut retrouver un équilibre.” HW : “Le contribuable doit garantir la transparence absolue. Mais le fonctionnaire du fisc saura-t-il la gérer ? Comment créer, pour citer le ministre Geens, non pas une confiance aveugle, mais une confiance authentique ? Il faut délimiter clairement les exigences de compliance. J’ai une peur bleue de l’introduction d’une certification de compliance. L’entreprise doit pouvoir garder la maîtrise de sa politique de compliance.” WL : “Les Pays-Bas ont un système de surveillance horizontale. Les rulings belges vont aussi dans la bonne direction. Le problème est que l’Europe considère la surveillance horizontale comme une forme d’aide d’État. Il serait peut-être préférable de créer une sorte de ‘cellule grandes entreprises’ auprès du fisc. Une cellule spécifique qui s’occupe des 60 grandes entreprises belges qui doivent se soumettre au ‘Country-by-Country reporting’ et qui a des lignes directes avec la ‘transfer pricing cel’, le service de ruling… Car admettons-le, le contrôleur local de Courtrai risque de se perdre dans les rapports d’un groupe multinational.” HW : “Il faut donc des fonctionnaires du calibre d’une commission de ruling ou d’un service de médiation. Des personnes qui ont du bon sens économique et qui comprennent comment fonctionne une entreprise.”

LB : “Nous évoluons vers un système open-end : le fisc aura une vision totale des structures. Il déterminera ensuite si une transaction est acceptable ou pas. Les entreprises n’auront donc pas de certitude, ce qui ne favorise pas la confiance.” WL : “Le fisc aura donc une vision de toutes les structures. Il est dès lors aussi important de prévoir des règles pour prévenir l’usage abusif de cette information. Et garantir que toute l’information sera échangée et traitée de manière neutre.”

REFLECT a demandé aux cinq experts quelles sont leurs conclusions concernant le BEPS. Les voici en quelques lignes : • les impôts effectifs augmenteront ; • les entreprises doivent satisfaire (proactivement) aux exigences et procédures complémentaires de transparence et de compliance et les documenter en détail. Il est manifeste que les coûts de compliance augmenteront considérablement ; • la stratégie fiscale doit se décider au niveau du conseil d’administration ; • le fiscaliste d’entreprise doit mener une gouvernance fiscale correcte à 300% pour pouvoir donner confiance au conseil d’administration ; • les entreprises devront faire une analyse de risque : suis-je BEPS-compliant ? Si pas, que dois-je faire pour l’être ? • les entreprises doivent adapter leur structure en termes d’organisation, de stratégie (y compris leurs établissements stables). Elles ont même intérêt à partir d’une page blanche, inspirée par le modèle économique plutôt que par le modèle fiscal.

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SORTIR GAGNANT DU BEPS


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Sans doute est-il encore trop tôt pour transposer l’impact qu’aura le programme BEPS en pratiques ‘bonnes’ ou ‘à éviter’. Nous tentons d’abord, et à l’aide d’un tableau, de lister toutes les actions susceptibles d’influencer la politique fiscale belge pour les entreprises. À elles ensuite de bien s’y préparer. Comment ? Explication avec Wim Wuyts, Global Head of Tax de Bekaert et par ailleurs président de la commission fiscale de la FEB. Si tout n’est pas encore clair – loin s’en faut ! –, deux choses sont sûres : 1) BEPS n’en est plus au stade de la prise de décision mais bien à celui de sa mise en œuvre et ; 2) BEPS renforcera – dans un premier temps en tout cas – les coûts de compliance des entreprises belges bona fide.

1.

APPRENDRE À SURFER SUR LA VAGUE BEPS

La FEB défend une application correcte des règles dans le cadre d’une saine concurrence fiscale. Cette ligne de conduite est également celle qui a toujours été suivie par les autorités belges, lesquelles ont systématiquement veillé à imposer des exigences strictes de ‘substance’ et de ‘transparence’ dans notre système fiscal. Notre système du ‘ruling’ a ainsi été cité comme modèle par les plus hauts responsables fiscaux de la Commission européenne et de l’OCDE. N’oublions pas que, dans le G20 et au sein de l’Union européenne, ce sont avant tout les grands pays qui sont à la manœuvre. Une petite économie ouverte comme la Belgique, soumise à une rude concurrence internationale, doit pouvoir attirer les investisseurs étrangers par une fiscalité attractive. Pour des petits États, comme la Belgique, il s’agit donc désormais d’apprendre à ‘surfer sur la vague’ des réformes en cours et de veiller à se mettre en conformité de manière intelligente pour rester compétitifs et attractifs au niveau international. Cette conformité deviendra un critère essentiel de choix de localisation des nouveaux investissements. Les entreprises s’installeront dans les pays qui leur offrent un cadre fiscal sûr, positif, raisonnable, prévisible et accepté internationalement dans le cadre d’une saine concurrence fiscale entre États. Elles désinvestiront dans les autres pays, à commencer par ceux qui continueront à développer une culture hostile aux entreprises, c’est-à-dire propice à la multiplication de risques fiscaux ingérables et non prévisibles. Pour les entreprises, il s’agira d’anticiper les changements, ce qui implique notamment de développer des règles internes de bonne gouvernance fiscale, d’opérationnaliser les processus qui permettront de se

conformer aux nouvelles exigences de transparence et de rapportage, de s’assurer de l’adéquation de l’organisation fiscale du groupe avec le nouveau cadre normatif et de mettre en place une politique rigoureuse de gestion des risques fiscaux. Les changements auront notamment un impact concret sur le fonctionnement du ruling, sur la déduction des intérêts notionnels, sur la déduction pour brevets, sur notre régime d’exonération des dividendes (régime ‘RDT’ ou Revenus Définitivement Taxés), sur l’application des obligations en matière de prix de transfert, sur la taxation des établissements étrangers et succursales (reconnaissance plus rapide de l’existence d’un établissement stable à l’étranger en cas d’activité transfrontalière), sur la gestion des risques fiscaux liés aux cas de double imposition et sur les obligations de déclaration et de publication.

POUR DES PETITS ÉTATS, COMME LA BELGIQUE, IL S’AGIT DONC DE VEILLER DÉSORMAIS À SE METTRE EN CONFORMITÉ DE MANIÈRE INTELLIGENTE

2.

QUELLES SONT LES PRINCIPALES MESURES QUI IMPACTERONT LES ENTREPRISES EN BELGIQUE ?

