Zaman France N°252 - FR

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Spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient, Didier Billion donnait le 9 février dernier une conférence au sujet de la forte croissance de la Turquie en dépit de la crise économique.

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FraNCE

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Quelles leçons tirer de l’économie turque ?

Nuri Sahin, le diamant jaune du football turc Après avoir joué sous les couleurs de Liverpool et de Madrid, le nouveau prodige du football turc, Nuri Sahin, rejoint son club formateur, le Borussia Dortmund. Une équipe au sein de laquelle il a déjà brillé.

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15 - 21 FEVRIER 2013 N° 252

Un «capitalisme moral» est-il possible ? mustafa Akyol est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier présente le «capitalisme moral» comme «le modèle économique oublié de l’islam». Co-écrit avec Murat Çizak, ce livre a vivement relancé le débat sur la question des rapports entre islam et capitalisme. qTURQUIE 09 SocIETE

Pierre Rabhi et la «sobriété heureuse» r05

«Scared of murals» revisite les années sombres de la Turquie rcULTURE 13

L’explosion à la frontière syrienne aurait visé les civils rTURQUIE 10

La Turquie aura bientôt remboursé le FmI

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La Turquie espère avoir remboursé l’intégralité de sa dette auprès du Fonds monétaire international (FMI) en mai prochain, a affirmé samedi le Premier ministre Tayyip Erdogan. qTURQUIE 10

Le Brésil de l’Europe

rEmRE dEmIR 02

UE : la France ouvre un nouveau chapitre rLa France est favorable à l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les négociations avec la Turquie en vue de son adhésion à l’Union européenne, a annoncé mardi le chef de la diplomatie Laurent Fabius, qui en a informé son homologue Ahmet Davutoglu lors d’un entretien à Paris. qFRAncE 02

Financement des mosquées : la centralisation commence au moyen âge

Les jeunes yamakasis des rues d’Istanbul

Né en France au début des années 1990, le parkour se propage lentement dans les rues d’Istanbul, où Omer Günyaz, Cenk Çabukkesen et leurs amis font tout pour éviter les lignes droites. qTURQUIE 06-07

rPlus de sept ans après sa création, la Fondation des œuvres de l’islam de France (FOIF) peine à se mettre en place. Il s’agit d’une structure d’utilité publique destinée à contribuer au développement du culte musulman en France au travers, notamment, d’une gestion transparente du financement des lieux de culte. qcULTURE 14


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Turquie-UE : la France ouvre un nouveau chapitre

EDITO EMRE DEMIR

Turquie : le Brésil de l’Europe La Turquie espère avoir remboursé l’intégralité de sa dette auprès du Fonds monétaire international (FMI) dans deux mois. C’est un pas historique pour l’économie turque. Car depuis 1958, les gouvernements turcs ont signé au total 19 accords avec le FMI, portant sur plus de 50 milliards de dollars d’aide. La dette de la Turquie envers le FMI est passée de 23,5 milliards d’euros à zéro en l’espace de 11 ans. 2001 a été marquée par une série de faillites bancaires en raison de mauvaises gestions du secteur. Récession et crise financière provoquent des troubles sociaux. Le FMI lui accorde un énième prêt de 25 milliards de dollars. Après une série de réformes au cours de la décennie écoulée, la Turquie affiche aujourd’hui un ratio dette publique/PIB de 40 % contre 82 % en moyenne pour les pays de l’Union européenne, et une croissance de 8,5 % (1,5 % pour l’UE). Les capitaux étrangers y affluent plus que jamais. Aujourd’hui la Turquie est devenue le Brésil de l’Europe, étant l’unique puissance émergente du Vieux continent. La Turquie et le Brésil ont au moins un point commun. Ce sont deux Etats en pleine ascension politique et économique qui ont une histoire longue et douloureuse avec le FMI. Malgré cette success story, les Turcs se sentent plus que jamais négligés par une Europe de plus en plus isolée économiquement, et affaiblie politiquement. Le gouvernement turc n’hésite plus à envisager des scénarios d’adhésion alternatifs comme le Shangai Five. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan exprime souvent la frustration de voir l’Europe traiter un membre du G20 et la 16e puissance économique mondiale comme un pays de seconde classe et un paria. Les leaders européens doivent comprendre qu’ils ont besoin d’une Turquie «européenne», qui n’est plus un «fardeau» économique difficile à absorber. De même, pour la Turquie, la vision de l’adhésion à l’UE reste toujours essentielle pour consolider davantage son propre processus de démocratisation. Il semble que M. Hollande soit l’un des premiers leaders européens à avoir compris la portée des hésitations du Premier ministre de la Turquie. Car le gouvernement socialiste a fait mardi un geste en direction d’Ankara en acceptant d’ouvrir à Bruxelles un nouveau chapitre des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, signe manifeste d’un changement de perspective à Paris.

La France est favorable à l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les négociations avec la Turquie en vue de son adhésion à l’Union européenne, a annoncé mardi le chef de la diplomatie Laurent Fabius, qui en a informé son homologue Ahmet Davutoglu lors d’un entretien à Paris. «Nous [sommes] favorables à ce qu’on ouvre la discussion sur ce qu’on appelle le chapitre 22 [relatif à] la politique régionale», a déclaré M. Fabius, lors d’une conférence de presse. Le chapitre 22 porte notamment sur la redistribution des aides de l’UE aux régions et sur la contribution du pays candidat aux fonds régionaux. «La France souhaite apporter un nouvel élan aux relations entre l’UE et la Turquie», a indiqué de son côté le porte-parole du Quai d’Orsay Philippe Lalliot. «Nous souhaitons avoir des relations très positives avec la Turquie. […] Toutes les raisons de développer nos relations sur le plan éducatif, sur le plan culturel, sur le plan économique et sur le plan politique sont réunies», a encore déclaré Laurent Fabius. Il a indiqué que le président François Hollande souhaitait

e.demir@zamanfrance.fr

Le chef de la diplomatie Laurent Fabius a informé son homologue Ahmet davutoglu d’une relance des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

pouvoir honorer l’invitation à se rendre en Turquie. «Nous pouvons dire qu’un obstacle important a été franchi dans les relations Turquie-UE», a indiqué pour sa part M. Davutoglu. La Turquie a entamé en 2005 des négociations d’adhésion à l’UE, mais les pourparlers patinent, en raison de l’hostilité de pays comme la France et l’Allemagne à une pleine adhé-

sion turque mais aussi de blocages d’Ankara. La Turquie refuse notamment d’élargir à Chypre, sous administration chypriote-grecque et membre de l’UE, le bénéfice des accords de libre circulation qui la lient au bloc européen. Ce refus a entraîné le gel de plusieurs chapitres de négociation. Sur une trentaine de chapitres, un seul a été conclu.

