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EDITO
# 21 En couverture : Jean-Marc Munerelle, L’Envol
SEPT. - OCT. 2012
MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE
8e art est une publication bimestrielle des Éditions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille 09 81 80 63 79 Directeur : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr
L’
Conception graphique et direction artistique : Jonathan Azeroual 06 62 58 79 71 j.azeroual@8e-art-magazine.fr
idée nous trottait dans la tête depuis déjà quelques temps. Evoquer les quartiers nord autrement, en s’intéressant aux multiples initiatives menées dans ces territoires qui n’incitent pas vraiment à la découverte, où ceux du centre-ville ne vont jamais. On n’avait pas à chercher très loin. On savait bien que, regroupés sous la bannière d’ « Hôtel du Nord » (p. 68), une poignée d’habitants des 15e et 16e arrondissements arpentaient leurs quartiers pour en révéler les histoires perdues, le patrimoine oublié, les beautés cachées dans l’ombre des grands ensembles. Une démarche pas si éloignée de celle du collectif d’artistes SAFI (p. 80), enraciné depuis plusieurs années dans le 14e arrondissement. Ils se sont souvenus qu’avant que les barres d’immeubles y fleurissent, La Busserine fut un îlot de verdure... Dès lors, pourquoi ne pas inviter les habitants à imaginer, d’ici 2013, des « Jardins possibles » pour leur quartier ? En attendant, on peut déjà faire un tour du côté de la cité de La Bricarde, rebaptisée « Cité des curiosités » (p. 74), pour y découvrir un véritable parcours d’art contemporain : avant d’y envoyer l’armée, on a préféré y envoyer des artistes.
Service commercial : 09 81 80 63 79
Sandro Piscopo-Reguieg
Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr Rédacteur en chef : Sandro Piscopo-Reguieg 06 71 62 49 81 s.piscopo@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Emmanuelle Gall, Fred Kahn, Alexandre Lévêque, Bertrand Ors, Joël Assuied (photographe).
Impression : Azur Offset Acropolis - 171 bis, chemin de la Madrague-Ville - 13015 Marseille 04 91 52 53 54 La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.
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SOMMAIRE
N°21 / SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012
SOMMAIRE
SEPTEMBRE-OCTOBRE 2012
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ACTU
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ZOOM
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CONSO
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L’ÉVÉNEMENT Bernard Plossu
36
L’ENTRETIEN Angelin Preljocaj
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MOTIVÉ Fabien Rugi
42
LE SPOT Espaceculture
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ACTORAL Edouard Levé - Sélection
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MARSATAC Mix Up Maroc
57
LES NOUVELLES TÊTES DE CONF’
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28
18
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57
DOSSIER CAP AU NORD
68
HÔTEL DU NORD
74
LA CITÉ DES CURIOSITÉS
80
JARDINS POSSIBLES
86
ARCHI CCR
91
PORTFOLIO Le Mucem
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SORTIR 102 L’ÉVÉNEMENT Fiesta des suds 104 MUSIQUES 110 SCÈNES
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118 EXPOS
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ACTU
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L’IMAGE
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LA TÊTE DE L’EMPLOI art civique. Le 22 elle marsl’affiche 2012, soitau unsens propre... dans les rues SonStreet homosexualité, mois avant le premier tour des élections du présidentielles, centre-ville. Le 21 poubelles août, le sourire 3 000 marseil- de Suzanne Ketchian était placardé dans une vingtaine d’artères laises et parisiennes se sont vues or- marseillaises, de la Canebière aud’un Prado. Cette« « mère (par ailleurs vicenées panneau Voter iciet».grand-mère » Une présidente l’association action de de street art « civiqueLesbian » menée & Gay Parade) souhaitait parattirer le photographe Philippe Echaroux ainsi l’attention sur les discriminations encore vivaces afinled’inciter à se rendre dans mondeles de Français l’entreprise... aux urnes « Car ne campagne pas voter, c’est Il s’agit de la: seconde du collectif CV Street, fondé comme jeter son bulletin la poubelle. cet été par le réalisateuràet activiste» Cyril Slucki. En juillet, 25 portraits de demandeurs d’emplois étaient affichés dans une
centaine de lieux de la cité phocéenne, où le taux de chômage dépasse les 14 %. Parmi les modèles, rencontrés devant le Pôle emploi de la Joliette, citons Patrick, qui « cultive votre jardin avec passion » ; Chen, pour un « dépannage informatique chez vous », Nourredine, « chauffeur adroit et aguerri », Emma & Balthazar, « à nous deux on fait bac + 10 »… Une façon de rappeler que « les chômeurs sont des gens, pas des chiffres en millions ou en pourcentages ». A l’automne, CV Street devrait récidiver avec une nouvelle action contre les discriminations : « Je suis arabe, tu me recrutes ? » 8e art magazine
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ACTU
EN BREF
VU D’AILLEURS LE NOUVEL OBSERVATEUR
PAS PAGNOLESQUE
Dans son édition datée du 9 au 15 août, Le Nouvel Observateur offrait à ses lecteurs de Marseille et Cassis un supplément de 16 pages sobrement intitulé Marseille, insolite et mystérieuse. S’adressait-il aux touristes ? Car on a connu plus mystérieux que la Fondation Monticelli, les Arcenaulx et le Mac… Toutefois, l’article principal, « Marseille, ou le complexe pagnolesque », touchait juste : « Les habitants de la cité phocéenne rejettent cette image d’amateurs de siestes, de pastis et de rigolade. Marcel Pagnol, célébré partout dans le monde, est devenu encombrant dans ‘‘sa’’ ville. » Alors que son biographe indique que les œuvres de Pagnol sont « étudiées jusqu’aux Etats-Unis » et qu’il y a même « une école à son nom en Australie », son petit fils déplore que rien ne soit prévu à Marseille en 2014 pour le 40e anniversaire de sa mort. A Aubagne, par contre, on a su tirer profit de l’enfant du pays, même si ce dernier n’y a vécu que jusqu’à l’âge de deux ans et demi : « Presque un tiers de nos visiteurs viennent chaque année pour Marcel Pagnol », se félicite-t-on à l’office du tourisme.
CAPITALE DU TRAFIC
Marseille serait la deuxième ville la plus embouteillée d’Europe (derrière Varsovie), selon une étude réalisée par le fabricant de navigateurs GPS TomTom publiée le 10 juillet. La cité phocéenne devance Rome (3e), Bruxelles (4e) et Paris (5e). Cet « indice d’embouteillage » se base sur les temps de trajet réels mesurés grâce aux données de géolocalisation des GPS utilisés par les automobilistes dans 31 villes européennes.
HERALD TRIBUNE - NEW YORK TIMES
THE PLACE TO BE
Cet été, les « Apéros du bateau » du collectif Borderline amenaient, chaque dimanche soir, 200 Marseillais faire la fête au large du Vieux-Port… Là, on peut vraiment parler de buzz. Car le 14 août, on a eu la surprise de découvrir un article intitulé « A Floating Night Club in Marseille » dans l’édition papier du quotidien The International Herald Tribune (diffusé dans 180 pays). Il est toujours visible sur le site Internet du New York Times (les deux titres appartiennent au même groupe). Les lecteurs internationaux ont donc pu apprendre que « loin de l’ambiance étouffante des bars surpeuplés du centre-ville » où de toute façon, « la vie nocturne est en sommeil », les Apéros du bateau étaient « the place to be » pour les trentenaires en quête de « bon son ». Sans oublier que de toute façon, le « Marseille’s way of life », c’est plus apéro que disco, comme le résume un autochtone : « une pizza, un verre de rosé, et on va à la plage. » TÉLÉRAMA SORTIR
BIENTÔT
C’est une sorte de « mini-Télérama » entièrement consacré à l’actualité culturelle de Marseille et ses alentours. Offert gratuitement avec l’hebdomadaire, le prochain numéro de Télérama Sortir est annoncé pour le 3 octobre. Rappelons que le 30 mai, c’est le « poète rock » Frédéric Nevchehirlian qui avait eu l’honneur d’être en couverture de l’édition estivale (ci-contre).
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2 200 bénévoles
La Ville de Marseille en attendait 1 000. Ils sont déjà plus du double à avoir répondu à l’opération « Tous bénévoles », lancée cet été afin d’inviter tout un chacun à donner un peu de son temps libre pour participer à l’organisation de la Capitale européenne de la culture (accueil, relations presse, secours, traduction, transport…). L’appel reste ouvert.
HONORABLE Les temps sont durs pour le « petit train », qui a vu sa fréquentation baisser de 10 à 20 % sur la haute saison touristique par rapport à l’année dernière. Tout comme les bateaux pour les calanques, les commerces, et les restaurants, qui ont constaté un léger fléchissement de leur activité. Quant aux hôteliers, ils ont eu un taux d’occupation médian, toutes catégories confondues, compris entre 70 et 75 %. Au final, Marseille « s’en sort honorablement » nous dit le communiqué de presse de la Ville daté du 28 août.
EN BREF
© DR
© Philippe Laurenson
ACTU
LA PESTE BIENTÔT RESTAURÉE
JULIEN BLAINE AU POSTE ! A l’initiative de l’éditeur Laurent Cauwet et de quelques poètes dont Julien Blaine, une trentaine de personnes s’étaient réunies le 17 août devant le consulat de Russie (avenue Ambroise Paré, 8e) pour témoigner leur soutien aux Pussy Riots, ce trio de punkettes condamnées chacune à deux ans de camp pour avoir raillé Vladimir Poutine et l’église russe. A l’instar des trois jeunes femmes durant leur fameuse « prière punk », ces manifestants portaient des cagoules colorées… C’est en effet devenu le symbole international de la cause. Et si, partout ailleurs, ce type de rassemblement s’est déroulé sans incident, les événements ont pris à Marseille un tour inattendu : en quelques minutes, une dizaine de manifestants furent arrêtés puis embarqués au commissariat le plus proche. Leur crime ? Depuis 2010 et la loi dite « sur le port du voile intégral », il est interdit, en France, de dissimuler son visage dans l’espace public… « Pourtant, dans tout le
monde occidental, il n’y a qu’à Marseille que des gens ont été arrêtés ! », s’étonne encore Julien Blaine. « Les autorités voulaient certainement donner des gages aux Russes. Nous, on s’est laissés faire docilement. Ce qui est drôle, c’est que le fourgon dans lequel on a été embarqués filait toutes sirènes hurlantes, et était escorté par deux voitures de protection ! » Le poète, par ailleurs ancien adjoint au maire de Marseille en charge de la culture entre 1989 et 1995, a ainsi pu retrouver un lieu qu’il a lui-même contribué à bâtir : le commissariat du 8e arrondissement. « L’une des conditions du mécène qui allait nous offrir le bâtiment dans lequel on a créé le Musée d’art contemporain (Mac) était de construire un poste de police juste à côté ! » Julien Blaine et ses amis ont pu en admirer l’architecture durant une heure, le temps d’être interrogés et verbalisés.
C’est l’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de Marseille. En 1720, une épidémie de peste avait fait 48 000 victimes dans la cité phocéenne, soit la moitié de la population ! En 2013 le nouveau musée d’Histoire, rénové et agrandi, consacrera une salle entière à l’événement. Et même un peu plus. Car à l’entrée du musée, dans le Jardin des vestiges, trônera l’ancre du Grand Saint-Antoine. Comme un symbole. C’est en effet ce bateau marchand qui avait amené le bacille assassin vers nos contrées… « L’ancre du Grand Saint-Antoine fut découverte en 1982 à la pointe de l’île de Jarre, dans l’archipel de Riou, où elle gisait par 20 mètres de fond (photo ci-dessus, NDLR), raconte Michel Goury, président de l’Association de recherche historique et archéologique (ARHA), alors responsable des fouilles. Elle fut remontée à la surface pour être désensablée, puis transportée à l’Institut national de la plongée professionnelle (INPP), situé à la Pointe Rouge. Pour limiter sa dégradation, elle fut replacée dans l’eau. Cela fait donc trente ans que l’ancre reposait au fond du bassin de l’INPP, dans l’attente de pouvoir être restaurée et conservée. » Ce sera chose faite en 2013, grâce à une opération de mécénat d’un montant d’environ 11 000 € conduite par la Caisse d’Epargne Provence-Alpes-Corse (CEPAC). Le 14 septembre, l’imposante pièce métallique de 3, 80 m de long et 2, 50 m de large pour une masse de 800 kg fut sortie du bassin en présence du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. La durée de sa restauration est estimée à plus d’un an.
AFFAIRE CAMUS, SUITE... ET FIN ?
Son annulation avait été annoncée en mai 2012. Et puis, le 1 er août, on apprenait que la grande exposition consacrée à Albert Camus aurait bien lieu à Aix en 2013, le philosophe Michel Onfray ayant donné son accord pour en être le commissaire en lieu et place de l’historien Benjamin Stora. Après un mois et demi de polémique, Onfray annonçait toutefois son retrait du projet dans une tribune publiée le 15 septembre dans Le Monde : « (Je) me décide à prendre le large de cette pétaudière où se mélangent les egos surdimensionnés, la chiennerie de la politique politicienne, les pathologies mentales, les intrigues de réseaux, (...) la morgue de l’impuissance universitaire, la niaiserie d’une ministre confondant usage public des crédits et punition idéologique, la veulerie des institutionnels de la culture, (...) sur fond de guerres picrocholines orchestrées par le journalisme parisien... »
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© Julie Nédélec / ESADMM
ÇA OUVRE ! PHOTO ACADEMY
Ce n’est pas une galerie, mais un lieu dédié à « la formation et à la diffusion de la culture photographique », nous dit Marco Barbon, directeur artistique du Percolateur, ouvert depuis le 14 septembre au 67, rue Léon Bourgeois (quartier Longchamp). Avec cette « structure associative qui ne reçoit pas de subvention », l’Italien, lui-même photographe et « théoricien de la photo », souhaite développer un projet reposant sur une série de stages pédagogiques (d’une durée de deux à quatre jours chacun) à destination des professionnels comme des amateurs. La « première saison », du 14 septembre au 28 octobre, comprend sept stages animés par des photographes, éditeurs, commissaires, ou critiques. Durant cette période, le grand public sera convié à assister à des rencontres, tables rondes, projections, et conférences. Ainsi, le 4 octobre, le photographe Bernard Plossu et Arnaud Bizalion (co-directeur des éditions Images en manœuvres) évoqueront les ouvrages qu’ils ont réalisés ensemble, et dévoileront quelques-uns de leurs petits secrets de fabrication.
MAD DE L’ART
C’est l’année de tous les changements pour l’ex-ESBAM, devenue en janvier Ecole supérieure d’art et de design Marseille Méditerranée (ESADMM). Depuis septembre, elle est dotée d’un nouvel espace d’exposition, la Galerie MAD (« Marseille Art Design »). Adieu la Galerie Montgrand donc, où l’Ecole exposait (entre autres) les travaux de ses étudiants depuis 1989 (les propriétaires privés du lieu ont souhaité récupérer les murs), et direction le 30, boulevard Chave, où la MAD s’étend sur trois salles au rez-de-chaussée et trois salles en sous-sol, pour une surface totale de 300 m2. On pourra même passer à 3h du matin et y observer une projection vidéo depuis la rue puisque des vitrines permettent d’ouvrir l’espace sur l’extérieur 24h sur 24. La MAD fut inaugurée le 1er septembre à l’occasion du vernissage de l’exposition de Thierry Mouillé, Méditerrationnel, visible jusqu’au 13 octobre. Elle a, dans la foulée, rejoint le réseau Marseille expos.
RENCONTRES IMPROBABLES
A peine débarquée de Paris, Karima Celestin eut un « coup de cœur » pour un lieu « caché », dans les entrailles du quartier Noailles : 150 m2 en sous-sol, rue Sénac de Meilhan, pour un espace qui n’a rien d’un white cube. « Il est tout en longueur, plein d’irrégularités, et donc beaucoup plus intéressant à exploiter. » Déniché en juin, le lieu deviendra Galerie Karima Celestin dès le 22 septembre, jour du vernissage de l’exposition inaugurale Click Here to Resume qui présentera les travaux de six jeunes artistes avec lesquels elle travaillait déjà dans sa « petite galerie expérimentale du Xe arrondissement de Paris ». Bien qu’ayant un faible pour le dessin, Karima Celestin dit vouloir « promouvoir la collaboration entre artistes pluridisciplinaires et privilégier les rencontres improbables ». Avec humour, elle invite le public à pousser la porte de sa « putain de galerie », en référence à l’une des spécialités de la rue Sénac.
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COUP DE CHAUD POUR LE J1 En 2008, on ambitionnait de faire du J1 le QG de la Capitale européenne de la culture. A l’été 2012, on se rendait compte qu’il ne pourrait pas être utilisé au plus fort des festivités… Par Sandro Piscopo-Reguieg
« L’expérience des Capitales européennes antérieures a révélé l’importance d’un lieu de rendez-vous majeur et dynamique (…) conjuguant expositions, accueil des artistes, information des publics et soirées populaires, comme le Tri postal à Lille en 2004. » C’est ce qu’on peut lire sur le site Internet de la Ville de Marseille à propos du J1, cet immense hangar situé sur les quais du port, entre la Major et la Joliette, présenté depuis 2008 comme le futur « centre névralgique » de la Capitale européenne de la culture. L’aménagement des 6 000 m2 de son second niveau, mis à disposition par le Grand port maritime de Marseille (GPMM), représente un chantier XXL de près de 8,3 M€ (4,4 M€ pris en charge par le GPMM ; 3,9 M€ cofinancés par l’Etat, la Ville, la Région et MP2013). Car il y a de quoi faire : le J1 comprendra d’abord un espace de 2 500 m2 dédié aux grandes expositions, ainsi qu’une salle de conférence, un bar-restaurant, une boutique-librairie, une billetterie, des galeries... Cette « maison de MP2013 » se veut largement ouverte au grand public, notamment les plus jeunes, encouragés à l’investir pour s’initier à la photo ou au dessin, grâce aux nombreux ateliers de pratique artistique censés s’y dérouler toute l’année… Pourtant, durant les vacances d’été, ils trouveront porte close. Il y a quelques semaines, on apprenait en effet que le lieu serait fermé entre le 18 mai et le 11 octobre 2013, soit en plein cœur de la haute saison touristique... Le directeur général adjoint de l’association Marseille-Provence 2013, Ulrich Fuchs, nous répond. 14
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Pourquoi le J1 sera-t-il fermé cinq mois sur douze ? Ulrich Fuchs : Sa fonction principale est d’accueillir deux grandes expositions. La première, sur le thème de la Méditerranée, débutera lors du week-end inaugural de l’année Capitale et se terminera le 18 mai 2013. La seconde, dédiée à Le Corbusier, se déroulera du 11 octobre 2013 à la mi-janvier 2014. Premièrement, il faut savoir que le temps de démontage et de montage, entre ces deux expositions, sera considérable. De plus, de juin à septembre, il fait ici - heureusement ou malheureusement - particulièrement chaud. Nous nous sommes donc posés la question de la climatisation du J1. Mais le faire aurait représenté des coûts énormes. Investir de telles sommes pour un lieu éphémère, sur lequel il n’y a pas de visibilité pour l’après 2013, nous aurait été tout autant reproché. Sans oublier les raisons écologiques… Renoncer à climatiser ce lieu nous a donc paru plus responsable. Ainsi, entre le démontage de la première exposition et le montage de la seconde, nous ne programmerons pas de grand événement au J1. Les ateliers ne pourront pas non plus s’y dérouler durant cette période, la chaleur étant bien trop importante. Mais cela ne veut pas dire qu’il sera complètement fermé. Quand vous êtes-vous rendus compte de ces contraintes ? Il y a trois ou quatre mois (entretien réalisé le 7 septembre,
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J1. Au sol (RDC, 1er étage), il conservera son activité de gare maritime, assurant embarquements et arrivées des passagers venus de toute la Méditerranée. Le second niveau, inutilisé, offre un vaste plateau de 6 000 m2 pour la future « maison de MP2013 ».
« INVESTIR DES SOMMES ÉNORMES POUR LA CLIMATISATION DU J1 NOUS AURAIT ÉTÉ TOUT AUTANT REPROCHÉ »
NDLR), nous avons compris qu’un espace aussi vaste ne pouvait être isolé. Il est vrai que longtemps, nous imaginions pouvoir disposer du J1 durant toute l’année. Mais je crois que l’argent doit davantage être utilisé pour les manifestations culturelles que pour la technique. Surtout lorsqu’il s’agit d’un lieu éphémère. Ce choix ne fut pas facile, il a nécessité de très longues discussions. Cela dit, je comprends les critiques, je ne veux pas défendre cette décision à tout prix. Le J1 est-il une erreur de casting ? En 2008, lors de la phase de candidature, ce lieu était très important. Le J1 illustre parfaitement bien ce projet ouvert sur la Méditerranée. C’est un territoire « hors-territoire », il raconte une histoire, celle de tous ces gens qui arrivent de l’extérieur… Symboliquement, c’est très fort. Dans l’enthousiasme de la candidature et alors que nous disposions d’un budget plus confortable qu’aujourd’hui (le départ de Toulon nous a fait perdre 7 M€), investir ce lieu nous a paru intéressant. Dans ces conditions, allez-vous continuer à présenter le J1 comme la « maison de MP2013 » ? Oui. Le J1 reste pour nous un lieu phare de la Capitale européenne de la culture, surtout pour la première partie de l’année et après la période estivale, à la rentrée. Ça n’a pas changé. 8e art magazine
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ON CRÈCHE À LA FRICHE Une crèche vient d’ouvrir à la Friche la Belle de Mai, lieu d’art et de culture qui ressemble de plus en plus à un vrai quartier… Où l’on a envie de grandir. © Caroline Dutrey
Par Fred Kahn
L
Mini-Friche. Imaginée par l’agence ARM Architecture, la crèche de la Friche accueille 50 mini-frichistes.
L e déficit était criant. Il n’existait que quatre établissements d’accueil pour les 0 à 3 ans dans le troisième arrondissement de Marseille. Il a quand même fallu attendre 12 ans pour que la crèche de la Friche la Belle de Mai voit le jour ! Apparemment, la présence d’un équipement pour la petite enfance dans un espace culturel ne va pas de soi… Pourtant, la Friche, plus qu’un simple lieu de production et de diffusion, s’est toujours revendiquée comme « un morceau de ville » à part entière : ce « projet culturel pour un projet urbain » a très vite accueilli un restaurant, puis un skatepark, un marché paysan, des espaces de jardinage… Et donc, depuis le mois d’avril, une crèche avec 50 berceaux, qui affiche tous les jours complet. Circulation. Le bâtiment se love, comme dans une co-
quille, dans le réservoir d’eau de l’ancienne manufacture des tabacs. La toiture-terrasse offre aux enfants une grande cour avec vue panoramique. Les espaces intérieurs, lumineux et très peu cloisonnés, ont été pensés pour faciliter la mobilité des tout-petits, mais aussi la circulation des bruits, des odeurs, des émotions… Une partie du mobilier a même été commandée au plasticien Mathieu Briand (par le biais du programme Nouveaux commanditaires) : judicieusement intégrés à l’architecture du lieu, des installations, des dispositifs vidéo et numériques, invitent les enfants à jouer avec leur image, à explorer le
monde extérieur ou à entrer en communication avec les autres. Ateliers. Dans la plupart des autres crèches, les bambins ont
droit à un spectacle de temps en temps. Ici le développement des capacités corporelles et sensorielles se trouve au cœur du dispositif pédagogique et social. Le projet a été conçu par le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan, qui considère l’éveil artistique comme un enjeu de société fondamental. On ne sera pas non plus étonné d’apprendre que le Théâtre Massalia (fondateur de la Friche) s’est, lui aussi, très fortement impliqué dans la réalisation de l’équipement. Pour Graziella Végis, à la fois responsable de la programmation du Massalia et vice-présidente de la crèche, ce voisinage représente une « véritable aubaine ». Des artistes vont donc être invités, non pas à passer dans le lieu, mais véritablement à l’habiter. Tous les sens seront convoqués. La vue, l’ouïe, le toucher… et même le goût, (les repas conçus par les Grandes Tables, le restaurant de la Friche, se transforment déjà en « ateliers du goût et des saveurs »). Et comme l’explique Marion Latuillière, la directrice de l’établissement, s’appuyer sur la « richesse interculturelle », c’est aussi améliorer la relation avec les familles : « Nous avons déjà pu bénéficier de cette implication à travers la réalisation, par plusieurs parents, d’ateliers de musique ou d’arts plastiques. Ce n’est qu’un début… » Visiblement, la Friche n’a pas encore fini d’apprendre à grandir. 8e art magazine
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LE MOULIN, QUATRE ANS APRÈS On l’avait presque oublié. Mais en septembre, le Moulin rouvre ses portes après quatre années de travaux. La salle de concert de Saint-Just, désormais dotée d’une capacité d’accueil de 1 500 places, se voit aussi augmentée d’un « Club ». © Nicolas Delpierre
Par SPR
TOUT MARSEILLE AU MOULIN
« Je suis épuisé. On s’est battus en silence, on était vraiment en souffrance… Et puis j’ai fait tellement de BTP ces derniers temps… » Nicolas Christin peut souffler. Désormais incollable sur les questions d’acoustique et de maçonnerie, le directeur de l’association SAAG Le Moulin, qui gère la salle de concert du 13e arrondissement, va enfin pouvoir revenir à son premier métier de programmateur artistique. Car cette fois, c’est sûr : le « Moulin nouveau » célèbre sa réouverture le 28 septembre. Après quatre années passées entre gravats et crises de nerf. BTP. Cinéma de quartier dans les années 50 devenu théâtre
durant les années 80 avant de se positionner dans la foulée sur le créneau des musiques actuelles, le Moulin souffrait d’un défaut de conception originel. « Depuis 1994, on recevait des plaintes car nous générions des nuisances sonores. Dans l’immeuble voisin, trois appartements avaient des murs mitoyens avec notre cage scénique… On était sous la menace d’une fermeture administrative, de très lourds traitements acoustiques pour l’insonorisation du lieu étaient donc nécessaires. » Après plusieurs années d’études et d’expertises, ce n’est qu’en 2008 que démarre le gros des travaux. La salle ferme : pour sauver le Moulin, il fallait étendre le bâtiment vers l’arrière afin de reculer la cage scénique d’une dizaine de mètres et ainsi, l’éloigner des appartements. Ce qui permettait aussi d’agrandir la salle en faisant passer sa capacité d’accueil de 1 200 à 1 500 places. Mais en mars 2010, alors que Nicolas Christin venait d’organiser une visite de presse pour annoncer la réouverture prochaine, c’est la catastrophe : « L’acousticien constate des incohérences. 18
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Son retour, le Moulin le célèbre avec six soirées dédiées à la scène musicale locale : le 3 octobre, c’est « bal psychédélique » avec Oh ! Tiger Mountain ; le 4, place aux métalleux de Eths et Dagoba ; le 6, honneur aux dames avec Andromakers et Oshen ; le 10, c’est « Massilia Balèti » avec les MC de Massilia Sound System ; avant IAM le 12 et l’électro-rock de Nasser le 13. L’insonorisation ne fonctionnait pas. C’était dû aux matériaux utilisés pour construire la nouvelle cage scénique, une erreur de notre fournisseur. A quatre mois de la fin du chantier, on a dû tout stopper. » Pour tout recommencer. Deux nouvelles années de perdues. Mais une fois encore, Christin en profite pour augmenter les capacités du Moulin : la salle de 1 500 places sera doublée d’un « Club » de 350 places, aménagé dans le hall d’entrée. Montée en puissance. Après quatre ans de silence, le patron
du Moulin compte bien inciter publics et artistes à retrouver le chemin du boulevard Perrin. « Jusqu’ici, les tourneurs évitaient Marseille pour privilégier Lyon ou Toulouse. Avec ce super outil, on va faire en sorte que ça change. » Et peut-être de renouer avec la riche histoire d’un lieu ayant vu passer, ces trois dernières décennies, quelques formations légendaires comme Oasis, Sonic Youth, Burning Spear, Jamiroquai, George Clinton… « On aura une montée en puissance progressive car en ce moment, l’équipe est crevée… » Pour le mois d’octobre, Nicolas Christin a donc confié les clés du Moulin à la scène marseillaise… LE MOULIN
47, bd Perrin, Marseille, 3e - 04 91 06 33 94
WWW.
lemoulin.org
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5 BONNES RAISONS
D’ACHETER SON MOLIÈRE… CHEZ LE LIBRAIRE Il y a forcément un libraire près
de chez vous. Cinq bonnes raisons de pousser sa porte… avant qu’il ne baisse son store.
