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L’entretien L’heure de la (re)connexion
from Zut Strasbourg n°49
by Zut Magazine
Ce lieu, il l’a vu naître et grandir auprès d’un père visionnaire et passionné, ayant pour ambition de transformer, dans les années 1980, une exploitation agricole abandonnée en école de la biodiversité. Quarante ans plus tard, le Parc animalier de Sainte-Croix est une référence pour la préservation de la faune et des espèces menacées en accueillant plus de 350 000 visiteurs par an. Rencontre avec Laurent Singer, président du site mosellan. Par Emma Schneider / Photos Grégory Massat
L’heure de la (re)connexion
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Sainte-Croix est le premier parc animalier écolabellisé d’Europe pour son offre de séjours natures. Que représente ce label ?
C’est une visibilité. Mais ce n’est qu’une petite brique dans tout ce qu’on fait et ce qu’on veut faire. Respecter notre environnement fait partie de notre ADN. On est parti d’une exploitation de ferme traditionnelle pour la transformer et créer une biodiversité complètement folle. Pouvoir accueillir à la fois les animaux dans leurs grands espaces, mais aussi toute la faune sauvage, c’est quelque chose qu’on veut continuer à développer. On a passé beaucoup de messages de sensibilisation, d’éducation et aujourd’hui on veut être de plus en plus démonstratifs dans nos actions. On a, par exemple, une politique du tri des déchets pour essayer d’atteindre le zéro %. Notre désir est de devenir une sorte de boîte à idées, une start-up de l’écologie au sens large, d’aller au-delà du concept central. Sainte-Croix reste un parc animalier mais on veut avoir un spectre beaucoup plus large. Tout ce qu’on a créé jusqu’ici nous sert à voir plus loin et on est en train de décider le parc dans 5, 10, 20 ans.
Quel est le rôle du Parc dans les actions de conservation et les programmes de réintroduction ?
On a une mission d’éducation, de sensibilisation, de pédagogie avec notamment les groupes scolaires que nous accueillons. On a aussi une mission de recherche sur la biodiversité, le bienêtre des animaux, mais surtout une mission de conservation. On a un certain nombre de programmes européens pour les espèces menacées. L’objectif est d’élever les animaux qui correspondent au bon ADN, à la bonne souche et à la bonne technique d’élevage pour leur donner toutes les chances de reconquérir le sauvage. Nous le faisons avec le bison d’Europe, les chevaux de Przewalski, les chouettes de l’Oural. Récemment, on a élevé huit vautours qui sont partis en Bulgarie. À Sainte-Croix, nous sommes les coordinateurs d’une petite tortue qui s’appelle la tortue cistude.
Laurent Singer président du Parc animalier SainteCroix
Afin d’offrir au public la possibilité d’agir concrètement, vous avez créé un fond de dotation intitulé Sainte-Croix Biodiversité. Comment fonctionne-t-il ?
Nous proposons symboliquement aux visiteurs de parrainer des animaux, l’objectif étant que les fonds aillent vers d’autres associations. On peut aussi bien participer à un programme sur le panda roux ou le gibbon que travailler avec le Conservatoire d’espaces naturels pour réintroduire l’écrevisse des torrents au pays de Bitche. On met en place beaucoup d’actions de conservation, que ce soit en direct ou en soutien des associations.
La permaculture, l’agroforesterie et le maraîchage sont des sujets qui vous intéressent pour les années à venir ?
L’animal reste central mais ce ne sera plus le seul sujet à Sainte-Croix. L’agriculture fait partie de nos projets ainsi que le fait d’avoir un rôle moteur dans la région. Le bien manger est essentiel. Nous commençons modestement notre premier potager sur 1 600 m2. Un pôle agriculture, au sens végétal, permaculture et production, verra le jour. Vu le nombre de visiteurs, le rêve absolu d’être autosuffisant est très difficile
à tenir et ce n’est pas obligatoirement le but. Le but est, une nouvelle fois, d’essayer d’être exemplaire et de faire travailler l’ensemble du territoire dans cette direction. Créer une forme de qualité, de label de filière courte, comme peut le faire le Puy du Fou, et que tout ce qu’on consomme ici proviennent de producteurs locaux. On a appelé ce projet La Ferme des vents en référence à Miyazaki. Nous nous sommes inspirés de la Ferme du Bec Hellouin en Normandie. On a envie d’avoir notre propre miel, notre pain, nos légumes, nos œufs. Cette production sera destinée aux gens qui dorment sur site ou qui viennent nous visiter à la journée. À la marge, les hébergés pourraient repartir avec un panier de légumes de saison à la fin de leur séjour.
Comment sont choisies les espèces représentées au Parc de Sainte-Croix ?
Elles viennent systématiquement de parcs zoologiques, il n’y a jamais de prélèvement en milieu naturel. Malheureusement, il existe encore dans le monde entier des trafics concernant la faune exotique. Notre premier critère est d’accueillir des animaux de la faune patrimoniale. Nous avons une petite zone de biodiversité mondiale qui comprend le gibbon, parce que c’est une espèce menacée à l’état sauvage et qui fait partie d’un programme européen dans lequel on s’inscrit. Un de nos autres critères est de nous intéresser aux animaux qui ont un besoin conservatoire et qui sont en danger. Après il y a des espèces symboliques comme le loup, qui n’est plus en voie de disparition mais qui est pour nous un ambassadeur formidable de la biodiversité. Nous accueillons 30 000 scolaires par an, il est essentiel qu’ils puissent avoir une rencontre directe, les yeux dans les yeux, avec les animaux pour parler des problématiques de cette planète qui part en vrille.
Parc animalier de Sainte-Croix Rhodes 03 87 03 92 05 parcsaintecroix.com
Depuis 2010, le Parc propose à ses visiteurs des séjours immersifs. Au départ, quatre lodges ont été installés, aujourd’hui ils sont dix fois plus.
Nous avons répartis 46 lodges sur plus de 100 hectares avec la volonté qu’ils soient intégrés dans la nature et qu’ils aient le moins d’impact possible. Nous avons cherché la meilleure cohabitation possible entre les animaux et les hébergements. Si vous dormez avec les loups, vous n’aurez pas la garantie de les voir car le territoire est vaste. Globalement, ils sont tellement curieux qu’ils viendront vous voir, mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut assurer. On fera encore quelques hébergements mais de façon modérée.
Comment expliquez-vous ce succès ?
Nous avons eu la volonté de partager avec le public cette chance d’être sur site de nuit, à un moment où il se passe énormément de choses. Ici, les visiteurs se coupent de tout. Il n’y a pas de télé, c’est une reconnexion complète. La nuit, c’est tout juste si on ne se perd pas dans le parc pour retrouver son hébergement. On écoute les bruits, on observe les animaux, c’est un lieu unique pour le faire.