Fr n°305

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La sultane qui se faisait appeler «Sultan»

Comment se Le port du débarrasser des voile autorisé PV de stationnement par la FIFA FRANCE03

CULTURE13

07 - 13 MARS 2014 N°305 Prix : 2,5 €

WWW.ZAMANFRANCE.FR

Les inquiétudes des Tatars de Crimée

ECONOMIE

ÉCHANGES ÉCONOMIQUES FRANCO-TURCS :

4 RAISONS D’ÊTRE OPTIMISTE

Les tensions entre l’Ukraine et la Russie, focalisées dans la région limitrophe de la Crimée, ont soulevé les craintes des Tatars, minorité turcophone qui représente 12 % de la population locale. Situés en première ligne des affrontements russo-ukrainiens, les Tatars peuvent compter sur l’appui diplomatique de la Turquie qui soutient l’intégrité de l’Ukraine.

En se rendant en Turquie fin janvier, François Hollande avait deux objectifs : développer les échanges commerciaux entre la France et la Turquie, et désamorcer les tensions qui perduraient dans les relations bilatérales. Le bilan positif de cette visite donne des raisons concrètes d’être optimiste quant au développement des relations économiques franco-turques. -12

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«Pour la Turquie, l’intégrité territoriale, la stabilité et la prospérité de l’Ukraine sont essentielles. La Crimée est d’une grande importance pour la Turquie car elle est la passerelle vers l’Ukraine. Elle est également importante grâce à la présence des Tatars [un groupe ethnique turcophone] et du patrimoine culturel turc. Notre plus grand souhait est le maintien de la stabilité en

TURQUIE

CES TWEETEURS QUI ÉBRANLENT LE POUVOIR TURC La presse audiovisuelle a fait l’impasse sur les conversations qui ont été attribuées au Premier ministre turc alors que la presse écrite faisait le service minimum. L’air du temps ; c’est désormais sur Internet que les citoyens vont s’informer. Des millions de Turcs ont suivi les rebondissements de l’affaire sur les réseaux sociaux. -08 TURQUIE

SPORT15

EDITO SAMI KILIÇ

Ukraine», a déclaré Davutoglu lors d’une conférence de presse avec son homologue bulgare, Kristian Vigenin, jeudi 27 février. Les soulèvements en Ukraine ont avivé les tensions en Crimée après la fuite du président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch, à la suite de plusieurs mois de manifestations. La Russie avait condamné ces manifestations et les avait qualifiées de coup d’Etat. -INTERNATIONAL 10

En Ukraine, Ankara renoue avec la realpolitik -02

Retrait d’un film anti-islam sur Youtube

À Lyon, la Grande Mosquée fête ses 20 ans

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Le film L’Innocence des musulmans avait déclenché une vague de protestations dans le monde musulman en 2012. La justice américaine a demandé à Youtube de retirer cette vidéo. RINTERNATIONAL 11

Vingt ans. C’est l’âge de la Grande Mosquée de Lyon, à la fois lieu de vie et de rencontre entre générations. Les prières quotidiennes rassemblent environ 200 à 250 personnes, ce nombre passe à plus de 5 000 lors de la prière hebdomadaire. Mais l’endroit propose aussi des cours de religion, d’arabe ou encore des conférences. TEXTE ET PHOTOS : FATIH TURSUN

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LA TURQUIE, UN «GRAND FRÈRE» POUR LES MINORITÉS TURCOPHONES ? Face à l’embrasement en Ukraine et aux tendances séparatistes de la Crimée, une ancienne possession ottomane, la Turquie a défendu le principe de l’intégrité territoriale de ce pays. C’est ce que souhaitaient les Tatars de Crimée. Devait-on en attendre davantage, venant de la Turquie ? -09

Zaman Okur Hattý: 01 42 00 19 36

Protection des personnes âgées : ce que la loi prévoit

Portraits d'un recteur et d'un imam r05

Alors que l’espérance de vie ne cesse de s’allonger, trop de personnes négligent les effets du temps sur notre discernement ou celui de nos proches, à tel point que pour ces personnes âgées un acte anodin peut devenir insurmontable et compromettre leur patrimoine de façon irrémédiable. RMON AVOCAT 06


02 FRANCE L’UMP déstabilisée par un «Watergate à l’envers» En Ukraine,

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

EDITO SAMI KILIÇ

Ankara renoue avec la realpolitik

On cite souvent cette phrase de Henry Kissinger, ancien Secrétaire d’Etat américain, pour dénoncer le principe de réalisme dans les relations internationales : «S’ils envoient des juifs dans des chambres à gaz en Union soviétique, ce n’est pas une préoccupation américaine. C’est, peut-être, une préoccupation humanitaire», avait-il dit au président Nixon en 1973. La realpolitik portée à son plus haut point, celui du cynisme inhumain. Or le réalisme en politique internationale a des mérites qu’on ne saurait ignorer. Que faire quand les valeurs et les intérêts ne s’accordent pas ? On choisit les valeurs, entendon chuchoter du côté des Turcs. Un coup d’Etat en Egypte ? On fustige Sissi et autres. Un massacre en Syrie ? On se fait va-ten guerre. Défendre la vérité a sa grandeur, à n’en pas douter. Mais voilà le hic : cette posture disqualifie. Vent debout contre les réalistes, la Turquie s’était consolée dans sa «précieuse solitude». La mesure dans les propos permet au moins de rester dans le jeu. Et c’est, il nous semble, la meilleure stratégie sur l’échiquier international. Aujourd’hui, l’Ukraine traverse les turbulences. La Russie essaie de tirer les marrons du feu. Les EtatsUnis et l’Europe jouent la modération et défendent crânement leurs intérêts. Même la Chine, qui déteste parler des affaires des autres de peur qu’on en vienne à parler des siennes, essaie de soutenir à la fois la Russie et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La Turquie, elle, a été loin du coup d’éclat. Les mauvaises langues diront qu’à force de courir derrière le néo-ottomanisme (une dimension religieuse), la Turquie n’a pas le temps de porter une attention équivalente à ses «petits frères» turcophones (une dimension ethnico-linguistique). Ça serait sans doute caricatural. En tout cas, la Turquie a opté cette fois-ci pour «l’effet utile», celui de sauvegarder les droits des Tatars de Crimée sans broncher contre la Russie. L’essentiel n’était pas d’avoir raison, c’était d’avoir voix au chapitre. C’est ce que vient de faire la Turquie. «Fougue n’est pas force» disait Talleyrand. Gageons que la diplomatie turque en fasse une devise. s.kilic@zamanfrance.fr

L’UMP, qui escomptait sortir du marasme grâce aux municipales, se trouve confrontée à une crise sans précédent avec les accusations de favoritisme contre son président Jean-François Copé et le «Watergate à l’envers» visant Nicolas Sarkozy.

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De gauche à droite, La révélation d’enregisPatrick Buisson, trements de réunions et Nicolas Sarkozy et conversations avec Nicolas SarClaude Guéant. kozy réalisés durant le précédent quinquennat à l’insu de l’ancien président par son ex-conseiller controversé Patrick Buisson a eu l’effet d’une bombe au sein du premier parti d’opposition français. «On n’a jamais vu ça en France, c’est un Watergate à l’envers, avec un conseiller qui met sur écoute un président, des écoutes qui peuvent devenir des éléments accablants» pour Nicolas Sarkozy comme ce le fut aux Etats-Unis pour le président Richard Nixon, estime le politologue Thomas Guénolé. Transcrits dans Le Canard enchaîné puis divulgués en audio sur le site Atlantico.fr, marqué à droite, ces premiers extraits d’enregistrements – que

Patrick Buisson a finalement reconnus après les avoir niés – portent notamment sur une réunion de février 2011 avant le remaniement gouvernemental d’alors. On y découvre notamment des propos peu amènes de Nicolas Sarkozy sur son ami Brice Hortefeux, qui sera écarté de l’Intérieur, ou encore de Michèle Alliot-Marie, future ex-ministre des Affaires étrangères, puis des considérations personnelles, à l’issue de la réunion, de Patrick Buisson sur «des ministres archinuls».

«UNE EXTRÊME VIOLENCE» «Le constat aujourd’hui est qu’à la fois la confiance a été trahie – c’est vraiment une trahison – et aussi que nous vivons tous cet événement

comme une sorte de viol. C’est quelque chose de très dur à accepter», a commenté sur France Info Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Selon le député des Yvelines, Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas réagi mercredi matin, éprouve «de la colère, le sentiment d’avoir été trahi». L’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a fustigé sur France 2 des méthodes «d’une extrême violence», «des mécaniques quasi policières» qui appellent selon lui une riposte juridique. Quant à Brice Hortefeux, il a marqué sur i>Télé son refus de «commenter, nourrir, alimenter des polémiques inutiles, même si vous pouvez devinez quel est mon sentiment». «Le plus grand danger

pour Nicolas Sarkozy, c’est Patrick Buisson même car il détient des dizaines et des dizaines d’heures d’enregistrements du quinquennat», a déclaré sur BFM TV le fondateur et directeur de la publication d’Atlantico.fr, Jean-Sébastien Ferjou, qui a été proche de Patrick Buisson. Issu des rangs de l’extrême droite, ancien directeur de Minute, Patrick Buisson est considéré comme l’instigateur de la «droitisation» de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, un rôle critiqué par plusieurs responsables de l’UMP.»Il m’a dit d’une phrase sibylline (...) qu’il rendrait coup pour coup», a déclaré sur i>Télé son avocat, Me Gilles-William Golnadel. PHOTO DE LA SEMAINE

La Chine a accusé dimanche des séparatistes de la région du Xinjiang pour l’attaque d’une gare ferroviaire à l’autre bout du pays par des «terroristes» armés de couteaux, lors de laquelle 33 personnes ont trouvé la mort dont quatre des assaillants. L’attaque s’est produite samedi soir à Kunming dans le sud-ouest de la Chine.

...ET UNE MAUVAISE

UNE BONNE...

Décès du patient au coeur artificiel

Les sages-femmes auront à l’avenir un statut médical spécifique au sein des hôpitaux publics, a annoncé mardi la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, après un long mouvement social de la profession pour une meilleure reconnaissance. Une concertation pour la revalorisation de leurs rémunérations s’ouvrira en avril.

L’hôpital européen Georges-Pompidou a annoncé lundi soir le décès du malade ayant bénéficié en décembre dernier de la première implantation du coeur artificiel de la société Carmat. L’hôpital précise dans un communiqué que le malade, un homme âgé de 76 ans et souffrant d’une insuffisance cardiaque terminale, est décédé le dimanche 2 mars. «Les causes (du décès)

Le nouveau statut «permettra de reconnaître le caractère médical de la profession de sage-femme au sein de l’hôpital public», a déclaré Marisol Touraine lors d’un point de presse. Les sages-femmes jouiront de nouvelles responsabilités, dont la participation au projet médical d’établissement, à la recherche et à des missions d’intérêt général.

ne pourront être connues qu’après l’analyse approfondie des nombreuses données médicales et techniques enregistrées», ajoute l’hôpital qui avait réalisé cette première implantation le 18 décembre. Carmat «salue le courage et le rôle pionnier de ce patient et de sa famille et le dévouement de l’équipe médicale», a déclaré une porte-parole de la société.

NOUVELLE

Un nouveau statut pour les sages-femmes


03 FRANCE Comment se débarrasser des PV de stationnement 07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

Un jugement du tribunal de Versailles donne raison à une association d’avocats et annule les PV de stationnement d’une commune. Cette décision pourrait créer un précédent et pose la question de la légalité de nombreux procès-verbaux. MAHMUT SARP PARIS D’après les révélations du Figaro, l’Automobile club des avocats (ACDA), une association composée d’avocats experts du contentieux routier, vient de trouver une faille et va sûrement embarrasser bien des collectivités. La justice vient en effet d’annuler plusieurs procès-verbaux adressés à des automobilistes d’une commune des Yvelines. Celle-ci n’aurait pas respecté les règles du Code général des collectivités territoriales. En cause, la responsabilité de la fixation des tarifs de stationnement sur la voie publique. Cette compétence doit appar-

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Un lycéen interdit de visite dans une centrale nucléaire MAHMUT SARP PARIS «Aux XXIe siècle, c’est inadmissible» lance la mère de Karim, scandalisée car son fils, scolarisé au lycée Albert-Camus de Firminy, s’est vu refuser lors d’une visite scolaire, l’accès aux installations nucléaires de la centrale iséroise. Le jeune Karim, qui a assisté avec ses camarades à une conférence de 45 minutes, enfile une tenue spéciale pour pénétrer dans les lieux, mais c’est à ce moment, qu’on lui signifie qu’il n’ira pas plus loin au motif qu’il est «défavorablement connu des services de police.» selon France Bleu. Il a dû attendre pendant une heure à l’accueil, le temps que la visite se termine pour le reste de sa classe.

