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PORTRAITS

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Le périmètre réconforté

Par Fabrice Voné

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Les restrictions de déplacement liées aux différents confinements ont chamboulé nos habitudes. En ville, le périmètre autorisé a ainsi renforcé la notion de proximité. En consommant local, on a aussi retissé des liens parfois oubliés avec les artisanes et artisans. Exemples à Strasbourg chez une esthéticienne-masseuse, une blanchisseuse et un fleuriste.

Non essentiel, juste primordial

Maïli Nguyen esthéticiennemasseuse

Le massage dans la peau. « J’ai longtemps cru que les enfants devaient masser leurs grands-parents. » Maïli Nguyen a cinq ans lorsque sa grand-mère lui ordonne chaque soir ce rituel ancré dans la culture vietnamienne. « C’est elle qui m’a transmis tout ça», poursuit la jeune femme, qui a longtemps exercé en tant qu’esthéticienne dans la mode à Paris. Jusqu’en 2014 où elle arrive à Strasbourg. En Alsace, la détente lui semble alors se résumer aux plaisirs des winstubs. Davantage en tout cas que dans la relaxation qu’elle prodigue. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, son salon d’esthétique et de bien-être se trouve à la Fabrik. Un chouette lieu à Neudorf qu’elle partage depuis un an avec Grégory Alcudia, coiffeur, et Stéphane Linder, restaurateur d’art. À la différence notable que la loge qu’elle occupe à l’étage ne peut plus accueillir de clientèle durant les confinements. Contrairement aux salons de coiffure, les établissements du secteur esthétique ne font toujours pas partie des commerces dits essentiels. Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19 et des principes de distanciation, la notion de bien-être semble pourtant primordiale. Lorsqu’elle est en droit exercer, Maïli reçoit pas mal d’adolescents et de jeunes adultes en souffrance du manque de contact, dans tous les sens du terme. « Beaucoup me disent qu’ils n’arrivent plus à parler et qu’ils ont mal à leur corps car ils sont à la maison et n’ont plus d’interactions avec leurs amis», explique-t-elle. Avant cela, il lui faut interpréter le corps de l’autre, trouver la pression à utiliser, le rythme du massage ainsi que l’huile adaptée aux types de peau. Le télé-travail charrie également de nouveaux maux. « Je trouve que les gens travaillent de plus en plus. Ils ne font plus de pauses, sacrifient des repas. Du coup, je pense qu’ils dépriment car ils ont l’impression de ne faire que ça», souligne la jeune femme. Qui cite l’exemple d’un de ses voisins qu’elle «oblige à prendre une heure de temps à autre, sinon il fait des journées de fous ». Comme une ode salutaire à la déconnexion et une reconnexion hautement recommandée avec son propre corps.

