12 minute read

TEMPS FORT

Next Article
TEMPS FORT

TEMPS FORT

AGROÉCOLOGIE « L’outil miracle n’existe pas »

Nombreux sont les exploitants évoluant vers des pratiques plus agroécologiques. En matière de travail du sol, celles-ci consistent principalement à limiter l’agressivité des outils et l’emploi d’herbicides, afin de préserver la vie souterraine. La recette passe-partout n’existe pas, ces « agri-chercheurs » s’adaptent en permanence en quête du meilleur compromis.

Des agriculteurs testent jusqu’où il est possible d’aller dans la réduction du travail du sol, sachant qu’il est indispensable d’avoir une rotation cohérente pour éviter le salissement.

Concrètement l’agroécologie », c’est sous cet angle que la chambre d’agriculture des Pays de Loire, la Draaf (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) et des organismes partenaires ont proposé deux jours de webinaire consacrés à l’agroécologie en mars dernier ; en s’appuyant sur l’expérience de terrain de 17 collectifs d’agriculteurs de la région. Parmi eux, un groupe grandes cultures bio de la Sarthe a fonctionné trois ans comme groupe Ecophyto 30 000 et a mis en place en 2020 un « essai système » coconstruit par huit agri-chercheurs sur la base d’une rotation de neuf ans1 . « Ils veulent à la fois améliorer la fertilité des sols et maîtriser les adventices sans herbicide à l’aide d’une approche globale, résume Florence Letailleur, chargée de mission agriculture biologique à la chambre et animatrice du groupe. Ils testent jusqu’où il est possible d’aller dans la réduction du travail du sol. Sachant que le préalable indispensable pour éviter le salissement est une rotation en cohérence avec son système. Dans cet essai, il s’agit d’une culture pérenne fauchée en tête de rotation, la luzerne, suivie d’une alternance de cultures de printemps, d’été et d’automne-hiver. » Implanté sur 2,5 ha chez un agriculteur, l’essai comprend des modalités avec et sans labour. Avec, les exploitants utilisent une charrue classique en essayant de ne pas descendre en dessous de 15 à 20 cm. Sans, ils emploient une multitude d’outils présents sur leurs fermes ou dans leurs Cuma : déchaumeur à dents, bêche roulante, rotavator, scalpeur, issurateur, rouleau à dents, semoir direct, herse rotative, herse étrille, etc. « La vie du sol est une priorité pour eux, mais ils restent pragmatiques, tempère Florence Letailleur. L’objectif est d’optimiser la préparation du sol en réduisant la pression des adventices, si possible sans labour. Mais ils savent que dans certaines situations, cela reste le meilleur moyen de gérer le salissement. »

Priorité aux couverts végétaux Pour ces agriculteurs bio, la charrue n’est pas systématique. Dans une vision plus large d’agroécologie, ils piochent dans une gamme d’outils a priori moins agressifs pour les sols, en s’adaptant en permanence à l’état de la parcelle et aux conditions météo. Par exemple, le scalpeur est utilisé contre les vivaces, en particulier le rumex, très présent. Dans une situation à forte pression de chardons, avec un lissage observé à 15 cm, la combinaison issurateur/rotavator a été testée. « Le rotavator scalpe et découpe

AIDE AU RENOUVELLEMENT DU MATÉRIEL

Réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques constitue un volet important de la transition agroécologique. Les agriculteurs ont bénéficié d’aides pour moderniser leurs équipements permettant d’avancer vers une agriculture plus sobre en intrants et en utilisation des ressources, tout en restant compétitive. L’État a pris en compte les difficultés liées à l’arrêt de l’usage de certains produits pour la profession. Investir dans la recherche-développement pour identifier les alternatives s’avère primordial. La prime à la conversion des agroéquipements s’inscrit dans cette dynamique. L’enveloppe initiale de 135 M€, complétée jusqu’à 215 M€, est totalement sollicitée.

Semis simultané d’orge de printemps et de luzerne sur l’essai système du groupe sarthois en avril 2020 : en combiné avec la herse rotative, ou après labour et roulage. Le sol a d’abord été travaillé fin mars au déchaumeur à dents (5-6 cm), puis au Compil, puis au rouleau + herse rotative.