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UNE PROCÉDURE RÉGLEMENTAIRE ? Au quotidien Le Progrès, il se dit «dégoûté», et ajoute qu’il n’a «jamais fait de bêtises ou de garde à vue». «J’ai vraiment pensé que c’était du racisme de base» dit-il, cet avis est partagé par sa mère, dans les colonnes du même journal, elle s’explique, «C’est un élève sérieux, qui n’a eu aucun problème avec la justice. Pour nous, il ne pouvait s’agir que d’un délit de faciès, de la discrimination. D’après des propos rapportés par France Bleu SaintEtienne, EDF met en avant «une procédure réglementaire de sécurité, en lien avec les pouvoirs publics.» Le chef de mission communication de la centrale de Saint-Alban, Jean François Finck ajoute que dans le cadre du plan vigipirate rouge, «des mesures sérieuses doivent être prises pour prévenir le risque d’attentats graves». Pour l’instant, il est difficile de savoir quelles ont été les vraies raisons du refus imposé à l’adolescent, mais cela ne devrait pas tarder, la famille a décidé de porter plainte pour discrimination.

tenir au conseil municipal, elle peut la déléguer au maire, mais pas de façon générale et absolue. C’est justement ce qu’a fait cette commune et ce qui a poussé le tribunal à prendre cette décision. Toutefois, celle-ci peut créer un précédent car d’après l’ACDA, «il y a fort à parier que d’autres municipalités ont donné, à tort, les pleins pouvoirs à leur maire dans ce domaine».

LE TICKET HORODATEUR Ces avocats spécialisés avaient, déjà en 2008, obtenu l’annulation de PV de stationnement après avoir trouvé une première faille. Ils

La loi votée en 2013 prévoit la dépénalisation des PV de stationnement.

avaient découvert qu’il n’existait aucun texte (Code de la route, Code pénal) et aucun arrêté municipal obligeant les automobilistes à afficher un ticket horodateur derrière leur parebrise. Et pourtant les agents verbalisaient pour «non-affichage du ticket horodateur». Cependant, ces avocats qui traquent les erreurs dans

le domaine du droit routier, ne pourront plus le faire en matière de stationnement payant. Et cela, en raison de la loi votée en 2013 qui prévoit la dépénalisation des PV de stationnement. Ce contentieux relèvera alors du droit administratif et non plus du droit pénal comme c’est le cas aujourd’hui.


PHOTOS : FATIH TURSUN

REPORTAGE04-05

Les deux piliers de la Grande Mosquée de Lyon

Les prières quotidiennes de la Grande Mosquée de Lyon accueillent entre 200 et 250 personnes. Ce nombre passe à plus de 5 000 lors de la prière hebdomadaire. Mais l’endroit propose aussi des cours de religion, d’arabe ou encore des conférences.

Vingt ans. C’est l’âge de la Grande Mosquée de Lyon, à la fois lieu de vie et de rencontre entre générations. Zaman France est allé à la rencontre des deux hommes qui sont responsables du lieu, Kamel Kabtane et Najjar Mondher, le recteur et l’imam. FATIH TURSUN PARIS

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Des élus locaux, acteurs associatifs et religieux, personnalités publiques et la presse sont invités à la célébration des vingt ans de la mosquée, qui aura lieu en septembre. Juifs, chrétiens et musulmans vont interpréter des musiques sacrées. 30 danseurs turcs organiseront un spectacle. C’est l’occasion pour le recteur de la mosquée de montrer le fruit d’un long travail et ainsi légitimiser la présence musulmane dans l’espace public. Car les relations de la mosquée avec l’extérieur, c’est lui.

UN LONG COMBAT ADMINISTRATIF Kamel Kabtane quitte l’Algérie pour s’installer en France en 1968. Les musulmans se retrouvent alors pour prier dans les salles de prière, arrangées temporairement dans des foyers, appartements ou autres lieux peu adaptés. C’est avec le début des regroupements familiaux dans les années 1970 que la volonté de disposer d’un lieu de culte plus digne se fait sentir au sein de la communauté musulmane. Un peu avant 1980, l’idée de construire une grande mosquée naît à Lyon. Un comité est créé pour la collecte des fonds. Kabtane en fait partie. Un début difficile raconte le recteur qui a aujourd’hui 70 ans. Après un long combat administratif, 15 ans de bataille judiciaire, beaucoup de procès et de passages devant la Cour d’appel, la cour de Cassation et le Conseil d’Etat, le projet voit le jour. L’INDÉPENDANCE REVENDIQUÉE La Grande Mosquée de Lyon est inaugurée le 30 septembre 1994 avec la présence du ministre de l’intérieur Charles Pasqua et des représentants de pays musulmans dont la Turquie. Cependant «nous sommes indépendants de tous pouvoirs français et étrangers» précise Kabtane. C’est assez naturellement, parce qu’il présente

le profil idéal, que ce fonctionnaire français en retraite est nommé recteur de cette «mosquée de droit français». Le bureau spacieux dont il dispose au 1er étage du complexe lui permet de recevoir les élus locaux à pied égal. Il y reçoit aussi des journalistes. Il participe à des rencontres inter-religieuses. Il s’occupe de la certification halal délivrée par la mosquée. Ses missions sont nombreuses parce que la Grande Mosquée de Lyon est une organisation complexe qui s’est très diversifiée avec le temps. C’est un peu comme une entreprise dit le recteur, qui s’occupe aussi des affaires extra-cultuelles.

UN FONCTIONNEMENT FRANÇAIS Si le recteur assure le bon fonctionnement du culte - l’administration ainsi que les relations avec l’extérieur, l’imam dirige la prière et les prêches. Il est le responsable religieux de la mosquée et l’interlocuteur des fidèles. L’imam, Najjar Mondher, 47 ans, est un fonctionnaire tunisien diplômé en droit musulman (Fiqh) de l’université de la Zitouna à Tunis. Après une longue expérience dans son pays, il arrive en France pour occuper le poste d’imam à la Grande Mosquée de Lyon, en 2002. Depuis, son contrat annuel est renouvelé automatiquement chaque année. L’imam est très sollicité par la communauté musulmane pour des événements ou problèmes vécus au quotidien. Il assure une permanence tous les matins dans son bureau moins imposant que celui du recteur, mais plus intime, favorisant le dialogue avec les fidèles. Car on vient le voir pour demander conseil. On l’appelle aussi par téléphone de toute la France. L’imam s’adapte, son rôle évolue, comme le profil des fidèles. La mosquée suit ce changement. C’est d’ailleurs à cause de la complexification et de la diversification de la mosquée, que le rectorat s’est dissocié de l’imamat, donnant lieu à un fonctionnement propre à la France.


07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

Recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane est arrivé en France en 1968. Un an plus tard, il crée la première association des musulmans français.

Kamel Kabtane, recteur êtes-vous devenu recteur de la mosquée ? -Comment En islam, il n’y a pas d’hiérarchie, pas de

clergé. Je suis devenu recteur parce que j’étais à l’origine de la construction de la mosquée, du début à la fin avec d’autres personnes. Et lorsque la mosquée a été construite on m’a confié tout à fait normalement la gestion de la mosquée. J’essaie de faire en sorte qu’elle soit une institution connue et reconnue, connue par les musulmans, reconnue par l’ensemble de la communauté nationale. Nous travaillons beaucoup pour le rapprochement entre les religions. Aujourd’hui lorsqu’on veut s’adresser aux musulmans, c’est à la mosquée de Lyon qu’on vient voir. C’est difficile d’être recteur ? Quand on est recteur d’une institution comme celle-là, on n’a pas le rôle facile. Je suis bénévole, j’estime que c’est mon devoir d’être présent dans cette institution et d’apporter mes compétences et connaissances. On est souvent mal compris à l’intérieur de la communauté. Je gère cette institution comme on gère une entreprise privée, c’est vrai. C’est une institution religieuse, mais il faut la faire vivre. En général, les fidèles se tournent plutôt vers vous ou vers l’imam ? C’est l’imam qui est le principal responsable religieux, lui qui reçoit les gens et apporte la connaissance religieuse. Moi, les gens viennent me voir lorsqu’ils ont des problèmes administratifs. Chacun a son rôle et ça se passe bien. On a réussi à trouver un imam avec qui on s’entend. Les équilibres sont respectés, chacun est à sa place. L’imam ne prétend pas être recteur, et le recteur ne prétend pas être imam. Lui a la gestion du culte, et moi l’ensemble des activités de la mosquée. Est-ce que le profil des fidèles change ? Au début, lorsque la mosquée a été inaugurée on avait une population très âgée. Aujourd’hui, la population a augmenté, et elle est plus jeune. Il y des convertis aussi. La mosquée de Lyon n’est rattachée à aucun pays étranger. Elle est ouverte à tous. Il nous faut être compris par l’ensemble des fidèles. C’est pour cela que depuis quelques années les prêches se font également en français, à la grande satisfaction

Najjar Mondher est l’imam de la Grande Mosquée de Lyon. Né en Tunisie en 1966, il a étudié à l’Université de la Zitouna à Tunis, et s’est spécialisé dans le droit musulman (fiqh).

de tout le monde, et notamment de la seconde génération, qui veut comprendre sa religion. Quelle relation entretenez-vous avec la communauté turque ? J’apprécie beaucoup la communauté turque. J’apprécie leur solidarité, leur volonté d’avancer, ensemble. Ce sont des gens solides culturellement et cultuellement. Ils ont un bagage solide. Par contre je suis désolé que les relations ne soient pas plus organisées entre nous. Et qu’il n’y ait pas de cohésion pour faire que les musulmans des différentes communautés puissent mieux se connaître, s’apprécier et travailler ensemble. Le problème de la langue est très difficile. Peut être que le français permettra de mieux nouer les liens. Aujourd’hui, la mosquée a vingt ans... Lors de son inauguration, la Grande Mosquée de Lyon faisait figure de mosquée pilote. Dernière mosquée construite dans le 20e siècle, elle a permis à beaucoup de collectivités de voir ce qu’est le fonctionnement d’une mosquée, ce qu’elle peut apporter tant aux musulmans qu’aux non musulmans. Beaucoup de collectivités locales se sont inspirées de ses activités pour autoriser la construction de mosquée sur leur territoire. Ca ne c’est pas fait facilement, de façon automatique. Il a fallu se battre pendant plus de 15 ans pour que la mosquée voie le jour, passer devant le tribunal administratif, la cour d’appel, la cour de cassation et le conseil d’Etat… Qu’est-ce qui distingue la mosquée de Lyon ? Nous essayons de montrer que la mosquée est une institution qui s’inscrit dans sa ville. Elle a participé à la création du conseil français du culte musulman, en étant force de proposition. La mosquée de Lyon a mis en place la certification halal, et emploie environ 80 salariés dans ce domaine. L’année dernière a été mis en place un diplôme de formation d’imams, pour permettre aux imams qui viennent de l’étranger à connaître les règles et lois qui régissent ce pays et à apprendre le français. La mosquée de Lyon s’est organisée au fil du temps. Lorsqu’on veut être indépendant, il faut s’organiser par soi-même, il faut être capable de générer les moyens de son indépendance.

Najjar Mondher, imam êtes-vous devenu imam à Lyon ? -Comment Je suis imam depuis l’âge de 22 ans. J’ai com-

mencé en Tunisie, où je me suis occupé notamment de la formation des imams pendant 12 ans. En 2002, l’Etat tunisien m’a envoyé en France, pour occuper le poste d’imam à la Grande Mosquée de Lyon. Ma famille m’a suivi à Lyon, aujourd’hui, mes deux enfants sont scolarisés ici. Je suis payé par le ministère des Affaires religieuses tunisien par l’intermédiaire du Consulat à Lyon. Est-ce que vous vous êtes fait facilement à ce nouvel environnement ? Je n’ai pas vécu de moment difficile. La seule difficulté, c’était de ne pas maitriser la langue française au début pour faire des prêches ou conférences en français. J’ai commencé en arabe. Du coup, les jeunes n’assistaient pas trop à la prière hebdomadaire. Mais après une année, j’ai commencé à traduire les prêches. Maintenant c’est moitié en français, moitié en arabe. Et il y a plus de jeunes. Mais c’est sûr, il y a des différences. Ce n’est pas pareil. La réalité ici en France n’est pas la même qu’en Tunisie. La société et la législation sont différentes. Il faut prendre en considération tout cela pour donner des avis religieux adaptés à la société française. Comment décririez-vous votre fonction ? Mon travail ne consiste pas seulement à faire des prêches le vendredi. J’assure des permanences. Je reçois des gens et des appels téléphoniques de toute la France. Ils recherchent des avis religieux par rapport à des événements, des problèmes qu’ils vivent. L’imam est sollicité par la communauté musulmane qui a besoin d’un médiateur. C’est parfois l’époux et son épouse, des couples ou des parents et leurs enfants qui viennent me voir. On essaye de résoudre les conflits. On fait tout. On fait de la psychologie parce qu’il faut savoir ce que les gens pensent. Il faut comprendre les gens et mettre les points sur les i par rapport à la religion musulmane. Un imam, c’est un psychologue, en même temps c’est un médiateur social, et en même temps un prédicateur qui transmet le message divin. Il est en contact permanent avec les fidèles.