La Fabrik 4, rue d’Eschau à Strasbourg la-fabrik.art

Photo: Pascal Bastien

Pressing tout-terrain

Giuseppina Palamara blanchisseuse

Dans le quartier de Neudorf, au-bas de l’immeuble Balzac où se trouve le pressing du même nom, tout le monde ou presque l’appelle Josy. Il s’agit du diminutif de Giuseppina Palamara, trouvé au fil du temps par ses plus fidèles clientes dont Fabienne qui lui a même écrit un poème. Celui-ci est affiché en bonne place dans le magasin qu’elle a repris en 2007. Originaire de San Remo, Giuseppina a retrouvé à Strasbourg un cadre bien connu puisqu’elle avait jusquelà toujours œuvré dans la blanchisserie familiale dans le nord-ouest de l’Italie. Passé la porte de l’établissement, on subodore le travail bien fait. Déjà par son atmosphère dénuée d’odeurs pouvant s’apparenter à du perchloréthylène, un solvant utilisé pour détacher et dégraisser les tissus. «Je fais attention à tout ça. Je n’ai pas de presse et j’effectue tout le repassage à la main», indique Giuseppina, également concernée par le recyclage et les questions environnementales. Son adage tient en quelques mots : «Si ce n’est pas propre, ce n’est pas un pressing.» L’absence d’engins dernier cri, d’ordinateur et de Wi-Fi garantit le charme désuet d’un lieu d’où aucun pli ne dépasse. Pas même les 100 à 150 colis qu’elle reçoit chaque jour et qui se retrouvent soigneusement rangés derrière le comptoir puisque son pressing fait office de point-relais. Une activité qui draine de plus en plus de monde à la faveur des achats sur internet en constante hausse depuis la pandémie. Parmi ce flux, nombreux sont ceux qui reviennent ensuite avec une chemise, une veste ou une couette sous le bras. L’opportunité de déconnecter du monde 2.0 avec lequel notre souriante commerçante entend garder un maximum de distances. «Je suis quelqu’un à l’ancienne qui préfère le contact avec les gens», poursuit cette disciple du «travail manuel et minutieux». Elle se démarque encore avec sa gentillesse. «Avec le Covid-19, je pense qu’il faut être de plus en plus attentionné, estime-telle. Il y a beaucoup de personnes âgées qui viennent et qui n’ont personne à qui parler. J’essaye de les aider.» En effectuant notamment des livraisons en-dehors des horaires d’ouverture. Et en rendant à la proximité toute sa splendeur.

Pressing Balzac 54, rue de Ribeauvillé à Strasbourg 03 88 84 13 96

Photo: Christoph de Barry

Le printemps retrouvé

Bernard Deutsch fleuriste

La rencontre se déroule en début d’aprèsmidi à Ostwald, dans l’atelier de Bernard Deutsch. Dans un entrepôt situé au milieu d’une cour, Alexandra et Sophie, ses deux apprenties aidées d’une stagiaire, sont affairées à préparer des compositions et arrangements en vue de Pâques. En cette veille de Vendredi saint, un parfum d’excitation se mêle aux senteurs des tulipes, des renoncules, des hortensias et autres fleurs fraîches de saison ramenées le matin même du marché de gros de Karlsruhe. «C’est presque un petit Noël», s’illumine Bernard Deutsch. Mais avant tout un printemps retrouvé pour l’artisan-fleuriste, âgé de 59 ans, dont le secteur d’activité a récemment été considéré comme essentiel par le gouvernement. L’an passé, Pâques s’était passé au balcon en raison du premier confinement. Un crève-cœur pour ce fils d’horticulteur ayant grandi à Illkirch. «On a eu énormément de preuves de soutien, plein d’appels de solidarité de la part de gens nous demandant comment ils pouvaient nous faire travailler. » Amputée d’une saison, l’année 2020 s’était achevée avec la perte d’un quart du chiffre d’affaires. «Depuis qu’on a pu redémarrer, on bosse à fond. Comme toute la profession. On est comme un médicament. En ville, les gens sont enfermés. Ils ont besoin d’avoir un bouquet de fleurs chez eux. » À Strasbourg, dans sa petite boutique de la rue Gutenberg ou sur le marché des Grandes Arcades, la relation avec les clients, considérés « comme une seconde famille», ne s’est jamais fanée. «On est encore ce petit commerce où les gens ont l’occasion de parler, de se vider un peu. On les écoute et on essaye de leur amener de la joie», poursuit-il. Son champ d’action s’est élargi ces dernières années. À Noël, on lui doit la somptueuse couronne de l’Avent de 160 kilos qui orne la nef de la cathédrale. Il intervient aussi pour des décorations de vitrines comme celle de Mireille Oster, chez des particuliers en aménageant des terrasses et en installant des systèmes d’arrosage automatiques. «C’est un métier passionnant, ça bouge tout le temps, souligne Bernard Deutsch. Il ne faut pas le faire pour l’argent, c’est tellement rémunérateur autrement.» Le bouquet final.

20, rue Gutenberg à Strasbourg bernarddeutsch.com

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