Plus de 30 millions de pèlerins hindous se sont baignés dans les eaux du Gange lors de la Kumbh mela, le plus grand festival religieux au monde, qui se tient tous les douze ans à Allahabad, dans le nord de l’Inde.

...ET UnE mAUVAISE

UnE BonnE...

Décès de Gilles Veinstein, expert de l’histoire ottomane

Le président de Türksat, Özkan Dalbay, a annoncé le 1er février dernier que le premier satellite de conception et de fabrication entièrement turques allait gagner l’espace en mai 2013. Ce mini-satellite de communications est né d’un partenariat entre la compagnie d’Etat Türksat et l’Université technique d’istanbul. En décembre 2012, la Chine s’occupait de

Gilles Veinstein s’est éteint mardi 5 février 2013. L’historien aura marqué par ses nombreuses recherches consacrées au monde turc. En décembre 1998, c’est l’aboutissement d’un travail acharné quand il est nommé professeur du prestigieux Collège de France, à Paris. il y est titulaire de la chaire d’Histoire turque et ottomane, associé au Centre national de la recherche scientifique

lancer Göktürk-2, premier satellite turc à visée d’observation scientifique fabriqué en Turquie. Ce dernier est utilisé pour la protection environnementale, l’exploration des ressources minières, la planification urbaine, ainsi que pour la détection et la gestion des catastrophes naturelles. L’Etat turc compte mettre en route dix-sept programmes satellitaires à l’horizon 2020.

(CNrs) et à l’EHEss, étudiant les langues et cultures des peuples turcophones, l’histoire des quatre premiers siècles ottomans, la fin de l’Empire ottoman et son héritage, ainsi que les fondements du monde turc contemporain. Ce «grand maître de la turcologie française», comme il est surnommé par ses admirateurs, aura contribué à accroître le savoir sur la riche Histoire de la Turquie.

noUVELLE

La Turquie lance son premier mini-satellite dans l’espace


03 FRANCE

600

millions

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C’est la somme en dollars qu’a dépensée jusqu’à présent la Turquie pour les 170.000 Syriens actuellement réfugiés sur son sol et dont le nombre est en constante augmentation.

Quelles leçons tirer de l’économie turque ? Spécialiste de la Turquie et du moyenorient, Didier Billion donnait le 9 février dernier une conférence au sujet de la forte croissance de la Turquie en dépit de la crise économique. SoPhIE SoUchARd, YAVUZ BAYhAn ToPÇU OrLEaNs «Comment la Turquie arrive-t-elle à maintenir la croissance en dépit de la crise et dans quelle mesure est-ce applicable dans notre pays ?» Voilà la question qui a animé le débat du 9 février organisé par l’UDEC (Union des entrepreneurs du Centre) à Orléans et qui a rassemblé une centaine de participants. La discussion a été conduite par Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient. Après avoir esquissé une présentation historique de la Turquie, M. Billion a montré quelles étaient les causes d’une situation économique si prospère. Pays membre du G20, la Turquie est un des pays européens les plus importants : grâce à sa population jeune et à la stabilité de son régime politique, elle a un des PIB les plus élevés du monde. Entre 1950 et 1980, une période de libéralisation économique marque l’émergence d’entrepreneurs privés. La Turquie a ensuite su faire face à de nombreux écueils en favorisant les investissements étrangers et en assainissant son système bancaire. La croissance économique turque se situe ainsi autour de 5 % quand celle de l’Europe n’excède pas 1 %.

didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, a été reçu par l’UdEc (Union des entrepreneurs du centre) pour parler de l’économie turque.

Zoom

900 logements solidaires pour les sans-abris SoPhIE SoUchARd Paris Entrepreneur social de l’année 2012. Fier de ce nouveau titre reçu le 7 février dernier par le Boston Consulting Group et la Fondation Schwab, Etienne Primard a été récompensé pour l’action de l’association dont il est le cofondateur. Depuis sa création en 1988, Solidarités nouvelles pour le logement (SNL) a offert 900 logements durables à des personnes menacées d’exclusion. Ces centaines d’habitations construites ou rénovées ont permis d’accueillir et d’accompa-

L’UE et l’obstacle religieux

La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et de ses obstacles a été aussi largement abordée. Ainsi, selon M. Billion, «le problème du génocide arménien ne fait pas partie des raisons du refus d’adhésion à l’UE». Il a ajouté à ce propos que «si dans un pays les politiciens écrivent l’histoire, le pays devient un Etat totalitaire, et je suis contre toutes les lois mémorielles». Pour lui, la question chypriote représente une véritable entrave à l’adhésion de la Turquie à l’UE, mais il juge qu’elle doit se régler de façon interne, entre les Chypriotes eux-mêmes, qui sont divisés sur la question. Didier Billion situe ailleurs le véritable obstacle : «la religion est le vrai problème qui empêche la Turquie d’adhérer à l’Union européenne». Il a ainsi rappelé que «l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie». Evoquant un dernier sujet polémique lié à la Turquie, le directeur de l’IRIS a soulevé le problème du PKK, en regrettant qu’en France certains puissent venir en aide au PKK, reconnu pourtant comme une organisation terroriste.

En moyenne, un SdF meurt chaque jour en France, quelle que soit la saison.

gner plus de 6.000 personnes en situation de grande précarité. Contrairement au secteur HLM ciblé sur les grandes constructions, cette association d’aide au logement présente des habitats à taille humaine (pavillons, maisons relais). Etienne Primard grandit avec ses neufs frères et sœurs à Rotoir, dans l’Essonne, où plusieurs familles regroupées vivent de l’activité d’une ferme et d’une menuiserie. Ce sont d’abord les adultes du groupe qui lui font classe. Il sera ensuite diplômé de l’Ecole spéciale des travaux publics (ESTP).

Une entreprise familiale et altruiste

De sa rencontre avec le haut fonctionnaire Jean-Baptiste de Foucauld naît en 1985 une première association, Solidarités nouvelles face au chômage (SNC). Etienne et son frère Denis créent trois ans plus tard SNL. La fondation se développe dans les années 1990 sous l’impulsion de la loi Besson qui permet aux structures non lucratives de bénéficier de subventions publiques pour le logement social. Les subventions publiques représentent ainsi aujourd’hui près de 70 % du capital de l’association, 10 % sont dus à des emprunts et 20 % viennent de fonds propres, notamment grâce à l’aide de la Fondation Abbé-Pierre. Cette solution se révèle être plus économique que toutes les autres : elle coûte en moyenne 1.600 euros par personne et par an alors qu’il faut compter 8.800 euros pour un hébergement d’urgence. SNL devrait donc bénéficier d’une partie du foncier public que l’Etat a promis de rendre disponible.


