Fr n°303

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Les Ottomans et l’Afrique

Les 4 écoles du sunnisme

CULTURE12

Galatasaray : deux matchs pour rentrer dans l’histoire SPORT15

CULTURE13

21 - 27 FEVRIER 2014 N° 303 Prix : 2,5 €

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ANKARA À L’HEURE DES CALCULS POLITIQUES

La réforme du HSYK votée au Parlement

Selon les statuts de son parti, le Premier ministre turc ne pourra plus se représenter aux élections législatives de 2015. Mais à l’approche des élections municipales et présidentielles de mars et juin 2014, différents scénarios sont évoqués en coulisse.

La loi controversée sur le HSYK a été adoptée par le Parlement le samedi 15 février au matin après

20 heures de discussions et une rixe entre l’AKP et le CHP qui s’est terminée par l’hospitalisation d’un député. La loi a été adoptée avec 210 votes favorables et 28 votes défavorables. RTURQUIE 06

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Si l’AKP obtient moins de 40 % aux élections municipales de mars 2014, Tayyip Erdogan n’envisagerait pas de se présenter à l’élection présidentielle trois mois plus tard. Mais si la barre psychologique des 40% est atteinte, Erdogan s’estimera légitime pour se présenter

devant les électeurs. Gül, qui est un fidèle d’entre les fidèles, ne devrait pas s’y opposer. Une solution à la russe (alternance entre Poutine et Medvedev) serait alors envisagée, le premier allant au palais de Cankaya et le second prenant la tête du gouvernement. RTURQUIE 06-07

Erdogan va-t-il rester Premier ministre ? R07 Gül approuve la loi sur le contrôle d’internet R06 EDITO

Municipales 2014 :

Saglamer, l’homme qui veut révolutionner Strasbourg A la tête du Mouvement citoyen de Strasbourg, parti centriste, Tuncer Saglamer est candidat aux mu-

Comment créer un état d’exception en deux mois ? EMRE DEMIR r02

Racisme ordinaire : Parlons-en !

L’hommage présidentiel aux musulmans morts pour la France

«Tu viens d’où ?», «Tu parles bien le français !», «Ça te rappellera ton pays !»... Sauf que notre pays c’est la France, témoignent-ils. Lancée par la journaliste Rokhaya Diallo avec FranceTélé, une plateforme participative a été mise en place pour témoigner de ce racisme «ordinaire» banalisé dans la société d’aujourd’hui. Qu’est-ce que le racisme ordinaire ? -SOCIETE 05

François Hollande inaugurait mardi dans le jardin de la Grande mosquée de Paris deux plaques de marbre vert où sont inscrits les noms des unités musulmanes ayant combattu lors des deux guerres mondiales. Cet hommage aux morts d’hier, a-t-il tenu à souligner, «est aussi un appel au respect des vivants qui nous oblige à lutter farouchement contre les discriminations, les inégalités, pire encore, le racisme». -FRANCE 02

nicipales. Il confie à Zaman ses idées et les projets de son parti pour la ville de Strasbourg. Parmi ses priorités, l’innovation et la lutte contre les discriminations. RFRANCE 03

Des dîners pour mieux vivre ensemble -

Les groupes religieux, vieux routiers de la vie politique turque Les semonces de Tayyip Erdogan à l’encontre du mouvement Hizmet résonnent tellement fort qu’on

en est arrivé à oublier une réalité de la vie politique turque. Les puissantes relations entre les partis politiques et les groupes religieux (cemaat). C’est le grand paradoxe dans le pays d’Atatürk. Quand le sommet de l’Etat était aux petits soins avec les cheikhs… RTURQUIE 08

Zaman Okur Hattý: 01 42 00 19 36

Les dîners du vivre ensemble initiés par des Franco-turcs s’inscrivent de plus en plus dans la tradition sociale de la France. Ces dîners, qui mettent en avant la diversité sous toutes ses formes, sont conçus par leurs organisateurs comme un moyen pour les gens d’échanger, sur fond de présentation de la culture turque. Comment vivre ensemble ? Voilà une obsession bien française... En tout cas dans les débats nationaux. Mais le vivre ensemble est une réalité quotidienne et le fruit de compromis de tous les côtés. Justement, c’est la simplicité qui prévaut dans cette initiative très locale qu’est le «dîner du vivre ensemble», initié par la Plateforme de Paris. R SOCIETE 04


02 FRANCE

L’hommage présidentiel aux musulmans morts pour la France

EDITO EMRE DEMIR

Comment créer un état d’exception en deux mois ? Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a réussi a créer un état d’exception en l’espace de deux mois. Face aux allégations de corruption, Erdogan a choisi la stratégie de la polarisation avant les élections, la même stratégie utilisée pendant les manifestations de Gezi en juin 2013. Il s’agit de présenter l’enquête de corruption comme une opération internationale contre lui dans l’espoir de transformer les élections en référendum. En diabolisant une partie de la société, en qualifiant les membres du mouvement Hizmet de «collaborateurs des ennemis extérieurs», «d’agents» et de «traîtres», il espère consolider sa base électorale et étouffer les enquêtes contre lui en deux étapes. Premièrement, Erdogan a diabolisé la police et la justice en les accusant constamment d’appartenir «à une organisation illégale au sein de l’Etat». Pourtant, le simple fait que le gouvernement ait pu limoger plus de 8 000 officiers de police et de justice sans une résistance particulière affaiblit la théorie de l’existence d’un Etat dans l’Etat. Deuxièmement, le mouvement Hizmet dont les sympathisants représentent 8 à 9 % de la société turque a été l’objet d’un discours de haine de la part d’Erdogan. Le grand public, qui a interprété la situation politique comme un conflit entre AKP et Hizmet, a choisi de rester sur les bancs. Même une partie des intellectuels et journalistes de la gauche anticléricale -comme Ahmet Insel et Nedim Sener - a ouvertement soutenu les mesures antidémocratiques de Erdogan. Cette faible opposition venant de l’opinion publique a encouragé Erdogan à créer un état d’exception pour agrandir sa marge de manœuvre, tout en affaiblissant le régime démocratique : loi sur le contrôle d’internet, intervention dans le système judiciaire, limogeages de policiers et de procureurs.. La nouvelle loi approuvée par le Parlement ce samedi 15 février et portant sur le Haut Conseil de la magistrature (HSYK) confère au gouvernement une mainmise sans précédent sur le système judiciaire. Si ce texte venait à être approuvé par Abdullah Gül, il représenterait une régression de l’indépendance judiciaire actée depuis le référendum de 2010. Le deuxième chantier du gouvernement pour étouffer les enquêtes de corruption consiste à contrôler internet. Une situation d’autant plus inquiétante pour la liberté de l’information que les liens entre Erdogan et les patrons de presse sont déjà trop importants, la majorité des médias étant sous le contrôle du gouvernement puisque leur base financière est principalement à la charge de l’État. e.demir@zamanfrance.fr

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François Hollande inaugurait mardi dans le jardin de la Grande mosquée de Paris deux plaques de marbre vert où sont inscrits les noms des unités musulmanes ayant combattu lors des deux guerres mondiales. Un hommage aux morts, mais aussi «un appel au respect des vivants».

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François Hollande a rendu mardi homLe président de la République en mage aux anciens combattants musulcompagnie du mans, appelant au respect de la mémoire recteur de la des morts dont la religion, a-t-il dit, est Grand mosquée de Paris. «parfaitement compatible avec les valeurs de la République». Le chef de l’Etat a inauguré dans le jardin de la Grande mosquée de Paris deux plaques de marbre vert où sont inscrits en français et en arabe les noms des unités musulmanes ayant combattu lors des deux guerres mondiales, qui ont fait quelque 100 000 morts de confession musulmane. Le dispositif sera complété par une borne interactive permettant de retrouver les noms des combattants nés hors de France et donc absents des monuments aux morts du pays. François Hollande a parlé dans son discours de «réparation» et d’un «acte de justice». «Maintenant, les soldats musulmans tombés pour notre pays pourront être connus

de tous et surtout de leurs propres enfants et petits-enfants qui retrouveront leur parcours, leur combat, leur gloire», a dit le président. Pendant la Première guerre mondiale, dont on célèbre cette année le centenaire, environ 175 000 soldats venant d’Algérie ont été mobilisés, ainsi que 180 000 originaires d’Afrique noire, 60 000 de Tunisie et 37 000 du Maroc.

RESPECT DES VIVANTS La cérémonie de mardi s’inscrit dans la continuité du processus qui a notamment vu l’inauguration d’un carré musulman sur le site de Douaumont, près de Verdun (Moselle), lieu de la bataille la plus sanglante de la Première guerre mondiale. «La France n’oubliera

jamais le prix du sang versé, elle gardera en mémoire les noms de ceux qui se sont battus pour notre liberté, sans distinction d’origine ou de religion», a dit François Hollande. Cet hommage aux morts d’hier «est aussi un appel au respect des vivants qui nous oblige à lutter farouchement contre les discriminations, les inégalités, pire encore, le racisme». Dans une France «riche de sa diversité et forte de son unité», il a défendu la laïcité. «C’est au nom de la laïcité qu’est reconnu un islam de France, un islam d’ouverture de tolérance, de solidarité, un islam qui a ses lieux et ses imams en parfaite harmonie avec les valeurs que nous partageons tous», a-t-il poursuivi, saluant «un islam donc parfaitement compatible avec les valeurs de la République». PHOTO DE LA SEMAINE

L’athlète biélorusse Anton Kushnir a été sacré lundi 17 février 2014 champion olympique de saut en ski acrobatique, aux Jeux de Sotchi.

...ET UNE MAUVAISE

UNE BONNE...

En Europe, le marché du film a subi un nouveau revers

Le premier malade à porter le coeur artificiel mis au point par Carmat se trouve dans un état «satisfaisant», a fait savoir mardi l’hôpital européen Georges Pompidou de Paris, 60 jours après l’opération. Le patient âgé de 76 ans s’alimente et ne nécessite plus d’assistance opératoire continue, précise l’hôpital dans un communiqué,

La fréquentation des salles de cinéma dans l’Union européenne a baissé de 4,1 % en 2013 pour atteindre 908 millions de billets vendus, le deuxième plus bas niveau des dix dernières années, annonce vendredi l’Observatoire européen de l’audiovisuel. Il s’agit de la quatrième baisse consécutive du marché depuis quatre ans, selon des

soulignant que le bon fonctionnement de la bioprothèse Carmat permet de dispenser le patient d’un traitement anticoagulant depuis le 10 janvier. Le coeur artificial implantable mis au point par la société est destiné à des malades souffrant d’une insuffisance cardiaque à un stade terminal et dont l’espérance de vie est très courte.

chiffres encore provisoires, et d’un quasi doublement de la tendance observée l’an dernier, quand le nombre d’entrées avait baissé de 2,2 %. Les principaux marchés sont touchés, à commencer par le premier, la France, en baisse de 5,3 %, l’Espagne (- 16 %), le Royaume-Uni et l’Allemagne (- 4 %). Le marché italien remonte en revanche de 6,6 % après une forte chute en 2012.

