Fr n°299

Page 1

La justice confirme la condamnation de Yildirim

Quand la mode se met au surréalisme

SPORT15

CULTURE12

La visite de Hollande sous le signe de la normalisation

TURQUIE

Le président de la République se rend en Turquie le 27 janvier pour une visite d’Etat de deux jours. La relation franco-turque, qui a traversé une période de turbulence sous Nicolas Sarkozy, espère reprendre sa vitesse de croisière. Le programme du voyage reste cependant axé sur le volet économique. Décryptage des enjeux et des questions.

A BRUXELLES, ERDOGAN JOUE L’APAISEMENT Le Premier ministre turc était en visite officielle dans la capitale européenne le mardi 21 janvier. Les discussions entre les dirigeants, orientées sur la situation actuelle en Turquie, l’importance de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs, se sont faites sans heurts, Erdogan se voulant rassurant sur ces sujets. -06

-

Une relation en dents de scie. C’est la seule expression qui vient à l’esprit quand on veut définir la relation franco-turque. Les contacts ont beau être pluriséculaires, ils sont loin d’être stabilisés. Les rapports cessent et redémarrent, se relâchent et se réchauffent, ce qui donne l’impression d’un chantier en perpétuelle construction. L’opposition de Sarkozy à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ainsi que la

FRANCE

EDITO EMRE DEMIR

LE MIT NIE ÊTRE À L’ORIGINE DES ASSASSINATS DE PARIS

TURQUIE

INTERNATIONAL11

24 - 30 JANVIER 2014 N° 299 Prix : 2,5 €

WWW.ZAMANFRANCE.FR

Les services de renseignement turcs (MIT) nient être à l’origine des assassinats des trois membres du PKK qui ont eu lieu à Paris en janvier 2013. -03

Anelka poursuivi pour sa «quenelle»

question arménienne restent vives dans l’esprit des Turcs. L’élection de François Hollande a eu certes le mérite de consacrer une nouvelle terminologie mais les signes tangibles restent flous. « Un progrès, une décrispation, une fluidification mais un manque d’initiative et de décision concrète », assure Didier Billion, spécialiste de la Turquie à l’IRIS, Institut des relations internationales et stratégiques. -TURQUIE 07

UE-Erdogan : la dernière chance de rebondir -02

La communauté turque compte 611.515 personnes en France

A la rencontre des bûcherons turcs du Limousin

-

D’après les informations officielles fournies par les consulats de Turquie, la France compte, en 2013, 611.515 Turcs et Franco-turcs. En 2010, ce chiffre était de 553.973. Chaque année donc, environ 20.000 Turcs ou Franco-turcs viennent grossir les rangs de la communauté. RFRANCE 03

La région Limousin est connue pour ses grands espaces forestiers. Cette spécificité locale a conduit les premiers Turcs arrivés dans le territoire à travailler dans le secteur du bois. D’abord comme salariés, puis comme entrepreneurs individuels en tant que bûcherons. Un métier aujourd’hui délaissé par les plus jeunes. Zaman France est allé à leur rencontre. TEXTE ET PHOTOS : FATIH TURSUN

04

ETAT PARALLÈLE, CORRUPTION, COMPLOT : CE QU’EN DISENT L’AKP ET LE MOUVEMENT GÜLEN Depuis l’ouverture des enquêtes sur les affaires de corruption, les divergences entre l’AKP et le mouvement Gülen (Hizmet) sont devenues indéniables. Kerim Balci, rédacteur en chef de la Turkish Review, tente de clarifier les positions des deux acteurs et les dynamiques actuelles de la vie politique turque. -08

Zaman Okur Hattý: 01 42 00 19 36

7e anniversaire de la mort de Hrant Dink

-

Kadir Akar, un bûcheron sans langue de bois r05

Des milliers de personnes ont défilé à Istanbul ce dimanche 19 janvier pour commémorer le septième anniversaire de la mort de Hrant Dink. RTURQUIE 09


02 FRANCE

Municipales : droite et gauche au coude à coude

EDITO EMRE DEMIR

UE-Erdogan : la dernière chance de rebondir Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, fragilisé par la plus grave crise politique de son règne de onze ans, s’est rendu en visite à Bruxelles mardi pour répondre aux critiques suscitées par sa récente réforme judiciaire très contestée visant à renforcer le contrôle politique sur les magistrats. Dans une période où les marchés turcs sont tres fragiles, Erdogan a tout fait pour éviter une crise politique avec l’Union européenne liée au projet de réforme judiciaire controversé de son gouvernement. Pendant la visite, suivie par Zaman France, Erdogan n’a pas évoqué sa théorie du «complot international», excepté pendant une réunion destinée à 10.000 Belges d’origine turque. Il a écouté les inquiétudes des acteurs de l’UE, se disant toujours ouvert aux conseils de l’Union européenne. Le président du Conseil européen, Herman van Rompuy, a rappelé que la Turquie, en tant que pays candidat, doit respecter les critères politiques d’adhésion, y compris l’application de la règle de droit et la séparation des pouvoirs. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a souligné, quant à lui, l’UE ne prêtait pas attention aux discours populistes tenus par le Premier ministre, mais se fierait uniquement aux mesures législatives prises par la Turquie. Ainsi, si le gouvernement ne renonce pas à son projet de loi controversé, une éventuelle suspension des négociations de la candidature turque à l’UE est possible. Représentée faussement comme une guerre politique entre l’AKP et le mouvement Hizmet par Erdogan, cette crise d’Etat a déjà fait plusieurs victimes : l’Etat de droit en Turquie, la confiance de la population turque envers les institutions et la cohésion sociale. De plus, Erdogan dans sa guerre sacrée contre ses «ennemis intérieurs et extérieurs» risque sérieusement de ruiner son bilan solide. La Turquie a fait des progrès économiques et démocratiques très importants au cours des 15 dernières années. Entre 2003 et 2010, la tendance générale était vers des réformes démocratiques. Mais, depuis 2011, Erdogan semble revenir sur les acquis de son gouvernement. Il a discrédité le combat contre la tutelle militaire, l’économie est aujourd’hui fragilisée (la livre turque a atteint un taux historiquement bas), et la Turquie est plus isolée que jamais dans région. La candidature turque à l’UE est peut-être la dernière chance qu’a Erdogan de rebondir. e.demir@zamanfrance.fr

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Des études d’opinion annoncent un résultat très serré entre l’UMP et le PS, les intentions de vote les plaçant respectivement à 32 % et 31 %. A droite, l’alliance avec le Modem passe mal auprès de certains ténors comme JeanFrançois Copé. Anne Hidalgo (aux côtés du maire de Paris Bertrand Delanoë) est la candidate socialiste pour la ville de Paris.

-

Les listes de droite et de gauche sont au coude à coude dans les souhaits de victoire exprimés par les Français en vue des élections municipales du mois de mars, selon un sondage BVA pour Les Echos et Aviva publié dimanche. Trente-deux pour cent des personnes interrogées disent souhaiter la victoire d’une liste de droite parlementaire (UMP, ou MoDem/UDI). La victoire d’une liste de gauche (PS, ses alliés et extrême-gauche) est souhaitée par 31 % des Français, devant celle d’une liste Front national (14 %). Dans le détail, 6 % des personnes interrogées disent souhaiter la victoire d’une liste d’extrême gauche, 25 % celle d’une liste du Parti socialiste et de ses alliés. Elles sont 10 % à souhaiter la victoire d’une liste du MoDem ou de l’UDI, 22 % pour l’UMP, 14 % pour le FN et 21% pour une autre liste. Si 70 % des Français déclarent qu’ils ne se prononceront en mars «que sur des enjeux locaux» (contre 66 % en novembre), 26 % déclarent vouloir «sanctionner le président». Seuls 4 % des Français voteront en mars pour soutenir François Hollande.

A DROITE, L’ALLIANCE AVEC BAYROU FAIT GRINCER DES DENTS Jean-François Copé est fort mécontent de l’accord conclu à Pau entre l’UMP et François Bayrou pour les élections municipales, un rapprochement auquel il a été contraint, dit-il, alors même qu’il «n’oublie rien du passé». L’accord entre le dirigeant centriste, qui tente ses chances pour la troisième fois dans la capitale du Béarn, et l’UMP Eric Saubatte, son adversaire aux élections législatives de juin 2012, passe mal au sein du parti d’opposition. Nombreux sont les élus et

cadres de l’UMP qui ne pardonnent pas à François Bayrou d’avoir voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle en mai 2012 et d’avoir vivement attaqué Nicolas Sarkozy durant son quinquennat. A contrario, les anciens Premiers ministres François Fillon, JeanPierre Raffarin et Alain Juppé plaidaient pour une pacification. «Je me suis trouvé dans une situation que je déteste mais que j’assume : celle du fait accompli», déclare Jean-François Copé pour expliquer son revirement dans une interview à paraître jeudi dans Valeurs actuelles. PHOTO DE LA SEMAINE

Un cavalier passe à travers un feu de joie avec son cheval à l’occasion de la Saint-Antoine, saint patron des animaux, à San Bartolomé de Pinares, situé à environ 100 km à l’ouest de Madrid, en Espagne, le mardi 16 janvier 2014.

...ET UNE MAUVAISE

UNE BONNE...

Des passagers dévalisent un avion de Ryanair

Le nombre de morts sur les routes a baissé de 11% en France en 2013 par rapport à l’année précédente, le niveau le plus bas depuis 1948, a annoncé lundi le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. En 2013, 3.250 personnes ont été tuées sur les routes, soit 400 de moins qu’en 2012, a ajouté le ministre. «Les résultats obtenus en 2013 sont fragiles», a-t-il toutefois souligné lors d’une conférence de presse. La

Le week-end dernier, alors que leur vol est dérouté à Nantes , les passagers d’un vol Ryanair ont exprimé leur mécontentement en refusant catégoriquement de descendre de l’appareil. Le vol de la compagnie Ryanair reliait Rabat (Maroc) pour rejoindre Beauvais, au nord de Paris. Sur metronews, un travailleur de l’aéroport parle d’«une prise

vitesse reste la cause principale des accidents mortels sur les routes françaises, devant la consommation d’alcool ou de stupéfiants, a-til dit, précisant que toutes les catégories de la population étaient concernées. La mortalité des jeunes est en baisse de 10 % mais les conducteurs de 18 à 24 ans ayant consommé de l’alcool sont impliqués dans un accident sur deux survenant la nuit et le week-end.

d’otage d’un avion et de son équipage par un groupe de passagers mécontents mais surtout irrespectueux». Les passagers se seraient servis en «nourriture, boissons surtout alcoolisées, cigarettes, parfums et tout ce qui avait un peu de valeur». Les passagers plaident eux l’énervement et la fatigue face à une situation d’enfermement qui avait duré 7 heures.

