Fr n°298

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Les 7 produits high tech tendance en 2014

Nazli Ilicak, éternelle rescapée de la vie politique

TECHNOLOGIE11

TURQUIE07

Ronaldo Ballon d’Or, Ribéry seulement 3e SPORT15

17 - 23 JANVIER 2014 N° 298 Prix : 2,5 €

WWW.ZAMANFRANCE.FR

L’UE s’inquiète de la reprise en main de la justice turque A Bruxelles, les critiques se multiplient à l’encontre de la Turquie depuis le début de l’affaire de corruption. Les dernières préoccupations exprimées concernent la reprise en main par le gouvernement du système judiciaire turc.

Halal : de plus en plus de produits non conformes

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Le Commissaire européen à l’Elargissement et à la Politique européenne de voisinage, Stefan Füle, a exprimé sur Twitter il y a quelques jours ses «inquiétudes (...) concernant la situation en Turquie par rapport à l’Etat de droit et l’indépendance judiciaire». Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement turc a proposé de restructurer le HSYK. S’il est adopté, le projet de loi renforcera la mainmise du gouvernement sur le pouvoir judiciaire,

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Le marché du halal en pleine expansion a vu se développer une production non contrôlée. Au point qu'aujourd'hui, 13 % des produits halal ne sont pas conformes à la certification. C'est ce qu'explique à Zaman Winai Dahlan, directeur du Halal Science Center en Thaïlande. RSOCIETE 03

La Turquie, «grand pays ami et allié» de la France

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Le président Hollande s’apprête à effectuer une visite d’Etat en Turquie les 27 et 28 janvier 2014. La dernière remonte à 1992. Le contexte semble favorable, la France du président socialiste ayant contribué à relancer le processus d'adhésion. Retour sur les précédentes visites de haut niveau et leurs enjeux. RTURQUIE 08

OPINION

disent des experts du domaine juridique. La loi autorise ainsi le sous-secrétaire du ministre de la Justice à être élu président du HSYK. Selon le projet de loi, le Haut Conseil ne sera plus compétent pour publier des décrets ou des circulaires, cette compétence étant attribuée au ministre de la Justice qui agira ainsi au nom du HSYK. De plus, les membres du Haut Conseil ne seront plus habilités à lancer des enquêtes. -TURQUIE 06

L’avenir de la justice turque est-il menacé ? -14

LE DÉFI DE L’ISLAM RADICAL -

Anthropologue du fait religieux et expert à l’Observatoire national de la laïcité, Dounia Bouzar s’attaque dans son dernier ouvrage au phénomène délicat de l’islam radical. Dans un livre coup de poing intitulé Désamorcer l’islam radical qui réunit quinze années de réflexion sur le sujet, elle livre ses analyses et ses inquiétudes sur un phénomène sectaire qui crée souvent l’amalgame avec l’ensemble des musulmans de France. Dans un entretien exclusif à Zaman France, elle dévoile les ressorts psychologiques de ces mouvements. RFOUAD BAHRI INTERVIEW 04-5

Constitution tunisienne : «C’était loin d’être garanti»

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Dans la suite du processus politique tunisien et trois ans après la révolution, l’Assemblée nationale constituante tunisienne vote actuellement les articles de la nouvelle Constitution. Khaoula Matri est sociologue. Elle revient pour Zaman France sur la place de l’islam dans ce nouveau texte, celle de l’égalité hommefemme et sur la situation actuelle du pays. RFARIDA BELKACEM INTERNATIONAL 09

Islam radical : désamorçons le débat FOUAD BAHRI rEDITO 02

Le succès de la tournée d’Erdogan en Extrême-Orient

Mawlid, commémoration de la naissance du prophète Muhammad

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Chaleureusement accueilli en Extrême-Orient, Erdogan a eu l’occasion de s’exprimer sur sa vision de la diplomatie turque. Pour lui, «la Turquie n’a pas vocation à devenir une puissance régionale ou internationale». RINTERNATIONAL 10

Zaman Okur Hattý: 01 42 00 19 36

Ce mardi 14 janvier, les musulmans de par le monde ont commémoré le Mawlid al-Nabi, la naissance du Prophète Muhammad, né durant le mois de Rabi’a al-Awwal, le 3e mois du calendrier musulman, en 571 après J-C. Cette année marque le 1441e anniversaire de sa naissance. RSOCIETE 03


02 FRANCE

Le virage social-démocrate de François Hollande

EDITO FOUAD BAHRI

Islam radical : désamorçons le débat Dans un entretien exclusif accordé à la rédaction de Zaman France, l’anthropologue et ancienne éducatrice Dounia Bouzar nous livre ses analyses et l’aboutissement de son travail sur un sujet souvent délicat à aborder : celui de l’islam radical. Délicat car longtemps, en France, dans les discours et les représentations médiatiques, la radicalité ne désignait pas une chose précise lorsqu’elle était employée contre l’islam. Les éditorialistes, intellectuels et politiques y glissaient pêlemêle toutes sortes d’éléments : hijab, port de la barbe et toute pratique assidue de la religion, en y associant aussi les forme de violence, terrorisme et autres attentats meurtriers ! Depuis, les Français de confession musulmane gardent souvent un goût amer teinté de méfiance lorsqu’on leur parle d’islam radical. Avec Dounia Bouzar, les choses sont différentes car elles sont claires. L’islam radical abordé dans son ouvrage désigne les formes de pratiques ou de discours qui provoquent une rupture sociale, familiale et psychologique de l’individu avec son entourage. Cette approche de la question se pose en amont de toute considération sécuritaire ou doctrinale. Les formes sectaires de l’islam dit radical ne désignent plus une mouvance particulière comme le salafisme, souvent décrié, ni même nécessairement une certaine visibilité de l’islam, mais une conséquence identifiable, celle de la rupture individuelle. Certes, on pourra reprocher à l’auteure l’emploi et l’accumulation de termes parfois anxiogènes pour qualifier ce phénomène, voire certaines de ses analyses sur le halal notamment, qui attribuent une influence des radicaux de l’islam auprès de ceux qui expriment une certaine exigence alimentaire sur ce sujet. D’autres reprocheront à l’auteur le caractère engagé et personnel de l’ouvrage, qui tranchent avec les précédents livres. Mais ce serait une erreur car cet ouvrage est précisément un livre de réflexion et donc aussi un livre de conviction. Le «cri» d’une femme pour ouvrir un débat nécessaire sur un sujet préoccupant. Briser le tabou intracommunautaire de l’islam radical auprès d’un public qui craint de donner le bâton pour se faire battre en émettant des critiques sur ce sujet, telle est la conviction de Dounia Bouzar. En ce sens, ce livre constitue pour les musulmans de France, une nouvelle pierre dans l’édifice indispensable de l’auto-critique. f.bahri@zamanfrance.fr

17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Dans sa conférence de presse ce mardi, François Hollande a eu l'occasion de décliner les détails de son «pacte de responsabilité». Le président a aussi parlé réformes structurelles, avec à la clé 50 milliards d'économies de 2015 à 2017. François Hollande lors d’une conférence de presse de près de trois heures devant un demi-millier de journalistes.

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François Hollande a pour la première fois mardi assumé son identité social-démocrate en détaillant son «pacte de responsabilité», plan de bataille basé sur une politique de l'offre mêlant baisses de charges et engagements pour l'emploi. Le président français a balayé le thème de sa relation supposée avec l'actrice Julie Gayet, révélée la semaine dernière par le magazine Closer, lors d'une conférence de presse de près de trois heures devant un demi-millier de journalistes. Il a évoqué «l'épreuve» traversée par le couple qu'il forme avec Valérie Trierweiler, hospitalisée depuis vendredi, promettant des réponses avant sa visite aux Etats-Unis début février.

35 MILLIARDS D’EUROS DE CHARGES EN MOINS L'essentiel de son intervention a été consacré à expliquer le plan de bataille pour la croissance qui passera par la fin du financement par les entreprises de la branche famille de la Sécurité sociale, soit 35 milliards d'euros de charges en moins. Le coup d'envoi des travaux du «pacte de responsabilité» proposé aux entreprises serait donné le 21

janvier. Ces discussions se concluront lors d'une grande conférence sociale au printemps.

UN DIRIGEANT SOCIAL, RÉFORMISTE ET RÉALISTE Le président a aussi parlé réformes structurelles et redéfinition des principales missions de l'Etat, avec à la clé 50 milliards d'économies de 2015 à 2017. Le président veut relancer la production via des économies, sans nouveaux impôts et sans perdre de vue la préservation du modèle social. «Nous n'avons pas encore gagné la bataille pour l'emploi. Il ne s'agit pas de changer de chemin, il s'agit d'aller plus vite, plus loin, d'accélérer, d'approfondir», a-t-il souligné. «Le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Il nous faut produire plus, mieux, c'est donc

sur l'offre qu'il faut agir», a-t-il encore expliqué. Les socialistes français ont toujours revendiqué la conduite d'une politique de la demande qui passe par des hausses du pouvoir d'achat, au contraire de la politique de l'offre pratiquée par l'Allemagne pour gagner des parts de marché. Refusant de se placer directement dans les pas du Français Lionel Jospin ou de l'Allemand Gerhard Schröder, François Hollande s'est défini comme un dirigeant «social, réformiste, réaliste, mais surtout patriote». «Ceux qui n’ont pas compris que j’étais social-démocrate peuvent encore poser une question», a-t-il plaisanté, glissant au passage une pique à l’intention de son prédécesseur UMP, Nicolas Sarkozy : «S’il suffisait pour être de gauche de creuser les déficits, ceux qui m’ont précéde sont d’extrême gauche!» PHOTO DE LA SEMAINE

Le volcan Sinabung est de nouveau entré en éruption en Indonésie. Plus de 25 mille villageois ont dû être évacués.

...ET UNE MAUVAISE

UNE BONNE...

Les honoraires locatifs des agents immobiliers vont baisser jusqu'à 50% dans les zones les plus chères de France grâce à la loi sur le logement, dont l'examen reprend mardi devant l'Assemblée nationale, a déclaré la ministre Cécile Duflot. L'encadrement et la garantie universelle des loyers sont les deux autres mesures phares de la loi sur l'accès

Risque de baisse de la production automobile en France en 2013 au logement et pour un urbanisme rénové (Alur) qui tente de répondre en 178 articles à la grave crise du logement en France. La loi Alur met en place une garantie universelle des loyers (Gul) qui vise à protéger les propriétaires contre les impayés et les locataires contre les risques d'expulsion. Elle entrera en application à partir de 2016.

Les chiffres de production de véhicules en France pour 2013, qui seront connus à la fin du mois, devraient refléter une poursuite de la tendance baissière observée depuis plusieurs années. Sur neufs mois, seuls 1,06 million de véhicules légers – voitures, camionnettes et fourgons – ont été produits, soit 18% de moins que pendant la période correspondante de 2012.

NOUVELLE

Les honoraires locatifs baisseront jusqu’à 50%


03 SOCIETE

66

millions

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C'est le nombre d'habitants que compte la France au 1er janvier 2014. C’est 280.000 de plus qu'un an auparavant, selon les chiffres publiés mardi par l'Insee. 63,9 millions de personnes résident en France métropolitaine et 2,1 millions dans les cinq départements d'outre-mer.