NOUVELLE

Cœur artificiel : le premier patient se porte bien


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MUNICIPALES 2014 :

Saglamer, l’homme qui veut révolutionner Strasbourg A la tête du Mouvement citoyen de Strasbourg, parti centriste, Tuncer Saglamer est candidat aux municipales. Il confie à Zaman ses idées et les projets de son parti pour la ville de Strasbourg. Parmi ses priorités, l’innovation et la lutte contre les discriminations. FOUAD BAHRI PARIS A Strasbourg, les habitants voient les choses en grand. La ville, qui est régulièrement présentée comme la capitale de l’Europe puisqu’elle abrite le siège de nombreuses institutions (Conseil de l’Europe, Parlement européen...), sait aussi inspirer le civisme à nombre de ses citoyens. C’est le cas de Tuncer Saglamer, né en Turquie et naturalisé français, qui a décidé de se lancer dans la course aux municipales. Du haut de ses 44 ans, ce diplômé de l’université Marc Bloch de Strasbourg dans un cursus relatif à la vie associative, a été l’un des membres fondateurs de l’association Cojep International, créée en 1989. Une ONG reconnue aujourd’hui par les Nations unies et le Conseil de l’Europe pour son action dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme, le vivre ensemble, la lutte contre les discriminations et la citoyenneté active.

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UN PARCOURS POLITIQUE EN DENTS DE SCIE Chef d’entreprise dans le secteur de l’immobilier, Tuncer a eu un parcours politique plutôt éclectique. «J’ai fait partie de la gauche pendant une dizaine d’années et de la droite également pendant dix ans. Quand je me suis lancé en politique, les gens venant de la diversité avaient plutôt tendance à aller à gauche. L’expérience que j’en ai tirée est qu’il n’y a pas de place pour les nouveaux. Il y a des blocages pour ceux qui veulent évoluer. Pendant 20, 30 ans les mêmes candidats restent aux mêmes places», confie-t-il à Zaman France. Après un passage à Démocratie libérale d’Alain Madelin, il décide donc de lancer le Mouvement citoyen de Strasbourg (MCS) qu’il définit comme un parti centriste. «Il y a des valeurs de droite que je partage comme la famille, le respect de la morale. A gauche, je partage les valeurs du social, de la solidarité et du partage et au centre, j’adhère au principe de l’économie de marché». LOGEMENT, EMPLOI ET INNOVATION Les projets du candidat Saglamer, «élaborés par des citoyens de la base et venant de divers horizons», sont orientés sur l’emploi et le logement. Sur ce dernier point, Tuncer espère réduire les lenteurs administratives. «Certaines personnes attendent deux ou trois ans pour avoir une réponse pour un logement ou un permis de construire. Je connais un restaurateur qui veut s’installer et qui attend depuis six mois une réponse de la ville», assure-t-il. Le candidat franco-turc défend également la création de 25 % de logements supplémentaires pour répondre à la demande. Il souhaite par dessus-tout améliorer l’attribution de ces logements et mettre fin à une certaine ghettoïsation en créant un peu plus de mixité sociale. «Aujourd’hui, les personnes de même origine ou de condition sociale équivalente sont mises dans un même immeuble», dit-il avec agacement. L’emploi est aussi l’un des défis de la candidature de Tuncer Saglamer. Pour y arriver, le Strasbourgeois mise sur l’innovation et la lutte contre les discriminations. «Nous voulons créer le premier centre d’innovation des technologies mobiles. Il n’y a pas encore en France de centre dédié aux mobiles. Nous voulons aussi améliorer la concertation entre les commerçants et leur visibilité à Strasbourg. L’idée est de créer plus d’attractivité à Strasbourg, ville plutôt tertiaire et où il y a peu de grosses industries comme à Mulhouse», précise-t-il. UN TRANSPORT AÉRIEN POUR STRASBOURG Quant aux discriminations, elles se combattent à plusieurs, dans l’esprit de Tuncer Saglamer. Pour ce faire, le candidat envisage de centraliser les CV des institutions chargées de l’emploi pour créer une Cvthèque anonyme qui permettra un accompagnement plus adapté dans ce domaine. Mais le projet le plus révolutionnaire de Tuncer est consacré à l’amé-

Tuncer Saglamer, 44 ans, vise la municipalité de Strasbourg.

lioration des transports urbains. Il s’agit du projet Skytran, un système de transport aérien avec des véhicules légers, composés de nacelles sous forme de capsules qui peuvent transporter 2 ou 4 personnes en se déplaçant dans les airs, le long d’un rail de guidage en suspension alimenté par des lignes électriques existantes. Un système de transport qu’il juge «plus sophistiqué, le moins cher, plus vert et plus efficace».

EN LUTTE CONTRE LE COMMUNAUTARISME ET L’ABSTENTIONNISME En attendant, Tuncer Saglamer soigne son image et se fait un devoir de prévenir deux fléaux électoraux récurrents : le communautarisme et l’abstentionnisme. «Je suis contre le communautarisme et contre ceux qui le pratiquent électora-

lement alors même qu’ils le dénoncent. Mon engagement est citoyen et pour la ville de Strasbourg», répond Tuncer à tous ses détracteurs qui l’accuse de surfer sur un électorat turc. Sans pour autant renier sa double culture qu’il qualifie de «richesse personnelle», «cela me donne un regard plus large et différent sur le monde». Muni d’une liste de 65 personnes et d’un noyau dur de 25 personnes qui l’accompagnent, Saglamer espère convaincre et rallier les futurs abstentionnistes. «Ce n’est pas en s’abstenant qu’on résoudra les problèmes mais en allant voter. Des gens se sont battus pour qu’on ait le droit de vote. Il faut regarder le contenu des programmes pour savoir pour qui voter». Tel est le message qu’il présentera aux électeurs strasbourgeois. Verdict, le 23 mars.


04 SOCIETE

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«J’ai beaucoup de respect pour le suffrage universel, mais là, c’est un suicide collectif pour les Suisses» C’est ce qu’a déclaré Arnaud Montebourg sur France Inter, à propos du vote des Suisses sur l’immigration, arguant qu’il y aurait «des barrières (...) en représailles pour l’exportation des produits suisses» et que, par conséquent, la Suisse s’appauvrirait.

Le vivre ensemble vient en dînant

Parmi les conviés, des élus et des représentants d’associations socio-culturelles.

Les dîners du vivre ensemble initiés par des Franco-turcs s’inscrivent de plus en plus dans la tradition sociale de la France. Ces dîners, qui mettent en avant la diversité sous toutes ses formes, sont conçus par leurs organisateurs comme un moyen pour les gens d’échanger, sur fond de présentation de la culture turque. FARIDA BELKACEM PARIS Comment vivre ensemble ? Voilà une obsession bien française... En tout cas dans les débats nationaux. Mais le vivre ensemble est une réalité quotidienne et le fruit de compromis de tous les côtés. Justement, c’est la simplicité qui prévaut dans cette initiative très locale qu’est le «dîner du vivre ensemble», initié par la Plateforme de Paris. Pour garantir ou améliorer le lien social, des associations fondées par des Franco-turcs réunissent de façon périodique des acteurs de la vie locale autour d’un dîner préparé par les bénévoles. Parmi les conviés, des élus - députés, conseillers régionaux - des représentants d’associations socio-culturelles. L’idée est simple.. et elle fonctionne. 25 villes en France sont concernées en janvier 2014, et selon les organisateurs, plus de 3 000 personnes ont déjà participé à ces dîners.

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SIMPLICITÉ ET CONVIVIALITÉ Ces dîners, qui valorisent la diversité sociale, culturelle et intergénérationnelle, sont conçus par leurs organisateurs comme un moyen pour les gens de se rencontrer et d’échanger, sur fond de présentation de la culture turque. Les arts sont mis à l’honneur, avec des démonstrations de danse, de chant, de ney et de saz ou encore d’ebru (art du papier marbré). Des prix du vivre ensemble sont remis, par exemple à des associations qui participent à la vie locale ou bien à des intellectuels dont le travail contribue à favoriser le dialogue, comme Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des migrations. A la fin de l’événement, de petits cadeaux sont offerts aux participants, en guise de souvenir. Des invités qui témoignent de la belle ambiance de ces soirées. Une invitée d’Etude Plus, nous raconte au moment de par-

tir : «On s’intéresse à son voisin, et pas seulement pour se passer le pain». «On reviendra !», «Surtout n’arrêtez pas !» renchérissent ses voisines. «Ça vient du coeur, ça se sent», s’exclame enfin une des participantes du dîner organisé par l’association Kamélia.

IL FAUT BIEN COMMENCER QUELQUE PART A Clichy-sous-Bois, Gonesse, Thiais, Livry-Gargan, Pantin, Rennes, Strasbourg, Marseille, Saint-Etienne, Oyonnax, Crosnes, ou encore Colmar, les participants repartent ainsi à chaque fois le sourire aux lèvres après avoir écrit des remerciements chaleureux sur le livre d’or des organisateurs. Le concept est mis en place par de plus en plus d’associations fondées par des Franco-turcs mais qui s’ouvrent à un public plus large. Pour n’en citer que quelques unes : Afcel 95, Kamélia, Gonca, Nenuphar, Marseille Réflexion, la Maison des dialogues, Horizon, la Plateforme de développement économique et social, Etude Plus, FEDIF Rhône-Alpes... Mais qu’apportent réellement ces dîners, au-delà des discussions et des politesses convenues ? Un organisateur le dit assez bien : «Le vivre ensemble passe par le faire ensemble». Ces rencontres sont l’occasion d’amorcer des dialogues qui peuvent ensuite se transformer en projets communs et en actions collectives. C’est l’avis de Pascal Popelin, député de la 12e circonscription de Seine Saint Denis et adjoint au maire de Livry-Gargan, et l’invité de plusieurs associations, qui nous explique : «[Ce dîner] nous a permis de nous connaître au départ. Maintenant il nous arrive très souvent de nous voir en dehors de ces dîners.» Il faut bien commencer quelque part. Organiser ces dîners du vivre ensemble, c’est ne pas attendre que l’occasion d’agir se présente, mais la créer. C’est aussi penser que «ceux qui seront capables de s’en sortir sont ceux qui sauront coopérer entre eux», d’après Rodrigo Arenas, candidat EELV à la mairie de Montfermeil. FAIRE LE PREMIER PAS Au fond, en organisant ces dîners du vivre ensemble, les communautés donnent leur vision de la socialisation dans le pays d’accueil. Une vision qui se distingue mais existe de façon apaisée. Le député Popelin l’a bien compris et décrit ainsi la communauté franco-turque : «Ils gardent leur culture tout en s’ouvrant aux autres, avec les dîners du vivre ensemble par exemple. On n’est pas dans une logique de revendication identitaire forte, qui est une forme de rejet du pays parce qu’on n’y a pas trouvé sa place». Une vision qui postule notamment une responsabilité de la part du citoyen : celle d’aller à la rencontre de l’autre et de faire le premier pas. Un pas culturel qui rappelle que : «Dans la culture de l’autre, il y a un petit bout de notre culture», comme le formule une des participantes du dîner de Clichy-sous-Bois.