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05 SOCIETE

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Pierre Rabhi et la «sobriété heureuse»

MON AVOCAT Canan Özenici

Régularisation des sans-papiers, une fausse bonne idée ? Pierre Rabhi est l’inventeur du concept «oasis en tous lieux». Il dénonce la course au profit et défend un mode de vie respectueux de l’environnement.

Le lancement du plan d’action des colibris, reposant sur l’écologie et l’humanisme, est l’occasion de se pencher sur une figure majeure de l’agroécologie : Pierre Rabhi. Cet agriculteur-philosophe défend des valeurs humanistes reposant sur la sobriété. SoPhIE SoUchARd Paris Le 30 janvier dernier, les Colibris ont lancé leur «(R)évolution». Cette association née sous l’impulsion de Pierre Rabhi, agriculteur et philosophe adepte d’agroécologie, a mis en place un plan de «grandes directions à 50 ans» décrit comme une «feuille de route citoyenne, politique, alternative, coopérative, à destination de tous». Economie, agriculture, éducation, énergie, démocratie : ce plan propose des axes de réflexion et des leviers d’action dans cinq champs essentiels. Ce mouvement altermondialiste veut ainsi aider chacun à bâtir de nouveaux modèles de société qui reposent avant tout sur l’autonomie, l’écologie et l’humanisme. Lors de la dernière campagne présidentielle, ils ont ainsi été 26.000 à participer à l’opération «Tous candidats», revendiquant le droit de la société civile à participer à la construction du monde de demain. La campagne aura mené à la réalisation de ce programme citoyen, véritable «feuille de route destinée aux élus et à l’ensemble des citoyens».

Pierre Rabhi, un nouveau Gandhi ?

Cette action est le fruit de la pensée de Pierre Rabhi, agriculteur et philosophe français d’origine algérienne, ardent défenseur de l’agriculture écologique. Né en 1938 à Kenadsa, dans une oasis au sud

de l’Algérie, Pierre Rabhi hérite d’une double culture algérienne et française. Arrivé en France en 1954 quand éclate la guerre d’Algérie, il s’installe quelques années plus tard en Ardèche où il se lance dans l’élevage caprin et l’agriculture écologique. Défendant le respect de la terre nourricière et l’importance du lien social, il souhaite partager ses valeurs humanistes et ses modèles agricoles alternatifs. Partant du constat d’un «processus de désertification sociale, économique, écologique et rurale», il crée ainsi le mouvement «Oasis en tous lieux» qui œuvre dans de nombreux pays. L’association «Les Amis de Pierre Rabhi» fondée en 1994, et rebaptisée plus tard «Terre et humanisme», s’attache à lier développement agricole et protection de l’environnement.

revendique l’adoption d’une «sobriété heureuse». Se satisfaire du nécessaire et refuser tout superflu afin de sortir de l’insatisfaction continuelle générée par une société basée sur la «frustration programmée». Le système actuel met tout en œuvre pour créer et entretenir un désir de consommation jamais satisfait. Revendiquer sa «sobriété», c’est s’appliquer à ne combler que ses besoins matériels essentiels et ainsi accéder à une dimension intérieure nouvelle, celle de la spiritualité. Sortir du modèle aliénant de «l’avoir» pour enfin «être». Cette humilité choisie est le moyen d’atteindre un bien-être réel, le «bonheur d’être en vie».

décroissance et sobriété heureuse

Décroissance et «sobriété heureuse» : deux concepts clés de la philosophie de Pierre Rabhi. La recherche de croissance économique indéfinie prônée par la société actuelle est absurde, la planète ayant elle-même des ressources limitées. Descendant d’un peuple nomade, Rabhi a hérité de cette valeur de sobriété. Dans un monde où l’homme semble vivre pour travailler et où la course au profit est incessante, il

Le film Pierre Rabhi au nom de la terre , réalisé par marie-dominique dhelsing et consacré à son œuvre, sortira au cinéma le 27 mars prochain.

D’après les médias, l’idée d’une régularisation massive des sans-papiers semble être la mesure phare préconisée dans l’état des lieux commandé par Matignon et que le conseiller d’Etat Thierry Tuot a présenté le 7 février dernier. Evidemment, aucun espoir n’est permis en la matière, Emmanuel Valls ayant immédiatement désamorcé la bombe médiatique en réaffirmant que la régularisation des étrangers en situation irrégulière se ferait au cas par cas et dans les conditions de la dernière circulaire publiée par le ministère de l’Intérieur. Je parle de bombe «médiatique» car Thierry Tuot ne semble pas avoir proposé une régularisation massive, mais justement d’y substituer, pour ceux des immigrés en situation irrégulière qu’il est impossible de reconduire à la frontière, l’attribution d’un statut de tolérance leur permettant l’acquisition progressive de droits au séjour en échange de démarches positives d’intégration, ce qui est, pour le moins, très différent. Si l’annonce du conseiller d’Etat a créé de faux espoirs, elle a l’intérêt de remettre sur le devant de la scène une question centrale, qui est celle de l’intégration des étrangers en France. Thierry Tuot propose pour avancer sur la question «huit mesures symboliques, pouvant être rapidement mises en œuvre à moindre coût», pour témoigner du changement radical de climat dont, entre autres, l’acquisition de la nationalité sur simple déclaration aux étrangers ayant suivi une scolarité complète en France et aux ascendants de Français séjournant en France depuis vingt-ans ou plus, l’engagement d’achever le plan de rénovation des foyers de travailleurs migrants dans un délai de dix-huit mois, ou encore des mesures pour leur donner accès aux prestations sociales. S’il est évident que ces mesures pourraient permettre d’augmenter pour l’étranger résidant en France le sentiment de «bon vivre», il est permis de s’interroger sur la question de savoir si là est vraiment le problème. N’est-ce pas plutôt chez les Français issus de l’immigration qu’existent les besoins les plus importants ? Il semble à cet égard certain que la création d’un carré musulman dans les cimetières de France ne suffira pas à conforter le sentiment d’une véritable appartenance à la nation française… Pour vos questions : ceruguz@yahoo.fr


TURQUIE 06-07

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Les jeunes yamakasis des rues d’Istanbul né en France au début des années 1990, le parkour se propage lentement dans les rues d’istanbul, où Omer Günyaz, Cenk Çabukkesen et leurs amis font tout pour éviter les lignes droites.

mEhmET ALI PoYRAZ isTaNBUL Ils pratiquent le parkour et revendiquent leurs capacités de mouvement que le milieu urbain leur a volées. Ils vont en sautant là où ils pourraient aller en marchant. Se souciant peu du regard surpris des passants, ils escaladent les murs et sautent par-dessus les obstacles. Ce passe-temps leur a même permis de gagner leur pain. Ils ont obtenu des rôles lors de tournage des scènes d’action de certains films. Ils ont conscience que, de l’extérieur, ils ne


sont pas véritablement perçus comme des gens «normaux». Leur principal objectif est de créer une association en s’unissant à d’autres personnes atypiques et de devenir propriétaires d’un terrain pour pouvoir s’entraîner. Pratiqué en milieu urbain, le parkour, ou art du déplacement (ADD), vise un déplacement libre dans tous types d’environnements, et notamment en dehors des voies de passage classiques. En Turquie, ce sport est récent et se développe timidement. Mais ces sportifs sont déterminés à changer les choses. Ils veulent récupérer leurs capacités de mouvement dont ils ont été privés par le développement urbain. Pour ce faire, au lieu de prendre l’ascenseur, ils montent les marches, au lieu d’avancer sur une route sans obstacles, ils préfèrent franchir les murs en faisant des galipettes.

