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Cosmos District par L’Ososphère et ses artistes associés & Vivialys

Pendant deux ans, Vivialys, constructeur et promoteur immobilier, a accueilli en résidence Ososphère, manifestation de cultures électroniques dans la ville. De leurs réflexions communes est né Cosmos District, qui se déploie place du Château. Où l’on explorera les liens passés, présents et futurs entre l’ici et l’ailleurs.

Par Sylvia Dubost

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Et le ciel et la Terre

Maël Fournier

Cosmos District L’OSOSPHÈRE & ARTISTES ASSOCIÉS GROUPE VIVIALYS Place du Château

Thierry Danet et Anne Wintenberger en repérage à l'International Space University d'Illkirch-Graffenstaden. Photo Christoph de Barry

Habiter le cosmos, habiter la Terre : c’est sur ces deux piliers que se construit le Cosmos District. D’abord parce que la Terre fait partie du cosmos (on l’oublie parfois). « C’est comme si l’atmosphère nous isolait du cosmos, constate Thierry Danet, directeur de l’Ososphère. Comme si la Terre était un lieu clos sur lui-même. » Or, nous les Terriens, nous sommes traversés par des phénomènes cosmiques en permanence, ondes, rayonnements, etc. Ensuite, parce qu’habiter une autre planète paraît de moins en moins fantaisiste, et que nos façons d’habiter la nôtre nous explosent actuellement à la figure, sous les effets conjugués du confinement, du changement climatique et de l’urgence sociale. Mais alors, que construisons-nous ici, et là-bas, pour demain ? Et comment l’habiterons-nous ? Cette question de « l’habiter », qui dépasse la simple occupation des lieux et s’avère plus que jamais fondamentale pour nous tous, soustend depuis longtemps l’activité à la fois de Vivialys, dont c’est l’objet principal, et de l’Ososphère, qui s’attache à imaginer, avec ses événements culturels, des situations plus que des programmations. Aussi, pendant deux ans, ils ont conversé, réfléchi ensemble à créer un morceau de ville à l’ombre de la cathédrale, place du Château. Ce village à base de containers raconte d’abord nos liens avec le cosmos — liens physiques, poétiques, sensibles — à travers une série d’œuvres. Une série d’espaces publics offre aussi un lieu où s’installer, l’espace de quelques minutes, quelques heures, quelques jours, pour participer à cette réflexion, grâce à un riche programme de médiation et d’actions culturelles. Comment est né ce projet, comment et pourquoi les deux structures ont-elles collaboré ? Entretien croisé avec Anne Wintenberger, présidente de Vivialys, et Thierry Danet, directeur de l’Ososphère.

À première vue, l’union entre vos deux structures semblait improbable. Comment vous êtes-vous trouvés ? Et comment est née cette idée de travailler ensemble ?

Anne Wintenberger: Quand on a pris la décision de renouveler notre expérience de mécénat avec L’Industrie Magnifique, on n’avait pas d’idée préconçue quant à un partenaire. C’est le comité artistique, dévolu à créer des binômes qui nous a proposé de travailler avec l’Ososphère. Au début, je me suis dit : « ah », par méconnaissance de cette structure. Je ne connaissais rien de ses activités, mais me suis laissée porter par la dynamique, le thème. Ososphère a eu la capacité de nous projeter dans quelque chose de concret, avec son expérience, sa manière de travailler très collaborative. Dès la deuxième rencontre, le projet était enclenché.

Ososphère et Vivialys

Le groupe immobilier Vivialys, 1er constructeur de logements en Alsace, propose une large offre immobilière sous ses différentes marques : Maisons Stéphane Berger et Maisons Oxygène (maisons individuelles), Trianon Résidences (appartements), Carré de l’Habitat (Duplex-Jardin®), Terre & Développement (terrains à construire). Il compte aujourd’hui 370 collaborateurs pour 26 agences en France et construit 1 200 logements par an.Pensée comme une augmentation de La Laiterie, l’Ososphère développe depuis plus de 20 ans un programme d’actions autour des cultures numériques. Nuits électroniques, expositions, performances, scénographies urbaines, croisières sonores, conversations ou programmes radio : ces actions émergent à différents endroits de la ville et créent des situations festives et artistiques en réinventant les espaces que nous habitons.

