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L’âge d’or des ensembliers

MEUBLE D’APPUI de Dominique et Paul Cressent (1947-1948).

APPLIQUE à deux lumières de la maison Bagues.

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Le Mobilier national présente l’exposition Le chic ! Arts décoratifs et mobilier français de 1930 à 1960. Rassemblées pour la première fois dans le cadre d’une rétrospective, près de 200 œuvres vont faire revivre l’essence du savoir-faire à la française.

TEXTE Nicolas Milon

TABLE de Gilbert Poillerat dans un salon de l’Élysée, vers 1957.

COMMODE « à la méduse », d’André Arbus et Vadim Androusov (1936).

En 1930, le monde de la décoration e scindé en deux camps (presque) irréconciliables. L’Union des arti es modernes (UAM) a été créée l’année précédente, emmenée par Jean Prouvé, Charlo e Perriand, Le Corbusier et Robert Mallet-Stevens afi n de s’émanciper des notions décoratives et se concentrer sur la fon ion. La Société des arti es décorateurs (SAD) re e, quant à elle, sur le triomphe de l’Exposition internationale des arts décoratifs et indu riels modernes de 1925, assumant le rôle qu’elle accorde à l’ornementation et se défi nissant toujours à travers les vertus artisanales, la somptuosité des matériaux employés et la réinterprétation des di érents yles décoratifs. Un mouvement arti ique dans lequel le décorateur joue un rôle capital : véritable ensemblier, →

BUREAU « rognon» de Georges de Bardyère (1933). ESQUISSE du projet de scénographie imaginée par Vincent Darré. TABLE lumineuse de Marcel Bergue (1937).

il conçoit la décoration comme un tout harmonieux et orche re les métiers d’art au service d’un projet global. De 1930 à la fi n des années 1950, la majeure partie des décorateurs qui feront l’hi oire de ce courant pendant trois décennies sont appelés à collaborer avec le Mobilier national : André Arbus, Jules Leleu, Jean Pascaud, Etienne-Henri Martin, Gilbert Poillerat ou Raphael Ra el. L’art du ra nement s’appuie alors tant sur la préciosité des matières – parchemin, bronze doré, cri al, laque… – que sur la recherche de la ligne, jusqu’à l’épure du design. C’e l’opportunité pour la France de vanter l’excellence de ses beaux-arts mais aussi de soutenir son indu rie du luxe par la promotion, entre autres, de la haute couture, de la joaillerie et de l’art des décorateurs qui occupent une place prédominante.

COIFFEUSE en cuivre chromé, miroir et verre de Cole e Guéden (1946) conçue pour la salle de bains présidentielle du palais de l’Élysée.

Un soutien sans faille de l’État

Des grandes commandes de l’Exposition universelle de 1937 au soutien des arti es décorateurs à travers la commande d’État pendant la guerre jusqu’au au retour des grands programmes décoratifs et des ensembles mobiliers dans les années 1950, la colle ion du Mobilier national e la première en France à ce e période. D’une qualité et d’une diversité remarquables, elle témoigne des recherches dans le domaine des arts décoratifs pendant les années 1940-1950, comprenant aussi bien des meubles d’apparat, héritiers d’une longue tradition de luxe, que des pièces fon ionnali es qui marquent la transition vers le design contemporain. Grâce à la scénographie pensée par Vincent Darré, privilégiant la recon itution de grands ensembles décoratifs et de « period rooms » qui facilite une plongée dans l’e rit du temps, l’exposition nous permet de suivre le développement des arts décoratifs de 1930 à 1960, une époque peu connue du grand public, surtout marquée dans la mémoire colle ive par la guerre et les re ri ions. Pourtant, durant le confl it, aussi étrange que cela puisse paraître, la crise économique incite l’État à une politique de soutien à l’indu rie du luxe. Le mobilier re e au premier plan des richesses nationales et des crédits sont débloqués pour l’acquisition de quelques-unes des pièces signature des décorateurs en vogue. Au sortir de la guerre, l’arrivée de Vincent Auriol en 1947 à la présidence de la IVe République engage un va e chantier de rénovation de l’Élysée. Le couple présidentiel, grand amateur d’art et de décoration contemporaine, signe une nouvelle page de l’hi oire e hétique du palais. →

VASE PROU N°1 ,

de Jean-Gabriel Daragnes et René Prou (1935).

MEUBLE À ESTAMPES

d’André Arbus et Vadim Androusov (1946). ENSEMBLE de mobilier de chambre de Suzanne Guiguichon.

BUREAU EN en acajou de Paul Follot (1937).

L’art de la restauration

Après la domination des ensembliers décorateurs dans les années 1940, les années 1950 voient l’essor d’œuvres résolument autonomes et réutilisables quels que soient les lieux ou les circon ances. Pendant quelques années encore, des réalisations plus traditionnelles et luxueuses vont côtoyer la montée en puissance d’un mobilier privilégiant une plus grande simplicité de ligne et de matériaux. Si les ensembles ne sont pas totalement abandonnés, ils s’adaptent aux changements des modes de vie, même au plus haut sommet de l’État. Accompagnant un regain d’intérêt de notre époque pour les grands noms de la décoration des années 1930-1960 hors UAM, ce e exposition e également l’occasion pour le Mobilier national de me re en valeur les savoir-faire d’une cinquantaine d’artisans et maîtres d’art qui ont contribué à la re auration des pièces exposées, révélant ainsi ces ensembles sous un jour nouveau. L’art des gainiers, des liciers, des tapissiers, des passementiers, des menuisiers en siège ou encore des ébéni es sont ainsi illu rés à travers la re auration des pièces remarquables de ce e colle ion.

Le chic ! Arts décoratifs et Mobilier français de 1930 à 1960, du 12 octobre au 29 janvier 2023 à la Galerie des Gobelins, 42, avenue des Gobelins, 75013 Paris. mobiliernational.culture.gouv.fr Cazenabe ; Mobilier national, Isabelle Bideau et DR

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