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RÉSISTANCE Sise dans l’enceinte de UN ACTE DE
la Vieille Charité depuis plus de 20 ans, la librairie Regards a définitivement fermé le 31 octobre 2011. Ironie du sort, c’est là que se déroulera cette année le festival Les Littorales, organisé par l’association « Libraires à Marseille », regroupant une vingtaine d’établissements indépendants. Indépendants ? « Vis-à-vis des logiques de profit et de la prescription médiatique », nous dit Roland Alberto, gérant de la librairie L’Odeur du temps et président de l’association. Face aux mastodontes de la grande distribution et de la vente en ligne ; face au « lobby du livre numérique », les libraires indépendants refusent de mourir. Même avec les honneurs.
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ON LIBR A CHACUN S
AIRE Vous voulez tout
savoir sur l’histoire de Marseille au XIXe siècle ? Lire le dernier Cormac McCarthy en V.O. ? Mettre la main sur ce vieux bouquin que vous pensiez perdu, épuisé à tout jamais ? Il est encore possible d’assouvir vos désirs littéraires les plus inavouables. Car derrière chaque librairie, il y a le regard, la singularité, les choix d’un libraire… Qui pourraient bien rejoindre les vôtres : littérature étrangère (Maurel), polar (L’Attrape mots), sciences humaines (Librairie de l’arbre), arts visuels (Le Lièvre de Mars), formes contemporaines (Histoire de l’œil), culture provençale (Jeanne Laffitte)…
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E SOCIÉTÉ Pour rencontrer ses lecUN CHOIX D
teurs, le libraire se doit d’être près d’eux, en centre-ville. « Mais la pression foncière fait que les activités commerciales à faible marge ne peuvent plus suivre, prévient Roland Alberto. Le prix du mètre carré rend le centre-ville inaccessible aux libraires ; celui-ci se transforme en grande surface, on ne voit plus que des franchises. » Défendre la librairie indépendante, c’est donc défendre une certaine idée du centre-ville. Elle contribue à sa diversité, mais aussi à son animation : tables rondes, dédicaces, expositions ; ces commerces culturels de proximité se réinventent sans cesse pour dynamiser leur fréquentation… et leurs quartiers.
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Par SPR
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LLANTS DES AUTOCO TOR Effective depuis le 1er avril, la TVA COLLEC
hausse de la TVA (de 5,5 à 7 %), a bien failli leur être fatale (la marge nette d’un libraire est en moyenne de 1,5 %). Pour la compenser, il a finalement été décidé d’augmenter les prix. C’est donc le client qui paye. « Un livre à 7 € coûte désormais 7,14 €. Les libraires qui ont un système informatique performant on pu modifier leurs prix automatiquement. Pour les autres, ce fut plus difficile… » Ainsi, Roland Alberto a dû coller des pastilles de couleur pour cacher les prix imprimés sur tous ses ouvrages édités avant le 1er avril. Soit des heures et des heures de boulot sur des milliers de bouquins. En clair, la hausse de la TVA n’a pas tué les libraires mais leur a pourri la vie. Dès le 1er janvier 2013, elle retrouvera son taux de 5,5 %...
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UNE AUTRE U’À VIRGIN C’est un lieu de renAMBIANCE Q
contre. Avec des ouvrages, avec des auteurs, avec le libraire… Un lieu où l’on prend son temps. De fouiller, de se perdre, de demander conseil… Et de ramasser la pile de livres que vous venez de faire tomber. Ça fait partie de l’expérience. Roland Alberto, lui, a d’autres arguments : « Chez un libraire, vous ne serez pas agressé par l’œil inquisiteur du vigile, vous n’aurez pas à contourner d’opulentes masses de DVD soldés à 5 €, vous n’aurez pas de mal à trouver un vendeur, et enfin, vous n’aurez pas à attendre dix minutes à la caisse avec en fond sonore des clips de musiques débilisantes. » Vu comme ça…
LES LITTORALES
Du 10 au 14 octobre Centre de la Vieille Charité, Marseille, 2e
WWW.
librairie-paca.com
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CONSO
CONS
COFFRET VINYLE
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FANNY PACCOUD & JEAN-MARC MONTERA GRIM MUSIQUES
Le projet Treize improvisations musicales du guitariste Jean-Marc Montera et de la violoniste Fanny Paccoud sur treize tableaux de treize peintres, tous marseillais : Richard Baquié, Georges Autard, Jean-Jacques Ceccarelli, Pierre Puget, Piotr Klemensiewicz, Jean-Louis Delbès, Lionel Scoccimaro, Bernard Boyer, Alphonse Alt, Gérard Traquandi, Honoré Daumier, Charles Camoin et Pakito Bolino. Génèse « C’est une histoire de rencontres, raconte Jean-Marc Montera. Avec la violoniste et altiste Fanny Paccoud, d’abord. Mais aussi avec les peintres présents sur le disque, ce sont tous des amis. Sauf, bien sûr, Puget, Camoin et Daumier, qui ont été proposés par Fanny. Elle ne vient pas du monde de l’expérimental mais du baroque, elle a donc une culture classique. Cela nous a permis de faire un choix plus large, de sortir de l’hyper-contemporain, du modernisme à tout prix. » Mais comment une musicienne baroque peut-elle se mettre au diapason du pape de l’impro ? « Je crois qu’il y a des passerelles entre ces deux univers, poursuit Montera. Les baroques travaillent dans un esprit proche de l’improvisation… Et puis Fanny s’était déjà frotté à plusieurs projets de musique contemporaine. » Modus operandi Ces 13 impros ont été enregistrées en trois jours dans les studios du GRIM, dirigé par le même Montera. « Nous avons commencé par choisir les treize tableaux ensemble. Il fallait absolument qu’on soit d’accord tous les deux, que ça nous parle, que ça nous inspire. Ensuite, nous n’avions plus qu’à nous laisser embarquer par la sensibilité du peintre… » Les toiles n’étaient pas utilisées comme des partitions graphiques, mais plutôt comme des supports prétextes à l’improvisation afin de « créer un autre discours venant se poser à côté du discours préexistant ». Le résultat ? Une « exposition sonore » en treize étapes, treize titres d’impro pure et d’expérimentation radicale.
L’objet Pas de CD, mais un coffret vinyle. « En premier lieu, pour la qualité du son ! » Les acquéreurs auront toutefois la possibilité de télécharger les titres de l’album en format numérique. Le coffret, superbe, contient un portfolio des treize tableaux reproduits en quadrichromie ainsi que des textes. De la conception graphique à la confection en passant par l’impression, l’objet a entièrement été réalisé à Marseille. Et là, pas de place pour l’impro…
Sortie : septembre 2012 (40 €)
WWW.
grim-marseille.com
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CD
ARE YOU KANTATIK ?
MEKANIK KANTATIK (Kantatik Musik / Rue Stendhal)
« Mekanik Kantatik est un chanteur de variétés ! », nous disait Nicolas Cante il y a quelques mois, avant la sortie de ce second opus. Il exagérait à peine. Connu pour son sens de l’improvisation et son goût pour l’expérimentation, le pianiste aixois s’est aujourd’hui engagé sur la voie d’une électro-pop festive et abordable… Mais toujours fondamentalement déjantée. En douze morceaux aux refrains imparables sur fond de piano groovy, Cante apporte la preuve qu’il sait être un songwriter hors-pair. Mekanik Kantatik à la radio ? On exagère à peine…
LIVRE
ROAD MOVIES MARC ROSMINI (Images en manœuvres)
Après l’art contemporain et la cuisine, Marc Rosmini s’attaque au cinéma ou, plus précisément, au road movie. Loin de chercher à théoriser ou circonscrire le genre, le philosophe marseillais préfère semer des pensées, des impressions, des références ou des anecdotes. Sa méthode, procédant par touches, assemble des textes-images à la manière du montage cinématographique. Chacun des « 227 fragments » qui composent cet essai apparaît comme un photogramme, un récit qui, associé à un autre, éclaire d’un nouveau sens la nature cinématographique du road movie. Trente-huit autres images – photographiques – de Bernard Plossu, viennent compléter cette somme. Puisées dans les archives personnelles du photographe voyageur, elles ont leur propre histoire et ouvrent d’autres pistes. Etrangement familières, elles résonnent en nous comme le souvenir de quelque film ou voyage oublié. Un voyage dans la géographie intime du cinéma. LIVRE CD
FULL SWING RIDDIM DUB AKOM BAND (Akom Records)
Pour ce nouveau projet, le backing band (et label) marseillais est une fois encore parvenu à attirer quelques grands noms de la scène dancehall et new roots internationale : Konshens, Beenie Man, Turbulence, Jah Mason, Lukie D… Une quinzaine d’artistes jamaïcains se mesurent à ce Full Swing Riddim, taillé pour les clubs.
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CARNETS DE VOYAGES TOME VII JULIEN BLAINE (Al Dante)
Ceci n’est pas un carnet de voyages. C’est un bouquin de Julien Blaine. Le poète y rapporte, à sa façon, ses récentes pérégrinations au quatre coins du monde (Cambodge, Suède, Sénégal, Bretagne...), sur les traces d’une langue originelle « qui remonterait aux racines du verbe, hors de toute révélation divine ». Collectant partout signes et symboles, il les rassemble et les retraite au sein, non pas d’un recueil poétique, mais d’un « réservoir des possibles de la langue dans tous ses états »…
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TÉTRODON
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Marseille, 2004
BERNARD PLOSSU
L’ÉVÉNEMENT
BERNARD PLOSSU
BERNARD PLOSSU
LE VOYAGE EN PROVENCE Rendu célèbre par son Voyage au Mexique et ses photographies de la Beat Generation, Bernard Plossu vit depuis vingt ans dans les environs de Marseille. Cet automne, la Vieille Charité et le musée Granet s’associent pour présenter plus de 350 images, en majorité inédites, réalisées par le photographe lors de ses déambulations à Marseille et ses randonnées sur la SainteVictoire. Ces deux rétrospectives présentent la région sous un jour inédit : le regard nuancé d’un infatigable marcheur.
‘‘ © Bernard Plossu
Par Emmanuelle Gall
« Un chef-d’œuvre ! » Sourire aux lèvres, Bernard Plossu désigne ainsi son bureau, dans lequel il est le seul à pouvoir s’orienter, entre les piles de livres et les boîtes de photos. Même savant désordre dans l’annexe construite pour abriter ses archives : quarante-sept années de photographie, aux quatre coins du monde. Dans le salon et la cuisine, chaque objet, carte postale, ou œuvre d’art, correspond à un souvenir : de la « Turbotraction » de Spirou aux mobiles de Patrick Sainton, en passant par les aquarelles réalistes de ses amis espagnols, le portrait du grand-père anarchiste, la toile peinte par sa fille, ou les photographies de Françoise Nunez, sa compagne. Ils ont choisi ensemble de poser leurs valises dans cette maison art déco en 1992. Vingt ans ! C’est un record dans la vie du photographe né en 1945 au Vietnam, qui a vécu à Paris, au Mexique, en Californie, puis sur les plateaux du NouveauMexique, et enfin dans la région d’Almería, en Espagne. Sa maison témoigne de toutes ces tranches de vie, comme de ses voyages en Inde ou en Afrique. Elle abrite aussi le laboratoire où Françoise tire une bonne partie des photographies prises par Bernard dans la région. Innombrables et très diverses, parfois motivées par des commandes, elles possèdent pourtant un dénominateur commun. Leur auteur travaille le plus souvent en noir et blanc, avec un Nikkormat équipé d’un objectif 50 mm. C’est le sceau de Bernard Plossu, une question de moyens et de philosophie. « Le Nikkormat, c’est parce que quand j’étais plus jeune, je préférais acheter des billets d’avion plutôt qu’un Leica. Et le 50, c’est comme une machine à écrire, ou la caméra à l’épaule de Raoul Coutard dans les films de Godard et Truffaut. » Proche de la vision humaine, cette focale produit des images à l’opposé du téléobjectif ou du grand angle : des images « justes », 8e art magazine
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BERNARD PLOSSU
très éloignées des clichés touristiques ou médiatiques. Ainsi, le Marseille et la Sainte-Victoire de Plossu, respectivement exposés à la Vieille Charité et au musée Granet, ne vont pas manquer de surprendre. Nuances. Une ville grise, plutôt que noire et blanche, sou-
vent pluvieuse ou brumeuse, intemporelle, et sans repères évidents. Telle apparaît Marseille dans plusieurs dizaines de petits formats inédits exposés à la Vieille Charité. Une vision toute en nuances et en intériorité, parfois abstraite, jamais spectaculaire. « Que vont penser les Marseillais de ces images ? » Bernard Plossu ne cache pas son inquiétude, comme s’il exposait ici pour la première fois. Il a pourtant déjà été invité par la plupart des institutions locales (Archives départementales, Galerie du Conseil général, FRAC…), mais jamais pour montrer une telle somme, ni ces images-là. Les cimaises de la Vieille Charité présentent également des extraits de séries déjà connues (Marseille en autobus, L’Archipel de Riou, Religions et superstitions, Train de lumière…) ainsi que l’entourage de Bernard Plossu. L’écrivain Jean-Claude Izzo, en tête, auquel il a tenu à réserver une place de choix. « Mais aussi Bitton, Sainton, Viton et Giraudon, mes amis à Marseille. » Le créateur des riches heures du Café parisien, le plasticien et le couple d’écrivains ont chacun droit à leur série : peu de portraits, mais des silhouettes, des objets, qui racontent leur histoire commune. Sensuel. L’autre compagne de route du photographe, c’est
la Sainte-Victoire, que Bernard Plossu a tenu à rebaptiser la « Montagne blanche ». « Je déteste ces deux mots “sainte” et “victoire”, responsables de tant de morts. Je préfère “Montagne blanche”, parce que c’est sa couleur, et parce qu’on est obligé de porter des lunettes de soleil pour marcher là-bas. Et puis, c’est un clin d’œil au Black Mountain College que j’aime tant... » Quand il s’est fixé dans la région, le photographe voyageur n’a pas pour autant cessé de marcher. Son attrait pour la SainteVictoire est plus sensuel qu’intellectuel, les 107 petits formats exposés au musée Granet l’attestent. Bernard Plossu, qui se sent plus proche de Bonnard que de Cézanne, n’est pas obsédé par la Sainte-Victoire, il aime la montagne, en général, depuis son enfance. C’est son père, un Dauphinois ami de Frison-Roche, qui l’a initié à la randonnée - et lui a offert son premier appareil photo. À l’heure où il a renoncé à parcourir le monde, Bernard Plossu marche encore et toujours, dans la région et en Italie, le pays de ses origines maternelles - où il dit se sentir chez lui. Curieuse déclaration dans la bouche de celui que l’on perçoit davantage comme un éternel étranger, capable de porter un regard neuf et, à certains égards, innocent sur les territoires qu’il photographie. À 67 ans, l’œil de Bernard Plossu est, dans le même temps, riche de tous les paysages qu’il a embrassés. Un photographe voyageur, le contraire d’un peintre local. 30
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« JE DÉTESTE CES DEUX MOTS “SAINTE” ET “VICTOIRE”, RESPONSABLES DE TANT DE MORTS. JE PRÉFÈRE “MONTAGNE BLANCHE”, PARCE QUE C’EST SA COULEUR »
UNE SAISON PLOSSU
Cet automne, le photographe est à l’affiche de cinq lieux. MARSEILLE / PLOSSU,
230 photographies inédites et des extraits des commandes publiques réalisées à Marseille entre 1991 et 2011 (Marseille en autobus, Train de Lumière, Religions et superstitions, L’Archipel du Riou). Centre de la Vieille Charité Du 13 octobre au 16 décembre LA MONTAGNE BLANCHE
107 photographies sur le thème de la Sainte-Victoire, offerts au musée par Bernard Plossu et la Fondation Almayuda. Musée Granet Du 13 octobre au 16 décembre
EUROMÉDITERRANÉE 2002-2009
Deux séries de photographies du port autonome, commandées par le Fonds communal d’art contemporain autour du programme Euroméditerranée. Sont également exposées les photographies réalisées dans le même contexte par 11 photographes, dont Antoine D’Agata, Brigitte Bauer, Denis Darzacq et Mimmo Jodice. Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille Du 14 septembre au 3 novembre MONTAG(N)ES
Douze grands montages (associant des photographies prises lors de diverses randonnées) exposés au Centre Pompidou lors de l’exposition Les Nouveaux promeneurs solitaires en 1990. La Non-Maison, micro centre d’art Du 12 octobre au 15 décembre BERNARD PLOSSU
Sept grands formats horizontaux (120 x 180 cm) sur le thème des trains. Gare Saint-Charles, salle Arthur Rimbaud Du 12 octobre au 15 décembre
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Musée Granet CPA © Bernard Plossu
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La Sainte-Victoire, 1996
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BERNARD PLOSSU
PORTFOLIO
CARTE BLANCHE À PLOSSU
Le photographe a ouvert ses archives personnelles et y a puisé, pour 8e art, les images d’un mini-album de ses années dans la région.
« La voilà, la Montagne blanche, cette sacrée (!) Sainte-Victoire comme on l’appelle... Blanche, hurlante, difficile, pas amicale, éclatante. Preneuse de mistral ! Pas romantique du tout ! Vive Soutine au Cannet, ça c’est le sud ! Et vive Granet, un des pères de la photographie, si si ! »
« Plein de très bons artistes vivent dans cette région : les connaître m’a tellement aidé à aimer être ici. De haut en bas, Patrick Sainton à Marseille, Solange Triger à Toulon, Claude Clément à La Ciotat. »
« Deux photos faites avec un petit Agfamatic en plastoc ! Celle du type qui traverse le Vieux-Port m’a fait penser tout de suite à… Blaise Cendrars ! L’autre, en dessous, est une preuve de la constante ABSTRACTION visuelle de Marseille : tout le temps. »
« Depuis les hauteurs de La Ciotat, là ou se niche la maison de Michel Simon, un vol d’oiseaux passe au-dessus des chantiers navals ! Par chance ? La chance du photographe est d’être tout simplement présent quand elle passe par là… »
L’ENTRETIEN
ANGELIN PRELJOCAJ
ANGELIN
PRELJOCAJ
‘‘ LA DANSE PURE EST UN DÉFI ’’
Cette saison, Preljocaj est sur tous les fronts. Sa nouvelle création Ce que j’appelle oubli, sera à peine présentée à la Biennale de Lyon que déjà, le chorégraphe devra se plonger dans l’Orient « fantasmé » des Milles et une nuits… Rencontre. Propos recueillis par Sandro Piscopo-Reguieg
Votre nouvelle création, Ce que j’appelle oubli, est l’adaptation d’un ouvrage de Laurent Mauvignier. Pourquoi vous être arrêté sur cette histoire ? Ce texte est tiré d’un fait divers : dans un supermarché, un marginal a ouvert une canette de bière, a commencé à la boire, mais s’est fait attrapé par des vigiles qui l’ont amené à l’arrière du magasin et l’ont tabassé à mort. Le texte de Laurent Mauvignier tient en une seule phrase, une longue phrase de plus de 60 pages. Qui raconte les faits et qui pose des questions. Des questions qui ont aussi été soulevées lors du procès de ces vigiles : le procureur disait ainsi qu’un homme ne pouvait mourir pour si peu. Qu’il était injuste de mourir à cause d’une canette de bière. Alors que faut-il ? Deux canettes ? Un pack ? Un caddie entier ? Au bout du compte, la question est cocasse, dramatique. Il ne s’agit pas de votre premier « essai littéraire »… En 2009, j’avais fait Le Funambule, d’après le texte éponyme de Jean Genet. C’était un solo dans lequel je m’étais moi-même mis en scène. Cette fois, je voulais renouveler l’expérience avec plusieurs danseurs. Afin de recreuser la relation entre le texte et le mouvement, entre la littérature et la danse. Et voir comment tout cela pouvait s’articuler pour égréner une émotion. Quand on a un texte porteur d’un sens assez fléché par les mots, c’est très différent de travailler sur la danse pure. Il faut trouver une cohérence totalement arbitraire… C’est un défi ? Je dirais que c’est la danse pure qui est un défi. Parce qu’il faut donner du sens, une dramaturgie, à quelque chose qui, a priori, est ouvert. Et en même temps, le texte vous porte car il porte un sens. Et est lui-même porté par le sens. Alors comment incarner un texte ? Comment donner corps, avec le corps des danseurs, à l’émotion d’un texte ? Je crois que la danse peut dire à travers les mots ce qu’il y a derrière les mots. 36
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Dans ce cas, pourquoi faire intervenir un comédien-narrateur dans ce spectacle ? Ce n’est pas tellement l’anecdote racontée dans le texte qui m’intéresse. C’est la littérature. Le rapport avec les mots, la chair des mots. Et puis l’écriture. Il s’agit de trouver chez l’auteur, en l’occurrence, Laurent Mauvignier, sa spécificité, comme je l’ai fait avec Jean Genet. Quelle est sa façon d’articuler les mots ? Quel est leur rythme intérieur ? Quelle est la musique intérieure de l’auteur ? Le texte devient comme une musique. Comme si on dansait sur Le Sacre du printemps ! Peut-on parler d’un spectacle politique ? En effet, la dimension politique, sociale, est présente. Il est question d’un marginal qui va dans un centre commercial. D’ailleurs, c’est drôle : « marginal » et « centre », deux mots antagonistes. Comme si lorsque la marge allait vers le centre, cela devenait explosif… La question de l’abus de pouvoir est très présente dans nos sociétés. Ce qui est terrible, c’est que ces quatre vigiles sont presque aussi marginaux que leur victime. Où se placent-ils pour, à un moment, décider de frapper cet homme, le tabasser à mort ? Cela pose aussi la question des phénomènes d’entraînement. Ces gens étaient certainement de braves types, mais dans cette catharsis-là, cette mécanique-là, ils se sont fait embarquer dans une chose abominable, barbare. Helikopter, repris à La Criée en novembre, est quant à lui né d’un « choc » musical… C’est un projet très étrange. J’ai découvert cette œuvre de Stockhausen un peu par hasard. C’est une musique absolument inouïe où le son de turbines d’hélicoptère s’entrelace avec celui d’instruments traditionnels. Stockhausen arrive à tresser ça de façon absolument éblouissante. Les glissendi de violons et les stridences des turbines créent ensemble une atmosphère incroyable. En même temps, il y a quelque chose de terrassant, de tellurique, qui semble d’emblée miner toute
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ANGELIN PRELJOCAJ
© JC Carbonne
« COMMENT DONNER CORPS, AVEC LE CORPS DES DANSEURS, À L’ÉMOTION D’UN TEXTE ? »
tentative d’élévation. Au départ, j’ai eu très peur. Je me suis dit qu’il était hors de question de faire quelque chose là-dessus. Comme si vous écriviez une structure de danse et puis, lorsque vous mettez la musique, ça lamine tout. J’avais cette hantise… Mais je me suis dit qu’il fallait le faire. Comme le disait Spinoza dans L’Ethique : « Que peut le corps ? » C’est-à-dire, comme la masse des planètes finit par incurver l’espace, quelle est la capacité du corps à incurver le réel ? Comment le corps peut déformer les choses ? Et comment la danse va-t-elle résister - comme un métal qui résiste à des pressions, à des températures -, à ce traitement de Stockhausen ? On est dans le champ des lois physiques, finalement : le poids, la résistance de l’air, l’espace, la connexion des corps…
Au printemps 2013, vous présenterez Les Mille et une nuits, une création que vous qualifiez déjà de « fantasmatique »… L’Orient peut être un fantasme. On l’a d’ailleurs bien vu avec les peintres orientalistes de la fin du XIXe siècle. Mais aujourd’hui encore subsiste ce fantasme de « l’Orient des lumières ». Celui de l’époque d’Averroès, caractérisé par une certaine renaissance culturelle. Depuis, les choses ont changé. Mais Rome a eu sa décadence, la Grèce aussi… Ne sommes-nous pas nous-mêmes en période de décadence ? Je crois que tout est affaire de cycles. Les Mille et une nuit, pour moi, c’est faire référence à une période antérieure. Quand on était en phase avec les sens. A cette époque-là, les cinq sens étaient comme des portes ouvertes sur le monde. C’est ce que j’ai envie de restituer.