Les principaux changements concrets auxquels les entreprises actives en Belgique doivent se préparer sont synthétisés dans le tableau de la page 40. Ils sont présentés en deux groupes, selon qu’ils découlent du programme d’action de l’OCDE ou de celui de l’Union européenne. FEB

39


HOW OCDE

UNION EUROPÉENNE MESURES APPLICABLES IMMÉDIATEMENT

Nouveaux principes applicables en matière de prix de transfert (ils sont intégrés dans les règles existantes)

Coordination et renforcement des nouvelles lignes directrices OCDE

Modifications de la convention modèle OCDE en matière de prévention de la double imposition et de ses commentaires (la Belgique s’y réfère déjà pour la négociation de toute nouvelle convention préventive de la double imposition)

Cf. ACCIS - Assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ensemble unique de règles que les sociétés opérant au sein de l’Union européenne pourraient utiliser pour calculer leurs bénéfices imposables)

Relance des travaux du Forum sur les pratiques fiscales dommageables

Relance des travaux du groupe ‘Code de bonne conduite’

MESURES À TRANSPOSER EN DROIT BELGE À COURT TERME Nouvelles exigences de documentation des prix de transfert (constitution d’un master file pour le groupe et de local files dans les pays d’activités)

Coordination et renforcement des décisions de l’OCDE

Country-by-Country Reporting (la collecte des données commencera au 1er janvier 2016)

Suivi de l’exécution des décisions de l’OCDE en Europe. Discussions en cours au Parlement européen et au sein de la Commission européenne pour adopter une réglementation européenne

Échanges d’information sur certaines décisions anticipées (rulings), notamment celles relatives à certains régimes préférentiels. La Belgique s’y conforme depuis le 1er janvier 2015 de manière bilatérale avec les pays concernés

Projet de directive adopté par l’Ecofin du 6 octobre 2015. Échange automatique, multilatéral et standardisé des décisions anticipées (rulings et décisions assimilées) à mettre en place à partir du 1er janvier 2017. Une consultation publique sur la transparence des entreprises a été clôturée en septembre 2015 (suites encore à déterminer).

Adaptation de la déduction pour brevet à la nouvelle approche ‘nexus’ OCDE (avant le 1er juillet 2016)

Un encadrement des régimes ‘patent box’ et un monitoring de la mise en œuvre de l’approche OCDE sont prévus.

Cf. mesures à transposer de manière optionnelle

Modification à la directive ‘mère-fille’ (transposition pour le 31 décembre 2015 au plus tard) : instauration d’une mesure générale anti-abus et exonération des dividendes dans l’État de résidence de la société bénéficiaire liée à une taxation dans le pays de la source

MESURES À TRANSPOSER EN DROIT BELGE À MOYEN TERME Adaptation de nos conventions préventives de la double imposition existantes

Cf. ACCIS

MESURES À TRANSPOSER EN DROIT BELGE DE MANIÈRE OPTIONNELLE Modification de la législation interne pour contrer les structures hybrides. Il est à noter que l’OCDE adopte une méthode inverse par rapport à celle de l’Europe, à savoir refuser la déduction dans l’État de la source si le montant n’est pas imposé dans le pays de résidence de la société bénéficiaire

Cf. directive ‘mère-fille’ Cf. mesures à transposer à court terme

Renforcement des règles de ‘thin capitalisation’ (éviter les déductions excessives d‘intérêts en les plafonnant, par exemple, à un pourcentage de l’EBITDA)

Cf. ACCIS

Introduction de règles ‘CFC’ visant à compenser dans l’État de résidence une imposition trop faible dans l’État d’activité (par exemple pour des revenus faiblement taxés dans un paradis fiscal)

Cf. ACCIS

Obligation de déclaration des structures de planification fiscale

MESURES EN COURS DE DISCUSSION/ACTIONS EN COURS Mesures d’exécution du programme BEPS (2016 – 2020)

Proposition de directive BEPS (ou intégration directe dans l’ACCIS – encore à décider) Proposition de directive ‘intérêts et redevances’ (instauration du concept de ‘taxation effective’)

Traité multilatéral (l’objectif est de modifier en une fois les 3.000 conventions préventives de la double imposition existantes)

Cf. ACCIS

Forum sur les procédures amiables de règlement des conflits (résoudre les cas de double imposition entre États)

Solution à élaborer dans le cadre des travaux sur l’Assiette Commune Consolidée à l’Impôt des Sociétés (ACCIS) Consultation publique sur l’ACCIS Proposition de directive sur l’ACCIS Enquêtes et procédures relatives aux ‘Excess profit rulings’ dans le cadre des règles en matière d’aides d’États

40 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?


HOW VOTRE ENTREPRISE EST-ELLE BEPS-PROOF ? Qu’implique la nouvelle réglementation concrètement pour votre entreprise ? Plus spécifiquement, comment les CFO, les fiscalistes d’entreprise et leurs équipes peuvent-ils se préparer de manière optimale au tsunami fiscal qui s’annonce ? Nous avons posé la question à Wim Wuyts, Global Head of Tax de Bekaert, président de la commission fiscale de la FEB et fondateur de l’École internationale de Tax Leadership (Fontainebleau)*. Tout d’abord, précisons que les nouvelles règles de la fiscalité internationale n’affecteront que les entreprises qui sont actives à l’international, c’est-à-dire aux entreprises qui ont une filiale ou une entité juridique en dehors des frontières belges. La nouvelle réglementation fiscale internationale et européenne n’a pas d’influence sur l’activité des entreprises qui n’opèrent que sur le territoire belge – les entreprises belgo-belges – quel que soit leur chiffre d’affaires.

I

Les entreprises actives à l’international doivent-elles se préparer à un tsunami fiscal ? “Ces dernières années, la fiscalité internationale a changé fondamentalement d’orientation dans un but ultime de transparence afin de garantir à l’avenir que les entreprises internationales paieront partout leur part équitable d’impôt des sociétés. Moins que les (nombreux) changements techniques ou les règles plus strictes, c’est la transparence absolue qui constitue le revirement fondamental dans la culture fiscale dominante. Les entreprises doivent apprendre à gérer cette ouverture.”

I

Les entreprises belges sont-elles déjà prêtes à cette nouvelle constellation ? “La transparence recherchée par l’OCDE et l’Europe ne sera perceptible qu’en 2018. Les entreprises ont encore deux ans pour se préparer aux effets du rapport ‘country-by-country’ (obligatoire à partir d’un chiffre d’affaires consolidé de 750 millions EUR) qui devra être établi pour la première fois pour l’exercice 2016 et devra être introduit fin 2017. Mais il faut considérer qu’à l’avenir, tout ce qu’une entreprise devra faire sur le plan fiscal devra pouvoir être expliqué au grand public. Toute entreprise a intérêt à éviter ce qu’elle ne peut ou ne veut pas ‘justifier’ publiquement !”