Même si, sur le plan terminologique, «parkour» signifie le déplacement d’un point à un autre en utilisant de façon optimale ses capacités et en forçant ses limites, l’enjeu réel est tout autre : il s’agit de défier les obstacles que la ville moderne a posés devant les gens et qui suppriment les espaces où le corps peut se mouvoir.

Une discipline d’origine française

Le parkour, également appelé free-

running, est né en France où il est représenté par David Belle. Ce sport, largement pratiqué dans le monde, est fréquemment utilisé dans l’industrie cinématographique. Les scènes d’action de nombreux films que nous regardons sont agrémentées de mouvements acrobatiques des sportifs du parkour. Les obstacles sont nombreux en Turquie mais, pour le moment, peu de personnes pratiquent ce sport. Omer Günyaz et Cenk Çabukkesen en sont les premiers représentants. Ces deux amis, formés à la discipline en Europe, sont déterminés à présenter le parkour et répandre sa pratique en Turquie. Et pour former les jeunes talents, ils ont créé une société qu’ils ont baptisée Acrorun. En Turquie, ces sportifs ont fait leur entrée dans l’industrie cinématographique en assumant des rôles lors des tournages de nombreuses scènes d’action.


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09 TURQUIE

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Un «capitalisme moral» est-il possible ? mustafa Akyol est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier présente le «capitalisme moral» comme «le modèle économique oublié de l’islam» (ahlaki Kapitalizm. İslam’ın Unutulan Ekonomik Modeli, éd. Ufuk). Co-écrit avec Murat Çizak, ce livre a vivement relancé le débat sur la question des rapports entre islam et capitalisme. mustafa Akyol est un intellectuel musulman turc qui est également chroniqueur pour de nombreux titres anglophones comme The Washington Post, The Wall street Journal ou international Herald Tribune.

avec insistance aux riches d’aider les Avant de nous parler de votre pauvres. Ici, l’infaq [aumône, ndlr] conception du capitalisme moral, et la zakat [impôt social obligatoire, ndlr] apparaissent comme des formes pouvez-vous nous dire ce que signifie institutionnalisées de la bienfaisance.

TUGBA KAPLAn isTaNBUL

pour vous le terme capitalisme ?

Le capitalisme, dans sa formulation la plus basique, est le fait pour une personne d’investir avec plan et discipline le capital dont elle est propriétaire. C’est-à-dire le fait d’augmenter son capital initial de 100.000 en le faisant passer à 300.000 et, peut-être, de créer une chaîne de magasins au bout de 3 ans.

Est-ce cela que vous appelez «le capitalisme moral» ?

Oui. En fait, le capitalisme lui-même n’est pas une chose sale et injuste. Je dispose d’un capital et je recrute deux ouvriers. Pourtant, selon le point de vue marxiste, cela signifie que j’exploite nécessairement ces travailleurs. Mais une telle conception n’existe pas en islam. L’islam ne considère pas qu’il soit immoral que quelqu’un travaille à vos côtés et qu’il soit sous vos ordres. Il y a un hadith qui est fréquemment utilisé : «Donnez son salaire à l’ouvrier avant qu’ait séché la sueur de son front ». Personne ne relève la chose, mais, de fait, il y a dans ce hadith la confirmation de la dualité employeur-employé.

on vous a reproché de dire que l’islam et le capitalisme se soutiennent mutuellement. comment l’expliquezvous ?

D’abord, l’islam est une religion qui, dès le début, a encouragé l’économie de marché. On trouve un grand nombre d’attestations tant dans le Coran que dans les hadiths. Le commerce est un élément du capitalisme. Mais l’islam accorde également une grande importance à ce que ce commerce soit moral. De plus, cette religion indique clairement qu’il y aura des riches et des pauvres dans la société. Elle plaide en faveur de la propriété privée et des droits de succession. Par ailleurs, le Coran demande

L’auteur a publié en anglais islam Without Extremes: A Muslim Case for Liberty (Norton & Co).

S’il y a un capitalisme moral, il doit aussi y avoir un capitalisme immoral…

Bien entendu. Il y a des hommes d’affaires religieux qui ne paient pas les salaires de leurs ouvriers, leurs dettes et qui opèrent diverses fraudes. Ce qui est mauvais ici, ce n’est pas de faire des affaires, mais de ne pas agir en fonction de principes, en conformité avec les critères de l’islam et avec les critères moraux universels. C’est cela qui est immoral et c’est ce que je critique. Mais l’essence même de l’économie libérale ne me pose aucun problème. Ceci dit, même si je ne fais pas partie des musulmans anticapitalistes, à ce stade je trouve une de leurs critiques fondée. Je trouve déplaisantes les personnes qui, à mesure qu’elles s’enrichissent, manifestent un intérêt croissant pour le tape-à-l’œil et celles qui ont un comportement incompatible avec les principes et enseignements islamiques. Les croyants fortunés devraient apprendre comment ils pourraient utiliser leur richesse de manière plus morale.

Une question souvent débattue mais à laquelle on n’a pas trouvé une réponse claire : le capitalisme dénaturera-t-il l’islam ?

Ce sont de grandes questions qui ne sauraient avoir de réponses simples. Mais je peux dire «non» en prenant en considération l’expérience du monde occidental. Car au fond de ce problème se trouve en réalité la question de la modernité. Par ailleurs, la dynamique la plus importante de la modernisation est le développement économique, qui, lui, n’est possible qu’avec le capitalisme. De plus, il faut prendre en considération le rôle joué par le christianisme lui-même et par la morale chrétienne dans le développement du capitalisme en Occident. D’après Weber, la mentalité capitaliste s’est développée en Europe car les religieux protestants et calvinistes ont épargné l’argent qu’ils ont gagné et se sont orientés vers les bonnes œuvres et non vers les plaisirs et divertissements. C’est pourquoi il est possible d’affirmer que la religion et le capitalisme ne sont pas contradictoires mais solidaires. Il s’agit par ailleurs d’un exemple de capitalisme moral.