Pour vous, l’érotisme est sous-jacent à la danse… La danse est évidemment l’art du corps. Ainsi, d’une manière ou d’une autre, l’érotisme peut sourdre à travers une chorégraphie, même la plus abstraite qui soit. J’imagine que tout spectateur a fait l’expérience de saisir des moments d’érotisme, comme quelque chose qu’on vole, qu’on subtilise à la création elle-même. C’est un champ que j’ai envie de développer dans Les Mille et une nuits. Vous avez l’habitude d’effectuer un important travail de documentation lorsque vous préparez un projet. Dans quelles directions vont vos recherches cette fois ? J’ai quasiment lu entièrement Les Mille et une nuits, en m’intéressant aussi aux différentes traductions, aux différentes variantes. Car cela peut jouer dans l’interprétation de ces textes. En termes de peinture, je me suis évidemment beau8e art magazine
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© JC Carbonne
L’ENTRETIEN
« TOUT SPECTATEUR A FAIT L’EXPÉRIENCE DE SAISIR DES MOMENTS D’ÉROTISME, COMME QUELQUE CHOSE QU’ON VOLE, QU’ON SUBTILISE À LA CRÉATION ELLE-MÊME » coup intéressé aux orientalistes. Et à des auteurs, notamment anglais, qui ont écrit des récits fantasmés sur l’Orient. Il y a aussi des visions psychanalytiques sur la situation de la femme dans Les Mille et une nuits : elle est au cœur du dispositif, elle est l’emblème de la libération, de l’ouverture, de l’intelligence… Mais elle peut aussi comploter, manipuler… Dans Les Mille et une nuits, la femme est multiple. Les décors et costumes seront inspirés des œuvres orientalistes ? Il y aura en effet les éléments, je dirais même les ornements, de l’orientalisme… Mais il y a aussi la possibilité de projeter l’Orient dans un futur… Dans les décors et costumes, ça peut jouer énormément. Etre à la fois dans les racines - l’Orient « des lumières » -, mais aussi dans un Orient à venir. Le cycle aurait changé, la roue aurait tourné… Mais il est encore trop tôt pour en parler. Pour l’instant, ce ne sont que des pistes… En 2013, Macha Makeïeff présentera Ali Baba à La Criée. Une thématique assez proche de la vôtre… J’aime beaucoup Macha, nous avons des rapports très complices. Mon projet est d’ailleurs venu d’une discussion que nous avons eue ensemble. On réfléchissait à 2013, et l’idée a germé dans nos têtes presque en même temps ! Elle pensait à Ali Baba et moi aux Mille et une nuits. Tout cela est très cohérent avec la thématique de Marseille-Provence 2013. En mai 2013, le Grand Théâtre de Provence accueillera Royaume Uni, créé en février 2012 au festival Suresnes cité danse. Il s’agit là de votre première confrontation à la danse hip-hop. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Pendant un moment, lorsqu’on me proposait des collaborations avec des danseurs de hip-hop, j’hésitais. Beaucoup de chorégraphes contemporains se contentent de faire un copiercoller de ce qu’on peut voir habituellement dans le hip-hop ; et réunir une dizaine de danseurs, leur dire « faîtes-moi voir ce que vous savez faire », puis organiser tout ça, je ne voyais pas l’intérêt. Entre temps, j’ai changé d’avis. Notamment grâce au travail d’Olivier Meyer qui a créé le festival Suresnes cité danse, et a vraiment initié une dynamique autour de la création en hip-hop. Lorsqu’il m’a proposé de participer à son festival, j’ai donc accepté. Il a organisé une audition pour moi avec 80 38
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Ce que j’appelle oubli. Un homme tabassé à mort… Pour une canette de bière.
danseurs, parmi lesquels il y avait une quinzaine de filles. J’ai tout de suite été estomaqué par la présence, l’énergie de ces femmes qui luttent avec leur corps dans un milieu qui reste finalement très masculin. J’en ai retenu quatre avec lesquelles j’ai fait Royaume Uni. Ce « royaume uni », c’est l’union de deux tendances, deux courants de la danse. Quand on regarde le spectacle, ça ne ressemble pas à du hip-hop. Et ce n’est pas tout à fait moi non plus. C’est quelque chose de l’ordre de l’échange. Ce sont des énergies qui se retrouvent. Du coup, on ne reconnaît ni l’un ni l’autre. Pour moi, ça n’avait de sens que si on arrivait à ce résultat.
CE QUE J’APPELLE OUBLI
Du 15 au 21 septembre 2012 Théâtre des Célestins, Lyon (7-35 €) Du 15 au 22 janvier 2013 Pavillon Noir, Aix-en-Provence (10-25 €)
WWW.
preljocaj.org
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MOTIVÉ
FABIEN RUGI
LE FILS DU MERLAN Un petit creux durant un festival ? Et si, au lieu des éternels paninis et kebabs, on se tournait vers des gourmandises à base de poisson ? C’est le pari de Fabien Rugi : à Marsatac et à la Fiesta des suds, il deale ses « fishe n’ ships marseillais ». Par Sandro Piscopo-Reguieg
Du Tub à la Boîte. Fabien Rugi n’est ni restaurateur, ni
cuisinier. « Je suis poissonnier, je le revendique. Mais j’ai 37 ans, le métier évolue, j’aimerais donner un coup de jeune à l’image du poisson. » Quand il n’est pas sur les festivals avec son Tub, il retourne dans sa Boîte à Sardines, petite « poissonnerie de quartier où l’on peut boire et manger », ouverte depuis fin 2006 sur le boulevard de la Libération. Ici, coquillages et poissons sont garantis « 100 % méditerranéens ! Jamais d’Atlantique, jamais d’élevage, tous sauvages ! » C’est la discrète Céline qui assure en cuisine. Pendant ce temps, 40
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© Joël Assuied
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A la Fiesta, impossible de le rater. Son stand ? Un camion Citroën Tub, tout récemment retapé. Là, Fabien Rugi est en représentation. Il sert un client, tchatche avec un autre, gesticule, va à droite, à gauche… Il occupe tout l’espace. Et lorsque ce grand escogriffe commence à parler de sa dernière trouvaille, attention, attention, le spectacle commence. Et avec l’accent. « Le fish and chips, à Londres, c’est aiglefin, frites et vinaigre blanc. Nous, on a inventé le ‘‘fishe n’ ships marseillais’’ (sic) ! Avec poisson de saison (merlan ou rouget), panisses et aïoli. Le tout dans un cornet, car ça reste de la street food. Au lieu de prendre un donner kebab, que la viande tu sais pas d’où elle vient, tu préfères pas un merlan de chez nous ? » L’idée n’est pas si anecdotique. Les « cultureux », comme il les appelle, le savent bien : « Sur les festivals, entre sandwiches et pizzas, les gens en ont marre de manger toujours la même chose ! Et franchement, parfois, c’est scandaleux ! Au Festival de La Roque d’Anthéron, ils vendent des sandwiches industriels Daunat… Comme à la pompe à essence ! » Alors cet automne, à la Fiesta des suds comme à Marsatac, le festivalier affamé pourra faire l’expérience du fameux « fishe n’ ships marseillais », ou bien oser huitres, anchois, calamars frits… Même à deux heures du matin. Pour Fabien Rugi, c’est ça aussi, la culture. « Le public des festivals est plutôt ouvert. Alors pourquoi il n’en profiterait pas pour découvrir la culture culinaire ? »
Fabien enfile son tablier, bombe le torse et force le trait, pour jouer, le verbe haut, au « patron marseillais ». Ou plutôt, au poissonnier. Et pas seulement pour les touristes, car le lieu a aussi ses habitués. Alors qu’on se le dise : bientôt, la Boîte à sardines se délocalise… sur le trottoir d’en face, dans l’ancien « Taxi bar », « pas plus grand, mais bien mieux placé ». On espère que ce sera l’occasion de réactiver les mythiques soirées « Du son, du poisson », qui avaient vu, il y a deux ans, quelques Djs transformer la poissonnerie de Rugi en
« COMMENT ÇA SE FAIT QUE J’AI FINI AVEC LES CULTUREUX ? NORMALEMENT, JE DEVRAIS ÊTRE DEVANT LE VÉLODROME ! »
dancefloor gastronomique pour un mix improbable entre électro, tapas et coquillages. Du Merlan au Mucem. « Parfois, je me pose la question :
comment ça se fait que j’ai fini avec les cultureux ? Normalement, je devrais être devant le Vélodrome ! » Originaire de Sainte-Marthe, ce poissonnier un peu comédien sur les bords est aussi un enfant du Théâtre du Merlan (ça ne s’invente pas). « J’ai découvert le monde de la culture grâce à eux, ils faisaient des prix pour les minots du collège. Le théâtre, pour moi, c’était magique. » Comme un clin d’œil du destin, il est en charge de l’espace restauration de ce même lieu depuis 2008. « Quand j’ai ouvert la Boîte à sardines, le directeur adjoint du Merlan, qui passait par là, est venu me brancher par hasard. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec les cultureux : on était les seuls à proposer des huitres durant les spectacles ! On est d’ailleurs toujours les seuls à apporter à la culture, la mer. » Alors évidemment, en 2013, il sera de la partie. Et pas seulement avec ses « fishe n’ ships ». « Je serai dans un spectacle du GDRA, une compagnie qui fait le portrait de vrais gens. Sur scène, une vidéo me montrera en train de présenter un objet qui me tient à cœur… » Au moment où il nous parle de ce projet, il reçoit un courriel sur son smartphone. « C’est le Mucem, qui me propose de participer à une campagne de communication. Ils vont faire des affiches avec des photos de gens représentatifs de certains corps de métiers, et apparemment, je serai l’un d’eux. » Alors qu’il imagine sa tête en 4 x 3 dans tout Marseille, le poissonnier fait un peu moins le malin. Il paraît presque sur la réserve. « Tu crois pas que je vais me faire brancher ? Mais c’est rigolo quand même… Dire que tout ça, on l’a fait avec une petite poissonnerie de quartier ! »
LA BOÎTE À SARDINES
2, Bd de la Libération, Marseille, 1er
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laboiteasardine.com
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LE SPOT
ESPACECULTURE
ESPACECULTURE
UNE VITRINE AUX MULTIPLES REFLETS A Marseille, « Espaceculture » est aujourd’hui incontournable. Il faut dire qu’avec un avocat très influent pour président, les intérêts de cette association sont particulièrement bien défendus. Par Fred Kahn
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Même si vous n’êtes pas amateur de culture, vous avez forcément dû remarquer cet ancien hôtel particulier posé en plein cœur de La Canebière, à l’angle du cours Saint-Louis. Espaceculture jouit en effet d’un emplacement stratégique, servi par une architecture rappelant la glorieuse Marseille du XIXe siècle. Vous êtes certainement déjà passé devant ces grandes vitrines mises à la disposition des associations culturelles marseillaises afin de promouvoir leurs manifestations : à chaque événement, l’agencement change et l’œil est immanquablement attiré par le jeu des affiches, des textes, ou des images en mouvement… Et puis, il y a de grandes chances que vous soyez un jour entré dans ce lieu pour prendre connaissance de l’actualité culturelle de la région, pour visiter l’exposition du premier étage, pour assister à une rencontre… Ou encore pour acheter un billet de concert ou de théâtre, car ici, la billetterie propose des places aux meilleurs prix. Peut-être avez vous également profité du « billet du dernier jour » qui donne accès à une location à tarif réduit. A moins que, fan de l’OM, vous ayez bénéficié de l’opération « Lever de rideau » (qui couple une place de spectacle et un match au stade Vélodrome), ou, sur le même principe, du dispositif « Jazz et pétanque » (une double entrée pour le festival Jazz des cinq continents et pour le Mondial de pétanque). Et même si vous n’avez jamais mis les pieds à Espaceculture, n’avez-vous jamais eu entre les mains « In Situ », l’agenda culturel gratuit tiré à 17 000 exemplaires ? Cette association est également l’une des initiatrices de la Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée (réseau d’accompagnement des artistes émergents de cette partie du monde). Aussi, elle produit et organise les Rencontres d’Averroès « qui permettent de penser la Méditerranée des deux rives ». Sans parler de toutes les actions menées en direction des professionnels : Espaceculture accueille des conférences de presse, ou accompagne la communication de certains projets. Il propose aussi une assistance logistique et technique ainsi qu’un cycle de formation et d’information « Droit & culture »…
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« SI ESPACECULTURE ÉTAIT L’UN DES BRAS DE SHIVA DE LA VILLE, CROYEZMOI, IL AURAIT BEAU TENDRE LA MAIN, IL NE RECEVRAIT RIEN EN RETOUR » BERNARD JACQUIER
L’ami du maire. Pas facile donc, de trouver des détracteurs.
Alors faute d’accusation, nous avons interrogé le meilleur défenseur des intérêts de la structure : son président, Bernard Jacquier. Un avocat influent qui n’a jamais caché sa proximité avec le pouvoir en place. Cette présidence honorifique, il la doit d’ailleurs au maire de Marseille. « Je suis en effet l’avocat de Jean-Claude Gaudin, mais, plus encore, je suis fier de compter parmi ses amis. Et quand un ami vous demande d’assumer une responsabilité, vous ne pouvez pas refuser. » Avec un humour pince-sans-rire, Bernard Jacquier résume ainsi sa « charge » de président : « L’équipe d’Espaceculture est vraiment compétente et ne commet pas d’erreur. Il n’empêche, de temps en temps, il y a des emmerdements à gérer. Et il paraît que je suis assez bon dans cet exercice-là. » Est-ce à dire qu’Espaceculture est inféodé à la municipalité ? Le président balaie tout soupçon d’assujettissement : « La Communauté urbaine, le Conseil général, et la Région aident aussi les projets que nous développons. » Effectivement, la Biennale des jeunes créateurs de l’Europe et de la Méditerrané et les Rencontres d’Averroès reçoivent le soutien des collectivités territoriales. L’avocat poursuit sa démonstration avec une figure de rhétorique particulièrement parlante : « Si cet équipement était l’un des bras de Shiva de la Ville, croyez-moi, il aurait beau tendre la main, il ne recevrait rien en retour. » Il y a belle lurette qu’Espaceculture a rompu tout lien organique avec la mairie. Certes, à son origine, cette structure, alors « Office de la culture », était « para-municipale ». Elle a réellement pris son essor à la fin des années 80, au mo-
© Laurence Fillon
ment où la culture devenait une priorité pour Marseille. En quelques années, les subventions aux associations culturelles ont doublé deux fois ! On a alors commencé à parler de « movida » marseillaise... Entre temps, et pour plus de clarté dans les comptes des villes, les associations paramunicipales ont été dissoutes. Le changement aurait pu être fatal. Devenu autonome, l’équipement de la Canebière devait prouver son utilité. Jusqu’à preuve du contraire, le contrat a été rempli.
ESPACECULTURE
42, La Canebière, Marseille, 1er 04 96 11 04 60
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espaceculture.net
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ACTORAL
EDOUARD LEVÉ AU MAC
ACTORAL
EDOUARD LEVÉ, ARTISTE SANS ÉTIQUETTE Mort jeune, Edouard Levé ne sera jamais vieux, pourrait-on dire en le paraphrasant. Cinq ans après son suicide, l’œuvre de cet écrivain, photographe et performeur n’a rien perdu de son acuité ni de son actualité. C’est le pari que tiennent, ensemble, le festival Actoral et le Mac de Marseille, en proposant une manifestation multiple, à l’image de l’inclassable joueur.
I
Par Emmanuelle Gall
Invité par Actoral en 2004, Edouard Levé avait proposé une rie Loevenbruck et quelques performances : ainsi se résume lecture performée : l’énumération de quelques-unes des 533 la brève carrière d’Edouard Levé, débutée au tournant du « œuvres dont l’auteur a eu l’idée, mais qu’il n’a pas réali- siècle. Un peu plus tôt, si l’on comptabilise les peintures qu’il sées » recensées dans Œuvres, son premier livre publié en a choisi de détruire après avoir renoncé à la carrière com2002. Quelle aurait été sa participation cette année ? On merciale qui s’ouvrait à lui en sortant de l’ESSEC. Aucune peut toujours spéculer. En vain, Edouard Levé s’est pendu « carrière » ne semble d’ailleurs convenir à celui qui écrit : le 15 octobre 2007, quelques jours après avoir déposé chez « je m’efforce d’être un spécialiste de moi-même ». Son œuvre son éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L.), son dernier littéraire elle-même ne saurait être cataloguée. Avec Œuvres, manuscrit : Suicide. Un geste qui, en son temps, défraya la Journal, Autoportrait, Fictions et Suicide, Edouard Levé s’est chronique (littéraire) et continue de conditionner le regard essayé à tous les genres. Souvent décrit comme l’héritier de porté sur cet artiste complexe. « L’ombre de ce grand arbre noir cache désormais la forêt que fut ta vie. Quand on parle de toi, on commence par FACE À CES CORPS PRATIQUANT LE raconter ta mort, avant de remonter le temps pour KAMASUTRA HABILLÉS, LE SPECTATEUR l’expliquer. (…) Ton suicide est devenu l’acte fonEST LIVRÉ À SES PROPRES PROJECTIONS dateur… » Ainsi s’adresse l’écrivain, dans Suicide, à l’ami qui s’est tiré une balle dans la bouche quinze ans plus tôt. Il en va désormais de même avec Edouard Levé. C’est sans doute l’une des raisons pour Georges Pérec, pour son goût des énumérations, il préfère lesquelles les programmateurs ne se bousculent pas, depuis citer Roussel et Queneau. Comme eux, il est un joueur. Il col2007, pour exposer ou diffuser l’œuvre – pourtant consé- lecte des articles de presse dont il gomme les noms propres, quente – qu’il a laissée derrière lui. Du coup, la proposition se décrit en 1 600 phrases « sans solution de continuité »... d’Actoral et du Mac (associés à la galerie Loevenbruck) est Toujours avec la même concision (la plupart de ses livres d’autant plus attendue. « Ce projet ne constitue pas un hom- tiennent en 128 pages), la même distance, voire, l’ironie, mage à Edouard Levé. Il s’agit plutôt de montrer combien cha- vis-à-vis de lui-même comme des formes traditionnelles. cun de ses projets entre en résonnance avec les autres, com- Drôle d’écrivain, qui entre en littérature avec une liste de 533 bien son œuvre est vivante et proprement contemporaine », œuvres d’art, puis donne la parole aux personnages de ses précise Charles Mesnier, collaborateur de direction d’Acto- photographies dans Fictions ! ral. Dans la tradition de ce « festival international des arts et des écritures contemporaines », l’exposition programmée Un photographe ? De même, quand il se lance, en autoau Mac (du 5 octobre au 20 janvier 2013) est accompagnée didacte, dans la photographie, Edouard Levé joue sur les de lectures, performances et projections. Pendant les trois mots. Sa première série, réalisée entre 1996 et 1998, consiste premiers jours, plusieurs artistes proches d’Edouard Levé en des portraits d’homonymes de plasticiens et écrivains interviendront dans les salles du musée pour interpréter des célèbres repérés dans l’annuaire. Parmi eux, Eugène Deextraits de ses œuvres et/ou évoquer son travail. Jamais, de lacroix, Georges Bataille, André Breton… et évidemment son vivant, l’artiste n’aura eu droit à pareille rétrospective. Raymond Roussel. Prendre le réel à la lettre, c’est aussi le propos de la série Angoisse, photographiée en 2001 dans le Un écrivain ? Cinq livres publiés chez P.O.L., une dizaine village éponyme, ou encore d’Amérique : en 2006, Edouard de séries photographiques exposées, entre autres, à la gale- Levé fait, aux Etats-Unis, la tournée des « capitales » (Rome,
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EDOUARD LEVÉ AU MAC
Courtesy Succession Edouard Levé et galerie Loevenbruck, Paris
ACTORAL
Pornographie, Sans titre, 2002 Photographie. Tirage Lambda couleur contrecollé sur aluminium - 70 x 70 cm - N°1, 3, 4, 5/5: collections privées ; N°2/5, collection FNAC, Puteaux
EDOUARD LEVÉ AU MAC
Courtesy Succession Edouard Levé et galerie Loevenbruck, Paris
ACTORAL
Auto-jumeaux, 1999
Photographie. Tirage Lambda couleur contrecollé sur aluminium 64 x 96 cm - Ed. N° 2/5 - Collection privée, France
EDOUARD LEVÉ S’EST PENDU LE 15 OCTOBRE 2007, QUELQUES JOURS APRÈS AVOIR DÉPOSÉ CHEZ SON ÉDITEUR SON DERNIER MANUSCRIT : SUICIDE Berlin, Dehli…) et dresse un portrait sans concession des années Bush. Chez lui, le jeu de mots n’est pas gratuit, et ses jeux ne sont jamais innocents. Après avoir entrepris de reconstituer ses rêves en photographiant des tableaux vivants dans lesquels il lui arrive de figurer, il s’attaque aux stéréotypes. Il dessine des scènes puisées dans Libération, des matchs de rugby ou des films pornographiques, puis les fait mimer par des figurants portant des vêtements de ville, dans un décor neutre. Absurdes, ces images ? Pas seulement, elles produisent un effet proche de « l’inquiétante étrangeté » freudienne. La décontextualisation des scènes et l’absence d’expression sur le visage des figurants brouillent les pistes de lecture. Pour Edouard Levé, « le choix du neutre est une règle du jeu et non un objectif (hypothétique) à atteindre… [Il] autorise une interprétation plus large, mais aussi plus ambiguë de la scène. » Face à ces corps jouant au rugby sans ballon ou pratiquant le kamasutra habillés, le spectateur est livré à ses propres projections et limites. Dans la dernière série, Fictions (2006), l’artiste va encore plus loin en créant des tableaux noir et blanc sans référence identifiable. Dans ces rébus ou énigmes sans solution, ne restent 46
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plus que des corps exécutant d’étranges rituels, figés dans leur mouvement… Un performeur ? Figés… Pas toujours : la série Pornogra-
phie a donné lieu à une chorégraphie pour quatre danseurs. Scénariste et metteur en scène de son œuvre, Edouard Levé en devient parfois aussi l’acteur, à l’occasion de lectures qui relèvent de la performance, fondées sur de véritables protocoles. Comment rendre compte, à titre posthume de ce troisième visage de l’artiste ? Actoral a fait appel aux compagnons de route d’Edouard Levé : Véronique Aubouy, qui a filmé en 2006 sa lecture performée d’Autoportrait, et Valérie Mréjen qui lui a donné un rôle dans La Défaite du rougegorge avant d’évoquer sa mémoire dans French Courvoisier. L’écrivain Thomas Clerc et Arnaud Labelle-Rojoux, grand performeur et théoricien du genre, sont également de la partie. Pas un hommage, une recréation.
EDOUARD LEVÉ
Lectures, performances, projections Les 4, 5 et 6 octobre Exposition du 5 octobre au 20 janvier Musée d’art contemporain (Mac) 69, avenue de Haïfa, Marseille, 8e Dans le cadre du festival Actoral
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actoral.org
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ACTORAL
SÉLECTION
A CHACUN SON ACTORAL Foisonnant et pointu, le programme d’Actoral, « festival international des arts et des écritures contemporaines », a de quoi dérouter, voire effrayer. Alors que faire ? Que choisir parmi la cinquantaine de propositions littéraires, théâtrales, plastiques, musicales ou carrément improbables, annoncées durant ces trois semaines ? Tentative de sélection. En quatre temps. © Das Plateau
Par Emmanuelle Gall
IRMAR,
Le Fond des Choses : Outils, Œuvres et Procédures La Friche la Belle de Mai, les 9 et 10 octobre, 20h30
Sur scène, cinq personnages entrent et sortent d’un cube noir, figurant le fond des choses. Ils en extraient… des choses, notamment des appareils électriques vintage, et prononcent des mots et/ou des phrases, sans logique apparente. « Bref, l’IRMAR s’interroge à nouveau sur une question de nature interrogative : les choses, comment, pourquoi ? Surtout, quel est leur fond ? Par où l’approcher, avec quels outils le sonder ? En revient-on ? Dans quel état ? » Bref, c’est inracontable !
QUOI ?
L’IRMAR, ou Institut des Recherches Menant A Rien, réunit six jeunes gens issus de l’ERAC (École régionale des acteurs de Cannes) : Victor Lenoble, Mathieu Besset, Lyn Thibault, Baptiste Amann, Olivier Veillon et Solal Bouloudnine. Pas vraiment motivés à l’idée d’entrer dans la grande famille du théâtre, ils choisissent de travailler sur le rien, la vacuité et le non-sens. Depuis 2007, le collectif a signé cinq spectacles, dont Du Caractère relatif de la présence des choses, présenté à Actoral en 2009.
QUI ?
À MORT L’AMOUR DAS PLATEAU, Notre Printemps
Théâtre des Bernardines, les 25, 26 et 27 septembre, 21h ; les 28 et 29 septembre, 19h30
Excluant toute forme de narration ou d’illusion, les « Irmariens » optent pour la déconstruction – du réel, du langage, de la forme, de l’art. Le parti pris est radical, entre installation d’art contemporain et théâtre de l’absurde.
COMMENT ?
« Notre Printemps, c’est l’histoire de la jeunesse fauchée par la maladie. C’est la beauté, l’amour, la vie heureuse brutalement interrompus par le drame, la tragédie. » Trois comédiens et deux danseurs évoquent la vie d’un couple, à la fin des années 70 en Bourgogne, ponctuée par la mort de Pierre et le deuil d’Hélène.
QUOI ?
Les critiques sont plutôt divisés, tantôt agréablement surpris par ces « Deschiens postmodernes », tantôt franchement sceptiques. Pour adhérer à l’IRMAR, mieux vaut avoir lu le Discours sur rien de John Cage, leur bible, et être familiarisé avec l’art conceptuel.
POUR QUI ?
Créé en 2008, le collectif Das Plateau réunit un auteurdanseur (Jacques Albert), un architecte-metteur en scène (Céleste Germe), une comédienne (Maëlys Ricordeau) et un auteurcompositeur (Jacob Stambach). Notre Printemps, issu d’une nouvelle écrite par Jacques Albert dans le cadre d’une commande d’Actoral.10, est leur quatrième participation au festival.
QUI ?
RIEN RIEN SUR
Le dispositif scénique mêle le cinéma (via la projection d’un court-métrage), le théâtre, la danse et la musique. Le croisement des médias, de leur temporalité et leur espace respectifs, entend traduire les différentes strates de la mémoire et les niveaux de conscience. Das Plateau explore la maladie, la souffrance et le deuil en produisant une « hyperfiction » obtenue par la rencontre du réel et du fantasme, du présent et du passé…
COMMENT ?
Les amateurs d’art total et les fans de Roméo Castellucci, modèle revendiqué par le collectif. Dépressifs et allergiques au pathos s’abstenir. © DR
POUR QUI ?
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SÉLECTION
YAN DUYVENDAK ET ROGER BERNAT,
Please, continue (Hamlet) Tribunal de commerce de Marseille, les 2 et 3 octobre, 21h
LA BARRE HAMLET À
Un jeune homme a tué le père de sa fiancée. L’accusé s’appelle Hamlet, sa victime Polonius, et la plaignante Ophélie… On croit connaître la chanson. Sauf que cette version se déroule au tribunal de commerce, avec une cour professionnelle et devant des spectateurs susceptibles d’être tirés au sort comme jurés. Seuls Hamlet, Ophélie et Gertrude, vêtus d’un t-shirt jaune, sont joués par des comédiens.
QUOI ?
Please, continue (Hamlet) est une collaboration entre un dramaturge catalan, Roger Bernat, et un performeur néerlandais Yan Duyvendak. Ensemble et/ou avec les trois autres membres de la compagnie Duyvendak, ils se confrontent aux aberrations et aux contradictions de notre société. « Pouvons-nous aujourd’hui croire au geste artistique comme possibilité de reconstruire de l’expérience humaine ? Peut-être même oserons-nous y croire comme lieu de transformation possible ? »
QUI ?
En situant le procès d’Hamlet dans une vraie cour et avec de vrais juges, avocats et experts, les artistes questionnent davantage la justice des hommes que le texte de Shakespeare. Et impliquent dans leur réflexion le public, endossant le rôle de juré potentiel. D’une représentation à l’autre, le verdict varie de l’acquittement à de lourdes peines de prison. Et le théâtre renoue avec ses racines citoyennes.
COMMENT ?
Voilà un spectacle capable a priori de réconcilier les classiques et les modernes, les amateurs de suspens et les indignés, les romantiques et les pragmatiques.
© Christopher Mobley
POUR QUI ?
DELEUZE E D U A E P DANS LA ROBERT CANTARELLA, Faire le Gilles
KLAP Maison pour la danse, le 29 septembre, 21h
Seul en scène, Robert Cantarella dit un cours donné par Gilles Deleuze à l’université de Paris VIII Vincennes, en 1981. Plus précisément, le cours n° 12, consacré à L’Imagemouvement, autrement dit, au cinéma. « Je suis assis, des oreillettes me font entendre la voix de Deleuze, je redis ce que j’entends au plus près de la voix d’origine, en refaisant les inflexions, les suspens et les interventions. »
QUOI ?
