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INTERVIEW
from Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg et en Alsace #3
by Zut Magazine
La boîte à chocolats
Propos recueillis par Corinne Maix En Alsace, tout le monde connaît les chocolats Stoffel. Entre tradition et modernité, la chocolaterie familiale, qui a aujourd’hui la taille d’une PME, sait se réinventer, en remettant au cœur de sa stratégie le savoir-faire de ses artisans chocolatiers. Entretien en deux temps.
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Déguster
Géraldine Gony Maître chocolatière
Vous exercez ce métier depuis 35 ans. Quelles sont les qualités nécessaires?
On vient à ce métier pour la passion du chocolat et la créativité. La formation classique, c’est un CAP de confiseur chocolatier, puis un brevet de technicien et un brevet de maîtrise. Mais, tout au long de sa carrière, on apprend de nouvelles techniques, parce que les tendances et les produits changent. Ma dernière formation bean to bar permet littéralement de fabriquer son chocolat depuis les fèves de cacao. C’est un savoir-faire supplémentaire par rapport à l’artisan chocolatier qui fond et travaille du chocolat, fabriqué par un autre. J’aime ce métier exigeant qui demande beaucoup de minutie, de patience et de goût.
Comment naissent les nouvelles idées et les nouvelles recettes?
Le monde du chocolat se renouvelle tout le temps. Une idée peut naître au restaurant en découvrant un mariage de saveurs, lors d’un voyage ou suite à une rencontre. Elle peut aussi être inspirée par de nouvelles matières, un jeu sur les textures et les dernières tendances. Actuellement, on désucre, pour mieux se faire plaisir. À partir d’une idée ou d’un croquis, la création s’élabore en laboratoire, après de multiples essais… Chez Stoffel, nous avons la chance d’être une brigade de dix chocolatiers, ça permet les échanges ! À Noël, nous avons lancé un chocolat au lait vegan, avec du chocolat de Madagascar à 46% et du lait d’amande, qui apporte une note grillée. Nous venons de sortir une guimauve à l’hibiscus, légère et aérienne, sans colorant ni arôme artificiel. Dommage que nous ayons du mal à recruter des jeunes chocolatiers, car c’est un métier mixte, où on ne s’ennuie jamais.
Du croquis préparatoire à la vente d’une nouveauté, quelles sont les étapes?
La production reste très manuelle. Les chocolats sont fondus, assemblés, mélangés, puis on coule et on étale les masses. Pour réaliser des bonbons, le chocolat est découpé avec une guitare. C’est seulement ensuite qu’une enrobeuse dépose un rideau de chocolat sur la bouchée. Il est alors décoré à la main, puis mis en ballotins. Pour réaliser nos moulages décorés, comme à Pâques ou à Noël, les chocolatiers réalisent les collages avec une grande minutie ; il faut avoir le sens du beau!
Vendre
Martine Stoffel Directrice générale
Comment votre chocolaterie a-t-elle traversé cette crise inédite?
Après la sidération, nous avons voulu tirer quelque chose de positif de cette situation. Le premier confinement nous a donné l’opportunité de prendre du recul, dans une période de Pâques, où habituellement nous travaillons à plein régime. Nous avons avancé sur nos projets digitaux et l’essor des commandes en ligne a fait naître une grande solidarité. Tous les salariés ont continué à travailler, sans chômage partiel. Les livraisons à domicile en Alsace et le drive ont mobilisé une énergie incroyable et l’apprentissage de nouveaux métiers. Comme nous travaillons aussi pour des chocolatiers et à l’export, il a fallu s’organiser pour assumer toutes les commandes. Nos clients aussi ont fait preuve d’une grande solidarité, quand ils ont « adopté » nos lapins de Pâques au mois de juin ! Nous avons de la chance, car notre longévité a créé un attachement à la marque Stoffel.
Quelles sont les recettes de cette histoire qui dure depuis près de 60 ans ?
Peut-être d’abord une clientèle diversifiée: la clientèle de proximité qui vient acheter dans nos boutiques, la clientèle touristique de la Chocolaterie du Vignoble à Ribeauvillé, les clients de toute la France – et parfois de l’autre bout du monde – qui commandent en ligne, les associations et les revendeurs professionnels qui n’ont pas les ressources pour fabriquer leurs propres chocolats. Nos points de vente nous fournissent les meilleures études consommateurs. Ils nous permettent de tester nos nouveautés, et elles sont nombreuses, grâce à notre brigade de maîtres chocolatiers.
Quand on travaille une matière première du bout du monde et à grande échelle, peut-on être une entreprise responsable?
La chocolaterie Stoffel a pris depuis longtemps un virage équitable et écoresponsable. Notamment dans le choix de chocolat équitable avec l’association Equaterra, qui aide les petits producteurs. Ou à travers les actions que nous menons en faveur des planteurs de cacao camerounais depuis plus de 15 ans, ou dans une autre structure en Amérique Centrale. En tant qu’entreprise familiale, nous avons une démarche très volontaire, mais discrète, et sommes vigilants aux gestes écoresponsables du quotidien : nous nous approvisionnons majoritairement en produits bio et en énergie verte, gérons nos déchets, travaillons sur des emballages éco-sourcés… Mais surtout, nous nous inscrivons comme un acteur économique local : en privilégiant au maximum les fournisseurs régionaux – pour la crème, le sucre, les liqueurs ou les cerises au kirsch… – aussi bien que pour des prestations informatiques ou logistiques. C’est aussi le rôle d’une PME, bien ancrée dans son territoire et en phase avec son époque.
Chocolaterie Daniel Stoffel 50, route de Bitche à Haguenau Route de Guémar à Ribeauvillé daniel-stoffel.fr