I

* Wim Wuyts a fondé en 2015 la «International

School for Tax Leadership». En collaboration avec le CEDEP (Centre Européen d’Education Permanente), il organise des «Executive Tax Leadership Programmes» à travers le monde. Plus d’info www.cedep.fr/Portals/0/TAX/ TaxLeadership.pdf

Les entreprises doivent-elles s’inquiéter ? Ou le BEPS fait-il partie d’une évolution inévitable ? “Si c’était une évolution, elles ne devraient pas s’inquiéter. Mais ce n’est pas le cas. Une entreprise internationale traîne toujours un passé fiscal d’une dizaine d’années. Parallèlement, elle doit se préparer proactivement à la stratégie fiscale des cinq prochaines années sur la base de la législation d’aujourd’hui. Jusqu’à présent, elle pouvait maîtriser son passé sur la base de la législation en vigueur à l’époque. La nouvelle réglementation jette ce principe aux orties et, aujourd’hui, le passé est souvent évalué au travers des ‘lunettes BEPS’ de l’avenir. Cela signifie qu’il est presque impossible d’opérer une gestion adéquate des risques fiscaux. En d’autres termes, les entreprises n’ont pas le temps d’adapter leurs structures et leurs processus à la nouvelle réalité.” FEB

41


HOW

I

Le principal problème sera toutefois la double imposition d’un même bénéfice ? “Avec l’obligation de rapport ‘countryby-country’, l’autorité fiscale de chaque pays où une multinationale opère saura de manière très transparente qui paie combien et où et elle pourra s’enrichir en exigeant une part plus grande du bénéfice total. La transparence constitue donc un énorme multiplicateur pour la double imposition. Toute la législation du passé a été conçue pour éviter la double imposition. Certes, les entreprises en ont profité pour appliquer le système fiscal qui leur était le plus favorable. Avec la nouvelle transparence, chaque autorité pensera qu’elle reçoit trop peu de la base imposable totale de l’entreprise et chaque pays exigera une part du gâteau plus grosse que ce qui lui revient via les méthodes classiques de ‘transfer pricing’.”

SI LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DISPARAÎT, COMMENT LE DIRECTEUR FISCAL POURRA-T-IL DONNER DES GARANTIES DE COMPLIANCE À SON CFO OU À LA COMMISSION D’AUDIT ET DE FINANCEMENT ?

I Et le nombre de litiges augmentera ? “En effet. Les autorités belges devront, plus que jamais, faire des compromis avec les autorités étrangères dans une procédure d’arbitrage. Mais sans arbitrage forcé puisque tous les pays ne sont pas membres de l’OCDE. Ainsi, si la Chine ou l’Inde ignorent les règles, le risque de double imposition sera très grand. Au sein de l’OCDE, on peut espérer que les litiges seront réglés par la ‘multilateral agreement procedure’. Mais la faisabilité de cette procédure est loin d’être certaine.”

I

Chaque entreprise doit déterminer pour elle-même si elle considère les impôts comme un coût de compliance, comme un moyen de créer de la valeur pour les actionnaires ou comme un moyen d’assumer sa responsabilité sociétale ? “C’est la première question que chaque entreprise doit se poser, et ce sans doute jusqu’au niveau du conseil d’administration. C’est un choix stratégique que chaque entreprise doit faire pour elle-même. Adopte-t-elle une politique fiscale plutôt ‘agressive’ ou plutôt conservatrice ? Il y a dix ans, le taux d’imposition devait être le plus bas possible pour créer le plus possible de valeur pour les actionnaires. Tant qu’on reste dans le cadre de la loi, je ne trouve pas cela immoral. La loi est la loi. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises se demandent toutefois si elles doivent encore vouloir ‘tout’ gagner au risque de compromettre leur réputation. L’entrepreneur est en effet devenu plus soucieux de sa responsabilité sociétale et estime que son entreprise doit également créer de la ‘shared value’. C’est un exercice très difficile, parce que non objectivable, dont l’entreprise n’a pas le contrôle. Mais même dans une stratégie sans volonté d’optimisation fiscale, qui considère les impôts comme un coût accepté de compliance, la réglementation BEPS peut avoir de lourdes conséquences pour l’entreprise. Se contenter d’être compliant est devenu une des choses les plus difficiles dans la fiscalité internationale, et même une utopie.”

42 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

L CIA SO Y ATE ILIT OR SAB RP CO SPON RE

De plus, le taux d’imposition moyen augmentera pour les entreprises. “L’OCDE a calculé que le BEPS rapportera de 100 à 240 milliards de dollars. En conséquence, on peut prévoir que le taux d’imposition moyen de 22% des entreprises du Bel-20 (calculé par Deloitte), ainsi que le taux d’imposition des multinationales étrangères augmentera au cours des prochaines années de 2 à 3 points. Une entreprise veut créer de la valeur pour ses actionnaires. Le bénéfice par action fluctue en fonction du taux d’imposition. Si les impôts augmentent, le cours de l’action baisse. Même des pays non membres de l’OCDE appliquent les règles BEPS. Une certitude : toutes les entreprises dans le monde devront payer plus d’impôts.”

SU ST AIN VA ABL LU E S EC H RE ARE AT HO ION LD ER

I

LEADING A GLOBAL TAX FUNCTION IN A COMPLEX WORLD

EFFECTIVE TAX RATE



HOW

I

Jusqu’où doit aller la transparence fiscale ? Se limite-t-elle à la relation entreprise-autorités ou concerne-t-elle aussi le grand public ? “En principe, une affaire reste entre les autorités fiscales et les entreprises. L’entreprise a l’option de faire un pas de plus. On ne peut obliger l’entreprise à expliquer au grand public chaque démarche fiscale qu’elle fait.”

I

Est-ce encore possible avec les réseaux sociaux et la culture WikiLeaks ? “Toute entreprise doit considérer que sa politique fiscale sera connue du public. L’entreprise doit pouvoir affronter le test Wall Street Journal. En d’autres termes, est-elle prête à défendre un système fiscal déterminé si un journal en fait sa une ? Mais cela reste un dilemme. Car comment expliquer la technicité fiscale d’un cas à quelqu’un qui n’a pas de formation fiscale ? Ma grande crainte est que même LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION ÉVALUE ceux qui comprennent vont donner des explications LE PASSÉ AU TRAVERS DES LUNETTES DE populistes de sorte que, L’AVENIR conceptuellement, elles ne seront plus correctes.”

I

À quelles conséquences le monde des entreprises peut-il s’attendre, en dehors du risque accru de double imposition et du nombre croissant de litiges ? “Les structures hybrides pouvant donner lieu à la non-imposition effective d’une partie du bénéfice disparaîtront presque totalement. Les structures de holding ne seront défendables que si l’économie et la stratégie de l’entreprise les imposent, par exemple en cas de reprises ou de financement, pour des joint ventures ou pour viser certains pays ou régions. La déductibilité des intérêts sera limitée dans certains pays. La facturation intragroupe devra être mieux étayée. Des législations de niche fiscale, comme les ‘excess profit rulings’ belges décriés par le public, disparaîtront et d’autres, comme le régime de déduction pour les brevets, seront rectifiées. Ce sont des mesures que la plupart des multinationales connaissent déjà depuis longtemps et qui n’impliquent pas de nouvelles modifications fondamentales. De plus, de nombreuses entreprises ont déjà adapté leur empreinte fiscale à la nouvelle réalité au cours des deux dernières années.”

I

Pour éviter la double imposition, les entreprises auront davantage recours aux rulings ? “C’est exact. Mais sachez que ces rulings seront communiqués aux autres pays pour lesquels ils sont importants. Cela signifie que chaque pays peut choisir dans ce ruling ce qui est le plus intéressant dans son contexte. À l’entreprise d’évaluer le risque de l’introduction d’un ruling. Personnellement, je pense toujours que le ruling offre la meilleure protection. Mais paradoxalement, la transparence accrue pourrait générer à l’avenir plus d’insécurité.”

44 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?


