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TEMPS FORT

En détectant les adventices dans la culture, la technologie permet de réduire jusqu’à 90 % de la dose d’herbicide utilisée.

PIXABAY

Par SÉBASTIEN DUQUEF sduquef@terre-net-media.fr

DÉSHERBAGE Des tireurs d ’ élite pour supprimer les adventices avec (beaucoup) moins de produit

L’agriculture doit considérablement diminuer la quantité de produits chimiques épandue. La pulvérisation est pointée du doigt, cependant, l’électronique offre aux constructeurs des solutions pour améliorer la précision des machines. Aujourd’hui, ils affirment être capables de réduire la dose de 90 % !

La plupar t des constr ucteurs de pulvérisateurs ne s’avouent pas vaincus face à la pression constante de la réglementation. Si la pratique est montrée du doigt, la technologie a boosté la précision des outils. D orénavant, elle p ermet par e xemple de toucher seulement les adventices à détruire, réduisant fortement la quantité de produits chimiques épandue. C ’est le leitmotiv des grandes marques qui planchent sur le sujet. Alors que les premières machines capables de ciblages de grande précision font leur apparition dans les champs, les résultats sont plus que probants. Les résultats d’essais indiquent une réduction moyenne possible jusqu’à 80 % de la quantité consommée. Ceci, évidemment, sans nuire au potentiel de rendement de la culture. Pour y par venir, les dispositifs de reconnaissance d’adventices doivent parfaitement identifier les plantes, grâce à leurs capteurs ou aux caméras. Certains s’appuient sur le principe baptisé « on/off ». En clair, l’électronique identifie la plante sur

IFT, QUÈSACO ?

Selon la définition du ministère de l’Agriculture, l’Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) sert à suivre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’échelle d’une exploitation agricole (ou d’un groupe d’exploitations). En clair, l’IFT comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne culturale. Il peut être calculé pour un ensemble de parcelles, une exploitation ou un territoire. Sans oublier qu’il peut être décliné par catégorie de produits : herbicide, fongicide, insecticide et acaricide, autres. Grâce à l’IFT, l’agriculteur évalue sa progression en matière de réduction de l’utilisation des produits phyto. L’indicateur permet de situer ses pratiques au regard de celles du territoire, et d’identifier les améliorations possibles. Pour le calculer, il suffit de multiplier la dose hectare par la surface traitée, et de diviser le résultat par la dose homologuée fois la surface pulvérisée.

Le pulvérisateur Amazone embarque des caméras capables de reconnaître les adventices (vert sur vert) et un éclairage led pour travailler même de nuit. Le tout intervient en temps réel selon la culture, le niveau d’infestation et le spectre d’efficacité du produit.

AMAZONE

un sol nu et libère aussitôt une dose de produit. D’autres se révèlent plus complexes, tel l’i-Spray de Kuhn, capable de traiter une mauvaise herbe au milieu de la culture.

Précision centimétrique à 20 km/h même la nuit Amazone commercialise déjà sa solution appelée « AmaSpot », dont la rampe de 24 m bénéficie de capteurs GreenSense ayant pour rôle de détecter la végétation et d’informer la buse à pulsation électrique PWM aussitôt qu’elle doit intervenir (voir vidéo en réalité augmentée ). L’Allemand communique sur une précision centimétrique à une vitesse allant jusqu’à 20 km/h. Même la nuit ! Chez Trimble, les ingénieurs ont recours aux rayons infrarouges pour détecter les adventices. La plante est donc localisée sur un sol nu, et la buse installée à 20 cm derrière le capteur reçoit immédiatement l’ordre de pulvériser du produit. Avec cette méthode, la marque annonce avoir la capacité de réduire de 70 % la dose distribuée par rapport à une application en plein. Le module, baptisé « Weedseeker », à

AGRIFAC Les caméras RVB distinguent la lumière selon trois couleurs : rouge, vert et bleu, exactement comme l’œil humain. Même à 25 km/h, le système Agrifac détecte une adventice au milieu de la culture.