Né à Marseille en 1957, Robert Cantarella est l’une des « stars » de cette édition d’Actoral. Comédien et metteur en scène, il a dirigé la scène nationale de Dijon, puis le Cent quatre à Paris. Il vient par ailleurs de mettre en scène Un Jeune se tue de Christophe Honoré au dernier Festival d’Avignon.
QUI ?
Le dispositif mis au point par Cantarella est de l’ordre de la copie sonore. En copiant Deleuze, comme les peintres copiaient les maîtres, le performeur s’imprègne de la pensée et la transmet dans son contenu, comme dans son rythme et ses méandres. Il fait à la fois littéralement « le Gilles », s’éclipsant pour devenir un simple véhicule, et un sacré exercice de théâtre.
COMMENT ?
Lors des représentations parisiennes de Faire le Gilles, la salle était divisée entre disciples de Deleuze, passionnés de cinéma et apprentis comédiens. Il faut au moins entrer dans l’une de ces catégories pour supporter le choc.
© Jean-Michel Frodon
POUR QUI ?
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MIX UP MAROC
MIX UP MAROC
FUSION EN TERRE GNAWA En juin, le trio marseillais Nasser a fusionné son électro-rock avec les rythmes traditionnels d’un maître gnawa et le flow d’un virevoltant rappeur marocain… Aujourd’hui, les membres du projet Mix Up Maroc se préparent à de tonitruantes retrouvailles sur la scène du festival Marsatac. Retour aux sources de cette fusion en terre inconnue.
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Fusion. Le maître de musique gnawa Hassan Boussou (à gauche) et Nicolas, batteur du groupe électro-rock Nasser.
« Le rap, je connaissais. Mais je me suis dit que la techno, c’était vraiment un autre monde ! » Bien que rompu aux échanges avec d’autres univers artistiques, le maître gnawa Hassan Boussou, gardien d’un patrimoine musical vieux de plusieurs siècles, fut pour le moins intrigué à l’idée de se confronter à des « machines »… « Quand on m’a fait la proposition Mix Up Maroc, j’ai d’abord vérifié qu’il y avait bien des hommes derrière la techno de Nasser. » Ils sont même trois. Et ces derniers furent tout aussi prudents lorsque l’équipe de Marsatac évoqua l’idée d’une résidence au Maroc avec des artistes dont ils ignoraient tout : un rappeur, Mobydick, et un maître gnawa (ou « maâlem »), Hassan Boussou, accompagné d’Idriss et Simo, ses disciples. Français et Marocains devront s’enfermer au Théâtre de l’Institut français de Meknès durant dix jours
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pour créer un répertoire commun d’une dizaine titres. Dans la foulée, il faudra enchaîner avec une série de cinq concerts à Meknès, Essaouira, Marrakech, Rabat, et Casablanca. Avec, en ligne de mire, un final en apothéose sur la scène du festival Marsatac en septembre, puis l’enregistrement d’un album. Le deal est simple. Le pari, risqué. Transe. « On était un poil frileux au départ, nous avoue Si-
mon, guitariste du groupe Nasser. Ce type de projet, ça peut être un piège. On ne voulait pas faire de la world, on déteste ça. » Dro Kilndjian, programmateur de Marsatac et initiateur de Mix Up, a toutefois su trouver les mots pour rassurer le trio marseillais. « Il nous a dit : ‘‘On veut du radical, de l’électro sans concession !’’ Ça nous a plu. » Et puis la perspective d’un
© Sife Elamine
Par Sandro Piscopo-Reguieg
MARSATAC
MIX UP MAROC
© DR
Rencontre. Le rappeur marocain Komy et Simon, guitariste de Nasser.
« EN GÉNÉRAL, DANS CE TYPE DE PROJET, C’EST L’OCCIDENTAL QUI S’ADAPTE. NOUS, ON LEUR A FAIT FAIRE DU ROCK ! »
retour à Marsatac (où ils se sont déjà produits en 2010) n’était pas pour leur déplaire. Nasser a donc décidé de mettre son interminable tournée et la préparation de son second album entre parenthèses pour se lancer dans cette résidence en terre inconnue… Entre temps, ils s’étaient intéressés de plus près à cette mystérieuse culture gnawa : « C’est la musique des descendants d’esclaves noirs du Maroc, raconte Nicolas, batteur et chanteur du groupe. Le ‘‘mâalem’’, c’est le ‘‘MC’’, mais aussi un chef spirituel, une sorte de chaman. Avec ses disciples, ils peuvent jouer huit heures d’affilée dans des sortes de transes collectives. (…) Quand on voit jouer Hassan Boussou, tu sens une espèce de vibration autour de lui, c’est noir, tribal, fascinant. » De manière inattendue, Nicolas entrevoit des passerelles entre deux univers supposés totalement étanches. « Nasser est un groupe de musique électro qui veut faire danser les gens. Finalement, on fait aussi de la transe, comme les gnawas. » Entre machines et culture ancestrale, la fusion ne paraît plus si improbable. Choc culturel. Samedi 9 juin. Nasser débarque à l’Institut
français de Meknès. Pas de temps à perdre, le premier concert de Mix Up aura lieu dès le 21 juin : les trois Français, le rappeur, et les trois musiciens gnawas, devront alors former une seule et même entité. Ce qui est loin d’être gagné. Les Marseillais sont inquiets : « Un mois avant la résidence, on avait fait une première réunion avec les Marocains, raconte Nicolas. On s’était dit que créer un set d’une heure en dix jours, ce serait très compliqué. On avait donc décidé avec eux qu’on allait travailler en amont, s’échanger des sons par internet… Et puis le jour du départ approchait, et on ne voyait toujours rien venir. En arri-
vant là-bas, on a compris qu’avec les Marocains, ça ne se passait pas du tout comme ça ! Ils sont plutôt dans l’instantané. On a fait les Occidentaux qui débarquaient avec toutes leurs conneries… C’était le premier choc culturel. » Bon, avec ce timing hyper serré, les quelques tracks que Simon avait amenées avec lui furent tout de même utiles. Car très vite, un soucis bien plus grave est apparu : la collaboration avec Mobydick, le rappeur, se passe mal. « Il était assez introverti, on avait du mal à communiquer avec lui. » Si bien qu’au troisième jour, il n’est pas revenu. « Il est sorti par la petite porte, regrette Nicolas. Le plus grave, c’est qu’il a mis le projet artistique en péril : pendant deux jours, on ne savait pas vraiment où on allait. » Le 21 juin approche, et Mix Up Maroc a perdu un élément fondamental du projet ; le hip-hop étant supposé faire le lien entre l’électro de Nasser et le gnawa d’Hassan Boussou ; entre modernité et tradition. Heureusement, Alif Tree, le directeur artistique, a fait marcher son carnet d’adresse. Il parvient à dénicher un autre rappeur, Komy, connu pour être l’un des précurseurs du style « crunk » au Maroc. Le garçon n’est pas vraiment du genre à avoir des états d’âme : à peine arrivé, il s’est intégré au collectif comme s’il faisait partie du groupe depuis toujours ! Nouveau départ pour Mix Up. Et le moment de passer aux choses sérieuses. Fusion. Car pendant ce temps, Nicolas galérait ferme : la
confrontation du batteur occidental, très carré, aux rythmes gnawas, beaucoup plus libres, fut un second choc culturel. « La manière de compter est complètement différente, ils ne partent pas sur le ‘‘1’’ ! Au début, je nageais complètement… Et puis au troisième jour, alors que nous étions en train de jouer, Hassan s’est tourné vers moi et m’a dit : ‘‘Arrête de compter, écoute le groupe’’. Pour eux, c’est le ressenti, le feeling qui prime. C’est 8e art magazine
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MIX UP MAROC
DRO KILNDJIAN
Le programmateur de Marsatac est aussi le papa de Mix Up Maroc. Présentez-nous le projet Mix Up. Dro Kilndjian : Ce sont des aventures live et discographiques en quatre volumes créées par Marsatac. L’idée, c’est réunir des artistes de notre territoire et des artistes de différents pays du monde, notamment de l’autre rive de la Méditerranée. En 2008, on est allés à Bamako avec les Français Alif Tree et David Walters ; en 2009, on avait embarqué Frédéric Nevchehirlian et Rodolphe Burger à Beyrouth ; cette année, c’est donc le Maroc avec Nasser ; et pour 2013, ce devrait être l’Afrique du Sud… Ce type de métissage, c’est déjà vu. Qu’apportezvous de plus ? En effet, ça a toujours existé… Mais on souhaitait aller vers des sons plus modernes comme l’électro pour se détacher de l’étiquette world music. Dès la première édition, à Bamako, on a bien vu que le balafon d’un virtuose comme Néba Solo se mariait très bien aux productions électro. Ces univers ne sont pas si éloignés : ce sont des musiques répétitives, teintées de transe, reposant sur une sorte de boucle éternelle… Comment jugez-vous ce Mix Up Maroc ? C’est probablement le plus efficace des trois. On reconnaît la patte de Nasser, ce côté brut et rentrededans. Et l’apport des Marocains n’est pas du tout anecdotique. Certains membres du projet ne parlaient pas français, mais tous sont tous parvenus à créer un langage musical commun. Sur scène, j’ai vu un vrai groupe. Le projet devrait se conclure en 2013… On va sortir un coffret CD de quatre albums, et tous les live seront convoqués sur le festival. On ne sait pas encore si on fera une soirée spéciale, mais ça va faire du monde ! Sur Mix Up Bamako, on a 18 artistes ; sur Beyrouth, une dizaine ; sur Maroc, sept… Et le projet en Afrique du Sud s’annonce aussi très costaud. Alors pourquoi ne pas créer la rencontre des rencontres ? Faire en sorte que les Maliens se mêlent aux Libanais, les Sud-Africains aux Marocains ; que toutes ces traditions, tous ces sons, tous ces artistes se réunissent sur la scène de Marsatac pour fêter les 15 ans du festival dans un grand bœuf international !
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« NASSER EST UN GROUPE DE MUSIQUE ÉLECTRO QUI VEUT FAIRE DANSER LES GENS. FINALEMENT, ON FAIT AUSSI DE LA TRANSE, COMME LES GNAWAS »
une musique qui vient de la terre, de l’humain. Une fois qu’on a compris ça, c’était parti… » Hassan Boussou et ses disciples ont cependant connu tout autant de difficultés avec les machines de Nasser… « Ils ont eu du mal avec le clic ! poursuit Romain, synthé et bidouilleur en chef du groupe. Dans l’électro, il faut garder le tempo, les mesures sont bien définies, ce n’est pas vraiment au feeling. Ils ont donc du bosser… » La répartition des styles s’est équilibrée, chacun s’est adapté à l’autre, chacun a imposé sa façon de jouer à l’autre. « C’est là où on fait de la fusion, reprend Nicolas. En général, dans ce type de projet, c’est l’Occidental qui s’adapte. Nous, on leur a fait faire du rock ! On a mis une disto sur le gembré d’Hassan Boussou... Il sonnait comme une basse ! » Peu à peu, l’assemblage confus des premiers jours laisse place à un discours cohérent où chacun trouve sa place : les trois univers musicaux se mêlent et s’interpénètrent, créant un système neuf. « Avec Hassan et ses musiciens, puis avec Komy, on a fait des petits bœufs, on a joué ensemble, librement. Et tout à coup, il y avait une boucle qui sortait, une idée qui
MIX UP MAROC
© DR
MARSATAC
Mix Up Maroc. Trois Français, quatre Marocains, un seul groupe
était bien… » Mix Up a trouvé la formule. Le rap en arabe du virevoltant Komy se voit porté par les rythmes électro-gnawa de Nasser et Hassan Boussou. Dix morceaux sont composés : ils appartiennent à chacun des sept membres du projet. Attendus. 21 juin. C’est le jour J. Le premier concert de Mix
Up Maroc a lieu à l’Institut français de Meknès. Comme un dernier rodage avant le set au prestigieux Festival d’Essaouira, deux jours plus tard… Mais déjà, la salle est pleine. Le projet est visiblement attendu. Le groupe est tendu. « On avait aucun recul sur nos morceaux, se souvient Nicolas. Deux jours avant, on était encore en train de composer ! Mais on a vite été rassurés : les sourires dans le public, ça ne ment pas. » Alors certes, il y a eu quelques pains… « Mais pas de prise de tête. Au final, on s’est éclatés. » A Essaouira, ce fut un peu moins le cas. Le concert avait lieu sur la plage : 15 000 personnes s’y étaient données rendez-vous… Le vent aussi. « On avait l’impression d’avoir raté notre concert car les conditions étaient difficiles… Mais le public, lui, était à fond. » Visiblement, le directeur du Festival de jazz d’Amiens aussi : il a décidé de programmer Mix Up Maroc pour deux dates en septembre, quelques jours avant leurs concerts déjà prévus à Nîmes et Marseille pour
Marsatac. Après la tournée marocaine, une petite tournée française se profile, donc… Mais cette fois, pas de résidence : il faudra être prêt, tout de suite. Et ce, même si Français et Marocain ne se seront pas revus durant trois mois… Romain n’est cependant pas très inquiet : « C’est chaud… Mais on l’a dans les mains, il faudra juste retrouver les automatismes. » Il marque un silence. « C’est agréable d’y repenser… C’est quand même cool ce qu’on a fait ! »
MIX UP MAROC
Le 21 septembre à Paloma 3, rue Régale, Nîmes (18-22 €) Le 28 septembre au Dock des suds 12, rue Urbain V, Marseille, 2e (24-28 €) Dans le cadre du festival Marsatac
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marsatac.com
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Harry Potter, le foot, le porno, la drogue, les schtroumpfs… Il ne s’agit pas de la nouvelle grille des programmes de TF1 mais bien des thématiques abordées lors de la « saison IV » de la Semaine de la pop philosophie, conçue par le facétieux Jacques Serrano.
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Par Sandro Piscopo-Reguieg
L’ontologie sartrienne est-elle une phénoménologie transcendantale ? Toute conscience est-elle une anticipation de l’avenir ? L’espace et le temps sont-ils des constitutions subjectives de notre esprit ? Qu’on se rassure : ces problématiques ô combien fascinantes ne seront absolument pas abordées lors de la Semaine de la pop philosophie. Du moins, pas directement. Car ici, on préfère s’intéresser au village des schtroumpfs en tant qu’ « archétype d’utopie totalitaire empreinte de stalinisme et de nazisme » ; au rap comme « politique de l’intimité » ; et même à la « pornosophie », soit la « pensée de la chose porno ». « Festival de la pensée contemporaine », la Semaine de la pop philosophie dure six jours : du 22 au 27 octobre, une armée de philosophes, journalistes, sociologues et écrivains sont invités à présenter le fruit de leurs très sérieuses recherches sur des sujets qui ne le sont pas toujours. Ces conférences se déroulent parfois dans des lieux où l’on a l’habitude de bailler (l’Alcazar, la fac d’éco de la Canebière), mais aussi dans un bar rock (la Maison hantée), un théâtre (La Criée) et même - grande première pour cette « saison IV » - une boîte de nuit ! Encore un coup du facétieux Jacques Serrano, directeur de l’association Les Rencontres place publique et « inventeur » de la Semaine de la pop philosophie. Chaque année, il en conçoit le programme… comme on fait une farce. Pop-interview.
La « pop philosophie », kézako ? Jacques Serrano : C’est Gilles Deleuze qui fut le premier à utiliser cette notion, mais il n’en a pas fait grand-chose. Son idée, c’est qu’il est possible de générer des concepts philosophiques à partir de références populaires comme les films de série B ou tout autre sujet considéré comme mineur. Moi, dans le meilleur des cas, je reste dans cette ligne. Entre 1979 et 1982, j’allais écouter Deleuze à la fac de SaintDenis. A chaque fois, je sortais de ce cours en état de grâce, je planais. Et pourtant, je n’avais pas pris de drogue ! J’avais cru comprendre des choses ou alors je n’avais rien compris mais dans tous les cas, il s’était passé quelque chose. Comme lorsque l’on sort d’un super bon film ou d’un concert de rock ! C’est ce que j’essaie de reproduire avec la Semaine de la pop philosophie. Je précise qu’en aucun cas je ne me substitue à l’université. Il n’y a pas de but pédagogique : il s’agit de privilégier la notion de plaisir. Mais la conséquence indirecte, c’est qu’un grand nombre de personnes sortent de nos conférences avec un certain enrichissement personnel. Les titres des conférences sont souvent très accrocheurs. Une façon de faire du marketing ? Hum, oui, on peut dire ça… Mais la plupart du temps, derrière ces interventions, il y a un livre. Et quand les philosophes se mouillent ainsi, c’est qu’ils ont méchamment travaillé leur propos ! Cette année, par exemple, on invite Antoine Buéno. Il enseigne à Sciences-Po Paris et travaille au Sénat. Il va faire une analyse politique du village des schtroumpfs : il y voit des fonctionnements de type totalitaire, voire nazi. Ce sont peut-être des références inconscientes de la part de Peyo, car c’est de son époque ! Ainsi, le Grand schtroumpf, vêtu de rouge, a la barbe de Karl Marx ; le schtroumpf intello, avec ses petites lunettes, se fait malmener par tout le village comme Trotski… Ces conférences innovent par leurs propos… Mais aussi parfois par leur forme. L’ambition, c’est repenser les formes de l’échange intellectuel en sortant de l’approche universitaire de la conférence. Enfin,
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SEMAINE DE LA POP PHILOSOPHIE
Anna Polina, Raphaël Enthoven. A la Semaine de la pop philosophie, star du X et star de la philo, même combat !
quand c’est possible, car les intellos en rang d’oignon autour d’une table, on le fait aussi ! Je ne parlerais pas de « conférencespectacle »… Mais toutes nos conférences sont un peu spectaculaires ! On fait parfois quelques mises en scène : lors des éditions précédentes, on avait installé une boule à facette et projeté des clips de Michael Jackson pour « Philosophie du juke-box », montré des extraits de films de science-fiction pour « Kant et les extraterrestres », et un jeune philosophe diplômé avait illustré sa thèse sur « Jimi Hendrix, Michel Foucault, et les drogues », à la guitare électrique ! Ce n’est pas grand-chose pour le monde du théâtre, mais dans un contexte de philo, c’est énorme ! Et qu’en pensent les universitaires ? Il y a des gens de l’Académie qui ont du mal avec la notion de « pop philosophie », voire avec les travaux de certains de mes invités, qu’ils ne jugent pas sérieux, comme ceux sur le monokini ou les schtroumpfs. Je ne dirais pas qu’ils ont tort… Moimême je m’interroge, car je crains que la philo subisse le même sort que l’art contemporain : c’est-à-dire que dans une volonté de démocratisation il y ait tout et n’importe quoi qui circule. Une conférence sur le porno dans une boîte de nuit en présence d’une star du X… Vous y allez fort. Laurent de Sutter est un monsieur très sérieux ! Il est directeur de collection aux Presses universitaires de France. Il avait choisi d’axer sa conférence sur « la vie comme œuvre d’art pornographique ». Ça se passera en effet dans une boîte de nuit, au Trolleybus. La soirée sera sous le parrainage d’Anna Polina, vous connaissez ? C’est l’égérie de Marc Dorcel ! Quand Sutter a su qu’elle serait présente à la conférence, il a finalement décidé de consacrer son intervention au travail d’Anna Polina : pour bien étudier son jeu d’actrice, Marc Dorcel lui a envoyé 43 DVD ! Ils nous ont d’ailleurs aussi acheté une page de pub
dans le programme de cette année. Je vais l’envoyer à tous les institutionnels qui financent la manifestation ! Vous avez l’air de bien vous amuser en faisant le programme… N’y a-t-il pas aussi un tout petit peu de provoc’ ? Non, ça ne m’intéresse pas. Le fil conducteur reste le travail des intellectuels sur des objets populaires et médiatiques : la drogue est une consommation de masse… Le porno aussi ! Cette année, en guise de clôture, on aura droit à une « nuit de la pop philosophie » à La Criée… Carrément. C’est la première au monde ! Mais on ne sait pas si à une heure du matin il y aura encore des clients ! Parmi les invités, on peut citer la philosophe Marjolaine Boutet, qui parlera des mutations de la figure du vampire « de Voltaire à True Blood », ou encore Raphaël Enthoven qui s’attaquera à la « carte de fidélité »… Vous savez, quand vous arrivez à la caisse d’un magasin, maintenant, on vous pose toujours cette question : « Vous avez la carte de fidélité ? » C’est l’idée étrange que la fidélité s’achète… Il y aura aussi l’écrivain Jean-Michel Espitallier : c’est le rocker de la poésie ! Il est batteur dans un groupe. Mais je ne sais pas s’il viendra avec sa batterie ! Il nous parlera de l’idée de « célébrité » : je ne connais pas forcément les gens dont je connais le nom, comme Britney Spears, mais je ne connais pas forcément le nom des gens que je connais, comme ma boulangère !
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Du 22 au 27 octobre
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lesrencontresplacepublique.fr
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Décideurs, chercheurs, créateurs, activistes… Ils se donnent rendez-vous aux conférences Lift pour penser le monde de demain. Cette année, l’événement change de forme pour réinventer les modes de production et d’échange des idées.
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Par Alexandre Lévêque
Et si on anticipait les grands changements à venir au lieu de les subir ? Depuis 2009, les conférences Lift (« Life, Ideas, Future, Together ») invitent à Marseille la crème des créateurs, entrepreneurs, chercheurs et innovateurs en tous genres pour évoquer les transformations sociétales qu’impliquent les nouvelles technologies. En d’autres termes, à quoi ressemblera notre quotidien dans dix ou vingt ans ? Ici, pas le temps de s’endormir : le 27 septembre, six intervenants « visionnaires » vont se succéder en trois heures pour des conférences « à la Steve Jobs », cool et efficaces. Le lendemain, on expérimentera une nouvelle forme de production et d’échange des idées avec les « Questions numériques », un atelier collaboratif rassemblant près de 200 participants qui travailleront par groupes autour d’une vingtaine de « scénarios d’avenir ». Dans la matinée, ils construiront ensemble des récits à plusieurs mains qui seront ensuite mis en débat. Pour y participer, il est encore possible de s’inscrire sur le site Internet de Lift. Qui le souhaite peut apporter sa contribution : c’est l’esprit « open source », cher aux technophiles convaincus que l’innovation vient des gens et que tout un chacun peut devenir acteur du changement... Rencontre avec Daniel Kaplan, co-organisateur de LiftFrance et délégué général de la Fondation internet nouvelle génération (Fing), une structure au croisement du think tank et de l’organisme de recherche, basée entre Paris et Marseille.
Comment est né Lift-France ? Daniel Kaplan : Les conférences Lift ont été créées à Genève. Elles se sont tout de suite intéressées aux approches innovantes au croisement du technique, du sociétal et de l’économie. Les organisateurs avaient su proposer quelque chose de différent de la grande conférence stratosphérique universitaire. Une approche créative, latérale et imaginative, tournée vers l’avenir. Quand la Fing a décidé de créer en France un événement centré sur les idées neuves, on s’est dit qu’il n’était pas la peine de réinventer la roue, et on a décidé de travailler avec ces gens-là. Pourquoi avoir choisi Marseille ? La Fing est à Marseille depuis longtemps, une partie de l’équipe vit ici. Et en septembre, il est vrai qu’il est plutôt pratique de pouvoir dire aux intervenants internationaux de venir faire un tour du côté de la Méditerranée ! Il faut ajouter qu’à Paris, on serait un événement international parmi d’autres, on ne bénéficierait pas du même engagement des acteurs locaux. Ici, on arrive à rassembler pas mal de monde. Il s’agit enfin de dire au reste de la France qu’il se passe quelque chose, dans ce territoire, au niveau de la « ville numérique ». Il n’est pas exotique d’y organiser une manifestation sur l’innovation. Lift-France s’appuie sur un tissu d’entreprises et de créateurs très dense, et il en va de même pour l’art. Sur les éditions précédentes, on présentait les expositions « Lift Experience » : des installations ludiques et réellement innovantes, issues à 90 % d’acteurs locaux. Ce type d’événement s’adresse à un public d’hyper-spécialistes... On essaie de faire en sorte que ce ne soit pas le cas. Il ne s’agit pas de conférences techniques. On invite des gens qui portent des projets transformateurs s’appuyant entre autres sur les technologies. Ils racontent ce qu’ils font, et donnent leur vision du monde. Une vision souvent décalée. Lift s’adresse à ceux qui ont un intérêt ou une responsabilité vis-à-vis de l’avenir proche, à ceux qui s’intéressent aux transformations contemporaines et aux usages des technologies :
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responsables politiques, d’organisations publiques ou d’entreprises, chercheurs, innovateurs… Aussi, nous avons toujours veillé à ce que ce ne soit pas trop coûteux pour rester abordable aux étudiants ou aux responsables de start-up. Pour cette édition, la question ne se pose pas car l’accès aux conférences est gratuit. Parlez-nous du thème de cette année : « Promesses, prouesses et compromis numériques ». Ce qui nous frappe, c’est que le numérique est le support de beaucoup de grandes promesses. On disait que les crises, c’était fini, que la croissance allait magiquement devenir plus verte... Des choses parfois très fortes. Mais si, a posteriori, on regarde ces promesses, on constate qu’elles sont finalement assez rarement tenues. Aujourd’hui, peut-on faire un bilan ? Et peut-on identifier les nouvelles promesses qui sont en train d’émerger ? On va s’intéresser aux artistes pour que le public puisse explorer des imaginaires nouveaux. Nous inviterons à ce titre Douglas Edric Stanley, qui se saisit des technologies de manière inattendue pour imaginer le voir, le faire... Nous allons aussi traiter des Fab Labs, ces espaces de fabrication numérique ouverts aux non-spécialistes… Et nous n’oublierons pas les changements politiques avec Gudrùn Pétursdottir, la présidente du comité qui a élaboré la nouvelle constitution islandaise : au lieu de faire appel à de grands constitutionnalistes ou à un comité d’élus, l’Islande a mis au point un processus extrêmement participatif, impliquant les citoyens. On en a assez peu parlé en France. Cette année, Lift-France change de forme… C’est premièrement lié aux travaux du Palais du Pharo. Mais au delà de cette contrainte logistique, nous sommes en train d’installer un nouveau processus de prospective, les « Questions numériques ». Il s’agit de faire travailler plusieurs centaines de personnes ensemble et en réseau, sous forme de grands ateliers, pour identifier les questions qui vont compter dans les années à venir. C’est un processus que nous avons ini-
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tié il y a quelques temps à Paris, mais nous avons pensé qu’il fallait l’étendre. Nous allons donc marier Lift aux « Questions numériques ». Car au final, c’est le même sujet. Ainsi, cette année, Lift va s’ouvrir par une demi-journée de conférences sur un format relativement classique, avec des intervenants de très haut niveau comme ceux que j’ai cité plus haut. La seconde journée sera entièrement consacrée aux « Questions numériques ». Peut-on avoir plus de détails sur leur fonctionnement ? C’est un processus de coproduction de scénarios d’avenir. Ça a commencé en mai, et cet été, ça s’est poursuivi en ligne. Il s’agit d’identifier un grand nombre de sujets qu’on voit émerger en ce moment, et de recueillir plusieurs centaines d’idées un peu partout. Ensuite, on synthétise le tout pour arriver à une vingtaine de propositions. Ce sont des petits récits décrivant comment l’innovation technologique peut influencer les mutations économiques, politiques, sociales… Cette année, nous allons donc entrer dans l’atelier avec cette vingtaine de scénarios en travaillant sur l’idée de promesse. Il s’agit de changer la façon de regarder l’avenir. Par exemple, on sent bien que le système éducatif n’est plus en phase avec les aspirations des jeunes et du monde économique. Alors à l’ère numérique, comment l’éducation peut-elle redevenir une promesse, comme au début du siècle dernier ? Aussi, que peut faire la technologie face au changement climatique ? On a là quelques belles histoires à raconter.