05 SOCIETE Racisme ordinaire : Parlons-en ! SUHEDA ASIK PARIS «Tu viens d’où ?», «Tu parles bien le français !», «Ça te rappellera ton pays !»... Sauf que notre pays c’est la France, témoignent-ils. Lancée par la journaliste Rokhaya Diallo avec FranceTélé, une plateforme participative a été mise en place pour témoigner de ce racisme «ordinaire» banalisé dans la société d’aujourd’hui. Qu’est-ce que le racisme ordinaire ? Coordinatrice du comité d’expertes associées à la plateforme, et administratrice de l’ENAR (Réseau Européen Contre le Racisme), Rokhaya Diallo explique : «Le racisme ordinaire, ce sont toutes ces petites phrases qui sont empreintes de pré-

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jugés que l’on entend de manière quotidienne mais contre lesquelles on n’a pas de recours légal […]. Dans la répétition, elles installent chez les gens qui les reçoivent le sentiment qu’ils ne sont pas Français à part entière. Elles leur rappellent sans cesse qu’ils ne sont pas blancs, qu’ils ne sont pas chrétiens. Même si, individuellement, ces phrases n’ont pas l’air grave, elles créent une atmosphère et un climat de rejet». Le but de ces témoignages récoltés de manière massive est de permettre une prise de conscience collective. Si, vous aussi, vous voulez témoigner, rendez vous sur la plateforme de FranceTélé : #RacismeOrdinaire les mots qui font mal.

MON AVOCAT CANAN ÖZENICI

A quoi sert vraiment l’agent l’immobilier ? Une acquisition immobilière est une étape importante pour quiconque, qu’il soit professionnel ou particulier, qu’il s’agisse d’un investissement locatif ou de l’acquisition d’une résidence principale. Bien souvent, notre interlocuteur obligé est l’agent immobilier. C’est lui qui vous fera visiter le bien en question, renseignera sur ses caractéristiques (date de construction, diagnostics, charges de copropriété, droit de passage…), il sera votre interlocuteur dans la négociation du prix et vous fera, souvent, signer le compromis, étape essentielle dans le processus d’acquisition. Mais qu’a-t-il le droit de faire exactement ? Pour répondre à cette question centrale, il faut reprendre le mandat qui lui a été confié par le propriétaire des lieux. Dans la grande majorité des cas, le mandat signé par le vendeur est un mandat dit d’entremise, qui n’oblige en aucun cas le vendeur à vendre. La mission confiée à l’agent immobilier n’est donc pas de vendre le bien confié mais simplement de mettre en contact un vendeur et un acheteur intéressé. Par exemple, vous êtes acheteur et vous faites une offre au prix affiché de vente du bien, contrairement aux idées reçues, rien n’oblige le vendeur à vendre… Beaucoup de juristes vous affirmeront pourtant le contraire en vous expliquant que la théorie de l’offre acceptée dit que le contrat de vente est formé et que le vendeur ne peut pas se rétracter sauf à payer l’indemnité de 10 %. Celui-ci pourra refuser de vendre son bien en retirant purement et simplement son bien de la vente et cela sans payer la moindre indemnité. Cette pratique de plus en plus répandue sur le marché contribue bien sûr à la flambée des prix : le vendeur met son bien en vente une première fois uniquement pour confronter son bien au marché et faire une valorisation. Dans ce contextelà, le laissé pour compte, comme souvent, est bien sûr l’acheteur qui perdra son temps et son énergie à faire une offre inutile, bien souvent mal conseillé par l’agent immobilier qui lui affirmera disposer d’un mandat de vente. Pour vos questions : ceruguz@yahoo.fr


06 TURQUIE

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Gül approuve la loi sur le contrôle d’internet Le président turc a annoncé sur son compte Twitter qu’il approuvait la loi renforçant le contrôle sur internet, soutenant d’un côté un Premier ministre actuellement sous le feu des critiques et accentuant de l’autre les inquiétudes sur la liberté d’expression et l’Etat de droit en Turquie. Près de 80 000 followers ont cessé de suivre Gül sur Twitter après son annonce.

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Le chef de l’Etat turc, Abdullah Gül, a indiqué mardi 18 février sur son compte Twitter avoir donné son feu vert à cette législation sur le contrôle d’internet. Cette nouvelle loi, adoptée à la demande du Premier ministre Erdogan, fait craindre pour la liberté d’expression en Turquie. Abdullah Gül a précisé avoir pris cette décision après que le gouvernement s’est engagé à faire adopter par le Parlement des amendements en réponse aux réserves qu’il avait émises à propos de deux articles du texte. La loi sur Internet, couplée à une loi renforçant l’influence du gouvernement sur le pouvoir judiciaire, est présentée par Erdogan comme un moyen de protéger la démocratie en empêchant la circulation des rumeurs.

#UNFOLLOWABDULLAHGUL, HASHTAG DÉSORMAIS POPULAIRE Ces lois proposées en Turquie, candidate à l’Union européenne depuis des décennies, ont soulevé des inquiétudes à Bruxelles, qui craint que le pays ne s’éloigne des standards européens, ainsi que chez les investisseurs. Les opposants à Erdogan ont appelé Gül, qui a cofondé l’AKP avec le Premier ministre en 2001 et qui est généralement vu comme une figure plus conciliante, à user de ses pouvoirs pour poser son veto sur les lois. En visite officielle en Hongrie en ce début de semaine, Gül avait pourtant laissé entendre qu’il le ferait. Peu après cette annonce d’approbation de la loi, le président Gül a perdu près

de 80 000 followers sur Twitter. Le hashtag #UnFollowAbdullahGul, appelant à arrêter de suivre le président turc qui a choisi de soutenir la loi proposée par le gouvernement, n’a pas tardé à faire le tour des réseaux sociaux. Les Turcs ont vivement critiqué le président pour son attitude pragmatique et

trop prudente sur des questions assez critiques pour déclencher des querelles entre partis politiques au Parlement. Beaucoup avaient appelé le président à intervenir pour désamorcer l’impasse politique qui a suivi la dispute sur la loi du HSYK et l’affaire de corruption. Mais leurs appels sont restés vains.

La réforme du HSYK votée au Parlement Abdullah Gül, twitteur retweeté SAMI KILIÇ PARIS On oppose souvent le tempérament du président Gül à celui de son Premier ministre, Tayyip Erdogan. Le premier serait réservé alors que le second, bavard. Mais voilà : malgré son bagou proverbial, Erdogan préfère ignorer les réseaux sociaux tandis que Gül est un adepte de Twitter. Le grand dada du chef de l’Etat lui joue cependant des tours. Avec quatre millions de suiveurs, il perd souvent la maîtrise de sa parole. Et en toile de fond, cette rivalité Gül-Erdogan, que tout le monde guette, n’arrange pas les choses. Le texte sans contexte fait alors des dégâts. On ressort les phrases du président pour commenter l’actualité, souvent de manière défavorable à son Premier ministre... Florilège des célèbres tweets détournés du président :

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«C’EST VRAIMENT ÉTONNANT !» (INSAN GERÇEKTEN HAYRET EDIYOR!)

1 Tweet posté le 7 avril 2011, il a été retweeté plus de 39 000 fois notamment lors

des événements de Gezi et à l’occasion des affaires de corruption. Hors contexte, il semblait donner un message au Premier ministre.

«IL EST TEMPS DE REGAGNER VOS MAISONS» (ARTIK HERKES EVINE DÖNMELI)

1 Posté le 15 juin 2013, lors des manifestations de Gezi, cette phrase du président

lui a donné une posture de « père de la Nation » alors que la police préférait utiliser les canons à eau...

«CE N’EST QUE LE LENDEMAIN QUE NOUS AVONS APPRIS LE RÉSULTAT DU MATCH»

1 (HEPIMIZ MAÇIN NETICESINI ANCAK ERTESI GÜN ÖĞRENEBILDIK)

Posté le 10 décembre 2012 lors du match qui opposait l’équipe du président, Kayserispor, à Karsiyaka (Izmir), le tweet a été abondamment utilisé lorsque le gouvernement s’est dit étonné de ne pas avoir été mis au courant des procédures judiciaires lancées contre les ministres.

«AVEC DES LUNETTES EN 3D, ON SE CROIT DANS UN AUTRE MONDE»

1 (3D IZLEMEK ÜZERE BIZE VERILEN GÖZLÜKLERLE KENDIMIZI BAŞKA BIR DÜNYADA HISSETTIK)

Cette banale phrase présidentielle lancée lors de l’inauguration d’un centre de haute technologie, est devenue une devise pour les déçus du gouvernement : tout le monde veut des lunettes en 3D pour se croire dans un autre monde...

«BONJOUR À TOUS» (HERKESE MERHABALAR!)

1 Salutation qui tombe le 24 mars 2013 à 12h27. Peu original mais très requin-

quant, le président salue le peuple dans toute sa simplicité. Ce tweet est devenu l’un des symboles de la « zénitude » présidentielle. Par rapport à qui ? Suivez le regard...

«J’AI VRAIMENT ÉTÉ FIER DE CE QUE J’AI VU» (GÖRDÜKLERIMDEN GERÇEKTEN GURUR DUYDUM)

1 Ce qu’il a vu ? Une usine de chimie à Yalova. Rien d’extraordinaire. Mais les

opposants ont vite détourné cet émerveillement pour en faire une ironie dénonçant le gouvernement.

Ces parodies adoucissent à coup sûr l’image d’Abdullah Gül. En politique, il ne faut jamais bouder son plaisir quand le capital de sympathie gonfle de lui-même...

Le projet de loi sur le HSYK a donné lieu à 20 heures de discussions et une rixe entre l’AKP et le CHP.

ALI ASLAN KILIÇ ANKARA La loi controversée sur le HSYK a été adoptée par le Parlement le samedi 15 février au matin après 20 heures de discussions et une rixe entre l’AKP et le CHP qui s’est terminée par l’hospitalisation d’un député. La loi a été adoptée avec 210 votes favorables et 28 votes défavorables. Le texte confère à l’exécutif un contrôle beaucoup plus fort sur le système judiciaire. La loi sera soumise au président turc Abdullah Gül plus tard cette semaine. Il aura 15 jours pour décider de la promulguer ou de la réviser. S’il choisit de renvoyer la loi devant le Parlement, celui-ci pourra l’adopter telle quelle ou y apporter les modifications selon la volonté du président.

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UN RETOUR EN ARRIÈRE En cas de promulgation, des modifications drastiques seront apportées au système judiciaire du pays. La loi conférera un certain nombre de pouvoirs au ministre de la Justice au sein du HSYK : il pourra réorganiser les trois chambres du Conseil et lancer des procédures disciplinaires envers les membres du HSYK. Une fois la loi promulguée par le président et publiée au Journal officiel, le secrétaire-général, le président du Comité des inspecteurs, l’ensemble des inspecteurs et le personnel administratif qui travaillent au HSYK seront

limogés et de nouveaux employés seront aussitôt renommés à leurs postes par le ministre de la Justice. La loi interdit au personnel limogé de demander réparation à la justice. Cette loi est un véritable retour en arrière par rapport au référendum constitutionnel lancé par le gouvernement en 2010 qui avait donné au HSYK une structure plus démocratique et pluraliste.