JOHN DEERE

John Deere utilise des caméras haute vitesse et de l’intelligence artificielle pour identifier les adventices et pulvériser seulement la zone infestée. L’Américain développe sa solution pour les cultures en rangs, pour l’instant. Elle permet d’économiser 90 % d’herbicide.

s’installe tous les 30 cm et peut équiper des rampes jusqu’à 40 m de large. Autre méthode : repérer les adventices non pas sur sol nu mais en pleine végétation. Les économies de phyto sont d’autant plus importantes que le dispositif identifie la plante parmi le spectre à supprimer. À terme, les spécialistes espèrent même pouvoir adapter la molécule à l’espèce en couplant leur technologie à l’injection directe. Diimotion étudie la question mais doit faire face à la problématique du débit de chantier, si élevé qu’il nécessite beaucoup de réactivité de l’installation. D’autres constructeurs s’intéressent au x images issues de caméras et traitées grâce à l’intelligence artificielle. L’analyse instantanée pilote l’application de bouillie sur les adventices et cartographie leur présence dans la parcelle. En mémorisant la position GPS de chaque individu, l’outil bénéficie de l’information pour ses prochains passages. Les jets sont là aussi gérés via des buses PWM, pilotées par un électro-aimant.

Des capteurs hyperspectraux pour identifier la moindre adventice dans la biomasse Le Néerlandais Agrifac, marque du groupe Exel Industries, fait appel à des caméras RVB d’origine française fournies par Bilberr y. L’objectif distingue la lumière selon trois couleurs, rouge, vert et bleu, exactement comme l’œil humain. Le constructeur affirme que même à 25 km/h, le système détecte une adventice dans la culture. Même si les agriculteurs français ne sont pas familiers de cette cadence, c’est un rythme cohérent chez les confrères australiens. Et à l’autre bout de la planète, les économies réalisées sont aussi de l’ordre de 80 %. Seul bémol : un troisième passage ultra-localisé est souvent nécessaire là où deux suffisent en pulvérisation traditionnelle. L’alsacien Kuhn a noué un partenariat avec Carbon Bee, autre entreprise française. Ses capteurs hyperspectraux sur veillent

Même à 25 km/h, le dispositif d’Agrifac détecte une adventice dans la culture.

la végétation en continu et identifient parmi la biomasse la moindre adventice. En clair, le dispositif utilise 256 longueurs d’onde différentes, allant de l’infrarouge à l’ultraviolet. Il suffit d’en installer un tous les 3 m sur la rampe pour ensuite pulvériser jusqu’à 18 km/h. L’adventice identifiée reçoit aussitôt une dose de produit, pulvérisée grâce aux buses PWM. Pour l’ heure, la technologie est encore en phase de validation, elle pourrait cependant débarquer sur le marché très rapidement. Autre initiative française : la technologie Sniper dévoilée par Berthoud. Disponible sur les modèles automoteurs et traînés de la marque, elle permet d’identifier la couleur verte sur du marron, mais pas seulement. L’électronique libère une dose de produit dès qu’une zone d’adventices est repérée. Là encore, les ingénieurs installent des buses PWM en vue à la fois de limiter la dérive et de maximiser le résultat. Ici, c’est le niveau d’infestation de la parcelle qui détermine la quantité de matière active économisée. Si le champ est sale, l’outil applique une dose de fond sur l’ensemble de la surface, et la complète par une application localisée. L’opérateur fixe la valeur de la pleine dose sur son terminal, qui détecte ensuite les endroits plus infestés et complète le volume appliqué ( plus d’infos en VENTES DE PRODUITS PHYTO EN FRANCE EN 2020

Chaque année, les distributeurs déclarent les ventes de produits phyto au titre de la redevance pour pollution diffuse. Une somme qu’ils versent à la Banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs agréés (BNVD). Les données publiées par le ministère de l'Agriculture pour l’année 2020, issues des déclarations réalisées début 2021, laissent apparaître que les ventes se sont élevées à 44 036 t (hors produits utilisables en agriculture biologique ou de biocontrôle), soit 20 % de moins que la moyenne 2012-2017. De manière tendancielle, la diminution se confirme, car la moyenne triennale est la plus faible depuis dix ans. Elle a, par exemple, diminué de 5,7 % entre 2017-2019 et 2018-2020. En termes de substances préoccupantes, les CMR1 ont chuté de 93 % par rapport au niveau de 2016. Idem du côté du glyphosate, dont la baisse des usages est enclenchée. La diminution significative devrait apparaître à partir de 2021, donc sur les chiffres disponibles en 2022. Cependant, les efforts doivent être poursuivis.