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Conférences le 27 septembre Amphithéâtre MPM, Jardins du Pharo, Marseille 7e - Entrée libre Ateliers Questions numériques le 28 septembre Pôle média de la Belle de Mai, Marseille 3e - 40 €
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liftconference.com
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L’ « Agence nationale de psychanalyse urbaine » (ANPU) s’est penchée sur le cas du « Grand (pas) Marseille » pour détecter les névroses de la cité phocéenne et de ses voisines. Un vrai travail d’enquête restitué lors d’une « conférence-polémique » menée par le turbulent Laurent Petit. Entrée libre sans ordonnance.
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Par Alexandre Lévêque
Les villes ont un inconscient. Crises, guerres et autres épreuves traversées tout au long de leur histoire ont laissé des séquelles, provoqué des traumatismes, des névroses, dont elles souffrent encore aujourd’hui. Depuis 2008, l’Agence nationale de psychanalyse urbaine s’est donnée pour mission de les déceler, de les étudier, et même de les soigner. Une trentaine de villes, en France et à l’étranger, se sont déjà couchées sur le divan de l’ANPU. Parmi elles, Marseille, Aubagne, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Martigues, psychanalysées de 2009 à 2011. C’est bientôt l’heure du diagnostic. Il sera dévoilé du 24 au 27 octobre dans le cadre d’une série de conférences, « Le Grand (pas) Marseille » : les vrais-faux « chercheurs » de l’ANPU détailleront les refoulements, actes manqués, fantasmes et tabous qui habitent l’inconscient de notre territoire avant de proposer leurs solutions thérapeutiques. Ensuite, place au débat. Et justement pour « créer le débat », des acolytes de l’ANPU, cachés dans la salle, procéderont à des « interventions polémiques » plus ou moins provoc, destinées à faire réagir le public… C’est bien toute l’ambiguïté de l’ANPU : elle aborde, sur un ton loufoque et décalé, des problématiques bien réelles reposant sur un vrai travail d’enquête. « Sous le prétexte du spectacle, on se permet de tout dire, souligne Nicolas Memain, artiste ‘‘gonzo’’ et polémiste complice de l’ANPU. La psychanalyse, c’est la verbalisation : ça fait du bien. L’ANPU est complémentaire des gens sérieux. » Elle a d’ailleurs été fondée par un ex-clown de supermarché, Laurent Petit. A son tour de s’allonger sur le divan.
Quelle est donc cette « psychanalyse urbaine » dont vous êtes l’inventeur ? Laurent Petit : On met une ville sur le canapé et on la fait parler. Mais faire parler une ville, c’est faire parler ses habitants. Pour ça, on a mis au point un protocole en deux parties. On commence par aller voir des experts (mairie, archives, urbanistes, etc.) et ensuite, on va à la rencontre des gens, dans la rue. Pour eux, on a un questionnaire chinois : « Si Marseille était un fruit ou un légume ? », « Qu’est-ce qui ferait plaisir à Marseille pour son anniversaire ? » Ce type de question permet de déclencher une parole poétique. Car sinon, on se retrouve avec les mêmes réponses dans chaque ville, entre problèmes de stationnement et crottes de chiens… Bref, après, on rassemble tout ça et on met en scène une conférence de restitution d’une petite heure où l’on évoque les événements familiaux de la ville, c’est-à-dire comment elle a traversé les épreuves de l’histoire et quelles névroses cela a créé. Enfin, on propose des solutions : traitements urbanistiques et architecturaux voire, éventuellement, un exorcisme. Dans certaines villes, on a vraiment lancé le traitement ! On avait par exemple senti une tension névrotique entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps. On a donc édifié un monument de réconciliation. Tiens, il faudrait faire la même chose entre Aix et Marseille ! Donc ce n’est pas qu’une grosse blague. L’ANPU aurait de vraies vertus curatrices pour nos villes ? On a cette ambition. Le côté burlesque est très important et je passe beaucoup de temps à me ridiculiser. Mais c’est plus fort que moi, j’ai beaucoup de mal à parler sérieusement... On fait un travail de bouffons : on parle de vrais problèmes, mais de manière déglinguée. C’est « bouffonesque » au sens de « bouffons du roi » ! Car on est engagés par les pouvoirs publics, le roi ! Pourquoi une conférence sur le « Grand (pas) Marseille » ? Le cas Marseille, c’est une expérience assez longue. Ça fait quatre ans qu’on vient ici. La première fois, c’était à la Belle de Mai en 2009. Les années suivantes, on est allés à Aubagne,
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© Charles Altorffer
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Port-Saint-Louis, puis Martigues. Mais toutes ces villes n’arrêtent pas de parler de Marseille ! Un mois avant notre arrivée à Aubagne, ils avaient refusé par référendum de se rattacher au Grand Marseille ! Avec des résultats dignes d’une république bananière stalinienne. Ces villes qui résistent au Grand Marseille, c’est pénible, non ? Mais Marseille est une ville phocéenne, donc une ville « faussée ». Et il y a comme un fossé entre elle et ses alentours. Pourtant, dans les gènes crypto-linguistiques de Marseille, il y a la propension à devenir capitale. C’est un cas typique de névrose. Et puis il y eut de nombreux incidents avec l’Etat français, le père adoptif : Louis XIV l’a prise par derrière et durant la Révolution, elle fut « ville sans nom »… Quels traitements prescrivez-vous pour Marseille ? On n’a pas fini l’étude des résultats à l’heure où je vous parle. Mais j’ai déjà pu mettre quelques névroses en évidence. Le pont transbordeur, vous l’avez vu en photo, c’est la nostalgie. On voulait s’en inspirer pour inventer un nouveau mode de transport futuriste, en se souvenant aussi de César, le sculpteur originaire de la Belle de Mai. En associant la névrose automobile et le concept de « césarienne », on invite les Marseillais à devenir éco-responsables en faisant compresser leurs voitures pour qu’elles constituent les briques du « Transborderline » : c’est le transbordeur, avec un côté borderline clairement assumé ! On a interrogé des ingénieurs : le téléphérique, c’est quatre fois moins cher qu’un tramway et dix fois moins qu’un métro. En imaginant que les Marseillais sacrifient leurs voitures pour en faire les piliers du Transborderline, on pourrait faire plusieurs lignes de téléphérique et relier le Vieux-Port à toutes les villes du Grand Marseille. On a proposé ce projet à « Marseille 2030 », heu pardon, « Marseille-Provence-AlpesCôte-d’Azur 2013 », mais ils l’ont refusé. Car ici, la voiture est presque un second organe sexuel. Bon, et vous avez une autre solution ? A chaque fois, durant nos enquêtes, la peste de 1720 revenait sur le tapis. Vous connaissez l’histoire ? A l’époque, il y avait déjà des services sanitaires qui marchaient très bien. Quand les bateaux devaient débarquer à Marseille, ceux qui étaient suspects de peste étaient mis en quarantaine sur une île, pas loin, pour
voir si tout le monde mourrait ou si c’était une rumeur. En 1720, un bateau qui transportait des étoffes destinées à être vendues à la foire de Beaucaire a échappé à cette quarantaine car le maire de Marseille avait des intérêts dans l’affaire. Résultat, toute la ville a été ravagée par la peste. L’épidémie s’est propagée dans les villes voisines et dans le Vaucluse, on a même construit un mur anti-Marseillais ! Ça nous a donné une idée de traitement cathartique : reconstituer la peste de 1720 et en faire un événement fédérateur dans le cadre de « Marseille-AixProvence-Gardanne 2013 ». Pour cela, il fallait provoquer une grève des éboueurs (facile), ce qui aurait pu constituer un décor naturel extraordinaire pour les rats. Et les Marseillais auraient donc décidé de se mettre sous la tutelle d’Aubagne qui les aurait convertis au tri sélectif avant de les inciter à construire un incinérateur sur le Frioul... Ce projet a lui aussi été refusé par « Marseille-Toulon 2013 », heu, pardon, « Marseille-Aix-Toulon 2013 ». Etonnant... Mais bon, en 2013, je passerai peut-être. Pour dire bonjour. Mais vous pouvez écrire qu’on peut facilement relancer ces projets, si d’autres tombent à l’eau comme l’expo Sartre, heu Camus. Marseille est une ville où il y a encore de la folie et un sens de l’improvisation !
« LE GRAND (PAS) MARSEILLE »
Les 26 et 27 octobre Cité des arts de la rue, Marseille, 15e (Aussi à Aubagne le 24 octobre et à Martigues le 25) - Entrée libre
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lieuxpublics.com
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OUT OF 2013
Quand acteurs culturels et artistes se réunissent pour mettre en débat la Capitale européenne de la culture, ils le font à leur façon : théâtralisée.
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Par Sandro Piscopo-Reguieg
Alors que l’année 2013 approche, les structures résidentes du Comptoir Toussaint-Victorine (à la Belle de Mai) prennent l’initiative d’en questionner les enjeux. Le « Out of 2013 » sera la voix du « tiers secteur culturel », cette myriade d’associations et de petits opérateurs à la santé financière fragile, vivotant dans l’ombre des grands équipements du « CAC 40 de la culture ». On les attendait sur le terrain de la revendication ou de la contestation. Ils ont choisi l’analyse et la réflexion. Associé à Marseille 2013 Off, le « Out » se veut « espace de mise en débat sur l’année Capitale ». Ni pour, ni contre MP2013, bien au contraire… Trois débats seront proposés durant le dernier trimestre 2012 à raison d’un par mois. En octobre, « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » s’intéressera à la gouvernance de la Capitale européenne de la culture ; en novembre, « MP2013 des villes, MP2013 des champs » traitera de l’équilibre entre grandes villes et petites communes ; et en décembre, « Je dis ce que je fais mais je ne fais pas ce que je dis » sera consacré à une étude comparée des ambitions affichées lors de candidature en 2006 avec le programme définitif. En guise de répétition générale, un premier débat « test » s’est tenu le 14 juin. Sa forme fut pour le moins originale : de vrais invités furent appelés à témoigner à la barre d’un faux tribunal « présidé » par Michel Gairaud, rédacteur en chef du journal satirique Le Ravi. Sam Khebizi, directeur de l’association Les Têtes de l’art et initiateur du Out of 2013, s’était quant à lui improvisé avocat de la défense. Cette fois, c’est à lui de lever la main droite... et de répondre à nos questions.
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Pourquoi un « Out » ? Sam Khebizi : Nous souhaitons amener de la complexité, sortir du binaire, du « pour » ou du « contre » MP2013. Car lorsque les artistes montent un débat, ça devient souvent purement contestataire. Selon nous, l’année Capitale peut se concevoir comme un catalyseur des politiques culturelles actuellement menées en France. Parler de 2013, c’est parler de la tension entre grands équipements et petits lieux, de l’attractivité culturelle, du phénomène de gentrification, du culte de l’artiste… On retrouve ça un peu partout, pas seulement à Marseille. Et l’idée, justement, c’est d’en discuter. Le premier débat s’est déroulé sous la forme d’un procès. Pourquoi avoir choisi une telle mise en scène ? Rendons à César ce qui est à César. Je me suis directement influencé du positionnement du Off. Je partais sur un format traditionnel mais en voyant leur conférence de presse, je me suis pris au jeu du décalage. C’est la meilleure façon de ne pas ennuyer tout le monde. L’objectif, c’était aussi de parvenir à faire parler les invités, leur tirer les vers du nez de façon intelligente ; et enfin, on souhaitait trouver un certain équilibre, c’est-à-dire éviter de trop taper sur MP2013 ! Le procès, finalement, c’est la meilleure solution. C’est équitable, il y a la défense et l’accusation, le pour et le contre. C’est une façon de garantir la neutralité du débat. Les juristes sont joués par des comédiens, mais on fait venir de vrais invités. Il s’agit d’avoir une pertinence dans le fond et une certaine impertinence dans la forme. Ce débat était intitulé « La mienne est plus grosse que la tienne »… C’est pertinent. Ok, le titre a un côté « Bigard », mais on l’assume. Et puis la réalité est beaucoup plus crue. Nous avons voulu traiter de la lutte féroce que se livrent les collectivités territoriales dans l’escalade à l’équipement culturel. C’est à qui aura le plus beau théâtre, le plus bel opéra… Cette politique conditionne largement les orientations budgétaires : la création devient le parent pauvre de la culture. Pour en parler, des témoins étaient appelés par l’accusation et
© Marion Ponet
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OUT OF 2013
Procès. Pour ses débats, le Out of 2013 a choisi de jouer la carte de la mise en scène. Ici, Patrick Mennucci à la barre.
la défense : un politique (Patrick Mennucci, vice-président chargé de la culture à la Région) et des opérateurs culturels (Nathalie Marteau, directrice du Théâtre du Merlan, Thierry Roche directeur délégué de MP2013, et Stéphane Sarpaux, co-organisateur du Off). Deux spécialistes des politiques culturelles (les universitaires Boris Grésillon et Philippe Teillet) sont quant à eux intervenus en tant qu’ « experts auprès du tribunal ». Pour l’accusé, on a opté pour un personnage virtuel, « JeanRené Pébron, maire de Cagadou-sur-Fifre », jugé pour avoir investi 4 millions d’euros afin de bâtir un équipement culturel de 850 places dans sa commune de 300 habitants. Sa principale motivation, c’est qu’il voulait un équipement plus gros que celui qu’avait construit le maire de la commune voisine. Un exemple certes légèrement caricatural, mais qui constitue avant tout un support au débat. Cette contrainte formelle ne nuit-elle pas au fond ? C’est une question que nous nous sommes posés. Par exemple, quid du public ? C’est un débat mais, ici, il devient simple observateur, à part les jurés tirés au sort… Le paradoxe, c’est que le procès permet de poser des questions crues et directes. J’ai l’impression que dans un débat traditionnel, on ne serait pas allés aussi loin. Les invités furent très surpris ! Bien que conscients de participer à un faux procès, ils nous ont avoué avoir été flippés lorsqu’ils étaient à la barre ! Et particulièrement étonnés par la précision des questions. Pour garantir la qualité des échanges, nous avons besoin de comédiens qui connaissent parfaitement les dossiers, car il faut être capable de rebondir... Ça demande donc pas mal d’impro. Le rôle du procureur était interprété par Xavier-Adrien Laurent du collectif La Réplique. Etant moi-même comédien de formation, j’ai choisi de jouer le rôle de l’avocat de la défense… Vous allez garder cette formule pour les prochains débats ? Oui, nos hésitations portent seulement sur le lieu. Je suis en pourparlers avec le président du Tribunal de grande instance :
il n’est pas contre l’idée de nous prêter une vraie salle d’audience… Quels seront les thèmes des prochains débats du Out ? En octobre, ce sera la gouvernance… On va se régaler ! Car de ce côté-là, MP2013, c’est assez fabuleux. Qui prend les décisions ? Les élus ou l’équipe opérationnelle ? En allant voir les différents interlocuteurs, j’ai l’impression que personne ne décide de rien. En novembre, on va se pencher sur la place des petites communes en 2013. En effet, au-delà de Arles, Aix et Marseille, on nous parle de 73 villes concernées… On va donc voir comment elles s’approprient l’événement. En décembre, pour le dernier débat, nous allons comparer le programme de MP2013 avec ce qui avait été annoncé en 2006, quand Marseille s’est porté candidate. Chaque débat sera filmé et visible en streaming sur notre site. Et ensuite ? En 2013, nous n’organiserons plus de débat. Nous allons essayer de rassembler le maximum d’opérateurs pour monter une plateforme, un think tank du tiers secteur culturel pour préparer 2014. Il s’agit de tenter d’influer sur les programmes des candidats aux municipales, quels qu’ils soient, en matière de politique culturelle. Car nous ne sommes pas certains que la culture soit leur priorité… ni qu’ils auront les bonnes idées.
Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ?
(Date non connue) Comptoir Toussaint-Victorine, 29, rue Toussaint, Marseille, 3e. Entrée libre.
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outof2013.org
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PATRIMOINE / ART CONTEMPORAIN
LA CULTURE MADE IN
QUARTIERS NORD
EN QUÊTE DU PATRIMOINE CULTUREL ET NATUREL DES 15E ET 16E ARRONDISSEMENTS P. 68 UN PARCOURS D’ART CONTEMPORAIN AU CŒUR D’UNE CITÉ DES CURIOSITÉS P. 74 ENTRE BÉTON ET BITUME © Hôtel du Nord
P. 80
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HÔTEL DU NORD
HÔTEL DU NORD
LA RÉVÉLATION DES QUARTIERS NORD EST EN MARCHE Hier encore, ils n’étaient qu’une poignée. Déterminés à faire la peau aux préjugés, les trente sociétaires de la coopérative « Hôtel du Nord » partent à la redécouverte du patrimoine culturel et naturel des 15e et 16e arrondissements. Entre deux balades à travers cités, bastides, et friches industrielles, il est aussi possible de louer une chambre avec vue… sur les quartiers nord.
© Hôtel du Nord
Par Emmanuelle Gall
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Savonnerie du Fer à cheval, chemin de Sainte-Marthe. À se méfier des imitations. Grâce à la jeune guide de la savonpeine franchi le seuil de la salle des chaudrons, on se re- nerie, et grâce à Christine Breton qui conçoit pour Hôtel trouve au XIXe siècle. Des stalactites de savon pendent aux du Nord une nouvelle balade patrimoniale, « la Route du dessus des cuves en ébullition, sous le sourire bienveillant savon ». Opérationnelle en 2013, elle reliera les trois savond’une vierge en plâtre et la haute surveillance de Michel, le neries encore en activité dans les 14e et 15e arrondissements. maître savonnier. Au sous-sol, l’anAujourd’hui, Christine Breton est cienne salle du feu et ses fours à char- « COMMENT ECRIRE L’HISTOIRE entourée de huit jeunes du quarbon laissent imaginer l’enfer vécu tier qui seront bientôt en mesure DES QUARTIERS NORD ? » par les ouvriers d’autrefois. Certes, d’animer les balades, aux côtés des les conditions de travail ont changé artistes également impliqués dans et des cuves en inox sont venues doubler les chaudrons. l’aventure. Car les balades d’Hôtel du Nord ne se résument Mais la savonnerie conserve intactes les traces du passé. On pas à de traditionnelles visites guidées. « Conçues par et avec quitte les lieux en éternuant (la poussière de savon !) et en ceux qui habitent là, elles croisent les histoires de chacun au se jurant de jeter à la poubelle son stock de gel douche et travail de recherche historique qu’habitants, associations et autres « Petit Marseillais » (américains). Désormais au fait entreprises peuvent, souvent collectivement, produire à parde la fabrication du savon de Marseille, on a aussi appris à tir de leur vécu, leur curiosité, leurs connaissances », peut-
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© Hôtel du Nord
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AU « CATALOGUE » DES CHAMBRES D’HÔTEL DU NORD, BASTIDES, MAISONNETTES ET, BIENTÔT PEUT-ÊTRE, HLM…
on lire sur leur site Internet. Lors des dernières Journées européennes du patrimoine, le public avait le choix entre une bonne douzaine de propositions : balade en mer à bord d’une goélette entre l’Estaque et les îles du Frioul, découverte de l’oppidum gaulois de Verduron, visite de l’église Saint-Louis, ou encore de l’hôpital psychiatrique Édouard Toulouse… Il était même possible de passer une nuit chez l’habitant, ou de repartir avec un livre ou un objet estampillé « Hôtel du Nord »… Une fabrique d’histoire… Pour mieux cerner cette struc-
ture tentaculaire, il faut remonter quelques années en arrière, en 1995. À la faveur d’une directive européenne créant des « missions expérimentales de patrimoine intégré », Christine Breton, conservatrice du patrimoine, débarque dans les quartiers nord. Concrètement, elle est chargée de collecter, identifier, interpréter et présenter le patrimoine des 15e et 16e arrondissements, avec le concours des habitants et de divers acteurs locaux. « La question était : comment écrire l’histoire des quartiers nord sans les trahir ? Il était exclu de se référer au récit national, car l’Etat a abandonné ce territoire. Or, comme les autres, il a besoin d’un récit fondateur. » Christine Breton aurait pu faire un musée, elle a préféré imaginer une « fabrique d’histoires ». Atypique et engagée, la conservatrice fouille les archives et délie les langues pour faire émerger l’histoire de ces quartiers, certes peu pourvus en monuments historiques, mais en prise directe avec le passé colonial et industriel de Marseille. « Mon objectif était double : faire prendre conscience aux habitants que contrairement aux idées reçues, leur quartier disposait d’un patrimoine, et, dans un second temps, que ce patrimoine pouvait devenir une ressource. » Ainsi naissent les premières balades, à l’occasion des Journées du patrimoine, articulées autour de cités, monuments, usines ou friches industrielles. « Ces balades n’ont rien à voir avec du tourisme, elles assurent la transmission des connaissances accumulées, de la mémoire collective, et chacun y est acteur. » Au fil des années, l’offre s’étoffe et les « guides » se multiplient : la sociologue et militante associative Samia Chabani, l’écrivaine Lucienne Brun, ou encore Christiane Martinez, installée à la cité de la Visitation depuis 1988… Un solide réseau se tisse, le succès est rapidement au rendezvous, et pas seulement auprès des Marseillais. On vient parfois de loin, pour découvrir les quartiers nord « autrement ». 70
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… et d’hospitalité. Du coup, en 2009, les organisateurs
sont confrontés à un nouveau problème. Comment loger les promeneurs venus d’ailleurs dans des quartiers sans hôtel ? Parmi les fidèles des Journées du patrimoine, certains proposent d’ouvrir leurs maisons. Hôtesse de la première heure, Michèle Rauzier vit dans une bastide à Mourepiane. La « petite-fille du laitier de Saint-André, née derrière le comptoir d’un bar à Saint-Henri » ne se reconnaît pas dans l’image des quartiers nord véhiculée par les médias. Elle évoque avec nostalgie son quartier « d’avant l’industrialisation » : la plage, les commerces, le tramway qui allait au Vieux-Port… Aujourd’hui, il lui reste la maison héritée de ses parents, une vue à couper le souffle et son combat contre les pollueurs ou les promoteurs crapuleux. Quand elle reçoit des hôtes, elle les emmène faire le tour du quartier, ses bastides et leurs rocailles du XIXe siècle. Sachant que, chez elle, la chambre de 25 m2 avec salle de bain (piscine et petit déjeuner compris) coûte 60 euros la nuit, les amateurs ne manquent pas ! Et s’il n’y a plus de place chez Michèle Rauzier, ils peuvent aller dormir à La Palestine, chez Martine Ricou. Cette villa néomauresque du début du XXe siècle, que l’on aperçoit depuis le chemin du littoral à l’Estaque, fait également partie du « catalogue » d’Hôtel du Nord. Comme La Gare Franche où résident l’artiste Wladislaw Znorko et sa compagnie
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© Hôtel du Nord
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Chambres d’hôtes. Quelques habitants des quartiers nord proposent d’ouvrir leurs maisons aux voyageurs. Il est par exemple possible de louer une chambre dans les bastides de Mourepiane (16e arrondissement), chez Joëlle et Roger Raous (ci-dessus) ou chez Michèle Rauzier (à gauche).
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EN ROUTE !
Hôtel du Nord propose actuellement sept balades patrimoniales (aux groupes déjà constitués). LES PIÉMONTS DE L’ETOILE : entre colline et béton, le
long du canal de Marseille et du ruisseau Caravelle, à la découverte des jardins et des grands ensembles. DÉCOUVERTE DU SAVON DE MARSEILLE : la
savonnerie du Midi, située aux Aygalades, projette de créer un écomusée et ouvre ses portes au public le temps d’une visite. DE LA GALLINE À NOTRE-DAME-DU-MONT-CARMEL : parcours © Hôtel du Nord
du sommet de l’Etoile à l’Estaque en suivant les grands sites érémitiques. VUES SUR MER : du port industriel vers l’intérieur des terres,
en suivant le premier niveau des crêtes et en relation avec les œuvres réalisées par des artistes sur ce territoire.
L’USINE DES FRÈRES MARTIN, UNE TUILERIE FABRIQUE DE L’URBAIN : le site de l’ex-usine devenue cité
« CES BALADES N’ONT RIEN À VOIR AVEC DU TOURISME, ELLES ASSURENT LA TRANSMISSION DES CONNAISSANCES ACCUMULÉES, ET CHACUN Y EST ACTEUR »
Cosmos Kolej, comme l’ancien bar des Aygalades devenu la maison de Karyn Bolé, ou encore la maison de la pianiste Danièle Ducelier, traverse de l’Harmonie… L’offre d’Hôtel du Nord couvre tous les secteurs des quartiers nord, mais aussi plusieurs types d’habitats : bastides, maisonnettes et, bientôt peut-être, logements sociaux. Car, pour l’heure, louer une chambre dans un HLM, c’est prendre le risque d’être assimilé à un « marchand de sommeil ». Ainsi, Hôtel du Nord milite activement pour « permettre à ceux qui résident en habitat social d’exercer occasionnellement l’activité de chambre d’hôte avec l’accord du bailleur » et propose une pétition en ligne sur son site. Dans ce domaine, l’Europe est encore venue apporter de l’eau au moulin d’Hôtel du Nord, avec la signature en 2005 de la Convention de Faro, reconnaissant « que toute personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement ». Revendiquant la mise en application de ce texte inconnu du grand public et pas encore ratifié par la France, le collectif l’a déjà fait signer aux maires de secteur. Une coopérative. Pour acquérir crédibilité et légitimité
aux yeux des pouvoirs publics, Hôtel du Nord s’est progressivement structuré et a opté l’année dernière pour le statut de coopérative. « Une coopérative n’est pas une association, elle se présente face à l’Etat en adulte, comme un véritable interlocuteur », explique Christine Breton. C’est ainsi que la structure a pu être distinguée par les organisateurs de MP2013 ou nominée lors de la cinquième édition des « Trophées du tourisme responsable ». Et qui dit coopéra72
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d’habitat social, à travers une balade restituant les témoignages d’habitants et la transformation des paysages. DES BASTIDES À L’HABITAT SOCIAL : la villa
Favorite (son histoire et sa place dans l’œuvre de Monticelli), la Cité Saint-Louis (premier habitat social de Marseille), la colline Consolat… ÉGLISE SAINT-LOUIS : visite guidée de l’église Saint-Louis
et de ses œuvres d’art, sans oublier les relations complexes que l’église catholique a entretenues avec le monde ouvrier.
tive, dit également économie réelle. En plus des balades et des chambres, Hôtel du Nord commercialise des produits locaux (savon des Aygalades, miel du vallon des Mayans), ainsi que des publications : la série Récits d’hospitalité, initiée en 2011, compte déjà cinq titres. Paru cet été, le dernier né de cette édition (au format « 15/16 » !) croise les textes scientifico-poétiques de Christine Breton avec la prose d’Akhenaton : le rappeur réplique à l’évocation de L’Eliade, une épopée baroque écrite par un ermite installé au XVIIe siècle dans la grotte du ravin de la Viste… Au rayon librairie, on trouve également les ouvrages de Lucienne Brun, la spécialiste de l’église Saint-Louis et de la colline Consolat, ou une édition de 23 cartes postales de la jeune photographe Yohanne Lamoulère… À la veille de 2013, les objectifs affichés par Hôtel du Nord sont ambitieux : « 50 chambres d’hôtes, 50 itinéraires patrimoniaux et 50 produits locaux. » Utopie ? Pas sûr, car depuis le début, le collectif a su aller de l’avant en tirant parti de la diversité qui règne en son sein. Ce n’est pas un hasard si, aujourd’hui, Vitrolles, Venise et Kosice (l’autre Capitale européenne de la culture l’année prochaine), sollicitent son expertise.