NOUVELLE

La mortalité routière a baissé en 2013


03 FRANCE

‘‘

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

«NKM manipule les gens comme des pions» Ancienne tête de liste UMP dans le 8e arrondissement de Paris, Charles Beigbeder confie au Monde son amertume et confirme qu’il ne ralliera pas le parti de droite.

Le Parlement assouplit la loi sur l’avortement Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité hommes-femmes, un amendement de la loi Veil sur l’avortement a été adopté par les députés. Dorénavant, la mention «situation de détresse» qui encadrait la pratique de l’interruption volontaire de grossesse sera supprimée.

La «Marche pour la Vie», opposée à l’avortement, a réuni 40.000 personnes à Paris dimanche 19 janvier 2014.

-

Les députés français ont adopté mardi soir un amendement du Parti socialiste qui assouplit le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). L’amendement modifie la loi Veil de 1975 qui instaurait le droit à l’avortement pour toute «femme enceinte que son état place en situation de détresse». Il supprime cette notion de «détresse» en la remplacant par «le droit des femmes à choisir ou non de poursuivre une grossesse». Tous les groupes de gauche ont voté la mesure de même que le groupe UDI (centriste) et celui de l’UMP, à l’exception de quelques-uns de ses membres comme Jean-Frédéric Poisson (UMP), par ailleurs président du Parti chrétien-démocrate (PCD). La députée Front national Marion Maréchal-Le Pen a également voté contre. «Rou-

vrir une nouvelle fois le débat douloureux sur cette question est hasardeux», a-t-elle dit.

POUR L’UMP, UNE BANALISATION DE L’IVG Plusieurs amendements déposés par des élus UMP, mais non soutenus par le groupe, ont été rejetés qui proposaient par exemple de dérembourser l’IVG. Une partie de l’UMP a vivement dénoncé l’amendement socialiste, estimant qu’il «banalise» l’IVG et en fait «un droit comme les autres». Une «Marche pour la vie» a rassemblé dimanche à Paris plusieurs

milliers de manifestants anti-avortement - 16.000 selon la police, 40.000 selon les organisateurs. En Espagne, le gouvernement conservateur a décidé de limiter le droit à l’avortement et a déposé un projet de loi allant en ce sens. L’amendement du groupe socialiste a été adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes sur lequel les députés se prononceront mardi prochain par un vote solennel. Le Sénat, qui a adopté ce texte en première lecture le 18 septembre, devrait procéder à sa deuxième lecture à la fin février ou en avril au lendemain des élections municipales.

Le MIT nie être à l’origine des assassinats de Paris -

Les services de renseignement turcs (MIT) nient être à l’origine des assassinats des trois membres du PKK qui ont eu lieu à Paris en janvier 2013. Dans une vidéo postée sur YouTube lundi 13 janvier où on entendrait la voix d’Ömer Güney, principal suspect du triple meurtre, se trouve une conversation entre Güney et deux agents du MIT concernant le meurtre de Sakine Cansiz, co-fondatrice du PKK. L’enregistrement dévoile des détails sur où et comment se procurer deux armes à feu ainsi que le mode de paiement et le moment du départ de la scène du crime.

La communauté turque compte 611.515 personnes en France

-

D’après les informations officielles fournies par les consulats de Turquie, la France compte, en 2013, 611.515 Turcs et Franco-turcs. En 2010, ce chiffre était de 553.973. Chaque année donc, environ 20.000 Turcs ou Franco-turcs viennent grossir les rangs de la communauté. Mais rien qu’en 2013, l’augmentation a été de 35.000. D’après les sources officielles, cette soudaine poussée est due à trois raisons : le regroupement familial, les naissances et l’approche des élections municipales en Turquie et l’inscription corrélative sur les listes des consulats. La population d’origine turque se concentre à Paris (269.090), à Strasbourg (134.139), à Lyon (129.062) et à Marseille (61.714). Le nombre total des Turcs et Franco-Turcs est estimé à 800.000 avec les personnes en situation irrégulière.

«AU MAUVAIS ENDROIT AU MAUVAIS MOMENT» En plus de l’enregistrement, certains médias ont publié mardi 14 janvier une circulaire interne et confidentielle du MIT. Le document, daté de novembre 2012, mentionne une «source» habitant à Paris et ayant dévoilé des informations sur les activités du KCK, du PKK et du Congrès du Peuple du Kurdistan (Kongra-Gel), un organe du PKK. D’après la circulaire, le MIT aurait donné 6000 euros à la source en question et lui aurait demandé de préparer un assaut, un sabotage et un assassinat, de fournir l’«équipement nécessaire» à ces opérations et de communiquer dans

le plus grand secret. La circulaire disait que la source pouvait être utilisée «dans le cadre d’une opération visant à neutraliser Sakine Cansiz». Le MIT a publié une déclaration mardi soir en niant être derrière le triple assassinat. Après avoir tiré sur Cansiz, Güney aurait tiré sur Leyla Saylemez et Fidan Dogan qui auraient été «au mauvais endroit au mauvais moment». Le MIT a indiqué qu’une enquête administrative interne avait été lancée. D’après le MIT, ces affirmations visent à discréditer les services de renseignement turcs, qui ont joué un rôle crucial dans le processus de paix avec les Kurdes dans le sud-est de la Turquie.


REPORTAGE04-05 Les frères Celik font partie des rares à perpétuer le métier du père.

Dans le Limousin, être turc et bûcheron est une affaire de famille

La région Limousin est connue pour ses grands espaces forestiers. Cette spécificité locale a conduit les premiers Turcs arrivés dans le territoire à travailler dans le secteur du bois. D’abord comme salariés, puis comme entrepreneurs individuels en tant que bûcherons. Un métier aujourd’hui délaissé par les plus jeunes. Zaman France est allé à leur rencontre. Texte et photos : Fatih Tursun

-

Les premiers Turcs arrivés dans le Limousin ont surtout travaillé dans la filière du bois. Kadir Akar est l’un d’eux. Il quitte son village natal d’Anatolie pour s’installer à Bourganeuf en 1973. Comme beaucoup de ses compatriotes, il répond à l’appel lancé par les nombreux pépiniéristes de la région via l’Office National de l’Immigration, et devient salarié. Mais la crise survient rapidement, et oblige les employés turcs à se reconvertir. Même s’ils n’ont jamais eu de tronçonneuse à la main, la plupart se tournent vers le métier de bûcheron, très sollicité alors dans la région couverte de forêt sur près d’un tiers de sa surface. Ce choix s’effectue assez naturellement explique Kadir, à qui le grand air et le contact avec la terre rappellent Mahmat, village de la province de Nevşehir où il est né. Une bonne connaissance de la langue française n’est pas nécessaire. Et le statut d’entrepreneur est un bon compromis pour ces travailleurs qui supportent mal la subordination. Autodidactes, ils deviennent rapidement des bûcherons chevronnés, reconnus par les professionnels du secteur. On fait donc beaucoup appel à eux, et leurs affaires prospèrent. Beaucoup travaillent seuls ou en petite équipe, souvent composée des membres de la famille. Les enfants et l’épouse accompagnent, surtout pour le ramassage du bois.

UN MÉTIER DÉLAISSÉ PAR LES JEUNES FRANCO-TURCS Mais la concurrence devient vite assez rude. Poussés par les donneurs d’ordre, comme les négociants en bois ou les coopératives forestières, les Turcs, et les nouveaux migrants des pays de l’Europe de l’Est, n’hésitent pas à baisser les prix de la coupe pour obtenir un contrat. Les tarifs n’ont pas changé ces dix dernières années. Revenu médiocre, travail réputé pénible, où l’accident fait partie du quotidien, le métier de bûcheron est plutôt délaissé par les générations suivantes. Ceux qui le peuvent poursuivent leurs études, les autres optent pour des emplois moins dangereux, à l’usine ou dans le bâtiment. Aujourd’hui, le profil des bûcherons turcs ressemble assez étrangement à celui des premiers arrivants. Ce sont souvent les gendres (Ithal damat) arrivés récemment en France qui prennent la relève. C’est le cas d’Ilhan à Brive. Arrivé en France il y a 14 ans à la suite de son mariage, il reprend l’entreprise du beau-père. Ou bien ce sont des Turcs qui ont rejoint la France par regroupement familial à un âge assez avancé. Les 3 frères Celik à Guéret font partie des rares à perpétuer le métier du père.


24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Kadir Akar, un bûcheron sans langue de bois Kadir Akar quitte la Turquie en 1973 pour s’installer dans la région forestière du Limousin. A Bourganeuf, il commence son aventure dans le secteur du bois, d’abord comme salarié chez un pépiniériste, avant de devenir bûcheron en 1986, à son propre compte. En 2011, il a pris sa retraite. Son épouse, qui l’a rejoint en France en 1976, a travaillé à ses côtés pendant vingt ans. FATIH TURSUN PARIS Pourquoi les premiers Turcs arrivés dans la région se sont destinés au métier de bûcheron ? C’est très simple. Ici, tu ne trouveras personne qui soit originaire d’Ankara, Izmir ou Istanbul. Tous les Turcs ici viennent des villages, sans diplôme, sans un sou en poche, comme moi. Comme il y a un problème de langue, on travaille dans le bâtiment ou en forêt. Quand le pépiniériste chez qui j’étais employé a dû fermer, on m’a proposé de couper des arbres en forêt, et j’ai accepté. Moi je n’avais jamais vu de tronçonneuse en Turquie, il n’y a pas de foret d’où je viens, à Mahmat (un village de la province de Nevşehir). En quelques jours, j’ai appris à m’en servir, et je me suis mis à couper des arbres en amateur. Dans les débuts, lorsque la tronçonneuse ne coupait pas, je cherchais un ami pour l’affûter, puis ça aussi je l’ai appris. J’ai aussi appris à réparer la tronçonneuse. De toute façon, on est obligé d’apprendre à s’en sortir seul car on ne peut pas apporter sa tronçonneuse à chaque fois à un réparateur, financièrement c’est impossible…Ça été pareil pour les amis aussi. Le prix de l’essence augmente sans cesse mais les prix appliqués par les amis turcs sont toujours fixes. Ils sont obligés d’appliquer des prix bas pour s’en sortir. J’ai travaillé pendant 23 ans à mon propre compte et je suis parti à la retraite avec beaucoup de dettes. C’est dur.

-

Le métier de bûcheron est connu pour être dangereux, avez-vous eu des accidents ? J’ai eu quelques accidents au travail. Dans le dernier, je suis resté inconscient pendant 3 à 4 heures. J’étais allé seul au chantier (parcelle de terrain où s’effectue la coupe, ndlr), sans téléphone portable. Une branche est tombée du sommet de l’arbre sur ma tête. Après, je suis retourné à la voiture, qui

était garée plus loin. Je n’avais pas mal sur le coup. C’est un passant, qui m’a vu inconscient dans la voiture, qui a appelé les pompiers. Je ne me souviens pas de grand chose. Quand je me suis réveillé, j’étais à l’hôpital de Limoges. Un bûcheron a forcément eu un accident, tous ont au moins une marque sur le corps, un souvenir d’accident. Certains en sont même morts… Mais si vous n’avez pas changé de métier, c’est qu’il a aussi de bons côtés, non ? Oui bien sûr… L’air pur de la forêt. J’ai bientôt 78 ans et et je ne me plains pas d’avoir été bûcheron, je n’ai aucun problème de santé, ça vient sûrement de l’air. Il y a beaucoup d’oxygène ici. Et crois-moi, je n’ai jamais cherché à travailler ailleurs, comme en usine. Ce qui est bien aussi c’est qu’on peut se reposer quand on veut, quand on est fatigué. C’est parce qu’on travaille à son propre compte, et qu’il n’y a personne qui nous commande. On commence et finit le boulot quand on veut, on mange à l’heure qu’on veut. On peut ne pas y aller des jours entiers. Mais parfois, on termine la journée très tard.

Les jeunes prennent-ils la relève ? Les nouvelles générations ne s’intéressent pas du tout au métier de bûcheron. On en est plutôt content, parce que nous aussi, on ne le souhaite pas pour eux. On préfère qu’ils fassent des études, qu’ils aient un métier, qu’ils soient professeurs ou comptables. Quand on dit «Turc», je ne veux pas qu’on s’imagine un homme avec à la main une pelle, une pioche ou une tronçonneuse. Nous aussi, nos mains peuvent tenir un crayon, tu sais… On sait réfléchir aussi. Et pourquoi ils devraient travailler dans les bureaux et nous toujours en forêt, au chantier. Tout le monde nous voit comme des ouvriers. C’est pour ça qu’on pousse les jeunes à étudier. Votre épouse a travaillé avec vous ? A Bourganeuf, il y a 4 familles qui ont travaillé tous ensemble, le mari, l’épouse et les enfants. On en fait partie. Au début, ma femme avait peur d’utiliser la tronçonneuse, puis elle s’y est habituée. Mais c’est sûr, ce n’est pas un métier pour les femmes. C’est physiquement très dur. Ça laisse forcément des douleurs au corps.

PROFESSION : FEMME DE BÛCHERON APRÈS L’INTERVIEW DE SON MARI, MADAME AKAR SE LIVRE SUR SON EXPÉRIENCE DE FEMME DE BÛCHERON. «Lorsque Kadir a commencé à travailler à son propre compte en forêt, il était seul, les enfants ne pouvaient pas tout le temps y aller, alors il voulait que je l’accompagne. Au début, j’y allais simplement de temps en temps pour lui donner un coup de main, pour ramasser les branches. Et puis un jour, il a acheté une voiture neuve par crédit. Et comme il avait du mal à rembourser, je suis allée l’aider. La première fois que j’ai eu une tronçonneuse entre les mains, j’avais très peur. J’ai commencé par couper les petites branches. J’ai très vite appris. Et ça me plaisait bien. Et puis, avec le temps, lui il abattait l’arbre, et moi je coupais les branches et le tronc en morceaux. J’ai travaillé près de 20 ans en forêt».


06 TURQUIE

L’UE maintient ses critiques, Erdogan se veut rassurant

MON AVOCAT CANAN ÖZENICI

Le juge du 21e siècle en France Le 9 décembre 2013, Christiane Taubira, ministre de la Justice a reçu le rapport du groupe de travail chargé de réfléchir au «juge du 21e siècle». Force est de constater que pour les justiciables et les personnels judiciaires, notre Justice a largement atteint ses limites. Notre système judiciaire est trop complexe, les procédures sont trop longues, les coûts trop élevés. Trop souvent confrontée à ces critiques, Christiane Taubira a mis en place un groupe de travail afin de réfléchir sur ces questions. Parmi ces 67 recommandations, ce rapport vise notamment à rendre les citoyens davantage acteurs de leurs litiges. Il y est proposé le développement de procédures de résolution amiable des litiges (comme la médiation), le passage en cours d’instance d’une procédure écrite à une procédure orale afin de faciliter le recours à des solutions négociées et l’utilisation accrue des nouvelles technologies numériques. Dans cet ordre d’idée, il est préconisé d’adopter des référentiels et d’en assurer la diffusion publique afin de permettre aux citoyens de prévoir ce qui peut être attendu d’une éventuelle action en Justice, et de s’en servir de référence pour régler leurs litiges entre eux. Cette proposition nous parait pour le moins saugrenue : chaque litige est bien évidemment différent, suivant le contexte, les intervenants, les sommes engagées, les responsabilités de chacun, alors comment diffuser un référentiel, sur quelle base et quel critère l’établir ? Pourquoi pas créer un programme informatique et remplacer le juge par un ordinateur après tout ? Toutes ces réflexions sur le juge du 21e siècle nous interrogent sur la question suivante : la fin de la liberté des Juges est-elle une fatalité ? Pour vos questions : ceruguz@yahoo.fr

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Erdogan et José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne.

Le Premier ministre turc était en visite officielle dans la capitale européenne le mardi 21 janvier. Les discussions entre les dirigeants, orientées sur la situation actuelle en Turquie, l’importance de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs, se sont faites sans heurts, Erdogan se voulant rassurant sur ces sujets.

-

En visite à Bruxelles, le Premier ministre Erdogan a rencontré les hauts représentants de l’Union européenne alors que la situation actuelle de la Turquie est loin de s’être assouplie. Etait notamment au cœur des discussions le projet de réorganisation du Haut Conseil de la magistrature (HSYK) qui vise, selon les critiques, à conférer au gouvernement une mainmise sur le système judiciaire. «Nous avons parlé de ce qui se passe en Turquie depuis le 17 décembre. J’ai rappelé que la Turquie, en tant que pays candi-

dat, doit s’engager à respecter les critères politiques de l’adhésion à l’UE, dont l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs», a déclaré le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, au début de la conférence de presse.

«J’AI ÉTÉ ASSEZ SATISFAIT DE CETTE DISCUSSION» «Nous avons suivi de près les événements et j’ai parlé aujourd’hui des inquiétudes européennes au Premier ministre Erdogan en tant qu’ami et partenaire honnête», a quant à lui affirmé le président de

la Commission européenne, José Manuel Barroso. «J’ai été assez satisfait de cette discussion car le Premier ministre Erdogan a, de manière très franche et ouverte, parlé de l’ensemble des problèmes et nous a rassurés sur son intention de pleinement respecter l’Etat de droit, l’indépendance judiciaire et de manière générale, la séparation des pouvoirs. Ce sont là les principes fondamentaux de la démocratie qui vont dans l’intérêt politique et économique de la Turquie. Ils occupent aussi une place centrale dans les critères de Co-

penhague pour l’adhésion à l’UE», a-t-il ajouté. «Je suis confiant et je sais que le gouvernement turc saura rapidement trouver une solution aux problèmes évoqués (...) Nous savons à quel point les problèmes auxquels fait face la Turquie sont difficiles à résoudre mais le pays n’est pas seul et nous sommes prêts à aider le Premier ministre, forts de notre expérience dans ce domaine», a affirmé Barroso.

FÜLE PARLE DE «BONS ÉCHANGES» Lors d’une conférence de presse avec le Premier ministre turc, Martin Schultz, président du Parlement européen, a déclaré que l’Etat de droit était une question essentielle pour l’UE et a souligné ses inquiétudes quant au projet de loi sur le HSYK. «Nous avons clairement dit que le gouvernement devait protéger l’Etat de droit et respecter la séparation des pouvoirs», a affirmé Schultz, qui a insisté sur l’importance de l’indépendance judiciaire. Erdogan a répondu que son gouvernement prendrait en compte les inquiétudes européennes au cours des négociations parlementaires sur le projet de loi du HSYK, mais n’a pour autant pas mentionné le retrait du texte. S’il a déclaré que les pourparlers d’adhésion étaient en bonne voie, il a répété que la Turquie pourrait «prendre une autre direction» si les négociations n’apportaient aucun résultat. Le Commissaire européen à l’Elargissement et à la Politique européenne de voisinage, Stefan Füle, a, lui, tweeté : «Bons échanges aujourd’hui avec le PM @RT_Erdogan pendant sa visite à Bruxelles concernant nos relations, dont l’importance de l’Etat de droit». Avant l’arrivée d’Erdogan dans la capitale européenne, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank Walter Steinmeier, a affirmé que les mesures répressives à l’encontre de la police et de la justice mettaient en péril les pourparlers d’adhésion.


07 TURQUIE

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

La visite de Hollande sous le signe de la normalisation Le président de la République se rend en Turquie le 27 janvier pour une visite d’Etat de deux jours. La relation franco-turque, qui a traversé une période de turbulence sous Nicolas Sarkozy, espère reprendre sa vitesse de croisière. Le programme du voyage reste cependant axé sur le volet économique. Décryptage des enjeux et des questions. SAMI KILIÇ PARIS Une relation en dents de scie. C’est la seule expression qui vient à l’esprit quand on veut définir la relation franco-turque. Les contacts ont beau être pluriséculaires, ils sont loin d’être stabilisés. Les rapports cessent et redémarrent, se relâchent et se réchauffent, ce qui donne l’impression d’un chantier en perpétuelle construction. L’opposition de Sarkozy à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ainsi que la question arménienne restent vives dans l’esprit des Turcs. L’élection de François Hollande a eu certes le mérite de consacrer une nouvelle terminologie mais les signes tangibles restent flous. « Un progrès, une décrispation, une fluidification mais un manque d’initiative et de décision concrète », assure Didier Billion, spécialiste de la Turquie à l’IRIS, Institut des relations internationales et stratégiques.

Une visite d’Etat est la visite la plus élevée dans l’ordre protocolaire entre deux pays.

-

UN ÉVÉNEMENT ATTENDU Une visite d’Etat est la visite la plus élevée dans l’ordre protocolaire entre deux pays. La dernière remonte à 1992. Il semble que les cercles diplomatiques et économiques aient particulièrement sollicité le président français. «Un signal fort adressé par la France, de nature à renforcer les relations bilatérales et à donner un nouvel élan au processus d’élargissement de l’Union européenne vers la Turquie» plutôt selon le communiqué de l’Institut du Bosphore. Rien n’est moins sûr. La dimension économique est mise en exergue. « Aujourd’hui, c’est plutôt un partenariat économique qu’il faudra faire progresser sur le plan culturel », ajoute, quant à elle, Dorothée Schmid, directrice du programme «Turquie contemporaine» de l’IFRI, Institut français des relations internationales. 300 entreprises françaises emploient environ 100.000 Turcs. Et la Turquie est en position de force, «il y a une revanche historique là-dessus» selon Schmid. La Turquie ne sollicite plus les fonds européens comme elle a pu le faire dans le passé, elle accueille de plus en plus d’investisseurs. Les secteurs de l’énergie, de l’automobile et du ferroviaire sont prometteurs. En octobre 2013, le ministre Arnaud Montebourg avait ainsi déclaré que

«l’objectif de nos deux pays est de faire de nos relations économiques reconstruites le point de solidité entre nos deux pays, quelles que soient les vicissitudes politiques». Le projet de construction de la centrale nucléaire à Sinop sera au coeur de la rencontre. Aréva et GDF Suez font en effet partie du consortium qui s’est vu attribuer l’exploitation de la centrale.

LA QUESTION ARMÉNIENNE Le mot d’ordre étant la normalisation, il est hautement improbable que le président parle des sujets qui fâchent, en tout cas en public. Ni de l’affaire de corruption et de ses conséquences lèse-libertés ni de la question arménienne. Certes, «la question du génocide arménien constitue l’une des variables négatives les plus influentes sur la relation bilatérale franco-turque depuis 2001», comme l’écrivait Dorothée Schmid dans son rapport Les élites françaises et la Turquie (2010). Mais le président Hollande, qui projette de faire une visite en Arménie en mai, préfèrera le profil bas. La France n’est pas partante pour insister et la Turquie n’est pas prête pour entendre. La conférence de presse peut cependant réserver des surprises... LA FRANCE ET LE PROCESSUS D’ADHÉSION À L’UE Lors de sa campagne, François Hollande assurait que la Turquie avait une vocation européenne mais que l’adhésion ne se ferait pas sous son mandat. Il a débloqué un seul des huit chapitres «vétoïsés» par Nicolas Sarkozy, celui portant sur la politique régionale. Didier Billion estime que cette réserve hollandaise est liée à l’absence d’une définition claire de sa ligne de politique extérieure. «Ce voyage en Turquie est une expression de ce manque de lisibilité», indique-t-il. Il reste que la France ne peut rien promettre à elle seule. Une aubaine pour Dorothée Schmid, «on peut parfaitement avoir une relation bilatérale qui fonctionne sans se préoccuper de l’adhésion». A bon entendeur.

«Les sociétés civiles sont en avance sur leurs dirigeants» Dans une interview donnée à Zaman France à l’occasion de la visite de François Hollande en Turquie, Ali Kazancigil, politologue et directeur de la revue géopolitique Anatoli, pointe le décalage qui existe entre l’implication des élites politiques et celle de la société civile. SAMI KILIÇ PARIS Quel sera l’impact du contexte politique turc assez agité en ce moment sur la visite du président Hollande? Ce qui est à regretter, c’est qu’effectivement, cette visite tombe dans le contexte actuel. Je suis persuadé que Erdogan et Gül vont faire tout leur possible pour que cette visite ne soit pas entachée par les affaires intérieures de la Turquie. Hollande doit être un peu embarrassé, d’un autre côté, s’il annulait le voyage, ce serait ensuite encore plus difficile de rétablir les relations. A mon avis, ce qu’il va faire, c’est essayer de rester à l’écart. Mais d’autres questions peuvent créer des tensions, comme la question arménienne et la question européenne. Finalement la France a déclaré officiellement qu’elle allait lever les obstacles aux négociations.

-

On évoque souvent les volets politiques et économiques de la relation franco-turque, qu’en est-il du volet socio-culturel ? Malheureusement, l’élite française n’a plus conscience de la profondeur des rapports à la fois culturels et affectifs entre les Turcs et les Français. Toute la modernisation ottomane qui a commencé au début du 19e siècle, à part le côté militaire c’était plutôt les Allemands, mais tout ce qui est enseignement, administration, justice, les

institutions, tout ça a été inspiré par la France. Aujourd’hui encore, les philosophes français, les romans français sont toujours traduits en turc, il y a un intérêt et l’élite française d’aujourd’hui a complètement oublié cela. Les Français sont opposés à l’adhésion de la Turquie et en même temps, ils ont un capital de sympathie très fort pour la Turquie ? Comment expliquer ce paradoxe ? Les sociétés civiles sont finalement en avance sur leurs dirigeants. Regardez sous Sarkozy, alors que les relations étaient mauvaises, la Saison de la Turquie a été un succès. Les Français sont opposés à l’adhésion sous l’influence des politiques mais ils avaient un grand intérêt pour la Turquie. J’ai fait des déplacements, des conférences, partout j’ai vu des Français qui s’intéressaient à la Turquie. La société civile s’intéresse à la Turquie mais au niveau politique, il y a une réticence. Il y a des choses paradoxales.


08 TURQUIE

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Etat parallèle, corruption, complot : ce qu’en disent l’AKP et le mouvement Gülen

Le mouvement Hizmet est la cible des accusations de complot du gouvernement depuis le 17 décembre.

Depuis l’ouverture des enquêtes sur les affaires de corruption, les divergences entre l’AKP et le mouvement Gülen (Hiz- met) sont devenues indéniables. Kerim Balci, rédacteur en chef de la Turkish Review, tente de clarifier les posi- tions des deux acteurs et les dynamiques actuelles de la vie politique turque. KERIM BALCI Sur quoi s’appuient Erdogan et l’AKP pour soutenir leurs accusations de complot ? Argument 1 : La police n’a pas informé ses supérieurs de la tenue de l’enquête Le gouvernement a fortement insisté sur le fait que les services de police n’ont pas informé leurs supérieurs dans les 14-15 derniers mois des enquêtes en cours. Ce qui, selon lui, est la preuve que ces enquêtes n’étaient pas authentiques mais le fruit d’un complot international visant à renverser le gouvernement. Néanmoins, selon l’article 164 (2) du code 2004 de la procédure pénale (CMK) et le règlement de l’année 2005, les agents de police et les unités de police ne sont responsables que devant le ministère public des enquêtes qu’ils mènent en son nom. La police n’est pas autorisée à divulguer quelque information que ce soit, pas même l’existence de l’enquête. Seul le procureur (pas même le procureur général) peut décider qui doit être informé, quand et comment. Contrevenir à ces dispositions est illégal et passible de poursuites judiciaires. Cette loi a été adoptée par le gouvernement AKP dans le cadre de la mise en conformité avec la législation européenne. Elle vise à empêcher que des enquêtes sensibles ne soient compromises à cause de fuites. La modification introduite signifie que désormais les supérieurs pourront accéder aux informations d’une enquête menée par une unité de police placée sous leur autorité, informations auxquelles le ministère de l’Intérieur aura librement accès, par ce même biais. Le Conseil d’Etat (Danistay) a depuis annulé cette modification du règlement de 2005, la déclarant illégale et contraire à la confidentialité et l’indépendance que requièrent une enquête judiciaire et une procédure régulière.

-

Argument 2 : 3 enquêtes distinctes ont été lancées simultanément pour déstabiliser le gouvernement. Le 17 décembre la police a procédé à un grand nombre d’interrogatoires ainsi qu’à plusieurs perquisitions. Il semble établi que les différentes interventions relèvent de trois enquêtes distinctes. Le gouvernement affirme que le fait que les arrestations et les perquisitions aient été effectuées le même jour prouve que le but visé était un impact maximal, et donc qu’il ne s’agit pas d’enquêtes régulières. Mais, bon nombre d’observateurs avancent que les procureurs ont préféré frapper un grand coup. Sachant pertinemment convaincus que lancer une première enquête donnerait au gouvernement le temps de réagir et d’empêcher qu’il n’y en ait d’autres, capables, elles, d’établir les preuves et de faire interroger les principaux suspects. Les mesures prises par le gouvernement depuis le 17 décembre semblent appuyer ce raisonnement. 41 nouveaux suspects devaient être détenus pour interrogatoire et des mandats de perquisitions avaient été émis pour sept locaux. La police devait procéder à leur exécution. Au lieu de cela, le 26 décembre, l’enquête a été retirée au procureur Akkas. Quel est le point de vue de Gülen sur l’enquête en cours sur la corruption en Turquie ? Gülen et la Fondation des journalistes et écrivains (GYV) ont déclaré que de semblables enquêtes peuvent avoir lieu dans n’importe quel pays et que le gouvernement doit coopérer avec la justice afin de faciliter le processus judiciaire. Ils ont nié toute implication dans les enquêtes en cours. Ils ont par ailleurs invité le gouvernement à prouver ses allégations, et, s’il dispose de preuves à charges, à saisir la justice au travers d’une procédure régulière. Pour l’avocat de Fethullah Gülen,

Erdogan a déclaré que le Hizmet formait un «Etat parallèle».

ces allégations, qui sont diffamatoires pour son client, sont un moyen de détourner l’attention du public d’un scandale de corruption de grande ampleur. Un certain nombre de commentateurs proches du mouvement ont souligné que les enquêtes remontaient à au moins 14-15 mois, et qu’elles ne pouvaient donc pas être liées à la décision récente du gouvernement de fermer les centres de soutien scolaire (une décision que dénonce le mouvement Hizmet). Le Hizmet était favorable à Erdogan et à son gouvernement. Que s’est-il passé ? Le GYV a publié plusieurs communiqués de presse pour rappeler la position du mouvement sur la démocratie, la primauté du droit, la liberté de la presse, la politique et la question de l’appui à un parti ou à un candidat. Fethullah Gülen et le Hizmet ont totalement soutenu la démilitarisation de la vie politique turque. Les affaires Ergenekon et Balyoz ont ainsi reçu le soutien de médias proches du Hizmet. Dans les deux cas, des ex-militaires et des civils liés au projet de coup d’Etat contre le gouvernement AKP ont été sanctionnés. Le Hizmet a soutenu la politique d’Erdogan et le gouvernement tant qu’ils favorisaient la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, l’égalité, l’adhésion à l’Union européenne, le respect et la liberté pour la diversité et le pluralisme. Aujourd’hui, Erdogan a abandonné cette politique. La rupture a été consommée le jour où le

Premier ministre a affirmé que le Hizmet avait infiltré l’appareil d’Etat et formé un «Etat parallèle», que l’actuelle enquête sur la corruption visait à nuire à l’AKP, et que le mouvement était l’agent interne de puissances étrangères qui ne veulent pas voir la Turquie devenir un acteur global. Le Hizmet est-il un «Etat parallèle» ? Fethullah Gülen encourage les musulmans à diversifier leur participation au sein de la société et à ne plus se confiner à des rôles et des fonctions prédéfinis. Selon une estimation, 8 % de la population turque revendique son affiliation au Hizmet. Avec une base aussi large, il est inévitable que le nombre de musulmans pratiquants représentés dans ces secteurs augmente. Les enseignements de Gülen ont contribué à abolir le dogme culturel et religieux qui empêchait jusqu’alors les musulmans pieux d’être activement engagés dans la société et d’œuvrer au sein du secteur public. La question n’est pas tant de savoir s’il y a des musulmans pratiquants inspirés par Gülen qui travaillent dans la police, que de se demander pourquoi, pendant toutes ces années, ils ont été maintenus dans l’idée que ces postes n’étaient pas pour eux. S’il s’agit d’affirmer que les membres de la police inspirés par Gülen sont d’une manière ou d’une autre engagés dans des activités non régulières, alors ce ne serait pas seulement contraire à loi, mais contraire également aux enseignements de Gülen.


09 TURQUIE Pas de croissance sans démocratie ! La grande vague d’arresta- tions dans le cadre d’affaires de corruption de grande am- pleur du 17 décembre dernier menée contre l’entourage du Premier ministre Erdogan a eu un effet néfaste sur la bourse stambouliote (BIST) et la livre turque face au billet vert et l’euro. Devant l’étendue du scandale, les cadres de l’AKP s’en sont pris violemment à une partie de la société turque en l’accusant de trahison. A qui la faute ? Aux procureurs qui détiennent des preuves à l’appui ? Ou au bouc émis- saire turc de service en Tur- quie, le Mouvement Gülen ? Rappelez-vous des tests de résistance mis en place par les banques centrales afin de simuler des conditions économiques et financières extrêmes mais plausibles afin d’en étudier les conséquences sur les banques et de mesurer leur capacité de résistance à de telles situations. C’est un cas similaire qu’a vécu l’écono- mie turque, à proprement dit sur le plan macroéconomique à travers la crise politique qui tend vers une crise de régime. Certes, il faut rendre à César ce qui appartient à César, les conséquences auraient été plus dévastatrices il y a dix ans. C’est justement grâce aux profondes réformes démo- cratiques réalisées par l’AKP durant les deux premières mandatures que l’économie turque a résisté plus ou moins aux «chocs» comme cela a été le cas en 2008.

DÉMOCRATIE ET DÉVELOPPEMENT SE RENFORCENT MUTUELLEMENT Y a-t-il un lien entre démo- cratie et développement économique ? La réponse est inéluctablement posi- tive. Développement et jus- tice sont indissociables, car la croissance économique doit s’appuyer sur l’existence de lois claires mais surtout équi- tables. La démocratie et le développement économique sont complémentaires et se renforcent mutuellement. L’histoire montre, d’ailleurs, que les expériences dans les- quelles démocratie et déve- loppement ont été dissociés se sont, le plus souvent, soldées par des échecs. A l’inverse, l’imbrication de la démocra- tisation et du développement contribue à enraciner l’une et l’autre dans la durée. Le règne de la justice et de la primauté du droit sont une condition essentielle de l’exercice de la démocratie et de la viabilité du développement. Ce n’est pas en réformant le Conseil supé- rieur des juges et des procu- reurs (HSYK) à la va-vite, afin de rendre l’institution plus docile et d’éliminer les juges gênants, pour nommer des personnes de confiance que ces objectifs seront atteints. a.atli@yahoo.fr

Réorganisation du HSYK : où en est-on ? La réorganisation du HSYK, initiée par le gouvernement turc, continue de soulever la polémique au sein du Parlement. L’exécutif défend la légi- timité démocratique de cette réorganisation tandis que l’opposition s’inquiète du coup porté à l’indépendance de la justice.

-

Le remaniement du Haut Conseil de la magistrature (HSYK) est actuellement débattu au Par- lement, alors même qu’une réforme avait déjà été entreprise en 2010 pour réduire l’influence kémaliste au sein de l’organe. Le projet de loi autorisera notamment le sous-secrétaire du ministre de la Justice à être élu président du HSYK. De plus, le Conseil ne pourra plus adopter de décret ni de circulaire. C’est le ministre de la Justice qui reprendra cette fonction. Le Conseil ne pourra plus prendre l’initiative de mener des enquêtes et une fois de plus, la fonction reviendra au ministre de la Justice.

8 AMENDEMENTS DÉJÀ ADOPTÉS Jusqu’ici, 8 amendements ont déjà été adoptés par la Commission sur un total de 52. Les articles disposent qu’un juriste doit être membre d’une haute Cour pendant huit ans pour être élu président et procureur général de la Cour de cassation et pendant six ans pour être élu procureur général adjoint de la Cour de cassation. De plus, les juges et les procureurs devront demander la permission du ministre de la Justice s’ils souhaitent voyager à l’étranger pour suivre une formation, mais ce ne sera plus du ressort du Haut Conseil. Les articles adoptés prévoient également que la réaffectation de

juges et de procureurs dans des cours internationales et des missions étrangères sera décidée par le ministre de laJustice.

GÜL A LAISSÉ ENTENDRE QU’IL OPPOSERAIT SON VETO Mustafa Destici du BBP, s’est inquiété publiquement du coup porté à l’indépendance de la justice. Le 15 janvier, l’exécutif a déjà commencé à réorganiser le HSYK avant que la loi ne soit complètement adoptée. Deux membres de la Première chambre du HSYK, responsables de la nomination et de la promotion des juges et des procureurs ont été démis de leur poste et réaffectés auprès d’autres chambres du Conseil. Le président Gül a laissé entendre qu’il opposerait son veto au projet de loi, qui sera alors renvoyé au Parlement. Celui-ci pourra alors soit faire passer la loi telle quelle, soit en délibérer selon les recommandations du président. UNE LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE Le vice-Premier ministre turc, Besir Atalay, a déclaré que la séparation des pouvoirs était très importante, mais qu’il fallait que le pouvoir judiciaire ait une légitimité démocratique. Le peuple doit pouvoir intervenir grâce au Parlement, d’où la réforme du HSYK pour permettre aux partis politiques de nommer les membres

du Conseil. Quant à Bekir Bozdag, ministre turc de la Jus- tice, il justifie cette réforme par la volonté d’une transpa- rence. Le rééquilibrage du Conseil passera notamment par une majorité qualifiée pour le quorum et la prise de décision, pour éviter qu’une faction ne l’emporte sur l’autre. Pour le ministre, il s’agit de briser l’apparence d’une justice qui serait idéologisée.

S’ALIGNER SUR LES STANDARDS DES AUTRES PAYS La réforme du Haut Conseil de la magistrature permet- tra ainsi au fonctionnement du système judiciaire de s’aligner sur les standards des autres pays européens, où la nomination des membres des Conseils passe par l’exécutif. En France, par exemple, la nomination des membres de la formation plénière, l’un des trois Conseils du CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature), est effec- tuée en partie par le président de la République, le pré- sident de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

Des milliers de personnes défilent pour le 7e anniversaire de la mort de Dink SEVGIAKARÇESME ISTANBUL Des milliers de personnes ont défilé à Istanbul ce dimanche 19 janvier pour commémorer le septième anniversaire de la mort de Hrant Dink. Le journaliste turco-arménien Hrant Dink a été assassiné par un jeune homme de 17 ans, Ogün Samast, le 19 janvier 2007 devant les bureaux du journal Agos dont il était rédacteur en chef. En janvier 2012, Yasin Hayal a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité au motif qu’il était à l’origine du meurtre. Un autre suspect, Erhan Tuncel, a été acquitté. En mai 2013, la Cour de cassation a rejeté une décision de justice qui avait exclu l’existence d’un réseau criminel organisé dans l’affaire. La 14e Chambre criminelle d’Istanbul a repris les audiences de l’affaire et a ordonné l’arresta-

-

tionde deux suspects, Osman Hayal and Zeynel Abidin.

AUCUN PROGRÈS DANS L’AFFAIRE Fethiye Çetin, avocat de la famille Dink, a appelé à réexaminer l’enquête sur l’affaire Dink depuis le début jusqu’au rejet par la Cour de cassation. L’actuel rédacteur en chef d’Agos, Roper Koptas, a affirmé que les personnes ayant couvert le meurtre ont été déclarées innocentes par la justice, raison pour laquelle la famille Dink n’assiste désormais plus aux audiences. «Il n’y a eu aucun progrès de fait vis-à-vis de la justice», a-t-il déclaré, ajoutant que le gouvernement avait sa part de responsabilité dans l’affaire pour ne pas avoir dévoilé l’identité des personnes qui ont planifié le meurtre et de celles qui ont cherché à négliger l’affaire.

www.özyörem.de • info@demka.de

TRIBUNE LIBRE ABDURAHMAN ATLI

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE


10 INTERNATIONAL

202

millions

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

C’est le nombre de chômeurs que compte le monde en 2013, d’après les données de l’OIT. Cela représente 5 millions de plus qu’en 2012.

Syrie : la conférence de Genève II sous le signe de la méfiance Gouvernement et rebelles syriens se sont retrouvés face à face mercredi pour la première fois depuis le début de la guerre civile en mars 2011 avec un maigre espoir de surmonter leurs divergences et de mettre fin à des violences qui ont fait plus de 130.000 morts.

-

La conférence de paix internationale sur la Syrie, dite de Genève II, s’est ouverte mercredi à Montreux en Suisse par un discours du Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Sont représentés aux négociations qui visent à mettre un terme à près de trois années de guerre civile le gouvernement syrien du président Bachar al Assad, l’opposition syrienne en exil, les Nations unies, les Etats-Unis et la Russie. La guerre civile en Syrie a fait quelque 130.000 morts depuis les premiers soulèvements contre le pouvoir en mars 2011.

SOUS DES AUSPICES PESSIMISTES Cette conférence de Genève II, qui se déroule dans un hôtel palace de Montreux, sur les bords du lac Léman, s’ouvre sous des auspices pessimistes tant les positions des autorités syriennes et des rebelles apparaissent inconciliables. Les divisions persistantes au sein de l’opposition devraient, elles aussi, compliquer la tâche des négo-

ciateurs. Pour certains insurgés islamistes, la Coalition nationale syrienne (CNS), instance soutenue par les Occidentaux et les pays du Golfe, a trahi la cause de l’insurrection en acceptant de négocier avec les émissaires de Bachar al Assad. Pour ne rien arranger, l’ouverture de la conférence a été précédée par un incident protocolaire, le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon retirant une invitation de dernière minute faite à l’Iran, principal allié de Damas dans ce conflit.

UN RAPPORT ACCABLANT POUR DAMAS La publication mardi de clichés par un exphotographe de la police militaire syrienne est venue accroître encore un peu plus les tensions et l’émotion qui s’accumulent avant l’ouverture des discussions. Ces photos apportent, selon d’anciens procureurs de tribunaux internationaux, «les preuves irréfutables» de la torture et du meurtre systématique d’environ 11.000 détenus.

Lakhdar Brahimi, émissaire spécial de l’ONU et de la Ligue arabe, John Kerry, secrétaire d’Etat américain, Ban ki-moon, secrétaire général de l’ONU et Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères.

Double attentat à la frontière syro-turque, 16 morts Un double attentat à la voiture piégée contre un poste tenu par les rebelles à la frontière syro-turque, lundi dans la province d’Idlib, a fait au moins 16 morts et entraîné une fermeture de la frontière, rapportent des sources au sein de l’opposition. Le poste frontalier de Bab al Hawa est contrôlé par le Front islamique, une alliance de brigades rebelles islamistes qui disputent à l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), affilié à Al Qaïda, le contrôle des régions du nord de la Syrie échappant à l’autorité du président Bachar al Assad. Selon un militant de la

ville, les deux voitures ont explosé à dix minutes d’intervalle. Six des victimes étaient des combattants du Front islamique et les autres probablement des civils, a précisé l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Une vingtaine de personnes ont également été blessées. Le double attentat n’a pas été revendiqué mais une précédente attaque de ce type, qui a fait 26 morts la semaine dernière à Djarablous, une ville de l’est du pays, a été imputée par les opposants à l’EIIL. Les récents combats entre groupes rebelles rivaux ont fait un millier de morts en Syrie.

Un ancien chef du FLN algérien candidat à la présidentielle -

Ali Benflis, ancien chef de file du FLN au pouvoir en Algérie, a annoncé dimanche qu’il serait candidat à l’élection présidentielle du 17 avril à l’occasion de laquelle le chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika pourrait briguer un quatrième mandat. Bouteflika est rentré en Algérie jeudi après avoir été hospitalisé plusieurs jours au Val-de-Grâce pour des contrôles médicaux «routiniers». Des sources proches de la présidence algérienne ont indiqué que la santé de Bouteflika, 76 ans, déjà hospitalisé à Paris de fin avril à mi-juillet 2013 à la suite d’un accident vasculaire cérébral, était bonne. Benflis, 70 ans, avait été battu par Bouteflika lors de l’élection de 2004. Il a indiqué que lors de la campagne qui a commencé la semaine passée, il entendait se concentrer sur la lutte contre la corruption et s’adresser aux jeunes désireux de voir un changement dans le pays. «Le problème n’est pas seulement la corruption de l’administration, mais aussi la corruption politique, celle qui garantit l’impunité», a dit Benflis devant la presse. «Ce pays de jeunes doit placer son destin entre les mains de sa jeunesse», a-t-il ajouté. Benflis qui a servi comme Premier ministre de Bouteflika en 2000 possède une chance de remporter l’élection si ce dernier ne se présente pas à sa propre succession. Si Bou-

Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis

teflika est candidat, il pourra compter sur l’appui des partis au pouvoir, des syndicats et d’importants autres groupes d’influence. Pour ses proches, Bouteflika est le meilleur garant de la sécurité et de la stabilité de l’Algérie et ils se disent confiants de le voir briguer un nouveau mandat de cinq années.


11 INTERNATIONAL Anelka poursuivi pour sa «quenelle»

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

L’ancien international français, Nicolas Anelka, est l’objet d’une procédure lancée par la Fédération anglaise. Le motif ? Avoir fait une «quenelle», un geste dénoncé comme antisémite par le gouvernement français.

-

La Fédération anglaise de football a annoncé mardi l’ouverture d’une procédure contre Nicolas Anelka, accusé d’avoir fait une «quenelle», geste dénoncé comme antisémite par le gouvernement français, au cours d’un match de Premier League le mois dernier.

IL RISQUE AU MOINS 5 MATCHES DE SUSPENSION L’action disciplinaire de la FA repose sur la règle E3 de la Fifa qui interdit «les gestes insultants ou indécents sur les terrains de football», précise la FA dans un communiqué. S’il est reconnu coupable, l’ancien international français risque au minimum une suspension de cinq matches. Il a jusqu’à jeudi 18h pour répondre à l’accusation de la FA. Anelka dément que sa «quenelle» soit «un signe nazi ou antisémite». Il affirme avoir fait ce geste pour dédicacer un but marqué avec son club West Bromwich Albion contre West Ham à l’humoriste français Dieudonné M’Bala M’Bala qui l’a popularisé et est lui-même accusé d’antisémitisme.

Un universitaire ouïghour hostile au pouvoir arrêté en Chine

-

La police chinoise a arrêté un universitaire ouïghour connu pour ses prises de position hostiles à la politique du gouvernement dans la région du Xinjiang, ont annoncé jeudi les autorités. Ilham Tohti, qui met en doute la version de Pékin au sujet d’une série d’incidents concernant la communauté ouïghoure, est accusé d’avoir «enfreint la loi», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei. Sa famille a fait savoir à Reuters qu’elle ignorait où il était détenu.

UNE POLITIQUE SÉVÈRE AU XINJIANG Ilham Tohti, un économiste de renom, a notamment contesté la façon dont le gouvernement a présenté un «attentat suicide» à la voiture piégée sur la place Tiananmen, fin octobre, imputé à un groupe de séparatistes ouïghours. Son arrestation prouve, selon l’ONG Human Rights Watch, que le gouvernement chinois a décidé de durcir sa politique au Xinjiang, foyer de la communauté musulmane ouïghoure, où des émeutes ont fait au moins 91 morts en 2013, d’après les organisations de défense des droits de l’homme.

LES CONSÉQUENCES DE LA «QUENELLE» EN ANGLETERRE Quel que soit le verdict de la FA, la «quenelle» a des conséquences en Angleterre où Zoopla, sponsor maillot de West Bromwich Albion, a annoncé qu’il cesserait son partenariat avec le club à la fin de la

saison. Le spécialiste de l’immobilier opérant sur internet versait trois millions de livres (3,6 millions d’euros) par saison à West Brom. Le groupe, dont un des directeurs, Alex Chesterman, est de confession juive, reproche à West Brom de ne pas avoir sanctionné Anelka.


12 CULTURE

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Quand la mode se met au surréalisme Croquis de Deniz Berdan, saison 2013.

Collection Moschino, «Cheap and chic fall winter»

Alors que la légendaire maison de couture Schiaparelli est de retour, la mode à l’international s’est mise au surréalisme cette année. En Turquie, les créatrices Deniz Berdan, Nazli Soylu et Kübra Tekin ont suivi la tendance. ESRA KESKIN DEMIR ISTANBUL La mode surréaliste, née en partie grâce à la collaboration entre le peintre Salvador Dali et la créatrice de mode Elsa Schiaparelli, fait son grand retour. Certains aspects de cette mode se retrouvent en effet aujourd’hui dans les dessins, les formes et les accessoires de nombreux créateurs. Schiaparelli

-

Planche de Deniz Berdan, saison 2013.

est une créatrice italienne dont nous n’entendons plus beaucoup le nom aujourd’hui mais qui a pourtant laissé son empreinte dans la mode du XXe siècle. Elle était connue pour mêler le surréalisme à la mode en général.

LE RÈGNE DE L’AVANT-GARDE DE LA MODE Le chapeau de Schiaparelli, imaginé par Dali et qui prend la forme d’une bottine, montre bien l’influence du surréalisme sur la mode. Dans la même veine, la créatrice italienne avait imaginé des colliers faits d’insectes, des sacs en forme de cages à oiseaux, des cadenas à la place des boucles de ceinture ainsi que des boutons de formes différentes, réalisés avec des matériaux de toutes sortes. Aujourd’hui, on retrouve dans la collection 2013-2014 des pièces de mode similaires aux accessoires de Schiaparelli. On constate une tendance surréaliste dans de nombreuses créations, dont celles de marques de luxe comme Dior, Kenzo, Diane von Furstenberg, Mary Katrantzou, Dolce & Gabbana ou Moschino. Des images connues empruntées à Dali (les montres, les yeux, les guitares, les lèvres) se retrouvent mêlées aux vêtements, leur donnant ainsi une profondeur et une couleur qu’ils n’ont jamais connues.

S’AMUSER AVEC LES SURFACES, LES TISSUS ET LES ORNEMENTS En Turquie, on remarque le même phénomène. Lors de la Fashion Week d’Istanbul d’octobre dernier, la collection de la créatrice Deniz Berdan comprenait des pièces de mode avec des images de chats et de visages d’enfants qui rappelaient la tendance surréaliste. Nazli Soylu est une autre créatrice turque qui a également adopté ce courant dans ses collections. Enfin, Kübra Tekin utilise aussi des formes surréelles, avec l’image d’une main sur l’une des épaules de ses robes noires. En lien avec le surréalisme et la mode, le livre de l’artiste Selçuk Demirel, «Defile» (défilé de mode) qui présente plus de 200 de ses croquis. A travers ces dessins qui représentent tantôt des formes géométriques tantôt des formes humaines, Demirel souhaite communiquer quelque chose de beaucoup plus profond que ce que ses coups de pinceaux laissent apparaître. A l’instar de Schiaparelli qui avait intégré des fibres à ses créations pour créer l’aspect d’un squelette humain. Ce qui fait dire à l’écrivain Orhan Pamuk, auteur de la préface : «Les dessins de ce livre nous rappellent que nous devons nous amuser avec les surfaces, les tissus et les ornements».

LE MOUVEMENT SURRÉALISTE Le surréalisme est un mouvement artistique et culturel, qui a débuté dans les années

1 1920, après la première guerre mondiale. Les artistes de ce mouvement avaient pour particularité de faire appel pour leurs créations à l’imaginaire, au rêve et à l’inconscient. Dans le premier manifeste du surréalisme publié par André Breton, le courant surréaliste est défini comme «un automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer (…) le fonctionnement réel de la pensée». Le mouvement surréalisme met l’accent sur son aspect révolutionnaire, qui ne se cantonne pas à une révolution des formes artistiques.


13 CULTURE

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

AGENDA CULTUREL

CONCERT

Jihâd et ijtihâd : métamorphoses de l’effort vers Dieu

Jardins arabo-andalous

Islam des mondes

Accompagnée par l’ensemble Zaman Al Wasl, la chanteuse Ihsan Rmiki interprète des mouwachahs classiques, un genre poético-musical savant né au XIe siècle en Andalousie et qui s’étend aujourd’hui jusqu’à la lointaine Syrie. Le 24 janvier à 20h30 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

La racine JHD ainsi orientée, deux de ses dérivés connaîtront en Islam une grande fortune, ceux de jihâd et d’ijtihâd.

Nuances andalouses tangéroises

Musique arabo-andalouse de la célèbre école de Tanger. Avec l’ensemble Layali Ennagham, sous la direction du maestro Abdeslam Khaloufi.

-

‘‘

«L’ijtihâd est un «effort d’interprétation du Coran» visant à extraire des normes juridiques» le Coran : plus de deux cents occurrences dans les quelque 6235 versets qui le constituent. Il s’en faut beaucoup, pour autant, que cette notion soit univoque.

UN SPECTRE QUI VA DE L’ASCÈSE À L’AFFRONTEMENT Le mot jihâd, et plus généralement les dérivés de la racine arabe JHD, dessinent un large spectre sémantique qui va de l’ascèse à l’affrontement, de l’effort individuel à la guerre normée. Etymologiquement, la racine JHD contient l’idée d’effort. Ainsi, le verbe jâhada signifiet-il «faire des efforts», mais aussi «faire la guerre à quelqu’un pour le forcer à

DES CONCEPTS JURIDIQUES, POLITIQUES OU MYSTIQUES MAJEURS La racine JHD ainsi orientée, deux de ses dérivés connaîtront en Islam une grande fortune, ceux de jihâd et d’ijtihâd, devenant des concepts juridiques, politiques ou mystiques majeurs. L’ijtihâd est un «effort d’interprétation du Coran» visant à extraire des normes juridiques, c’est-à-dire à appréhender la dimension temporelle (sociale, éthique, politique) du message divin. S’il peut être personnel, il est le plus souvent le fait des ulémas, de spécialistes qui pourtant n’en usent qu’avec le plus grand scrupule. Ibn al-Qâsim, un élève de l’imam Malik (qui a donné son nom à l’une des quatre écoles juridiques du

sunnisme, le malékisme), raconte ainsi que son maître était connu pour ses «je ne sais pas», et qu’il avait passé plus de vingt ans à réfléchir sur une question sans guère trouver de réponse qui le satisfasse.

DU JIHÂD MINEUR AU JIHÂD MAJEUR Quant au jihâd, il désigne la lutte multiforme que doit mener le croyant pour faire régner les droits de Dieu sur terre, – et d’abord dans son propre cœur. D’où l’opposition entre petit et grand jihâd – entre guerre offensive ou de résistance et combat spirituel et intellectuel –, qui rappelle qu’avant de chercher à imposer un credo à autrui, il faut d’abord avoir vaincu les démons de son propre ego, avoir combattu ses passions. Revenu d’une de ses campagnes armées, le Prophète a ainsi déclaré : «Nous voici revenus du jihâd mineur pour nous livrer au jihâd majeur ». Qu’il soit défensif (guérilla, résistance) ou offensif (guerre de conquête), le jihad mineur n’en est moins pas soumis à une stricte codification qui le rapproche du concept moderne de «guerre juste», et l’éloigne d’autant des réélaborations dont l’ont affublé le salafisme dit «djihadiste» et plus généralement le wahhabisme. D’autant que, comme le souligne le grand al-Ghazâlî, en comparaison de l’amélioration de soi et de la réforme des mœurs que permet l’effort sur soi, le jihâd armé est «pareil à un léger souffle de vent sur une mer agitée».

& à voir...

Cultiver du lien social au cœur de la ville Sur la colline de Belleville, à Paris, un parc. Depuis ce parc, un splendide point de vue sur la capitale. Dans ce parc, beaucoup de verdure, une foule métissée, et un jardinier visionnaire. Humble artisan et philosophe, Gérard sert la nature au sein d’un des quartiers les plus urbains et populaires de la ville. Il y a vingt-cinq ans, ce parc n’exis-

tait pas. Bâti sur des ruines, il est le fruit de la rénovation du quartier et porte en lui toutes les ambiguïtés de la politique d’urbanisme menée depuis les années 60. Pourtant, c’est devenu un lieu de rencontre où se croisent anciens et nouveaux habitants, un lieu de vie, un modèle réduit de société en quelque sorte. Au cœur de ce domaine, le

jardinier sculpte le paysage, regarde s’écouler le temps et tente de s’approcher de l’essentiel. En complicité avec lui, la réalisatrice Frédérique Pressmann explore ce périmètre devenu huis-clos où se retrouvent tous les enjeux d’un quartier populaire et où, de manière presque inespérée, le lien entre humains peut continuer à se tisser.

Le Monde en un jardin, réalisé par Frédérique Pressmann (documentaire, France, 2013, 1h31). Prix Découverte télévision Scam 2012. Sortie en salles le 22 janvier.

Les Arabes et la Shoah

Comme toute vision religieuse de la politique, l’intégrisme islamique a tendance à essentialiser le conflit israélo-arabe et à emprunter à l’antisémitisme occidental. Ce positionnement est dans une certaine mesure symétrique aux attitudes pro-israéliennes essentialistes. Par Gilbert Achkar, professeur à la School of Oriental and African Studies (Londres). Le 28 janvier à 18h00 EHESS 105, boulevard Raspail 75006 Paris

Terre de l’aube

Un roman graphique musical, qui fait dialoguer chanson, dessin live, multimédia, bande dessinée, conte et animation. L’œuvre s’inspire du carnet intime d’un immigrant, un carnet où il raconte sa vie et ses rêves à sa femme et à leur fille, restées au pays... Le 25 janvier à 20h00 Le 26 janvier à 16h00 Musée de l’histoire de l’immigration 293, avenue Daumesnil 75012 Paris

TABLE RONDE

A lire

quelque chose». Dans le contexte coranique, l’idée de finalité contenue dans ces acceptions s’appliquera de manière exclusive à Dieu l’Unique : «Ô vous qui croyez ! […] Déployez vos efforts pour Sa cause, ainsi vous réussirez !» (V:35). Ou encore : «Dieu fera surgir un peuple […] s’efforçant sur le chemin de Dieu, sans la crainte d’aucun reproche. Telle est la grâce de Dieu » (V:54). Le croyant est donc décrit comme aspirant à rencontrer Dieu. Cette aspiration est effort, et cet effort, une grâce de Dieu, non un impératif extérieur. Le croyant canalise son énergie, emploie au mieux ses capacités, pour s’investir tout entier dans le plus noble des projets : se rapprocher de l’Unique.

SPECTACLE MULTIMÉDIA

SEYFEDDINE BEN MANSOUR LILLE La justice américaine a condamné le 13 janvier dernier Umar Farouk Abdulmutallab à la réclusion à perpétuité. Le Nigérian avait tenté de se faire exploser à bord d’un avion de ligne entre Amsterdam et Detroit le jour de Noël 2009. Il a affirmé avoir voulu ainsi accomplir un «djihad» contre les Etats-Unis pour venger les attaques commises par ces derniers contre les musulmans. La notion de jihâd est bien représentée dans

CONFÉRENCE

Le 25 janvier à 20h30 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

L’islamisme en Palestine

«Hamas : de l’Association des Frères musulmans au titulaire de l’Autorité d’autonomie» par Jean-François Legrain (10h30-12h30) ; «Le Jihad Islamique palestinien» par Nicolas DotPouillard (14h00-16h00) ; «L’islamisme chez les arabes israéliens/ Palestiniens d’Israël» par Elisabeth Marteu (16h15-18h00). Le 25 janvier iReMMO 5-7, rue Basse des Carmes 75005 Paris


OPINION14

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Affaire de corruption : ce n’est pas une «lutte de pouvoir» ! En Turquie, laïcards et islamistes pensent qu’il y a une lutte de pouvoir entre le Premier ministre Erdogan et le leader religieux Gülen. Mais pour le chroniqueur Sahin Alpay, l’idée d’un Etat parallèle «güléniste» est une théorie du complot par excellence.

-

Edité par : Source SARL 2, boulevard Saint Martin 75010 PARIS Directeur de la Publication : HUSEYIN KARAKUS Directeur Général de Zaman France et Directeur des rédactions : EMRE DEMIR Rédacteur en chef adjoint : FOUAD BAHRI Directeur Administratif : FAHRETTIN TEKIN Directeur des ressources humaines : AKIF SAMETOGLU Responsable Commercial : MEHMET SELVI Service Abonnement : CELINE GOKSU Secretaires de Rédaction : FARIDA BELKACEM SELIM BEDER Traduction : CLEMENTINE RAYNAUD Correspondant Presse Alsace : MEHMET DINC Correspondant Presse Ile de France : OSMAN USTA VEDAT BULUT FERHAN KOSEOGLU Infographie : NICOLAS VINCENEUX MUHAMMED SAHIN Redacteurs Web : AYSEGUL ZORLU SUHEDA ASIK Service informatique : HASAN OZCELIK Imprimerie : L IMPRIMERIE 79 Route De Roissy 93290 Tremblay En France Adresse : 2 Boulevard Saint-Martin 75010 PARIS Tel : 01 42 00 19 36 Faks : 01 42 00 19 58 info@zamanfrance.fr www.za­manfrance.fr - www.zamanfransa.com no CPPAP : 1117 I 90032 - ISSN 1869-5795 Tarif abonnement annuel France : 120€

Mes amis et lecteurs à l’étranger me demandent souvent ces derniers temps ce que je pense de la «lutte de pouvoir» en Turquie entre le gouvernement de l’AKP et le mouvement Gülen. Un large spectre de Turcs et de Kurdes - allant des plus laïcards aux plus islamistes - pense qu’il SAHIN ALPAY y a une lutte de pouvoir entre le Premier ministre Erdogan et le leader religieux Gülen. Laïcards et islamistes pensent que les partisans du mouvement Gülen qui dominent au sein du système judiciaire et de la police, sont à l’origine de l’affaire de corruption. Ils demandent que cet «Etat parallèle clandestin» soit demasqué et démantelé, à l’image d’une chasse aux sorcières.

UN «ETAT PARALLÈLE CLANDESTIN» À DÉMANTELER ? Les islamistes adhèrent totalement à la théorie d’Erdogan, pour qui l’enquête est un complot organisé par les puissances occidentales et Israël en vue d’affaiblir la Turquie, et mené par les sympathisants du Hizmet. Les laïques, d’un autre côté, ont une position différente : nombre d’entre eux, pro-occidentaux, n’adhèrent qu’à une partie de cette théorie du complot qui vise les gülenistes. Ils demandent à la fois que l’enquête de corruption se poursuive jusqu’à l’effondrement du gouvernement et que l’«Etat parallèle» soit éradiqué. Ils demandent également que les accusés des affaires Balyoz et Ergenekon soient rejugés. Certains disent aussi que l’islamisme de l’AKP n’est pas

si dangereux car, après tout, le parti pourrait perdre son pouvoir aux prochaines élections, alors que l’islamisme des partisans du Hizmet est extrêmement dangereux car il menace de s’infiltrer dans les organes de l’Etat et d’islamiser la société dans son ensemble.

et de couleur politique différentes, qui croient en l’Etat de droit.

UN REMPART CONTRE LE FONDAMENTALISME RELIGIEUX Le mouvement Gülen est une force sociale qui soutient la consolidation de la démocratie et en particulier les libertés religieuses qui étaient niées par l’Etat kémaliste. L’intellectuel musulman Gülen a beaucoup critiqué la politique à tendance islamiste du Premier ministre Necmettin Erbakan. Mais il a soutenu Erdogan pendant toute la période où celuici a encouragé la démocratisation du régime. Il s’est opposé à lui quand il a glissé vers l’autorita-

UNE THÉORIE DU COMPLOT PAR EXCELLENCE Mais je ne pense pas le moins du monde que ce qui agite le pays en ce moment soit une lutte du pouvoir entre l’AKP et le mouvement Gülen. Le premier est un parti politique à la tête du pays depuis plus d’une décennie et le second un mouvement de société civile religieux apolitique. D’un côté, on a un parti politique de plus en plus «Gülen a soutenu Erdogan pendant autoritaire et intolérant toute la période où celui-ci a encouragé envers la société civile et la démocratisation du régime» de l’autre, un mouvement de la société civile qui, depuis les années 1990, sourisme et a commencé à attaquer le moutient avec ferveur la démocratisation et le vement Hizmet. Quand certains laïques développement socio-économique de la disent que Gülen est bien plus dangereux Turquie via les médias et les institutions qu’Erdogan car son but est d’islamiser éducatives. L’idée d’un Etat parallèle la société, ils ne voient pas, sûrement à «güléniste» est une théorie du complot cause de leurs préjugés islamophobes, par excellence. Il est normal qu’il y ait des le fait que la Turquie est suffisamment partisans et des sympathisants du moumusulmane pour ne pas avoir besoin vement Gülen au sein du système judid’être davantage islamisée et que Gülen ciaire et de la police. Et si, parmi eux, cerreprésente la tendance libérale de l’islam tains violent la loi, ils doivent être jugés soufi qui constitue certainement un remet sanctionnés. L’enquête de corruption part contre le fondamentalisme religieux qui implique des ministres de l’AKP, des et l’islamisme. bureaucrates et des hommes d’affaires, a s.alpay@todayszaman.com été initiée par des procureurs de religion

‘‘


15 SPORT

24 - 30 JANVIER 2014 ZAMAN FRANCE

Quel avenir pour Fenerbahçe après la condamnation de Yildirim ? La confusion règne sur le football turc après la décision de la Cour de Cassation qui a maintenu la condamnation à six ans et trois mois d’emprisonnement pour Aziz Yildirim, président du Fenerbahçe.

Le président du Fenerbahçe, Aziz Yildirim.

OKAN UDO BASSEY ISTANBUL Le football turc était déjà au bord du gouffre à la suite des affaires sans précédent de matchs truqués qui ont été révélées le 3 juillet 2011. Mais aujourd’hui, la confusion et le chaos planent sur le football turc après la décision de la Cour de Cassation qui a maintenu la condamnation à six ans et trois mois d’emprisonnement pour le président du Fenerbahçe, Aziz Yildirim, le vendredi 17 janvier.

-

YILDIRIM AVAIT FAIT APPEL Une précédente décision de justice avait condamné 93 personnes en lien avec l’affaire en 2012 et la Cour suprême d’appel a partiellement approuvé ces décisions le 17 janvier. Yildirim avait fait appel de la décision qui l’avait condamné pour trucage de matchs et formation d’une organisation illégale à cette fin. Suite à cette décision, Yildirim pourrait retourner en prison pour continuer de purger sa peine, ayant déjà passé un an en détention provisoire. La décision tant attendue de la Cour suprême d’appel du vendredi 17 janvier devait être le dernier acte de la saga des matchs truqués. Mais tout semble retourner à la case départ et les questions se font désormais plus nombreuses que les réponses, si tant est qu’il y en ait. Yildirim, qui est encore en vacances en France, peut-il être arrêté et renvoyé en prison à son retour de Turquie ? Démissionnera-t-il de son poste de président du Fenerbahçe ? LE CLUB SOUTIENT SON PRÉSIDENT «Sachez que moi, Aziz Yildirim, je ne respecte pas ce jugement contraire aux lois et que je ne reconnais pas cette décision politique», a

indiqué le président du club dans un communiqué publié sur le site du Fenerbahçe. «Soyons clair, quitte à ce qu’Aziz Yildirim soit portier de ce club et non plus président, il ne peut être renvoyé du club et ne cèdera pas», disait le communiqué. La réaction du club a été tout aussi forte. «La décision de justice sur ces soi-disant organisations illégales et trucages de match nous a touché autant que le public. Fenerbahçe, sous la direction d’Aziz Yildirim, est fier d’être membre de cette soi-disant organisation illégale», disait le communiqué. «La grande famille Fenerbahçe sera unie dans la lutte (...) Aucun pouvoir ni autorité ne pourra faire flancher la position des supporters de Fenerbahçe et de leur président». Trabzonspor, qui demande depuis le début du scandale en 2011 que le trophée du Championnat soit retiré de Fenerbahçe et qu’il lui soit remis, a porté l’affaire devant l’UEFA et devrait renouveler sa demande. La Fédération turque de Football (TFF) avait déclaré close la question du titre et avait déclaré Fenerbahçe champion 2010-2011.

Sinan Bolat va signer en Turquie -

Actuellement à Antalya pour discuter des modalités de son contrat, l’ancien portier du Standard aurait un accord de principe avec la formation promue de Erciyesspor. Originaire de la région de Kayseri, Sinan Bolat (25 ans) avait déjà été convoité par les deux équipes locales, Kayserispor et Erciyesspor, l’été dernier avant de finalement s’engager avec le FC Porto pour 5 ans. Complètement ignoré au Portugal, le portier international turc devrait donc rejoindre la formation de Bjorn Vleminckx dans les prochains jours.

Projet1_260 06/12/12 10:54 Page1


La 1 Chocolate Academy a ouvert ses portes en Turquie ère

SUHEDA ASIK PARIS Barry Callebaut, fabricant suisse de chocolat et leader mondial a inauguré le 22 novembre dernier sa première Chocolate Academy en Turquie, soit la 16e du réseau de centres de formation que le groupe a établi dans le monde. Fondée en Bel-

-

gique, la société d’origine, Callebaut, commence la production de chocolat en 1911 pour ensuite fusionner avec la société francaise Cacao Barry en 1996, formant ainsi Barry Callebaut qui est aujourd’hui un des 1ers groupes mondiaux dans le domaine de la chocolaterie.

UN AVANTAGE POUR LES CHOCOLATIERS TURCS Le centre d’Istanbul dispose d’installations ultra-modernes et propose un large éventail d’ateliers et de formations dans de nombreux secteurs (chocolaterie, boulangerie, pâtisserie...) visant les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. Marc Pauquet, le directeur, explique que la fondation d’un centre à Istanbul qui propose des cours de haut niveau, à destination de cuisiniers débutants ou experts, est un avantage non négligeable pour les professionnels turcs du chocolat. Ceuxci se voyaient jusque là obligés de se rendre en Europe pour y suivre des cours. Frederic Trombert, Viceprésident de Barry Callebaut dans la Région économique qui regroupe les pays d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique (EEMEA), explique que cette Chocolate Academy, la première en Turquie, et la deuxième dans la région EEMEA, «concrétise aussi notre engagement envers le marché national du chocolat et démontre l’importance de la Turquie pour nos marques globales Callebaut®, Cacao Barry® et Carma®.

Ouvrir sa porte... avec son smartphone SUHEDA ASIK PARIS Aujourd’hui, la tendance est à la connexion : on connecte son smartphone à son ordinateur, à son bracelet, à sa bague, à sa voiture... et même à sa serrure ! Combiner ses clefs et son smartphone, telle était l’idée de Gabriel Bestard-Ribas, le patron-fondateur de Goji, une entreprise de serrures en métal et éléctroniques. La société a ainsi créé la Smart Lock, qui permet à l’habitant de la maison d’ouvrir sa porte grace à l’application installée sur le téléphone, et ce, sans même sortir son téléphone. Les serrures Goji sont combinées avec les mécaniques de serrures traditionnelles, mêlant technologie et tradition. Ainsi, la «serrure intelligente» équipée d’une caméra, prend en photo les personnes se présentant à la porte et alerte le propriétaire de la maison sous forme de notification sur son téléphone, la serrure pouvant bénéficier du réseau wifi de la maison. Pour les visiteurs occasionnels, il est possible de leur envoyer par sms ou email, des clés numériques temporaires, qui leur accordent un accès limité dans le temps ou restreint à certaines périodes. «Il s’agit de vous permettre d’avoir confiance et de contrôler l’accès à votre domicile», explique Gabriel Bestard-Ribas. Disponibles sur le site internet gojiacces.com, les serrures, à 299 dollars pièce, seront expédiées à partir de mars 2014.

-


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.