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Faste sicilien
from Fcgvcc
Entre pins parasols et champs d’oliviers à perte de vue, le soleil enflamme la pierre blonde de Noto où le maître de la haute décoration Jacques Garcia a fait construire un domaine presque princier dont la Villa Elena est reine. Une propriété à laquelle Flammarion consacre un bel ouvrage à paraître prochainement.
TEXTE Fanny Guénon des Mesnards
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SUR LES HAUTEURS de la ville de Noto, l’ancien monastère restauré par Jacques Garcia s’offre comme un havre de paix.
Parcourue par les écrivains dès le xixe siècle, la Sicile a été la terre promise d’une génération de romantiques, d’Alexandre Dumas qualifiant le sommet de l’Etna de lieu divin – « Jamais je n’avais vu Dieu de si près », à Guy de Maupassant pour qui ces terres sont un « étrange et divin musée d’architecture » à ciel ouvert. Cette passion pour la Sicile, Jacques Garcia la partage depuis longtemps puisqu’il a choisi les vestiges d’un monastère de jésuites au sommet d’une colline en pleine campagne pour bâtir sa Villa Elena, près de Noto. « J’ai passé dix ans de ma vie à regrouper les terres telles qu’elles étaient », nous confie-t-il, en référence au tremblement de terre qui frappa la région le soir du 9 janvier 1693. « Ce livre est une ode à la Sicile que j’aime à travers la Villa Elena, mais c’est surtout le récit des racines de l’île à savoir la Rome antique, l’art musulman, chrétien et espagnol », raconte-t-il au sujet de →
LE SALON VERT
déploie le raffinement et la délicatesse aristocratiques du xviiie siècle européen, ici principalement français et italien. La cheminée est en céramique de Caltagirone, la plus belle et plus ancienne céramique sicilienne.
JACQUES GARCIA, en hommage au passé romain des lieux, a conçu une villa rappelant avec son patio les antiques maisons patriciennes. LA BIBLIOTHÈQUE dans la maison des Oliviers est ornée d’un miroir de Serge Roche. La demeure est pensée comme celle d’un collectionneur éclectique.
DAYBREAK
Digital Mural Wallcovering
DANS LE SALON, quatre chaises et deux lampes de Jean-Michel Frank côtoient un tableau d’Yves Klein sur une cheminée Moreau.
la construction de la Villa Elena sur ce site en ruines où il a découvert des tessons d’époque romaine. L’inspiration est lancée, il recrée alors de toutes pièces le fantasme d’une demeure vieille de deux mille ans, influencé par les décors baroques des palais Pallavicini-Rospigliosi, Doria Pamphilj et Colonna, à Rome, qu’il affectionne tant. « J’ai racheté des sols en dallage sicilien, l’ensemble du mobilier date du xviie ou xviiie siècle et vient de l’île. » Fastueux, presque princier, l’intérieur réunit des trésors de marbres anciens, de tapisseries, d’assises italiennes mais aussi des souvenirs et des objets chinés par Jacques Garcia au fil des années. Par exemple, sur les murs tapissés d’un brocart vert pâle, une Marie-Madeleine d’Ingres ; autour du lit à baldaquin, des chaises en acajou signées François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter ayant appartenu à Murat. Mais c’est dans la chapelle que les trésors de sa collection trouvent leur point d’orgue, de bas lambris siciliens acquis à Londres à un tabernacle en bronze doré déniché chez un brocanteur de Noto. Leur harmonie tient en « la force du destin », résume le décorateur. Ce royaume érigé par Jacques Garcia semble avoir toujours été là. Les sculptures antiques, les bassins et →
AU FIL DU DOMAINE, un grand bassin à degrés, veillé par une Vénus anadyomène, est bordé de palmiers. À droite, dialogue entre le végétal et le minéral, à l’ombre d’un aloès sur un banc de pierre.
—— L’architecte décorateur Jacques Garcia
les miroirs d’eau surgissent parmi les vallons, les collines sont plantées d’oliviers et de pins parasols, un jardin d’agrumes regorge de kumquats, d’oranges et de citrons. « Mon coup de foudre est venu de cet espace. Il m’a tout de suite inspiré. Dès ma première visite, j’ai pensé à la façon de le réinventer. J’ai la passion des extérieurs, j’ai créé des terrasses et des perspectives pour repenser cet extraordinaire jardin jusqu’à la maison des Oliviers », poursuit-il. Cette ancienne ferme abandonnée nichée à trois cents mètres au nord de la Villa Elena, Jacques Garcia en a fait la maison rêvée d’un collectionneur où les chaises de Jean-Michel Frank côtoient deux grands plâtres originaux du sculpteur Jean-Marie Baumel, une cinquantaine d’oliviers en ligne de mire… « Le plus jeune doit avoir 2 000 ans », s’amuse le décorateur. Un cadre de rêve pour un séjour en famille ou entre amis. Au sud-est de la Villa Elena, un petit pavillon inspiré du Hameau de la Reine à Versailles est enfoui dans une végétation dense en contrebas d’un verger en terrasse. Et le décorateur de conclure : « Ce n’est pas simplement une villa, c’est la rencontre des monastères et de la mer, c’est un monument presque surnaturel. » Une chose est sûre, c’est qu’elle attise la rêverie.
Jacques Garcia - Villa Elena - Un rêve sicilien
d’Alain Stella, à paraître aux éditions Flammarion le 19 octobre (274 pages, 75 euros).