Qui sont les gens qui viennent vous voir ? Nous sommes sollicités par tout le monde. Les jeunes sont plus nombreux. Ils ont plus besoin d’avis, contrairement aux plus âgés qui se réfèrent aux fatwas des pays musulmans ou du pays d’origine. Les jeunes viennent me demander des avis religieux par rapport au contexte français, la fatwa qui s’adapte avec la vie ici. Il faut pouvoir se prononcer sur le divorce, la vie de couple, les efforts à faire, les problèmes sociaux, l’imam doit connaître le contexte social et législatif. Spécialisé en droit musulman, je connais les avis des différentes écoles et je peux donc donner des avis qui ne choquent personne. Je ne prends pas des fatwas qui viennent d’Arabie saoudite ou du Maghreb… Je vis en France. Il faut faire comprendre aux gens qu’il y a un contexte. Il y a une distinction entre le texte et le contexte, entre la parole de Dieu et du prophète et le vouloir de Dieu et du prophète. La finalité du droit est très importante. Il faut toujours poser la question pourquoi et comment. C’est important de faire comprendre ça, surtout pour les convertis. Est-ce qu’on vient vous voir pour avoir des informations sur le métier d’imam ? Il y a des gens qui viennent me demander des informations pour devenir imam et savoir comment on fait pour le devenir. La réponse est à la fois simple et complexe. Etre imam, ce n’est pas un diplôme. Le diplôme peut servir. Moi, j’ai étudié la théologie, la jurisprudence. Il faut avoir une instruction de base, un minimum de science du Coran et des hadiths. On ne peut pas partir du vide. Cette instruction, on peut l’obtenir en France comme ailleurs, dans des pays musulmans. On a besoin d’imams qui maîtrisent la langue, car pour transmettre aux autres, il faut être bilingue. Les jeunes ici ont des lacunes en termes d’instruction religieuse, mais ils peuvent commencer et approfondir leurs connaissances avec le temps. Moi, au début, avant de devenir imam, j’ai commencé par animer des petits cours, puis des conférences, et ensuite je suis devenu imam et maintenant me voilà dans la Grande Mosquée de Lyon. Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il faut abandonner. C’est parce que c’est difficile qu’il faut agir.


06 SOCIETE

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

L’état déplorable des tombes ottomanes en France

MON AVOCAT CANAN ÖZENICI

Comment protéger les personnes âgées devenues vulnérables ?

Le prince Ahmed Nureddin, décédé en 1945.

Nombre de membres de la dynastie ottomane reposent dans le carré musulman du cimetière de Bobigny. Les tombes, délabrées, menacent ruine. Les quelques pierres tombales qui ont échappé à l’effet du temps sont victimes d’indifférence. FERHAN KÖSEOĞLU PARIS L’abolition du califat en 1924 a entraîné l’expulsion de tous les membres de la famille ottomane. Un grand nombre de princes et princesses, dont le dernier calife Abdülmecid Efendi, ont choisi la France comme terre d’exil. La misère et la solitude ont été leur lot commun. La Turquie républicaine ayant refusé d’accueillir les dépouilles princières, le gouvernement français a décidé de les inhumer au cimetière de Bobigny, offert en 1937 par la France aux Marocains. La première personnalité ottomane à y être enterrée a été Mehmed Ali Rauf, l’époux d’Ayse Sultan, fille du sultan Abdulhamid II. Et la dernière inhumation a été celle du prince Osman Fuad, petit-fils de Murad V, en 1973. La seule stèle funéraire qui est restée debout jusqu’à aujourd’hui est celle du prince Ahmed Nureddin, fils d’Abdulhamid II décédé en 1945. En 1952, un autre fils du même sultan, le prince Abdurrahim Hayri, rend l’âme dans une

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chambre d’hôtel à Paris ; il sera inhumé à côté de son frère. Son nom sur la pierre tombale a quasiment été effacé. Toutes les autres stèles ont disparu. Seule celle de la princesse Selma, petite-fille de Mourad V, a pu rester en l’état mais en dehors du carré appartenant à la famille.

DES TOMBES QUI NE REÇOIVENT JAMAIS DE VISITEUR Selon les responsables du carré musulman, qui ont répondu aux questions de l’agence Cihan Haber, les tombes ne reçoivent jamais de visite. Un historien français avait travaillé sur le sujet, il y a quelques années. Seule la sépulture de la princesse Selma, mère de l’écrivain Kenize Mourad, reste fréquentée. Les responsables ont également indiqué qu’il était pour l’heure impossible de répondre favorablement à une éventuelle demande de la Turquie sur un transfert des dépouilles. Les noms sur les registres du cimetière ont pu être mal retranscrits ;

Reims organise son 1er «dîner du vivre ensemble»

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Dans le cadre du «dîner du vivre ensemble» A.P.E.L., association rémoise, a organisé son premier dîner le 19 février 2014 dans la salle polyvalente de la maison de quartier de Ste-Anne. Parmi les invités présents, on compte des élus tels que de la conseillère municipale Saida Berthelot, Delphine Fournier inscrite sur la liste éléctorale de la Maire de Reims, et des nombreux représentants des associations socioculturelles de Reims. Durant la soirée, les invités ont eu l’occasion

de goûter la cuisine turque : repas et desserts traditionnels cuisinés par les membres de l’association. Mme Berthelot a exprimé sa satisfaction à l’égard de cet événement et son soutien à de telles initiatives. Plusieurs invités ont pris la parole, notamment Mme Fournier, émue, qui a déclaré :«Merci pour cette superbe soirée, j’ai découvert une communauté très accueillante, des mets succulents et fais de belles rencontres.». Des photos souvenirs ont marqué la fin de la soirée.

en effet, seul un imam tenait ces registres quand le cimetière a été ouvert. Les archives de la mairie de Bobigny donnent une liste de noms qui figurent également dans le livre de la princesse Ayse, Mon père, le Sultan Abdulhamid : la princesse Rabia Peyveste (épouse d’Abdulhamid II), le prince Ahmed Nureddin (fils d’Abdulhamid II), le prince Abdurrahim Hayri (fils d’Abdulhamid II), la princesse Şehsuvar (épouse du calife Abdulmecid), la princesse Pınardil Fahriye (épouse du prince Abid), le prince Osman Fuad (petit-fils de Murad V), Monsieur Mehmed Ali Rauf (époux de la princesse Ayse), la princesse Ayşe Sıdıka (petite-fille d’Abdulmecid) et la princesse Selma (petitefille de Murad V). La dépouille du dernier calife Abdulmecid Efendi décédé en 1944 n’avait pas été acceptée par le gouvernement turc. Elle avait donc été accueillie par la Grande mosquée de Paris durant dix ans avant d’être inhumée à Médine, dans le cimetière où repose le Prophète.

Alors que l’espérance de vie ne cesse de s’allonger, trop de personnes négligent les effets du temps sur notre discernement ou celui de nos proches, à tel point que pour ces personnes âgées un acte anodin peut devenir insurmontable et compromettre leur patrimoine de façon irrémédiable. Dans ce cas, la loi prévoit des mesures judiciaires, comme la procédure de tutelle, destinées à protéger une personne majeure et / ou tout ou partie de son patrimoine si elle n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts. Il existe à côté d’autres mesures plus flexibles (sauvegarde de justice, curatelle) pour les personnes qui ne nécessitent qu’une assistance. En ce qui concerne la tutelle : un tuteur, désigné par un juge des tutelles, représente son administré dans les actes de la vie civile. Le juge peut énumérer, à tout moment, les actes que la personne peut faire seule ou non, au cas par cas. L’ouverture d’une mesure de protection juridique des majeurs peut être demandée au juge par la personne à protéger elle-même, ou la personne avec qui elle vit en couple, un membre de sa famille, des proches entretenant des relations étroites et stables avec elle. Mais cette mesure peut également être sollicitée par le procureur de la République, qui formule cette demande soit de sa propre initiative, soit à la demande d’un tiers (par exemple : médecin, directeur d’établissement de santé, travailleur social). Dans ce dernier cas, la mesure peut être mal vécue par l’administré qui pense souvent être parfaitement capable de gérer son patrimoine et ses affaires personnelles. L’ingérence d’un tiers (médecin, voisin ou autre) sollicitant une telle mesure (même s’il s’agit d’une mesure de protection) est alors considérée comme une menace et une injustice pure et simple... Heureusement, le juge peut alléger la mesure à tout moment (exemples : réduire la durée fixée, augmenter le nombre de décisions que le majeur peut effectuer seul) et elle peut prendre fin à tout moment si le juge décide qu’elle n’est plus nécessaire, à la demande du majeur ou de toute personne habilitée à demander une mise sous tutelle, le juge statuant après avis médical. Pour vos questions : ceruguz@yahoo.fr

Etude Plus Montargis accueille le député-maire de Montargis -

Dans le cadre de ses visites électorales, JeanPierre Door, député-maire UMP de Montargis, s’est rendu au centre de soutien scolaire Etude Plus Montargis. La rencontre, qui a duré 1h30, a permis à une trentaine de parents d’élèves de discuter avec le maire sortant, qui se représente aux élections municipales du 23 mars prochain. «M.  Door a eu la gentillesse d’accepter notre invitation, les parents avaient des questions et surtout des préoccupations sur l’école», a indiqué le directeur du centre, Celal Erdem. Le maire a rasséréné les parents sur la théorie du genre et les rythmes scolaires.


07 TURQUIE

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

Verbatim des conversations entre Erdogan et son fils Alors que la Turquie est actuellement secouée par des affaires d’écoutes de conversations téléphoniques entre le Premier ministre Erdogan et son fils, Zaman France présente la version française de la retranscription audio des cinq conversations enregistrées. Les enregistrements entre Recep Tayyip Erdogan et son fils Bilal ont fait scandale en Turquie.

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Les enregistrements dateraient du 17 décembre 2013, jour où une importante enquête anticorruption a été lancée. On y entend une voix, censée être celle d’Erdogan, disant à son fils sur cinq enregistrements, de se débarrasser d’importantes sommes d’argent cachées aux domiciles de plusieurs proches. Le Premier ministre, au début de la conversation, qui aurait été enregistrée sur ligne cryptée, parle à son fils, Bilal, de l’enquête et lui demande d’«écouler» l’argent en le distribuant à plusieurs hommes d’affaires. L’authenticité de ces enregistrements n’a pas encore été vérifiée. Vers la fin, Bilal Erdogan dit à son père que lui et les autres ont «terminé ce qu’il leur avait demandé de faire», insinuant que la somme totale a été «écoulée». Reza Zarrab et Ali Agaoglu sont deux importants hommes d’affaires en Turquie qui ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête anticorruption du 17 décembre dernier. Agaoglu et Zarrab ont été remis en liberté. Erdogan Bayraktari, Zafer Çaglayan et Muammer Güler sont trois ministres dont les fils ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête. Ils ont tous démissionné environ une semaine après l’enquête anticorruption. Sümeyye est la fille d’Erdogan. Faruk Kalyoncu et Mehmet Gür sont aussi des hommes d’affaires connus pour avoir des liens proches avec le Premier ministre.