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réalité augmentée ). Selon les premiers résultats en conditions réelles, la dose diminue jusqu’à 90 %.

Quadriller des zones de 24 cm² et appliquer la juste dose Éc oro b o ti x c omm erci a li se s on outi l de dé sherb a ge ultra-ciblé depuis 2021. L’ARA évite de pulvériser systématiquement en plein grâce à son système de précision qui quadrille des zones rectangulaires de 3 par 8 cm. Soit une empreinte de 24 cm² permettant d’appliquer la juste dose seulement sur les plantes néfastes, et ainsi économiser jusqu’à 95 % de produit chimique. Moins de résidus, moins de phytotoxicité sur la culture et donc davantage de rendement. L’agriculteur attelle l’équipement derrière son tracteur. La prise de force suf fit pour emmener la machine composée de deu x éléments repliables. Le gabarit routier reste ainsi sous la barre réglementaire. La cuve de 600 L s’installe à l’avant du tracteur et, si l’agriculteur choisi la version à injection directe, bénéficie du dispositif mélangeant jusqu’à quatre pro duits purs en temps ré el . L a fonction p ermet d’adapter la molécule selon la plante identif ié e. Certes, le débit de chantier diminue, mais l’outil de 6 m de large nécessite d’adapter la vitesse d’avancement afin de

ÉCOROBOTIX

L’outil de désherbage ultra-ciblé ARA d’Écorobotix quadrille des zones rectangulaires de 3 par 8 cm. Soit une empreinte de 24 cm², sur laquelle il applique ou non la dose de produit, selon que des plantes néfastes auront ou non été repérées. Ce qui suscite jusqu’à 95 % de produit économisé.

AMAZONE SE JETTE DANS L’ARÈNE DE L’INJECTION DIRECTE

Le constructeur allemand Amazone est l’un des premiers à mettre sa solution d’injection directe sur le marché. Un pas de plus vers la précision, la flexibilité et la souplesse en matière de protection des cultures. Désormais, la machine peut embarquer plusieurs produits : la bouillie standard en cuve principale et le produit spécifique en cuve annexe. Celle-ci a une capacité de 50 L et est équipée d’une pompe doseuse. C’est elle qui va injecter le liquide dans le circuit dès son activation. Au champ, aussitôt que l’opérateur repère une zone nécessitant d’appliquer la seconde substance (un rond d’adventices différentes, par exemple), il active le dispositif DirectInject depuis la cabine via l’interrupteur. Le produit est immédiatement injecté puis appliqué en complément de la bouillie principale. Le temps de réaction a été réduit grâce à l’ajout d’une seconde conduite dans laquelle circule la bouillie prémélangée au produit injecté. Cette solution est alors admise en divers points d’alimentation, au plus près des buses. En résulte un délai très court entre l’activation et la pulvérisation. Dans l’autre circuit, la circulation en continu à haute pression DUS pro garantit une pression constante et précise par rapport à la valeur définie. Elle ne varie pas, même si les buses sont fermées. Dès que DirectInject entre en action, la première circulation est fermée pour qu’il n’y ait pas de mélange dans la cuve principale.

PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DE L’INJECTION DIRECTE

AMAZONE

Grâce au Deep Learning, plus le système travaille, plus il gagne en eicacité.

