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Machin, Machine

Ce n’est pas une œuvre d’Alexandre Astier que vous pourrez découvrir durant L’Industrie Magnifique, mais bien toute une collection. Une exposition abritée à l’Aedaen Gallery sous le regard bienveillant de l’Adira, l'agence de développement d’Alsace.

Par Aurélie Vautrin Photo Christophe Urbain

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Solo show à plusieurs mains

S’il participe déjà à L’Industrie Magnifique en tant qu’assistant de Vladimir Skoda, Alexandre Astier – oui, c’est un homonyme, non, rien à voir avec le Roi Arthur – a également été choisi pour investir les 240 m2 de murs bruts de l’ancienne malterie devenue temple artistique au cœur de Strasbourg, l’Aedaen Gallery. À l’origine du projet, il y a Raphaël Charpentié, le directeur artistique du lieu, dont la philosophie est de mettre en avant des créateurs émergents auxquels il croit vraiment. « Nous avions déjà exposé le travail d’Alexandre en 2017, nous expliquet-il. Et je suis très content de le retrouver aujourd’hui, parce que je crois que c’est aussi le rôle d’une galerie de soutenir sur le long terme le travail d’un artiste que l’on aime. » Des objets, des dessins, des sculptures, des installations, parfois volumineuses, parfois beaucoup moins… L’univers d’Alexandre Astier est hétéroclite, toujours instinctif, brut, et vu dans son ensemble, particulièrement réfléchi. « Il y a un jeu certain entre l’art et l’industrie », confie l’artiste. « D’ailleurs, pour moi, il n’y a pas de séparation entre les deux – en fait je ne fais pas de séparation dans mes activités. J’aime cette idée de parler, de faire de l’art tout en se raccrochant à la réalité très concrète de l’industrie. » Des roues de vélo, des fers à béton, de la visserie, des boulons, mais aussi des balles de tennis, des casiers en bois ou des ballons en mousse, peu importe la matière, tant que s’engrange le dialogue entre les différents matériaux qu’il récupère. « J’ai très rarement d’idées précises. C’est la forme, la couleur, le potentiel technique, les qualités intrinsèques qui vont m’attirer. Le jeu est ensuite de les intégrer avec d’autres matériaux, ou de les transformer légèrement pour les faire sortir de leur statut initial. » En revanche, le mot “recyclage”, Alexandre Astier ne l’aime pas beaucoup – usé jusqu’à la corde, quitte à lui faire perdre son essence première. Chez lui l’utilisation d’objets déjà existants est venue naturellement. Pas spécialement d’engagement politique, plus une volonté d’indépendance. « La matière première est omniprésente autour de moi, donc plutôt que d’acheter de nouvelles choses, pourquoi ne pas utiliser ce qui est déjà à portée de main ? J’ai été souffleur de verre pendant quelques années, c’est une pratique qui demande une infrastructure très importante pour travailler. Alors quand j’ai fait les Beaux Arts, j’ai développé cette volonté d’autonomie complète, du coup maintenant je collectionne les matériaux qui sont abandonnés. » Il les creuse, les croise, les sculpte, les assemble, les déforme, les reforme, les juxtapose, toujours de manière singulière, dans son atelier au cœur d’un grand appartement empli jusqu’au plafond d’objets de toute sorte. Un côté mécanique que l’on retrouve même parfois dans ses gestes de production : « Lorsqu’Alex dessine, il utilise des règles, des rapporteurs, un stylo quatre couleurs… Clairement des objets industriels. Et puis il va répéter les traits comme une machine. C’est pour illustrer tout cela qu’est venu le titre de l’expo », poursuit Raphaël Charpentié. Intitulée Machin Machine – « un nom comme un pied de nez, à la fois sérieux et léger », dixit Alexandre Astier – cette exposition mélangera donc objets et matières, couleurs et formes, tailles et formats, comme une visite guidée dans la tête de l’artiste. « Ce que j’aime chez lui, continue Raphaël Charpentié, c’est que ce n’est pas une œuvre en particulier – en vérité les œuvres, j’en ai presque rien à faire –, c’est un corpus d’œuvres. C’est toutes les œuvres mises ensemble et en cohérence qui font dire “Mais oui, c’est génial”. C’est vrai que si on prend une œuvre isolée, souvent on se dit “Bon, c’est quoi ?”, et puis il y a toujours ce truc “Un enfant de cinq ans pourrait le faire”, etc. Mais quand on commence à en mettre dix côte à côte, il y a un sur-sens qui se crée. Qui devient puissant. Et en l’installant partout dans la galerie, c’est comme si j’éclatais son cerveau sur les murs, pour que l’on se retrouve à l’intérieur de la personne, de sa beauté, de sa sensibilité. C’est ça que je veux montrer car c’est ce que j’aime chez lui. » C’est également cette singularité qui a poussé l’Adira, l'agence qui accompagne les entreprises et collectivités dans leurs projets de développement économique, à s’embarquer dans l’aventure, en s’engageant notamment à investir dans trois œuvres d’Alexandre Astier qui seront par la suite installées dans leurs locaux strasbourgeois. « Faire rentrer l’art au sein d’entreprises qui n’y sont pas du tout familières, sortir d’un entre-soi parfois étouffant, conclut l’artiste, c’est à la fois extrêmement intéressant, et extrêmement gratifiant. »

Machin, Machine ALEXANDRE ASTIER ADIRA Aedaen Gallery

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