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Sans Vent Haut
L’artiste franco-suisse Benjamin Schlunk a mis le feu à la forge de Nouyrit Métallerie pour concevoir un portail étonnant aux proportions démesurées.
Par Aurélie Vautrin Photos Christoph de Barry
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Homme à tout fer
Il y a comme un soupçon d’âme de gamin espiègle dans son rire qui résonne. Une volonté farouche de liberté dans chacun de ses mouvements. Une chose est sûre : Benjamin Schlunk s’amuse. La création comme un jeu de matière à grande échelle – échappatoire d’une société de surconsommation en roue voilée fonçant tout droit vers le fossé. « À travers l’art, j’ai toujours travaillé sur la problématique de l’utilité, de l’utilitaire, sur la transformation des choses usuelles. En ce sens, mais aussi par le côté monumental, j’ai toujours eu un lien avec la fabrication industrielle. Avec cette idée de mettre en œuvre des choses pour obtenir d’autres choses. » De cet artiste libre au parcours résolument éclectique (ou inversement), on connaît notamment ses « drôles de vélos », rallongés en hauteur, en longueur, adaptés au contexte et à la situation (« C’est con, mais quand on est en hauteur on voit mieux, non ? »), des objets abracadabrants parfaitement utiles et utilisables. Ou comment faire du vélo un outil de citoyenneté adapté à un besoin, signe ostentatoire d’une vraie démarche foncièrement engagée, dont la création de la Schilyclette, une association d’auto-réparation de vélo dont le but est d’éviter les déchets, et encore une fois, la surconsommation, est le point de mire. « Je suis arrivé à un stade où techniquement parlant je suis assez performant, alors maintenant je joue. Je joue avec la matière. » Des tuyaux, du métal, du fer… Une matière première solide qu’avec son savoir-faire en forge, en ferronnerie, en soudure (…), l’artiste peut transformer à loisir. « J’ai monté mon atelier à partir de tas de ferraille… À un moment donné, j’avais à peu près 25 tonnes de matériel, à déménager régulièrement ! Mon atelier pour moi c’est la base, c’est le fondement de mon travail artistique, c’est mon outil de travail. »
Sans Vent Haut BENJAMIN SCHLUNK NOUYRIT MÉTALLERIE Place du Pont-aux-Chats
Sortir du cadre
Participer à L’Industrie Magnifique, c’est donc l’occasion pour Benjamin Schlunk d’une carte blanche totale, main dans la main avec Nouyrit Métallerie – une entreprise avec qui il avait déjà collaboré par le passé. « Travailler sur place avec les forgerons, ça a été une expérience incroyable, j’en ai même une tendinite de la mort tellement on s’est éclaté ! » nous raconte-t-il, l’air amusé, évidemment. Ainsi est né Sans vent haut, un énorme portail de trois mètres cinquante sur quasi trois mètres de large, lui-même posé sur un soclage en H de plus d’un mètre de haut. « D’où son nom, en fait : Sans vent haut. Déjà parce qu’on dit un ventail, des ventaux, pour un portail, ça sonnait bien… Ensuite parce que l’œuvre va culminer à quasiment cinq mètres, donc il ne vaut mieux pas qu’il y ait du vent là-haut. » Le portail aurait pu être beaucoup plus petit, mais l’occasion était trop belle pour ne pas en faire quelque chose qui « sortait du cadre ». Chaque élément, travaillé séparément à la forge pour obtenir la forme attendue, a ensuite été fusionné à l’ensemble, en opposition en socle qui lui, est resté brut. Pas de dessin, ni d’esquisse : Benjamin Schlunk travaille à l’instinct. Parle de défi, évoque l’immense ouvrage d’Antoni Gaudí pour imager sa façon de concevoir. « Par la suite, ce portail sera positionné devant l’église de Phalsbourg, j’ai donc souhaité lui donner une utilité en appuyant sur l’idée du passage, forcément très symbolique. » Durant toute la durée de L’Industrie Magnifique, Sans vent haut se trouvera du côté de la place du Pont-aux-chats, où la légende raconte qu’au XVIe siècle, les Suisses ont fait remonter une marmite de soupe sur le Rhin, et qu’elle est arrivée chaude à Strasbourg, preuve qu’ils pourraient intervenir rapidement s’il fallait un jour leur porter secours. « Finalement, le lieu s’est choisi tout seul et j’ai fait avec. La petite histoire avec les Suisses, pour moi qui ai la double nationalité, c’était un clin d’œil amusant… Et puis vu que j’ai habité juste à côté, tout s’est imbriqué l’un dans l’autre assez simplement. » Un jeu d’enfant, on vous a dit. Enfin… D’enfants de géants, dans tous les sens du terme.
Grande première pour Nouyrit Métallerie
Participer à une exposition d’art contemporain, c’est une première pour la société Nouyrit Métallerie, basée à Furdenheim et spécialisée dans la conception ainsi que la restauration de la ferronnerie d’art et de la métallerie artisanale. « C’est Benjamin qui nous a proposé de participer à L’Industrie Magnifique, explique Nicolas Tassart, président de l’entreprise. Nous avions déjà collaboré ensemble il y a deux ans sur la création d’un portail et tout s’était très bien déroulé. J’ai aimé l’idée de soutenir un artiste, de savoir l’œuvre visible par tout le monde. Je lui ai fait totalement confiance et je l’ai laissé faire ce qu’il voulait – d’ailleurs, il y a encore un mois et demi je ne savais pas ce qu’il avait prévu ! En tout cas, il a mis une sacrée ambiance à la forge. C’est une vraie belle expérience pour notre entreprise. À refaire avec plaisir. »
Benjamin Schlunk dans l'atelier de Nouyrit Métallerie.