PREMIÈRE CONVERSATION, 17 DÉCEMBRE 2013 08H02 1 Recep Tayyip Erdogan : Tu es chez toi ? Bilal Erdogan (fils) : Oui, papa. RTE : Ce matin, [ils ont] lancé une enquête. Ali Agaoglu, Reza Zerrab, le fils d’Erdogan [Bayraktar, ancien ministre], le fils de Zafer [Çaglayan, ancien ministre], le fils de Muammer [Güler, ancien ministre], etc – leurs maisons sont en train d’être fouillées. BE : Que dites-vous, papa ? RTE : Je te dis que le fils de Muammer, le fils de Zafer, le fils d’Erdogan, Ali Agaoglu, Reza Zerrab, etc – ils sont en train de fouiller les maisons de 18 personnes pour une grosse histoire de corruption. BE : D’accord. RTE : OK ? Alors écoute-moi bien, tu dois te débarrasser de tout ce que tu as chez toi. OK ? BE : De quoi dois-je me débarrasser papa ? [Je n’ai pas d’argent à moi.] C’est votre argent qu’il y a dans le coffre-fort. RTE : C’est ce que je te dis. Je vais t’envoyer ta sœur [Sümeyye Erdogan]. OK ? BE : Vous allez envoyer qui ? RTE : Ta sœur, je te dis. BE : Ah ? OK. RTE : Ensuite... Elle sait, OK. Parles-en à ton grand frère. BE : Oui. RTE : Fais ça… Parles-en avec ton oncle aussi. Il doit aussi s’en débarrasser... Parles-en avec ton oncle [maternel], il doit aussi... BE : Qu’est-ce qu’on fait avec cet [argent], papa ? On le met où ? RTE : Dans certains endroits spécifiques... Fais-le. (On entend une voix de femme derrière lui qui dit «Berat»). BE : Berat aussi en a -

RTE : C’est ce que je te dis. Maintenant, rassemblez-vous, va chercher ton oncle. Je ne sais pas si oncle Ziya en a également ? Parlesen aussi immédiatement à ton frère Burak. BE : OK, papa. Vous voulez dire, Sümeyye, je parle de l’argent, Sümeyye me dira où mettre l’[argent] ? RTE : Oui, c’est ça. Allez, fais-le, réfléchissez à ce que vous pouvez faire avec ton oncle. BE : Sur ce qu’il faut faire ? RTE : Oui, oui, on se rappelle bientôt, avant 10 heures. Parce que la question est... BE : OK, papa. RTE : OK ? Tiens-moi au courant. BE : OK, papa.

DEUXIÈME CONVERSATION 11H17 BE : Papa, on s’est vus avec Hasan [frère], etc. Berat [frère], mon oncle, on est ensemble et on réfléchit à ce qu’on va faire. Berat a une autre idée. Il propose d’en donner une partie à Faruk [Kalyoncu] pour le faire fructifier comme vous en aviez discuté. On devrait faire ça ? C’est le seul moyen qu’on a pour régler ce problème. RTE : C’est possible. BE : OK. Pour l’autre partie, on a pensé qu’avec notre partenariat avec Mehmet Gür, on pourrait lui donner en lui disant «Gardele, quand les projets se présenteront, tu peux utiliser cet [argent]». Comme ça, on pourra faire diminuer la somme pour la garder à un autre endroit. RTE : OK, très bien, tant que c’est fait... BE : OK. RTE : Est-ce que Sümeyye est arrivée ? BE : Elle est arrivée chez elle, elle va venir. OK, papa, on va régler ça aujourd’hui, si Dieu le veut. Vous avez autre chose à me dire ? RTE : Ce serait bien si tu... si tu pouvais tout écouler. BE : Oui, on va écouler [tout l’argent], si Dieu le veut.

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TROISIEME CONVERSATION 15H39 1 RTE : Tu as fait tout ce que je t’avais dit de faire ? BE : On va finir ça dans la soirée. On a presque tout réglé. On a réglé la partie avec Berat, maintenant on va régler la partie avec Mehmet Gür et on fera le reste quand il fera nuit. RTE :…. BE : Si Dieu le veut. RTE : Qu’est-ce qu’a fait Sümeyye ? BE : Elle a pris l’argent avec elle, on a parlé etc. RTE : Est-ce qu’elle a réglé les deux affaires ? BE : Je pense que oui, papa. Elle a dit qu’elle avait vidé les deux. RTE : Les deux, tu dis ? BE : Oui, elle a dit les deux, mais tu veux dire les deux choses, pas vrai ? RTE : Peu importe. Ok, très bien. BE : A quelle heure arrivez-vous ? RTE : Vers minuit. BE : Bon voyage. RTE : Ne parlez pas par téléphone.

QUATRIÈME CONVERSATION 23H15 1 BE : Bonjour papa, je vous appelle pour... On a fait une grande partie du travail. Hmm, vous m’avez appelé, papa ? RTE : Non. C’est toi qui m’as appelé. BE : Il y a un numéro masqué qui m’a appelé. RTE : Quand tu dis une ‘grande partie du travail’, ça veut dire que tu as tout réglé ? BE : On ne s’est pas débarrassé de tout, papa. Je vais vous expliquer. On a encore 30 millions d’euros dont on n’a pas réussi à se débarrasser. Berat a pensé à quelque chose. Il y a encore 25 millions de dollars qu’Ahmet Çalik devrait recevoir. Ils disent de lui donner ça maintenant. Quand l’argent arrivera, on fera quelque chose, ils disent. Et avec le reste, on peut acheter un appartement à Sehrizar, il dit. Qu’en dis-tu, papa ? RTE : …. (Bruit de fond : Aïïïe.) BE : Papa ? RTE : Sümeyye est avec toi ? BE : Oui. Vous voulez que je l’appelle ? RTE : Non, j’ai entendu un bruit, c’est pour ça que je te demande. BE : Hum, ce je veux dire, c’est qu’on peut transférer 25 millions de dollars à Çalik et acheter un appartement à Sehrizar avec l’argent qui reste. RTE : Peu importe. Mais réglez ça. BE : Est-ce qu’on devrait faire ça comme ça ? RTE : OK, faites-le. BE : Est-ce que vous voulez que tout l’argent disparaisse ou vous voulez en garder un peu pour vous ? RTE : Non, ça ne peut pas rester là. Tu pourrais transférer le reste à l’autre endroit, avec Mehmet, tu pourrais le transférer là-bas.. BE : Oui, on leur a donné. On leur en a donné 20. RTE : Pour l’amour de Dieu. D’abord, tu aurais dû le transférer. Ensuite tu aurais pu... BE : On a pu leur donner ce montant pour l’instant, c’est déjà difficile, ça prend trop de place. On est en train d’en mettre une partie ailleurs. On en a donné une partie à Tunç, puis…

RTE : Est-ce que tu as tout transféré à Tunç ? BE : (Sümeyye, tu peux venir ?) Où ça, papa ? RTE : A Tunç, j’ai dit, est-ce que tu as tout transféré à Tunç ? BE : Ils ont demandé, j’imagine, ils ont dit qu’ils pouvaient prendre 10 millions d’euros. RTE : Peu importe. N’en parle pas comme ça. BE : OK, on va régler ça comme ça. RTE : OK, fais ça. Je ne pourrai pas venir ce soir, on va rester à Ankara. BE : OK, on est en train de tout régler. Ne vous inquiétez pas.

CINQUIÈME CONVERSATION, 18 DÉCEMBRE 10H58 1 RTE : Je me demandais si tout allais bien, donc je t’ai appelé. BE : Non, il n’y a aucun problème. On a fini ce que vous nous aviez dit de faire. RTE : Tu t’es débarrassé de tout ? BE : Complètement, je veux dire, comment dire ? J’avais l’argent de Samandira et de Maltepe [l’argent dans ses villas de Samandira et Maltepe], 730.000 dollars et 300.000 livres turques. Je vais m’occuper de ça aussi. On doit 1 million de livres turques à Faruk Isik [député AKP] ; Je vais lui donner ça et lui dire de transférer le reste à l’académie [peu clair.] RTE : Ne parle pas ouvertement. BE : Je ne devrais pas parler ? RTE : Ne parle pas, OK ? BE : OK, papa. RTE : Je veux dire, ne garde rien sur toi, quoi que ce soit, Samandira ou autre... Envoie-le là où il doit être. Où est-ce que tu le gardes ? BE : OK, papa, mais je pense qu’on est en train d’être surveillés. RTE : Qu’est-ce que je te dis depuis le début ! BE : Mais est-ce que c’est l’équipe des gardes du corps ? Qui nous surveille, papa ? RTE : Mon fils, tu es en train d’être enregistré. BE : Mais il semblerait qu’ils surveillent aussi par vidéo. RTE : C’est vrai. On a fait des choses au sein des services de sécurité d’Istanbul.


08 TURQUIE Ces tweeteurs qui ébranlent le pouvoir turc

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

La presse audiovisuelle a fait l’impasse sur les conversations qui ont été attribuées au Premier ministre turc alors que la presse écrite faisait le service minimum. L’air du temps ; c’est désormais sur Internet et sur les réseaux sociaux que les citoyens vont s’informer. SAMI KILIÇ PARİS Des millions de Turcs ont suivi les rebondissements de l’affaire sur les réseaux sociaux. Mais qui se cache derrière ces divulgations ? Trois comptes Twitter ont particulièrement fait florès. Vraies ou fausses, leurs informations trouvent un certain écho au sein de la population turque, déjà encline à croire aux histoires les plus loufoques :

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@HARAMZADELER333 (216 000 ABONNÉS)

1 C’est le compte par lequel le scandale

est arrivé. Devenu rapidement un véritable robinet, il a commencé par diffuser les conversations attribuées à Erdogan et à son fils. Les réponses de ce dernier, «allo papa», «oui papa», «c’est bon, papa» ont rapidement fait le buzz. Le compte n’arrête pas de secouer le pays, jour par jour. Les villas d’Erdogan à Izmir, c’est lui. Les pressions sur le directeur de la chaîne d’information Habertürk pour qu’il cesse de transmettre le discours d’un des chefs de l’opposition, encore lui. La vente du groupe de presse Sabah-ATV à un consortium fidèle à Erdogan, derechef. La destruction par le gendre du Premier ministre, des preuves compromettantes sur l’accumulation des richesses, de nouveau. Si bien que la classe politique a les yeux rivés sur ce compte. Aucun indice n’a filtré sur l’identité de son utilisateur. En revanche, le

pseudo est on ne peut plus explicite quant à son but : porter «les enfants du péché» sur la place publique.

@FUATAVNI (140 000 ABONNÉS) beaucoup moins spectaculaire que le premier, il n’en reste pas moins influent par les analyses qu’il produit. Son utilisateur semble être bien informé sur tout ce qui se passe au sein de l’AKP et du gouvernement. Dans ses derniers tweets, il a annoncé que le président Gül avait empêché la démission de Bülent Arinç, vice-Premier ministre, écoeuré par les enregistrements. C’est encore lui qui avait révélé le contenu de la conversation entre Erdogan et le président Obama, dans laquelle Erdogan se plaignait des agissements de Fethullah Gülen. Celui-ci vit aux Etats-Unis. Le compte twitter a d’ores et déjà annoncé une vaste opération qui devrait s’abattre sur le mouvement Hizmet quelques jours avant ou après les élections municipales du 30 mars.

1 Compte

@TWIT ANKARA (139 000 ABONNÉS)

1 Destiné à dévoiler tout ce qui se trame

à Ankara, le compte verse plutôt dans une phraséologie brute de décoffrage. Par exemple, comment Erdogan a mis en place un système de corruption qui met à contribution le MIT, les services de renseignement ?

Chaque jour, des utilisateurs de Twitter analysent et commentent l’actualité politique turque. Au grand dam de certains hommes d’Etat.

D’où la convocation en catastrophe de Hakan Fidan, le directeur du MIT, le soir même des révélations sur les conversations du Premier ministre. C’est encore ce compte qui a prétendu que la protection spéciale dont faisait l’objet la fondation TURGEV (celle dirigée entre autres par les enfants d’Erdogan) était liée à son mode de financement louche. Ou encore il a annoncé que l’assassinat de Hrant Dink, journaliste d’origine arménienne tué en pleine rue en 2007, et la mort accidentelle

de Muhsin Yazicioglu (leader d’un parti de la droite nationaliste et religieuse) en 2008, allaient être imputés au Hizmet. Dans un contexte brumeux comme l’est aujourd’hui celui de la Turquie, les rumeurs vont bon train et il n’est malheureusement pas rare de voir des personnes qui se sont approprié cette expression qui viole allègrement la présomption d’innocence : «il n’y a pas de fumée sans feu». Ou bienvenue dans un pays où «certaines choses se sentent avec le coeur»...

Le Parlement a donné son feu vert Le Parlement a fermé afin de permettre aux partis politiques de se consacrer à leur campagne électorale pour le scrutin du 30 mars. Auparavant, les députés turcs ont approuvé plusieurs projets de lois. Le Parlement rouvrira ses portes le 26 mars.