10 TURQUIE

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L’explosion à la frontière syrienne aurait visé les civils L’explosion meurtrière survenue lundi à la frontière syroturque est un acte terroriste visant les civils, a affirmé un ministre turc, tandis que la presse turque soupçonnait les services secrets syriens d’en être à l’origine. «Il n’y a pas de forces de sécurité dans cet endroit, mais uniquement des civils. La cible était les civils, c’est clair», a déclaré à la presse dans la nuit de lundi à mardi le ministre de la Justice Sadullah Ergin, qui a inspecté les lieux avec ses collègues de l’Intérieur et des Douanes. «Je condamne cet acte terroriste», a-t-il ajouté. Treize personnes, dont trois Turcs, ont été tuées et près d’une trentaine d’autres blessées par l’explosion d’un véhicule, apparemment piégé, au poste frontière de Cilvegözü (dans la localité de Reyhanli), séparant les secteurs turc et syrien. M. Ergin a souligné que les autorités turques continuaient leur enquête pour déterminer la nature de l’explosif utilisé. «Nous disposons de renseignements importants [...] ; la médecine légale poursuit

La Turquie aura bientôt remboursé le FmI

L’explosion a fait treize morts, dont trois Turcs, et une trentaine de blessés.

ses analyses», s’est-il contenté de dire aux journalistes, d’après l’agence Anatolie. Le ministre de l’Intérieur, Muammer Güler, a de son côté expliqué que le véhicule qui a explosé, immatriculé en Syrie, avait été stationné à 11:47 GMT avant d’exploser 20 mn plus tard, parlant d’«un puissant engin». Si les autorités turques se sont gardées dans l’immédiat d’évo-

quer la thèse d’un attentat à la voiture piégée, pour la presse turque il n’y a aucun doute. Selon le journal libéral Milliyet, c’est une puissante charge de TNT estimée entre 35 et 50 kg qui a explosé à la frontière, et de pointer du doigt les services de renseignements syriens : «La trace des moukhabarat dans l’attentat à la bombe», a titré ainsi le quotidien.

La directrice du FmI, christine Lagarde, discute avec le ministre des Finances turc, mehmet Simsek, avant la réunion du conseil consultatif d’investissement de Turquie en mai 2012.

La Turquie espère avoir remboursé l’intégralité de sa dette auprès du Fonds monétaire international (FMI) en mai prochain, a affirmé samedi le Premier ministre Tayyip Erdogan. «Nous avons payé et payé... et à l’heure actuelle notre dette s’élève à 860 millions de dollars [643 millions d’euros]», a déclaré M. Erdogan à la télévision. «Lorsque nous aurons réglé la dernière tranche au mois de mai, nous n’aurons plus de dette», a-t-il ajouté. «Nous avions une dette [auprès du FMI] depuis 1958», a déclaré le ministre des Finances Mehmet Simsek, cité par l’agence de presse Anatolie. «La Turquie entre dans une nouvelle ère en ne s’engageant plus dans aucun nouveau programme et en apurant totalement ses dettes [...] ; le pays va remonter la pente», a-t-il poursuivi. L’Etat «pourra désormais consacrer ses recettes fiscales à investir dans les infrastructures», a encore affirmé le ministre des Finances. Sur plusieurs décennies, les gouvernements turcs ont signé au total 19 accords avec le FMI, portant sur plus de 50 milliards de dollars d’aide.


11 INTERNATIONAL France

EN BREF

Une quinzaine de Kurdes interpellés dans le sud-ouest

Birmanie

Comment devient-on pape ?

15 - 21 FEVRIER 2013 ZAMAN FRANCE

6.000 Rohingyas réfugiés en Thaïlande en 4 mois

Pour élire le nouveau pape, les cardinaux entrent en conclave entre 15 et 20 jours.

Alors que Benoît XVI vient d’annoncer le 11 février dernier sa renonciation à sa fonction pontificale, les spéculations sur son successeur vont bon train. Comment va être choisi le prochain pape ? Affirmant ne plus avoir «les forces» pour assumer son magistère, Benoît XVI laissera à partir du 28 février son «siège vacant». Le pape, selon la foi catholique, reçoit mission du Christ en tant qu’évêque de Rome et successeur de l’apôtre Pierre de veiller à l’unité de l’Eglise catholique. Lorsqu’il renonce à sa fonction ou meurt, ce sont les cardinaux réunis en conclave dans la chapelle Sixtine et isolés du monde extérieur qui élisent son successeur. Au cours de ses 2.000 ans d’histoire, l’Eglise catholique a modifié plusieurs fois les modalités de la désignation d’un pape avant d’en venir tardivement à la formule actuelle du conclave. La bulle (édit papal) In nomine Domini de 1060 est le texte qui a codifié durablement l’élection des papes : elle n’est désormais plus entre les mains des laïcs, mais exclusivement réservée aux cardinaux. Le collège électoral doit répondre à quelques critères : l’âge limite d’un cardinal pour participer à l’élection est de 80 ans, et le nombre maximum des cardinaux électeurs est de 120. Ces dernières années, l’internationalisation croissante du collège des cardinaux a rendu de plus en plus aléatoire toute prévision sur l’issue d’un conclave. L’élection d’un pape doit se dérouler à l’écart de toute pression extérieure, le conclave (du la-

tin cum clave, «sous clef») étant coupé du monde extérieur.

Une élection très codifiée

Les cardinaux entrent en conclave 15 jours au moins, 20 jours au plus, après la mort ou le renoncement d’un pape. Ils passent en cortège de la chapelle Pauline à la chapelle Sixtine. Ensuite, les portes sont fermées, les clefs retirées, et l’isolement est vérifié. Les cardinaux n’ont pas le droit de voter pour eux, et doivent, à tour de rôle, prêter le serment de respecter le secret du vote et d’en accepter le résultat. Les opérations de vote se déroulent dans la chapelle Sixtine, avec deux scrutins le matin, et deux le soir. Les bulletins de vote sont brûlés. Le cardinal qui est élu est celui qui a recueilli les deux tiers des voix. Lorsque ce résultat est atteint, le doyen des cardinaux demande aussitôt à l’élu s’il accepte l’élection. Si c’est le cas, celui-ci devient pape sur le champ et sa juridiction s’étend immédiatement aux catholiques du monde entier. Le nouveau pape doit alors déclarer quel nom il choisit comme pontife. Pendant le déroulement des scrutins, un poêle installé dans la chapelle Sixtine informe la foule des fidèles traditionnellement rassemblée sur la place Saint-Pierre du résultat des votes. Si la fumée est noire, il n’y a pas d’élu. Si la fumée est blanche, un nouveau pape a été élu.

Une quinzaine de Kurdes ont été interpellés à Bordeaux et Toulouse dans le cadre d’une enquête antiterroriste sur des tentatives d’extorsion de fonds pour le financement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). «Ces interpellations sont intervenues dans les milieux kurdes du PKK», a déclaré une source proche du dossier à l’AFP en précisant que les suspects ont été placés en garde à vue dans cette ville. L’enquête est menée par la Direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Bordeaux et la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire.

Près de 6.000 «boat people» de la minorité musulmane apatride des Rohingyas, qui fuient les violences dans l’ouest birman, sont entrés dans les eaux territoriales thaïlandaises depuis octobre, a indiqué jeudi un porte-parole de l’armée. Des milliers de Rohingyas ont pris la mer ces derniers mois pour échapper aux violences communautaires qui ont fait plus de 180 morts et 115.000 déplacés en 2012 dans l’Etat de Rakhine. Presque un tiers de ces réfugiés sont dans des centres de rétention, d’autres ont été repoussés en mer et une partie d’entre eux a sans doute réussi à parvenir en Malaisie.



13 CULTURE

15 - 21 FEVRIER 2013 ZAMAN FRANCE

«Scared of Murals» revisite les années sombres de la Turquie

L’exposition «Scared of Murals» à Istanbul est consacrée à la fin des années 1970, période la plus houleuse de l’histoire de la Turquie moderne. Travail de documentation et de conservation de la mémoire, elle est aussi une réflexion sur les liens entre art et politique. Sophie Souchard Paris 1976-1980 : une période brève mais intense en conflits politiques et culturels en Turquie. Voilà le thème auquel s’intéresse l’exposition «Scared of Murals», accueillie par la galerie d’art SALT Beyoglu à Istanbul. Cette exposition se définit comme un projet de recherche qui s’appuie sur une collection d’archives documentaires fournie : coupures de presse, photographies, banderoles et affiches. Le projet montre ainsi comment l’industrie culturelle a pris en charge le tumulte politique et social de cette époque.

Une période de troubles et de violences

«Scared of Murals». Ce nom est tiré d’un slogan de bannières d’artistes protestant contre les autorités qui leur avaient interdit la réalisation de peintures murales lors du Festival de la culture et arts de Kusadasi en 1980. L’exposition se focalise sur un aspect particulier de la production culturelle qui suit le coup d’Etat militaire de 1970 et précède celui de septembre 1980. La fin des années 1970 est une période politiquement

L’exposition «Scared of Murals» s’appuie sur des documents montrant comment l’industrie culturelle a pris en charge le tumulte politique et social de la fin des années 1970.

instable, marquée par la violence : alors que la guerre froide s’intensifie, les conflits politiques entre groupes d’extrême gauche et d’extrême droite augmentent, notamment après les massacres du défilé du 1er mai 1977. Les heurts politiques et sociaux ont laissé une trace dans le monde artistique. L’exposition débute ainsi en montrant les peintures murales et les sculptures publiques réalisées lors du Festival inter-

national du film d’Antalya en 1976 et les troubles qui ont suivi.

Le rôle de l’art dans la société

L’exposition à SALT Beyoglu s’interroge ainsi sur la question des droits des artistes, de leur engagement et sur la fonction de l’art dans l’espace public. Elle met en évidence le lien entre l’art et la société, l’économie, la politique, en montrant comment les artistes

ont influé sur la formation de la culture politique de cette époque. Plutôt que de simplement retracer les événements de ces années sombres, l’exposition se propose d’amorcer une réflexion nouvelle : comment peut-on s’inspirer de cette période artistique pour proposer aujourd’hui une alternative à la marchandisation du monde de l’art ? «Scared of Murals» à SALT Beyoglu, Istanbul, du 31 janvier au 21 avril.


14 CULTURE

15 - 21 FEVRIER 2013 ZAMAN FRANCE

A lire

musulmans, que ce soit sous la forme d’un ministère (des Affaires religieuses, comme en Tunisie, ou des Waqfs, comme en Egypte), ou d’un directoire (Diyanet dépendant du Premier ministère dans la Turquie laïque). Cette centralisation à laquelle aspire la France aujourd’hui apparaît très tôt en islam, fût-ce de manière embryonnaire : en 736, le juge chargé, comme c’était la règle, de la gestion d’une mosquée, un certain Tawba Ibn Namir al-Hadrami, crée un conseil chargé d’administrer l’ensemble des dotations, jusque-là gérées séparément, et dont les revenus sont dédiés au financement des mosquées (entretien, construction, formation et rémunération des personnels, etc.). Ces dotations (waqfs ou habous) consistent en biens immobiliers : logements locatifs, fonds de commerce, moulins, etc.

& à voir...

à légitimer leur combat pour l’égalité, contre le patriarcat, et contre les autorités politiques et religieuses qui, en terre d’islam et ailleurs, bafouent les droits des femmes. Intellectuelles, chercheures, militantes, elles s’appellent Omaima AbouBakr, Zainah Anwar, Margot Badran, Asma Barlas, Malika Hamidi, Saida Kada, Hanane alLaham, Asma Lamrabet et Ziba Mir-Hosseini.

Kamilya Jubran, chanteuse et oudiste palestinienne, et Sarah Murcia, contrebassiste française, croisent leurs univers éclectiques dans un projet commun intitulé «Nhaoul» (métier à tisser).

Le coup de passion

La rencontre de la nouvelle révélation syrienne Waed Bouhassoun, au chant et au oud, et des frères Curro et Carlos Piñana, au chant et à la guitare flamenco. Elle chante aussi bien les amours andalouses de Wallada et Ibn Zaydoun que le maître soufi Ibn ‘Arabi, originaire de Murcie, la province natale des frères Piñana.

conFÉREncE

Le 16 février à 20:30 institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

Türk Edebiyatında Kurtulus Savasi Anlatilari Alt-Türü [Les récits de la Guerre d’indépendance dans la littérature turque, un sous-genre]

Par Erol Köroglu, professeur à l’université du Bosphore à Istanbul (conférence en turc). Le 15 février à 15:00 iNaLCO 65, rue des Grands moulins 75013 Paris

Salafisme yéménite et rapport au politique

Laurent Bonnefoy, chercheur au CNRS/CERI, s’attachera à analyser le virage vers la politisation du salafisme observé au Yémen à la faveur du Printemps arabe, et à inscrire ce courant politico-religieux à la fois dans le temps long et dans le contexte post-Salih. Le 19 février à 18:00 EHEss 105, boulevard raspail 75006 Paris

Un féminisme authentiquement musulman Le titre à lui seul suffit à montrer l’intérêt de l’ouvrage. Il s’en trouvera beaucoup en effet, même parmi ceux qui se croient à l’abri de tout préjugé, qui verront dans ces deux mots une contradiction indépassable. Or la contradiction, et ce recueil d’études le montre brillamment, n’est que dans les esprits, et non dans les Textes. C’est en effet en puisant dans ces derniers que les auteures trouvent matière

