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Accès au foncier viticole : l’appel aux gens du cru

Trop chère la vigne. S’installer ou s’agrandir est devenu un casse-tête pour les vignerons. Aux Riceys, Frédéric Manchin a décidé de faire appel aux gens du cru.

9600€ tous frais inclus. Et cela, pour avoir sa part de vignes ricetonnes. Plus exactement, un lot de 96 parts de 100 €, pour participer au Groupement foncier viticole Val ronceux. En échange de cet apport de capital, les sociétaires bénéfi cient chaque année d’une caisse de 12 bouteilles de la cuvée « Patrimoine de Champagne », sans oublier tous les avantages fi scaux : sur les successions, sur l’impôt sur la fortune ou, même, sur l’impôt sur le revenu, puisque les dividendes en nature – les bouteilles – sont plus intéressants de ce point de vue qu’un revenu fi nancier issu d’un fermage. C’est la proposition – tout à fait honnête – du vigneron Frédéric Manchin. D’autant plus honnête, quand on sait que le ticket d’entrée usuel pour un groupement foncier viticole est souvent cinq à dix fois plus élevé.

Val ronceux

Val ronceux, les amateurs des Riceys connaissent : c’est une contrée dans le secteur de l’antenne, plantée en pinots noirs, dont certains peuvent même prétendre à l’appellation rosé des Riceys, en plus de leur appartenance champenoise. Et c’est là que Frédéric Manchin a décidé de se lancer dans l’acquisition de la parcelle de 1,25 hectare de vignes avec ce groupement foncier viticole. Qui n’est d’ailleurs pas le premier du vigneron, puisqu’il en a déjà réalisé un, pour ses quarante ans, avec « trois amis ». Une parcelle de 35 ares, dont il a tiré une cuvée, Oracia, dont une partie est passée en fût d’acacia. « Ce petit GFV-là, c’est le côté plaisir », assure-t-il. « De là, on est venu me voir, tout se sait dans un village », s’amuse le vigneron. Et c’est ainsi que la parcelle est arrivée sur le tapis ? Oui, mais, plutôt que de se lancer dans une recherche de fi nancements ou d’investisseurs, le vigneron veut « aussi avoir les gens du cru » : pour cela, il faut un ticket d’entrée pas trop cher. « Pas besoin d’être fortuné… en mettant un prix comme ça, je veux mettre le vignoble champenois accessible à tous », insistet-il. Quand même, a-t-on envie de lui demander, plus d’un hectare ? N’est-ce pas un peu osé, pour un groupement destiné avant tout aux « gens du cru » ? « Je me donne des défi s », répond-il en riant.

Trop chère la vigne

Trop chère, la vigne champenoise. Défi nitivement trop chère. Dans l’Aube, en moyenne, un hectare coûte 927 500 €. Avec le prix du raisin, qui pèse lourd sur celui des bouteilles, le prix du foncier est la deuxième mâchoire du piège qui se referme sur le vignoble champenois. S’installer ou s’agrandir est devenu extrêmement complexe dans une appellation où acheter le moindre hectare de vignes peut demander 80 ans de travail avant de le rentabiliser. Ce chiffre, issu d’une étude de la Safer, a presque dix ans. Depuis, le prix de l’hectare a continué à progresser. Jusqu’à l’année dernière, où il a reculé de 3 % dans l’Aube et de 1 % dans la Marne. La Safer interprète cette baisse comme « un retournement de tendance » mais, tant que les prix restent à de tels niveaux (et encore la Champagne reste-t-elle raisonnable – toutes proportions gardées – par rapport à certains tarifs bourguignons), l’investissement foncier reste réservé aux très riches, aux grandes sociétés de négoce (qui ont tendance à préférer les contrats d’approvisionnement de longue durée, qui créent de la dette plutôt que du capital) ou aux groupements fonciers « professionnels ». Des investisseurs par qui les vignes quittent le vignoble pour entrer dans le monde de la fi nance. Le vignoble doit donc accepter de s’endetter lourdement, ou trouver un moyen de fractionner l’investissement, pour garder le contrôle de son outil de travail. « Les anciens ont réussi à donner un nom aux Riceys, il faut le préserver. »

Yann Tourbe

Frédéric Manchin a décidé de se lancer dans l’acquisition d’une parcelle de 1,25 hectare de vigne avec le groupement foncier viticole Val ronceux

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