LA FIN D’UNE STRUCTURE PLURALISTE Le président, vice-président, les directeurs des centres d’éducation, juges et personnels employés au sein de l’Ecole de la magistrature seront limogés si la loi est promulguée. Actuellement, les candidats aux postes de président et de vice-président de l’Ecole sont sélectionnés par le Conseil de l’Ecole et élus par le Cabinet. Avec la loi, le Cabinet pourra élire le président de l’Ecole de la magistrature parmi trois candidats choisis par le ministre de la Justice. Le vice-président, lui, sera directement nommé par le ministre de la Justice. De plus, les juges et les procureurs devront avoir 20 ans d’expérience pour devenir membres du HSYK. La loi donnera également le pouvoir au ministre de la Justice de décider des sujets à débattre lors des réunions de Conseil. Les juges et les procureurs devront enfin demander l’autorisation du ministre de la Justice en cas de départ à l’étranger pour une formation professionnelle.


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Erdogan va-t-il rester Premier ministre ?

Les calculs politiques de Gül LALE KEMAL Le gouvernement semble être en tête des préférences pour les échéances électorales du mois de mars. Le résultat des élections locales pourrait pousser certains politiques à changer leur stratégie, en particulier Abdullah Gül. Selon les différents cas de figure potentiels, le Premier ministre Erdogan pourrait décider de ne pas se présenter aux présidentielles au mois d’août s’il voit qu’une baisse des votes en faveur de son parti est susceptible de compromettre son élection en tant que président. Car cette année, pour la première fois, c’est le peuple qui élira directement le chef de l’Etat.

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ISTANBUL ET ANKARA : DES POSTES DÉCISIFS Si l’AKP recueille moins de 40 % des voix aux élections locales, Erdogan pourrait choisir de modifier le règlement de son parti qui limite à trois mandats consécutifs la fonction de député et se présenter pour un quatrième mandat en tant que député. Il pourrait alors s’assurer la position de Premier ministre aux élections législatives qui doivent avoir lieu en 2015 au lieu de se présenter au poste de président. En attendant, si l’AKP obtient les municipalités d’Istanbul et d’Ankara lors des élections locales, il pourrait appeler à des élections anticipées qui se tiendraient cette année et non plus l’année prochaine. Mais il est possible que les candidats du CHP l’emportent dans ces villes.

Selon les statuts de son parti, le Premier ministre turc ne pourra plus se représenter aux élections législatives de 2015. Mais à l’approche des élections municipales et présidentielles de mars et juin 2014, différents scénarios sont évoqués en coulisse. SAMI KILIÇ PARIS Il n’y a pas de fumée sans feu, diront les plus malins. Les rumeurs vont bon train, diront les plus stoïques. Les bavardages deviennent, en effet, de plus en plus persistants sur une éventuelle révision des statuts de l’AKP (Parti de la justice et du développement), parti au pouvoir. Lorsqu’il fonda ce parti, Erdogan fit inscrire dans ses statuts, l’interdiction pour les députés et les maires d’effectuer plus de trois mandats successifs. L’objectif étant d’inciter les jeunes à s’investir. Les élections législatives de 2011 étaient donc les dernières pour lui et 73 cadres du parti dont des ténors comme Besir Atalay, vice-Premier ministre, coordinateur de la politique kurde du gouvernement, Bülent Arinç, autre vice-Premier ministre puissant, le troisième du triumvirat avec Erdogan et Gül, Ali Babacan, ministre de l’Economie et Cemil Ciçek, l’actuel président de l’Assemblée nationale.

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ERDOGAN A CONFIRMÉ CETTE DISPOSITION Les « supplications » de la base n’avaient pas adouci Erdogan qui, à maintes reprises, avait confirmé cette disposition. D’ailleurs, l’indéboulonnable ministre des Transports, Binali Yildirim, avait dû se résoudre à démissionner pour se préparer aux élections municipales à la mairie d’Izmir. C’est dire la rigidité de la règle. Et donc l’activisme corrélatif de l’entourage du Premier ministre

pour proposer ou simplement évoquer une modification de cette règle. Déjà en octobre 2013, Hayati Yazici, ministre du Commerce et rédacteur de cet article, avait affirmé qu’il suffisait de passer par le Bureau national du parti et non par le congrès pour une éventuelle révision. Bülent Turan, député d’Istanbul, avait proposé d’annuler cette règle pour Erdogan exclusivement, au nom de « l’intérêt public ». Le vice-président de l’AKP chargé des élections, Mustafa Sentop, avait défendu la même position. L’opposition ne s’est pas prononcée sur cette perspective qui ne concerne en somme que les affaires internes du parti. Dans sa chronique du quotidien Radikal, Ömer Sahin a vendu la mèche en évoquant un calcul qui se ferait en haut lieu. Ainsi, si l’AKP obtient moins de 40 % aux élections municipales de mars 2014, Tayyip Erdogan n’envisagerait pas de se présenter à l’élection présidentielle trois mois plus tard. L’actuel président, Abdullah Gül, serait le candidat naturel du parti. Mais si la barre psychologique des 40% est atteinte, Erdogan s’estimera légitime pour se présenter devant les électeurs. Gül, qui est un fidèle d’entre les fidèles, ne devrait pas s’y opposer. Une solution à la russe (alternance entre Poutine et Medvedev) serait alors envisagée, le premier allant au palais de Cankaya (siège de la présidence) et le second prenant la tête du gouvernement.

VERS UNE RÉFORME DE LA FONCTION PRÉSIDENTIELLE ? A l’occasion d’une interview accordée récemment à Al-Jazeera, le Premier ministre a évoqué pour la première fois l’éventualité d’une révision des statuts : «La seule instance qui peut se prononcer, c’est le conseil national mais moi, je ne serai jamais à l’origine d’une telle proposition», a-t-il dit. En même temps, Erdogan craint de tomber dans la situation du président Özal qui avait quitté le gouvernement pour rejoindre le palais présidentiel en 1989 avant d’envisager de démissionner et de retourner dans l’arène politique. En effet, la Constitution de 1982 donne surtout un rôle honorifique au président. Le bouillant Özal s’ennuyait terriblement à ce poste. Conscient de cette difficulté, Erdogan avait lancé un débat sur la présidentialisation du régime politique avant de faire marche arrière face à l’impossibilité de modifier la Constitution. S’il se présente, ça serait donc avec l’idée de réformer la fonction présidentielle. Les sondages récents donnent à l’AKP entre 40 et 49 %. Lors des dernières élections municipales en 2009, le parti avait obtenu 38 % des suffrages. Il n’en reste pas moins que les affaires de corruption et ses nombreux rebondissements sont de nature à déjouer les prévisions. Comme le disait l’ancien président de la République, Süleyman Demirel, dans un de ses aphorismes devenus célèbres, «en politique, 24 heures, ça a l’air de durer toujours plus long»...

PAS DE GUERRE ENTRE GÜL ET ERDOGAN De même, la situation politique pourrait changer en faveur de Gül. De l’avis général, Gül ne cherche pas le conflit avec Erdogan car ils ont, avec quelques autres hommes politiques, créé l’AKP. Par conséquent, Gül va très certainement se présenter au poste de président à la condition qu’Erdogan se présente aux élections législatives de 2015. Inversement, Gül pourrait devenir président de l’AKP et prendre la place d’Erdogan si ce dernier accède au palais présidentiel. Les manœuvres politiques adoptées par Gül pour faire son retour à l’AKP, qu’il a officiellement quitté après être devenu président, pourraient expliquer sa position plutôt prudente devant la lutte qui oppose le gouvernement au Hizmet. Pour que Gül devienne Premier ministre, il doit se présenter aux élections législatives pour, dans un premier temps, devenir député et ensuite devenir président du parti. loglu@todayszaman.com


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Les groupes religieux, vieux routiers de la vie politique turque Les semonces de Tayyip Erdogan à l’encontre du mouvement Hizmet résonnent tellement fort qu’on en est arrivé à oublier une réalité de la vie politique turque. Les puissantes relations entre les partis politiques et les groupes religieux (cemaat). C’est le grand paradoxe dans le pays d’Atatürk. Quand le sommet de l’Etat était aux petits soins avec les cheikhs… SAMI KILIÇ PARIS Lorsqu’en 2013, le prince ottoman, Son Altesse Impériale Harun Osmanoglu, courba l’échine devant le cheikh Mahmut Efendi, personne ne s’en offusqua. Le premier était certes le troisième dans l’ordre de succession de la dynastie ottomane, le second n’en restait pas moins un «esprit élevé», un de ceux que le peuple considère comme un «ami de Dieu» (veli). Les franges les plus laïques avaient beau froncer les sourcils, le respect dû à un cheikh trouvait un écho favorable au sein de la population. Dans le pays de Mustafa Kemal. Celui qui, lors d’un célèbre discours à Kastamonu en août 1925, déclarait sans ambages : «La République turque ne saurait être le pays des cheikhs, des derviches, des disciples et des partisans». Trois mois plus tard, l’Assemblée nationale interdisait les couvents, les confréries ainsi que les titres qui s’y rapportaient. L’interdiction est toujours en vigueur.

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La Constitution la maintient expressément (article 174). Mais le texte est une chose, la pratique en est une autre. Et s’il y a bien un homme public au fait de ce décalage, c’est bien le Premier ministre turc. Celui qui est entré en politique par la petite porte de la droite religieuse, soutenue par les confréries ; mais celui qui s’agace aujourd’hui de l’activisme politique présumé du Hizmet, un mouvement civil d’inspiration religieuse. Car l’évidence est là : malgré les pressions et les interdictions, les cemaat ont pignon sur rue… et sur Parlement.

ENTRE CONFRÉRIE ET COMMUNAUTÉ Le cemaat est soit une confrérie en bonne et due forme (une tarikat) avec un cheikh à sa tête et des disciples qui l’entourent soit une communauté plus informelle qui s’inspire d’un leader charismatique. Les deux groupes n’en demeurent pas moins liés à la vie publique. Ne serait-ce que pour gérer leurs biens, fondations et écoles. Elle n’est pas loin, la belle époque où les leaders étaient portés au pinacle par les cemaat. On s’est toujours bousculé à leurs portes qui pour une bénédiction, qui pour un soutien, qui pour une recommandation. Les trois grands groupes qui ont servi d’appoint aux élus sont la confrérie de la qâdiriyya, celle de la nakshbendiyya et le mouvement du nurculuk. La première n’a jamais eu l’éclat des deux autres. Haydar Bas est aujourd’hui la figure de proue de cette école. Il a d’ailleurs fondé un parti dont les scores ont du mal à décoller. L’autre grand nom, Muhammet Ustaoglu, vit plutôt en retrait. La nakshbendiyya a surtout été incarnée par la branche dite Iskenderpasa. L’ancien président de la République, Turgut Özal (1989-1993), en était un des plus illustres membres. Le cheikh, Mahmud Esad Cosan, était tellement reconnu qu’à sa mort en Australie en 2001, le Premier ministre socialdémocrate, Bülent Ecevit, peu suspect de sympathie envers l’islamisme, s’était démené pour l’inhumer dans le cimetière de la mosquée de Süleymaniye, là où reposent les grands noms de cette tarikat. En effet, un décret en Conseil des ministres était nécessaire, le cimetière étant classé monument historique. C’était sans compter le niet du président de l’époque, le très sourcilleux Ahmet Necdet Sezer. Un député du Fazilet Partisi (parti religieux issu de la mouvance de Necmettin Erbakan) avait forcé la main à Ismail Cem, alors ministre des affaires étrangères, pour qu’il prenne les choses en mains. Un certain Abdullah Gül… Abdullah Gül, l’actuel président de la République. Mais d’autres grands noms de la vie politique sont passés par cette confrérie. A commencer par Tayyip Erdogan et Necmettin Erbakan. Celui-ci alla même jusqu’à inviter tous les grands cheikhs de Turquie pour la rupture du jeûne lors de son passage à la tête du gouvernement. Ce fut l’un des épisodes les plus mouvementés de la République. L’armée grogna, la justice interdit son parti. Les pontifes de la nakshbendiyya ont un poids électoral certain : Abdulbâki Erol de Menzil (Adiyaman) est proche de l’AKP et du BBP (droite nationaliste). Mahmut Efendi à Ismailaga/Fatih (Istanbul) soutient le Saadet Partisi (droite religieuse). Le cheikh Nazim à Chypre est lui-même représenté en Turquie par

l’atypique Adnan Hoca, un partisan de l’AKP. Feu Mehmed Zaid Kotku était un inconditionnel de Necmettin Erbakan. Enfin, dernière personnalité de la nahshibendiyya, Osman Nuri Topbas, qui s’est installé à Erenköy, passe aussi pour un défenseur de l’AKP. Un des plus célèbres orateurs de ce groupe, feu Tahir Büyükkörükçü, fut même un temps député dans le premier parti d’Erbakan.