WWW.
hoteldunord.coop
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LA CITÉ DES CURIOSITÉS
CITÉ DES CURIOSITÉS
LA BRICARDE À L’AVANT-GARDE
Entre La Castellane et le Plan d’Aou, il existe une cité jalonnée d’œuvres d’art contemporain. Depuis 2008, La Bricarde prend des allures de « Cité des curiosités ».
© Leïla Quillacq
Par Sandro Piscopo-Reguieg
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Le lieu est plutôt paisible. Pas de vitres cassées, peu de murs tagués. Mais sur les façades de certaines barres d’immeubles, on remarque quelques drôles d’objets : ici, des dominos géants ; là, un encrier jouxte un duo d’épingles ; plus loin, un ensemble de structures métalliques semble flotter dans les airs, au gré du vent. En contrebas, on est en train d’installer un cadran solaire… Nous sommes à l’extrême nord de Marseille, dans l’un de ces grands ensembles érigés au début des années 70 sur les collines surplombant la rade. Entre béton et nature, La Bricarde (15e arrondissement) est un village de dix-sept bâtiments, 686 logements, et près de 2 800 habitants. Une cité comme les autres... A ceci près qu’elle est peuplée d’œuvres d’art. Fondations. La Cité des curiosités est un projet au long
cours initié par la Logirem, le bailleur social de La Bricarde. Pour tenter de renouer le dialogue avec ses locataires et pour dépasser les questions d’ascenseur en panne ou d’interrupteur cassé, cet organisme HLM (qui gère un parc de 21 000 74
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logements sociaux en PACA et en Corse) s’était doté en 1998 d’une fondation d’entreprise lui permettant de soutenir des projets à caractère social, éducatif, culturel… et accessoirement, d’améliorer son image. C’est dans ce contexte qu’en 2008, la Fondation Logirem décide d’expérimenter une opération singulière : créer la rencontre entre un artiste et les habitants d’un quartier d’habitat social en leur offrant la possibilité de travailler ensemble, sur un temps long, à la réalisation d’une œuvre destinée à venir s’inscrire dans la cité, entre tours et barres d’immeubles. Pour le choix du site, on s’accorde vite sur La Bricarde, située entre La Castellane (juste au-dessous) et le Plan d’Aou (juste au-dessus). Une cité où existe un tissu associatif dense ayant déjà mené de nombreuses animations culturelles. Et puis ici, ça ne craint pas. Enfin, moins qu’ailleurs. Car si La Bricarde n’est pas très célèbre, c’est peut-être parce qu’elle est peu coutumière des pages « kalashnikov » des journaux… Restait encore à trouver un artiste susceptible de relever le défi : ce sera Yazid Oulab, Marseillais d’origine algérienne qui n’a de cesse d’explorer, dans son œuvre, le thème du
Le sac de jute et la paire de clés. Le sac, c’est celui de Bibi l’épicier, étroitement associé à Yazid Oulab pour l’élaboration de cette sculpture qui trône désormais au-dessus de son commerce. Ce sac de labeur contiendrait-il la clé d’un mystère poétique ?
La brouette. Face au jardin partagé de la cité, elle est perchée « comme le saut d’une gazelle » et penchée car « la brouette vient du mot ‘‘brau’’, ‘‘qui épanche la soif’’ ».
Les épingles à linge et l’encrier. Des objets symboliques pour la blanchisseuse et les écoliers, imaginés par les enfants de la cité lors des ateliers menés par l’artiste avec l’association Arts et Développement.
SOCLES HAUTS POUR LE RÊVE YAZID OULAB, 2008 - 2009
Les dominos. Un clin d’œil aux anciens de La Bricarde, dont ce serait le jeu favori… Qui pose aussi la question de la dominance.
Œuvre réalisée par Jean-Marc Munerelle en résidence à la FONDATION LOGIREM – Cité de la Bricarde à Marseille - dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée - Marseille Provence 2013 en partenariat avec Sextant et Plus
LA CITÉ DES CURIOSITÉS
Pour La Bricarde, qu’il perçoit comme un « balcon de pensée » surplombant la ville, Yazid Oulab a imaginé des « étagères de curiosités » : disposées en hauteur, sur les murs de quatre bâtiments de la cité, elles accueillent des objets se rapportant à l’histoire personnelle des habitants du quartier. Comme si ces sculptures détenaient chacune un secret bien gardé… « Il s’agit de toucher l’affect, explique le plasticien, faire sortir des gens ce qu’ils ont à l’intérieur, leur faire donner un bout d’eux-mêmes. (…) Je voulais mettre une touche de vrai. Comme le sac, comme la brouette. Cette touche de vrai, sur des étagères vraies, c’est rendre l’art familier. »
© Agnès Mellon
Œuvre réalisée par Yazid Oulab en résidence à la FONDATION LOGIREM – Cité de la Bricarde à Marseille - dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée - Marseille Provence 2013 en partenariat avec Sextant et Plus
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L’ENVOL JEAN-MARC MUNERELLE, 2011
« La Bricarde a mauvaise réputation. (…) La disposition des barres crée une enceinte, une muraille qui protège les habitants du reste de la ville, mais aussi de la vie en commun. » C’est à partir de ce constat que le plasticien et vidéaste Jean-Marc Munerelle a réalisé L’Envol, « sculpture à vent » prenant la forme de cinq structures en aluminium paraissant flotter dans les airs grâce à un système de câblage en inox les reliant aux tours de la cité. « En utilisant le vent, nous ouvrirons le quartier sur la ville, et nous espérons ainsi faire souffler un peu de liberté. » Parallèlement à la conception de cette œuvre, l’artiste a animé quelques ateliers de médiation culturelle. Durant les vacances de Pâques, les adolescents du centre social de La Bricarde ont à ce titre participé à la réalisation d’un documentaire... sur le thème du vent (photo p. 74).
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LA CITÉ DES CURIOSITÉS
© Bérénice Saliou
UNE FAÇON D’EMBELLIR LES LIEUX TOUT EN CRÉANT DU LIEN SOCIAL LES CURIEUSES DE LA CITÉ lien et de la transmission. Idéal, pour un projet basé sur la rencontre, le dialogue, l’échange... De septembre 2008 à mars 2009, le plasticien est venu s’imprégner de cette cité, se nourrir des histoires de ceux qui l’habitent. Des récits qu’il a traduits en quatre sculptures, désormais posées sur les murs de La Bricarde (voir p. 75). Elles constituent l’aspect visible d’un travail de fond ayant fédéré, six mois durant, plusieurs dizaines d’habitants du quartier. Une façon d’embellir les lieux tout en créant du lien social. Programme. Très vite, l’ensemble des partenaires (dont
la Logirem, la DRAC, le Conseil général et la Région) décide de poursuivre l’expérience et même de la développer : chaque année jusqu’en 2013, un nouvel artiste sera sélectionné via un appel à projet international pour effectuer une résidence de six mois à La Bricarde. Dès 2010, MarseilleProvence 2013 s’associe au programme et l’intègre au dispositif des Ateliers de l’Euroméditerranée. Sa mise en œuvre est confiée à l’association Sextant et plus, qui dépêche sur place une chargée de mission pour assister les artistes en résidence et impulser des actions de médiation culturelle avec les habitants (voir encadré ci-contre). Ils pourront se réunir dans la « galerie des curiosités », un local aménagé dans le bâtiment F, au sein du noyau commerçant de la cité. Quelques salariés de la Logirem ont eux aussi souhaité apporter leur pierre à l’édification de cette Cité des curiosités en proposant de fournir compétences techniques et aide logistique. Parcours. En 2011, c’est une « sculpture à vent », L’Envol, qui
vient rejoindre les quatre œuvres de Yazid Oulab. Elle fut réalisée par Jean-Marc Munerelle, retenu pour la seconde cession de résidence (voir p. 75). A vrai dire, un demi-échec. L’artiste aurait quelque peu négligé l’aspect participatif du projet… Bien qu’elle repose sur de solides fondations institutionnelles, l’équilibre de cette Cité des curiosités reste fragile, conditionné à la capacité qu’aura le plasticien invité à venir à la rencontre des habitants, à entrer en dialogue avec eux, à les associer à sa démarche artistique. Des notions tout à fait familières au duo britannique gethan&myles, sur place depuis le mois de mars (voir p. 77). Leur œuvre pérenne, un cadran solaire sur lequel sont inscrites les dates de naissance de tous ceux qu’ils ont croisés ces six derniers mois, 76
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« Je n’aurais jamais eu l’idée d’aller dans ce type de lieu. Je n’ai pas tout compris, mais j’ai vu des choses magnifiques. Maintenant, je peux dire que j’aime l’art. » Du Mac de Marseille à la Collection Lambert d’Avignon, Arta a déjà visité une dizaine d’expositions d’art contemporain. « C’est une façon de sortir de la cité, de voir autre chose », explique Bérénice Saliou, chargée de mission pour l’association Sextant et plus. Sur place depuis janvier 2010, elle mène ponctuellement des activités de médiation culturelle avec les habitants de la cité : ateliers de pratique artistique pour les petits, visites d’expos pour les plus grands. « On ne la lâchera pas tant qu’elle ne nous amène pas à Sète ! », nous assure Djamila, une maman de La Bricarde qui ne cache pas sa déception face à l’annulation de la sortie prévue au Centre régional d’art contemporain (CRAC). Il faut dire que depuis quelques temps, s’est formé un petit groupe d’une dizaine d’irréductibles : pour rien au monde, elles ne rateraient les déplacements proposés par Bérénice (avec le centre social de La Bricarde) dans les musées et galeries d’art contemporain de la région. Et il n’est pas seulement question de tourisme : à la Galerie of Marseille, Djamila et ses amies furent particulièrement interpellées par les œuvres d’Ymane Fakhir, artiste d’origine marocaine qui « raconte la vie d’avant, ses racines, sa culture… Ça nous a touché comme si c’était nous ». Si bien que la plasticienne fut invitée à La Bricarde, pour un moment partagé avec les curieuses de la cité.
sera inaugurée le 21 septembre. Enfin, l’année prochaine, ce sera déjà l’ultime cession de résidence, et la création partagée d’une toute dernière curiosité... L’ensemble des travaux réalisés constituera, à la rentrée 2013, un véritable parcours d’art contemporain en plein cœur d’une cité des quartiers nord. Une proposition inédite. Peut-être qu’alors, la presse évoquera enfin La Bricarde… Dans les pages culture.
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La Bricarde 159, bd Henri Barnier, Marseille 15e
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mp2013.fr
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gethan&myles
SIX MOIS À « BRIXTON SUR MER » En 2012, la Cité des curiosités a invité le duo d’artistes britanniques gethan&myles. De leur rencontre avec les habitants de La Bricarde sont nés un livre d’art, un film, une sculpture… et bien d’autres choses encore. Car les œuvres de gethan&myles vivent dans l’esprit et la mémoire de ceux qui les côtoient. Récit. © gethan&myles
Par Sandro Piscopo-Reguieg
L
Leur arrivée à La Bricarde fut pour le moins remarquée. Il faut dire que là-bas, une petite bonde et un grand barbu à la gueule de hippie, ça ne passe pas inaperçu. Surtout à vélo. « On était en repérage, raconte Myles Quin. J’ai sorti mon appareil photo, et là, six jeunes ont couru vers nous : ‘‘Vous êtes des flics ?’’ A voir notre look, ils ont vite écarté cette idée. ‘‘Vous venez d’où comme ça, à vélo ? Quoi ?! Du Panier ? Pas possible !’’ Quand ils ont entendu notre accent, ça a tout de suite créé une curiosité. Alors on leur a parlé de nous… » Myles Quin est anglais. Gethan Dick est irlandaise. Ensemble, ils forment le duo gethan&myles : « Ça s’écrit comme ça et pas autrement ! », disent-ils en chœur, d’un français impeccable. Installés à Marseille depuis septembre 2011, ils étaient, quatre mois plus tard, retenus pour effectuer une résidence de six mois à La Bricarde dans le cadre du programme « la Cité des curiosités ». Alors certes, on leur avait beaucoup parlé des quartiers nord... Mais
ça ne les impressionnait pas plus que ça : « Avant de venir ici, on a longtemps vécu à Brixton, dans la banlieue de Londres. Un quartier chaud, un haut lieu du deal de crack, qui a connu plusieurs vagues d’émeutes. » Durant six ans, ils s’étaient frottés à cette réalité, multipliant les projets artistiques impliquant les gens du quartier. Un travail sur « le contexte et l’idée d’identité » qu’ils ont souhaité poursuivre à Marseille, leur « Brixton sur mer » à eux. Basés au Panier, ces deux artistes qui ne se déplacent qu’à vélo n’ont donc pas hésité à pédaler dix kilomètres pour rejoindre les hauteurs de La Bricarde… Et, on l’a vu, ils ont rapidement su briser la glace avec les jeunes du coin. « Tout de suite, l’un d’eux nous a demandé : ‘‘Et comment on fait pour trouver du boulot quand on est artiste ?’’ » Certains leur ont même suggéré des idées pour leur projet : « Et si vous tourniez le porno de La Bricarde ? » 8e art magazine
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© Stéphane Protic
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Tournage. C’est à la calanque de Sugiton que gethan&myles ont tourné le court-métrage L’arrêt avec une dizaine de jeunes de La Bricarde. Ici, Myles Quin, au premier plan, s’adresse à l’un d’entre eux : « Allez, saute. C’est pas si haut... »
« J’AI SORTI MON APPAREIL PHOTO, ET LÀ, SIX JEUNES ONT COURU VERS NOUS : ‘‘VOUS ÊTES DES FLICS ?’’ »
Trois temps. Ils ont choisi de s’intéresser à une notion plus
abstraite : le temps. « Ce qui nous a frappé ici, c’est que le temps paraît figé. On observe. On attend. Le jour de paye, un avenir, ou un bus. Que quelque chose - la vie, peut-être - se passe. » Intitulé Time, leur projet se décline en trois temps, trois œuvres : Lines, un livre d’art, L’arrêt, un court-métrage, et Fin, une sculpture. Pour le duo, ces trois propositions constituent autant de prétextes pour aller à la rencontre des habitants de la cité. Car si gethan&myles ont été sélectionnés parmi plus de 150 candidatures pour cette résidence, c’est en partie parce qu’ils placent la « participation » au cœur de leur démarche. Si lui-même l’utilise parfois, Myles Quin n’aime cependant pas beaucoup ce terme : « Ça induit l’idée d’un projet plein de bonnes intentions, mais peu abouti aux niveaux artistique, esthétique et conceptuel. Comme s’il y avait d’un côté l’art noble du white cube - et, de l’autre, le projet participatif où l’artiste est plutôt considéré comme un travailleur social. Alors disons que c’est de l’art, tout simplement. » Un art dont les potentialités seraient illimitées. « Notre matière première, c’est les gens. Ça peut nous mener vers la sculpture, l’écriture, la photo… Mais il ne s’agit pas de décider d’un projet, puis d’inviter les gens à 78
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participer, ce serait les instrumentaliser. Nous, on crée avec eux. La participation, ce n’est pas un gadget de plus. C’est l’œuvre. » Lines. C’est à travers une série d’ateliers, de happenings, et de
jeux, que furent réalisées les trois œuvres du projet Time. A commencer par Lines, « un ouvrage de qualité au moins égale à celle d’un très beau livre d’art, promet Gethan, mais dont le contenu provient entièrement des gens de La Bricarde. Ce livre sera un reflet d’eux ». Mais comment les inciter à faire jaillir de l’imaginaire, de la fantaisie, du débordement poétique ? « On commence par leur demander de rédiger de petits textes, raconte Myles. Ça permet de les impliquer, d’avoir un échange. » Il nous fait une démonstration : « Je leur pose une question simple, par exemple : ‘‘C’est quoi pour vous une machine à remonter le temps ?’’ Là, ils imaginent souvent des choses hyper high-tech. Alors je leur montre ma ‘‘time machine’’ à moi. » Il sort de sa poche un petit cube en bois dans lequel est logé un carillon. « Lorsque je l’agite, le son du carillon me rappelle ça. » D’une autre poche, il sort une photo de lui, enfant. Sa time machine a la saveur d’une madeleine de Proust. Dès lors, à chacun d’écrire quelque chose à propos de sa propre machine à remonter le temps… « On découvre ainsi de vrais trésors poétiques, même dans les galeries de Londres je n’ai rien vu d’une telle richesse ! » Il nous désigne ensuite quelques photographies : des séries de lits, de repas, de paires de baskets ou de ciels, pris à différents moments de la journée … « Elles ont été faites par les élèves de 4e du collège Henri Barnier : on leur avait demandé d’imaginer d’autres repaires dans le temps que les heures et les minutes. » Devant ces images d’une simplicité
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désarmante, il ne cache pas son émotion. « Tu trouves pas ça magnifique ? Moi, ça me donne des frissons... » Plantation de coquelicots, « championnat de sports curieux », « guerilla gardening »… Chaque nouveau jeu, chaque nouvel atelier, fut l’occasion de nouvelles créations partagées : on les retrouvera toutes, parfois de manière très abstraite, dans les pages de Lines, qui compte ainsi plusieurs dizaines de co-auteurs, des maternelles aux séniors de La Bricarde. « L’idée, avec cet objet, c’est faire voyager leurs paroles. » Chez les bouquinistes, comme dans les souvenirs de ceux qui l’auront eu entre les mains. L’arrêt. Les jeunes, eux, ne participent pas aux ateliers. Ce n’est
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à pas le cycle du soleil tout au long de la journée, sans jamais le perdre de vue. » Aussi, les cités qui jalonnent les collines du nord de Marseille ont à leurs yeux un pouvoir d’évocation particulier : « Leur silhouette brute nous rappelle des sites tels Carnac ou Stonehenge, qui était une horloge ancienne. » Sur ce cadran solaire, sorte de totem contemporain, seront inscrits des milliers de chiffres. Comme pour les Mayas, les archéologues du prochain millénaire y verront peut-être un code secret ? Nommée Fin, cette œuvre n’annonce en aucun cas une quelconque fin du monde… Il s’agit plutôt d’un commencement. Ces chiffres désignent en effet des dates de naissance, celles des centaines d’habitants qu’ont croisés les artistes durant leur immersion au sein de cette cité suspendue. Encore une fois, il est ici question de participation. Et de mémoire. « L’objet permet de déclencher le souvenir. Si on ne travaille que sur de l’abstrait, les gens oublient. » Cette sculpture, qui a vocation à s’inscrire sur le site durant plusieurs dizaines d’années, a été conçue pour résister. Au temps, aux intempéries… Mais résis-
pas leur truc. Pour les approcher, gethan&myles ont eu l’idée d’un film, un court-métrage dédié au sport national des cités : le grand plongeon dans la mer depuis les hautes falaises des calanques… « On nous disait que les jeunes avaient du mal à se projeter, explique Gethan. Mais plonger, n’est-ce pas se projeter ? Pour le film, on s’est focalisés sur les instants qui précèdent les sauts : le jeune s’approche, regarde la mer, lance un mot à ses amis, hésite… C’est une vraie choré« LA PARTICIPATION, CE N’EST PAS UN graphie, une danse avec la peur. » Et une métaphore de la vie. « Entre 18 et 25 ans, on est à l’âge de l’entre deux, GADGET DE PLUS. C’EST L’ŒUVRE. » entre adulte et ado. Certains vont réussir, d’autre pas, certains vont parvenir à quitter la cité, d’autres vont rester… » Myles nous avoue toutefois avoir rencontré de grandes difficultés pour trouver des volontaires. « A cet âge- tera-t-elle au vandalisme ? Contrairement aux autres œuvres là, le regard de l’autre devient un obstacle. Tu viens leur parler de la Cité des curiosités, inaccessibles car installées en hauteur, du projet lorsqu’ils sont seuls, ils trouvent ça cool. Tu reviens le Fin sera posée à même le sol. Myles voit toutefois quelques lendemain, tout dépend avec qui ils sont, ils te répondent : ‘‘Un raisons de rester optimiste. « Ce n’est pas un objet imposé. Ça film ? Mais quel film ?’’ » Les deux artistes ont heureusement pu leur appartient. Sur ce cadran, il y aura les dates de naissance compter sur quelques précieux relais au sein de la cité. Parmi de leurs petits frères… Mais nous allons faire en sorte que cette eux, Michel, le vieux jardinier, qui s’est chargé d’aller leur cher- œuvre soit assez robuste, aux niveaux conceptuel et formel, pour cher quelques recrues… pouvoir se défendre contre le gamin qui dira que c’est nul, que ça L’arrêt fut tourné dans la calanque de Sugiton. A l’autre bout ne sert à rien. » de la ville. Un autre monde. « Beaucoup de jeunes n’y avaient encore jamais mis les pieds ! C’est très isolé ici, tu peux passer ta Equinoxe. Il ne leur avait pas échappé que 2012 était une vie sans sortir de la cité : il y a l’école, le médecin, la pharmacie, année « bizarre et bissextile ! » Ils avaient donc mis un point la CAF, le Pôle emploi, le centre commercial… C’est un enferme- d’honneur à débuter leur résidence un 29 février… Celle-ci se ment physique et mental. Ce film, c’est donc aussi l’idée de créer terminera le 21 septembre, jour de l’équinoxe d’automne. Pour le souvenir d’une sortie aux calanques. Ce sera une œuvre abou- leur départ, ils ont tenu à organiser une petite fête. Comme un tie pour le spectateur mais, par la même occasion, la mémoire nouveau défi. « Si La Bricarde est un village, en fait, les gens se d’une expérience pour ceux qui y ont participé. » connaissent peu. On espère donc que nos œuvres vont permettre de changer le regard sur la cité, mais aussi de créer du lien à l’inFin. C’est sur ce type d’expérience partagée que repose toute térieur, entre voisins. » Le 21 septembre, gethan&myles tenteleur démarche. Ils en oublieraient presque que, dans le cahier ront donc de réunir tout ce petit monde. Le cadran solaire sera des charges de la Cité des curiosités, est prévue la création d’une à peine inauguré que déjà, les familles se rassembleront tout auœuvre pérenne, une sculpture destinée à être installée dans les tour pour en scruter chaque centimètre, à la recherche de leurs espaces communs de La Bricarde. Pour gethan&myles, il s’agi- dates de naissance. Pendant ce temps, le film sera projeté sur la rait quasiment d’une contrainte. « C’est surtout important pour façade d’un immeuble. Les jeunes ne résisteront pas à l’envie de ceux qui financent le programme : comme ça, ils pourront se venir admirer leurs exploits. Eux aussi donc, seront de la fête… prendre en photo à côté… » Lors de l’inauguration de l’œuvre, Et gethan&myles auront réussi leur coup. Celui d’un dernier les institutionnels poseront donc avec un cadran solaire. « Est- happening participatif qui devrait rester, pour quelques temps, ce parce que La Bricarde est en hauteur ? Ici, tu peux suivre pas dans toutes les mémoires. Ce sera leur œuvre ultime. 8e art magazine
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DES CITÉS À CULTIVER Porté par Marseille-Provence 2013, le programme « Quartiers créatifs » entend transformer notre vision des « zones urbaines sensibles »… Et invite artistes et habitants à influer sur leur évolution. Ainsi, au cœur des cités du Grand Saint-Barthélémy, des « Jardins possibles » sont en train d’éclore. Par Fred Kahn
C’
C’est un petit jardin improbable, niché à deux pas du centre vaillé sur la signalétique de cette réouverture au public. Ils social Agora, au milieu de la cité de La Busserine (14e arron- ont balisé le cheminement qui mène vers le théâtre avec des dissement). Cet îlot de convivialité a poussé sur les décombres tresses de branches de saule. Le sommet de ces guirlandes d’un gymnase : le bâtiment avait brûlé lors des émeutes de était illuminé par des lampes solaires enserrées à l’intérieur 2005 et il était, depuis, laissé à l’abandon. La rencontre entre de « graines » moulées dans du thermoplastique. Comme à le désir d’un groupe de femmes et la volonté du collectif d’ar- son habitude, pour réaliser cette installation, SAFI utilisa des tistes SAFI a permis de reconquérir ce « délaissé » urbain. matériaux récupérés sur place… Et en discutant avec les gens Et forcément, cette transformation du paysage en appelle du quartier, le collectif se rendit compte qu’il reproduisait d’autres. D’autres victoires arrachées à l’urbanisme froid et une technique de tressage et de greffe extrêmement répandéshumanisé. due dans l’agriculture au Maghreb. « Nous avons alors senti Le programme « Quartiers créatifs », impulsé par Marseille- à quel point, dans les quartiers nord, le lien à la terre restait Provence 2013, offre justement l’opportunité de développer omniprésent », se souvient Dalila Ladjal. Et lorsque le Merlan sur une plus grande échelle ce type de démarche. Ce dispo- proposera de prolonger l’aventure, les deux artistes n’auront sitif porte en effet sur des interventions artistiques participa- de cesse de travailler sur les nombreux « points de frictions tives dans certains quartiers en rénovation urbaine. Profitant entre le végétal et le bâti ». de ce programme (et avec le soutien de la scène nationale du Merlan, implantée sur ce périmètre), SAFI s’est associé aux « créateurs « DANS LES ANNÉES 1960, LA BUSSERINE C’ÉTAIT d’architectures » du collectif Coloco (voir encadré p. 83). Ensemble, ils vont investir le LA PLEINE CAMPAGNE ! » quartier Saint-Barthélémy / Busserine pour créer, au cœur de ces cités, des « jardins possibles ». Il n’est pas question de planter des fruits et des légumes au pied des immeubles, mais plutôt de cultiver un rapport plus fertile et durable à cet Chemins de traverse. Loin d’être une aberration, la quête environnement de béton et de bitume. Des espaces de ren- d’une trame « verte » dans un environnement aussi bétonné contre et de création seront imaginés avec les habitants, en va permettre de renouer avec le fil d’une histoire qui, depuis, a fonction de leurs besoins et de leurs aspirations. Ainsi, ces été brisé. Les plus anciens s’en souviennent : « Dans les années « Jardins possibles » écloront en juin 2013, au terme d’un long 1960, La Busserine c’était la pleine campagne ! » L’arrivée de travail d’enracinement des deux collectifs. plus en plus massive de populations a d’abord transformé le quartier en bidonville puis, sous l’impulsion de l’Etat, ces Entre le végétal et le bâti. Dalila Ladjal et Stéphane Brisset, espaces ruraux sont devenus la ZUP du Grand Saint-Barthéles deux fondateurs du collectif SAFI (« du Sens, de l’Audace, lémy : 9 000 logements ont été construits. La cité Picon sera de la Fantaisie et de l’Imagination »), œuvrent sur ce territoire la première barre à sortir de terre, suivie par La Busserine depuis plusieurs années. Tout a commencé en 2007 par une et ses nombreuses tours. K, J, P, L, M… Un véritable alphainvitation du Théâtre du Merlan qui, après un long vagabon- bet. Et à chaque lettre sa communauté. La K sera celle des dage dans la ville, revenait dans ses murs jusque-là fermés Comoriens, la P celle des Gitans… Aujourd’hui encore, une pour travaux. La commande consistait à souligner l’ancrage vingtaine de cultures se côtoient dans le Grand Saint-Barthéde la scène nationale dans le quartier. Le collectif a ainsi tra- lémy. Quant à la nature, elle a été repoussée un peu plus loin,
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à quelques minutes à pied des tours… Dalila Ladjal déploie l’une des cartes réalisées par le collectif lors de ses repérages. Alors qu’habituellement, sur les plans officiels, les grands ensembles prennent la forme d’îlots uniformes (les voies de circulation privées qui les traversent ne sont pas représentées), ici, le quartier apparaît au contraire dans toute son intégrité. A échelle humaine. D’autres paysages émergent alors. Des itinéraires de randonnées sont même proposés. « Il suffit de délaisser les artères principales, d’emprunter des chemins de traverse, de suivre le fil d’un cours d’eau, pour découvrir des espaces aussi inédits qu’enchanteurs. » Car le Grand SaintBarthélémy jouxte des terrains encore relativement épargnés par l’urbanisation : les Hauts de Sainte-Marthe. Ces anciens jardins bastidaires sont actuellement en friche, mais de plus en plus concernés par des projets de construction et d’aménagement. A la tentation d’accentuer la rupture entre cités stig-
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matisées et futurs « éco-quartiers » repliés sur eux-mêmes, SAFI oppose modestement les notions de circulation, de fluidité, et de complémentarité. La vie en vert. Dalila Ladjal et Stéphane Brisset ont donc
multiplié les « échappées » sensibles dans le quartier, initiant balades et propositions d’expérimentations collectives avec les habitants. Ces dernières étaient aussi bien culinaires que de l’ordre de la micro-intervention urbaine, ou encore de l’aménagement paysagé. C’est ainsi que naquit un projet de jardin sur les décombres de l’ancien gymnase de la Busserine. « Chaque jour, l’espace devenait un peu plus convivial, explique Dalila Ladjal. Mais il a d’abord fallu déblayer les gravats et attaquer la dalle de bitume au marteau-piqueur… » Petit à petit, le champ de ruine a laissé place à un lieu de respiration, d’échange et d’invention.