La loi sur Internet amendée -

La fermeture des instituts de soutien scolaire privés -

Le Parlement turc a approuvé, après modifications, la loi sur internet qui a déclenché de vives critiques en Turquie et à l’étranger. Le projet de loi sur internet avait été rapidement promulgué par le président Abdullah Gül la semaine dernière. Celui-ci a cependant demandé aux députés de revoir plusieurs articles. Il a souligné notamment la nécessité d’une autorisation de justice pour bloquer l’accès à des sites internet afin d’éviter les décisions arbitraires. Deux articles considérés comme «problématiques» par le président turc ont été modifiés trois semaines après une première adoption par le Parlement. Ainsi, désormais, la Direction des Télécommunications (TIB) pourra obtenir les données de navigation d’internautes uniquement après accord judiciaire, sauf en cas de menace de cyber-attaque ou de virus. A l’origine, la loi autorisait le président de la TIB à bloquer tout contenu en ligne en cas de non respect de données confidentielles.

La loi qui a été votée prévoit la fermeture de l’ensemble des instituts de soutien scolaire privés avant le 1er septembre 2015 et mettra fin aux contrats de dizaines de milliers de fonctionnaires. La loi est passée au Parlement avec 226 votes favorables et 22 votes défavorables. Un certain nombre de députés CHP et MHP ont exprimé leurs objections, au motif que la loi est contraire à la Constitution. Le débat sur cette loi a entraîné de nombreuses disputes et altercations entre les députés AKP et des partis de l’opposition.

Le paquet de réformes démocratiques de septembre EMRULLAH BAYRAK ANKARA Le paquet de réformes avait été annoncé par le Premier ministre turc en septembre dernier, mais le gouvernement avait décidé de reporter son application à cause du programme chargé du Parlement. L’ensemble des réformes a été transféré au Parlement en cette fin de semaine. Selon les réformes, les partis politiques et leurs membres pourront désormais faire campagne dans des langues et dialectes autres que le turc. Un article dispose également que les partis politiques pourront adopter un système de coprésidence, à condition que le parti modifie son règlement et qu’il n’ait pas plus de deux co-présidents. De plus, l’Etat turc pourra fournir une aide financière aux partis politiques qui recueillent plus

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de 3 % de votes aux élections législatives. L’aide financière ne pourra être inférieure à 1 million de livres turques (soit un peu plus de 300 000 euros).

LES RÉFORMES SUR LE DROIT AU RASSEMBLEMENT ET L’ENSEIGNEMENT Les réformes comprennent également des articles sur la liberté de réunion et de manifestation. Les rassemblements de masse et les manifestations devront se terminer avant le coucher du soleil et les rassemblements en intérieur devront se terminer avant minuit. Les services de sécurité pourront filmer et enregistrer les voix des participants aux rassemblements et manifestations. Ces enregistrements auront pour seul but que celui d’identifier d’éventuels suspects de délits. Les organisa-

teurs de ces événements devront y mettre fin en cas de débordement et immédiatement informer les services de sécurité en cas d’acte délictueux. L’un des articles phares concerne le droit pour les élèves de recevoir une éducation dans leur langue maternelle, qui a fait l’objet de nombreux débats dans le cadre du processus de paix avec le PKK. L’article dispose qu’à condition d’être régis par la loi sur les établissements privés, les citoyens turcs pourront ouvrir des établissements scolaires privés afin de proposer un enseignement dans la langue traditionnelle qu’ils utilisent au quotidien. Les langues et dialectes autorisés seront déterminés par le cabinet gouvernemental. La série de réformes prévoit également de redonner aux villages leurs noms d’origine.

RÉFORMER LE SYSTÈME ÉDUCATIF Des millions d’élèves en Turquie sont inscrits dans ces instituts pour se préparer aux examens d’entrée au lycée et à l’université. La loi autorise ces instituts à se transformer en écoles privées et le ministère de l’Education à recruter les professeurs de ces instituts au sein des écoles publiques. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a classé la Turquie en «moyenne» position en littérature, mathématiques et sciences. D’après le Premier ministre, la suppression des instituts de soutien scolaire se fait dans le cadre d’une plus grande réforme sur un système éducatif «mal en point», mais cette décision est vue comme une bataille de plus dans la guerre contre le mouvement Hizmet. Les instituts de soutien scolaire auront jusqu’à l’année scolaire 2018-2019 pour se transformer en écoles privées s’ils le désirent. Mais cette loi annoncée en novembre dernier par le gouvernement reste controversée. Les opposants soutiennent qu’elle ne fera que freiner l’ambition des élèves plus pauvres qui désirent accéder à l’université.


09 TURQUIE

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

La Turquie, un «grand frère» pour les minorités turcophones ? Face à l’embrasement en Ukraine et aux tendances séparatistes de la Crimée, une ancienne possession ottomane, la Turquie a défendu le principe de l’intégrité territoriale de ce pays. C’est ce que souhaitaient les Tatars de Crimée. Devait-on en attendre davantage, venant de la Turquie ? Pas vraiment, une politique turque envers les minorités turcophones existe certes, mais elle reste empreinte de prudence. SAMI KILIÇ PARİS Chez les Russes, cela a le mérite d’être clair. On vole au secours des frères slaves, en distribuant généreusement des passeports et, si besoin, en croisant le fer. La guerre engagée contre la Géorgie en 2008 au nom du soutien aux «compatriotes» de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en est un exemple typique. La Turquie, qui fait pourtant partie de l’un des plus grands espaces ethno-linguistiques, n’a jamais déployé une telle ardeur belliqueuse, à une exception près. Celle de Chypre, en 1974. Depuis, elle traîne cette «audace» comme un boulet. Pourtant, les tensions sont nombreuses dans la galaxie turcophone. L’actualité le montre. L’Ukraine se disloque en direct, les Tatars de Crimée sont entre le marteau russe et l’enclume ukrainienne. Une rumeur a vite gagné les esprits en Turquie, elle a voulu que, conformément au traité russo-ottoman de Küçük Kaynarca de 1774, la rétrocession de la Crimée à l’Etat turc soit un droit en cas de partition. Les historiens ont dû démentir l’information tout comme... le ministère ukrainien des affaires étrangères.

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NE PAS FÂCHER LES GRANDES PUISSANCES Les relations avec les pays turcophones de l’Asie centrale se sont développées avec la dislocation du bloc soviétique au début des années 1990 ; la Turquie avait tenté un rapprochement avec l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan. Ce fut un relatif échec. «Le problème de fond tient à la faible unité culturelle des Etats turciques, le turc de Turquie ne pouvant servir de lingua franca», écrit Gilles Dorronsoro dans son livre Que veut la Turquie ?. Si bien qu’en 2010, lors du Xe Sommet des Etats turciques, les six chefs d’Etat présents parlaient plus russe et anglais que turc... Les relations avec les minorités turcophones obéissent à une stratégie ambivalente. La Turquie n’a pas vocation à obtenir leur indépendance, elle reste très attachée au principe de l’intégrité territoriale (du fait notamment de sa propre question kurde). De là, à faire profil bas lorsqu’une minorité turcophone est malmenée par l’autorité

centrale, il y a un gouffre. Un gouffre qui s’explique par le réalisme de la politique extérieure turque. Celui de ne pas fâcher les grandes puissances. Par exemple, Rebiya Kadeer, leader des Ouïghours en exil, n’avait pu obtenir un visa pour entrer en Turquie ; cette réserve vis-à-vis des Ouïghours du Turkestan Oriental s’expliquant par l’ascendant chinois. Idem au Caucase. Les Russes sont trop imposants pour leur reprocher quoi que ce soit au sujet des peuples turcophones comme les Koumyks au Daghestan, les Karatchaïs en Karatchaïévo-Tcherkessie, les Balkars en Kabardino-Balkarie, les Bachkirs en Bachkirie voire les Altaïens et les Iakoutes en Sibérie.

L’INTÉRÊT POLITIQUE PRIME S’agissant des Turcs de Thrace occidentale, ils sont beaucoup plus choyés du fait de leur proximité ; ils reçoivent souvent la visite des ministres turcs. La ville de Gümülcine, où vivent environ 140 000 Turcs, est particulièrement sollicitée. La Macédoine abrite environ 150 000 turcophones alors que le chiffre monte à un million en Bulgarie. Les 200 000 Gagaouzes de la Moldavie représentent un profil atypique; chrétiens, ils parlent un turc très proche de celui de la Turquie. Dans La politique de la Turquie dans les Balkans depuis 1990, Sylvie Gangloff note que «l’influence directe de la Turquie sur les communautés turques et musulmanes des Balkans, et l’intérêt qu’Ankara peut leur porter, sont essentiellement fonction de l’état des relations politiques avec ces pays» et que «l’intérêt politique prime sur une quelconque fraternité turque». Ainsi, «les excellentes relations politiques entre les deux pays [la Turquie et la Macédoine] et les enjeux liés à la stabilité de ce pays incitent plutôt les dirigeants turcs à minimiser les problèmes rencontrés par cette minorité». En revanche, les Turcs deviennent beaucoup plus hardis lorsqu’il s’agit de porter assistance à des peuples turcophones qui sont empêtrés dans une situation de guerre. L’autorité centrale se trouvant affaiblie ou contestée, ils n’hésitent pas à fournir des munitions. Ainsi, la Turquie avait envoyé des armes aux Turk-

La grotte de Dunhuang.

Des Tokhariens aux Ouïghours

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L’arrestation récente d’Ilham Tohti, personnalité ouïgoure de premier plan, a remis sous les feux de l’actualité l’existence de cette plus grande minorité turcophone dans le monde. Les 10 millions d’Ouïghours qui vivent au Xinjiang ont une histoire ancienne. C’est un Français, Paul Pelliot (1878-1945), qui a découvert, au cours d’une expédition entre 1906 et 1908, la civilisation des Tokhariens, ancêtres des Ouïghours. «Les manuscrits de Dunhuang découverts par Paul Pelliot, étaient rédigés dans une langue totalement inconnue. Le turcologue allemand Müller lui

donna le nom de tokharien», indique Maxime Guérin, journaliste et initiateur de l’association Paul Pelliot (paul.pelliot@ gmail.com). Les Tokhariens sont présents dans le bassin du Tarim (Xinjiang actuel) dès le 10e siècle avant notre ère. Bouddhistes, ils se sont mêlés avec les Ouïghours au 9e siècle après JC. Ouïghours qui se sont convertis à l’islam un siècle plus tard (Satuk Bugra Han est le premier sultan à se convertir en 932). Le célèbre Mahmut de Kashgar (11e siècle) qui a écrit le Recueil des langues turques (Divânü Lügati’t Türk) était un Ouïghour.

Ahmet Davutoglu, ministre des affaires étrangères, et Mustafa Cemil Kirimoglu, leader des Tatars de Crimée.

mènes d’Irak et de Syrie ce qui avait suscité des malentendus. Le gouvernement n’avait ni infirmé ni confirmé. «Les services de renseignement (MIT) apportent de l’aide aux Turkmènes», avait seulement concédé le Premier ministre, Tayyip Erdogan.

UN MAGISTÈRE RELIGIEUX ET CULTUREL Le «grand frère» préfère donc se concentrer sur ce qui n’irrite pas. Le principal levier d’intervention reste donc culturel et cultuel. Fin février, lors d’une visite en Bulgarie où vivent près d’un million de Turcs, le ministre Davutoglu avait insisté sur la préservation de leur identité propre, «ne perdez pas votre langue, votre religion et ne vous sentez pas seuls», leur avait-il lancé. La Turquie n’est pas de nature à chambouler les équilibres nationaux, elle mobilise ses institutions pour investir sur le facteur humain : le Diyânet, la présidence des affaires religieuses, est en contact permanent avec les muftis des Balkans, la TIKA (l’Agence de coopération et de développement) porte des projets humanitaires, le ministère de l’Education distribue des bourses, le ministère de la Culture se charge de la restauration des

Bekir Bozdag, ancien vice-Premier ministre, en visite en Gagaouzie.

mosquées, les centres culturels Yunus Emre ouvrent à tour de bras des centres d’apprentissage de la langue turque. Une «direction des Turcs de l’étranger et des peuples cousins» est chargée de coordonner toutes ces politiques. Elle est directement soumise à l’autorité du Premier ministre. C’est donc plutôt un magistère religieux et culturel qu’endosse la Turquie. L’irrédentisme, c’est-à-dire la vocation à revendiquer des territoires, n’a jamais été un élément de sa politique extérieure. Sauf à Chypre en 1974. Et ça fait 40 ans que l’île «embête» la Turquie. Pas de quoi donner envie pour d’autres aventures...


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«[...] Etre objectifs, équilibrés, justes et pacifiques, [d’] adhérer aux principes ainsi qu’aux faits» Cette déclaration de Qin Gang, le porte-parole chinois des Affaires étrangères lundi, révèle l’ambiguïté de la Chine devant la crise qui divise la Russie et le nouveau pouvoir ukrainien.