NURCUS, SÜLEYMANCI ET AUTRES GROUPES Contrairement aux Nakshbendis qui n’hésitent pas à investir le champ politique, les Nurcus se sont fait fort de ne pas y tremper. Said-i Nursi, l’initiateur des Nurcus, se détournait de la politique comme du diable. Il aimait à répéter : « Je cherche refuge auprès du Seigneur contre Satan le lapidé et contre la politique » ! Ils n’en ont pas moins soutenu les partis de centre-droit. Le conservateur-libéral Adnan Menderes dans les années 50, le libéral Turgut Özal dans les années 80, Süleyman Demirel dans les années 90 et le musulman-démocrate Tayyip Erdogan dans les années 2000. Lorsque l’interdiction de l’appel à la prière en arabe fut levée en 1950, on y décela la patte des Nurcus. Tout comme pour la mise en place des cours obligatoires de religion après le coup d’Etat de 1980. Le général Kenan Evren, qui ne perdait jamais une occasion de psalmodier le nom d’Atatürk, ne se fit pas prier. Le marxisme guettait, il fallait soit céder à la subversion soit se réfugier dans la tradition. Le choix fut vite fait. D’autres groupes sont apparus. Les Isikçilar, menés par le patron de presse Enver Ören (mort en 2013) et sa holding Ihlas. Les Süleymanci, qui ouvrent à tour de bras des écoles coraniques et des centres d’hébergement dans chaque ville. Les Cerrahi, qui attirent les grands noms du show-biz comme Mazhar Alanson, Cem Yilmaz ou Gökhan Özoguz. Le mevlévisme reste circonscrit aux intellectuels alors que les melâmis, qui n’existent presque plus, vouent une aversion aux tarikats. Discrets, ils ne se «révèlent» que le jour de leur mort ; en effet, leurs pierres tombales n’ont « ni tête ni pied » selon la formule consacrée (bî serû pâ) c’est-à-dire qu’elles sont sans ornement. Enfin, les alévis ne sont pas en reste. Ils votent surtout à gauche, en mémoire de Mustafa Kemal, le père de la laïcité turque. Brimés tout au long de l’histoire, ils se sont «enchaînés» au principe de laïcité jusqu’à en devenir les grognards. La rumeur voudrait que Deniz Baykal, ancien leader du CHP, parti kémaliste, fût tellement gêné de cette image du «parti des alévis» qu’il tenta un rééquilibrage. L’actuel président, Kemal Kiliçdaroglu, est lui-même alévi mais il préfère ne pas en jouer. Une autre branche du chiisme, les Caferis, ont également tendance à porter leurs suffrages sur le CHP même si leur leader spirituel privilégie avant tout les candidats caferis, quel que soit leur parti. Des ramifications qui donnent le tournis. C’est exactement le paysage politico-religieux de la Turquie. Les communautés religieuses sont des acteurs incontournables car ancrés. Bülent Arinç, vice-Premier ministre, déclarait dernièrement à leur attention : «Si nous ne sommes pas là, vous n’êtes plus là !». On ne saurait mieux se tromper…


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Les chefs de l’armée, désormais sous protection d’Erdogan Les chefs de l’armée : Servet Yörük (gendarmerie), Recep Bülent Bostanoglu (marine), Necdet Özel (chef d’état-major), Cemil Ciçek (président de l’Assemblée nationale), Hulusi Akar (terre), Akin Öztürk (air).

Le Parlement vient de voter une loi octroyant au Premier ministre le pouvoir exclusif d’autoriser l’ouverture d’une enquête contre les chefs de l’armée. L’actuel chef de l’état-major se trouve en outre conforté dans son poste jusqu’en 2017. SAMI KILIÇ PARIS C’est un véritable retournement de situation. Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc qui s’était auto-proclamé, il y a peu, «procureur du procès Ergenekon» (nébuleuse militaro-politique qui aurait tenté un coup d’Etat contre le gouvernement de l’AKP), en est arrivé à vouloir libérer les putschistes. Et à réconforter les officiers de haut rang qui n’avaient jamais caché leur embarras. Celui qui s’enorgueillissait d’avoir mis fin à l’ère des coups d’Etat, n’aura résisté que deux ans au cri de détresse lancé par le général Ilker Basbug, ancien chef d’état-major des armées, condamné à la prison à perpétuité pour tentative de coup d’Etat.

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LA LUTTE CONTRE «L’ETAT PARALLÈLE» L’affaire dite du «17 décembre 2013» (les poursuites judiciaires lancées contre les proches des ministres accusés de corruption) avait poussé Erdogan à se rapprocher des militaires pour démanteler ce qu’il avait appelé «l’Etat parallèle». Yalçin Akdogan, conseiller du chef du gouvernement, avait prétendu que les généraux avaient été victimes d’un complot judiciaire ourdi par les partisans de Fethullah Gülen, un penseur musulman influent en Turquie. Depuis, le mot d’ordre était la libération du soldat Basbug. Le gouvernement a donc décidé de verrouiller l’ouverture des enquêtes judiciaires contre les chefs des armées. Dorénavant, l’autorisation expresse du Premier ministre (ou du ministre de l’Intérieur pour le chef de la gendarmerie) sera nécessaire pour que la procédure débute. Cette mesure, qui avait déjà été votée pour le directeur du MIT (le service des renseignements) inquiété par une procédure judiciaire, sera d’application immédiate et concernera donc les procès en cours. Autrement dit, le général Basbug dont le procès est pendant devant la Cour de cassation devrait bénéficier de cette nouvelle règle procédurale. Les juges devront donc saisir le Premier ministre mais celui-ci semble peu enclin à satisfaire leur sollicitation. LE PRIVILÈGE DE JURIDICTION En outre, la loi institue un autre filtre, le privilège de juridiction. Désormais, les militaires concernés seront jugés par la Cour constitutionnelle transformée en Haute Cour et non plus par la justice ordinaire. L’impartialité de celle-ci avait en effet été remise en cause après la révélation des affaires de corruption. Enfin, la nouvelle loi permet de prolonger le mandat des chefs des armées jusqu’à l’âge légal de la retraite soit 65 ans pour les chefs des armées de terre, de l’air, de la marine et de la gendarmerie et 67 ans pour le chef de l’étatmajor des armées. La version antérieure n’autorisait qu’un allongement d’un an. L’actuel chef des armées, le général Necdet Özel, dont le mandat courait jusqu’en 2015, pourrait donc rester en poste jusqu’en 2017. Propulsé à la tête de l’armée en catastrophe après la démission des généraux en 2011, il est connu pour être un proche du Premier ministre et du président de la République. A peine installé, il avait fermé les portes des casernes aux journalistes et s’était astreint à ne pas faire de déclarations politiques. La «Grande muette» devient donc une protégée de l’islamo-conservateur Tayyip Erdogan, une révolution copernicienne dans le pays où l’armée était depuis 80 ans le bastion des partisans inflexibles de la laïcité.


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C’est le taux de Français qui souhaiteraient une restriction des conditions de circulation des citoyens européens dans le pays, comme l’a récemment décidé la Suisse, selon un sondage Ifop pour Atlantico.

Le Gafi maintient Ankara sur sa liste grise

La Turquie est le seul membre de l’OTAN à figurer encore sur la liste grise du Groupe d’action financière contre le blanchiment et le financement du terrorisme (Gafi). Selon cet organisme, les questions d’identification et de gel des actifs des terroristes présentent encore des défauts.. DENIZ ARSLAN ANKARA Dans son communiqué publié le 14 février au soir après s’être réuni pendant trois jours, le Groupe d’action financière contre le blanchiment et le financement du terrorisme (Gafi) indique que malgré les progrès turcs dans la lutte contre le financement du terrorisme, les questions d’identification et de gel des actifs des terroristes présentent encore des défauts. «La Turquie a poursuivi la mise en place de mesures pour améliorer son régime Gafi, comme l’ont montré de récentes décisions de justice. Le Gafi salue les progrès de la Turquie en ce qu’elle respecte amplement ses critères en matière de lutte contre le financement du terrorisme», cite le communiqué. «Mais certaines inquiétudes

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Déclaration publiée par le Gafi le 14 février et disponible sur le site de l’organisme.

persistent quant au système d’identification et de gel des actifs des terroristes conformément aux résolutions 1267 et 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Gafi encourage la Turquie à répondre aux insuffisances en matière de stratégie et à poursuivre la mise en œuvre de son plan d’action», ajoute le communiqué.

INSUFFISANCES DANS LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME Les deux pays qui figurent sur la liste noire de l’organisme gouvernemental sont l’Iran et la Corée du nord. La Turquie, elle, est sur liste «grise». Dans cette liste, figurent des pays avec des «juridictions présentant des insuffisances en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui n’ont pas réalisé de progrès

suffisants ou qui n’ont pas engagé de plan d’action en collaboration avec le Gafi pour répondre à ces insuffisances». L’Algérie, l’Equateur, l’Ethiopie, l’Indonésie, la Birmanie, le Pakistan, la Syrie et le Yémen sont également sur liste grise. «La Turquie est le seul membre de l’OTAN à faire partie de cette liste», souligne notamment à Zaman Jonathan Schanzer, vice-président pour la Recherche à la Fondation pour la défense des démocraties. «Il était prévisible que la Turquie ne se retrouve pas sur liste noire. Elle n’appartient pas à la même liste que l’Iran ou la Corée du nord. Mais des questions troublantes persistent sur les relations entre Ankara et des négociants d’or iraniens, les leaders du Hamas, al-Qaïda en Syrie ainsi que des individus placés sur le régime américain des sanctions».

Le général Sélim Idriss, ancien chef de l’ASL.

L’Armée syrienne libre écarte son chef -

L’Armée syrienne libre (ASL), soutenue par les pays occidentaux et arabes, a écarté son chef, le général Selim Idriss, dont les relations avec l’Arabie saoudite s’étaient dégradées en raison de ses tentatives de rapprochement avec le Qatar, a-t-on appris lundi auprès de l’opposition au président Bachar al Assad. Le Conseil militaire suprême de l’ASL précise dans un communiqué que son nouveau chef est le colonel Abdelilah al Bachir, qui dirigeait jusqu’à présent ses opérations dans la province de Kouneïtra, frontalière du plateau du Golan occupé par Israël.