HOW

I

Pour vous, un des principaux risques c’est la ‘criminalisation de la fiscalité’. Que voulez-vous dire ? “Dans un climat juridique stable, l’entreprise reçoit, en cas de discussion sur le transfer pricing, un jugement en sa faveur ou en sa défaveur et elle le conteste éventuellement via les procédures légales existantes. Et cela fonctionne. Désormais, de plus en plus de pays menacent, lorsqu’une entreprise n’accepte pas un régime, de poursuivre la société, les administrateurs ou même l’expert-comptable interne. Cela devient un véritable moyen de chantage. Comment les fiscalistes vont-ils gérer cela à l’avenir ? Si la sécurité juridique disparaît, comment le directeur fiscal pourra-t-il donner des garanties de compliance à son CFO ou au Audit and Finance Committee ? Ce sera presque impossible.”

I Quelles opportunités le BEPS offre-t-il aux entreprises ? “Chaque menace comporte aussi une opportunité. Dans le cas du BEPS, elle est plutôt indirecte. Étant donné que certaines législations de niche devront disparaître, les autorités appliqueront de plus en plus un taux d’imposition statutaire plus bas pour que leur pays reste attractif pour les investisseurs étrangers. Les Pays-Bas, la Suisse et la Grande-Bretagne ont déjà pris cette orientation. Pour pouvoir encore figurer sur la shortlist des investisseurs étrangers, les pays devront appliquer dans un délai de trois à cinq ans un taux d’imposition statutaire d’environ 20%. En combinaison avec des incitants fiscaux, comme la déduction des intérêts notionnels, qui sont soutenus par l’Europe et ne sont pas qualifiés d’’aide publique’. De plus, il est inévitable qu’un pays compétitif élabore une pratique de ruling éprouvée, fiable et juridiquement sûre. La Belgique est déjà un des meilleurs élèves à cet égard.”

TEST DÉCISIF FISCAL Évaluez chaque question fiscale à trois niveaux. 1. Juridico-fiscal. La structure ou le projet est-il légal ? Pouvez-vous défendre le projet du point de vue de la technicité fiscale au moment du contrôle fiscal ? Souvent la réponse n’est pas univoque. En fin de compte, le fiscaliste d’entreprise doit donner son feu vert ou pas. Avec un peu de chance, le pays concerné organise une commission de ruling performante qui peut offrir de la sécurité 2. Le projet s’inscrit-il dans la stratégie de l’entreprise ou sa motivation est-elle surtout fiscale ? Si la motivation est purement fiscale, les fiscalistes d’entreprise rejetteront le projet. Mais selon le pays, il pourrait être parfaitement possible d’exécuter malgré tout le projet. 3. Le projet a-t-il la cote ? La direction décide parfois de ne pas exécuter un projet fiscalement correct et inspiré par la stratégie de l’entreprise pour éviter toute atteinte à sa réputation en bousculant par exemple les clients ou les consommateurs.

Quatrièmement : documentez en détail toutes les transactions de transfer pricing. Cette documentation est comme une police d’assurance que vous contractez pour éviter au maximum la double imposition.”

I

À long terme donc un taux d’imposition statutaire plus faible que la moyenne européenne actuelle de 22% “À long terme évidemment. Pour les prochaines années, je prévois comme je l’ai dit une augmentation de quelques points. À mesure que l’ancienne situation se régularisera et que la double imposition reculera, cette augmentation pourra régresser. Dans un environnement plus transparent et, pour beaucoup, plus équitable (car level playing field), le BEPS pourrait être un win-win tant pour les autorités que pour les entreprises sur une période d’une dizaine d’années. De toute manière, la concurrence fiscale internationale ne disparaîtra pas de sorte que la pression augmentera pour abaisser le taux d’imposition. Le temps en décidera.”

I

Quelle est la meilleure façon pour l’entreprise et son fiscaliste de se préparer à la nouvelle réglementation ? “Premièrement, communiquez dans toute l’entreprise les nouvelles règles du jeu et la nouvelle culture. De cette manière, chacun dans l’entreprise comprendra la complexité et développera les bons réflexes en cas de décisions. Deuxièmement : le conseil d’administration doit définir la ligne stratégique sur laquelle l’entreprise se positionnera fiscalement, avec plus ou moins de risques. Troisièmement : faites l’analyse des lacunes et élaborez un plan d’action pour la transition de l’ancien au nouveau monde fiscal. FEB

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THÈMES 48 CYBERSÉCURITÉ ELLE MET LES ENTREPRISES BELGES AU DÉFI

49 BETTER REGULATION MOINS DE CHARGES = PLUS DE CROISSANCE !

50 AGILITÉ DANS L’EMPLOI PAS DE TRAVAIL FAISABLE SANS AGILITÉ DANS L’EMPLOI

52 TRADE FOR ALL LA COMMISSION SUIT UN AGENDA COMMERCIAL AMBITIEUX

53 GESTION DES RISQUES DANS CHAQUE DIFFICULTÉ VOIR L’OPPORTUNITÉ


CHER LECTEUR Le magazine REFLECT que nous vous présentons ici prend – pour vous – le pouls de l’actualité. Dans chaque numéro, il donne un aperçu de thèmes importants que nos experts gèrent, négocient et suivent de près, dans les domaines économique, social, juridique et fiscal. Vous trouverez donc dans les pages qui suivent une sélection de dossiers actuellement traités par nos experts pour défendre au mieux les intérêts des fédérations membres et de leurs entreprises affiliées, et ce aux niveaux tant fédéral qu’européen et international. Pour chaque thème, nous vous décrivons l’état d’avancement du dossier, la position de la FEB et les prochaines étapes. Une manière de vous offrir une vision à 360° sur des dossiers qui peuvent avoir un impact important sur vos activités. Vous trouverez également, pour chaque thème, les coordonnées du collaborateur FEB compétent et des renvois à d’autres sources d’information pertinentes. Vous trouverez une vue d’ensemble de tous les dossiers et thèmes suivis par nos experts sur www.feb.be (domaines d’action).

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FEB

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THÈME1

CYBER SECURITY COALITION I BEST PRACTICES I GUIDE I PLAN D’APPROCHE

CYBERSÉCURITÉ ELLE MET LES ENTREPRISES BELGES AU DÉFI

tant pour les entreprises belges. Via la Cyber Security Coalition, la FEB contribue à soutenir la lutte contre la criminalité numérique croissante. LES

sein d’une Intersectorial Computer Security Incident Response Team (Inter-CSIRT) pour échanger des informations sur des menaces spécifiques. Ils forment ensemble un ‘réseau de confiance’ qui veut mettre à nu la cyberinfrastructure critique de notre pays. © DANIEL RYS

D

es chiffres récents de la compagnie d’assurance américaine Marsch indiquent que 38% des entreprises belges ont déjà été piratées. À l’échelle européenne, ce pourcentage atteint même 50%. La cybersécurité constitue clairement un défi impor-

Incident Management Guide Et, comme la cyberproblématique est peu ‘visible’, la coalition a lancé la ENTREPRISES SONT campagne ‘Oubliez ENCOURAGÉES À METTRE EN les mots de passe, PLACE UNE GOUVERNANCE DE utilisez une phrase de passe’. Les entreprises LA CYBERSÉCURITÉ BIEN ÉTAYÉE ont, elles aussi, été sensibilisées, notam-