Davutoglu soutient l’intégrité territoriale de l’Ukraine

Alors que le pays de l’Europe de l’Est fait actuellement face au risque d’une sécession, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a déclaré que la Turquie attachait une grande importance à l’intégrité territoriale et à la stabilité de l’Ukraine. SINEM CENGIZ ANKARA «Pour la Turquie, l’intégrité territoriale, la stabilité et la prospérité de l’Ukraine sont essentielles. La Crimée est d’une grande importance pour la Turquie car elle est la passerelle vers l’Ukraine. Elle est également importante grâce à la présence des Tatars [un groupe ethnique turcophone] et du patrimoine culturel turc. Notre plus grand souhait est le maintien de la stabilité en Ukraine», a déclaré Davutoglu lors d’une conférence de presse avec son homologue bulgare, Kristian Vigenin, jeudi 27 février. Les soulèvements en Ukraine ont avivé les tensions en Crimée après la fuite du président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch, à la suite de plusieurs mois de manifestations. La Russie avait condamné

Crimée : «Les Américains n’ont aucun moyen de pression sur les Russes» Le drapeau russe a été hissé au sommet du Parlement ukrainien à Simferopol en Crimée.

Philippe Migault est directeur de recherche sur la Russie à l’Institut de recherche sur les relations internationales et stratégiques. Il répond aux questions de Zaman France sur la crise militaire et diplomatique entre la Russie et l’Ukraine à propos de la Crimée. FOUAD BAHRI PARIS Que veut Poutine en Crimée ? Poutine, en renforçant le dispositif russe, envoie un message clair qui est que si les autorités ukrainiennes actuelles décident d’une politique discriminatoire vis-à-vis des citoyens d’origine russe ou russophones, la Russie soutiendra leurs prétentions sécessionnistes.

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ces manifestations et les avait qualifiées de coup d’Etat.

LES TATARS SOUTIENNENT LA NOUVELLE ADMINISTRATION Les Tatars qui vivent en Crimée sont profondément inquiets de la question de la séparation de la Crimée et de l’Ukraine ainsi que d’une possible intervention russe dans la région, en particulier depuis que Vladi-

mir Poutine a envoyé des troupes de soldats de l’autre côté de la frontière. Davutoglu a noté que la Crimée faisait partie du territoire ukrainien et a dit que tous les problèmes pouvaient être résolus par consensus. «La Turquie appelle tous les leaders des groupes ethniques et religieux de Crimée à se rassembler au nom de la stabilité et de la paix dans la région. Nous continuerons nos efforts envers la Crimée», a affirmé Davutoglu.

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Y avait-il des signaux indiquant la mise en oeuvre d’une telle politique discriminatoire ? Oui, d’ores et déjà l’usage du russe comme seconde langue, dans des régions où les Russes représentent plus de 10 % de la population est remis en question. Il y a des craintes que le caractère russophone de certaines communautés ne soit pas pris en compte, comme c’est le cas en Estonie. N’y-a-t-il pas aussi un message adressé aux nouvelles autorités ukrainiennes, après le départ de Ianoukovitch ? Je n’en suis pas persuadé. Ce nouveau gouvernement a une espérance de vie extrêmement limitée jusqu’aux présidentielles futures dans quelques semaines. Je pense que les différentes parties de ce gouvernement ne vont pas tarder à se déchirer du fait des ambitions des uns et des autres. Envoyer un signal à un gouvernement provisoire serait du temps perdu pour Moscou. Existe-t-il un risque réel d’annexion de la Crimée ? Non, ce n’est pas possible car cela serait contraire au droit international. Il faudrait éventuellement que la Crimée fasse un référendum et demande son rattachement à la Russie qui serait libre de l’accepter ou pas. Moscou peut-elle invoquer un risque sécuritaire pour occuper durablement cette région ? L’occupation russe est déjà durable puisqu’elle est planifiée jusqu’en 2042 avec la présence de 25.000 militaires russes, d’après des accords signés en 2010.

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Quelle est la position des populations locales de Crimée par rapport à cette présence militaire ? En dehors des Tatars de Crimée qui représentent 12 % de cette population et qui font part de certaines inquiétudes, les russophones n’y voit aucun problème. Que vont faire les Etats-Unis par rapport à cette crise diplomatique ? Je crains qu’ils ne puissent faire grand chose. Il faut se demander de quelles mesures de rétorsion ils disposeraient... A mon avis, les Américains n’ont aucun moyen de pression sur les Russes. Aucune intervention militaire américaine n’est concevable.


11 INTERNATIONAL La justice américaine ordonne le retrait d’un film anti-islam Le film «L’Innocence des musulmans» avait déclenché une vague de protestations dans le monde musulman en 2012. La justice américaine a demandé à Youtube de retirer cette vidéo. MAHMUT SARP PARIS C’est la cour d’appel fédérale qui a cassé la décision en première instance d’un tribunal qui avait refusé le retrait de cette vidéo. La plainte avait été déposée par l’une des actrices du film, Cindy Lee Garcia qui s’est dite trompée et réclamait son retrait au titre de son droit d’auteur. Elle avait par ailleurs reçu un grand nombre de menaces de mort. La cour d’appel a donc reconnu «que des dommages irréparables pourraient être commis en l’absence d’injonction (retrait de la vidéo), car la plaignante faisait l’objet de menaces de morts».

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UN FILM TRÈS DÉCRIÉ Dans sa décision, la cour a estimé que le réalisateur du film, Nakoula Basseley Nakoula, alias Mark Basseley Youssef, américain d’origine égyptienne copte, «avait outrepassé les droits implicites d’utilisation de la performance de l’actrice». Celleci pensait tourner dans un film qui s’intitule «Desert Warrior». Ce film n’ayant pas vu le jour, elle avait découvert que ses scènes avaient été utilisées dans «L’Innocence des musulmans». Ce film avait eu de graves conséquences. Le 11 septembre 2012, l’attaque sur le consulat américain en Libye avait causé la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens. Le chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah avait appelé les musulmans à se mobiliser en réaction à ce film jugé injurieux. NOUVELLE POLÉMIQUE Cette décision de justice tombe au moment où une nouvelle polémique fait surface. Dans son dernier clip «Dark Horse», la chan-

Des étudiants japonais viennent en aide aux réfugiés syriens SINEM CENGIZ ANKARA Des étudiants et des professeurs japonais se sont récemment rendus en Turquie pour fournir une aide éducative aux réfugiés syriens. Le groupe de bénévoles, arrivés en Turquie via l’association humanitaire turque Kimse Yok Mu, était composé de 15 étudiants et professeurs de l’université japonaise Meiji Gakuin, dont les campus se trouvent à Tokyo et Yokohama. Le groupe est arrivé avec des carnets de notes et autres articles de papeterie pour les étudiants syriens réfugiés qui vivent actuellement dans le quartier de Zeytinburnu à Istanbul. «Je n’ai jamais rencontré des gens aussi chaleureux de ma vie», confie l’une des étudiantes, Ayano Inoue. «Nous leur avons montré des danses japonaises traditionnelles. Nous avons passé un très bon moment avec eux», a-t-elle ajouté. «Il y a trois ans, après le tremblement de terre au Japon, Kimse Yok Mu est arrivé trois jours après la catastrophe. Nous avons été très impressionnés par ce qu’ils ont fait là-bas», a déclaré l’un des professeurs de l’université Meiji Gakuin, Katsuhiro Harada.

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teuse américaine Katy Perry, incarnant Cléopatre, réduit en cendres tous ses prétendants. Problème, l’un d’entre eux – paré de nombreux bijoux – porte autour du cou un médaillon portant le nom

d’«Allah» en arabe. Des images qui ont pu choquer, une pétition réunissant plus de 60 000 signataires a demandé le retrait de ce clip de Youtube. Depuis, le clip a été modifié par la chanteuse.

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A gauche, Cindy Lee Garcia, l’une des actrices du film, avait déposé plainte et réclamé le retrait de la vidéo.


12 ECONOMIE

10

milliards

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Selon une information du Parisien, le gouvernement voudrait supprimer certaines dotations aux collectivités locales, ce qui reviendrait à quelque 10 milliards d’euros sur tout le quinquennat. Les collectivités pourraient peut-être augmenter les impôts pour compenser le manque à gagner.

ÉCHANGES ÉCONOMIQUES FRANCO-TURCS :

Les raisons d’être optimiste En se rendant en Turquie fin janvier, François Hollande avait deux objectifs : développer les échanges commerciaux entre la France et la Turquie, et désamorcer les tensions qui perduraient dans les relations bilatérales. Le bilan positif de cette visite donne des raisons concrètes d’être optimiste quant au développement des relations économiques franco-turques.

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Le président Hollande en visite officielle en Turquie.

La visite fin janvier de François Hollande était très attendue en Turquie. Aujourd’hui, avec un peu de recul, elle peut être qualifiée de très positive même si bien évidemment il est toujours possible de faire mieux. C’est ce que j’ai pu personnellement constater en prenant part avec la délégation de la fédération FEDIF au dîner d’Etat offert par le président Abdullah Gül le 27 janvier au palais présidentiel de Çankaya, mais également lors de ses différentes interventions à Istanbul. Les deux principales raisons de cette visite d’Etat étaient de développer les échanges commerciaux entre les deux pays, et de désamorcer un certain climat de tensions perdurant

depuis un moment dans les relations bilatérales franco-turques. Le bilan de la visite semble plutôt satisfaisant avec la signature de pas moins de treize signatures de contrats et d’accords de coopération, ainsi que l’annonce par le président français de la possible ouverture de deux chapitres supplémentaires dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE.

LES ENTREPRISES FRANÇAISES EN TURQUIE Cette visite est d’autant plus la bienvenue à l’heure où les parts de marché de la France en Turquie ont chuté de moitié durant les dix dernières années, passant de 6 à 3 %, malgré la présence non négligeable de près de 450 entreprises françaises en Turquie représentant 10 milliards d’euros d’investissements et plus de 100 000 emplois directs et indirects. Quant à la France, elle compterait à peu près une quarantaine d’entreprises turques sur son territoire, ce qui est trop peu bien entendu. C’est pourquoi, afin de remédier à cette baisse et de booster les échanges commerciaux entre les deux pays, les deux présidents se sont fixé comme objectif d’atteindre un volume de 20 milliards d’euros, ce qui semble plutôt raisonnable puisque le total des grands contrats français en Turquie approche déjà les 15 milliards d’euros en 2013. Quatre raisons rendent cet objectif réalisable. DES PME INTÉRESSÉES La première est que les entreprises turques, en particulier les PME, sont de plus en plus intéressées par le marché français. Elles ont dans un premier temps une approche commerciale pour constater sur place si leurs produits ou services y trouvent leur clientèle, et considèrent ensuite la possibilité d’ouverture d’établissements en fonction de la réponse obtenue par le marché. Du moins, c’est ce que nous constatons régulièrement au sein de la FEDIF, en accompagnant tout au long de l’année un grand nombre d’entreprises turques intéressées par la France, toutes régions confondues. Et ce, même si, faut-il le préciser, la bureaucratie, les impôts et le temps nécessité par le mille-feuille des procédures administratives françaises ont également tendances à en démotiver certains. Ensuite, l’allégement en perspective des procédures et contraintes pour la délivrance de visas aux entrepreneurs étrangers est d’autant plus réjouissant tant pour ces derniers ainsi que pour l’économie française. MÉCONNAISSANCE DU PAYS La troisième raison de la possible hausse du volume des échanges commerciaux est la grande méconnaissance de la Turquie de la part des PME françaises, voir même de la population française en général. Effectivement, en dehors du tourisme de masse, les

Français connaissent très peu, voir mal ou pas du tout, ce pays moderne et dynamique en pleine expansion qui n’est qu’à trois heures de vol de Paris. C’est ce que je constate régulièrement au travers de mes nombreuses rencontres avec les sociétés françaises et quej’ai encore pu remarquer lors de la visite du président Français en Turquie. Lors du dîner d’Etat offert par Abdullah Gül en l’honneur de François Hollande, trois patrons de PME françaises assis à ma table m’ont avoué que c’était la première fois qu’ils mettaient les pieds en Turquie et qu’ils connaissaient très peu de choses sur le pays. En revanche, ils étaient très ravis du voyage car ils ont trouvé un pays très moderne, ouvert et accueillant ainsi qu’une atmosphère plutôt chaleureuse et propice aux affaires. Bien qu’ils aient déjà eu des contacts assez prometteurs depuis peu avec quelques entreprises turques, c’était la première fois qu’ils faisaient le voyage en personne. Le président François Hollande abonde dans ce sens lorsqu’il affirme qu’il ne faut pas avoir peur de la Turquie et que «nous devons lui tendre la main comme elle veut elle-même prendre une part du chemin que nous avons ouvert en Europe». C’est assez révélateur de l’état d’esprit général des Français. Cette visite aura au moins eu le mérite de remettre sous le feu des projecteurs la Turquie et tout son potentiel économique pour les PME françaises qui la mettront donc peutêtre à l’ordre du jour de leur stratégie d’expension internationale.