DONNER UN NOUVEL ÉLAN À LA LUTTE CONTRE BACHAR AL ASSAD Le commandement de l’ASL explique sa décision par «l’inefficacité du commandement au cours des derniers mois» et la volonté de donner un nouvel élan à la lutte contre le régime de Bachar al Assad. Selon des sources au sein de l’opposition, la mise à l’écart de Selim Idriss est intervenue à l’issue d’une réunion du Conseil militaire suprême dimanche en Turquie, à laquelle a assisté Asaad Moustafa, ministre de la Défense du gouvernement provisoire

formé par l’opposition syrienne l’an dernier. Les opposants de la Coalition nationale syrienne (CNS), qui comprend 15 membres de l’ASL et est dirigée par Ahmed Jarba, une personnalité proche de Ryad, ont salué comme un «soulagement» la nomination d’Abdelilah al Bachir. «Idriss s’est manifestement trop rapproché des Qataris, ce qui conduit Jarba à se tourner contre lui», a expliqué une source de l’opposition syrienne. Selim Idriss, considéré comme une figure consensuelle lors de sa désignation à la tête du Conseil militaire suprême créé en décembre 2012, n’a jamais réussi à imposer son autorité auprès des rebelles combattant sur le terrain, qui lui reprochaient de passer trop de temps à l’étranger. Cependant, certains diplomates régionaux jugent que la nomination d’Abdelilah al Bachir, une figure peu connue, ne devrait pas résoudre les divisions au sein de l’ASL. L’ASL, composée en grande partie de déserteurs de l’armée syrienne, a subi de nombreux revers militaires, à la fois face aux forces de Bachar al Assad et à leurs alliés chiites libanais, irakiens et iraniens, mais aussi face aux brigades rebelles islamistes qui ont pris le contrôle des zones «libérées» du nord du pays.


11 INTERNATIONAL Danemark : l’abattage rituel interdit, musulmans et juifs outrés Au Danemark, l’étourdissement préalable des animaux a été rendu obligatoire à partir du lundi 17 février. Les musulmans et les juifs du pays, heurtés par l’interdiction de l’abattage rituel, réagissent contre une mesure jugée contraire à leur liberté religieuse. HANAN BEN RHOUMA, MARIA MAGASSA-KONATÉ Au Danemark, l’étourdissement préalable des animaux a été rendu obligatoire à partir du lundi 17 février. Conséquence de cette décision prise par le ministre danois de l’Agriculture et de l’Alimentation, Dan Jorgensen : les abattages rituels pour les juifs et musulmans deviennent interdits. L’indignation est vive du côté de la communauté musulmane dont le nombre s’élève à quelque 230 000 personnes. La Société islamique du Danemark (Islamisk Trossamfund), la principale instance représentative des musulmans du pays, a vivement condamné la nouvelle mesure jusqu’à lancer une pétition, constate Saphirnews. Celle-ci a d’ores et déjà recueilli plus de 5 000 signatures sur les 20 000 requises.

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UNE RESTRICTION À LA LIBERTÉ RELIGIEUSE Pour la Société islamique du Danemark, la pétition n’est qu’une des nombreuses initiatives qu’elle entend mettre en place pour appeler le gouvernement à faire machine arrière. L’instance estime que l’interdiction de l’abattage rituel est une restriction à la liberté des minorités mais également «une ingérence manifeste dans la liberté religieuse qui limite le droit des musulmans et des juifs à pratiquer leur religion au Danemark». «C’est une procédure qui se fait sous le couvert de la protection des animaux, malgré le fait que de nombreuses études scientifiques montrent que l’animal souffre moins lorsque l’abattage rituel est correctement effectué qu’avec un pistolet d’abattage», fait-elle savoir. Face aux critiques des communautés juives et musulmanes heurtées par l’interdiction, M. Jorgensen a jugé que «les droits des animaux sont prioritaires par rapport aux droits religieux». «Quand vous avez des minorités religieuses dans une société, vous devez les respecter, même si vous n’aimez pas ce qu’elles font», a commenté le président de la communauté juive danoise au Jerusalem Post, rapporté par La Croix. Le Congrès juif mondial reconnait que cette décision aura peu d’impacts pour les 6 000 Danois juifs, «car depuis environ 10 ans, toute la viande casher du pays est importée» mais elle est tout de même vécue comme une agression. «Cette attaque contre une pratique religieuse juive fondamentale au Danemark remet en question l’existence de la communauté dans le pays et est en forte résonance avec les attaques persistantes contre la circoncision juive en Europe», a fustigé le président du Congrès juif européen, Moshe Kantor. La liste des pays européens interdisant l’abattage rituel comme la Suisse, la Suède et la Pologne s’allonge. En partenariat avec SaphirNews.com

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«Les droits des animaux sont prioritaires par rapport aux droits religieux» a déclaré le ministre danois de l’Agriculture et de l’Alimentation, Dan Jorgensen.


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Les premiers Ottomans et l’Afrique A l’occasion de la publication d’un ouvrage collectif, Les siècles ottomans en Afrique, Zaman revient sur l’époque où l’Empire ottoman exerçait une réelle influence sur le continent africain et sur le personnage d’Ebubekir Efendi, envoyé en Afrique du Sud par le sultan Abdulaziz en 1862. Les rapports entre l’Empire ottoman et l’Afrique se sont affaiblis au moment du déclin de l’Empire.

MESUT ÇEVIKALP ANKARA Ebubekir Efendi est l’un des premiers intellectuels ottomans à être arrivé en Afrique. Son idéalisme, en tant qu’Ottoman, explique en grande partie le regard positif des Africains sur les Turcs aujourd’hui. Les Africains considèrent en effet le peuple anatolien comme l’héritier des Ottomans qui ont débarqué sur le continent il y a quelques siècles. L’Empire ottoman n’est jamais resté indifférent au besoin d’aide exprimé par les nations africaines. Des militaires et de bureaucrates étaient nommés expressément pour résoudre les problèmes rencontrés par les populations d’Afrique. Mais les rapports entre l’Empire ottoman et l’Afrique se sont affaiblis au moment du déclin de l’Empire au milieu du 19e siècle avant d’être complètement interrompus au lendemain de la Première Guerre mondiale. Certains bâtiments portent encore la trace de cet héritage ottoman.

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EBUBEKIR EFENDI L’érudit ottoman, Seyit Ebubekir al Emcedi Efendi (1835-1880), envoyé en Afrique du Sud par le sultan Abdulaziz en 1862, est un exemple qui illustre les initiatives de l’Empire ottoman envers le continent africain. Selim Argun, de l’université McGill au Canada, lui a consacré un article. «Ebubekir Efendi, né dans le nord de l’Irak en 1835, a reçu une éducation à la Médersa Emir Sulayman dans la ville de Sehrizor et a poursuivi ses études à Istanbul. En 1861, il est parti vivre à Erzurum où il a obtenu un poste à l’école musulmane de Sarayönü, établissement pédagogique de renom à l’époque. Efendi excellait en droit musulman et c’est grâce à ses facultés qu’il a été envoyé au Cap», relate l’article. LA LIBERTÉ RELIGIEUSE RESTREINTE EN AFRIQUE DU SUD «Dans les années 1800, l’Afrique du sud était une petite colonie britannique où les musulmans d’Asie étaient exilés. L’autorité britannique qui y régnait avait restreint le droit à la liberté religieuse des musulmans. Ceux-ci étaient même sur le point d’oublier leur religion. Il n’y avait pas d’autorité religieuse dans la région. Ainsi, dans les années 1860, les musulmans du Cap ont demandé à la Reine Victoria de faire envoyer par l’Empire ottoman un intellectuel islamique chez eux. Le sultan ottoman a alors accueilli cette demande en envoyant Ebubekir Efendi au Cap de Bonne-Espérance. Ebubekir Efendi, accompagné d’Ömer Lütfü Efendi a quitté les terres ottomanes le 1er décembre 1862 avant d’atteindre l’Afrique du Sud 44 jours plus tard. Ils ont été accueillis au port par un groupe de pèlerins et d’imams». Ebubekir Efendi a commencé par ouvrir une école de théologie ottomane, à laquelle

se sont inscrits 300 étudiants en 20 jours. L’intellectuel donnait des conférences le jour et organisait des groupes de conversation avec les habitants locaux la nuit. Efendi a, par la suite, ouvert une deuxième école de théologie pour filles. Il a également appris la langue pour pouvoir interagir avec la population et s’est rendu au Mozambique et à l’île Maurice en tant que représentant de l’Empire ottoman.

L’ATTACHEMENT D’EFENDI ENVERS LE PEUPLE AFRICAIN Dans une lettre au sultan Abdulaziz, les Africains exprimaient leur gratitude pour avoir envoyé Ebubekir Efendi. Le sultan a accueilli la lettre et a ensuite envoyé de l’agent pour la construction d’une mosquée à Port Elizabeth. Si Efendi a ouvert des écoles et dispensé un enseignement, il a également tenté d’atténuer l’influence du colonialisme dans la région. Il a commandé des machines spéciales à Istanbul pour fabriquer des fez, des chapeaux ottomans traditionnels, dont il a répandu l’usage. En 1875, le gouvernement turc a fait banqueroute, mais cela ne l’a pas empêché de continuer à publier des livres qu’il envoyait aux musulmans d’Afrique du Sud. Le gouvernement avait également mis de côté une importante somme d’argent pour la construction d’une mosquée. Ainsi, la première mosquée de Johannesbourg a été édifiée sous le règne du sultan Abdülhamid II.


13 CULTURE

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AGENDA CULTUREL

Le christianisme en France

Islam des mondes

Missionnaire durant 11 ans en République Islamique de Mauritanie, le père Marc Botzung est spiritain, chargé de mission Algérie et chargé d’orientation. Très impliqué dans le dialogue interreligieux, il est l’invité de La Plateforme de Paris. Le 27 février à 19h30 La Plateforme de Paris 72, rue Victor Hugo 93500 Pantin

Le destin du peuple kurde au XXe siècle et les perspectives

L’intérieur de la mosquée Selimiye à Edirne, en Turquie.

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«Entre 767 et 855, naissent les quatre écoles théologico-juridiques du sunnisme : le hanéfisme, le hanbalisme, le shaféisme et le malékisme» suivies pour interpréter le Coran et la Tradition (Sunna) afin d’en extraire un corpus de lois. Entre 767 et 855 en effet, naissent au sein du sunnisme, l’orthodoxie musulmane, les quatre écoles théologico-juridiques qui vont constituer les grands courants du droit canon : le hanéfisme, le hanbalisme, le shaféisme et le malékisme.