CHAMBRE D’AGRICULTURE PAYS DE LA LOIRE

la matière verte en surface, puis l’intègre au sol, détaille Florence Letailleur. Ils vont l’utiliser cet automne pour détruire la luzerne en tête de rotation, puis semer à la volée un couvert de féverole et pois fourrager. Il sera récolté ou roulé, avec l’objectif de semer le maïs en direct derrière. Il faudra aviser en fonction de la reprise ou non de la luzerne, qui est une plante coriace. » Les agriculteurs bio sarthois ont aussi recours au faux-semis au printemps. Après la destruction du couvert au rotavator et la préparation du sol à la herse rotative, la herse étrille pourra être employée ain de détruire les levées d’adventices annuelles avant le semis de maïs, si le couvert est sufisamment digéré par le sol. Plus au sud, dans les Pyrénées-Atlantiques, le GIEE Agro-réseau 64 s’est mis en place à partir de 2012. Il rassemble aujourd’ hui une soixantaine d’adhérents engagés dans la transition agroécologique. Animé par la chambre d’agriculture, il s’appuie à la fois sur des essais et sur le suivi d’un réseau de fermes-pilotes. Les expérimentations concernent diférentes modalités de travail du sol (labour, TCS, semis direct) et de destruction des couverts végétaux, avec un suivi de la santé des sols. « Nous nous intéressons davantage à la pratique culturale qu’aux outils eux-mêmes, déclare l’animateur Patrice Mahieu, chargé de mission agronomie à la chambre d’agriculture. Avant de parler d’outils, nous pensons que la priorité est l’implantation de couverts végétaux. Le plus important est que le sol soit occupé au maximum, même si l’agriculteur laboure ! Dans notre secteur où les cultures de printemps sont majoritaires, le sol peut être nu jusqu’à six mois. Cette situation évolue toutefois sous l’efet de la réglementation. »

Accepter un champ visuellement moins préparé En matière de travail du sol, les principes guidant le groupe sont de limiter la profondeur et le nombre de passages. En TCS, le déchaumeur à disques est très utilisé : à l’automne, pour semer le couvert après la récolte des maïs, si possible en un seul passage combiné, à

1 Luzerne trois ans/maïs grain/chanvre/blé tendre/colza/triticale-pois/orge brassicole semé avec luzerne.

Démonstration de destruction d’un couvert végétal avoine-vesce en avril 2021 dans les PyrénéesAtlantiques : rouleau hacheur Gladiator frontal (avec déchaumeur à disques à l’arrière) au premier plan, rouleau de marque Dalbo replié à l’arrière-plan.

Nicolas Mensen, céréalier dans la Sarthe, utilise la charrue déchaumeuse en version huit corps de 3,05 m attelée à son tracteur de 120 ch. En plus d’entraîner une diminution de la consommation de carburant, l’équipement ne lisse pas ni ne tasse.

OVLAC

et au printemps, directement dans le couvert, pour préparer le sol avant le semis du maïs. « Sur un couvert très développé, le déchaumeur à disques peut se révéler insuisant, souligne Patrice Mahieu. Un rouleau qui hache ou écrase sera eicace dans ce cas, sur un couvert à base de féverole notamment. Pour un couvert de graminées, il faudra plutôt broyer pour éviter les repousses. Le broyage se pratique aussi après la récolte du maïs, pour créer un mulch avec les cannes et semer le couvert à la volée en même temps. » Pour l’agronome, dans son contexte local de terres limoneuses, le déchaumeur à disques constitue un bon compromis au niveau de la polyvalence et de l’eicacité, à condition d’être bien réglé et utilisé dans de bonnes conditions. « Il n’y a pas d’outil agroécologique miracle, c’est toujours une balance, explique-t-il. Il faut rester vigilant avec les disques, car on peut aussi créer du lissage. Quant au semis direct, il est très intéressant mais la moindre stimulation de

AGRORÉSEAU 64

NATHALIE TIERS L'AVIS DE L'AGRICULTEUR Nicolas Mensen, céréalier bio à Savigné-sous-le-Lude (Sarthe) « J’alterne charrue déchaumeuse et scalpeur à dents selon les situations »

« Nous cultivons 90 ha en bio, principalement en blé, orge, triticale, avoine, tournesol et sarrasin. Dans nos limons battants, nous avons progressivement réduit le travail du sol, puis abandonné la charrue classique au profit de la charrue déchaumeuse et du scalpeur à dents. Deux outils complémentaires que nous alternons au printemps et à l’automne selon le salissement des parcelles, les conditions météo et la culture à venir. La charrue déchaumeuse travaille entre 10 et 20 cm de profondeur selon le volume de résidus à recouvrir. Principal objectif : laisser entrer l’oxygène pour améliorer la dégradation de la matière organique. Les socs plus droits de l’outil évitent de lisser et de tasser la terre. Il a davantage un effet d’arrachement. 120 ch suffisent pour tracter un modèle de huit corps en 3,05 m et la consommation de carburant diminue. Quant au scalpeur, il découpe les adventices sans brasser la terre. Nous l’utilisons avec des socs à plat pour travailler en surface, ou inclinés pour détruire les rhizomes plus profonds. En 5,85 m de largeur de travail, l’outil demande 120 ou 200 ch selon le type de soc et la profondeur. En bio, le salissement des parcelles reste difficile à maîtriser, c’est pourquoi nous introduisons de la luzerne, vendue à des éleveurs. C’est très efficace contre les chardons ! Une ou deux coupes sont broyées pour apporter de la matière organique au sol. »

à

Selon les cas, la houe rotative Einböck de la Cuma de La Riantière (Mayenne) est utilisée pour les faux-semis avant implantation, au stade post-semis/prélevée du maïs ou au stade 2 à 4 feuilles. La bineuse intervient plus tard, jusqu’au stade 8 à 10 feuilles.