Kamilya Jubran & Sarah murcia

Le 15 février à 20:30 L’alhambra 21, rue Yves Toudic 75010 Paris

EXPoSITIon

Islam des mondes

tants (églises, notamment), du fait, le plus souvent, de conversions massives les rendant superflues ‒, l’édification de mosquées et leur entretien était, soit le fait du gouvernant, soit le fait de particuliers fortunés. Dans le premier cas, il s’agit d’une obligation morale, mais aussi sociale et politique : il s’agit de répondre aux besoins de la population. En l’an mil, Badr Ibn Hasanawayh, gouverneur de Jibal dans le Khorassan, a ainsi fait construire 3.000 mosquées et logements. Dans le second cas, il s’agit le plus souvent d’un acte pieux, conformément au hadith selon lequel «Qui fait édifier une mosquée, Dieu lui édifiera une demeure au Paradis.» Dans cette catégorie se rangent les mosquées dues à des personnages célèbres, comme le Masjid Simak ou le Masjid al-Ash‘ath, mais aussi des mosquées corporatistes comme celle des officiers supérieurs des impôts dans la Bagdad abbasside, voire des mosquées à usage quasi privé, Entre le gouvernant et comme celle que fit édifier Taj ad-Din les particuliers fortunés Jusqu’alors, ‒ et si l’on excepte les cas al-Jilani en 1273, et dans laquelle il de conversions d’édifices religieux exis- aimait prier seul et méditer dans une pièce retirée. Ces abus seront condamnés. C’est sous les Fatimides que le processus de centralisation, amorcé au VIIIe siècle, atteindra une forme aboutie. Le calife al-Mu‘izz (932-975) crée une «direction des biens de mainmorte» et une «direction des mosquées» à la tête desquelles il met le doyen des juges. A ces deux institutions, il ajoute en 974 un organisme de financement spécifique dépendant du Trésor public et garantissant un revenu annuel minimum de 150.000 dirhams. L’ensemble des paiements liés aux mosquées étaient effectués par cette administration, après avoir été justifiés par l’économat des différentes mosquées. Ces dernières étaient ainsi administrées par les juges qui, à travers ces institutions, étaient La mosquée Kocatepe d’Ankara, terminée en 1987, a été financée par la Fondation de la Diyanet. soumis à leur doyen, lui-même sous C’est là qu’ont lieu les cérémonies funéraires militaires et officielles. l’autorité directe du calife.

SEYFEddInE BEn mAnSoUR LiLLE Plus de sept ans après sa création, la Fondation des œuvres de l’islam de France (FOIF) peine à se mettre en place. Il s’agit d’une structure d’utilité publique destinée à contribuer au développement du culte musulman en France au travers, notamment, d’une gestion transparente du financement des lieux de culte. Elle réunit en qualité de membres fondateurs les principales organisations musulmanes du pays : la Grande Mosquée de Paris (GMP), le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Cette dernière n’ayant pas, à ce jour, désigné ses représentants au sein du nouveau Conseil d’administration, l’institution demeure bloquée, privant l’islam de France, notamment, d’un canal de financement qui serait d’autant plus transparent qu’il serait pratiquement exclusif. L’existence d’une structure centralisatrice est la norme dans les pays

concERT

Financement des mosquées : la centralisation commence au Moyen âge

AGENDA CULTUREL

Du Maroc à la Malaisie en passant par la France et les EtatsUnis, elles sont engagées dans une démarche féministe à l’intérieur du cadre religieux musulman. En les présentant et en regroupant leurs contributions au sein d’un même ouvrage de synthèse, l’auteur, Zahra Ali, permet de faire entendre leurs voix et par là même d’affirmer l’universalité d’un féminisme authentiquement musulman.

Féminismes islamiques, de Zahra Ali, La Fabrique, 234 pages, 13 €.

Les mille et une nuits

Depuis sa genèse indo-persane jusqu’à sa première traduction dans une langue européenne par Antoine Galland, en passant par les contes arabes des IXe-XVe siècles, quelques trois cents œuvres pour découvrir l’un des chefs d’œuvre de la littérature universelle, dont certains des plus anciens manuscrits, ainsi qu’un riche fonds iconographique. Jusqu’au 28 avril institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris


OPINION15

15 - 21 FEVRIER 2013 ZAMAN FRANCE

Le problème du système judiciaire turc L’avocat et militant des droits de l’homme orhan Kemal cengiz décrit les lourdeurs et blocages du système judiciaire turc. Pour lui, avec les réformes qu’il veut entreprendre, l’aKP aussi veut une justice soumise. Récemment, j’ai discuté avec palais de justice. Un ami à moi qui un rapporteur du Conseil de est juge m’a dit un jour que pour l’Europe. Il m’a dit que le conseil faire un appel longue distance, il s’apprêtait à rédiger un rapport sur devait demander l’autorisation du la situation du sys- procureur général, chose qui le tème judiciaire en mettait hors de lui. Il était le plus Turquie. J’ai essayé haut personnage du tribunal, mais d’expliquer, selon le tribunal n’avait pas de budget ORHAN KEMAL CENGIZ mon point de vue et pour les dépenses exceptionnelles. selon mon approche, Les cordons de la bourse, c’est le les causes des problèmes structu- ministère de la Justice qui les tient. rels de notre système judiciaire. Je C’est pourquoi, à chaque fois que voudrais ici partager avec vous ces je pense à la situation générale du quelques éléments de pensée, système judiciaire en Turquie, je ainsi que quelques pense à ce système autres que j’ai dédans lequel les juges veloppés suite à dépendent autant de ma discussion l’administration cenavec le rapporteur. trale. Que peut bien S’agissant des signifier l’indépenIls prenaient lente- dance d’un juge qui problèmes de la justice, me vient à doit demander l’automent la couleur l’esprit ce que j’ai risation du procureur de l’Etat pu observer avant de dépenser le lorsque j’étais étudiant à la faculté moindre centime ? Et ce juge qui de droit. Une fois notre diplôme en à l’intérieur du tribunal est soumis poche, les problèmes auxquels on à l’autorité du procureur doit, à était confrontés n’étaient pas les l’extérieur, rendre des comptes au mêmes suivant qu’on se destinait sous-préfet. Il devient partie intéà devenir juge ou avocat. Je me souviens que chez ceux de mes amis qui devaient devenir juge ou procureur, j’avais observé des changements d’attitude dès les premières années de leur carrière. C’était comme s’ils faisaient désormais partie d’une société secrète. Ils avaient des secrets qu’ils ne pouvaient pas partager avec nous, «les autres». La façon dont ils parlaient, la façon dont ils marchaient commençaient à changer. Ils plaisantaient de moins en moins, ils étaient de plus en plus sérieux. Ils prenaient lentement la couleur de l’Etat. Il y avait quelque chose de bizarre dans leur relation aux «autres». Ils étaient condescendants, mais en même temps, ils nous enviaient. Leurs sentiments étaient mêlés et confus. Après deux ans de formation intensive, ils devenaient juge ou procureur à part entière, et se voyaient nommés aux quatre coins du pays.