DES ÉCOLES PLUS LIBÉRALES QUE D’AUTRES Fondée par Abu Hanifa (696-767), le hanéfisme est incontestablement la plus libérale des quatre écoles du droit musulman sunnite. Elle accorde en effet une place particulière à l’avis personnel

(ra’y), dans l’interprétation des textes sacrés. De même, pour l’interprétation de la doctrine en général. Le jugement analogique et comparatif est ici une méthode à laquelle il est aisément fait recours et l’effort d’interprétation est encouragé (ijtihâd), loin, donc, de tout dogmatisme. En haut de l’échelle de valeurs du hanéfisme, on trouve ainsi le consensus (ijmâ‘) des savants, la justesse de la solution juridique proposée, et l’intérêt général de la Communauté. Le hanéfisme fut notamment adopté par les Abbassides (750-1258) et les Aghlabides (800-909). A cette école se rattachent aujourd’hui, essentiellement, les musulmans du monde turc (Turquie, Turkmenistan). Mais aussi en Inde, au Pakstan, en Afghanistan et même en Chine. Le hanbalisme constitue, au contraire, la plus rigoriste des quatre écoles. Fondée par Ahmad Ibn Hanbal (780-855), elle exige un retour constant aux fondements de la doctrine. Elle s’oppose ainsi à l’exercice de la raison, rejette la recherche exégétique critique, comme l’avis personnel du juriste. Elle refuse l’innovation et insiste au contraire sur l’importance de la perpétuation dogmatique (taqlîd) de la coutume. L’un des plus célèbres théologiens hanbalites est Ibn Taymiyya. Il est l’inspirateur au XVIIIe de Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhab, qui a donné son nom au wahhabisme, une doctrine es-

CONSENSUS DES SAVANTS ET JUGEMENT PERSONNEL Fondé par un membre de la tribu Quraysh, Muhammad al-Shafi‘i (767-820), le shaféisme prône le retour à la tradition directement issue du Prophète et fait du Coran la première source du droit. Moins strict que le malékisme et, à plus forte raison, que le hanbalisme, il met l’accent sur le consensus des savants. On le rencontre aujourd’hui de l’Egypte à l’Irak en passant par la Syrie, mais aussi en Afrique noire et en Asie du sud-est (Philippines, Thaïlande, Indonésie, Malaisie). Nommé d’après Malik Ibn Anas (m. 795), le malékisme est l’école du fiqh de Médine, ville dont il recueille le droit coutumier. Le malékisme présente en effet cette particularité de faire une large place aux coutumes locales dans l’élaboration doctrinale. Si, à l’instar du hanéfisme, il préconise l’effort d’adaptation, il peut sur certains points faire montre de rigorisme. Grâce à l’œuvre de son fondateur, le malékisme a réussi à unir en un tout deux principes fondamentaux du droit musulman : le consensus des savants et le jugement personnel. Il est largement présent au Maghreb (c’est même le seul rite connu au Maroc), en Egypte et en Afrique de l’Ouest.

nourrir et protéger ses oursons qui veulent explorer le monde avec l’insouciance de leur jeunesse. Un ours tout juste sorti de l’enfance doit trouver sa place dans le monde adulte et gagner son autonomie. Enfin, le mâle doit constamment défendre son territoire et imposer sa force… Une histoire pour les petits et les grands, racontée par Marion Cotillard.

Usages de la vidéo par les acteurs des révoltes dans le monde arabe

Ecritures et récits de l’engagement, du témoignage et de la violence. Une conférence prononcée par Cécile Boëx, maître de conférences à l’EHESS. Le 27 février à 15h00 EHESS 105, boulevard Raspail 75006 Paris

Terre des ours, réalisé par Guillaume Vincent (documentaire, France, 2013, 1h27). Avec Marion Cotillard (narration).

Sortie en salles le 26 février.

Le Rap et les révolutions ?

Quel a été le rôle du rap contestataire sous les dictatures dans le monde arabe ? Quel rôle le rap a-t-il joué à Tunis et au Caire pendant les révolutions ? De Rabat à Beyrouth, la scène rap contestataire continue de dénoncer. Avec, entre autres, Phenix, Klay BBJ, Weld el 15, Madou, Emino et Sadate. Entrée libre. Le 22 février de 14h00 à 16h00 Centre musical FGO-Barbara 1, rue de Fleury 75018 Paris

THÉÂTRE

Immersion 3D au pays des ours bénéficier du meilleur matériel en matière de tournage en relief. Un matériel qu’il a fallu adapter aux conditions extrêmes auxquelles il allait devoir faire face… L’histoire se passe en effet au Kamchatka. Cette terre à l’état sauvage située en Extrême-Orient russe est le royaume des ours bruns. Au fil des saisons, chacun a ses préoccupations : la mère doit

Le 22 février à 14h00 Mairie du 10e arrondissement 72, rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris

sentiellement présente en Arabie saoudite et au Qatar.

& à voir...

Il ne s’agit pas d’un film animalier de plus. Terre des ours est en effet le premier film documentaire entièrement réalisé en 3D relief, en milieu naturel et avec des animaux sauvages. Pour la petite histoire, c’est James Cameron lui-même, le réalisateur d’Avatar et un des pionniers de la 3D, qui a soutenu le projet. Le film de Guillaume Vincent a pu ainsi

Ismail Besikçi a passé 17 ans dans les prisons turques en raison de ses études sur les Kurdes, mais surtout sa défense des droits du peuple kurde. La conférence du sociologue turc sera introduite par Hamit Bozarslan, professeur à l’EHESS.

TABLE RONDE

SEYFEDDINE BEN MANSOUR LILLE Des affrontements ethnicoconfessionnels ont opposé Arabes malékites et Berbères ibadites à Ghardaïa dans le sud algérien, faisant deux morts les 5 et le 6 février dernier. Si l’ibadisme est un courant ultra-minoritaire de l’islam, distinct à la fois du sunnisme et du chiisme, il n’en va pas de même du malékisme, l’une des quatre voies (madhhab)

A lire

CONFÉRENCE

Sunnisme : les 4 voies de l’orthodoxie

Mort de Judas

80 ans après sa publication, ce monologue de Paul Claudel, peu connu du grand public, nous parle avec toujours autant d’acuité de la misère tant morale que spirituelle d’une humanité sans autre projet que l’enrichissement matériel. Jusqu’au 1er mars, du mardi au samedi à 19h00 Bouffon Théâtre 26, rue de Meaux 75019 Paris


OPINION14

21 - 27 FEVRIER 2014 ZAMAN FRANCE

Non à la «nouvelle Turquie» promise par l’AKP Dans un discours de 2006, le Premier minstre turc affirmait : «Nous devons créer un nouveau terrain d’entente qui puisse rassembler tous les groupes sociaux et tous les partis politiques». Mais depuis quelques années, déplore l’écrivain et journaliste Murat Aksoy, l’AKP a adopté un langage bien plus conservateur et tente au contraire d’homogénéiser la société.

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Le programme de l’AKP et l’idée que le parti se fait de la société ont beaucoup changé depuis 2011. Cette idée de la société n’est pas celle d’une Turquie démocratique, laïque et pluraliste. Le discours politique et les choix de l’AKP sont très différents de ce qu’avait promis le Premier ministre lors d’une réunion de groupe le 11 octobre 2006 : «N’y a-t-il pas de menaces pour l’avenir du pays MURAT AKSOY et les valeurs du régime républicain ? Evidemment que oui, mais n’oublions pas qu’elles sont marginales, qu’elles ne sont pas représentatives de la société dans son ensemble et que ces menaces peuvent être gérées dans le respect total de la loi. Finalement, ces extrémistes font aussi partie de notre peuple. Nous avons comme devoir commun de les attirer vers le centre. Nous devons nous mettre d’accord sur des points communs. Nous devons panser les plaies. Nous voyons l’avenir comme une période de restauration sociale, de renforcement de la paix et

Edité par : Source SARL 2, boulevard Saint Martin 75010 PARIS Directeur de la Publication: HUSEYIN KARAKUS Directeur Général de Zaman France et Directeur des rédactions: EMRE DEMIR Rédacteur en chef adjoint: FOUAD BAHRI Directeur Administratif: FAHRETTIN TEKIN Directeur des ressources humaines: AKIF SAMETOGLU Responsable Commercial: MEHMET SELVI Service Abonnement: CELINE GOKSU Secretaires de Rédaction: FARIDA BELKACEM SELIM BEDER Traduction: CLEMENTINE RAYNAUD Correspondant Presse Alsace: MEHMET DINC Correspondant Presse Ile de France: OSMAN USTA VEDAT BULUT FERHAN KOSEOGLU Infographie: NICOLAS VINCENEUX MUHAMMED SAHIN Redacteurs Web: AYSEGUL ZORLU SUHEDA ASIK Service informatique: HASAN OZCELIK

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«La pluralité a été remplacée par l’identité unique»

de la cohésion sociales. Peu importent les différences ethniques, religieuses, sectaires, idéologiques ou culturelles ou les différences entre hommes et femmes, nous devons créer un nouveau terrain d’entente qui puisse rassembler tous les groupes sociaux et tous les partis politiques». Malheureusement, cet objectif n’a pas encore été atteint, bien que l’AKP ait recueilli 47 % des votes en 2007 et 50 % des votes en 2011.

CONSTRUCTION D’UNE IDENTITÉ CULTURELLE UNIQUE Le troisième mandat du Premier ministre semble avoir pour objectif la transformation de la société à travers une identité culturelle unique. Cela a commencé avec la nomination des candidats pour les élections de 2011 mais ne s’est pas limité au parti. L’AKP a également essayé d’introduire cette identité dans tous les domaines où il était présent politiquement. La pluralité a été remplacée par l’identité unique. Le personnel recruté dans le secteur public présentait des critères bien propres, par exemple. En somme, l’AKP a commencé à utiliser, depuis 2011, le langage d’un parti politique conservateur et non celui d’un parti du centre, tolérant

et modéré. Ses discours et pratiques concernant un grand nombre de questions, dont celles des femmes, des jeunes, de la contraception, du nombre d’enfants par famille, de la consommation d’alcool et de la liberté de penser et d’expression ne tendent pas à une plus grande liberté.

LE RÊVE D’UNE SOCIÉTÉ IDÉALE Pendant les manifestations de Gezi, le Premier ministre a essayé de consolider ses soutiens en s’appuyant sur le discours du «50 %». De ce point de vue, ce discours relève d’une politique de la polarisation. Les mesures les plus concrètes de l’AKP, en prévision pour 2023, semblent être les projets concernant les instituts de soutien scolaire privés. Le premier signe de cette mesure a été observé lors d’une réunion de parti début 2012, lorsque Erdogan avait déclaré vouloir faire naître une génération religieuse. La nouvelle mesure introduite au niveau des lycées, qui a entraîné de nombreux débats, est plutôt importante : une grande partie des lycées généraux sont devenus des lycées spécialisés. Ensuite, le nombre d’écoles religieuses a augmenté de façon systématique et dramatique. Disons qu’il s’agit d’un choix politique délibéré guidé par un rêve de société idéale. De nombreux étudiants ont dû aller dans ces écoles sans en avoir fait le choix... Ont suivi des discussions sur la fermeture des instituts de soutien scolaire, qui, selon le gouvernement, est sous les feux des projecteurs depuis 2009. Cette volonté a montré que l’AKP ne voulait pas seulement des cercles et des acteurs laïques mais aussi des communautés religieuses dans la sphère publique. L’HOMOGÉNÉISATION DE LA SOCIÉTÉ Les éléments de tutelle au sein de l’Etat, s’ils existent, devraient disparaître, conformément à la loi. Le discours selon lequel la tutelle a été établie au sein de la justice et de l’administration n’est pas convaincant car, jusqu’à une période récente, l’AKP faisait partie de cette tutelle. L’AKP, qui s’est séparé d’un petit groupe pendant les manifestations de Gezi, a fait de même avec le mouvement Hizmet au lendemain du 17 décembre. Le problème, c’est que nous vivons dans une Turquie basée sur une identité unique et dont le ton conservateur dépasse une vision pluraliste. L’AKP tente d’homogénéiser la société et de gouverner le pays à l’aide d’une forme de système présidentiel. Alors oui, la nouvelle Turquie de l’AKP est très différente de celle dont j’avais rêvé.