Thierry Danet : On est voisins [l’Ososphère est lié à La Laiterie, dans le quartier Gare où Vivialys a aussi des bureaux, ndlr], mais on ne se connaissait pas. À partir du moment où on s’est rencontrés, on a conversé de façon très ouverte, autour d’un objet commun. Pendant plus de deux ans, chacun a accepté que l’autre aille habiter un peu chez l’autre.

Quelle est la nature de cette coopération?

A.W. : Quand on est mécène, il ne faut pas faire de cela une opération de comm’. L’intérêt de cette coopération était vraiment de coconstruire. On s’est rendu compte qu’on avait des métiers communs. Un projet artistique, c’est comme un projet immobilier : il faut un terrain, une idée et, pour la réaliser, il faut des techniciens. On a fait se rencontrer ces professions dans le cadre d’ateliers, où on regardait le terrain, les circulations, chaque structure, comment accueillir les gens, comment construire. Au départ, on était très limité par notre expérience, puisque le thème était l’habitat sur une autre planète. La baseline du groupe, c’est « Bien habiter la terre », et là on se demandait comment bien habiter l’espace. Dans nos conversations, cela a créé un questionnement sans fin, qui n’est d’ailleurs pas terminé. On s’est demandé ce que c’était qu’habiter, dans sa dimension physique et temporelle. Nos interrogations sont les mêmes : la place de l’humain sur la terre, dans la ville, comment construire la ville, la vie. On ne s’est rien interdit, vraiment. T.D. : Quand on commence un projet comme ça, on se donne une architecture de travail. On a mis en place des ateliers « Dessiner, fabriquer, habiter » et on a d’abord cherché à fabriquer du vocabulaire commun. Un des enjeux fondamentaux de « l’habiter », c’est aussi de pouvoir se parler. Notre expérience s’est nourrie de ces conversations, où deux regards sur le même mot produisent du sens en plus, et des œuvres des artistes, qui viennent aussi susciter de la conversation et de la réflexion. Cela nous plait de fabriquer une situation à partir des trajectoires de nos deux structures. Je me souviens d’une phrase d’Anne lors du premier atelier, elle parlait d’« habiter un territoire qui ne nous attend pas ». Cette phrase est venue percuter et compléter une série de réflexions qu’on menait avec l’Ososphère. A.W. : En cela, la construction du Cosmos District, d’une œuvre à habiter, apporte un supplément de conscience à ce qu’on fait. On n’habite pas seulement ici et maintenant. Habiter est aussi une projection de vie, de soi, pas seulement matérielle. Quand on habite quelque part, ce n’est pas seulement physique, c’est aussi une démarche personnelle, psychologique et philosophique. Quand on est quelque part, on a la capacité d’évoluer, de devenir. Pour moi, c’est une belle façon de rendre concrète une mission d’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de construire des jolies choses, il s’agit de la vie qu’on peut y projeter. Une œuvre est quelque chose de sensible, qui parle à nos émotions, qui nous ramène à qui nous sommes. C’est très loin d’un chantier, bruyant, pas très propre, mais on a les mêmes préoccupations. T.D. : Ce qui était assez fort pour moi, c’est la rencontre d’individus. Quand Anne dit que ces questions les interrogent aussi, c’est encore plus fort car cela nous dépasse. Cela rejoint ma préoccupation essentielle, que l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art [de l’artiste Robert Filliou, ndlr]. A.W.: Un jour, on s’est demandé dans un atelier quel matériau on allait utiliser pour Cosmos District. On est tombé sur des choses très standard, comme des structures métalliques. Quelqu’un de chez nous a dit : « On pourrait construire en bois ! » Thierry nous avait montré Ad Astra, et dans cette scène où Brad Pitt arrive dans la ville sur la lune, on lui dit : « Nous avons reproduit ce que nous avons fui », et c’est ce qu’il ne faut pas faire.

Lors des travaux préparatoires du Cosmos District. Photo Nicolas Rosès

Concrètement, comment ces conversations se sont-elles matérialisées ?

T.D. : Les œuvres présentées dans Cosmos District entrent en résonnance avec les sujets explorés dans ces ateliers. Le travail que nous avons fait ensemble, les interrogations soulevées par ces conversations ont guidé la programmation. C’est une œuvre d’œuvres, autour de la perception et de la fascination pour le cosmos, qui donne à voir ce paysage imperceptible qui fait partie du nôtre. Cosmos District veut donner à percevoir la manière dont la Terre est un élément du cosmos, en interaction avec lui. Lorsqu’on amène la lune dans la cathédrale [l’œuvre Museum of the Moon de Luke Jerram, ndlr] c’est cela. A.W. : Il n’y aura pas de modèle d’habitat spatial et lunaire. On s’est rendu compte que l’œuvre à créer sur ce sujet est au-delà de cela. Faire une proposition d’habitat technique pour habiter l’espace aurait appauvri l’imaginaire. T.D. : Dans ce cas, on faisait un décor, ou de la science-fiction. Il y aura deux capsules prêtées par l’ISU [International Space University d’Illkirch, NDLR], qui ancrent la réflexion. Mais Cosmos District est un projet artistique, pas scientifique. Ces capsules sont l’habitacle, pas “l’habiter”. A.W. : Dans Cosmos District, on prend aussi conscience de ce qu’est la Terre, de qui l’on est, parce qu’à travers les œuvres, on va recevoir des informations venues de très loin.

Qu’apporte cette coopération à chacune de vos structures ?

T.D.: Se projeter à l’échelle du cosmos permet de décentrer nos réflexions et de les aérer. A.W. : Ces ateliers sont inscrits dans une démarche d’entreprise, avec une date, une heure, un ordre du jour et un lien de connexion. Derrière, on veut du délivrable, chaque atelier doit permettre d’avancer. Quand l’Ososphère est venue avec le module d’habitation, on a fait le plan du site.

Museum of the Moon de Luke Jerram sera installé dans la nef de la cathédrale de Strasbourg.

Chez Vivialys, on a l’habitude de travailler en atelier car l’entreprise est atomisée sur le territoire. Mais dans cette démarche artistique, on n’a pu avancer que lorsqu’on a lâché prise sur nos expertises. Et c’est intéressant, parce que désormais, quand on travaille sur un projet de développement, il sera plus facile de faire comprendre aux gens qu’il va falloir oublier ce qu’ils savent.

Que représente pour vous Cosmos District ?

A.W. : C’est très frustrant de proposer une œuvre, car elle sera toujours incomplète. À chaque rencontre on enrichit l’échange, on a des interrogations qui nous mènent plus loin. Cosmos District est un arrêt sur image de ce que le cosmos a à nous apprendre : des sons, des images, des sensations. Mais comme une photo, une fois qu’elle est prise, elle appartient déjà au passé. T.D. : Quand on fait un acte futile et éphémère, on augmente le regard et la perception. On a pris la responsabilité d’habiter cette place : c’est une situation qui laisse une perception rétinienne, et un supplément de conscience. A.W. : C’est en ça que je disais que c’est un supplément de conscience.

La question de l’habiter est le socle de ce projet : que signifie pour vous ce terme ?

A.W. : La question est encore ouverte, car à chaque atelier on y fait entrer une nouvelle dimension. On a commencé par des choses très concrètes, les matériaux, les tailles, puis sont arrivés dans la réflexion l’environnement, l’univers, l’espace, le temps, la vie. T.D. : C’est plus un questionnement qu’une question. Et c’est un projet, un projet d’une grande actualité. Si on le perd, on perd beaucoup. On voit bien qu’il est malmené par beaucoup de forces contraires. Pour moi, habiter un territoire ce n’est pas profiter d’usages et d’agréments. A.W.: Chez soi, c’est un lieu mais aussi un endroit qui permet de rentrer en soi. Un lieu où on est tellement posé qu’on peut se construire soi-même. Dire « j’habite chez moi » a un sens immense. On ne le considère pas assez quand on propose un logement. C’est tout le problème du logement social, qui a créé des lieux sans culture et sans histoire. T.D.: Ça me fait toujours peur quand ce questionnement sort des radars.

Cosmos District, la prog’

— 12 œuvres installées place du Château, où l’art numérique interroge nos liens avec le cosmos, la façon dont nous le percevons et dont il agit sur nous. — 6 œuvres en réalité virtuelle. — Une œuvre monumentale dans la cathédrale : Luke Jerram, Museum of the Moon, une reproduction de la lune grâce aux photographies hautes résolutions de la surface lunaire. — Un cabinet de curiosités proposé par le Jardin des Sciences de l’Université de Strasbourg, avec une collection d’objets liés au cosmos et à l’histoire de son exploration. — Cosmos.radio, un programme radiophonique en streaming sur radioenconstruction. com et en live tous les jours depuis Cosmos District. — Des cafés conversatoires, discussions ouvertes entre sachants, pensants et habitants. — Un artfoodlab, pour explorer la nourriture et la cuisine dans le cosmos…

Programmation sur www.ososphere.org

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