Depuis plus d’un an, une ‘Coalition’ unique d’experts du monde académique, du secteur privé et des pouvoirs publics élabore des mesures visant à renforcer la cybersé-

CONTACT Pieter Timmermans Administrateur délégué cva@vbo-feb.be www.feb.be > Domaines d’action > Sécurité & bien-être au travail > Sécurité des entreprises > La cybersécurité constitue un défi important pour les entreprises belges

48 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

curité en Belgique et à mieux protéger l’économie numérique. Cette Cyber Security Coalition, créée à l’initiative de la FEB, compte aujourd’hui plus de 45 membres et travaille sur quatre piliers : l’échange d’expériences et d’expertise, le partage d’informations (‘intelligence’), l’organisation d’actions à l’intention du grand public et la formulation de recommandations politiques aux autorités et au monde académique et de recommandations sur les meilleures pratiques aux entreprises. Un des objec-

ment au thème du ‘phishing’, et encouragées à mettre en place une gouvernance de la cybersécurité bien étayée. Enfin, les partenaires de la Coalition ont publié le ‘Cyber Security Incident Management Guide’. Celui-ci souligne que toute organisation devrait disposer d’un plan d’approche des cyberincidents suffisamment détaillé et propose les bases nécessaires pour établir un tel plan. Ce guide, qui s’adresse aussi bien aux petites qu’aux grandes en-

tifs centraux de la Coalition consiste à développer la confiance entre ses membres en vue de créer un climat optimal pour l’échange d’expériences.

treprises, est soutenu par le nouveau Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB), un organisme chargé de veiller à la sécurité internet des utilisateurs et d’assurer la gestion de crise en cas d’incident.

Les membres ont ainsi déjà pu, lors de quatre manifestations, partager leur expertise et leurs expériences sur des thèmes tels que la législation et la gestion d’incidents. Par ailleurs, des experts en matière de sécurité d’entreprises et des pouvoirs publics se sont réunis toutes les deux semaines au

En 2016, la C oalition voudrait étendre (faire adhérer plus d’entreprises et d’organismes publics en Belgique) et approfondir son action (sur les quatre piliers actuels). La force de cette coalition réside dans sa composition unique, regroupant l’expertise de ses différents partenaires.


THÈME2

RÉGLEMENTATION | SIMPLIFICATION | (MOINS DE) CHARGES | CROISSANCE

BETTER REGULATION MOINS DE CHARGES = PLUS DE CROISSANCE !

S

elon une extérieure de secrétariats comparaison sociaux, de comptables LES ENTREPRISES internationale, la et de fiscalistes. Le coût Belgique a amémoyen engendré par la JUGENT FAIBLE OU complexité réglementaire lioré son score au cours NUL L’IMPACT DES est plus élevé lorsqu’on des dix dernières pour ce INITIATIVES EN MATIÈRE emploie peu de personnes. qui est de la qualité de sa législation. C’est ce que DE SIMPLIFICATION révèle une étude d’IDEA Près de la moitié des Consult, commandée entreprises interrogées par la FEB. IDEA Consult par la FEB estiment a réuni 37 indicateurs mesurant certains aspects que la réglementation ne répond pas à leurs de la qualité de la législation. Sur la base de ces besoins. Seulement 20 à 40% trouvent qu’elle indicateurs, le consultant a développé un système est facile à comprendre. La législation du de monitoring permettant de vérifier les progrès travail, la sécurité sociale et la fiscalité se des autorités belges par rapport à 7 pays de référévèlent particulièrement complexes.

Lorsqu’on compare la qualité de la législation belge à celle des 7 autres pays, seule la France affiche des performances moins bonnes. À l’inverse de la France, nous avons amélioré notre score pour tous les indicateurs par rapport à il y a dix ans. Malheureusement, nos efforts se sont ralentis ces 5 dernières années. Nous avons même régressé pour certains indicateurs. Citons par exemple les procédures supplémentaires imposées pour enregistrer une propriété, comme l’attestation du sol obligatoire à Bruxelles depuis 2011. D’après l’enquête de la FEB, les entreprises interrogées jugent faible ou nul l’impact des initiatives des autorités en matière de simplification. Elles estiment que les charges administratives sont à nouveau en hausse depuis 2008. En effet, elles ne disposent pas des spécialistes nécessaires pour traduire la réglementation en fonction de leurs besoins. Elles doivent donc faire appel à l’aide

Pour améliorer la qualité de la législation dans notre pays, il est impératif d’adopter une politique durable, cohérente et volontariste. Les entreprises belges en ont un grand besoin. Trop de mesures ad hoc sont encore promulguées. Pourquoi ne pas suivre les mesures prises au Royaume-Uni : ‘One In, Two Out’, pour toute nouvelle mesure prise, deux autres doivent disparaître en termes d’impact financier ? L’amélioration de la législation entraîne des gains d’efficacité grâce à la réduction des charges administratives et génère donc de la croissance économique. C’est dans ce sens qu’il faut progresser.

CONTACT

© DANIEL RYS

rence (Pays-Bas, Allemagne, France, Royaume-Uni, Danemark, Suisse et Canada). À cela s’ajoutent des indicateurs réunis par la FEB via une enquête à laquelle ont pris part 400 chefs d’entreprise.

Philippe Lambrecht Administrateursecrétaire général sge@vbo-feb.be

www.feb.be Domaines d’action > Pouvoirs publics & Politique > Better Regulation > La Belgique doit continuer à investir dans la qualité de la législation

FEB

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THÈME3

TABLE RONDE KRIS PEETERS | PÉRIODE D’ESSAI | ANNUALISATION DU TEMPS DE TRAVAIL

AGILITÉ DANS L’EMPLOI PAS DE TRAVAIL FAISABLE SANS AGILITÉ DANS L’EMPLOI

A

du travail moderne, la près la deuxième FEB plaide également table ronde UN EMPLOI DE pour une annualisation ‘Travail faisable’ QUALITÉ RELÈVE DE automatique du temps de du ministre de travail et un élargissement l’Emploi Kris Peeters, des LA RESPONSABILITÉ de l’application du compte dizaines de propositions PARTAGÉE DES plus-moins (étalement sont sur la table. Même EMPLOYEURS, DES de la durée moyenne si certaines mesures sont de travail sur plusieurs louables, l’aspect ‘agilité TRAVAILLEURS ET DES années) à d’autres secteurs. dans l’emploi’ n’est pas POUVOIRS PUBLICS Enfin, la FEB préconise suffisamment présent pour la aussi une réforme des FEB. Nous nous demandons barèmes salariaux actuels donc si les propositions basés sur l’ancienneté, car ils pénalisent les actuelles suffiront pour réaliser le ‘corebusiness’ du travailleurs âgés sur le marché du travail. gouvernement, à savoir augmenter le taux d’emploi, allonger les carrières et veiller à un emploi de qualité. Vers une solution gagnante pour chacune des trois parties Désireuse de s’impliquer, la FEB a suggéré Les comparaisons internationales et officielles elle-même plusieurs mesures lors de cette concernant la qualité du travail, la satisfaction deuxième table ronde. Elle entend en premier professionnelle et la combinaison travail-famille lieu promouvoir l’embauche, l’emploi et la montrent que le travail n’a jamais été aussi mobilité en abaissant les seuils existants, ‘faisable’ qu’aujourd’hui en Belgique. Notre plutôt qu’en les augmentant. Elle propose pays se range d’ailleurs dans le groupe de tête également de réintroduire la période d’essai pour ces trois facettes. Il y a toutefois un aspect et d’assouplir les contrats temporaires, qui que nous ne pouvons oublier : pour un travail constituent souvent un tremplin vers l’emploi. ‘faisable’, il faut d’abord qu’il y ait du travail disponible. Pour cela, il faut des entreprises Par ailleurs, la FEB souhaite miser sur une compétitives. La réalité socio-économique en organisation du travail moderne et flexible, mutation rapide dans laquelle les entreprises laissant une marge pour les ressources humaines et les travailleurs fonctionnent exige que tous et les solutions sur mesure pour les secteurs, les acteurs puissent s’adapter rapidement. En les entreprises et les travailleurs. La meilleure d’autres termes, ils doivent faire preuve d’agilité. méthode est un ‘opting-out’ (régime de

