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PORTRAITS
from Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg et en Alsace #3
by Zut Magazine
Jean-François Eckstein
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RÉPARATEUR DE VÉLOS
Par Cécile Becker / Photos Jésus s. Baptista
Ici, on se demande si le vélo ne pourrait pas avoir une odeur. Des accessoires et autres souvenirs posés là, ça transpire la passion et c’est sans doute ce qui fait que le badaud à la monture mal roulée y trouve son compte. «J’avais envie de revenir aux origines: l’établi, les vélos aux murs pour le côté sentimental, les choses que les clients m’ont laissées aussi», précise Jean-François Eckstein, le maître de ce bazar tout à fait organisé. Le vélo, quand il a commencé, c’était pas vraiment sa tasse de thé. Ce qui l’a fait vriller, c’est justement l’histoire des montures. Dans les années 90, un CAP Cycles et motocycles en poche, il fait le tour des marchands de l’Est. À l’époque, il fait plutôt dans la pétrolette, et avoir eu les mains dans le moteur, ça lui a sacrément servi : «Le vélo, c’est de la mécanique. Tous les modèles qui sortent des grosses chaînes de fabrication sont blindés d’électroniques et de composants mal fichus.» Beaucoup de réparateurs peinent à dégoter la panne sur les anciens vélos. Lui, en plus de collectionner les objets, accumule d’anciennes documentations mécaniques. Et il ne refuse jamais une réparation, même complexe. «J’ai toujours eu besoin de challenge.» Pour aller plus loin, il s’est formé à la fabrication de cadre dont un très bel exemple trône au sous-sol: un cadre micro-gommé, dont la peinture bleue titille les traces de rouille. Rutilant! Mais, par humilité, Jef (pour les intimes) ne propose pas encore de fabrication sur-mesure. Avec la restauration, les menues réparations, la location, il a déjà beaucoup à faire. Et puis les choses, il veut bien les faire. Le lien avec le client, c’est fondamental, il l’a appris auprès de son maître d’apprentissage – anciennement Cycles Jacht à Neudorf, boutique qu’il avait reprise à son nom avant de débarquer à la Krutenau en 2018. La suite? Une personne devrait le rejoindre bientôt, formée sur le tard. Parce que même si la culture vélo explose et que le Covid n’a fait que renforcer le phénomène, les centres de formation ont un train de retard. À suivre… L’Increvable 3, place de Zurich à Strasbourg lincrevable-cycles.fr
Charles Julien Nivert
CORDONNIER
Par Lucie Chevron / Photos Jésus s. Baptista
Les baskets, Charles Julien Nivert aka Niv’Air en a fait son cœur de métier. Avant, il était banquier patrimonial. Aujourd’hui, c’est à sa passion de toujours qu’il consacre ses journées. Petit, déjà, il déclarait à sa mère: «Tu verras maman, quand je serai grand et riche, tu auras des chaussures avec des bijoux dessus.» Quelques décennies plus tard, c’est une paire de Stan Smith avec empiècements dorés qu’il lui offrira. Né avec un pied bot, son projet premier est d’intégrer un CAP podo-orthèse afin de « créer un design sympa pour des chaussures orthopédiques». Les aléas de la vie l’empêcheront de suivre ce chemin, mais ce projet continue encore d’animer son esprit rêveur et créatif. Fan des baskets des années 90, il restaure sa première paire en 2015, comme pour lui donner «la seconde vie qu’elle mérite». Au fil de longues heures de travail, et non sans peine, ce prodige autodidacte apprend le savoirfaire de la confection sur-mesure en démontant et remontant les sneakers de sa propre collection. C’est sous le nom Make Your Grail que ce «cordonnier 2.0», travailleur du cuir et amoureux des couleurs, fabrique, rénove et customise des baskets en tout genre. Ses favorites? Les Air Jordan 3, dont il a revêtu sa plus belle création pour l’occasion. Bien plus qu’un accessoire de mode, pour lui chaque chaussure cache en elle une histoire: «Dis-moi comment tu te chausses, je te dirai qui tu es», s’amuse-t-il. Après l’apprentissage du savoir-faire, la transmission. Rêvant depuis toujours d’enseigner, il a souhaité partager ses compétences. Du dessin en trois dimensions au semelage en passant par le patronage et le montage, passer le flambeau l’anime au quotidien. Il propose ainsi des formations «Sneaker School», où les «élèves» viennent avec leur paire de baskets et apprennent toutes les étapes de fabrication et de modification. «C’est le truc ultime du collectionneur, avoir sa paire faite soimême: choisir les matériaux, la forme, le design, etc», et créer son propre graal de la basket… makeyourgrail.com
Alain Ledoux
GARAGISTE
Par Lucie Chevron / Photos Jésus s. Baptista
Petit garçon, Alain Ledoux observait son père s’activer sur les voitures. Depuis 1930, les murs du 107, route de Lyon à Illkirch abritent le garage Ledoux. En 1984, alors qu’il fait son service militaire, le jeune homme perd son père. Fils unique, il a tout juste 22 ans lorsqu’il reprend l’affaire familiale créée par son grand-père. «J’ai toujours trempé dedans, dit-il. La technique est quelque chose qui me passionne depuis enfant. À l’époque, je me disais que je reprendrai le commerce dans ma trentaine. En attendant, je voulais tracer mon propre chemin dans l’aéronautique, mais la vie en a décidé autrement.» Par souci de légitimité auprès de ceux qui devinrent brusquement ses employés, il passe une maîtrise en mécanique automobile. Presque 40 ans plus tard, ce passionné continue de ressusciter les voitures de ses clients. Trois générations se sont donc succédées en ce lieu, avec toujours le même désir: offrir un service de grande qualité. Ce qui l’anime notamment: le contact et la satisfaction du client. Artisan aux multiples casquettes, Alain Ledoux est autant technicien que commercial, manager et formateur. Carrosserie, peinture, mécanique, électronique, ce garagiste de père en fils se caractérise techniquement par sa polyvalence et sa curiosité. S’adapter à l’urgence des nouvelles technologies et aux enjeux environnementaux, à «l’évolution» pour reprendre ses mots, rien ne semble lui faire peur. Au contraire, sa soif d’apprendre est insatiable. Une autre de ses motivations: transmettre son savoir-faire artisanal. «Ce sont plus de 300 apprentis que nous avons dû former avec mon père et mon grand-père», confie-t-il. Alors, il le sait, l’entreprise sortira probablement de la famille avec lui. Mais c’est paisiblement qu’il le prend, avec au coin de la tête, l’idée de chercher un successeur aussi habité que lui pour reprendre le flambeau. Car, «tant que l’affaire continue à vivre, c’est le plus important». Garage Ledoux 107, route de Lyon Illkirch-Graffenstaden 03 88 66 06 55