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UN ATOUT POUR GAGNER LA PARTIE ?

Face au réchauffement climatique et à l’interdiction de certains pesticides, les semenciers orientent leurs programmes de recherche en vue de proposer des variétés de colza plus robustes et capables de mieux supporter les attaques d’insectes. Si l’objectif numéro 1 reste évidemment le rendement, la filière s’intéresse à un nouveau critère : la teneur en protéines.

Par ANTOINE HUMEAU redaction@terre-net-media.fr

Entre 2016 et 2020, les implantations de colza ont chuté de près d’un tiers en France, passant de 1,5 million à 1 million d’hectares. Depuis, la courbe remonte grâce aux prix plus porteurs, mais il y a urgence à redonner aux agriculteurs des moyens de produire cette culture. Si les surfaces ont tant baissé, c’est notamment parce que plusieurs années consécutives compliquées en ont découragé plus d’un. En cause, le réchauffement climatique et l’interdiction de certains pesticides. Il s’agit donc pour les semenciers de proposer des variétés plus résilientes, tolérantes à toute forme de stress. Terres Inovia, l’institut technique des huiles et protéines végétales, a développé le concept de « colza robuste », c’est-à-dire peu sensible aux ravageurs et aux adventices, et ne nécessitant que peu d’intrants. Le tout en résistant mieux aux stress dus aux aléas climatiques. Il y a quelques années, les agriculteurs ne cherchaient pas des plantes à la croissance excessive en début de cycle, et qui marquaient une phase de repos hivernal assez nette. Or, aujourd’hui, « leur souhait est tout autre, constate David Gouache, directeur de recherche à Terres Inovia. L’implantation est devenue un enjeu majeur, la croissance doit être rapide durant l’été et à l’automne pour gagner la course contre les ravageurs ».

Des colzas plus robustes face aux insectes

« Certains insectes se déplacent et sont de plus en plus présents dans certaines régions », remarque Clara Simon, spécialiste colza chez Limagrain. Cette montée en puissance de leurs attaques a entraîné d’importants efforts de recherche pour les firmes semencières. « Cela fait une dizaine

Colza début octobre.

« L’implantation est devenue un enjeu majeur, on a besoin d’une croissance rapide, d’avoir une pousse dynamique tout au long de l’été et de l’automne pour gagner la course contre les ravageurs », explique David Gouache, directeur de recherche chez Terres Inovia. + 9 % d’années que l’on travaille sur les sujets, mais ce sont plutôt des projets à horizon vingt ans », prévient Sébastien Châtre, directeur de la recherche chez RAGT Semences.

La surface de colza d’hiver est estimée cette année à 1,34 million d’hectares en France, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. Cela représente une hausse de 9 % par rapport à 2022, et de plus 11 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. De 2019 à 2021, les surfaces avaient plafonné entre 0,9 et 1,1 million d’hectares.

La nécessité de trouver des variétés plus résilientes aux attaques d’insectes est liée au bouleversement climatique, mais aussi à l’interdiction de certaines molécules. « Il y aura de moins en moins de produits autorisés », observe Patrick Bagot, secrétaire du CTPS (Comité technique permanent de sélection des plantes cultivées) pour le colza, au Geves. Après l’interdiction des néonicotinoïdes, la fin du phosmet a été annoncée. Seules sont dorénavant autorisées les pyréthrinoïdes, or « lorsqu’il n’y a plus qu’une seule famille de produits homologuée, la quantité d’insectes résistants augmente », remarque David Gouache. Les semenciers sont donc « obligés de revenir aux bases, c’est-à-dire de recourir aux entomologistes, explique Sébastien Châtre, de RAGT Semences. Nous devons réapprendre à travailler avec les insectes ». Il s’agit d’en élever une quantité pour pouvoir les mettre au contact des plantes et ainsi mesurer les réponses de celles-ci. Pour l’heure, la meilleure réponse trouvée est la vigueur de la plante. Le colza doit avoir développé suffisamment de biomasse à l’arrivée des vols d’insectes pour mieux réagir. Sans pour autant être trop développé quand l’hiver arrive. « Nous évaluons sa vitesse de développement végétatif à l’automne, et son comportement face aux attaques de larves au printemps », indique Élodie Batut, chef de marché oléagineux chez Corteva Agriscience.

« Là où les problèmes sont fréquents, c’est lors de la reprise de végétation, quand les méligèthes attaquent au moment de la floraison, ou les charançons du bourgeon terminal », constate Thierry Momont, chef du marché hybride chez KWS-Momont et par ailleurs référent du pôle Amélioration des plantes à l’Union française des semenciers (UFS).

Vers des variétés résistantes aux insectes ?

Les travaux de recherche portent donc également sur la résistance des variétés aux insectes. Pour l’instant, aucune d’entre elles ne résiste à tous en même temps. Certaines, développées par l’Allemand KWS, notamment, se comportent bien face à une sélection seulement. « Il y a énormément de travaux de recherche sur le sujet, poursuit Patrick Bagot, le défi consiste à trouver la variété qui résistera à de multiples insectes à la fois » – charançon du bourgeon terminal, grosse altise, charançon du printemps, méligèthes…

La dynamique d’amélioration devrait être assez forte dans les années à venir, croit savoir Terres Inovia. Des travaux de recherche collaboratifs ont été mis en place dans le cadre du plan de

L’AVIS DE L’EXPERT

David Gouache, directeur recherchedéveloppement chez Terres Inovia

« Dans les années qui viennent, la dynamique d’amélioration devrait être forte sur le critère de résistance aux insectes, parce que la préoccupation devient très importante. Vu le contexte climatique, posséder des variétés à forte croissance automnale pourrait permettre de rattraper une éventuelle difficulté au démarrage. Les attaques d’insectes ont lieu principalement en automne-hiver, on est donc dans une sorte de course-poursuite entre les insectes et la plante. Cette dernière doit produire de la biomasse et donc avoir suffisamment de feuilles pour éviter que les insectes n’aillent la manger à cœur et ainsi la mettre en péril définitivement. Ensuite, il faut prendre en compte le comportement des plantes vis-à-vis des larves. Aujourd’hui, impossible d’expliquer par quels mécanismes certaines variétés sont plus tolérantes que d’autres. Et pourtant, les différences sont réelles. Les travaux de recherche dans le cadre du plan de sortie du phosmet impliquent Terres Inovia, l’Inrae et les semenciers. Objectif : mettre au point des méthodes capables d’accélérer l’évaluation du comportement des plantes vis-à-vis des larves. Les observations demandent beaucoup de temps et coûtent cher. Il faut d’abord comprendre les mécanismes, avant de rechercher des sources de résistance parmi les espèces proches du colza. »

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