AMAZONE

tenir compte du délai de réaction pour injecter le produit dans le circuit. La caméra Carbon Bee repère donc les plantes aussi bien grâce à leur couleur qu’à leur texture. Pour éprouver la technologie, plus de 10 000 ha ont déjà été scannés. Maïs, colza, betteraves sucrières, blé… le mode « D eep lear ning » améliore la finesse de la détection en permanence. Plus le système travaille, plus il gagne en efficacité. Une limite technique est cependant à prendre en compte, qui concerne la luminosité nécessaire à la caméra pour distinguer les nuances. Impossible de pulvériser la nuit avec le système Sniper. Autre préconisation : bénéficier du pilotage automatique de la hauteur de rampe et de la circulation continue, indispensable pour maintenir la pression constante au niveau des porte-buses. Par ailleurs, le SprayTronic gère jusqu’à 20 ouvertures/fermetures par seconde grâce à sa fréquence de 20 Hz. Le terminal mémorise les zones les plus sales et les cartograàphie. La carte sert ainsi à moduler la fertilisation ou l’application

L’anémomètre du dispositif WindControl d’Amazone mesure la vitesse et la direction du vent, et adapte aussitôt la vitesse de rotation des disques.

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Le capteur WindControl d’Amazone détecte le vent et adapte en permanence la vitesse de rotation des disques d’épandage pour corriger la nappe.

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fongique. L’économie de produit demande à l’agriculteur de réapprendre à estimer la quantité de bouillie à préparer dans sa cuve. D’où l’intérêt manifeste qu’ont les équipementiers pour l’injection directe, qui faciliterait d’autant plus la gestion des produits. Chez John Deere, le système s’appelle See & Spray. Il s’agit aussi d’ultra-localisation des plantes, grâce à des caméras haute vitesse complétées par l’intelligence artificielle. L’installation identifie les mauvaises herbes et applique la juste dose d’ herbicide. Pour le moment, l’Américain développe sa solution pour les cultures en rangs, économisant 90 % de produit. Les caméras sont transférables sur les outils de désherbage mécanique et leurs images, intégrées au système AutoTrac Impliment Guidance, contrôlent l’équipement. De quoi biner jusqu’à 16 km/h grâce à la réactiv ité de l’électronique (obtenez d’autres infos en réalité augmentée ). Détecter le vent pour ajuster la nappe d’épandage Côté fertilisation, la marge de progression en matière de réduction d’intrants consiste à maîtriser la nappe d’épandage. Le vent et la vitesse sont les principales sources d’imprécision. Les constructeurs misent aujourd’ hui sur l’analyse de la nappe en continu, à l’image de Sulky qui avait présenté son système Justax en 1995, conçu pour mesurer la largeur d’épandage et adapter les réglages aux caractéristiques de l’engrais et aux conditions météo. Depuis 2019, Kuhn utilise un radar installé sous la palette de distribution pour mesurer l’écart avec la largeur théorique. Aussitôt, le système fait varier la vitesse de rotation des disques et adapte le point de chute du produit. Ces deux critères permettent de réguler la largeur de la nappe. Le radar ArgusTwin d’Amazone embarque 14 capteurs dont la mission est de sur veiller l’épandage sur toute sa largeur. Si besoin, il adapte le réglage du système d’alimentation des disques gauche et droit pour absorber les variantes du type vitesse, dévers, engrais, usures des aubes, vent… l’installation garantit la dose grâce à la pesée embarquée. La fonction CD S Vario, en outre, gère jusqu’à 128 tronç ons af in de la moduler. Le capteur WindControl, quant à lui, mesure les effets du vent en temps réel. S’il souff le sur le côté, l’équipement augmente aussitôt le régime de rotation des disques et change la position de l’alimentation. La vitesse du disque non exposé diminue de manière à homogénéiser l’épandage. Et surtout, si les bourrasques sont trop fortes et que l’appareil ne peut plus contrecarrer, l’opérateur est alerté. Les épandeurs modernes sont bardés de capteurs, ils frisent la perfection en termes de qualité d’épandage, de maîtrise de la dose, de répartition transversale et longitudinale, d’alimentation automatique en fourrière, d’absence de manques ou enc ore de ge stion de s b ordure s. Le s e xigenc e s techniques, économiques et environnementales ne laissent pas d’autre solution aux marques pour lutter face aux méthodes alternatives. Sans oublier qu’ultra-localiser la dose s’avère aussi bénéfique pour la modulation intra-parcellaire, dont la précision grimpe également. ■

14 capteurs ont pour mission de sur veiller l’épandage sur toute sa largeur

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