LES BESOINS DE LA TURQUIE ET DES EUROPÉENS La quatrième et dernière raison de mon optimisme pour les relations économiques franco-turques vient des propres besoins de la Turquie tant du point de vue de sa croissance que de l’avancée dans les critères européens. A cet égard, les secteurs de l’environnement, de l’énergie et des transports sont des secteurs très importants pour elle, et il s’agit là justement des secteurs dans lesquelles les entreprises françaises sont très compétitives quasiment au niveau mondial. LE RÔLE DES STRUCTURES D’ACCOMPAGNEMENT Cette visite a mis en lumière le rôle clé joué par les acteurs économiques et la société civile, ainsi que leur importance dans les relations bilatérales entre deux pays. Ils jouent un rôle de catalyseur et d’incitateur. C’est pourquoi le rôle des structures d’accompagnement et de relais sur place, telles que les chambres de commerce bilatérales ou les organismes civils d’affaires, est très important pour l’établissement de la confiance des entrepreneurs dans chacun des pays, mais aussi pour trouver les bons interlocuteurs. Hanifi Senlik, Secrétaire général de la FEDIF


13 CULTURE

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

AGENDA CULTUREL

CONCERT

Radhiyya de Delhi, la sultane qui se faisait appeler «Sultan» Islam des mondes

CONFÉRENCE-DÉBAT

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RADHIYYA, FEMME D’ETAT Avant même d’accéder au trône en 1236, Radhiyya était assez peu coutumière du harem, de ce gynécée où évoluaient les femmes de la cour. Très tôt en effet, elle s’est intéressée aux affaires de l’Etat, suivant son père Shams ad-Din Iltutmush dans ses déplacements à travers les provinces de l’Empire. Le sultan a du reste très tôt décelé chez cette petite-fille du grand Qutb ad-Dîn Aybak, fondateur turc du sultanat de Delhi, les qualités d’une véritable femme d’Etat. Il veillera ainsi à la désigner, de son vivant, unique héritière du trône, au grand dam de ses

A lire

RADHIYYA, CHEF DE GUERRE A contrecoeur, les généraux turcs, l’élite militaire, durent prêter allégeance à Radhiyya. Aussi, une des premières tâches auxquelles elle s’attellera sera précisément d’affaiblir leur pouvoir en jouant de leurs rivalités. Elle n’hésitera pas ainsi à favoriser la promotion d’un chef militaire qui n’était ni Turc, ni même de condition libre : Malik Jamal ad-Din Yaqut, esclave éthiopien qu’elle élève à la dignité de Grand écuyer (Amîr-i akhûr). Elle fera frapper monnaie à son nom : «Pilier des femmes, Reine des Temps, Impératrice Radhiyya fille de Shams ad-Din

Iltutmush» lit-on sur la légende. Après quelques mois de règne à peine, sur la nouvelle monnaie qu’elle fait battre, le nom de son père a disparu : son pouvoir s’est affirmé. Jusqu’aux provinces les plus reculées du sultanat, elle est crainte et respectée. Celle qui se fait appeler «Sultân» s’habille en homme, monte à cheval en cheveux, et dirige ses troupes à la tête d’un éléphant de guerre. De tous les sultans chamsides, elle est ainsi la seule que l’historien alJuzjani qualifie de «chef de guerre». Néanmoins, aucune autorité n’étant définitivement assurée, elle devra affronter une coalition de gouverneurs sécessionnistes, un mouvement de rébellion auquel se joint Ikhtiyar ad-Din Altuniya, un ami d’enfance en charge de la province de Bhatinda. Alors que Radhiyya, à la tête de son armée, s’emploie à soumettre les ligueurs, les généraux profitent de son absence pour placer Bahram Shah sur le trône de Delhi en avril 1240. Dans une extraordinaire volte-face, Ikhtiyar al-Din Altuniya prend fait et cause pour sa reine, l’épouse et prend les armes à ses côtés pour l’aider à reconquérir le trône. Mais au mois de décembre, alors qu’ils tentaient de marcher sur Delhi, ils sont tous deux faits prisonniers près de Kaithal, et finalement exécutés.

Crime et châtiment, Kazakhstan 2013 cette adaptation libre et moderne de Crime et châtiment. Le roman de Dostoïevski date de l’époque où le capitalisme commençait à s’installer dans la Russie tsariste. Or aujourd’hui, une vague libérale submerge le Kazakhstan. A l’instar du grand écrivain néanmoins, le réalisateur croit en la bonté profonde de l’homme. L’histoire est celle d’un étudiant en

philosophie pauvre et esseulé. Parfois, il se rend chez l’épicier pour acheter du pain. Peu à peu germe en lui l’idée de le cambrioler. Il commet finalement l’irréparable, assassinant l’épicier et une de ses clientes. Le sentiment de culpabilité grandit en lui, de même que l’amour pour cette jeune fille qu’il rencontre. Petit à petit, il parviendra à assumer son acte.

L’étudiant, réalisé par Darezhan Omirbayev (drame, Kazakhstan, 2013, 1h30). Avec Nurlan Baitasov, Maya Serikbayeva, Edige Bolysbaev. Sélection officielle «Un certain regard», Cannes 2013. Sortie en salles le 5 mars.

EXPOSITION

deux demi-frères, Rukn ad-Din Fayruz Shah et Mu‘izz ad-Din Bahram Shah. La chose ne sera pas sans provoquer l’ire de la caste militaire, des ulémas, de Shah Turkaan (la mère du premier enfant mâle), comme d’une partie des sujets du royaume. Aussi, à la mort du roi, ses dernières volontés ne seront pas respectées, et l’aristocratie militaire portera au pouvoir Rukn ad-Din, prince débauché à travers lequel, dans l’ombre du harem, Shah Turkaan, première veuve, put exercer son pouvoir. La vie dissolue de son fils provoquera une insurrection générale qui leur coûtera la vie à tous deux.

& à voir...

Le film d’Omirbayev s’ouvre sur les yeux d’un jeune homme, et se clôt sur le regard d’une petite fille. Toute l’œuvre est ainsi, comme la vie elle-même, vaine, fragile et magique à l’image d’un clignement d’yeux : «comme une ouverture vers un devenir», commente le réalisateur. D’ouverture et de devenir, il est assurément question dans

Des religions de l’amour ? Chrétiens et musulmans, entendons-nous sur les mots

Quel est le sens du mot amour dans les traditions chrétiennes et musulmanes ? En tant que philosophes attentifs à leurs contemporains, Selami Varlik et Martins Steffens réfléchiront sur le sens du mot «amour» aujourd’hui. Le 9 mars de 10h00 à 16h30 Salle des fêtes 48, avenue Charles de Gaulle 91600 Savigny-sur-Orge

Collection Arkas

Une soixantaine d’œuvres exceptionnelles issues de l’une des collections les plus importantes de Turquie. Jusqu’au 30 mars Musée de Lodève Square Georges Auric 34700 Lodève

L’envers des corps : à travers la Tunisie d’hier et d’aujourd’hui

Un dialogue transversal entre la photographe Diana Lui et la créatrice textile Mariem Besbes, à travers la Tunisie d’hier et d’aujourd’hui. Thèmes privilégiés : la transmission dans l’art et la valorisation du travail de l’artiste. Jusqu’au 9 mars Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

TABLE RONDE

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«Radhiyya s’habille en homme, monte à cheval en cheveux, et dirige ses troupes à la tête d’un éléphant de guerre.»

L’ensemble féminin Selale, avec, sous la direction d’Aylin Sengün Tasçi (chant), Safinaz Rizeli (kanoun), Pelin Degirmenci (oud, luth, tanbur), Neva Gülses (vièle kemençe), Dilek Yüzlüer (violoncelle) et Sezen Özmen (percussions). Le 7 mars à 20h30 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

Radhiyya, souveraine turque de Delhi avait fait frapper monnaie à son nom.

SEYFEDDINE BEN MANSOUR LILLE Le 8 mars, fête internationale des Femmes, est traditionnellement l’occasion d’aborder la question du droit des femmes, et, singulièrement, celle des formes, réelles et symboliques, du pouvoir masculin. Parmi elles, notamment, la féminisation – ou l’absence de féminisation – des noms de métier (ingénieure) et des titres (maître et non maîtresse pour une avocate). Il est significatif à cet égard qu’au XIIIe siècle, en Inde musulmane, Radhiyya, souveraine turque de Delhi, ait exigé de se faire appeler sultân et non sultâna. Impérative, elle daignait néanmoins en donner la raison : sultâna est une forme féminine réservée aux épouses des souverains, un titre purement honorifique attribué à des individus sans pouvoir.

Chants de la Sublime porte

Les Etats-Unis face à l’islam politique

Dialogue introductif, par Jean-Paul Chagnollaud, professeur des Universités, iReMMO, et Alain Gresh, journaliste, Le Monde diplomatique (10h30-12h30) ; «Le tournant de la guerre en Afghanistan» par Gilles Donrrosoro, professeur, Université Paris I (14h0016h00) ; «Positionnement politique des Etats-Unis face aux gouvernements post révoltes arabes» par Karim Emile Bitar, chercheur, IRIS (16h15-18h00). Le 8 mars iReMMO 5-7, rue Basse des Carmes 75005 Paris


OPINION14

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

Et le prochain candidat aux élections turques sera... Il est toujours risqué de faire des pronostics à propos des élections. Mais j’ose tout de même quelques prédictions quant aux élections turques à venir, municipales, présidentielles puis législatives.

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Je pense que le Premier ministre Erdogan a déjà décidé qu’il ne se présentera pas aux présidentielles et nommera «son frère», le président Abdullah Gül, malgré ce qu’il ressent pour ce derIHSAN YILMAZ nier. Ce scénario pourrait se vérifier pour deux raisons. Premièrement, comme il l’a admis indirectement lors de la conférence de presse avec la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, le Premier ministre est prêt à accepter que son parti recueille moins de voix, tant qu’il reste le premier parti de Turquie. Cela signifie qu’il est prêt à accepter d’obtenir 35 % des votes

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«Gül ne veut pas être perçu comme un traître» et non pas 45-50 %. Il a apparemment dit que si son parti obtenait le même résultat qu’aux élections locales de 2009 (38,8 %), ce serait un succès, même s’il y avait, à l’époque, une crise économique et que deux années plus tard, il a recueilli 50 % des votes aux élections législatives. S’il pense qu’il ne pourra récolter qu’un maximum de 40 % des votes, peut-être ne pourra-t-il pas obtenir 50 % aux élections présidentielles. Comme je l’ai écrit pendant deux ans, plus de 50 % des électeurs le détestent. Deuxièmement, il ne fait confiance à personne pour réviser le système constitutionnel afin de couvrir l’affaire de corruption. Personne ne pourrait être un Premier ministre aussi inflexible et dévoué que lui.

LES CHOIX DE GÜL Pour ces deux raisons, Erdogan décidera de rester au poste de Premier

Edité par : Source SARL 2, boulevard Saint Martin 75010 PARIS Directeur de la Publication: HUSEYIN KARAKUS Directeur Général de Zaman France et Directeur des rédactions: EMRE DEMIR Rédacteur en chef adjoint: FOUAD BAHRI Directeur Administratif: FAHRETTIN TEKIN Directeur des ressources humaines: AKIF SAMETOGLU Responsable Commercial: MEHMET SELVI Service Abonnement: CELINE GOKSU Secretaires de Rédaction: FARIDA BELKACEM SELIM BEDER Traduction: CLEMENTINE RAYNAUD Correspondant Presse Alsace: MEHMET DINC Correspondant Presse Ile de France: OSMAN USTA VEDAT BULUT FERHAN KOSEOGLU Infographie: NICOLAS VINCENEUX MUHAMMED SAHIN Redacteurs Web: AYSEGUL ZORLU SUHEDA ASIK Service informatique: HASAN OZCELIK

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ministre. Dans ce cas, le candidat le plus puissant qui pourrait remporter les élections est son «frère», Gül. Cela explique aussi pourquoi Gül a choisi de soutenir les lois inconstitutionnelles proposées par Erdogan. Comme je l’avais écrit la semaine dernière, quand il est question de pratique, il n’y a pas beaucoup de différences entre Gül et Erdogan. Dans une interview au Wall Street Journal il y a 10 jours, j’avais prévu que soit le président signerait les projets de loi sur internet et le Haut Conseil de la magistrature (HSYK), soit il les renverrait devant le Parlement pour effectuer de petites modifications après avoir conclu un accord avec Erdogan. Ainsi, alors que d’un côté, Erdogan obtiendrait ce qu’il veut, l’image d’un Gül réformateur, pro-démocrate et pro-occidental ne serait pas entachée. Gül a dit qu’il ne voulait pas jouer le rôle de la Cour constitutionnelle. Le président ne veut pas être perçu comme un traître. Comme je l’avais prévu la semaine dernière, «il a choisi les 30 % de votes d’Erdogan et non pas les normes universelles et démocratiques. Cela donne une idée de la façon dont il pourrait agir avec la loi du HSYK». Il n’a pas opposé son veto à cette loi. Pourtant, l’enjeu est de taille. S’il est nommé candidat à la présidentielle, il pourra obtenir les 30 % d’Erdogan, mais n’obtiendra pas plus de 50 % des votes si l’opposition décide de nommer un candidat de centre-droit.

