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Faut-il se lancer dans l’agrivoltaïsme ?

À Amance (Saône-et-Loire), une canopée de panneaux photovoltaïques couvre une parcelle de 3 ha. Une expérimentation menée par la société TSE et Alliance BFC pour étudier l’impact des panneaux sur les cultures.

Voilà vingt ans que la ferme de Bel-air, installée à Channay, en Côte-d’Or, subit des dégâts climatiques. La sécheresse le plus souvent, ou parfois le gel, comme en 2012 où 700 ha de cultures ont dû être refaits. Alors en 2017, quand il a rejoint les trois associés de l’exploitation bourguignonne, Jean-Philippe Delacre a cherché un système simple pour diversifier ses revenus. C’est là que le projet d’agrivoltaïsme a émergé. Si la récolte est fichue, il reste une rentrée d’argent, stable et régulière, grâce aux loyers versés par le producteur d’énergie. Sur les 1 100 ha de l’exploitation céréalière, l’installation occupe une parcelle de 4,5 ha. Des panneaux solaires verticaux doubles-faces ont été implantés il y a deux ans. Quatorze rangées de 50 m de long, espacées de 12 m. Ici, on ne cultive que sur 8 m de large, entre chaque rangée, et des bandes enherbées de 2 m ont été implantées sous les panneaux.

Le dispositif, installé par TotalEnergies, constitue l’un des trois « démonstrateurs » mis en place en Bourgogne-Franche-Comté par Alliance BFC, l’union des trois coopératives céréalières que sont Dijon céréales, Terre comtoise et Bourgogne du Sud. L’objectif est de tester durant cinq à dix ans le comportement de différentes cultures sous les panneaux. Si l’essai est concluant, Alliance BFC, qui fédère 12 000 agriculteurs, vise l’installation de systèmes agrivoltaïques sur 300 ha/an.

Des résultats prometteurs

« Les impacts sur les cultures sont en cours de qualification, mais les résultats sont pour l’instant encourageants, on n’observe pas de différence significative avec une production classique », indique Laurent Druot, chargé de développement énergies renouvelables à Dijon Céréales.

Jean-Philippe Delacre, lui, est plutôt content : « Avec le blé, c’est mieux entre les panneaux qu’en dehors sur la parcelle témoin ; avec les lentilles également, le rendement est de 13 q sous les panneaux, contre 12 en dehors. » Les panneaux verticaux de 3 m de haut freinent le vent, et donc l’évapotranspiration, remarque l’agriculteur. Et ce n’est pas le seul atout du dispositif à en croire Christian Dupraz, chercheur à l’Inrae et spécialiste du sujet : « Avec des densités de panneaux raisonnables, la quantité d’eau d’irrigation peut diminuer de 30 à 35 %, les cultures peuvent être protégées des gelées tardives ou précoces, et l’ombre partielle apportée par les panneaux permet aux cultures de mieux supporter les grosses chaleurs. Reste encore à le démontrer et à quantifier le bienfait. »

Haies photovoltaïques et canopées

Alors qu’actuellement, on ne compte qu’une dizaine d’installations agrivoltaïques en grandes cultures, des projets en cours pourraient permettre d’atteindre les 100 000 ha d’ici dix à quinze ans. Pour un céréalier, le complément de rémunération est intéressant. Attention, cependant, au risque de dérives.

Il existe deux grands types d’installations agrivoltaïques. Le premier se présente sous la forme d’alignements de panneaux verticaux, sorte de haies de 3 m de haut. Il s’agit de la solution en place à la ferme de Bel-air. L’autre type, baptisé « canopée », consiste en une couverture formée de panneaux photovoltaïques à plusieurs mètres de hauteur au-dessus des cultures. Ils sont orientés Est-Ouest et tournent toute la journée pour suivre le soleil. C’est le système qui a été installé à la ferme de Sylvain Raison, à Amance, à 30 km au nord de Vesoul (Haute-Saône), par l’entreprise niçoise TSE. Il aura fallu à cette dernière deux ans de recherche puis seulement quelque mois pour établir la structure suspendue à des câbles à 5 m du sol. Celle-ci produit à

2,4 mégawatts-crête (MWc), soit l’équivalent de la consommation des 600 habitants du village d’Amance. La canopée bénéficie de 5 500 panneaux, sur 3 ha. Et tous les engins agricoles peuvent circuler dessous. La largeur entre poteaux est de 27 m, avec une emprise au sol très réduite, de 1 % seulement. Un premier test a été effectué avec du soja, avec Alliance BFC. Les six variétés se sont comportées de la même façon dans la parcelle test et dans celle témoin. « La photosynthèse était supérieure dans la zone sous les panneaux, en raison du niveau de stress hydrique et thermique inférieur », se réjouit Mathieu Debonnet, le président de TSE. Cet été, les essais concerneront la à

L’AVIS DE L’AGRICULTEUR

« Dans mon précédent métier d’enseignant en lycée agricole, j’en ai vu des cas de diversification, et l’agrivoltaïsme, c’est le modèle que je trouve le plus transposable », témoigne Jean-Philippe Delacre, un des trois associés de la ferme de Bel-air, en Côte-d’Or. Sur les 1 100 ha de sa SAU, deux tiers des parcelles ont un faible potentiel. « Les sols sont très superficiels, le facteur limitant, c’est l’eau. Je doute du sens qu’aurait un projet agrivoltaïque sur des terres à fort potentiel. Là, dans les cailloux, cela prend tout son sens », explique l’agriculteur. « Avant de se lancer dans un tel projet, mieux vaut raisonner l’installation en fonction du parc matériel, recommande-t-il. Ce qui dicte l’espacement entre les rangées de panneaux, c’est la largeur de la coupe de la moissonneuse. Attention, aussi, à ne pas négliger la proximité avec un poste de raccordement électrique. Et avant tout, les porteurs de projet ne doivent pas oublier l’acceptabilité locale. Mieux vaut être parfaitement transparent et consulter les élus locaux, les habitants, leur expliquer le maximum de choses. »

Action n°1.

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