CONTACT Bart Buysse Directeur général ivn@vbo-feb.be

travail spécifique décidé au niveau du secteur, de l’entreprise ou de l’individu et permettant de déroger à la réglementation) et le recours à d’autres critères pour la définition et le calcul du travail, en plus du temps de travail. Dans le cadre d’une organisation

www.feb.be News & Media > Actualité > Deuxième table ronde sur le travail faisable - L’agilité dans l’emploi © DANIEL RYS

50 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?

Les employeurs ne peuvent toutefois apporter la solution à tous les problèmes. Un emploi de qualité relève en effet de la responsabilité partagée des employeurs, des travailleurs et des pouvoirs publics et il faut donc tendre vers une solution gagnante pour chacune des trois parties.


Restez au fait de l’actualité socio-économique FEB RADAR L’app FEB RADAR, c’est l’accès immédiat aux données socio-économiques concernant la Belgique dans un contexte européen, ainsi qu’à l’analyse qui en est faite par les experts de la FEB. L’app comprend les indicateurs les plus pertinents en matière de : • marché du travail & sécurité sociale • conjoncture • compétitivité • fiscalité • agility@work

1 2

Les informations, mises à jour régulièrement, sont accessibles en temps réel sur votre smartphone, tablette ou PC.

3 Tandis que l’on observe une tendance à la baisse du taux de chômage dans de nombreux pays notamment en Allemagne ainsi qu’en moyenne dans l’UE, le taux de chômage reste en Belgique à un niveau élevé atteignant 8,5% en février 2014. Pour connaître l’évolution du chômage: FEB Radar > Conjoncture Update > Marché du travail

Disponible comme une app ou via votre navigateur, en français et néerlandais. Accessible via :

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Informations précises et comparaison aisée

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Analyses par les experts de la FEB


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STRATÉGIE DE COMMERCE | ACCORDS BILATÉRAUX | PROTECTION

TRADE FOR ALL LA COMMISSION SUIT UN AGENDA COMMERCIAL AMBITIEUX

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e 14 octobre, la Commission européenne a présenté sa nouvelle stratégie de commerce et d’investissement ‘Le commerce pour tous’.

Elle met notamment le focus sur les négociations en cours avec les États-Unis et le Japon, et accorde une attention particulière à la région Asie-Pacifique. Ce point est crucial, car l’UE ne peut pas se margi-

naliser à l’heure où d’autres alliances commerciales voient le jour à travers le monde. Outre de nouvelles initiatives bilatérales avec divers partenaires clés, nous nous réjouissons également que la Commission n’enterre pas la piste multilatérale et estime que l’OMC doit retrouver son rôle central dans le commerce mondial. De même, il est positif qu’elle entende améliorer la mise en application des UNE TRANSPARENCE engagements pris par ses partenaires, puisque des ACCRUE VERS LE GRAND manquements sont consta-

Pour la Commission, la politique commerciale doit devenir plus efficace en s’adaptant aux nouvelles réalités économiques, comme les services et l’économie numérique, et en prévoyant des dispositions spécifiques pour les PME. La nouvelle stratégie doit également rendre la politique commerciale plus transparente en ouvrant davantage les négociations au contrôle du public. Enfin, les accords commerciaux serviront pour la promotion des valeurs européennes, telles que le développement durable et les droits de l’homme. Face à la méfiance observée à l’encontre de certains accords commer-

CONTACT Olivier Joris Centre de compétence Europe & International oj@vbo-feb.be Voir aussi Marché intérieur pour les services www.feb.be > Europe > Marché intérieur Voir aussi Nouvelle stratégie pour le marché intérieur www.feb.be > Europe > Marché intérieur

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PUBLIC NE DOIT PAS AFFAIBLIR LA CAPACITÉ DE NÉGOCIATION DE LA COMMISSION

ciaux, il paraît évident que la Commission devra adapter sa façon de travailler à l’avenir. Cette nouvelle stratégie constitue dès lors clairement un exercice de relations publiques, dans le cadre duquel la Commission prend divers engagements adressés à la société civile. Nous nous réjouissons néanmoins que la Commission continue à suivre un agenda commercial ambitieux, car les accords déjà conclus ont eu des résultats positifs et 90% de la croissance mondiale des 15 prochaines années seront générés en dehors des frontières de l’Europe.

tés, par exemple dans le cas de la Chine où nos entreprises se plaignent de concurrence déloyale due aux mesures de soutien des autorités chinoises.

Lors de la mise en œuvre ultérieure de cette stratégie, la FEB restera attentive à un certain nombre de points. Une transparence accrue vers le grand public ne doit pas affaiblir la capacité de négociation de la Commission ainsi que sa capacité à justifier le résultat final. Le commerce constitue certes un des véhicules permettant de promouvoir les valeurs et standards européens dans le monde, mais il doit avant tout ouvrir de nouveaux débouchés. Enfin, la FEB reste favorable à une protection correcte et applicable des investissements belges sur les marchés étrangers.


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RISQUES | RAPIDITÉ | MENACES |

GESTION DES RISQUES DANS CHAQUE DIFFICULTÉ VOIR L’OPPORTUNITÉ

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es risques et les de risque. Mais plutôt crises ont toujours que de considérer ces LES RISQUES ACTUELS existé. La crise risques uniquement SONT D’UN TOUT AUTRE financière et du comme des difficultés et crédit, les scandales des problèmes, voyons les ORDRE DE GRANDEUR comptables, les préjudices possibilités qu’ils offrent. QUE PAR LE PASSÉ du fait de pollutions, les cyberattaques ou, Car chaque activité crée plus récemment, la un risque, mais égalemanipulation des logiciels dans le secteur automent une opportunité pour les entreprises mobile sont autant de faits qui affectent le bon fonctionnement des entreprises et des grandes organisations. Sans parler de l’impact, à plus grande échelle, des récentes menaces terroristes. En raison de leur dimension (souvent internationale) et de leur impact considérable sur le fonctionnement des entreprises et des organisations – et donc sur le tissu économique du pays – les risques actuels (et les crises correspondantes) sont d’un tout autre ordre de grandeur que ceux de la fin du siècle dernier. De plus, la rapidité des évolutions technologiques crée un nouveau risque, celui des technologies disruptives (‘disruptive technological changes’). Celles-ci transforment complètement le marché et peuvent rendre un service ou produit rapidement obsolète. Il n’est donc pas étonnant que la maîtrise des risques fasse partie des priorités économiques (et politiques). L’approche internationale coordonnée des constructions fiscales dans le cadre du ‘BEPS’ (Base Erosion and Profit Shifting) – la thématique abordée dans ce REFLECT – l’illustre à suffisance, de même que la grande attention médiatique qui lui est réservée. La prise de conscience de ces risques accrus, tant dans l’entreprise que dans la société en général, a stimulé l’appel à être plus attentif à la gestion

innovantes et créatives, qui transforment la menace en opportunité et renforcent ainsi leur position concurrentielle ou explorent de nouveaux marchés. L’e-commerce et la numérisation sont des exemples typiques. Ils modifient certes le commerce traditionnel, mais génèrent aussi des sous-secteurs tels que le webdesign, l’impression 3D, l’e-marketing. Winston Churchill a dit un jour : “Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté”. C’est dans cette optique que la brochure ‘Gestion des risques. Guide pratique pour une politique durable’ a été pensée : plutôt que de ne voir dans les risques que les difficultés et les problèmes qui en découlent, voyons comment les utiliser à l’avantage de l’entreprise. Publiée en collaboration avec BDO et ING, cette brochure pratique (gratuite) qui offre, en 90 pages, au chef d’entreprise une vue d’ensemble des principaux éléments d’une politique de risque durable. Des témoignages issus de la pratique (de divers secteurs) rendent la ‘théorie’ tangible.

CONTACT Morgane Haid Centre de compétence Économie & Conjoncture mha@vbo-feb.be www.feb.be Publications > Publications gratuites > Gestion des risques. Guide pratique pour une politique durable

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JURISPRUDENCE SOCIALE UNE SÉLECTION DES DÉCISIONS LES PLUS INTÉRESSANTES – PUBLIÉES ET NON PUBLIÉES – DE NOS COURS ET TRIBUNAUX DU TRAVAIL

POLITIQUE SOCIALE Directive 2003/88/CE – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Article 2, point 1 – Notion de “temps de travail” – Travailleurs n’ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel – Temps de déplacement entre le domicile des travailleurs et les sites des premier et dernier clients L’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du «temps de travail», au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites des premier et dernier clients désignés par leur employeur. Cour de Justice de l’Union européenne, 10 septembre 2015, curia.europa.eu. QUALIFICATION CONVENTIONNELLE Pouvoir du juge de l’écarter Lorsque les éléments soumis à son appréciation permettent d’exclure la qualification donnée par les parties à la convention qu’elles ont conclue, le juge du fond peut y substituer une qualification différente. Cour de Cassation, 2 février 2015, JTT, 2015, p. 214. TRANSFERT D’ENTREPRISE C.C.T. n° 32bis – Dettes nées après la date du transfert Il résulte des articles 1, 1°, 7 et 8 de la C.C.T. n° 32bis que, en règle, seul le cessionnaire est tenu au paiement des dettes nées après la date du transfert de l’entreprise. Cour de Cassation, 10 novembre 2014, JTT, 2015, p. 221.

NADINE BEAUFILS AVOCATE ASSOCIÉE TAQUET, CLESSE & VAN EECKHOUTTE N.BEAUFILS@BELLAW.BE WWW.BELLAW.BE

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LÉGISLATION SUR L’EMPLOI DES LANGUES Conséquences déménagement siège d’exploitation – Siège d’exploitation dans la région linguistique néerlandophone – Nullité – Pas de préjudice pour le travailleur Étant donné que le décret flamand sur l’emploi des langues ne prévoit pas d’exception expresse pour les documents existants et leur sort en cas de déménagement d’une région linguistique à une autre, il est attendu de l’employeur qui vient s’établir dans la région linguistique néerlandophone qu’il


établisse les documents utilisés dans l’entreprise en néerlandais. Les documents établis dans une autre langue sont nuls, et ce également lorsqu’ils avaient été valablement établis conformément avant le déménagement vers une autre région linguistique. Étant donné que le décret flamand sur l’emploi des langues prévoit que la nullité ne peut occasionner de préjudice au travailleur, celui-ci peut réclamer un bonus sur la base d’un plan de bonus établi dans la mauvaise langue et invoquer la nullité des dispositions qui lui sont défavorables.

• Délégation syndicale exerçant des missions du C.P.P.T. – Indemnité de licenciement – Choix entre indemnité prévue par la loi du 19 mars 1991 et l’indemnité prévue par la C.C.T. sectorielle Le délégué syndical licencié qui, en l’absence d’un C.P.P.T., est chargé d’office d’exercer les missions dudit comité a en cas de licenciement irrégulier le choix entre les indemnités prévues par la loi du 19 mars 1991 et les indemnités prévues par la C.C.T. sectorielle. Cour du travail de Bruxelles, 20 avril 2015, JTT, 2015, p. 277.

Cour du travail de Bruxelles, 13 février 2015, JTT, 2015, p. 286. DÉLÉGATION SYNDICALE Désignation – Pouvoir de décision souverain de l’organisation syndicale Sauf si la C.C.T. sectorielle prévoit un droit de veto pour l’employeur, l’organisation syndicale a un pouvoir souverain de désignation des délégués syndicaux. Il lui appartient de décider quant à la compétence et la personne du délégué.

• Bien-être au travail – Point de départ de la protection – Dépôt de la plainte Dans sa version modifiée par la loi du 10 janvier 2007, la protection contre le licenciement en matière de harcèlement débute à la date du dépôt de la plainte et non à la date à laquelle l’employeur a été informé du dépôt de la plainte. Cour du travail de Bruxelles, 22 avril 2015, JTT, 2015, p. 368.

Cour du travail de Bruxelles, 20 avril 2015, JTT, 2015, p. 277. CONGÉ Moyennant préavis – Dispense unilatérale de prestation – Congé dépendant de l’attitude ultérieure du travailleur En règle, le contrat de travail se poursuit après la notification du congé durant le préavis et ne cesse qu’à l’expiration de celui-ci. Toutefois, la dispense d’effectuer les prestations de travail décidée unilatéralement par l’employeur peut constituer une modification unilatérale et importante d’une condition essentielle du contrat de travail, qui peut être considérée comme un congé. Dans ce cas, la cessation du contrat ne se produit pas nécessairement au moment de la modification et peut dépendre de l’attitude adoptée ultérieurement par le travailleur. Cour de Cassation, 19 janvier 2015, JTT, 2015, p. 233. LICENCIEMENT – TRAVAILLEUR PROTÉGÉ • Loi du 19 mars 1991 – Demande de réintégration – Destinataire Il ne résulte pas des articles 14 et 17, § 1, de la loi du 19 mars 1991 que la demande de réintégration dans l’entreprise d’un délégué du personnel licencié n’aurait aucun effet pour la simple raison que la demande n’a pas été adressée à l’entité juridique avec laquelle le contrat de travail du délégué avait été conclu mais à l’entreprise dans laquelle le conseil d’entreprise a été institué et dont cette entité juridique fait partie.