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Edité par : source sarL 2, boulevard Saint Martin 75010 Paris Directeur de la publication : EMRE DEMİR rédacteur en chef : EMRE DEMİR e.demir@zamanfrance.fr Gestionnaire administratif : FAHRETTİN TEKİN f.tekin@zamanfrance.fr Responsable commercial : MEHMET SELVİ m.selvi@zamanfrance.fr secrétaires de rédaction : BAYRAM ŞEN b.sen@zamanfrance.fr FOUAD BAHRI f.bahri@zamanfrance.fr Directeur artistique : EVREN AYAZ e.ayaz@zamanfrance.fr

relations publiques : SIDDIK İLHAN PARİS s.ilhan@zamanfrance.fr MEHMET DİNÇ strasbourg m.dinç@zamanfrance.fr OSMAN USTA Orleans o.usta@zamanfrance.fr

Imprimerie : rOTOCENTrE 348, rue Marcel Paul 45770 SARAN Adresse : 2 Boulevard Saint-Martin 75010 Paris Tel : 01 42 00 19 36 Faks : 01 42 00 19 58 info@zamanfrance.fr www.zamanfrance.fr - www.zamanfransa.com no cPPAP 112U90032 - ISSn 1869-5795 Tarif abonnement annuel France : 120€

Le poids de l’administration centrale

Dans les petites villes où ils assuraient leur fonction, c’était devenu des personnages respectés. Pourtant, entre cette puissante à l’extérieur du palais de justice et l’humilité de la tâche qu’ils y exécutaient, la contradiction était nette. C’étaient des fonctionnaires du

grante de la vie sociale qu’organise le représentant de l’Etat, et tous deux doivent passer leur temps avec d’autres fonctionnaires de la région. La vie professionnelle des juges suppose des changements de poste d’une ville à l’autre, au gré des nominations. Et pour peu que la nouvelle nomination soit peu avantageuse, il ne pourra s’empêcher de se demander quel verdict malheureux a bien pu lui valoir cette disgrâce.

Un système judiciaire trop conservateur

Chez nous, les juges doivent justifier de dix ans d’exercice pour pouvoir être nommés dans une grande ville. Seuls ceux qui ont réussi au sein de ce système sont nommés à la Cour d’appel. Est-ce qu’on peut comprendre le conservatisme de notre système judiciaire si on ne comprend pas le fonctionnement du système dans son intégralité ? Pourquoi est-ce qu’on continue de défendre ce système où les juges dépendent des procureurs ?

Pourquoi autant d’obstacles à une réorganisation de leur relation ? Pourquoi y a-t-il si peu de juges et de procureurs qui parlent une langue étrangère ? Je pense que personne ne veut d’une réforme de la justice. Que s’est-il passé lors des dernières élections du Conseil supérieur des juges et des procureurs (HSYK) ? Ces décisions prises par des membres nommés par les juges et les procureurs, mais en réalité choisis par la bureaucratie du ministère de la Justice, ont-elles réellement modifié le système ? Et voilà que maintenant le Parti de la justice et du développement (AKP) veut abolir le Conseil d’Etat et la Cour d’appel pour les remplacer par une cour de cassation dont les membres seraient directement nommés par le gouvernement. Comme tous les pouvoirs qui l’ont précédée, l’administration AKP veut un système judiciaire soumis. Ce problème du judiciaire est quelque chose que nous sommes incapables de dépasser en Turquie. o.cengiz@todayszaman.com


Nuri Sahin, le diamant jaune du football turc Après avoir joué sous les couleurs de Liverpool et de madrid, le nouveau prodige du football turc, Nuri sahin, rejoint son club formateur, le Borussia Dortmund. Une équipe au sein de laquelle il a déjà brillé. nIcoLAS ThEodET Paris Qui peut se vanter d’avoir remporté un championnat d’Espagne et un championnat d’Allemagne à seulement 24 ans ? Nuri Sahin. Ce jeune Turc, espoir de tout un pays, montre des capacités footballistiques hors du commun, et fréquente aujourd’hui les plus grands clubs d’Europe. Sa particularité, c’est de n’avoir jamais connu les clubs turcs. Arrivé très jeune au centre de formation du Borussia Dortmund, Nuri Sahin a su faire parler son talent dès la seconde année de sa formation dans le prestigieux club allemand. A 16 ans et 355 jours seulement, il devient le plus jeune joueur à avoir foulé les pelouses du championnat d’Allemagne, la Bundesliga. Il devient même le plus jeune buteur de ce même championnat à 17 ans et 82 jours. Une progression impressionnante qui lui ouvre les portes de la sélection nationale turque des moins de 17 ans. Avec

A 16 ans, nuri Sahin a été le plus jeune joueur à avoir foulé les pelouses de la Bundesliga.

ses compatriotes, il gagne le championnat d’Europe des moins de 17 ans, et finit quatrième de la Coupe du monde dans la même catégorie. Une montée en puissance digne des plus grands joueurs.

madrid, Liverpool, mais surtout le Borussia dortmund

Même si l’on peut croire que le joueur perd un peu de vitesse dans sa carrière, il n’en est rien. En effet, après avoir brillé en Allemagne avec 152 matches en seulement six saisons, et avoir glané le titre de meilleur joueur du championnat 2010-2011, les plus grandes équipes de la planète s’intéressent à lui. Parmi elles, Chelsea, Manchester, ou encore Arsenal. Mais pour continuer à avoir un temps de jeu correct, en 2007, il part aux Pays-Bas jouer pour le Feyenoord de Rotterdam sous forme de prêt durant un an. Puis en 2011, c’est

le grand Real Madrid qui s’intéresse à lui. Avec un transfert de 10 millions d’euros pour rejoindre les rangs du club espagnol, difficile de résister. Mais son intégration se passe mal, et au milieu des Mevlüt Ozil, Cristiano Ronaldo, ou Sami Khedira, il est difficile pour le jeune joueur de se faire une place, surtout lorsque sa saison est marquée par de nombreuses blessures.

Il ne joue que 10 matches, mais marque quand même un but. Il rejoint alors le club de Liverpool où, pour son premier match, il marque un doublé. Mais Nuri Sahin est l’enfant du Borrussia Dortmund, et lors du mercato d’hiver 2013, il retourne dans son club, où, seulement trois jours après son arrivée, il participe déjà aux succès de ses «nouveaux» coéquipiers.


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