ZAP #4 | Zone d'Architecture Possible

Page 8

CARNET DE VOYAGE

008

Une foule dans la ville

Densités complexes : on pourrait croire que l’atelier de projet piloté par Emmanuelle Rombach a été inventé pour Mumbai… En 2016, inaugurant le partenariat et l’échange avec l’école krvia, elle y emmène un premier groupe d’élèves de l’ensas. Ils y découvrent une situation urbaine inconnue, en ont saisi les ambiances contrastées pour mieux la comprendre. On peut dire qu’en matière de densité et de complexité, Mumbai est une sorte de parangon… Construite sur un archipel d’îles reliées par des terre-pleins artificiels, la ville est « prisonnière » d’une situation géographique qui l’empêche de s’étendre, tandis que la montée des eaux menace de réduire encore sa surface. La population, elle, n’en finit pas d’augmenter, portée par une forte migration intérieure. Une équation ardue pour les autorités, qui devront à terme reloger 7 millions d’habitants… Officiellement, Mumbai en compte aujourd’hui plus de 12 millions, repartis dans une mosaïque de quartiers extrêmement contrastée, où se manifestent des inégalités sociales les plus brutales, entre stars de Bollywood et habitants des slums (bidonvilles). Celui de Dharavi, le 2e d’Asie, accueille entre 500.000 et 1 million d’habitants (des statistiques difficiles à établir, comme on l’imagine). De toute évidence, à Mumbai comme ailleurs, la densité est inversement proportionnelle au niveau de vie… Dans les slums, un habitant dispose

en moyenne de 2,5m2, contre 25 en moyenne en France*. Le développement urbain constant, exponentiel et chaotique, largement sous-tendu par la corruption, exacerbe encore la dureté de la ville. On imagine sans peine la sidération des étudiants à leur arrivée. « La notion de densité est peu abordée à l’école, explique Emmanuelle Rombach, et les étudiants ne sont pas familiers avec la densité forte. » Avant de se lancer dans l’élaboration de leur projet (un ensemble de logements pour catégories moyennes, à moindre impact écologique), ils ont abordé ses différents degrés à travers l’exercice de la dérive urbaine. Avec le médium de leur choix, ils approchent la ville par ses ambiances, avant de passer aux outils paramétriques qui permettent de prendre en compte un grand nombre de données (cet atelier est d’ailleurs le seul à Strasbourg à utiliser cette technologie). Combiner datas et approche sensible, observer la manière dont les gens y vivent, c’est assurer que, contrairement aux pratiques parfois expéditives de la promotion immobilière locale, « la planification ne se fasse pas au détriment des modes de vie ». * Pour autant, comme ils l’ont confié aux étudiants, ils ne souhaitent pas être relogés dans des immeubles neufs, préférant « rester au village », quand bien même ce « village » à la population d’une métropole


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.