• Congé parental – A.R. du 29 avril 1997 – Conditions de la protection – Point de départ La protection contre le licenciement en matière de congé parental ne prend cours que le jour de la demande introduite selon les formes prévues par l’article 6, § 1er, de l’arrêté royal du 29 avril 1997, à savoir par lettre recommandée ou par la remise d’un écrit dont le double est signé par l’employeur à titre d’accusé de réception. Cour du travail de Bruxelles, 31 mars 2015, JTT, 2015, p. 279. ACCIDENTS DU TRAVAIL Événement soudain – Notion – Gestionnaire de dossier – Discussion publique avec un supérieur hiérarchique en rapport avec un dossier Il n’y a pas d’événement soudain lorsqu’un échange de mots, une différence d’opinion ne dépasse pas le cadre acceptable et usuel, qui est celui où un supérieur hiérarchique fait verbalement, dans un contexte professionnel, une remarque, même un rappel à l’ordre à un employé qui se trouve dans une situation de subordination et qui travaille dans son service. Cour du travail de Gand, 9 octobre 2014, JTT, 2015, p. 268.

Cour de Cassation, 9 mars 2015, JTT, 2015, p. 364.

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AGENDA FEB PLUS D’INFO : WWW.FEB.BE > EVENTS JANVIER/FÉVRIER 2016

ÉLECTIONS SOCIALES : SUITE ET FIN DE LA PROCÉDURE PRÉ-ÉLECTORALE + JOUR DU VOTE - Jeudi 14 janvier 2016 (13h30 à 17h) – Leonardo Hôtel (Wavre) - Jeudi 21janvier 2016 (13h30 à 17h) – FEB (Bruxelles) - Lundi 25 janvier 2016 (13h30 à 17h) – Palais des congrès (Liège) - Mercredi 3 février 2016 (9h à 12h30) – Gembloux INFO : WWW.FEB.BE, CGR@VBO-FEB.BE, T 02 515 08 36

JANVIER 2016

FEB-SD WORX SOCIAL ACADEMY : NOUVELLE SAISON La mise en place d’un dialogue social constructif et d’un meilleur climat social au sein de votre entreprise. Telle est l’essence de la ‘social academy’. La nouvelle saison compte huit sessions de travail, ainsi qu’une session d’ouverture et une session de clôture gratuites. Au cours de sessions interactives, des spécialistes renommés privilégieront la réflexion et l’action. Des CEO chevronnés apporteront des témoignages éclairants. Lors de plusieurs workshops pratiques, vous serez confronté à des situations de crise en présence d’un formateur en médias. Un jeu de rôles vous procurera des idées innovantes pour vous permettre de créer une entreprise ‘flexible’ avec des collaborateurs engagés. Session d’ouverture avec Valdis Dombrovskis : 26 janvier 2016 LIEU : FEB, BRUXELLES INFO : WWW.SOCIALACADEMY.BE, DF@VBO-FEB.BE, T 02 515 07 77

DE SEPTEMBRE 2015 À JUIN 2016

BRUSSELS SCHOOL OF COMPETITION Vous désirez approfondir vos connaissances en droit et économie de la concurrence ? La Brussels School of Competition organise chaque année un programme d’études intitulé ‘Competition Law and Economics’ (en anglais) d’une durée de 8 mois. Rejoignez-nous pour le programme complet ou pour une session spécifique tout au long de l’année ! LIEU : FEB, BRUXELLES INFO : WWW.BRUSSELSSCHOOLOFCOMPETITION.BE, VBS@VBO-FEB.BE, T 02 515 09 83

Rue Ravenstein 4, 1000 Bruxelles Tél. 02 515 08 11 - Fax 02 515 09 99 info@vbo-feb.be - www.feb.be RÉDACTION Jean Baeten, Nadine Beaufils, Bart Buysse, Morgane Haid, Olivier Joris, Philippe Lambrecht, Pieter Timmermans, Johan Van Praet SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

Linda Janssens, Anne Michiels TRADUCTION Service traduction FEB RESPONSABLE DES PUBLICATIONS Stefan Maes MISE EN PAGE Landmarks CONCEPT Stapel Magazinemakers PHOTOGRAPHIE Toon Coussement, Daniël Rys ILLUSTRATIONS Peter Willems, Vec-star IMPRESSION Graphius ÉDITEUR RESPONSABLE Stefan Maes, Rue Ravenstein 4, 1000 Bruxelles RÉGIE PUBLICITAIRE ADeMar, Graaf de Fienneslaan 21, 2650 Edegem (Antwerpen) Contact: Nele Brauers, Tel. 03 448 07 57, nele.brauers@ademaronline.com

Dit magazine is ook verkrijgbaar in het Nederlands. Cette publication peut être lue en ligne sur www.feb.be > Publications > REFLECT 56 REFLECT BEPS - PROFIT or LOSS?


ELECTIONS ELECTIONS SOCIALES SOCIALES 2016 FAITES CONFIANCE À NOTRE SAVOIR-FAIRE ! Inscrivez-vous sans tarder aux prochains séminaires FEB ! Après notre première série de séminaires consacrés en octobre 2015 à la procédure pré-électorale et aux notions de base, nous viendrons à nouveau dans votre région vous informer en janvier 2016 et en avril 2016. Dès la mi-janvier 2016, les experts de la FEB vous détailleront les étapes successives de la procédure électorale (entre le jour X et le jour Y), ainsi que vos obligations dans le cadre de la préparation du vote et, finalement, les opérations à effectuer pour que le jour du vote (Y) se déroule sans encombres. Particularité de ce séminaire : un responsable HR de votre région apportera sa touche personnelle au séminaire FEB. En avril 2016 aura lieu notre troisième cycle de séminaires régionaux. Le thème sera consacré à l’installation des nouveaux CE et CPPT. Nous collaborerons, comme en octobre 2015, avec les avocats du bureau Taquet, Clesse et Van Eeckhoutte, ainsi qu’avec des responsables HR, selon une formule bien rôdée.

ELECTIONS SOCIALES : DU JOUR X AU JOUR Y : JANVIER/ FÉVRIER 2016 > > > >

Jeudi 12/01/2016 de 13h à 17h00, FEB (Bruxelles) Jeudi 14/01/2016 de 13h à 17h00, Leonardo Hôtel (Wavre) Lundi 25/01/2016 de 13h à 17h00, siège d’Agoria (Liège) Mercredi 03/02/2016 de 8h45 à 12h30, Point Centre (Charleroi)

MISE EN PLACE DU NOUVEAU CE ET CPPT : AVRIL 2016 > > > >

Jeudi 14/04/2016 de 13h à 17h00, FEB (Bruxelles) Vendredi 15/04/2016 de 8h45 à 12h30, Leonardo Hôtel (Wavre) Jeudi 21/04/2016 de 13h à 17h00, siège d’Agoria (Liège) Jeudi 28/04/2016 de 13h à 17h00, Point Centre (Charleroi)

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