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Peuplier, l’heure du renouveau ...............36 et

« Le rayon d’action d’une usine, c’est 300 kilomètres. » Le peuplier, ce n’est pas comme le diamant, continue-t-il. « Un diamant, vous lui faites faire le tour du monde, il a encore de la valeur…» Pas le bois. Trop lourd, trop volumineux. Le surcoût de transport accepté, encore aujourd’hui, par les acheteurs italiens qui chargent 35 camions par jour, pourrait ainsi être à la limite de l’acceptable.

Une réticence à replanter

Le peuplier, c’est 2 % de la surface forestière en France mais c’est « 25 % du bois d’œuvre ». Le propriétaire qui plante « récolte dans quinze ans ». En termes forestiers, quinze ans, c’est encore plus tôt que demain. Sans oublier les aides, le dispositif « Merci le peuplier » et les aides complémentaires de la Région, y compris des aides à l’entretien, sous certaines conditions… Bref, « on a plusieurs dizaines de milliers d’hectares bons à replanter », assure Pierre Dhorne. Sauf que, sur l’ex-région Champagne-Ardenne, on plante moins de 100 000 peupliers par an depuis 2008. Pour Christophe Baudot, c’est un stigmate de la tempête de 1999, quand tous « les peupliers étaient tombés et que personne ne retrouvait sa parcelle », qui explique « la réticence à replanter aujourd’hui ».

Des plants et des hommes

Et puis, pour planter, encore faut-il avoir des plants. Et c’est là que le bât peut blesser. On sait, depuis plusieurs années, qu’un trou dans les plantations, après la tempête de 1999, arrive à maturité pour les usines dans les années qui viennent, avec une raréfaction de la matière première, sans doute à partir de 2024. On sait moins que la matière première des plantations, les plançons, risque de manquer également. L’exploitant forestier Martin Poupart, qui s’est lancé dans la culture de plants dans l’Aube, souligne cependant un dernier problème : celui du recrutement dans une filière qui doit « relever le défi des hommes en forêt ». Pour l’exploitant, « aujourd’hui, on parle de difficulté d’approvisionnement des outils industriels », mais il faut aussi aborder la question « des métiers de la récolte et de la sylviculture ».

Bruno Dumortier et Yann Tourbe

Garnica déroulera du peuplier à Troyes à la mi-2022

Officialisée en septembre 2018, la décision de construire l’usine Garnica sur le parc du Grand Troyes avait été retardée. D’abord par des problèmes d’acquisition de parcelles, puis par la situation sanitaire. « Cette fois, on y est », se réjouit Pierre Dhorne, son directeur. Le premier peuplier sera déroulé à la mi-2022. La construction de l’usine se fera par étapes. Le projet global, c’est 80 millions d’euros d’investissement avec deux dérouleuses et une presse. Les dérouleuses, ce sont des machines qui permettent de transformer les grumes de peuplier en fines plaques de bois. Pour chaque dérouleuse, deux séchoirs seront installés. La presse, c’est la machine qui permet de contrecoller ces feuilles, formant ainsi une plaque de contreplaqué. Dans un premier temps, une seule dérouleuse et ses deux séchoirs (30 M€ d’investissement) entreront en fonction. L’usine emploiera alors 100 personnes. « On va monter l’usine étape par étape », insiste Pierre Dhorne. Simple sur le principe, la fabrication de contreplaqué nécessite un vrai savoir-faire. « C’est complexe », glisse Pierre Dhorne qui a longtemps été directeur adjoint de l’usine de Samazan (Dordogne) Une seconde dérouleuse, puis la presse, viendront plus tard. L’usine comptera alors 300 salariés. « Tout ce temps avant le lancement de l’usine n’a pas été perdu, souligne Pierre Dhorne. J’ai passé beaucoup de temps avec tous les acteurs de la filière peuplier. On sait maintenant qu’on aura la qualité et la quantité. » Quant à l’aval, c’est-à-dire la commercialisation de contreplaqué, tous les signaux sont au vert. « La demande n’a jamais été aussi forte », assure Pierre Dhorne. Le marché du contreplaqué explose notamment aux États-Unis avec l’essor de la construction bois. Durant la crise sanitaire, Garnica avait fait le pari d’y renforcer sa présence commerciale. Pari gagnant. En Europe, ce sont les fabricants de caravanes et de camping-cars, grands consommateurs de contreplaqué, qui tirent également la demande. Les capacités de l’usine de Troyes seront plus que bienvenues pour satisfaire cette demande.

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