ETYEN MAHÇUPYAN

Malgré la crise, l’AKP reste soutenu

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Les accusations visant l’AKP suffiraient largement à renverser n’importe quel parti au pouvoir. Certaines accusations de corruption peuvent difficilement être étouffées. Les suspects, fils de ministres compris, sont toujours en prison depuis le lancement de l’enquête anti-corruption. Le gouvernement est accusé d’avoir aidé financièrement certains médias, ce qui met en évidence des liens singuliers entre le parti et des hommes d’affaires. Des études révèlent que les deux tiers des Turcs pensent que le gouvernement est impliqué dans des actes de corruption. Une nouvelle accusation a fait suite aux précédentes : la Turquie aurait blanchi de l’argent dans des échanges commerciaux avec l’Iran par l’intermédiaire du directeur de la banque publique Halkbank. Les relations avec l’Occident ont pâti de cette affaire. Mais ce n’était pas tout. Les procureurs ont essayé de fouiller des camions à destination de la Syrie, laissant ainsi penser que ces véhicules pouvaient transporter secrètement des armes vers l’étranger. Mais certaines de ces inspections ont été empêchées par le gouvernement. Dès lors, nombreux sont ceux qui ont cru que la Turquie envoyait des armes à des groupes inconnus en Syrie et peut-être même al-Qaïda.

PRÉSERVER LA STABILITÉ ÉCONOMIQUE Mais un gouvernement impliqué dans des pratiques de corruption, intervenant dans l’appareil judiciaire dans le but de couvrir ces pratiques au niveau national et étant en contact avec un groupe jugé terroriste à l’international peut-il rester légitime ? Il serait normal de voir un tel gouvernement démissionner. S’il résiste, c’est bien que le peuple continue de le soutenir, même à contrecoeur, avec un regard pragmatique. Les Turcs veulent préserver la stabilité du pays, car stabilité politique est synonyme de stabilité économique dans un pays comme la Turquie. Si le gouvernement est capable de maintenir un certain niveau économique, la société peut dans une certaine mesure tolérer les manquements à l’éthique. Mais on a vu récemment que le gouvernement ne parvenait pas à maintenir ce fameux niveau économique. Les taux de change ont grimpé de manière incontrôlée et les contre-mesures appliquées par la Banque centrale de Turquie n’ont pas suffi à contenir la crise. Si cette crise ne peut être correctement gérée par le gouvernement, les taux de croissance pourraient baisser et les taux de chômage augmenter. En d’autres termes, la crise pourrait éloigner le gouvernement de ses soutiens... LES SOUTIENS À L’AKP NE FAIBLISSENT PAS Chose curieuse, l’AKP a commencé à donner l’image d’un gouvernement corrompu, lié à des organisations terroristes et qui, en même temps, est incapable de gérer l’économie du pays alors que trois différentes élections approchent. Rien de pire ne pouvait arriver à un parti au pouvoir. En temps normal, le gouvernement aurait dû perdre de son prestige et de ses soutiens et aurait fini par démissionner. Mais ce n’est pas le cas. Les pays occidentaux ont choisi d’observer de loin la situation et les soutiens à l’AKP ne faiblissent pas. Alors, soit la société tient ou sent une vérité qui est encore dissimulée, soit elle n’est tout simplement pas «normale». e.mahcupyan@todayszaman


15 SPORT Galatasaray : deux matchs pour rentrer dans l’histoire

21 - 27 FEVRIER 2014 ZAMAN FRANCE

En 1999, Galatasaray perdait face à Chelsea.

Maigre bilan pour les Turcs en Ligue des champions

Le huitième de finale entre Chelsea et Galatasaray est une grande étape pour le club turc qui aimerait rentrer dans le top 8 européen pour la seconde fois consécutive. Un match capital qui scellera les retrouvailles entre Chelsea et Didier Drogba. NICOLAS THEODET PARIS Galatasaray est à 180 minutes de rentrer dans l’histoire du football turc. L’équipe affrontera Chelsea FC en match aller le 26 février et en match retour le 18 mars. En cas de qualification contre Chelsea FC, le club stambouliote deviendra la seule équipe à se qualifier deux années consécutives pour les quarts de finale de la Ligue des Champions, confirmant ainsi leur progression aux côté des grands clubs européens. Mais il ne faut pas se voiler la face, l’an passé, pour les huitièmes de finale un tirage au sort plutôt favorable face aux Allemands de Schalke 04 avait facilité les choses. Cette année, ce sera Chelsea, vainqueur de l’édition 2012, qui dispose d’un des meilleurs effectifs du continent. Et avec le retour de José Mourihno sur le banc, les «Blues» semblent monter en puissance. L’entraîneur portugais tient pourtant à ne pas prendre ce match à la légère, parlant même du danger d’affronter Galatasaray et son attaquant «le roi Didier». «Ils méritent leur place», at-il déclaré, ajoutant que « Galatasaray est difficile à jouer. Très difficile. Mais je voulais que Didier soit de retour, et ressente ce que j’ai ressenti en revenant à Stamford Bridge». Une grande vague d’émotion attend donc l’attaquant ivoirien. Mais les deux hommes n’auront pas le choix, ils devront être à la hauteur de l’événement.

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UNE RENCONTRE ÉQUILIBRÉE SUR LE PAPIER Il aura fallu attendre 14 ans avant que ces deux équipes ne se retrouvent en Ligue des Champions. La dernière fois, lors de l’édition 1999-2000, Chelsea n’avait laissé aucune chance aux sang et or, avec deux victoires, 5-0 et 1-0. Mais Galatasaray a grandi et a prouvé sa valeur en se qualifiant lors des phases de poules, alors que tous les pronostics les plaçaient en troisième position derrière le Real Madrid et la Juventus, archi-favori de la poule. Mais bien que Chelsea se soit qualifié facilement face à Bâle, Bucarest et Schalke 04, les statistiques des deux équipes sont similaires.

Galatasaray affiche 51 % de possession de balle en moyenne, contre 54 % pour Chelsea. Ces derniers ont frappé 69 fois au buts contre 66 pour leurs adversaires. Seul écart majeur, les Anglais ont marqué à douze reprises, alors que les Turcs n’ont fait trembler les filets que huit fois. Les deux équipes ne sont donc pas si

éloignées que ça sur la feuille de match, et Chelsea devra supporter la pression mise par les supporters de la Türk Telekom Arena. Pour l’anecdote, la dernière fois que le club stambouliote est rentré dans l’histoire, en remportant la Coupe de l’UEFA, c’était en 2000, face à un autre club londonien.

ABDURRAHMAN KALKAN PARIS -Anciennement nommée «Coupe des clubs champions européens de football» de 1955 à 1992, la Ligue des champions est la plus grande compétition européenne de football juste devant la ligue Europa. Cette compétition est organisée chaque année par l’UEFA. Sur 76 partants, 32 sont qualifiés pour les phases de poules. L’équipe tenante du titre est le Bayern Munich alors que la plus titrée est le Real Madrid. Les équipes turques ayant le plus participé à cette compétition sont Galatasaray (onze fois), suivie par Fenerbahçe (six fois), Beşiktaş (cinq fois), Bursaspor et Trabzonspor (une seule fois). Le bilan des 166 matchs auxquels ont participé des équipes turques est de 44 victoires, 35 matchs nuls et 87 défaites. Sur les cinq équipes turques qui ont participé à cette compétition, seules deux ont pu aller jusqu’en quarts de final (Galatasaray et Fenerbahçe). A ce jour, l’équipe la plus performante lors des compétitions européennes est Galatasaray. La solidarité entre les supporters turcs des cinq grands clubs est beaucoup évoquée en Europe, elle est appréciée et respectée dans le monde footballistique. Malgré les rivalités entre supporters au niveau national, quand une équipe turque est en lice à la Ligue des Champions, ce sont tous les supporters qui la soutiennent.

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Payer moins cher le métro en recyclant ses bouteilles ? C’est possible à Pekin ! ŞUHEDA AŞIK PARIS Introduit fin 2012, la ligne de métro 10 de Beijing (Pékin) a mis en place des «déconsigneurs», machines collectant des bouteilles vides, qui permettent

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ainsi aux voyageurs de réduire le coût de leur trajet grâce au recyclage. Il suffit d’insérer la bouteille dans la machine, puis d’attendre 20 secondes que la bouteille se fasse écraser pour avoir ensuite

une réduction sur sa carte de transport. Chaque bouteille en plastique recyclée par un distributeur automatique équivaut à quelques centimes (entre 5 fen et 1 jiao). Pour un trajet gratuit, il faudra environ 20 bouteilles. Ces distributeurs étant toujours en période d’essai dans le metro de Beijing, Liu Xuesong, le directeur général adjoint de Incom, l’entreprise qui produit ces machines, explique : «Nous prévoyons d’installer 3 000 de ces machines à travers la ville. Elles vont s’étendre à d’autres lignes de métro, écoles, zones résidentielles, arrêts de bus et centres commerciaux.» En un an, 50 000 tonnes de bouteilles vides sont recueillies par le système de recyclage de Incom. Ce qui revient à économiser 300 000 tonnes de pétrole. Seul bémol : l’intiative d’Incom est certes louable, mais comparée aux quelques 200 000 tonnes de bouteilles en plastique produites chaque année à Pékin, ces chiffres restent encore minimes et nécessiteraient un système de plus grande envergure.

L’expression «je m’en lave les mains» justifiée par des scientifiques MOUSSA KANE Une nouvelle étude française montre que se laver les mains atténuerait le sentiment de culpabilité et la générosité. Ce sont des chercheurs grenoblois qui ont montré que l’acte de se laver les mains abaisse le niveau de culpabilité. L’étude publiée dans la revue internationale Frontiers in Human Neurosciencele 8 février montre également que se laver les mains entraîne des comportements moins altruistes. Afin d’établir ce résultat étonnant, les chercheurs ont demandé à 65 usagers d’une bibliothèque municipale de se remémorer et de raconter une mauvaise action commise à l’encontre d’un ami ou d’un membre de leur famille. Ensuite, ces usagers ont été répartis en trois groupes : le premier se lave les mains, le deuxième regarde des vidéos d’une personne se lavant les mains et le troisième regarde une vidéo de quelqu’un tapant à l’ordinateur. Pour vérifier l’impact du lavage de main sur la culpabilité des individus, les chercheurs ont demandé ensuite aux participants à l’expérience de remplir un test afin de mesurer le sentiment de culpabilité. De plus, ils étaient informés qu’ils pouvaient venir en aide à un doctorant en prenant des questionnaires sur les transports publics à remplir et renvoyer sous trois semaines. Les scientifiques ont également démontré que le sentiment de culpabilité et le comportement altruiste sont moins élevés chez les gens qui s’étaient lavés les mains. En partenariat avec Afrik.com

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