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Tribune
PROLONGER LES ÉTUDES SUPÉRIEURES POUR APPRENDRE À FAIRE ENSEMBLE
Par Éric Albisser Éric Albisser est architecte et maître de conférences en Théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine à l’ENSAS
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Le chaos climatique est indubitablement amorcé, chacun a dû le ressentir durant ce nouvel été de tous les extrêmes. Le contrôle des émissions de gaz à effet de serre est une urgence absolue, prioritaire, vitale. C’est démontré, qui n’a pas compris ? Pour être au maximum décarbonées et s’adapter aux nouveaux aléas environnementaux les productions matérielles de l’humanité – nourriture, bâtiments, équipements – se doivent de muter, et en beauté si ça n’est pas trop demander. Toutes les pratiques de tous les acteurs sont à interroger, adapter, rediriger et à relier entre-elles, pour répondre à la complexité holistique du défi. Et sans aboutir à une fourmilière cyber-contrôlée, s’il vous plait. Toutes les écoles sont aujourd’hui face à cette responsabilité : intégrer fondamentalement les préoccupations écologiques et mésologiques. Dispenser aux étudiants des notions-clés pour comprendre les rapports au milieu de l’être humain et de la matière. Développer des postures collaboratives pour imaginer les outils d’une conception concertée avec les autres acteurs. Pour savoir quoi faire concrètement, et comment, en tenant compte de tous les paramètres agissants. Mobiliser nos capacités collaboratives, croiser les enseignements au sein des ENSA et avec ceux d’autres écoles, d’ingénierie, géographie, botanique, hydraulique, économie… Or, depuis la réforme LiMaDo en 2005, il a fallu intégrer notions environnementales et outils numériques à un cursus raccourci d’une année, tout en conservant au projet sa place essentielle sans exclure des enseignements d’autres champs. Un cursus extrêmement compact en a résulté, maillé par un réseau très dense de contrôle continu, de plus en plus mal vécu par tous. Le rythme et la densité d’informations à engrammer favorisent un engorgement intellectuel impropre à l’appropriation de notions complexes, à leur articulation et à la maturation de l’esprit critique. Collaboration interdisciplinaire, expérimentation concrète et immersion sur site dans le jeu des acteurs sont les derniers flotteurs imaginés pour charger toujours davantage la barque de notions et relations à intégrer. Des démarches qui sont impossibles à mener dans les derniers interstices de programmes surchargés. A minima, une année d’activités et d’expérimentations « hors les murs » devrait être ajoutée au cursus, à bon compte pour les finances publiques, l’école n’y jouant que le rôle de port d’attache. Plus ambitieux : décréter une année supplémentaire pour toutes les études supérieures de tous champs disciplinaires, pour créer un vaste espace académique de molécules pédagogiques multidisciplinaires inter-écoles, capables de concentrer l’énergie des étudiants, enseignants et praticiens autour d’un objet commun : minimiser l’impact humain sur le milieu, pour asseoir une civilisation cultivée, économe, décarbonée. Coût mondial de cette révolution ? Un budget pour l’enseignement supérieur et la recherche (1,6% du PIB OCDE) majoré au grand maximum de 20%. Soit 300 milliards pour 100 000 milliards de $ de PIB mondial. À comparer aux 2 000 milliards de dépenses mondiales pour l’armement en 2020… avant la guerre d’Ukraine.