ADOBE STOCK

la minéralisation ralentit le développement du couvert. Aucune technique ne fonctionne tout le temps : il faut s’adapter selon les outils à disposition. Et changer de regard, accepter un champ visuellement moins préparé, de façon à ne pas trop ainer la terre et créer de l’érosion. »

25 % des Cuma équipées en désherbage alternatif Parmi les outils dits agroécologiques, ceux de désherbage mécanique font de plus en plus d’adeptes ain de se passer d’herbicides. La Fédération nationale des Cuma indique que 25 % d’entre elles proposent désormais au moins un matériel de désherbage mécanique ou alternatif. Le réseau recense, entre autres, 990 bineuses, 770 herses étrilles et 360 houes rotatives. En Mayenne, la Fédération, en partenariat avec la chambre d’agriculture et le Civam Bio, organise depuis six ans une journée en commun pour présenter

Grâce à leur forme incurvée, les pics de la houe rotative déchaussent les filaments d’adventices et les éjectent à la surface du sol.

NATHALIE TIERS L'AVIS DE L'AGRICULTEUR Fabrice Guillet, polyculteuréleveur au Poiré-sur-vie (Vendée) « Je sème les céréales avec une trémie frontale et un Compil Duro derrière »

« Sur 330 ha, je produis maïs, blé, orge, méteils et prairies. Je ne laboure plus depuis vingt ans, je sème en direct et au strip-till pour le maïs. Je suis équipé d’un Compil de Duro depuis deux ans ; je me prépare au retrait du glyphosate. L’outil est complété par une trémie frontale dont le rôle est de déposer les semences, qui sont ensuite mélangées à la terre en surface. Je passe donc une seule fois sur les chaumes de maïs. Idem sur les couverts d’été vivants. J’économise du carburant, d’autant plus que ce n’est pas tirant. Le Compil attaque le couvert et laisse un matelas végétal en surface dans lequel les céréales lèvent. J’implante un couvert gélif avec du tournesol, du sorgho ou du lin. S’il est dense, je passe une première fois au Compil ou au rouleau crosskill. De même, il m’arrive de broyer les chaumes de maïs s’ils sont coupés haut. Le Compil travaille aussi après la récolte du méteil et avant le maïs. Je le règle à 3-4 cm de profondeur pour bien arracher les adventices type géranium, et mélanger la terre aux végétaux. Le tout en planifiant le terrain. Et si le champ se salit, j’en fais une prairie temporaire. »

CHAMBRE D’AGRICULTURE PAYS DE LA LOIRE

le panel d’outils consacrés au désherbage mécanique. Au sein de la Cuma de La Riantière, à Ampoigné, un groupe Ecophyto 30 000 s’est constitué en 2018 dans l’objectif de progresser vers des pratiques économes en pesticides. Avec l’aide du PCAE, les onze agriculteurs (dont deux bio) ont investi dans une houe rotative, puis dans une bineuse frontale de six rangs. Une herse étrille vient également d’arriver suite au Plan de relance. « Ces outils sont utilisés sur maïs, indique Fabien Guérin, agronome suivant le groupe à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Les agriculteurs conventionnels appliquent un herbicide puis utilisent la bineuse. Ceux labourant avant ont un IFT herbicide maïs de 1 à 1,5 ; ceux ne labourant pas ont un IFT de 1,5 à 2 en comptant le glyphosate. Les agriculteurs bio labourent avant maïs, passent deux fois la houe rotative à l’implantation, puis binent. »

Le déchaumeur à disques est polyvalent. Il sème le couvert dans les chaumes de maïs à l’automne ou prépare les terres à maïs après le couvert au printemps.

Aucune technique ne fonctionne tout le temps, il faut s’adapter selon les outils à disposition.

Ces itinéraires dépendent bien sûr des conditions météo et l’année 2021 l’a particulièrement montré : la bineuse n’a travaillé que 86 ha, contre 215 en 2020, et la houe rotative 41 ha, contre 137 en 2020. « Il est utile d’avoir un panel d’outils et de démarrer avant la levée du maïs, recommande Hervé Masserot, conseiller à la FD Cuma de

KVERNELAND

Mayenne. Avec la houe ou la herse, on détruit alors 40 à 50 % des adventices jeunes. Le binage constitue un rattrapage sur les adventices plus développées : on règle la profondeur afin de les scalper, mais pas pour travailler le sol. » Lors de la nouvelle campagne, le groupe Ecophyto 30 000 de la Cuma de La Riantière a prévu un essai de blé « zéro phyto » à l’aide de la houe rotative et de la herse étrille. ■

VENTA Combiné de semis

kuhn.fr

APRÈS LA PLUIE VIENT LE VENTA

L’unique semoir ef cace sur tout type de sol, même non ressuyé à 100% Dégagement de 35 cm entre le rang avant et arrière. Possibilité d’allégement de 100 % de la pression des éléments semeurs. Recul de la roulette pour un meilleur passage en conditions humides.

Renseignez-vous auprès de votre revendeur agréé KUHN

This article is from: