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Construire autrement demain est une évidence. Pour cela, les pistes sont nombreuses et parfois divergentes. Des enseignants de l’ENSAS ont choisi et commentent des réalisations qui en esquissent quelques-unes.

Inspirations

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Le choix de Thierry Rey

2226 - Immeuble de bureaux

Lieu : Lustenau (Autriche) Architectes : agence Baumschlager Eberle Année : 2013

«2226 désigne l’amplitude thermique à l’intérieur de ce bâtiment qui n’a ni chauffage, ni climatisation : 22° est la température la plus froide, 26 la plus chaude. C’est un concept développé par l’agence Baumschlager Eberle pour ses bureaux à Lustenau, dans le Vorarlberg en Autriche, où s’expérimentent tant de choses en matière de construction bois, d’économies d’énergie, avec des agences pointues. Depuis, elle a décliné ce prototype de bâtiment qui régule les conforts d’été et d’hiver sans apport technique, notamment pour des logements. Aujourd’hui, on se pose la question d’un bâtiment énergiquement efficient. Cet exemple est éloquent, pour peu qu’on soit prêts à un certain nombre de choses. C’est un bâtiment extrêmement compact, avec des murs de briques creuses de presque 80cm d’épaisseur, de grandes hauteurs sous plafond. En hiver, on travaille sur son inertie, l’épaisseur des murs et les apports internes de chaleur que sont les machines et des personnes. En été, on évite les apports externes de chaleur avec des systèmes de ventilation sans aéraulique. Les ouvertures sont limitées mais de grande hauteur, elles sont très en creux pour gérer les apports solaires. Tout cela génère une certaine esthétique. C’est un bâtiment très low tech qui n’est pas une non-architecture. Les petits décrochements qui travaillent élégamment la lumière, son côté très sculptural : on voit bien qu’on ne renonce pas à l’architecture. C’est une autre manière de poser la question de la forme et de la matière. L’idée n’est pas d’en faire un modèle, ce qui est intéressant ce sont les questions qu’il pose. Même si les choses évoluent, il reste beaucoup d’obstacles règlementaires à la construction d’un tel bâtiment. Des obligations sur la thermie, le renouvellement d’air, le facteur de lumière du jour, la surface vitrée… Il faut pouvoir faire autrement. Et trouver

“ Le maître d’ouvrage doit prendre des risques. ”

d’autres modèles économiques. Construire mieux c’est souvent construire plus cher. Un mur de 80cm d’épaisseur comme celuici coûte plus cher qu’un mur de 20cm avec un isolant. Mais le bâtiment ne consommera quasiment pas d’énergie. Aujourd’hui, le modèle économique dominant est celui de la rentabilité à court terme. Le message à faire passer aux politiques, c’est d’accepter d’être prospectif : on sait faire beaucoup de choses mais il faut créer des contextes favorables. C’est difficile d’avancer quand on veut des garanties sur tout, tout le temps. Le maître d’ouvrage doit prendre des risques. Si on n’avance pas ensemble, on n’y arrivera pas. »

Thierry Rey est architecte et maître de conférences en Théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine à l’ENSAS. Il est président du conseil d’administration de l’école.

“ Construite par un bailleur social, c’est la première maison en impression 3D béton en France.  ”

Le choix d’Emmanuel Dufrasnes

Maison Viliaprint Béton imprimé 3D et éléments préfabriqués

Lieu Reims Architecte agence Coste architectures Année 2022

« Construite par un bailleur social, c’est la première maison en impression 3D béton en France. Une autre expérience à Nantes avait permis d’imprimer un coffrage avec un isolant de type polystyrène pour ensuite y couler du béton. Ici, on a imprimé les murs en 3D avec un béton spécial, qui doit être assez fluide pour passer dans le robot et même temps assez solide pour offrir la résistance nécessaire. Un nouveau matériau pour la construction, c’est là que réside une partie de l’intérêt industriel. Cette expérience montre que c’est faisable, mais pas sans difficultés. Il faut savoir piloter le robot, et le coupler avec un logiciel de design paramétrique. Cela coûte beaucoup plus cher qu’un béton traditionnel, et la question des économies d’échelle reste encore ouverte. Enfin, tout ne se plie pas à l’impression 3D : on ne peut pas faire d’angles droits. Le but de l’impression 3D béton est de construire plus rapidement, et donc moins cher, et de faire une économie de matière, ce qui est un gain écologique. Dans une brique, on n’a pas besoin de toute la matière pour porter, mais on ne sait pas faire de briques creuses. Ici, on met la matière juste où il faut. Il faudra faire une analyse complète du cycle de vie du bâtiment pour voir s’il est effectivement plus écologique, et tant que la problématique du coût n’est pas résolue, cette expérience n’ira pas très loin. Mais elle nous aura appris quelque chose de nouveau. On ne peut pas continuer à livrer des bâtiments qui ne correspondent pas aux besoins de l’époque, qui sont beaucoup trop chers pour les gens, alors que les architectes font ce qu’ils peuvent. Les normes ne font qu’augmenter les coûts, les gens vont avoir des problèmes pour se loger. C’est notre modèle qui ne fonctionne pas. On ne sait pas où est le chemin. Il faut essayer un peu tout pour en découvrir de nouveaux. On va beaucoup se tromper mais on va apprendre. »

Emmanuel Dufrasnes est ingénieur et architecte, docteur et professeur en Sciences et techniques pour l’architecture à l’ENSAS

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