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« IL SUFFIT DE DÉLAISSER LES ARTÈRES PRINCIPALES, D’EMPRUNTER DES CHEMINS DE TRAVERSE, POUR DÉCOUVRIR DES ESPACES AUSSI INÉDITS QU’ENCHANTEURS »
Nous sommes assis sous la tonnelle en bambou, bien protégés des feux du soleil. Ce jour-là, autour d’une grande table en bois massif, un pique-nique a été improvisé : quelques grillades accompagnées d’une délicieuse salade de légumes du jardin. Dalila indique une petite grange renfermant divers matériaux et outils. « Elle a été construite par des jeunes du quartier, dans le cadre d’un chantier réalisé en partenariat avec l’ADDAP 13. Rien n’a été acheté. Tout provient du troc, de l’échange, du développement des connaissances des uns et des autres. » En effet, ce « jardin d’Adam » témoigne des savoir-faire de la population. Un habitant possède des talents de céramiste ? Et voici que le site se dote d’un bassin couvert de mosaïques afin de diversifier encore davantage la faune et la flore du jardin et lui permettre d’accueillir les plantes subaquatiques qui germent le long du ruisseau de Plombière. Ce jardin a aussi permis de redécouvrir des végétaux remar-
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ARCHI-COLLECTIF Coloco sera en quelque sorte le maître d’œuvre des « Jardins possibles ». Ce collectif rassemble en effet des « créateurs d’architectures et de paysages », ainsi que des vidéastes, des designers et des graphistes. Ces « explorateurs de la condition urbaine contemporaine » ont déjà créé des « jardins évolutifs », reconverti des locaux industriels en habitations (à Paris, Montreuil ou Sao Paulo), et inventé des modes d’emploi pour l’auto-construction. Dans son désir de contourner les planifications urbaines pour dénicher des espaces de liberté, Coloco est particulièrement attentif à tout ce qui, dans la ville, peut paraître désuet et marginal : friches, interstices, ou « squelettes » de bâtiments abandonnés. Dans chacune de leurs actions participatives se mêlent fête et construction. Pour Coloco, la ville est une œuvre collective.
quables, des « mauvaises herbes » qui se sont révélées délicieuses en cuisine ou de précieux remèdes. Des recettes ont été inventées. D’autres ont émergé de la mémoire. Un capital se constitue et se transmet. Alors pourquoi ne pas aller encore plus loin ? De la périphérie au centre. Ce micro-projet prouve que les
habitants et les usagers d’un quartier sont tout à fait capables de transformer leur environnement. Le « Quartier créatif » qui va voir le jour sur le Grand Saint-Barthélémy en 2013 sera 8e art magazine
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NE PLUS ENVISAGER LE GRAND SAINT-BARTHÉLÉMY COMME UNE VERRUE URBAINE MAIS COMME LA PORTE D’ENTRÉE VERS LA CAMPAGNE ET VERS LE MASSIF DE L’ETOILE le prolongement et l’amplification de cette démarche de réappropriation du territoire. Les opérations d’aménagement urbain qui se sont succédées n’ont pas su résorber les fractures spatiales et sociales. Une approche plus sensible ne résoudra pas à elle seule la crise urbaine, mais elle nous invite à envisager d’autres modes d’urbanité. Et très concrètement, elle met en jeu quelques scénarii possibles. Avec le soutien de Marseille-Provence 2013, une « manufacture » mobile va être construite par le collectif Coloco. Elle se déploiera progressivement dans l’espace public au gré de sessions publiques de workshops avec des artistes invités. Elle constituera un lieu de rencontre et de production de ces « Jardins possibles ». Parallèlement, SAFI continuera son exploration du territoire avec le tissu associatif, les acteurs locaux et les habitants. Le lieu de ralliement sera le terrain du « P », situé dans la cité de La Busserine, juste en contrebas du Théâtre du Merlan qui reste un partenaire essentiel du projet. L’ensemble du dispositif s’ouvrira le plus largement possible sur la ville 84
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et sur le monde, en octobre 2013, à l’occasion de la Capitale européenne de la culture. Dessins, cartes de balades, films, livres pop-up... une large matière fictionnelle sera produite à cette occasion. L’enjeu est bien de transformer les représentations et de ne plus envisager le Grand Saint-Barthélémy comme une verrue urbaine mais comme la porte d’entrée vers la campagne et vers le massif de l’Etoile. D’ailleurs, les « Jardins possibles » côtoieront le GR 2013 (sentier de grande randonnée péri-urbaine) qui, lui aussi, a vocation à repenser la relation entre ville et nature. Enfin, ce désenclavement ne sera pas seulement symbolique : une signalétique réalisée par un designer-graphiste viendra rappeler à tous les Marseillais que la gare TER Picon-Busserine ne se trouve qu’à cinq minutes du centre-ville… Dans un renversement de perspective, ces quartiers marginalisés vont tenter de revenir au centre de la cité.
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LA FACE CACHÉE DU MUCEM Alors que tous les regards sont tournés vers le bâtiment de Rudy Ricciotti, en cours d’édification sur le J4, le chantier du Centre de conservation et de ressources (CCR) du Mucem, situé à la Belle de Mai, s’achève déjà. Conçu par l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni, il abritera l’ensemble des réserves du Mucem ainsi que ses fonds documentaires, sa bibliothèque et ses archives scientifiques, soit plus d’un million d’objets, images, films et ouvrages. En attendant son ouverture, on a suivi le guide… Ou plutôt, l’architecte.
© Golem images
Par Emmanuelle Gall
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À l’angle des rues Guibal et Clovis Hugues, l’heure est aux derniers aménagements. Des engins s’activent encore dans le jardin, évitant soigneusement les platanes centenaires emballés comme des œuvres de Christo, mais le CCR, lui, est déjà en phase de marche à blanc. Une étape délicate, compte tenu de la diversité – et parfois de la fragilité – des œuvres qu’il va s’agir de stocker ici dans des conditions optimales. Véritable usine à gaz sur le plan technique, le CCR joue pourtant la carte de la sobriété, loin des effets de dentelles du bâtiment de Rudy Ricciotti, le « vaisseau amiral » du Mucem, toujours en chantier sur le J4. Si sa
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surface au sol occupe le même carré de 72 mètres de côtés, son apparence est nettement plus brute de décoffrage. C’est le parti pris de l’architecte Corinne Vezzoni, qui a imaginé « un monolithe sculpté par la lumière » inspiré de l’univers du Catalan Eduardo Chillida. « Il creusait des galeries de lumière dans la pierre marbrière brute pour en révéler la blancheur. Ici, la carapace de béton a été entaillée, excavée, pour laisser entrevoir dans l’épaisseur du bâtiment la luminosité d’un béton blanc réfléchissant. »
« DANS CET ENVIRONNEMENT DE FRICHES INDUSTRIELLES, IL FALLAIT TROUVER UNE RÉPONSE ARCHITECTURALE À LA MESURE DU PAYSAGE, C’EST-À-DIRE, COMPACTE, MASSIVE »
Guide. L’architecte qui a grandi au Maroc et installé son
Quartier des archives. A la Belle de Mai, le Centre de conservation et de ressources (CCR) du Mucem vient se poser en face des Archives municipales (rue Clovis Hugues) et à deux pas du Centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine (rue Guibal).
agence à la Cité radieuse s’est forgé une solide réputation depuis plus de vingt ans en affirmant « la prise en compte du contexte, plutôt que l’empire du grand geste ». En témoigne notamment, à Marseille, le bâtiment des Archives et bibliothèque départementales Gaston Defferre, inauguré en 2006. Coiffée d’un chapeau de paille, sandalettes aux pieds, la jeune femme joue volontiers les guides dans son chantier de la Belle de Mai. « Dans cet environnement de friches industrielles, il fallait trouver une réponse architecturale à la mesure du paysage, c’est-à-dire, compacte, massive. Nous avons également voulu conserver le maximum d’éléments existants pour ne pas gommer l’histoire du lieu. » De cet ancien terrain militaire dépendant de la caserne du Muy, subsistent en effet l’enceinte en pierre de Cassis, l’entrée bordée de platanes et un long bâtiment à la façade ocre, polie par le temps. Ce cadre est à l’origine de la couleur et de la texture du CCR, obtenues en coffrant, dans des banches de bois, un béton saupoudré à la main d’ocres de Toscane. À y regarder de plus près, cette enveloppe oscille entre le végétal et le minéral, entre écorce et sédiment : une façon de signaler la fonction protectrice des lieux. Visite. Une fois à l’intérieur, on comprend mieux le rôle des
puits de lumière latéraux et verticaux. Le hall d’entrée et les différentes pièces attenantes, d’un blanc immaculé, bénéfi8e art magazine
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cient d’un éclairage subtil et indirect, jamais agressif. « La surface destinée au public doit être accueillante, elle s’organise autour d’un patio de méditation, invisible depuis l’extérieur, dans l’esprit méditerranéen », explique l’architecte. Passé l’accueil, on pénètre dans l’espace dévolu aux expositions temporaires (100 m2). Un peu plus loin se trouvent les salles de travail destinées aux chercheurs. La première sera consacrée aux ressources imprimées et numérisées, la deuxième aux documents audiovisuels, et la troisième à la consultation des objets conservés dans les réserves. Au-delà de cet espace ouvert au public, qui s’étend sur un quart du bâtiment, un grand couloir fait office de sas entre le monde des hommes et celui des objets : derrière d’immenses portes se cachent les réserves du musée. Un labyrinthe à trois niveaux, enchaînant grands et petits espaces, chambres froides et salles des machines. Corinne Vezzoni évolue là en terrain plus que connu : « Ce sont des centrales de traitement d’air. Elles sont au nombre de vingt, répondant chacune à une contrainte particulière. » Ici, les collections seront réparties selon leur taille, leur encombrement, leur matière, mais aussi leurs besoins en termes de température et/ou d’hygrométrie. Certains objets particulièrement sensibles tels les films, les pièces en cire, en fourrure ou en ivoire, nécessitent en effet des conditions de conservation bien spécifiques. Leur sont également dévolus une chambre d’anoxie (ou salle de quarantaine) et différents ateliers. Les restaurations les plus importantes n’auront cependant pas lieu sur place, mais au Centre interrégional de conservation et restauration du patrimoine (CICRP), situé rue Guibal, à deux pas du CCR. Avant de quitter les coulisses, on traverse un espace de 800 m2, bientôt accessible aux groupes qui souhaiteront visiter ces réserves. Ils devront toutefois patienter encore un peu. Le temps que des camions convoient les centaines de milliers d’objets conservés actuellement à Paris, dans la Somme ou en Côte-d’Or. Ces incessants allers-retours vont s’enchaîner pendant près d’un an. 88
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CETTE ENVELOPPE OSCILLE ENTRE LE VÉGÉTAL ET LE MINÉRAL, ENTRE ÉCORCE ET SÉDIMENT : UNE FAÇON DE SIGNALER LA FONCTION PROTECTRICE DES LIEUX
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BRUNO SUZZARELLI Nommé à la direction du Mucem en 2009.
En quoi le CCR se distingue-t-il des réserves muséales traditionnelles ? La nouveauté est double. Ce type de centre de conservation, associant les réserves d’un musée aux archives et à la documentation, n’a pour l’heure aucun équivalent en France. Par ailleurs, en 2009, le ministère de la Culture a choisi de l’ouvrir partiellement au public et a précisé, sur ce point, le cahier des charges du bâtiment. Qu’entendez-vous exactement par « public » ? Il faut évidemment distinguer les professionnels, chercheurs ou étudiants, du « grand public ». Ce dernier aura accès à la salle où se succèderont, au rythme de deux par an, des expositions présentant des objets puisés dans les collections. Il s’agira de montrer de nouvelles acquisitions ou de proposer des cartes blanches à des commissaires extérieurs au Mucem, qui offriront une nouvelle lecture du fonds. Par ailleurs, à l’occasion des Journées du patrimoine, ou dans le cadre scolaire par exemple, une partie des réserves sera accessible. Quand le CCR sera-t-il opérationnel ? Dès le mois d’octobre. Mais l’ouverture au public aura lieu en même temps que celle du Mucem, au printemps 2013.
WWW.
mucem.org
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LE MUCEM EN DÉCONSTRUCTION Conçu il y a dix ans, en travaux depuis trois ans, le « vaisseau amiral » du Mucem ouvrira ses portes au printemps 2013 sur le J4. En attendant, l’architecte Rudy Ricciotti nous a ouvert les portes de son chantier… Textes : 3VEZ 3JDDJPUUJ t Photos : Lisa Ricciotti
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« J’ai travaillé sur ce projet avec anxiété. C’est un site historique chargé de violence, lui-même fondé sur une notion de luttes contre la république. Le fort Saint-Jean, où furent brûlés les soldats jacobins, était plus chargé de défendre Marseille contre elle-même que contre les agressions venues de l’extérieur… Dans ces conditions, j’ai dû faire face à un sentiment d’inquiétude, sans aucune vision de ce qu’il y avait à réaliser. J’ai trouvé également la commande inquiétante en elle-même. Qu’est ce qu’un musée national anthropologique ? Se sont alors posées les questions suivantes : où est le contexte ? Quelle architecture quand tout est déjà là ? Des questions qui naviguent avec le doute. La question existentielle prend toujours l’architecture à la gorge. Il est apparu évident de refuser la brillance bling-bling qui pourrait être considérée comme une affirmation d’impérialisme matériologique rivalisant avec le fort. À la massivité du fort répondra la dématérialisation du Mucem. Le Mucem ne rivalise pas avec le fort Saint-Jean. Il est mat, ne porte pas les stigmates tardifs de la néo-modernité. Il ne se situe pas sur les affirmations esthétiques de l’architecture internationale. Il est plutôt osseux, féminin, fragile et même maniéré. En un mot, il est provincial, localisé, provençal, contextuel, comme l’imaginaire de Frédéric Mistral. »
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« Il s’agit d’un carré parfait de 72 mètres de côté, plan classique, latin, grec ou oriental sous le contrôle de Pythagore. Toutefois, ce projet, sera à la fois fragile et dense. Fragile car la paroi extérieure est très fine. Dense parce que la structure de cette même paroi prend une dimension squelettique qui ramène à une arborescence, un peu comme des arêtes de poisson. Dans cet ensemble est intégré un autre volume, cette fois de 52 mètres de côté, identifié comme le cœur du musée. »
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« Je suis favorable à une architecture aux pieds nus et aux antipodes des gesticulations high-tech de l’impérialisme anglo-saxon. Le béton est le matériau de prédilection car adossé à un bilan carbone très favorable. (…) Il y a toujours une carrière de proximité, une centrale de proximité ; les liaisons sont courtes. Le matériau est recyclable et il produit une mémoire du travail non délocalisable à l’inverse de l’acier, l’aluminium ou le plastique. Le durable c’est ce qui s’inscrit sur une chaîne courte de production. (…) Lorsqu’un édifice produit de gros besoins de main d’œuvre, nous réduisons l’empreinte environnementale. Il faut pratiquer la rupture avec la logique des composants préfabriqués soi-disant porteurs d’économie. Il faut refuser la terreur consumériste et pratiquer la désobéissance technologique. Chacun le sait, les dernières réglementations courant après quelques économies de watts déclenchent une inflation des énergies primaires consommées pour construire politiquement correct des édifices verts qui sentent le soufre. »
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« Le musée n’a pas qu’une simple vocation pédagogique. Il se rapporte également à une notion de plaisir et de relation à l’esthétique et à la beauté, même dans ses formes les plus simples. N’est-ce pas obscène de se référer au banal ? »
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6 FAÇONS DE FAIRE LA FIESTA Petit périple subjectif à travers le programme de cette 21e édition de la Fiesta des suds. Par Alexandre Lévêque
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VIEUX POTES ET COUSINS ÉLOIGNÉS
C’est une tradition locale : à la soirée d’ouverture de la Fiesta, tout Marseille est là. Impossible de faire un pas sans tomber sur un vieux pote oublié... Un peu comme sur la scène à vrai dire, où l’on croisera Imhotep, l’architecte sonore d’IAM venu défendre son projet solo Kepher, Shurik’N, autre membre d’IAM qui prendra le micro pour nous expliquer que Tous (l’) appelle Shu, et DJ Rebel, allié à Dj Djel (ex FF) pour un mix à quatre mains… On en profitera aussi pour aller saluer un cousin éloigné : Goran Bregovic est déjà passé tant de fois à la Fiesta qu’il fait presque partie de la famille… SAMEDI 20 OCTOBRE
RÉVOLUTIONNAIRE
C’est ce soir que Gari Grèu (Massilia Sound System) lèvera le voile sur la « chanson officielle de Marseille-Provence 2013 »… Le suspense est intense. Il faudra donc penser à quitter le bar pour aller faire un tour du côté de la scène où l’on assistera aussi au grand retour de Zebda, puis à celui de l’orchestre arabo-juif El Gusto (après le film, le live). Place, ensuite, au « poète rock » dont tout le monde parle, la nouvelle idole des bobos de France et de Navarre : le Marseillais Fred Nevchehirlian. Attention aux crampes, car les hymnes révolutionnaires de Prévert se savourent le poing levé. MERCREDI 24 OCTOBRE
MINI-FIESTA
Une fiesta pour les minots ? Le mercredi, c’est permis. Entre ateliers artistiques et expos, on assiste, dès 14h, à un spectacle acrobatique sur fond de jazz africain (à la salle des Sucres), avant de voguer au rythme des Chants de la mer du poète franco-comorien Ahamada Smis (scène du Cabaret). Après ça, direction le dancefloor pour une boum endiablée jusqu’au bout de la nuit ! Euh, non, jusqu’à 18h. 102
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VENDREDI 26 OCTOBRE
WORLD-MUSIC TOUR
Après avoir célébré les retrouvailles de Big Red et Daddy Mory, le duo culte de Raggasonic, le « festival global » nous embarque dans un tour du monde en quatre escales : Cuba, avec le prodige du piano et héros du jazz latino Roberto Fonseca ; La Réunion, patrie du maloya rayonnant de Ziskakan ; New York, pour faire honneur à l’afro-beat funky d’Antibalas ; et la Jamaïque avec la « Dub Station », qui réunit la crème des sound systems du moment. La fin de soirée s’annonce roots... SAMEDI 27 OCTOBRE
AVANT DE METTRE LES VOILES…
A la Fiesta, à côté des concerts, il y a toujours quelque chose à faire. Ça peut même devenir une sanction : un groupe vous ennuie ? On met les voiles pour aller faire le tour des bars et restos, ou voir une expo. Les voiles, c’est justement le support à l’honneur cette année, celui sur lequel le street artist Jace a réalisé ses graffs, et le peintre Hervé Maury, ses « tableaux animaliers »… Quoi ? Pendant ce temps, on a raté Shaka Ponk ? On s’en remettra, car c’est déjà l’heure de retrouver Wax Taylor, le prince du sample cinéphilique, de retour avec un nouveau disque… Peut-être le set le plus attendu de cette 21e édition de la Fiesta, qui s’achève déjà…
MERCREDI 31 OCTOBRE
AFTER ÉLECTRO
Pour son « after officielle », la Fiesta conjugue ses forces à celles de l’association We Art et accueille le festival de musiques électroniques WeAre Together. Entre un tas d’animations ludiques et délirantes (body painting, jeux vidéo rétro, château gonflable, etc.), se succéderont aux platines Birdy Nam Nam, Laurent Garnier, Oscar Aguilera, De la Swing, N’to… Et bien d’autres encore, car cette nuit électro va s’éterniser jusqu’à 7 h du mat’... Du 19 au 31 octobre. Dock des suds, 12, rue Urbain V, Marseille, 2e. 04 91 99 00 00. 15-30 €. www.dock-des-suds.org
© Jean de Peña
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MUSIQUES
© DR
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NAIVE NEW BEATERS
SÉBASTIEN TELLIER
Quatre ans après le sexe et l’Eurovision, Sébastien Tellier se consacre cette fois à Dieu. Et il est bleu. Plus absurde que vraiment mystique, My God is Blue, sorti cette année, fait suite au très pop Sexuality, qui avait su séduire un large public en 2008. Entre plages de synthés estampillées années 80 et grandiloquents solos guitare façon Scorpion, on a parfois l’impression que le gourou électro s’est mis en tête de marier le pire
de la musique de ces trente dernières années. Qu’il emprunte une voix à la Gainsbarre, ou qu’il se la joue Christophe sur fond de Jean-Michel Jarre, Tellier navigue sans cesse entre élégance et mauvais goût. Télérama et les Inrocks ont adoré, le Figaro l’a trouvé « laid ». Le jésus de discothèque, nouveau prophète de l’Alliance Bleue, vient à Marseille prêcher sa bonne parole en live. On attend d’avoir la « révélation ». A.L.
Le 18 octobre, 20h. Espace Julien, 39, cours Julien, Marseille, 6e. 04 91 24 34 10. www.espace-julien.com. 25 €.
Vous payeriez, vous, pour voir un trio d’hurluberlus parisiens débarquer sur scène fringués en sportifs du dimanche, voire en boys band des années 90 ? Nous si. Car il suffit d’avoir assisté à un seul concert des Naive New Beaters pour adhérer à l’esthétique kitch et à l’extravagance décalée de la bande à David Boring... En live, ce n’est plus du spectacle, c’est de l’ordre de la performance. Et s’ils adorent faire les clowns, leur musique n’en demeure pas moins redoutable, le groupe distillant un électro-rock au flow hip-hop entre Beck, les Beastie Boys, et… la Compagnie Créole. « lol ». S.P-R. Le 25 octobre, 21h. Cabaret aléatoire, la Friche la Belle de Mai, 4, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 09. www.cabaretaleatoire.com. 19,50 €.
BAL PSYCHÉDÉLIQUE
© P-E Rastoin
Le Moulin rouvre enfin ses portes après quatre ans de travaux et se voit doté d’une toute nouvelle salle, le « Club », d’une jauge de 350 places. Un espace réservé aux rencontres intimistes, inauguré avec ce « Bal psychédélique » orchestré par le chouchou de la scène rock-folk locale, Oh! Tiger Mountain. Pour l’occasion, il invite ses acolytes de Microphone Recordings (Kid Francescoli, Johnny Hawaii, Moondawn, Cyd Jolly Roger...). Au programme, impro pop, chamanisme sympa, transe joyeuse, et une performance : dix musiciens se relaieront pour une reprise marathon d’un grand classique camé du Velvet Underground Sister Ray. Bienvenue au Club. S.P.-R.
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Le 3 octobre, 20h30. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. www.lemoulin.org. 10 €.
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MARSATAC C’est le festival le plus en vogue du moment. Au point que l’année dernière, il fut trop à l’étroit dans une Friche pleine à craquer, affichant sold-out lors de ses trois soirées... Alors en 2012, Marsatac voit double et se déroule sur deux grands week-ends : le premier à Nîmes (du 20 au 22 septembre) et l’autre à Marseille (du 27 au 29 septembre). L’étape nîmoise sera l’occasion de faire connaissance avec Paloma, nouveau lieu au look futuriste muni de deux salles (1 300 et 400 places). Tout juste suffisant pour la première fournée de concerts (une trentaine !), de la folie mégalo de Success à « l’électro-baston »
de Sebastian en passant par la french touch selon Busy P. A Marseille, le festival retrouve le Dock des suds et sa jauge immense (15 000 personnes). Durant trois nuits, une quarantaine de groupes vont se déployer sur trois scènes avec, comme toujours, la crème du hip-hop, du rock, et de l’électro international : Doom (photo), De la Soul, Ghostpoet, Stuck in the Sound, C2C, Orelsan, La Femme, Kap Bambino, Don Rimini… Si après ça, il vous reste encore des forces, rendezvous le 30 septembre (10h-19h) au parc Longchamp pour un after familial (et gratuit) avec Aires Libres. A.L.