Marché du halal : trop de produits non conformes

Le marché du halal en pleine expansion a vu se développer une production non contrôlée. Au point qu'aujourd'hui, 13 % des produits halal ne sont pas conformes à la certification. C'est ce qu'explique à Zaman Winai Dahlan, directeur du Halal Science Center en Thaïlande.

Le halal est devenu un secteur d’envergure internationale.

MESUT ÇEVIKALP BANGKOK Le marché halal augmente de telle façon qu'il devient un secteur incontrôlable, affirme le professeur agrégé Winai Dahlan, également directeur et fondateur du Halal Science Center (HSC) de l'université de Chulalongkorn en Thaïlande. Dans une interview à Zaman, Dahlan explique que la croissance du marché pouvait aussi entraîner des risques pour le consommateur qui ne lit pas assez attentivement les étiquettes des ingrédients et tendent à trop se fier au label halal.

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DE NOMBREUX PRODUITS NON CONFORMES À LA CERTIFICATION «Les certifications ne sont pas assez strictes et les consommateurs devraient prendre le temps d'analyser les marques et les ingrédients des différents produits car ceux-ci peuvent être non conformes à la certification halal», a-t-il déclaré. Dahlan explique que 13 % des produits halal testés par le HSC se sont révélés être effectivement non conformes, preuve que le secteur devrait être plus contrôlé et faire l'objet d'inspections régulières. La valeur du marché mondial du halal dépasse désormais mille milliards de dollars, ce qui entraîne notamment une hausse de la production illicite de nourriture halal, a noté Dahlan. Celui-ci a ajouté que le marché était censé atteindre une valeur de deux mille milliards de dollars d'ici à 2030, les non-musulmans étant de plus en plus intéressés par ce type de nourriture et la concurrence se faisant de plus en plus pressante. Les principaux pays exportateurs de halal sont des pays non-musulmans comme le Brésil, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde ou encore la Thaïlande. La Turquie, quant à elle, fait partie de ces nouveaux pays qui veulent investir ce secteur. Petit bémol, rappelle Dahlan, la production d'aliments halal requiert d'importants investissements en termes d'infrastructure, des compétences ainsi qu'une main-d'oeuvre consciencieuse.

UNE APPLICATION POUR IPHONE Le HSC, qui existe depuis 18 ans, possède une maind'oeuvre constituée à 90 % de musulmans. Le HSC est le premier organisme à avoir été créé pour l'étude et la certification de la nourriture halal. Le centre comprend un comité consultatif composé d'intellectuels musulmans qui met en place des projets en lien avec le secteur privé en Thaïlande, le pays asiatique visant à augmenter ses parts de marché dans le secteur du halal. Le HSC fournit également plusieurs services comme la production halal ainsi que le contrôle et l'inspection des entreprises. Il dispense aussi des formations dans ce secteur à l'issue desquelles les stagiaires se voient remettre des diplômes. Dahlan précise que le centre procède à des analyses sur de nombreux produits, dont des cosmétiques, des produits pharmaceutiques, de la nourriture et des textiles. Grâce à ces analyses, le centre peut par exemple déterminer si un morceau de viande provient d'un animal tué selon les rituels halal ou non. Il se peut aussi que les fruits de mer deviennent non conformes lors de l'ajout d'ingrédients. Des tests HSC ont prouvé que certains fruits de mer en conserve contiennent du porc. «Il y a aussi beau-

Des programmes ont été organisés dans des salles en Turquie.

coup de porc dans les cosmétiques. L'une de nos études les plus approfondies a consisté à codifier les aliments contenant du porc et à créer une application pour iPhone grâce à laquelle les consommateurs peuvent facilement avoir accès aux données concernant ces aliments», a précisé Dahlan. Il a ajouté que certains produits halal crus pouvaient devenir non conformes à la certification halal lors de l'empaquetage et de la distribution, certaines mesures utilisées pour conserver les produits pouvant contenir de la gélatine.

LE MARCHÉ TURC CIBLÉ La Thaïlande, dont le marché halal croît de 20 % par an, prévoit de s'ouvrir au marché du Moyen-Orient, dont la Turquie. «Le secteur de la nourriture halal a été créé pour les musulmans du pays. Mais la demande croissante en a fait un secteur commercial d'envergure internationale. Nous avons beaucoup progressé par l'intermédiaire de la sensibilisation, de la formation et des investissements dans la production de halal et possédons une forte infrastructure et une importante variété de produits», a déclaré un représentant officiel thaïlandais.

Mawlid, commémoration de la naissance du prophète Muhammad SUHEDA ASIK PARIS Ce mardi 14 janvier, les musulmans de par le monde ont commémoré le Mawlid al-Nabi, la naissance du Prophète Muhammad, né durant le mois de Rabi'a al-Awwal, le 3e mois du calendrier musulman, en 571 après J-C. Cette année marque le 1441e anniversaire de sa naissance. Commémoré pour la première fois aux environs du 13e siècle, le Mawlid, appelé Mevlid Kandili en turc, donne lieu généralement à des sermons et à des rappels de la vie du Prophète et

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de sa mission. Les gens se font des cadeaux dans une ambiance festive et il est de coutume en Turquie de manger et d'offrir des kandil simidi, patisserie salée consommée durant les jours saints, souvent même distribuée par les municipalités turques. Mevlid Kandili a été fêté dimanche dernier en Turquie. Des programmes avec des prières et ilahi (chant religieux) ont été organisés dans des salles et mosquées, aussi bien en Turquie qu'à l'étranger, au sein des communautés turques immigrées.


INTERVIEW04-05

DOUNIA BOUZAR :

«On diagnostique l’islam radical à ses effets de rupture» Anthropologue du fait religieux et expert à l’Observatoire national de la laïcité, Dounia Bouzar s’attaque dans son dernier ouvrage au phénomène délicat de l’islam radical. Dans un livre coup de poing intitulé Désamorcer l’islam radical qui réunit quinze années de réflexion sur le sujet, elle livre ses analyses et ses inquiétudes sur un phénomène sectaire qui crée souvent l’amalgame avec l’ensemble des musulmans de France. Dans un entretien exclusif à Zaman France, elle dévoile les ressorts psychologiques de ces mouvements.

Forsane Alizza (les cavaliers de la fierté) est un groupuscule radical créé en août 2010 à Nantes par Mohamed Achamlane et dissous le 1er mars 2012 par l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant, pour ses appels à la «lutte armée». FOUAD BAHRI PARIS A quel public vous adressez-vous ? J’ai écrit ce livre pour deux catégories principales : les musulmanophobes et les musulmanophiles. Toute personne qui aujourd’hui pense que l’islam doit être éradiqué fait monter l’autorité de l’islam radical car cela produit une vision bipolaire qui se nourrit mutuellement en miroir. C’est grâce aux islamophobes que le Front national est en train de monter. Mais aussi tous les islamophiles, quels qu’ils soient (responsables associatifs, intellectuels, non musulmans islamophiles) qui pensent

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«Les jeunes «qui vont mal» passent par l’islam radical pour fuir le monde réel» que par nature les musulmans sont des êtres dominés. Que débattre de ce qui ne va pas, c’est aussi faire le jeu du Front national… Ce sont les deux faces d’une même pièce car les deux considèrent les musulmans comme une entité homogène ayant des caractéristiques naturelles, inférieures pour les

uns, simplement différentes pour les autres. Ils perçoivent les musulmans au travers des représentations qu’ils en ont, sans les laisser se définir euxmêmes librement. Ce livre s’adresse à ceux qui veulent encore «penser l’islam»… C’est un livre de musulmane. Votre livre s’appuie sur deux notions importantes : l’islam radical et les mouvements sectaires. Pouvez-vous les définir ? Du point de vue de l’ancienne éducatrice que je suis, un discours est radical lorsqu’il mène l’individu à l’autoexclusion ou à l’exclusion des autres, dans un processus de rupture sociale, professionnelle, identitaire et familiale. Il suffit d’interroger l’effet du discours pour savoir si ce dernier permet à l’individu de se structurer, de se ressourcer et de prendre une place au sein de la société, même si ce discours est orthodoxe. Je ne regarde pas les mouvances car par expérience, j’ai connu des jeunes qui se réhabilitaient et se renarcissisaient en passant par des mouvements orthodoxes. Ils se reconstruisaient des limites grâce à leur pratique religieuse, par exemple en prison, et donc prenaient conscience de l’Autre. On diagnostique l’islam radical à ses effets de rupture, pas à la mouvance elle-même.

Pourtant dans votre livre, vous évoquez le cas de ces jeunes qui violaient la loi en tant que délinquants et qui ont trouvé le moyen dans leur conversion à l’islam de rejeter encore une fois la loi républicaine avec toute la légitimité que peut leur procurer leur lecture religieuse souvent radicale ? Le profil positif d’une reconstruction psychologique par l’islam que je décrivais était majoritaire jusqu’à ces cinq dernières années. Depuis, les choses ont changé. Aujourd’hui, les jeunes « qui vont mal » passent par l’islamnon pour se trouver des repères mais pour fuir le monde réel et s’inventer une nouvelle filiation. Ils pourraient passer par un autre moyen pour « se régénérer » et « trouver un rôle » au sein de la société. Le religieux n’est qu’un moyen, pas une fin spirituelle pour ceux-là. Ne pas les voir, cela revient à les laisser seuls avec leur symptôme et leur souffrance. L’islam radical est-il identifiable aux dérives sectaires que vous dénoncez ? En fait, le discours de l’islam radical a utilisé tous les procédés psychologiques des mouvements sectaires : rupture avec la civilisation (arabomusulmane), destruction de l’histoire personnelle et familiale, mythe de l’existence d’un groupe purifié qui détiendrait « la vérité », effacement

des contours identitaires pour se sentir « le même », remplacement de la raison par le mimétisme, etc. Le discours sectaire est le moyen de mettre la personne en rupture. Aux Etats-Unis, les évangélistes utilisent exactement les mêmes procédés. Il faut distinguer l’islam de ces formes radicales car entretenir l’amalgame profite aux radicaux et aux musulmanophobes. La rupture est-elle le résultat d’un discours radical ou de l’interaction individuelle d’une personne à ce discours ? La différence entre ce type de discours et les sectes, c’est l’absence de gourou. On n’a pas de gourou en chair et en os. C’est un discours qui fait autorité sur internet, auprès de jeunes qui n’ont eu aucune transmission religieuse. Ce sont des jeunes qui ont grandi dans des «trous de mémoire». L’islam est une religion universelle qui ne fait pas de différence entre les êtres humains, le mérite revenant au plus pieux ou au plus juste. La caractéristique des mouvements sectaires est qu’ils pensent faire partie d’un groupe purifié face à une société «païenne» régie par le mal. Ils croient de manière authentique qu’ils doivent construire des barrières symboliques infranchissables autour d’eux pour se protéger de l’impureté et


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du mal, ce qui les mène à l’exhibition religieuse. Transformer la foi en simple code est une manière pour eux de se reconnaître, à l’image des chaussettes remontées et des immenses barbes… Cette exhibition ne vise pas à tester la République, cela n’a rien à voir avec cela. Il s’agit pour eux de se protéger mais aussi d’une certaine manière de sauver le monde du déclin en y injectant un peu de pureté… Vous inscrivez-vous dans une critique globale de la visibilité religieuse ? J’ai longtemps défendu la visibilité religieuse en soulignant le fait que cette visibilité interrogeait la France. J’ai été une des premières en 2004 à travailler sur la francisation du foulard. L’islam a une philosophie qui est d’adapter son éthique à toutes les cultures du monde. En France, on n’aime pas voir une musulmane, mais voir une Française. J’avais donc défendu l’idée d’inventer un foulard qui transcende l’aspect religieux, avec des couleurs et avec une façon de le nouer un peu à la Simone de Beauvoir. Même chose pour la petite barbe taillée. Ce qui fait partie de l’identité de la personne, je l’ai toujours défendu, dans l’idée qu’elle devienne une des composantes du patrimoine culturel français. Cette visibilité – ne plus cacher sa référence musulmane parce qu’on se sent chez soi - est la marque d’une intégration réelle. J’ai aussi signé la pétition qui disait qu’il n’était pas possible d’empêcher les mamans de participer aux sorties scolaires car je trouve cette interdiction scandaleuse et lâche. Il s’agit d’une persécution des musulmans pratiquants alors qu’on ne dit rien des mouvances sectaires. Je ne m’oppose pas à la visibilité en soi mais à celle qui crée de la rupture. Vous abordez cette question de l’islam radical sur le mode de la pathologie... Complètement. Je pense que beaucoup de ces jeunes auraient été traités en toxicomanie il y a une quinzaine d’années car ils présentaient un peu les mêmes symptômes. Besoin de s’échapper à tout prix du réel car il se sentaient inutiles... Les gens attirés par les discours extrémistes, sectaires voire totalitaires, ont non seulement le sentiment qu’ils n’ont pas leur place dans la société mais que les autres ne leur garantissent aucune place, comme le disait Hannah Arendt. En ce sens, l’interdiction des sorties scolaires aux mamans voilées est dangereuse car jusqu’à présent, on disait à l’enfant que sa mère était utile à la société. Aujourd’hui, le discours est non seulement «ta maman n’est pas utile», mais aussi «elle est interdite» parce qu’elle a un foulard sur la tête. Comment ces enfants vont-ils croire qu’ils ont une place au sein de la société si celle-ci refuse leurs propres mères auprès de la figure symbolique de l’instituteur ? Les politiques font tout à l’envers. Islam radical, mouvement sectaire, totalitarisme : n’avez-vous pas l’impression de trop charger la barque ou d’exagérer dans vos propos ? Vous appelez ça comment, se faire exploser ou exploser les autres au nom de Dieu ? De la religion ? Ce qui est compliqué, c’est de démontrer que ces dérives sectaires n’ont rien à voir avec l’islam. L’islam fait partie de ces religions qui ont construit les grandes civilisations. C’est une religion qui s’appuie sur la raison et la responsabilité. C’est pour cela qu’il n’y a pas de clergé. Les versets et les hadiths que nous avons sur la recherche du savoir sont très nombreux. Je parle de dérive sectaire car ces jeunes sont en état d’hypnose. Sur les sites, j’ai posé les mêmes questions à des personnes différentes et j’ai obtenu les mêmes réponses. Les mouvements sectaires ont pour autre caractéristique la rupture des liens familiaux et la destruction des histoires individuelles, jusqu’à inciter les jeunes à déchirer leurs photos de famille, pour

mieux les souder entre eux, les couper de l’extérieur et mieux les « regénérer ». Le discours de l’islam radical fait la même chose. Vous utilisez le terme de secte pour désigner les mouvements de l’islam radical que vous ciblez dans ce livre. Ce terme a deux sens. Vous l’utilisez vous-même dans le sens psychologique défini par la loi française mais il existe aussi un sens religieux qui désigne les courants hétérodoxes de l’islam. Or, certains mouvements radicaux restent malgré tout, du point de vue dogmatique, des courants sunnites, malgré les critiques que leurs pratiques peuvent soulever... Je ne l’utilise pas au sens religieux du terme que vous évoquiez mais au sens défini par la loi About-Picard. D’un autre côté, il faut bien trouver un terme qui désigne ces phénomènes pour ce qu’ils sont et pour que les politiques et les médias arrêtent l’amalgame. C’était le sens de ma position sur le niqab : au lieu de faire le procès de l’islam, il faut plutôt identifier cette pratique comme sectaire. Anthropologiquement, le niqab a existé avant l’islam chez les tribus pashtounes. L’islam n’a rien dit là-

dessus, mis à part que si ces tribus se convertissaient, les visages devaient être identifiables lors du pèlerinage. C’est ce que j’ai dit à la commission parlementaire sur le niqab. Après mon audition, tout le monde a parlé du niqab comme d’une « simple pratique musulmane ». Résultat : un rapport de 350 pages rempli d’amalgames et qui fait le procès de l’islam. L’un des objectifs affichés de votre ouvrage est de contribuer à distinguer les musulmans de ceux qui sont en lien avec des pratiques sectaires. Pourtant, vous dites que les musulmans finissent par protéger les radicaux et vous attribuez certaines pratiques, comme l’approche rigoureuse ou rigide sur la question alimentaire du halal, comme l’influence des radicaux sur les autres musulmans. Au final, une certaine continuité entre musulmans et radicaux est maintenue. N’est-ce pas l’échec de cet objectif ? Non, j’ai au contraire déconstruit ces amalgames. Il faut bien nommer les problèmes si on veut les déconstruire ! J’ai montré les responsabilités médiatiques et politiques dans le réflexe de déni du radicalisme chez certains musulmans, du fait qu’ils ne sup-

L’anthropologue Dounia Bouzar définit les mouvements sectaires par leur capacité à produire de la rupture sociale, familiale et identitaire chez ceux qui y adhèrent.

portent plus le procès de l’islam. Sur le halal, il y a de vraies questions qui certes ne vont pas faire plaisir, mais combien de musulmans connaissent la définition du Coran beaucoup plus ouverte que celle qui s’est imposée dans la communauté musulmane française et qui n’offre plus d’espaces communs de repas avec les autres ? Ce livre n’a pas pour ambition de plaire mais de faire réfléchir. Comment prévenir ces pratiques et qui est en mesure de le faire ? Les imams ? Je ne le pense pas car les imams n’ont pas de prise sur ces jeunes qui au fond se fichent de ce que Dieu dit… Je crois plus dans les mères de famille pour maintenir le lien familial. Je crois plus aux politiques dont le rôle doit être de maintenir le lien social et de leur garantir une place dans la société sans ouvrir par ailleurs une chasse aux sorcières contre le foulard. Vous décrivez mais vous n’identifiez pas précisément de mouvements sectaires. A qui pensez-vous ? Aux courants salafistes ? Pas forcément. Vous avez des salafistes orthodoxes qui sont très érudits. Ils ne sont pas en rupture avec la civilisation arabo-musulmane, au contraire. Ils ne sont pas en rupture familiale : en tant qu’orthodoxes, ils vont faire très attention à leurs parents. Vous pouvez être orthodoxes

et avoir une place dans la société. La dérive sectaire, c’est la rupture. Cela concerne essentiellement des jeunes. Je ne connais pas de personne de plus de 30 ans dans ces mouvements. Associez-vous la dérive sectaire à une forme aiguë de communautarisme ? Pas du tout. Pour moi, il n’y a pas de communautarisme musulman actuel. Il existe des phénomènes de ghetto social qui ne résultent pas de la volonté des ghettoïsés ! Si plus de communautarisme existait, il pourrait même protéger de la dérive radicale sectaire, dans le sens où ce sont des individus isolés et fragilisés qui sont endoctrinés... Si la société ne garantit pas de place à certains, les communautés peuvent avoir une fonction de «tremplin» qui protège et accompagne en douceur l’individu pour qu’il trouve sa place dans la société. Les musulmans ne sont pas communautaristes : ils ont investi les écoles publiques, les crèches publiques, ils n’ont pas organisé de secteur d’embauche entre eux… Contrairement à ce que le grand public pense, les musulmans ont longtemps cru en la devise de la République et en sa promesse. La mauvaise gestion de l’islam par les politiques est un vrai gâchis dont on ne mesure pas encore les conséquences…

Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur www.zamanfrance.fr


06 TURQUIE L’UE inquiète de la reprise en main du HSYK 17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

A Bruxelles, les critiques se multiplient à l'encontre de la Turquie depuis le début de l'affaire de corruption. Les dernières préoccupations exprimées concernent la reprise en main par le gouvernement du système judiciaire turc.

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Le Commissaire européen à l’Elargissement et à la Politique européenne de voisinage, Stefan Füle, a exprimé sur Twitter il y a quelques jours ses «inquiétudes (...) concernant la situation en Turquie par rapport à l’Etat de droit et l’indépendance judiciaire». Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement turc a proposé de restructurer le HSYK. S'il est adopté, le projet de loi renforcera la mainmise du gouvernement sur le pouvoir judiciaire, disent des experts du domaine juridique. La loi autorise ainsi le sous-secrétaire du ministre de la Justice à être élu président du HSYK. Selon le projet de loi, le Haut Conseil ne sera plus compétent pour publier des décrets ou des circulaires, cette compétence étant attribuée au ministre de la Justice qui agira ainsi au nom du HSYK. De plus, les membres du Haut Conseil ne seront plus habilités à lancer des enquêtes.

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement turc a proposé de restructurer le HSYK.

UNE MENACE À L'ADHÉSION TURQUE À L'UE Le démocrate libéral anglais et membre à la délégation parlementaire mixte Turquie-UE, Andrew Duff, avait déjà mis en garde le 13 janvier contre le risque que la situation actuelle mette fin au processus de négociation sur l'adhésion de la

Turquie à l'UE. «Ce qui s'est passé après le 17 décembre révèle que l'Etat turc est en crise. Erdogan veut concentrer tout le pouvoir entre ses mains: les médias, le système judiciaire...», a déclaré Andrew Duff au site internet ABHaber. «De nombreuses modifications au rapport sur la Turquie de l'UE ont été effectuées après le 17 décembre», a affirmé Duff.

L'ORGANISATION DU HSYK LOUÉE PAR L'UE Au final, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe ont tous deux critiqué la reprise en main draconnienne du HSYK par le gouvernement turc pour étouffer l'affaire de corruption. Tandis que l'UE a appelé le gouvernement turc à ne pas miner le système judiciaire, le Conseil de l'Europe a déclaré que le vote de cette loi sur la réorganisation du HSYK constituerait un «grave revers». Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, a déclaré sur Twitter que l'indépendance judiciaire serait remise en cause avec cette nouvelle loi. Pour la quatrième fois en trois semaines un avertissement en ce sens a d'ailleurs été adressé au gouvernement turc par la Commission européenne.

Quand l’AKP veut censurer internet AYDIN ALBAYRAK ANKARA Un amendement à la loi n°5651 sur la cybercriminalité, récemment introduit par un député AKP, pourrait conduire le gouvernement à censurer internet et les médias sociaux, ont rapporté les analystes. Selon l'amendement, le ministère des Transports, des affaires maritimes et des communications ainsi que le président de la Direction des télécommunications (TIB) pourront bloquer des sites internet sans obtenir d'autorisation légale au préalable. Le projet de loi inclut également une mesure qui permet d'enregistrer les historiques de recherche internet des utilisateurs et de les conserver pendant deux ans.

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UNE LOI CONTRAIRE À LA CONSTITUTION La loi, soumise par le député AKP Zeynep Karahan Uslu, requiert que les censures du ministère des Transports et du président du TIB soient appliquées dans les quatre heures. «Le gouvernement a probablement peur que des vidéos liées à la corruption ou à d'autres sujets ne soient publiées sur internet», a déclaré Halici, notant l'approche des élections municipales turques. Lors de la dernière campagne électorale, des vidéos sur des scandales sexuels où des candidats avaient été impliqués avaient été publiées pour influencer les électeurs. La loi prévoit des amendes se situant entre 2000 et 50.000 livres turques. Selon le président de l'Association des droits de l'homme (IHGD), Günal Kursun, cette loi qui donne au ministère des Communications et au président du TIB le droit d'interdire certains sites internet est contraire à la Constitution, étant donné que les deux institutions ne sont pas des autorités judiciaires. Le fait que la loi oblige les fournisseurs de services internet à contrôler les internautes et à en informer les autorités viole la Constitution, note Kursun, «car cela ressemble du profilage». Notant que les tribunaux ont prononcé des décisions pour la fermeture de près de 4 000 sites internet, il a ajouté que «les décisions des tribunaux turcs prononcés jusqu'à présent n'étaient pas, après tout, tellement libertaires».

Youtube partiellement inaccessible en Turquie

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Selon le quotidien Hurriyet, l'accès au site de vidéo-partage YouTube a été bloqué pour les internautes qui se connectaient via d'autres serveurs notamment TurkNet. Un message indiquait aux utilisateurs que «le website avait été bloqué par décision de justice». Un autre site, Vimeo, le site internet américain de partage de vidéos avait été bloqué sur une décision du tribunal pénal jeudi 9 janvier au soir, avant d'être accessible à nouveau le vendredi matin. Le blocage du site avait entraîné des interrogations sur la liberté d'expression notamment dans un contexte où un député du parti au pouvoir avait déposé un amendement pour modifier la loi sur la cybercriminalité ; il avait été perçu comme pouvant sérieusement porté atteinte à la liberté d'expression sur Internet et les médias sociaux.

UNE FOIS LA CENSURE INSTITUÉE, ELLE A TENDANCE À S'AMPLIFIER Afin que les autorités retrouvent un destinataire lorsqu'elles jugent qu'une certaine publication doit être supprimée ou que l'accès à un site doit être bloqué, une association de fournisseurs d'accès à internet sera mise en place. Les analystes se disent inquiets car une fois que la censure est instituée, elle a tendance à s'amplifier. Pour Savas Bozbel, doyen de la faculté de droit de l'université internationale d'Anta-

lya, l'amendement est synonyme d'imposition d'une censure sur l'internet en Turquie. Bozbel pense que le contenu de l'amendement va foncièrement à l'encontre des réglementations européennes et des normes internationales que doit respecter la Turquie. Outre bloquer l'accès à certains contenus d'une page web, l'amendement prévoit également de bloquer l'accès à certaines pages web en contrôlant un nom de domaine ou une adresse IP par exemple.

«FAIRE TAIRE INTERNET ET LES MÉDIAS SOCIAUX» La décision avait eu lieu à la suite d'un amendement par l'AKP à la loi n°5651 sur la cybercriminalité. Cette initiative pourrait conduire le gouvernement à censurer internet et les médias sociaux ainsi que les profils d'utilisateurs. Cette décision a soulevé des préoccupations quant à l'intrusion du gouvernement dans la vie privée des Turcs. «Le gouvernement essaye de faire taire internet et les médias sociaux, comme il l'a fait avec les médias à la suite de l'enquête de corruption», a déclaré Emrehan Halici, vice-président du CHP. Vimeo et Youtube, où les internautes peuvent mettre en ligne, partager et regarder des vidéos, avait beaucoup été utilisé par les manifestants lors des protestations anti-gouvernementales de Gezi, lors de l'été 2013. Beaucoup y voient une volonté d'empêcher les opposants et les journalistes de partager des vidéos sur des activités sociales et politiques.


07 TURQUIE

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Nazli Ilicak, éternelle rescapée de la vie politique turque Journaliste de renom et ancienne députée, Nazli Ilicak est devenue la bête noire de la classe politique turque. Elle vient d’être renvoyée du journal Sabah pour avoir critiqué le gouvernement. Portrait de l’éternelle rescapée de la vie politique turque. SAMI KILIÇ PARIS Nazli Ilicak ne compte plus les pépins qui lui tombent dessus. Fille d’un ancien ministre déchu et traîné en justice après le coup d’Etat de 1960, elle a mené simultanément une carrière politique et journalistique. Autant dire, deux fronts où les coups bas ne manquent pas. Mais là, le contrecoup est difficile à encaisser. Celle qui a l’habitude de vaciller à chaque agitation politique a été, en effet, virée par ses «amis». Raison : avoir rompu les rangs en demandant aux quatre ministres mis en cause dans l’affaire de corruption de remettre leur démission.

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«LE DÉCLIC» Descendante de pachas ottomans (dont le commandant de La Mecque, Necip Pacha), elle est née à Ankara en 1944. Formée à «l’école française», elle est passée par le lycée Notre-Dame de Sion à Istanbul et la faculté de sciences politiques à Lausanne. Elle acquiert vite une conscience politique en 1960 quand l’armée incarcère son père, ministre dans le gouvernement de centredroit du légendaire Adnan Menderes. «Ça a été le déclic» avait-elle reconnu lors d’une interview à la télévision. Catapultée éditorialiste du journal Tercuman, le lendemain de son mariage avec le propriétaire du quotidien, Kemal Ilicali, le père de ses deux enfants, elle devient rapidement une figure incontournable de la droite turque. UN PARCOURS IDÉOLOGIQUE MOUVEMENTÉ Son engagement a connu trois phases. D’abord, le socialisme, découvert en Suisse. Son penchant pour la solidarité s’arrête cependant le jour où son père lui refuse une paire de chaussures, précisément pour cause de… solidarité avec les pauvres du pays. Anecdotique certes, mais cet épisode la pousse à approfondir son orientation idéologique. Deuxième temps : la droite modérée. Le coup d’Etat de 1980 la rapproche de Süleyman Demirel, le monstre sacré de la vie politique d’alors. Interdit d’activités, il exprime ses opinions grâce à Ilicak qui lui a ouvert sa chronique ; lorsqu’elle commence ses papiers par «un sage a dit que», tout le monde comprend. Troisième palier : la droite conservatrice. Lors du «coup d’Etat post-moderne» de 1997, elle sera congédiée du journal Aksam avec son fils et son second mari. Une autre aventure commence. Adepte d’un mode de vie séculier, elle n’hésite pas un instant à rejoindre le mouvement religieux de Necmettin Erbakan, l’autre géant de l’échiquier politique. Bannie de la «haute société», elle deviendra députée en 1999. Mais rebelote, elle est déchue par la Cour constitutionnelle ; raison invoquée : avoir intro-

duit la députée voilée Merve Kavakçi dans l’hémicycle… Elle fera condamner la Turquie à Strasbourg ; la Cour européenne estimera en 2007 que la déchéance a porté atteinte à son droit d’être élue et d’exercer son mandat.

AU NOM DE LA TRANSPARENCE... Elle se rapproche alors d’Erdogan et soutient l’AKP, parti de la justice et du développement. Candidate à la députation en 2007, elle sera cependant recalée par Erdogan. Celui-ci s’est toujours méfié de cette femme trop incontrôlable… Elle ne s’en formalisera pas et continuera à le soutenir. Jusqu’aux opérations du 17 décembre 2013. Le jour où elle demande, au nom de la transparence, le retrait des ministres concernés. Elle est sèchement débarquée du journal pro-gouvernemental Sabah. Elle reste cependant convaincue qu’un tiers essaie de déstabiliser et le mouvement Gülen et le gouvernement d’Erdogan et pointe le MIT, les services de Renseignement. Son mari le lui avait pourtant soufflé : «C’est bien de mener un combat pour ses idées mais il ne faut pas être le premier à tomber». Encore raté. Au nom de la liberté…

Descendante de pachas ottomans, Nazli Ilicak est née à Ankara en 1944.


08 TURQUIE

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France-Turquie : les présidents passent, l’amitié demeure

Le président Hollande s’apprête à effectuer une visite d’Etat en Turquie les 27 et 28 janvier 2014. La dernière remonte à 1992. Le contexte semble favorable, la France du président socialiste ayant contribué à relancer le processus d'adhésion. Retour sur les précédentes visites de haut niveau et leurs enjeux. SAMI KILIÇ PARIS Les présidents français ont toujours pris le soin de commencer par le plus simple. Le rappel de l'ancienneté des relations franco-turques... un demi-millénaire. Les visites d'Etat peuvent précisément avoir cela de banal qu'elles sont une occasion d’entendre des amabilités. Ce qu’il est convenu d’appeler les «discussions franches» se font à d’autres occasions. Autre cliché : la Turquie est un «pont», un «pays au carrefour de nombreux héritages». Mais encore ? a-t-on envie de demander. C'est bien là que les choses se corsent. Et chacun répond selon sa sensibilité politique. Seulement deux présidents français ont fait une visite d’Etat. Le passage furtif de Sarkozy, qui avait tant exaspéré les Turcs, n'était qu'une réunion de travail... dans le cadre du G20.

A peine arrivé, De Gaulle salue la foule en turc.

Mitterrand et Özal.

Sarkozy et Gül.

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DE GAULLE ET L’INDÉPENDANCE Du 25 au 30 octobre 1968, Charles de Gaulle visite la Turquie sous les vivats. A peine descendu de l’avion, il salue la foule en turc ce qui enthousiasme jusqu’au président Cevdet Sunay, un autre général connu pour être droit dans ses bottes, qui applaudit à tout rompre. Les Turcs accueillent l'ami, le signataire de l'Accord d’Ankara qui ouvre les portes de l'Europe à la Turquie. Et le symbole est grandiose quand le «sauveur de la France» dépose une gerbe au mausolée d’Atatürk, le «père des Turcs». Il écrira une seule phrase sur le livre d’or, phrase dont le souffle est autrement historique : «De toutes les gloires, Atatürk a atteint la plus grande : celle du renouveau national». C’est dire l’accueil triomphant. Le doyen Inönü, ancien Premier ministre d’Atatürk et deuxième président de la jeune République, se déplace pour rencontrer le leader français. Le Premier ministre de l’époque, Süleyman Demirel, ne le quitte pas d’une semelle. L’époque est celle de l’affrontement des blocs américain et soviétique. Lors du dîner donné à son honneur, le général de Gaulle se lance dans un discours improvisé où il martèle

son sujet fétiche : «Voici la Turquie, maîtresse des détroits, entre l'Europe et l'Asie antérieure(…). Voici la France, ouverte à la fois sur l'Atlantique, les mers du Nord et la Méditerranée. (…) La Turquie et la France, ainsi investies par la nature et par l'histoire de tant de responsabilités extérieures, quant au destin de tant d'hommes, les voici résolues à les porter elles-mêmes, ces responsabilités-là. Autrement dit, à maintenir leur intégrité et leur indépendance».

MITTERRAND ET LE PROBLÈME KURDE Le 13 avril 1992, le président Mitterrand est accueilli sur le tarmac par Turgut Özal, président libéral qui a succédé au putschiste Kenan Evren en 1989. Le président français vient surtout signer l’accord sur l’ouverture de l’Université francophone de Galatasaray. Il salue à l’occasion le «rôle croissant et la position centrale de la Turquie, élément de l'espace européen et pont entre l'Asie et le Moyen-Orient». Le contexte est complètement différent. Les blocs se sont effondrés, la Turquie tente de se rapprocher des pays frères turcophones, libérés du joug soviétique. Ironie de l’histoire, le Premier ministre est encore là, le même, Süleyman Demirel. François Mitterrand a un véritable attachement pour ce pays. Il passera ses vacances de fin d’année à Antalya en décembre 1992. Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995, écrira ainsi dans son livre Les Mondes de François Mitterrand : «Avec les années, l’intérêt du président pour la Turquie a crû : il est sensible au poids géopolitique de ce pays, à l’histoire dont il est issu, à sa culture. Il apprécie la politique orientée vers l’Europe du Président Ozal, qu’il rencontre à plusieurs reprises». Mais il ne

cache pas non plus sa préoccupation sur le sort des Kurdes. Et Danielle, son épouse, considérée comme la «mère des Kurdes» n’est jamais trop loin pour le lui rappeler. Lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue turc, il n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat : «La France a de l'amitié pour le peuple kurde et pense que ce peuple souffrant doit se voir appliquer en toute circonstance le respect du droit des gens». Mais en homme d’Etat responsable, il ajoute : «La France sur ce terrain-là considère qu'elle n'a pas à troubler davantage le climat de cette région difficile en encourageant les Kurdes à revendiquer la création d'un Etat, qui n'est pas de circonstance. La France respecte le droit et la souveraineté des Etats où il y a des Kurdes et particulièrement la souveraineté turque».

SARKOZY, L’OCCASION MANQUÉE En février 2011, lorsque le président Sarkozy pose le doigt de pied en Turquie (5 heures montre en main), les relations sont pour le moins tendues. Le président français n’y est en réalité qu’en tant que président du G20 et non en sa qualité de chef de l’Etat français. Et sa franche opposition à l’adhésion

de la Turquie dans l’Union européenne n’aide pas à arrondir les angles. Pour le descendant d’un Ottoman de Salonique, c’est l’occasion manquée… Mehmet Ali Birand, grand journaliste décédé en 2013, a été le seul à pouvoir l’interroger par écrit. «La Turquie est un grand pays. C’est un pays qui a un rôle irremplaçable à jouer : celui d’un pont entre l’Occident et l’Orient, celui d’un trait d’union entre deux mondes. Aucun autre pays ne peut tenir ce rôle, dont le monde actuel a plus que jamais besoin. Cela suppose que la Turquie conserve la place unique qui est la sienne», avait-il assuré.

L'HEURE DE FRANÇOIS HOLLANDE Arrive maintenant François Hollande, un président connu pour ne pas avoir une curiosité particulière pour ce pays. Nedim Gürsel, écrivain turc vivant en France depuis de nombreuses années, assurait dernièrement sur le plateau de CNN Türk qu’il avait échangé quelques mots avec lui. Ce dernier se serait demandé si sa visite ne donnerait pas l’impression de conforter Erdogan… Mais officiellement, la Turquie reste un «grand pays ami et allié». Les présidents passent, le discours demeure.


09 INTERNATIONAL

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17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

«Nous avons quitté le pouvoir par choix éthique» Dans un entretien accordé au Monde, Rachid Ghannouchi explique le choix du parti Ennahda de quitter le pouvoir tunisien.

Constitution tunisienne : «C’était loin d’être garanti» Dans la suite du processus politique tunisien et trois ans après la révolution, l’Assemblée nationale constituante tunisienne vote actuellement les articles de la nouvelle Constitution. Khaoula Matri est sociologue, enseignante à l'Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, et chercheur au CREDIF (Centre de Recherches, d'Etudes de Documentation et d'Information sur la Femme). Elle revient pour Zaman France sur la place de l'islam dans ce nouveau texte, celle de l'égalité homme-femme et sur la situation actuelle du pays. FARIDA BELKACEM PARIS Quelle place occupe l'islam dans la nouvelle Constitution ? Dans la nouvelle constitution tunisienne, la place occupée par l'islam fait déjà l'objet d'une polémique importante. L'article 1 stipule: «La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime». L'interprétation qu'on peut en faire ne fait pas l'unanimité. Il y a un grand débat entre la gauche et la Troika (Ennahda et ses alliés). De nombreuses personnes se battent pour dire qu'on n'a pas le droit de toucher au sacré et à l'être divin. Ils essaient d'imposer que ce qui est sacré dans l'islam doit être garanti par la constituante. Autre exemple, l'article 38, qui traite de l 'éducation et mentionne que «L'état veille à encrer l'identité arabo-musulmane et la langue arabe, la promouvoir, et généraliser son utilisation aux jeunes générations». Cet article insiste sur l'identité arabo-musulmane, mais sans l'élargir aux valeurs universelles d'ouverture à d'autres cultures ou au progrès scientifique.

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Article 38 : «L'Etat veille à encrer l'identité arabo-musulmane et la langue arabe»

La nouvelle Constitution interdit l'accusation d'apostasie, c'est une bonne nouvelle … C'est la conséquence du week-end infernal pour la Tunisie, au cours duquel les débats ont été interrompus parce que le député Mongi Rahoui, de la coalition de gauche Front populaire, avait reçu des menaces de mort. Il avait été accusé Habib Ellouze, député de droite, d'être contre l'islam et la religion pour avoir rappelé que l'islam est la religion du peuple et non pas de l'Etat. On pouvait presque voir se reproduire le scénario à la Chokri Belaïd ! Les députés nahdaouis s'étaient prononcé contre ces propos de Habib Ellouze. Suite à ça, les députés ont validé l'interdiction d'accusation d'apostasie et c'est en effet une grande avancée. Quel autre point positif retenez-vous de la nouvelle Loi fondamentale ? L'article 20 dispose que : «Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune». C'était loin d'être garanti. Pendant deux ans la société civile, les associations, les féministes,

Il y a trois ans, le 14 janvier, Ben Ali quittait le pouvoir.

ont tout fait pour parvenir à ce résultat. La manifestation du 13 août de la fête de la femme, était l'une des plus grandes qu'ait connues la Tunisie de l'avis de tous les observateurs. Les associations étaient très mobilisées. On peut parler de soulagement mais avec précaution. Car le fait de dire qu'ils sont égaux «devant la loi» et pas «dans la loi» peut être mal interprété. Egalement, l'inscription de la parité homme-femme («L'État oeuvre à la réalisation de la parité des hommes et des femmes dans les assemblées élues», article 45) . Même si, en réalité, il est difficile de savoir ce qu'il en sera réellement. Ça doit être concrétisé par un travail associatif et de promotion de la part de l’État et des partis politiques. Dans le parcours individuel des femmes, cette égalité reste à atteindre. Le vrai souci reste l'égalité des chances. Il y a trois ans, le 14 janvier, Ben Ali quittait le pouvoir. Où en est la Tunisie aujourdhui ? Parleriez-vous d'un recul ou d'une avancée de la situation, par rapport à avant la révolution ? C'est vrai que la liberté d'expression a augmenté par rapport à l'avant-révolution, mais il est devenu plus difficile de s'exprimer sur les questions religieuses. En réalité, d'un point de vue pratique, on est plutôt dans un recul des libertés individuelles, sur le plan religieux surtout. Le contrôle social a augmenté et l'auto-censure des femmes aussi. Ça s'observe dans la vie de tous les jours. Il y a beaucoup d’agressivité

au quotidien et un plus grand sentiment d'insécurité. On ne peut pas être libre si on n'est pas en sécurité. Et je parle de tous les individus, les menaces qu'a reçues M. Rahoui étaient inquiétantes pour tous. Mais il y a aussi les menaces des terroristes un peu partout, la circulation des armes et les salafistes qui s'imposent dans les quartiers et surtout dans les quartiers populaires. Les agents de police et le ministère de l'Intérieur se focalisent sur ces menaces, ils contrôlent par exemple les voitures de location pour lutter contre la circulation d'armes. Du coup, la délinquance du quotidien est devenue un sujet second pour eux. Il y a un réel manque d'organisation de la part des forces de sécurité et les femmes, en particulier se sentent moins en confiance. On a toujours peur, on ne peut pas sortir seule, conduire sur de longues distances. Que signifie, selon vous, le départ d'Ennahda? C'est le fruit d'un long dialogue national. Heureusement, nous ne reproduisons pas le scénario égyptien. Mais ne vois pas, personnellement, Ennhada céder le pouvoir si facilement. Les membres d'Ennahda restent bien implantés au sein de l'administration tunisienne. La transition démocratique dépend, entre autres, de la concrétisation des autres points de la feuille de route.

Un adolescent pakistanais se sacrifie pour arrêter un kamikaze -

Des étudiants pakistanais à côté du portrait de Aitzaz Hasan, Hangu, Pakistan.

Un responsable de la police pakistanaise a proposé que la plus haute distinction civile du pays soit décernée à titre posthume à un adolescent qui, au prix de sa vie, a empêché un kamikaze de commettre un attentat suicide dans une école. Aitzaz Hassan, âgé de 17 ans, s’est interposé lundi au moment où un kamikaze cherchait à s’introduire dans un établissement scolaire de Hangu, dans la province du Khyber-Pakhtunkhwa (nord-ouest). Le kamikaze s’était approché de l’établissement avec des explosifs dissimulés sous un uniforme de lycéen, mais certains élèves ont remarqué son allure et son comporte-

ment suspects et ont crié pour qu’on l’empêche d’entrer. Aitzaz Hassan s’est jeté sur lui mais l’homme a eu le temps d’actionner ses explosifs.

UN MARTYR NATIONAL AU PAKISTAN Tous deux sont morts dans l’explosion mais aucun autre élève de l’établissement n’a été blessé. Une organisation extrémiste sunnite, le Lashkar-e-Jhangvi, a revendiqué l’attentat. Le chef de la police du Khyber-Pakhtunkhwa, Nasir Khan Durrani, a proposé vendredi que la plus haute distinction civile soit décernée à l’adolescent. Les journaux ont publié des éditoriaux vantant

son courage, lequel contraste, selon eux, avec l’inaction des autorités face aux violences des islamistes armés. Les parents de l’adolescent disent ne pas avoir été contactés par les responsables gouvernementaux ni par quelque autre responsable politique. Pour le père d’Aitzaz Hassan, les autorités pourraient rebaptiser l’établissement scolaire du nom de son fils et faire de lui un «martyr». Le nombre d’attentats suicide a augmenté l’an dernier de plus d’un tiers au Pakistan, atteignant un total de 46, selon une étude rendue publique cette semaine par l’Institut pakistanais pour la paix.


10 INTERNATIONAL Erdogan à l’Université islamique internationale de Malaisie.

17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Le succès de la tournée d’Erdogan en Extrême-Orient Chaleureusement accueilli en Extrême-Orient, le Premier ministre turc a eu l’occasion de s’exprimer sur sa vision de la diplomatie. Pour lui, «la Turquie n’a pas vocation à devenir une puissance régionale ou internationale». SAMI KILIÇ PARIS Le Premier ministre turc, qui a séjourné en ExtrêmeOrient du 5 au 11 janvier 2014, a signé nombre d’accords dans les

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domaines militaires, technologiques et économiques. Il en a également profité pour réitérer la devise de la diplomatie de son pays : la défense des valeurs de justice et de liberté.

«La Turquie n’est-elle plus une puissance régionale ?» s’interrogeait Sami Kohen, le doyen de la presse diplomatique turque, dans sa chronique du vendredi 10 janvier 2014 dans le quotidien Milliyet. Tayyip Erdogan venait, en effet, de faire une étrange déclaration lors de son étape au Japon : «La Turquie n’a pas vocation à devenir une puissance régionale ou internationale. La Turquie ne fait que son devoir, ce qui pousse les autres à définir sa place dans la région et dans le monde. C’est tout simplement cela. Autrement, ce serait de l’arrogance et nous n’avons pas cette arrogance».

LES COUSINS, LES AMIS ET LES FRÈRES En voyage au Japon, à Singapour et en Malaisie, Erdogan a reçu un accueil enthousiaste tant de la part des autorités que des foules. Reçu par l’empereur Akihito en audience à Tokyo, le couple Erdogan a eu le plaisir de découvrir qu’une orchidée portait le nom de Mme Erdogan au jardin national des orchidées de Singapour. Le Premier ministre a pris soin d’avoir un mot agréable pour chacun de ses hôtes. Ainsi, les Japonais devenaient des «cousins» du fait de l’origine commune du japonais et du turc, les Singapouriens devenaient des «amis» du fait de leur position géographique stratégique et les Malaisiens devenaient des «frères» du fait de la religion commune. D’ailleurs, les Turcs vont célébrer l’année de la Malaisie en 2014. C’est à l’Université islamique internationale de Malaisie qu’Erdogan a conquis les cœurs. Ayant reçu un doctorat honoris causa en «philosophie de la gouvernance», il a tenu à remercier tout particulièrement les universités malaisiennes qui avaient ouvert leurs portes aux étudiantes turques chassées de l’enseignement du fait de leur voile. Dans un discours mâtiné de références religieuses et fort apprécié par l’assistance, le chef du gouvernement a fait l’éloge des libertés publiques et de la dignité humaine. «La science et la liberté ont partie liée, il faut lutter contre les Etats qui massacrent leurs peuples et élargir encore plus le champ des libertés», a-t-il souligné. LE «LEADERSHIP FORT» DE LA TURQUIE Tayyip Erdogan ne s’est pas gardé de dénoncer à nouveau le sort des musulmans de Birmanie, exhortant même le Singapour, pays bouddhiste, à jouer les bons offices. Il a rappelé que la diplomatie turque était guidée par un seul critère, celui de la «conscience universelle». Son homologue malaisien, Najib Razak, a salué le «leadership fort» de la Turquie sur la scène internationale. Propos qui contrastait certes avec la modestie d’Erdogan au Japon mais qui a réjoui le ministère turc des affaires étrangères. Son porte-parole a, en effet, attrapé le compliment au vol : «La Turquie est une puissance régionale et une puissance dont la coopération et l’amitié sont recherchées au-delà même de sa zone géographique».


11 SCIENCE & TECHNOLOGIE

17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Les 7 produits high tech tendance en 2014

Quelles sont les tendances technologiques les plus marquantes qui séduiront les consommateurs turcs en 2014 ? DENIZ ERGÜREL

1 LES IMPRIMANTES 3D L’impression 3D est l’une des technologies qui a fait le plus couler d’encre en 2013. Les grandes marques comme HP et Samsung commencent à faire leur entrée sur ce nouveau marché. Avec des prix plus abordables et de plus grandes capacités techniques, les imprimantes 3D vont bientôt devenir grand public. Que ce soit chez nous ou dans des centres d’imprimerie, cette technologie promet de révolutionner 2014.

4 SMARTWATCH ET AUTRES «OBJETS CONNECTES» Depuis longtemps, les hommes rêvent de pouvoir porter des ordinateurs au sens propre du terme. En 2013, on a vu l’arrivée de gadgets comme les lunettes Google, les bracelets Nike Fuel ou encore la smartwatch Samsung Galaxy Gear. Prochainement, Apple devrait également sortir sa iWatch. Autant de gadgets qui devraient bientôt conquérir le cœur des consommateurs turcs.

5 DES TABLETTES DE PLUS EN PLUS GRANDES 2 LES CAMERAS 3D Intel et Creative Labs travaillent actuellement sur de petites caméras 3D à double lentille pouvant être utilisées sur des ordinateurs ou des ultrabooks. Grâce à ces caméras, les développeurs pourront créer la prochaine génération d’applications de logiciel comprenant le suivi des mouvement de mains, la reconnaissance vocale, l’analyse du visage et le suivi d’objets 2D/3D.

3 LE CLOUD COMPUTING ET LE STREAMING

L’année 2013 a été celle des phablettes (terme combinant les mots «phone» et «tablette»). Apple devrait d’ailleurs bientôt lancer son iPad avec écran de 12,9 pouces. Si tel est le cas, il y a fort à parier que de nombreuses entreprises high tech suivront cette tendance.

6 LES CAPTEURS BIOMETRIQUES Pourquoi continuer à mémoriser des tas de mots de passe quand on peut avoir des technologies comme le capteur 3D d’Apple capable de lire les empreintes digitales ou le système avancé de protection de données d’Intel capable de reconnaître notre visage ? Avec plus de sécurité et moins de mots de passe à mémoriser, ces technologies ne vont pas tarder à séduire les utilisateurs turcs.

Le «nuage», cloud en anglais, évoque des services informatiques comme Google Drive, Dropbox ou Evernote. Question confidentialité, les Turcs pourraient commencer à utiliser des solutions de sécurité comme Seagate Central. Des services comme Spotify, TTNet Muzik, Deezer ou encore iTunes Store changent notre mode de consommation de produits numériques en Turquie. La connexion internet devenant de plus en plus rapide, on peut s’attendre à ce que davantage de services informatiques dématérialisés (ou cloud computing) et de streaming soient utilisés en 2014.

7 APPAREILS MOBILES DE FITNESS Garder la forme passe aussi par la technologie. Des gadgets comme Nike Fuel, Jawbone Up et Fitbit Flex sont les nouveaux appareils portables tendance dans l’industrie de la santé. Ces accessoires seront-ils remplacés dans un futur proche par des implants de puces électroniques ?


12 CULTURE

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Halam geldi, une production riche en émotions Le film réalisé par Erhan Kozan et produit par Sami Dündar relate une histoire vraie, adaptée du roman d’Evrim Kanpolat. Diffusé dans les salles européennes à partir du 15 janvier 2014, il dénonce les mariages forcés avec des enfants. SAMI KILIÇ PARIS Récompensé par le prix spécial de la «responsabilisation sociale» du célèbre festival international Portakal d’Antalya, le film avait fait pleurer la diva du cinéma turc, Türkan Soray, présidente du jury. C’est dire sa tona-

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lité. Intense. Trop, peut-être. Le titre est un jeu de mots à partir de l’expression «halam geldi» qui signifie deux choses en turc : «je suis adolescente» et «ma tante est arrivée». L’une ne va pas sans l’autre et c’est ce que dénonce le film : la jeune fille est destinée à épouser le fils

de sa tante le lendemain de sa puberté ! Le producteur, Sami Dündar, insiste sur ce point : « Certes, le combat contre les mariages forcés est en soi un problème ; mais ce qu'on dénonce, ça va au-delà : c'est l'enfance abusée ! ». Un sujet autant dire universel qui touche aussi bien l'Occident que l'Orient.

INTENSE. TROP, PEUT-ÊTRE L’histoire se passe en Chypre du Nord. Trois familles anatoliennes, installées sur l’île dans des contextes différents, n’en importent pas moins leurs traditions. Huriye et Reyhan, deux camarades de classe, sont promises à leurs cousins respectifs. Les familles attendent avec impatience « l’événement » pour les retirer de l’école et les marier. Halil, le rejeton de la troisième famille qui vient d’Istanbul pour s’occuper du père alité, souffre d’une maladie due à la consanguinité. Et il s’entiche rapidement de Reyhan. Mais arrive le drame : celle-ci se retrouve du jour au lendemain dans le lit de son mari qu’elle s’entête à appeler « abi », grand frère ! Une succession de tragédies s’ensuit. A la fin du film, le spectateur est submergé par l’émotion ; la mort est passée par là, la folie a suivi, enfin est arrivée la justice. Certes, mais trop tard. Justice qui ne rend plus l’insouciance, à jamais perdue…

L’archéologue Halet Çambel meurt à l'âge de 98 ans

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La professeure et archéologue turque, Halet Çambel, qui a notamment beaucoup contribué à la compréhension des anciens hiéroglyphes hittites, a été retrouvée morte le dimanche 12 janvier dans son appartement d'Istanbul, rapportent les agences de presse turques. Elle avait 98 ans. Halet Çambel est née en 1916 à Berlin. Son père était un ami proche de Mustafa Kemal Atatürk, et sa mère la fille de l'ambassadeur turc en Allemagne à l'époque.

RÉCOMPENSÉE PAR LE GRAND PRIX DE LA CULTURE ET DES ARTS EN 2010 Çambel a suivi des études en archéologie à la Sorbonne à Paris ainsi qu'un doctorat à l'université d'Istanbul. Elle a participé à de nombreuses fouilles sur l'histoire des Hittites, comme celles de Karatepe dans le sud de la Turquie avec le professeur allemand Helmuth Bossert. L'archéologue a également contribué à la création du musée à ciel ouvert Karatepe-Aslantas, où sont exposés les objets découverts lors des fouilles de Karatepe. Halet Çambel et l'archéologue Nimet Özgüç ont reçu le Grand Prix de la culture et des arts du ministère de la Culture et du Tourisme en 2010 pour leur contribution à la diffusion de la culture de la civilisation anatolienne aux futures générations et à travers le monde. Halet Çambel a également reçu le Prix du Prince Claus, pour la Culture et le Développement en 2004.


13 CULTURE

17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

AGENDA CULTUREL

CONFÉRENCE

L’islamisation des Turco-mongols de Berke Khan à Öz-Beg SEYFEDDINE BEN MANSOUR LILLE Il y a 801 ans accédait au trône de la Horde d’Or, Sultan Ghiyath ad-Din Muhammad Öz-Beg. Ce règne, le plus long de l’empire turco-mongol, marquera l’islamisation définitive de la dynastie des Jöchides, ces descendants de Jöchi, fils aîné de Gengis Khan, à l’origine d’un vaste Etat qui de 1243 à 1502 s’étendait du sud de la Russie actuelle (Crimée, steppe kiptchake, vallée de la Volga) à la Transoxiane, en Asie centrale (actuel Ouzbékistan).

BERKE KHAN, À L’ORIGINE DE L’ISLAMISATION DES TATARS La dynastie avait connu une première conversion : celle, éphémère, de Berke Khan, qui régna de 1257 à 1267. Celui-ci fut à l’origine de l’islamisation des Tatars, un peuple turc autrefois ennemi des Mongols (avec lesquels il partageait un même foyer d’origine, la Mongolie orientale) et que Gengis Khan réussit intégrer à ses hordes en 1202. Berke Khan voulait à travers cette islamisation accuser ce statut préférentiel des Tatars, mais aussi empêcher qu’ils ne se fondent dans la masse de ses sujets, qui étaient Russes orthodoxes. Les Tatars étaient affectés à des fonctions de type militaire, mais aussi administratif, notamment en tant que collecteurs d’impôts. Le souverain mongol conclut des traités avec d’autres Turcs musulmans (d’ailleurs originaires, souvent, de la steppe Kiptchak), les Mamlouks d’Egypte. Il s’agissait essentielle-

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«Öz-Beg aura permis l’émergence d’une conscience ethno-nationale» ment pour Berke Khan de disposer d’un allié pour contrer ses frères restés chamanistes ou bouddhistes, les Ilkhanides d’Iran, descendants de Houlagou Khan, petit-fils de Gengis Khan. Son hostilité est notamment liée au fait que les Ilkhanides ont été à l’origine du sac de Bagdad en 1258 et de l’assassinat du Commandeur des Croyants, al-Musta‘sim, dernier calife abbasside. Berke Khan périra en 1266 au passage du fleuve Koura, alors qu’il tentait de marcher sur

A lire

Les manuscrits de Tombouctou. Secrets, mythes et réalités.

Conférence de Jean-Michel Djian autour de son ouvrage sur les manuscrits de la cité des 333 saints. Datant du XIIIe jusqu’au XVIIe siècle, ils retracent quelques unes des plus belles épopées des savoirs politiques, juridiques et médicaux d’Islam. Entrée libre.

Prince mongol lisant le Coran.

Le 21 janvier à 19h00 iReMMO 5-7, rue Basse des Carmes 75005 Paris

Un dessinateur dans un pays autoritaire

l’Iran. Ses successeurs retournent au chamanisme, mais l’influence de l’islam, religion porteuse d’une civilisation prestigieuse, n’en sera pas affectée pour autant. Au début du XIVe siècle, ce sont leurs frères et rivaux ilkhanides qui se convertissent à l’islam. Leur empire, néanmoins, ne tardera pas à se disloquer, pour disparaître en 1335, notamment sous l’effet des guerres menées contre eux par Sultan Ghiyath ad-Din Muhammad Öz-Beg (12821341), neuvième khan de la Horde d’Or entre 1314 et 1341, descendant à la septième génération de Gengis Khan et second jöchide musulman au sein d’une lignée qui le restera définitivement.

DES SHAYBANIDES AUX OUZBEKS La fin des Ilkhanides permettra à ÖzBeg Khan de rendre à la Horde d’Or sa suprématie d’antan. Il affirmera la puissance de l’Etat en renforçant l’islam dans la région de la Volga, les différents khans locaux, ses vassaux, se convertissant tour à tour. Il achève

ainsi l’islamisation des Tatars amorcée par Berke Khan, tandis qu’un autre peuple turc, les Shaybanides, prend son nom en adoptant l’islam : ce sont les Ouzbeks. Comme ailleurs dans le monde musulman, le sultan mènera une politique de tolérance, laissant non seulement toute liberté à ses sujets orthodoxes de pratiquer leur culte, mais encore acceptant que soient menées sur son territoire des missions d’évangélisation, comme en témoigne une lettre de remerciements du pape Jean XXII. Mais Öz-Beg aura surtout permis – à travers sa conversion et à travers la figure mythologisée de celui qui en fut à l’origine, Baba Tükles, soufi de la confrérie yasavie – l’émergence d’une conscience ethno-nationale au sein de cette mosaïque de peuples et de tribus turcs et turco-mongols autrefois chamanistes (Tatars, Ouzbeks, Kazakhs, Bashkirs, Qaraqalpaqs, Noghays) et dont l’islam, religion et creuset, est devenu une composante identitaire inaliénable.

Quoique largement admiré, Slim, le dessinateur du Moudjahid continue de voir les choses à la base et de l’intérieur. «Si vous voulez connaître l’Algérie, lisez les albums de Slim» a dit de lui Wolinski. Avec Slim, dessinateur, et François Pouillon (EHESS), modérateur. Entrée libre. Le 21 janvier à 18h00 EHESS 105, boulevard Raspail 75006 Paris

& à voir...

de son passé. Ulysse moderne, Majhoul les entraîne dans une folle traversée de Casablanca, au cœur d’une société marocaine en ébullition. Ou comment un looser magnifique se fraie un chemin pour regagner sa place dans une société arabe moderne tiraillée entre un conservatisme adémocratique et une soif de liberté.

FESTIVAL

Aussi la colère – qui ne cesse de sourdre – finira par se frayer un chemin. Majhoul («Inconnu») vient de passer 30 ans dans les geôles marocaines pour avoir manifesté en 1981 durant les «émeutes du pain». Il retrouve la liberté en plein Printemps arabe. Une équipe de télévision en quête de sensationnel décide de le suivre dans la recherche

Les Iles des Princes, un archipel au large d’Istanbul

Un essai qui retrace l’histoire de ces neuf îles (Adalar pour les Turcs, Îles des Princes pour les Européens) tour à tour lieu d’exil, de bannissements, de retraites monacales, de villégiature pour les riches familles chrétiennes et juives, d’excursions loin de l’effervescence stambouliote. Une rencontre avec Catherine Pinguet (CNRS-EHESS), animée par François Zabbal. Entrée libre. Le 22 janvier 2014 à 18:30 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

Un road movie arabe, politique, vitriolé Un thriller politique caméra au poing sur les révolutions arabes ? Mieux : un road movie abrasif, haletant, et une fable tragique sur fond de révolution marocaine avortée, mais qui ne s’avoue pas morte. Le Mouvement du 20 février a-t-il bien eu lieu ? La misère, elle, est toujours là, de même que l’oppression, l’absence de liberté.

Par Jocelyne Dakhlia et Bernard Vincent (EHESS). Le 21 janvier à 18h30 Cité nationale de l’histoire de l’immigration 293, avenue Daumesnil 75012 Paris

RENCONTRE

Islam des mondes

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Des musulmans dans l’histoire de l’Europe : repenser la Méditerranée, du Moyen-Âge à 1830

C’est eux les chiens..., réalisé par Hicham Lasri (drame, Maroc, 2013, 1h25). Avec Hassan Badida, Yahya El Fouandi, Imad Fijjaj. Grand prix de la Meilleure fiction au Festival de cinéma africain de Cordoue 2013. Sortie en salles le 22 janvier.

17e festival du Mawlid an-nabawî

Conférence-débat et chants soufis, notamment, au programme de cette 17e édition sur le thème «Entre tradition et modernité». Le 18 janvier à 14:30 Centre culturel algérien 171, rue de la Croix-Nivert 75015 Paris


OPINION14

17 - 23 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

L’avenir de la justice turque est-il menacé ? En fin de semaine dernière, l’AKP a inventé un nouveau tour de passe-passe en appliquant le dicton «l’ennemi de mon ennemi est mon ami». Le gouvernement a lancé l’idée de rouvrir les dossiers Ergenekon et Balyoz. Une intrusion arbitraire de l’exécutif qui, si elle fonctionnait, serait un revers judiciaire de taille pour la Turquie.

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A quel point un gouvernement qui tente de couvrir une affaire de corruption et de faire taire l’une de ses principales critiques, peut-il être désespéré ou cynique ? Tout a commencé avec le limogeage de centaines de policiers, le retrait des procureurs publics de l’affaire de corruption et les sempiterJOOST LAGENDIJK nelles théories de complots qui avaient déjà été entendues en juin dernier. Celles-ci avaient été utilisées pour qualifier les manifestants de Gezi de marionnettes manipulées par les «forces obscures» de la Turquie et de l’étranger. En fin de semaine dernière, l’AKP a inventé un nouveau tour de passe-passe en appliquant le dicton «l’ennemi de mon ennemi est mon ami». Le Premier ministre Erdogan a lancé l’idée de rejuger les centaines d’officiers militaires qui

Edité par : Source SARL 2, boulevard Saint Martin 75010 PARIS Directeur de la Publication: HUSEYIN KARAKUS Directeur Général de Zaman France et Directeur des rédactions: EMRE DEMIR Rédacteur en chef adjoint: FOUAD BAHRI Directeur Administratif: FAHRETTIN TEKIN Directeur des ressources humaines: AKIF SAMETOGLU Service Commercial: MEHMET SELVI Service Abonnement: CELINE GOKSU Secretaires de Rédaction: FARIDA BELKACEM SELIM BEDER Traduction: CLEMENTINE RAYNAUD Correspondant Presse Alsace: MEHMET DINC Correspondant Presse Ile de France: OSMAN USTA VEDAT BULUT FERHAN KOSEOGLU Infographie: NICOLAS VINCENEUX MUHAMMED SAHIN Redacteurs Web: AYSEGUL ZORLU SUHEDA ASIK Service Multimedia: FATIH TURSUN Service informatique: HASAN OZCELIK Imprimerie : L IMPRIMERIE 79 Route De Roissy 93290 Tremblay En France Adresse : 2 Boulevard Saint-Martin 75010 PARIS Tel : 01 42 00 19 36 Faks : 01 42 00 19 58 info@zamanfrance.fr www.za­manfrance.fr - www.zamanfransa.com no CPPAP : 1117 I 90032 - ISSN 1869-5795 Tarif abonnement annuel France : 120€

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de tentative de coup d’Etat au début des années 2000. Ce discours et les débats qui évoluent autour sont en train de se transformer en une véritable propagande visant à réfuter les coups d’Etat et à montrer que les responsables sont innocents». Les conséquences légales de cette décision d’ordre politique pourraient être tout aussi nuisibles. Non pas parce que je pense que les procès Balyoz et Ergenekon n’ont pas présenté de failles et ne devraient pas faire l’objet de critiques. Comme je l’ai déjà écrit, il y a eu de sérieux problèmes avec l’inculpation de nombreuses personnes accusées qui n’ont été qu’indirectement impliquées, la longueur des périodes de détention provisoire, certaines des preuves présentées et le refus du tribunal d’entendre certains témoins.

avaient été accusés de fomenter un coup d’Etat contre le gouvernement de l’AKP. Le ministère de la Justice est maintenant en train de rechercher un moyen de rouvrir le dossier Balyoz pour lequel la Cour de cassation a déjà rendu sa décision en 2012, et peut-être même le dossier Ergenekon, pour lequel la Cour de cassation doit encore annoncer sa décision finale.

ponsables des coups d’Etat est simplement un autre moyen de détourner l’attention de l’enquête de corruption. En prime un potentiel discrédit pour le mouvement Gülen, car si le leader de l’AKP peut dévoiler des erreurs commises durant les procès Balyoz et Ergenekon et convaincre l’opinion publique que les responsables de ces erreurs sont des procureurs trop zélés liés au mouvement Gülen, il lui sera facile de faire le rapprochement avec les accusations de corruption à l’encontre de son gouvernement. En d’autres termes, il s’agit d’une initiative opportuniste et rusée de la part d’Erdogan, qui dira alors que son gouvernement est victime des mêmes personnes qui avaient comploté contre l’armée par le passé.

UNE INITIATIVE OPPORTUNISTE Personne ne devrait se faire d’illusion sur cette remarquable volte-face de la part du gouvernement. Ce revirement n’est pas le résultat de nouvelles idées ou de preuves qui ont émergé dans ces affaires controversées ou même de l’apparition d’un sens de la justice qui était resté, jusqu’ici, miraculeusement dans l’ombre. Rejuger les res-

« RÉFUTER LES COUPS D’ETAT» Si ce plan fonctionnait, ce serait là une défaite morale et un revers judiciaire qui hanteraient la Turquie pendant longtemps. Ridvan Kaya, président de l’Association de défense des droits de l’homme (ÖzgürDer) explique ainsi : «Il serait inacceptable d’invalider ces affaires en les qualifiant de "complot", comme s’il n’y avait pas eu

«Les défaillances dans les procès Balyoz et Ergenekon devraient être rectifiées par le système judiciaire lui-même»

L’INTRUSION ARBITRAIRE DE L’EXÉCUTIF Mais ces défaillances devraient être rectifiées par le système judiciaire lui-même, par les cours d’appel de Turquie et, à défaut, par la Cour européenne des droits de l’homme. Cela ne serait pas la première fois que des fautes commises au sein du système judiciaire turc font l’objet de condamnation de la part de la Cour de Strasbourg. Entraînant l’obligation par la Turquie de rouvrir une affaire ou de payer une compensation à la victime. Même sans l’intervention de la Cour européenne, les procureurs turcs peuvent à tout moment décider de rouvrir une affaire si de nouvelles preuves apparaissent. Mais nous allons bientôt assister à une intrusion arbitraire de l’exécutif dans le domaine de la justice pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la rectification d’erreurs commises par le passé. Au contraire, cette intrusion est une tentative flagrante d’échapper à la justice. Le gouvernement veut sauver sa peau en faisant pression sur la justice pour qu’elle écarte les enquêtes de corruption et en créant de dangereuses alliances qui invalideront les mesures prises par la Turquie pour régler les comptes de la tutelle militaire. J.lagendijk@todayszaman.com


15 SPORT

Ronaldo a été sacré Ballon d’Or Le Portugais a recueilli 27,99 % des suffrages.

La Fifa autorise le Kosovo à disputer des matches amicaux -

La Fédération internationale de football (Fifa) a annoncé lundi que le Kosovo était désormais autorisé à disputer des matches amicaux contre des équipes nationales ou de clubs, sous conditions. «Les clubs et équipes représentatives de la (Fédération de football duKosovo) ne peuvent pas afficher de symboles nationaux (drapeaux, emblèmes, etc) ni jouer d'hymnes nationaux. Cependant, elles sont autorisées à porter des tenues et équipements portant le nom Kosovo», écrit la Fifa dans un communiqué sur son site internet. Le Kosovo, qui a proclamé son indépendance de la Serbie en 2008, n'est pas autorisé jusqu'à nouvel ordre à affronter des équipes de l'ancienne Yougoslavie. La Fifa dit avoir pris cette décision après une rencontre vendredi entre le président de la Fédération serbe, Tomislav Karadzic, et le président de la Fédération kosovare, Fadil Vokrri. Projet1_260 06/12/12 10:54 Page1

Le Ballon d'Or est revenu à Ronaldo, devant Messi et Ribéry. Le joueur a à son actif d'impressionnantes statistiques individuelles, à commencer par ses 69 buts inscrits en 59 rencontres.

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Le Portugais Cristiano Ronaldo a reçu lundi le Ballon d'Or Fifa, la plus haute récompense individuelle pour un footballeur, qui échappe donc au Français Franck Ribéry, seulement troisième et devancé même par l'Argentin Lionel Messi. L'attaquant du Real Madrid, âgé de 28 ans, avait déjà été distingué en 2008, avant quatre années de règne de l'Argentin du FC Barcelone Lionel Messi, diminué en 2013 par une série de blessures. Franck Ribéry pouvait pourtant se prévaloir du rare triplé réussi avec le Bayern Munich, avec la Ligue des champions, la Coupe et le championnat d'Allemagne, mais il a échoué derrière ses deux concurrents. L'ailier de l'équipe de France n'a recueilli que 23,36% des suffrages parmi les votants – des journalistes, les sélectionneurs et capitaines des équipes nationales –, contre 24,72 % pour Lionel Messi et 27,99 % pour l'heureux élu. Plus aucun Français n'a été distingué depuis l'unique sacre de Zinedine Zidane en 1998.

69 BUTS INSCRITS EN 59 RENCONTRES Contrairement à Ribéry, Cristiano Ronaldo n'a rien gagné lors de l'année écoulée mais il a à son actif d'impressionnantes statistiques individuelles, à commencer par ses 69 buts inscrits en 59 rencontres. Spectateur impuissant de la suprématie de son rival argentin pendant quatre ans, l'ancien joueur de Manchester United est apparu en larmes au moment de recevoir l'objet de sa convoitise pour la deuxième fois de sa carrière. «Merci à tout le monde, à mes coéquipiers, à mon équipe nationale et à ma famille. Eusebio et Mandela ont été des personnes très importantes pour moi», a-t-il déclaré en songeant à l'ancienne légende du football portugais et à l'ancien président sud-africain, tous deux récemment décédés. «Je ne

peux pas parler», a-t-il ajouté devant un aréopage de quelques-uns des meilleurs joueurs de football, à la retraite ou encore en activité.

DEUX JOUEURS DU PSG DANS LE ONZE-TYPE En l'absence de récompense pour Franck Ribéry, le Bayern Munich, également sacré champion du monde des clubs en 2013, a tout de même gagné un trophée, celui de meilleur entraîneur remis à Jupp Heynckes, à la tête de l'équipe jusqu'à la fin de saison dernière. L'ex-entraîneur, qui a pris sa retraite sur une apothéose, a devancé son compatriote allemand Jürgen Klopp, du Borussia Dortmund, et l'Ecossais Alex Ferguson, manager emblématique de Manchester United de 1986 à 2013. Le Bayern est également bien représenté au sein du onze-type de l'année, qui fait la part belle aux championnats d'Allemagne et d'Espagne. Trois joueurs du Bayern – le gardien Manuel Neuer, le défenseur Philipp Lahm et Franck Ribéry –, deux du Real Madrid – le défenseur Sergio Ramos et Cristiano Ronaldo –, et quatre du Barça – le défenseur Dani Alves, les milieux Xavi et Iniesta et Lionel Messi - figurent dans cette formation de prestige. Deux joueurs du Paris Saint-Germain, le défenseur Thiago Silva et l'attaquant Zlatan Ibrahimovic, complètent le casting, auquel manquent la Premier League anglaise et la Serie A italienne. «Ibra» est monté deux fois à la tribune puisqu'il a aussi reçu le prix Puskas du plus beau but, un retourné acrobatique lors d'un match qu'il a disputé fin 2012 avec la Suède contre l'Angleterre. Chez les femmes, le titre de meilleure joueuse a été attribué à la gardienne allemande Nadine Angerer. La Fifa a par ailleurs décerné un prix d'honneur au Brésilien Pelé qui n'avait jamais reçu le Ballon d'Or, réservé aux seuls Européens à l'époque où il jouait.


La politique turque est aussi un sport de combat

Samedi, le Parlement turc a été le théatre d'échanges de coups entre les parlementaires, qui débattaient d'un projet de loi portant sur le système judiciaire.

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Des parlementaires turcs en sont venus aux mains samedi pendant un débat sur le contrôle par le pouvoir exécutif des nominations de magistrats. Un député est monté sur une table et s'en est

pris physiquement à plusieurs de ses collègues tandis que d'autres échangeaient des coups ou se visaient mutuellement en lançant dossiers, bouteilles en plastique et même une tablette électronique, a

constaté un journaliste de Reuters présent dans la salle.

IL S’EST VU REFUSER LA PAROLE La commission de la Justice du Parlement était alors réunie pour débattre du projet de loi rédigé par l'AKP, le parti du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, visant entre autres à renforcer le contrôle de l'exécutif sur les nominations de juges et de procureurs. La bagarre a éclaté lorsqu'un représentant d'une association de magistrats jugeant le texte anticonstitutionnel s'est vu refuser la parole, ont raconté des témoins. «Si je suis chassé d'ici en tant que représentant de la justice, tous les procureurs et les juges seront bafoués quand cette loi sera adoptée», a déclaré Omer Faruk Eminagaoglu, le président de l'association professionnel YARSAV, une fois l'incident clos. Le ministre de la Justice, Bekir Bozdag, qui se trouvait dans la salle où a eu lieu la bagarre entre députés, a laissé entendre que l'AKP pourrait faire des concessions sur la réforme si l'opposition acceptait de modifier certains articles de la constitution portant sur l'organisation de l'appareil judiciaire. Ses propos ont toutefois été accueillis par des railleries parmi les députés d'opposition présents et une source haut placée au sein de l'AKP a déclaré que le Premier ministre n'avait pas l'intention de retirer son projet.

A la mosquée de Stockholm, des fleurs pour chaque croix gammée SUHEDA ASIK PARIS C'est le matin du 7 janvier en Suède que les fidèles d'une mosquée de Stockholm ont eu la surprise de découvrir des bouquets de fleurs à la place des croix gammées qui avait été taguées le 2 janvier dernier sur le mur de leur lieu de culte. «Je pensais que la société allait dans la mauvaise direction. Mais maintenant, mon avis a changé à 180 degrés». C'est ainsi qu'Omar Mustafa, président de l’Association islamique suédoise, exprime ce qu'il a ressenti quand ses amis l'ont appelé à 7 heures du matin pour lui dire que des fleurs avaient été accrochées à la porte de leur mosquée.

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UN BRIN D'ESPOIR Affiché à la porte, avec les fleurs, un message : «Pour chaque acte haineux, il y a une fleur. Une attaque contre vous est une attaque contre la Suède ! Nous sommes ensemble !». Loin de faire oublier les nombreux actes islamophobes, ce geste de solidarité à la communauté musulmane n'en reste pas moins symbolique et donne de l'espoir. Optimiste, Omar Mustafa ajoute : «C'est la preuve que la société n'est pas raciste dans l'ensemble. Certes, je ne pense pas que des fleurs feront disparaître le racisme, mais c'est en tout cas un message fort. Et je pense que de plus en plus de voix s’élèvent contre l’islamophobie et poussent à agir et à réagir».


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