PEUT-ON S’ATTENDRE À UNE COALITION ? Lors des élections législatives de 2015, Erdogan tentera d’être de nouveau élu Premier ministre, mais s’assurer même 30 % des votes pourrait être compliqué pour l’AKP. Ce qui veut dire qu’il devra former une coalition avec le CHP ou avec le MHP. Le CHP et le MHP pourraient aussi décider de former une coalition.

Bien évidemment, Erdogan pourrait se précipiter ou être contraint par l’opposition à organiser des élections législatives anticipées. Dans ce cas, il pourrait recueillir environ 35-40 % des votes, cela dépendra des preuves qui apparaîtront quant à son rôle présumé dans l’affaire de corruption. Je ne pense pas que son parti se divisera si certains députés décident de démissionner ou que Gül formera un nouveau parti. Ils n’ont pas assez de charisme ni de

courage pour cela. Tant qu’ils ne sont pas forcés de quitter l’AKP, ils continueront de sombrer à bord du navire. L’AKP continue de s’éloigner du centre droit et cet écart d’au moins 20 % sera comblé par un nouveau parti en l’espace de deux ans. Le mouvement Hizmet ne formera jamais de parti, mais ses principes démocratiques pourraient entraîner ses sympathisants à voter pour ce nouveau parti de centre-droit. ihsan.yilmaz@todayszaman.com

Quand Erdogan veut s’approprier les réseaux de Gülen -

Les prochaines élections promettent d’être un tournant critique pour l’avenir de la politique en Turquie. Les résultats des élections nous diront si Erdogan continuera à diriger le pays comme EMRE USLU il l’entend. Le pourcentage de votes que recevra Erdogan déterminera le type de régime sous lequel nous vivrons. Si l’actuel Premier ministre reçoit moins de 35 % des votes, il ne pourra plus prétendre à la tête du pays. Nombre de députés tiendront Erdogan comme responsable de cet échec et peut-être que certains le défieront directement quand ils verront qu’il aura perdu sa légitimité aux yeux de l’opinion publique.

LUTTE CONTRE LE HIZMET Si le Premier ministre turc recueille plus de 40 % des votes, nous verrons son vrai visage. C’est un fait : Erdogan a, jusqu’à maintenant, remporté un important pourcentage de voix en jetant des ponts avec différents segments de la société. Mais cette fois, il a lancé une campagne intensive contre l’un de ses partenaires de coalition, le mouvement Gülen, et a absorbé sous son leadership tous ses autres partenaires. Par conséquent, s’il recueille plus de 40 % des votes, cela voudra dire qu’il aura consolidé son pourcentage sans se lier à aucun groupe social ou religieux. Une fois ses bases consolidées, Erdogan s’occupera sans aucun doute de préparer les outils nécessaires à sa lutte contre le mouvement Gülen. Peut-être qu’il adoptera des lois, qu’il réorganisera les services de police ou redéfinira le terme de

«sécurité nationale»... Pour qualifier le mouvement Gülen de «menace» à la sécurité nationale. Et quand il l’aura fait, il tentera de mettre la main sur toutes les écoles, résidences, fondations, institutions et universités liées au Hizmet avant de les transmettre à ses soutiens pour créer des «générations religieuses». Ces générations dont rêve Erdogan ne seront pas faciles à créer sans la mise en place de toute une série d’institutions et d’établissements scolaires. Aucun doute que la possibilité de s’approprier les réseaux Gülen et ses institutions enthousiasme Erdogan.

MAINMISE DE L’ETAT Etant donné qu’Erdogan a contrôlé des groupes de médias et de grandes compagnies en utilisant une stratégie similaire, il n’y a aucune raison de croire qu’il ne va pas mettre en

place ce type de stratégie pour faire de même avec le mouvement Gülen. Erdogan a mis la main sur les groupes de médias Star et Sabah en lançant des enquêtes anti-corruption et les a mis sous contrôle de ses hommes. Il y a d’autres exemples de «nationalisations» comme celles-ci dans l’histoire de la Turquie. Depuis le début de la période républicaine jusqu’aux années 1980, l’Etat a beaucoup confisqué à certaines minorités non-musulmanes en Turquie. Des Arméniens aux Grecs, l’Etat a mis la main sur de nombreuses institutions, terrains, établissements, écoles etc. Il ne serait pas surprenant de voir Erdogan saisir les biens du mouvement Hizmet s’il recueille plus de 40 % des votes dans un mois. Y aura-t-il moyen de l’en empêcher ? Je ne crois pas... e.uslu@todayszaman.com


15 SPORT

07 - 13 MARS 2014 ZAMAN FRANCE

Le port du voile autorisé par la FIFA Aziz Yildirim et Mehmet Ali Aydinlar.

L’autorisation d’avoir la tête couverte lors des matchs concerne aussi, pour éviter toute discrimination, les hommes.

La FIFA vient d’annoncer officiellement qu’elle autorisait le port du voile ou du turban sur les terrains. Une décision qui ne fait pas l’unanimité. MAHMUT SARP PARIS La décision est tombée ce samedi, la possibilité de porter le voile ou le turban a été officiellement intégrée au règlement de la FIFA. A la demande de certains pays musulmans, l’International Football Association Board (Ifab), l’organe garant des lois du sport, avait autorisé il y a deux ans, à titre d’essai, le port du voile sous certaines conditions strictes. « Une expérience a été menée et la décision restait à prendre. Cela a été confirmé : les joueuses peuvent avoir la tête couverte pour jouer » a déclaré le secrétaire général de la FIFA Jérôme Valcke, lors d’une conférence de presse à Zurich. Si un couvre-chef est autorisé sur les terrains, il y a néanmoins toujours quelques restrictions. En effet, il doit être collé à la tête, être en accord avec la tenue du joueur ou de la joueuse, ne pas être rattaché à son maillot, ne pas constituer un danger pour celui qui le porte ou pour autrui, et n’avoir aucune partie qui dépasse. La FIFA a justifié son choix en mettant en avant le développement du football dans certains pays. L’autorisation d’avoir la tête couverte lors des matchs est valable dans le monde entier et concerne aussi, pour éviter toute discrimination, les hommes.

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POUR LA LFP, «UNE GRAVE ERREUR» Cependant cette nouvelle règle ne sera pas forcément appliquée partout. En France, où le débat sur le voile fait l’actualité depuis plusieurs années, cette décision n’est pas très appréciée. Le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, a déploré dans un communiqué «une grave erreur». «Alors que la charte olympique exclut tout signe religieux, cette

autorisation va à l’encontre du droit des femmes et menace la neutralité d’un football préservé des querelles religieuses et politiques» conclut M. Thiriez. Pour rappel, la Fédération

française de football (FFF) a interdit, il y a deux ans, le port du voile à ses licenciés dans le but de «respecter les principes constitutionnels et législatifs de laïcité dans le pays».

Erdogan aurait tenté d’influer sur les élections de Fenerbahçe Un enregistrement posté sur YouTube révèle que le Premier ministre Erdogan aurait tenté de faire élire un candidat proche de lui au poste de président du club sportif

Fenerbahçe. Il a donné des instructions à son fils Bilal par téléphone sur les stratégies que devait adopter son candidat favori. «Ce qu’il faut mettre en avant [pendant l’assemblée] par exemple, c’est que Aziz [Yildirim, actuel président de Fenerbahçe] lui-même nous a proposé la loi sur les matches truqués. Mehmet Ali [Aydinlar, candidat favori d’Erdogan] devrait mettre l’accent là-dessus», entend-on Erdogan dire à son fils Bilal. Apparemment, la conversation aurait eu lieu peu avant le mois de novembre 2013, quand Yildirim a été réélu président de Fenerbahçe. «[Aydinlar] devrait attaquer [Yildirim lors de l’assemblée générale] en lui disant "Vous avez tout fait pour que cette loi passe et vous vous êtes tiré une balle dans le pied"», dit le Premier ministre à son fils.

LES RÉACTIONS DU CLUB Aydinlar, ancien président de la Fédération turque de Football, a déclaré dans un communiqué lundi 3 mars qu’il n’avait reçu aucune instruction de qui que ce soit. Faruk Logoglu, président adjoint du CHP, a accusé le gouvernement d’essayer de soumettre le Fenerbahçe à son contrôle. «Fenerbahçe, comme tous nos autres clubs, est libre. Il a la noblesse, le pouvoir de ne pas se soumettre à ce gouvernement, à ce Premier ministre», a déclaré Logoglu le 3 mars. Lors de l’assemblée qui s’est tenue les 2 et 3 novembre 2013, Yildirim a obtenu un succès retentissant puisqu’il a obtenu 6821 votes sur un total de 9380. Selon l’enregistrement, Erdogan et Bilal en particulier sont en colère contre Ahmet Özokur, le gendre du ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, qui se trouvait sur la liste des membres du conseil établie par Yildirim. «[Il est] malhonnête et sur [la liste de Yildirim]», déclare Bilal à propos d’Özokur, le qualifiant de «personnalité sans valeur».


Un test médical pour dépister la mort -

D’après une étude publiée dans la revue médicale PLOS, il sera bientôt possible de prédire si un patient a de fortes chances de mourir dans les cinq années qui suivent. Pour arriver à cette conclusion, des cher-

cheurs estoniens ont étudié, à l’aide d’images par résonance magnétique nucléaire (IRMN), 106 «biomarqueurs» dans notre sang. Ces derniers, évoluent en effet sensiblement lorsque le corps connaît un dérègle-

ment. D’après une information relayée par le Nouvel Observateur, les patients décédés au cours des neuf années qu’a duré l’étude présentaient tous une évolution spécifique de ces molécules. Une augmentation du nombre de ces «biomarqueurs» serait donc le meilleur signe pour prévoir la mort. Pour arriver à de tels résultats, les chercheurs ont suivi 9 842 patients et ont donc attentivement scruté ces fameux «biomarqueurs». Toutes les personnes décédées présentaient une concentration anormalement élevée de quatre molécules bien particulières. Une équipe finlandaise, qui a mené une étude similaire, est arrivée à la même conclusion. Ainsi une personne qui présente une concentration plus élevée que la moyenne de quatre «biomarqueurs» spécifiques a 19 fois plus de chances de décéder dans les cinq années suivantes. Les auteurs de l’étude affirment que, dans le futur, ce type de test pourrait permettre de déceler une fragilité «sous-jacente» grave chez des personnes en bonne santé ne présentant aucun symptôme d’une quelconque maladie et de les «sauver à temps».

24e édition du Rallye Aïcha des Gazelles ! MAHMUT SARP PARIS La 24e édition du Rallye Aïcha des Gazelles se déroulera du 14 au 29 mars 2014. Depuis 1990, ce rallye rassemble des femmes de 18 à 65 ans et de 33 nationalités différentes pour une course dans le désert marocain. Un rallye qui se distingue vite des autres, ici, pas de vitesse ni de GPS mais une navigation à l’ancienne, uniquement en hors piste. Les participantes qui se font appeler «les gazelles», viennent aux commandes de 4x4, de crossovers, de quads et bien d’autres véhicules encore. Les «gazelles» doivent effectuer un parcours en pointant des contrôles de passage mis en place en un minimum de kilomètres et non en un minimum de temps. A l’aide d’une boussole, d’une règle et d’une carte au 100 000e, elles doivent tracer leur route et décider de leur itinéraire. Le départ est donné à l’aube, pour des journées moyennes de 10 à 13 heures.

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