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REPORTAGE

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PORTRAITS

PORTRAITS

Bags’groove

Par Cécile Becker Photo Christophe Urbain

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Des parures de bureau, des porte-cartes, des ceintures et vide-poches et bientôt, bien plus encore… Quatre ans qu’est née La Reverdie, marque de maroquinerie montée par Pierre Roux après un passage du côté de la photo et de la céramique. Quatre ans qu’il porte un soin particulier à ses fonctionnements : choix des matières premières, fabrication, diffusion. Parce que tout a un sens.

La reverdie. «Une pièce qui célèbre le retour de la belle saison, décrit Wikipédia. Un genre poétique» suspendu au printemps. « Le renouveau », ajoute Pierre Roux, l’artisan et le fondateur de cet atelier de maroquinerie. «Une marque», assume-t-il. La Reverdie, comme une ritournelle aussi : ces gestes qu’on répète continuellement, avec soin et sensibilité. On pense à l’artisanat bien sûr et la musique tournant discrètement au fond de l’atelier et dont une icône, Miles Davis, trône sur les murs en hauteur, le doigt sur la bouche comme pour nous demander de nous taire. Derrière une discrète porte de garage, tout ici enjoint à la concentration et a minutieusement été aménagé, par étape. Et la fabrication, le travail du cuir à proprement parler, en compte treize. Mais avant que la magie sur la matière n’opère, il y a toute la partie que l’on ne voit pas : celle de l’élaboration du modèle et du prototype. À l’image d’un designer et d’un styliste à la fois, Pierre Roux dessine d’abord l’objet, ensuite il faudra éprouver les formes et les plis, tester et refaire, invariablement : « On ne se rend pas compte, mais une pièce de maroquinerie, c’est assez complexe et il y a beaucoup de contraintes», explique Pierre. Notamment celle de la matière première, le cuir, matière noble donc onéreuse qu’il faut manipuler avec parcimonie. Réfléchir et tendre vers l’économie de gestes, respecter la matière, infiniment. Hors de questions de multiplier les prototypes. Il n’y en a d’ailleurs que très peu dans l’atelier : quelques sacs qui présagent d’une belle collection à venir inspirée par les tote bags. Pareil pour les chutes : « Ça n’existe pas, c’est un discours». Il les transforme en porteclés, en bracelets ou en passants pour les ceintures. Alors quand la manipulation de la matière arrive, autant dire que tout est réglé comme du papier à musique. La découpe à l’emporte-pièces (fabriqué sur-mesure en Normandie) d’abord. Pour un porte-cartes, l’avant et le dos, puis la refendeuse, une vieille et belle « locomotive » datant des années 70 – parce que ses machines, Pierre Roux les sélectionne avec soin et les bichonne, et il fait bien parce qu’être maroquinier c’est aussi être capable de mettre les mains dans le cambouis pour dépanner les caprices. On désépaissit, puis on biseaute avant de presser le cuir à chaud et de lui donner son logo ou ses initiales, une personnalisation régulièrement demandée par les clients. On encolle, on renforce («tous les objets que je fais sont doublés et renforcés»), puis vient le travail d’assemblage, de couture, et de peaufinage. Tout se joue dans la finition: les fils de couture apparents, le martelage pour dresser le cuir après le passage de l’aiguille de la machine à coudre, le filetage ou la teinture de la tranche. Précis et minutieux.

So what?

Jusqu’ici, rien ne change du travail typique du maroquinier. Mais on vous l’a dit : le renouveau. Et à La Reverdie, il passe par une conscience écologique qui n’a rien à voir avec le greenwashing observé chez les jeunes marques qui usent jusqu’à la moelle du tampon «éco-responsable». Pierre Roux va loin. C’est-à-dire que le sourcing des matières premières lui a pris un an: «Les tanneries travaillent sur des volumes plus industriels, moi qui suis artisan, n’ai pas les mêmes façons de faire, je dois négocier en permanence. » En Alsace, deux tanneries tiennent bon : Haas et Degermann (rachetées par Chanel), une chance pour Pierre Roux qui ne tarit pas d’éloges sur leurs cuirs d’exception. Mais il a souhaité aller plus loin en se tournant aussi vers le végétal. Vers des cuirs tannés à la rhubarbe ou à l’extrait de feuille d’olivier et des matières dites véganes: du cuir de raisin, d’ananas et de pomme qu’il trouve en Allemagne ou dans le sud de la France. «Ce n’est pas qu’une logique écologique, c’est aussi qualitatif, ces matières sont belles et même plus solides.» Pareil pour les boucles de ceinture qu’il préfère acheter en France plutôt que de se tourner vers la Chine où d’autres marques moins regardantes et plus luxueuses continuent de se fournir tout en pratiquant des prix exorbitants. Le renouveau se joue aussi du côté de sa pratique, qui, si elle est artisanale, se rapproche du design par la production : de très petites séries – un principe hérité de son passé de céramiste (L’Objet tourné) –, qu’il vend sur son site ou en boutiques sélectionnées pour leur exigence et avec qui il traite directement. Son empreinte est totale et son engagement, entier. Parce que c’est ça aussi qui lui tenait à cœur : que ses gestes et que ses choix aient du sens. Et si c’était ça, le renouveau?

la-reverdie.com

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