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Un Monde nouveau

Par Cécile Becker

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«Un monde nouveau, on en rêvait tous mais que savions-nous faire de nos mains? Zéro. Attraper le bluetooth. Que savions-nous faire de nos mains? Presque rien, presque rien.»

Le refrain du titre phare de l’album Palais d’argile de Feu! Chatterton résonne. Si Un Monde nouveau a semble-t-il été écrit avant la pandémie, il résonne fort avec nos questionnements. Ces quelques phrases portent en elles un condensé du premier confinement, que nous avons passé à tenter de cuisiner, bricoler, réaménager. En d’autres termes, à réinscrire le geste dans nos vies. Fabriquer, c’est s’ancrer physiquement quand le reste nous échappe. Paradoxalement, faire nousmêmes nous a rapproché des artisanes et artisans, productrices et producteurs, restauratrices et restaurateurs et ce, à plusieurs égards. Pâtisser des brioches tressées, cuisiner des gyozas, se remettre au tricot, essayer de réparer ce grille-pain ou ce vélo qui traînent depuis des lustres : nos liens ont été renforcés à l’espace domestique, donc à la nourriture et aux objets qui nous entourent. Pour avoir tenté toutes sortes d’expériences (pour le meilleur et pour le pire…), on sait désormais le temps que cela prend, on sait aussi que le geste requiert des savoir-faire que nous n’avons (manifestement…) pas toutes et tous. Et puis, acheter un bouquet de fleurs pour égayer une table, une saucisse à griller, un plat sublime à déguster, un objet pour décorer, c’est aussi réenchanter le quotidien. Sans compter qu’avec le tarissement des échanges, un vide s’est créé. Coincés dans notre périmètre, nous n’avons jamais eu autant besoin de proximité. La crise sanitaire a ralenti le rythme et a également été un accélérateur: elle nous a donné envie de soutenir avec plus d’emphase encore les faiseuses et les faiseurs, impactés au premier chef par cette crise. Du côté de chez Zut, pendant plusieurs mois, nous avons pris notre mal en patience ne pouvant produire nos magazines phares et habituels. Cette crise a renforcé nos convictions: sans la culture, sans les commerces de proximité, nous ne sommes pas grand-chose. Ce grand vide et ce besoin de retrouver du sens à ce que nous faisons (parler de ce que les gens font…), n’a fait que confimer notre envie de produire un nouvel hors-série dédié à l’artisanat, un troisième numéro qui pour nous, trouve toute sa place au cœur des réflexions mises en exergue par le Covid. Et puis ce troisième numéro s’ouvre à toute l’Alsace et dépasse la seule Eurométropole de Strasbourg parce que, selon nous, la relation au terroir s’est épaissie: une fois le confinement levé, les citadines et citadins se sont très largement déplacés alentour pour se fournir en produits locaux, quand ils ne pensent pas tout bêtement à quitter la ville pour se rapprocher de la nature… Que ce soit pour interroger notre rapport au travail, à la main, au « faire », pour relocaliser la production, la consommation et le travail, pour des raisons écologiques ou philosophiques, que ce soit parce que la proximité dépasse la stricte notion de l’espace et s’applique aussi aux relations, l’artisanat est un point de convergences qui nous permet de penser le monde. Pour le construire, ce monde d’après, l’artisanat est un modèle: il est local, il est durable, et surtout désirable.

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