Du 20 au 22 septembre. Paloma, 250, chemin de l’aérodrome, Du 27 au 29 septembre, Dock des suds, 12, rue Urbain V, Marseille, 2e www.marsatac.com
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LE VELVET DE RODOLPHE BURGER
MAGMA Le volcan sonique est entré en irruption dans les années 70. Puis il a traversé une période de sommeil. Et depuis 1996, il recrache de plus belle sa lave fusionnelle, mais ô combien virtuose. A sa tête, Christian Vander dont on peut sérieusement se demander s’il n’est pas promis à la même postérité que, disons, un certain John Coltrane. Faute de mieux, on rangera l’ovni dans la catégorie rock progressif. Drôle de nom pour une musique qui a plutôt
tendance à brûler toutes les étapes. Et surtout, n’oublions pas que Magma est avant tout un groupe live. Il n’atteint sa pleine démesure que sur scène. Voici donc une excellente raison de fréquenter Le Silo. Cette salle consent enfin à délaisser, de temps en temps, la soupe hyper commerciale. Après Magma, vont se succéder Marcus Miller, Herbie Hancock, Melody Gardot… Comme quoi, l’audace musicale peut aussi être grand public. F.K.
Le 13 octobre, 20h30. Le Silo, 35, quai du Lazaret, Marseille, 2 . 04 91 90 00 00. www.silo-marseille.fr. 25-40€. e
Nous sommes au début des années 1960, dans la Factory d’Andy Warhol. Lou Reed et John Cale se rencontrent et créent la bande son bâtarde d’un monde en train de naître. Cette fabrique musicale servira aussi d’écrin à la voix, autant acide que cristalline, de la chanteuse Nico. Depuis, le Velvet Underground n’a plus cessé de hanter les esprits. « Leur premier album s’est peut-être vendu à mille exemplaires, mais tous ses acheteurs ont ensuite formé un groupe. » La phrase, que l’on attribue à Brian Eno, résume bien l’incroyable influence exercée par ce groupe. Trop avantgardiste pour ne pas être maudit. Le « concert » proposé par Rodolphe Burger, fondateur de Kat Onoma et, lui aussi, figure trop méconnue du rock français, s’inscrit bien sûr dans cet héritage. Mais la performance dépasse le simple hommage. Burger et ses acolytes sont complètement en phase avec cette musique qui alterne la douceur infernale et l’hypnose chaotique. Mieux qu’un revival, car tout aussi inimitable que l’original. F.K. Le 20 octobre, 20h. Théâtre de la Criée. 30, quai de Rive Neuve, Marseille,7e. 04 91 54 70 54. www. theatre-lacriee.com. 9-24€.
ZOUFRIS MARACAS
La chanson française, à l’étroit entre les murs intimistes de sa vieillissante nouvelle scène, retourne parfois prendre l’air de la rue. Montés des ruelles de Sète aux couloirs du métro parisien via le Mali et le Mexique, les cinq trublions de Zoufris Maracas ont la révolte globale et festive. Dans la veine incisive du Renaud d’Hexagone et joyeuse de Java, ils raillent les préjugés racistes (Un Gamin), les vies étriquées (Les Cons), les aliénations (Prison dorée), et même les sexualités (Bahia). Sur scène, leurs sonorités mexicaines, manouches, congolaises, brésiliennes ou caribéennes secouent les corps et les apathies. À l’ère des Indignés, les Zoufris (du nom des ouvriers algériens immigrés en France) réveillent les consciences en agitant leurs maracas. E.G.
Le 22 septembre, 18 h. Festival Zikzac, avenue de l’Arc de Meyran, Aix. 04 42 63 10 11. www.zikzac.fr. 15-20 €.
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© Patrice Nin
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CARMEN A l’Opéra de Marseille, la saison lyrique s’ouvre en douceur, avec l’un des opéras les plus célèbres du répertoire, du genre dont on sifflote les airs sans même s’en apercevoir : l’incontournable Carmen, composé en 1875 par Georges Bizet sur un livret d’après Mérimée. Une mise en bouche acceptable, avant le Poliuto de Donizetti en version
concertante avec l’immense Daniela Dessi (fin novembre) et surtout, la très attendue Italienne à Alger de Rossini, avec « la » Todorovitch dans le rôle de l’Italienne (fin décembre). D’ici là, on veut bien écouter cette Carmen nous expliquer que « L’amour est enfant de Bohème »… S.P.-R.
2, rue Molière, Marseille, 1er. 04 91 55 11 10. opera.marseille.fr. 13-90 €.
ABLAYE CISSOKO ET VOLKER GOETZE DUO
Le premier descend d’une famille de griots dont les origines remonteraient au XVIe siècle ; le second, formé par Stockhausen au conservatoire de Cologne, sait aussi lire entre les portées. Leurs chemins se sont croisés au Festival de Jazz de Saint-Louis au Sénégal, un duo s’est formé, un album est né : la rencontre entre un griot sénégalais et un jazzman européen, entre kora et trompette, entre chants traditionnels et improvisations… Ces deux-là s’écoutent, et cela s’entend. Dans le cadre du festival Jazz sur la ville. B.O. Le 6 octobre, La Meson, 52, rue Consolat, Marseille, 1er. 04 91 50 11 61. www.jazzsurlaville. com. 12 € (+ adhésion : 3 €).
LES SOLISTES DE L’OPÉRA DE BRATISLAVA
Le Toursky invite trois héritiers de la grande tradition du chant lyrique slovaque : le mozartien Pavol Breslik, considéré comme l’un des cinq meilleurs ténors du moment sera entouré de la mezzo-soprano Terézia Kruzliakovà et de la soprano Martina Masarykova. Accompagnés au piano par Robert Pechanec, ils présenteront un programme en deux temps : airs et mélodies de Tchaïkovsky, Verdi et Liszt pour commencer, puis Moussorsky, Tchaïkovsky, Donizetti et Offenbach. Un rendez-vous à ne pas manquer, l’Opéra de Bratislava demeurant l’un des plus vénérables temples lyriques européens ayant déjà produit quelques talents comme Edita Gruberova, Lucia Popp ou le ténor Peter Dvorsky. A.L. Le 11 octobre, 21h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e.
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SCÈNES
© Sara Lahaye
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Désormais « Jeune chanteur » depuis la sortie de son premier album l’hiver dernier, Charles Berling a souhaité, pour sa première création au Théâtre Liberté, réunir les notes et les mots, les phrases et les phrasés. Dans ce « spectacle musical et théâtral », il orchestre un face à face entre deux génies du XXe siècle, deux figures exceptionnelles de l’interprétation musicale, le pianiste Glenn Gould et le violoniste Yehudi Menuhin. Ils partagent un répertoire commun (Bach, Beethoven, Schönberg), se vouent une admiration mutuelle, mais, à vrai dire, tout les oppose. Au perfectionnisme paranoïaque de Glenn Gould répond la générosité de Yehudi Menuhin ; à la liberté d’un pianiste privilégiant l’émotion, réplique la pureté stylistique d’un violoniste qui ne dévie jamais de sa partition… Et quand le premier, toujours au nom d’une recherche de perfection, décide très jeune de ne plus faire de concert pour ne communiquer qu’à travers le 110
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disque, l’enregistrement, et le film ; le second, au contraire, portait très haut la relation au public, convaincu que « la beauté peut transformer le monde ». Ce débat décidément très animé se poursuivra sur la scène du Théâtre Liberté, avec un spectacle pouvant aussi se lire comme la rencontre entre un acteur et musicien : Charles Berling et Ami Flammer. Ce dernier, célèbre pour ses compositions pour le cinéma, vient nourrir la pièce de ses souvenirs de conversations avec Yehudi Menuhin, qu’il a connu et incarne, sous l’œil critique et bienveillant de la jeune actrice Aurélie Nuzillard. A.L.
Du 20 au 23 septembre, 20h30. Théâtre Liberté, place de la Liberté, Toulon. www.theatre-liberte.fr. 5-26 €.
© R. Aujard
GOULD – MENUHIN
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BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN Attendez-vous à être complètement désarçonné par ce spectacle qui n’a absolument rien d’un classique. L’esprit de Shakespeare est bien là, mais sans la poussière des siècles. On ne dévoilera pas l’intrigue, car l’effet de surprise doit être total. Sachez simplement que la compagnie 26 000 couverts vient de la rue et elle en a gardé les très mauvaises manières... Le passage en salle ne l’a absolument pas assagie, et tant mieux : le théâtre, qui est parfois une épreuve profondément ennuyeuse, devient ici un moment d’insolence et de jubilation. F.K.
LES MARIONNETTES DE SALZBOURG américaine en créant La Mélodie du bonheur, avec 50 marionnettes à fils et une mise en scène signée par un ténor de Broadway, Richard Hamburger. Entre-temps, les marionnettes ont dansé Casse-Noisette, joué Shakespeare et chanté Wagner… Avec un respect des œuvres et une virtuosité qui font l’unanimité. E.G.
La Flûte enchantée, les 25 et 27 octobre, 20h, La Mélodie du bonheur, le 26 octobre, 20h, et le 27 octobre, 15h. Théâtre de la Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. www.theatre-lacriee.com. 9-24 €.
© 26 000
Alors qu’elles s’apprêtent à fêter leur centenaire, les Marionnettes de Salzbourg font une halte à La Criée, avec deux spectacles emblématiques de leur répertoire. Créée en 1952, La Flûte enchantée est le premier succès international de la compagnie fondée par un sculpteur fou de Mozart, Anton Aicher. En 2008, c’est sa petite-fille, Gretl, qui répond à une commande
Le 11 octobre, 20h30. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. www.theatre-des-salins.fr.15-21€.
NE PAS RÉVEILLER AVANT LA FIN DU RÊVE
Depuis leur rencontre il y a près de vingt ans, le groupe marseillais Léda Atomica et les Indonésiens de Gayam 16 métissent leurs musiques en mêlant électronique et tradition, les samples et instruments inventés par les premiers venant s’accorder aux gamelans (percussion), vibraphones et voix des seconds. À partir de la légende des Sept dormants, commune aux chrétiens et aux musulmans, ils ont imaginé ensemble sept « rêves », et invité la compagnie marseillaise Sam Harkand à mettre en scène un spectacle total, où les marionnettes et les masques hérités de la commedia dell’arte rencontrent le théâtre d’ombres javanais, où les danseurs confrontent leurs pratiques et leurs gestuelles. E.G. Le 23 octobre, 21h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e
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SCÈNES © Mark Laap†ge
© DR
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TROIS POÈTES LIBERTAIRES : PRÉVERT, VIAN, DESNOS
NUNZIO
Nunzio, employé dans une usine chimique, et Pino, son ami tueur à gages, ont migré du sud de l’Italie vers une petite ville du nord, où ils partagent un modeste logement. Entre deux contrats, entre deux avions, Pino rentre à la maison où Nunzio traîne en pyjama, sérieusement malade…
Ecrite en 1993, la première pièce de Spiro Scimone explore la relation entre un mafieux et son ami, fragile et irradiant de la touchante magie des imbéciles. Steinbeck au pays de la Cosa nostra, en somme. Le spectacle est joué en Italien surtitré. A.L.
Le 11 octobre, 20h30. Bois de L’Aune, 1 bis, place Victor Schœlcher, Aix-en-Provence. En tournée dans le Pays d’Aix du 6 au 11 octobre (Lambesc, Rousset, Puyloubier, Pertuis).
Après Aragon et Apollinaire, Jean-Louis Trintignant a voulu rendre hommage aux poètes anarchistes du XXe siècle et monter un spectacle « populaire, pas élitiste ». Le comédien a ainsi pris le parti de raconter Prévert, Vian et Desnos : « Mon metteur en scène, Gabor Rassov, m’a suggéré de ne pas dire de poésie, mais plutôt de raconter des histoires dans une jolie langue… » Ce ton, associé à la pudeur, la voix grave et chaude du comédien (sobrement accompagnée par l’accordéon de Daniel Mille et le violoncelle de Grégoire Komiluk), sert ces trente poèmes libertaires, y compris les plus familiers, voire galvaudés. Sa sélection, alternant Le Déserteur (dans sa version originelle et non pacifiste) ou Barbara avec des poèmes méconnus, est intelligente, comme ses brefs commentaires, jamais gratuits. E.G. Le 26 octobre, 20h30. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. www.theatre-des-salins.fr. 15-30 €.
L’ODYSSÉE BURLESQUE
« Ulysse, arrête de boire et rentre chez toi ! » Si Poséidon, patron du cabaret, avait dit cela, rien ne se serait passé. Ulysse n’aurait pas commencé à raconter sa vie ; le serveur borgne n’aurait pas eu l’air d’un cyclope, et cette histoire serait passée inaperçue, même pour ce jeune poète qui se prend pour Homère… Revu et corrigé par la compagnie Miranda, L’Odyssée d’Ulysse devient épopée burlesque dans ce spectacle mêlant avec humour tours de chant, cabaret et théâtre dans le théâtre. B.O. Les 19 et 20 octobre, 21h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e 112
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www.toursky.org. 3-26 €.
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SCÈNES © Kamchatka
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LE BUREAU DES HISTOIRES
Quatre personnages se retrouvent dans un « bureau » hors du temps pour accomplir une tâche de la plus haute importance : répondre aux appels pressants de personnes en demande « d’histoiresavant-d’aller-dormir »… Entre ombres géantes et silhouettes translucides, ce petit théâtre imaginaire et musical s’avère être un bel hommage à la littérature jeunesse. Il a d’ailleurs été construit à partir des « bedtime stories » de Donald Crews, Margaret Wie Brown ou Marie Hall Ets. B.O.
FESTIVAL SALON PUBLIC
« théâtre mécanique », des percussions aquatiques… Et une clôture qui s’annonce « éclaboussante » : rendez-vous le dimanche 30 septembre au centre nautique pour un pique-nique… On n’en dit pas plus, mais prévoyez un maillot de bain. A.L.
Du 28 au 30 septembre. Salon-de-Provence. 04 90 56 27 60. www.salondeprovence.fr. Gratuit.
© Danielle Pierre
Salon Public, le bien nommé « Festival des arts de la rue et des arts du cirque » de Salon-de-Provence invite comédiens, danseurs, et musiciens, à « bousculer » l’espace public durant trois jours. Au programme, un spectacle de cirque avec des outils de jardinier, la transformation d’une façade de bâtiment en parterre de danse, du
Le 5 octobre, 20h et le 6 octobre, 17h. Théâtre Massalia, la Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille 3e. 04 95 04 95 70. www.theatremassalia.com. 5-7 €.
HISTOIRES CACHÉES © Yann Croguennec
Entendre les pensées des passants dans la rue, fantasme ou cauchemar ? Avec le Begat Theater, ça devient possible. La compagnie vous invite à la suivre dans cette drôle de déambulation sonore à travers les rues de Grans, Fos, Miramas et Port-Saint-Louis. A.L.
le 13 octobre, 11h, 14h15 et 17h45 à Port-Saint-Louis-du-Rhône.
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SCÈNES GRENADE, LES VINGT ANS
© John Hogg
Depuis le mois de novembre 2011, la chorégraphe aixoise Josette Baïz et ses soixante-deux danseurs fêtent leurs vingt ans, sur scène, en interprétant les cadeaux offerts à la compagnie par Jean-Claude Gallotta, Angelin Preljocaj, JeanChristophe Maillot, Michel Kelemenis, Philippe Decouflé, Abou Lagraa et Jérôme Bel. La troupe de danseurs, âgés de 10 à 30 ans, ne s’est pas laissée intimider par ce programme prestigieux. Petits et pros enchaînent les solos et les ballets, les pièces techniques et virtuoses, émouvantes et drôles, avec une incroyable énergie. D’ailleurs, alors que la tournée des Vingt ans de Grenade se poursuit jusqu’en 2013, la prochaine création de Josette Baïz, Grand Hôtel, est déjà programmée au Pavillon noir, du 28 au 30 novembre. E.G.
LE LAC DES CYGNES
Etoile montante de la scène sud-africaine, la jeune danseuse et chorégraphe Dada Masilo se consacre à la destruction minutieuse des codes du répertoire classique, associé, dans son pays au régime de l’apartheid. Après Roméo et Juliette puis Carmen, elle s’attaque cette fois au Lac des cygnes et
Les 19 et 20 octobre, 20h30. Théâtre Gyptis, 136, rue Loubon, Marseille 3e. 04 91 11 00 91. www.theatregyptis.com. 10-27 €.
« sud-africanise » le ballet romantique avec ses onze danseuses et danseurs noirs… et en tutus. Mêlant danse sur pointes, danse contemporaine, et influences africaines, ce Lac des cygnes se révèle iconoclaste, joyeux, et un brin moqueur. A.L.
Du 2 au 4 octobre, 20h30. Pavillon Noir, 530, av. Mozart, Aix. www.preljocaj.org. 10-25 €.
© Delgado Fuchs
LET’S GET PHYSICAL
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Le collectif Delgado Fuchs joue à fond sur la confusion des genres. Le trouble n’est pas qu’entre le féminin et le masculin. Ce couple de danseurs suisses prend aussi un malin plaisir à brouiller la séparation entre le corps et sa représentation, jusqu’à opérer une sorte de renversement entre la fin et les moyens. Cette mise en abyme s’organise à partir d’un dispositif scénique hybride articulant vidéo et danse. Comme dans un carnaval où tout est permis, elle et lui subvertissent les apparences… Puis la contamination s’étend et des « figurant(e)s » investissent à leur tour la scène… Let’s get physical « rend le corps à sa vastitude, à son potentiel inépuisable »… Are you experienced ? F.K.
Du 18 au 20 octobre, 20h30. Scène nationale du Merlan, avenue Raimu, Marseille, 14e. 04 91 11 19 30. www.merlan.org. 3-20 €.
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EXPOS
Saul Williams. En ciné-concert à la Friche pour l’avant-première d’Aujourd’hui, le nouveau longmétrage d’Alain Gomis.
Nicolas Maigret. Avec System Introspection, les flux visuels et sonores d’un disque dur nous seront révélés en live par la machine ellemême…
Sugarcraft. Un duo techno-punk formé de John Deneuve et Doudouboy.
RIAM 9 : NOW FUTURE « Festival for unlimited art & music », les Rencontres internationales des arts multimédia (RIAM) explorent les correspondances entre technologies, arts plastiques et pratiques sonores. Intitulée Now future, cette neuvième (et dernière ?) édition se déploie à travers dix soirées mêlant concerts, expos, performances, et autres propositions non-identifiées : live techno-punk avec Sugarcraft et live électro-8 bit sur Game boy avec Confipop et Jankenpop (le 6 octobre à Seconde Nature) ; installation monumentale (pour un effet minimum) de Thomas Couderc et Teoman Gurgan (à partir du 16 octobre à Diagonales 61) ; mix audiovisuel de Philippe Petit et De118
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nis Brun suivi de l’« introspection » d’un disque dur par Nicolas Maigret (le 19 octobre au Skylab) ; soirée poésie avec Laurent Prexl, David Sillanoli, Jean-Michel Espitallier et Cyrille Martinez qui déclameront leurs textes sur une bande son qu’ils joueront eux-mêmes (le 20 octobre à la Maison hantée), expo de Francesco Finizio (à partir du 26 octobre à Vidéochroniques)… Quant à Michael Sellam, il vous attend aux Grands Terrains le 27 octobre à 17h précises. Mieux vaut ne pas être en retard, car il procèdera alors, et pour 20 secondes seulement, à l’activation de sa pièce Brainstorming, une tronçonneuse suspendue, censée fredonner l’air d’Happy Birthday to you…
Les RIAM se concluent le 28 octobre (à la salle Seita de la Friche la Belle de Mai) par une belle surprise : le nouveau longmétrage d’Alain Gomis sera présenté en avant-première en présence du réalisateur et du premier rôle, Saul Williams himself : l’intellectuel afro-américain, « poète hip-hop » et comédien, procèdera en live à des interventions slamées et chantées… Il aura de quoi faire car dans ce film, son rôle est quasi muet. A.L.
Du 6 au 28 octobre, divers lieux. www.riam.info.
Courtesy Galerie Gourvennec Ogor
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CALME
JULIEN FRIEDLER
LES DISPARUS Qui sont « les disparus » désignés par le titre de l’exposition ? Après observation des photographies prises par Julien Friedler dans son atelier bruxellois, la question reste entière. S’agitil des gens que l’on aperçoit sur les photos (de famille ?) punaisées à côté de coupures de presse ? Ou bien des tableaux qui, à en croire les traces de peinture sur les murs, les meubles et le sol, devaient être nombreux et chargés en couleur ? La première exposition de 7, rue Duverger, Marseille, 2e
l’artiste belge à la galerie Gourvennec Ogor se visite comme une scène de meurtre sans cadavre. À moins que ce ne soit le rôle de la poupée de chiffon assise derrière une colonne, une sinistre étoile jaune en guise de visage. Les images de Julien Friedler, à la fois désertes et chargées de signes, agissent comme des « pièges à regard » et réveillent les inconscients. E.G.
www.galeriego.com. Entrée libre.
Aménager un espace dédié à l’art contemporain au dernier étage du magasin Les Galeries Lafayette avait tout de la fausse bonne idée. Heureusement, les structures membres du réseau Marseille expos, en charge de la programmation, ont habilement su contourner les écueils : sans jamais céder à la facilité, la première exposition, Luxe, avait su satisfaire la curiosité du grand public comme l’œil du spécialiste. Cela se confirme avec Calme, qui prend le relais depuis la rentrée. Quinze artistes dont Véronique Rizzo, Nicolas Pincemin, Patrick Everaert (ci-dessus) ou Timothée Talard investissent les lieux afin d’illustrer ce second temps d’un triptyque baudelairien, appelé à se conclure avec Volupté en janvier 2013. S.P-R. Jusqu’au 15 décembre. Galerie du 5e, Galeries Lafayette, 40, rue Saint-Ferréol, Marseille, 1er. www.marseilleexpos.com. Entrée libre.
SOPHIE RISTELHUEBER Depuis trente ans, la photographe parcourt les zones de conflits et les champs de bataille. Moins pour témoigner des faits que pour observer les traces laissées par la guerre : corps recousus, villes défigurées, paysages éventrés… À la Galerie of Marseille, la série Beyrouth 1982-2012 (ci-contre) traduit la permanence de cette préoccupation. Face aux squelettes
d’immeubles et aux carcasses de béton, une autre série, Sans titre (2011), dévoile les entrailles et les boyaux de plomb d’un gigantesque corps. Ce sont les canalisations souterraines qui alimentent les jets d’eau du château de Versailles. Un nouveau terrain de jeu, où la méthode archéologique de Sophie Ristelhueber se révèle très opérationnelle. E.G.
Jusqu’au 13 novembre. Galerie of Marseille, 09 53 10 15 26. www.galerieofmarseille.com. Entrée libre.
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© Palle Torsson (machinimas)
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ELA & DIMITRI IN TRANSMEDIA LOVE
FESTIVAL GAMERZ Un système de graffiti robotisé, une installation permettant de naviguer au sein de vrais films de cinéma, une sculpture qui tente de mettre en espace le son de l’électricité, un jeu vous invitant à détruire son code informatique, un ordinateur qui fume le narguilé… Il n’y a vraiment qu’à Gamerz qu’on peut voir tout ça. Avec ce festival consacré au jeu et au détournement dans la création contemporaine,
la ville d’Aix-en-Provence devient, durant près de dix jours, laboratoire futuriste et terrain d’expérimentation d’une cinquantaine d’artistes dits « numériques ». Souvent interactives, parfois ludiques, ces œuvres n’en demeurent pas moins subversives. Car détourner les machines de leurs fonctions, c’est aussi une façon d’interroger notre rapport aux nouvelles technologies et à la modernité. B.O.
Du 19 au 28 octobre. Fondation Vasarely, Musée des Tapisseries, et quatre autres lieux à Aix-en-Provence. www.festival-gamerz.com. Entrée libre.
Lorsque le réalisateur, producteur, et activiste Cyril Slucki rencontre l’artiste et scénographe Lise Couzinier, c’est le coup de foudre. Mais déjà, Lise doit partir. Durant tout un mois. De cette séparation naîtra une correspondance multimédia : sms, photos, vidéos… Autant d’échanges poétiques qui vont nourrir leur idylle. Car avant d’être physique, l’amour est à leurs yeux un acte créatif. Les textos deviennent haïkus numériques ; les écrans, des tableaux ; les photos, des compositions abstraites ; les fantasmes, des performances… Très vite, le jeu dérive, la relation prend une dimension schizophrénique : Lise et Cyril deviennent « Ela et Dimitri ». De leur histoire d’amour, ils choisissent de faire une exposition, pour que chacun soit témoin des différentes péripéties de leur relation. Puis, peut-être, de leur rencontre. Car après cette longue séparation, c’est au restaurant L’Insolite, qu’ils se sont donnés rendez-vous… S.P-R.
Du 13 au 20 octobre, 19h-23h. Restaurant L’Insolite, 5, rue d’Italie, Marseille, 6e. Entrée libre.
CONTRE-TEMPS
Une exposition collective où six plasticiens s’emparent du médium vidéo afin de le pousser dans ses derniers retranchements. Il en va ainsi du coucher de soleil filmé par Artie Vierkant : une romantique carte postale qui se détériore et se pixellise au fur et à mesure que l’artiste dérègle l’ouverture du diaphragme de son objectif… Paul Destieu, lui, vous invite à assister à l’ensevelissement graduel et méthodique d’une batterie sous une massive coulée de gravier : une façon radicale de matérialiser l’idée de Fade out, la baisse d’un niveau visuel et sonore jusqu’au néant… Avec Volta (cicontre), Luce Moreau nous donne quant à elle à découvrir les imperceptibles mouvements du globe terrestre grâce à un procédé connu des seuls astronomes. Pendant ce temps, Harm Van Den Dorpel s’emploie à sortir quelques fêtards de leur coma éthylique en réanimant des photos prélevées sur les réseaux sociaux, dans une douce esthétique de la dépravation. S.P-R. Jusqu’au 21 septembre. Art-cade, 35 bis, rue de la Bibliothèque, Marseille, 1er 120
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www.art-cade.org. Entrée libre.
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PUBLI-COMMUNIQUÉ
Les Vendanges étoilées de Cassis Apprendre à sublimer les produits régionaux en accord avec la subtilité des vins cassidains ; découvrir un geste culinaire, une recette d’exception, des produits remarquables ; déguster les plats réalisés par des grands chefs étoilés ; partager ensemble des moments uniques dans un lieu magique : Cassis... La troisième édition des Vendanges étoilées se déroulera les 22, 28, 29 et 30 Septembre 2012.
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Entre terre et mer, entre vignes et calanques, la ville de Cassis accueille pour la troisième année consécutive « Les Vendanges Etoilées », le rendez-vous incontournable des gourmets et gourmands. Le top départ de cette troisième édition sera donné le 22 septembre, Journée nationale de la Gastronomie avec plusieurs animations exceptionnelles telles que la possibilité de déguster dans des restaurants cassidains un menu « Vendanges Etoilées » alliant mets et vins de Cassis, de partager un pique-nique sur une barque cassidaine, et d’admirer une exposition de photographies culinaires, mise à disposition par l’Office de Tourisme du Piémont Oloronais. Cette journée se clôturera par la diffusion, le jour de sa sortie nationale, du film « Les Saveurs du Palais » avec Catherine Frot, suivie de la Soirée de la Gastronomie au Château de Cassis (50€/pers sur réservation à l’Office de Tourisme de Cassis). A partir du 28 septembre, c’est un véritable feu d’artifice de saveurs et de talents ! En plein cœur de Cassis, au sein même du marché paysan, les chefs étoilés et chefs de la région accorderont leurs pianos lors de démonstrations culinaires, en accord avec les vins cassidains, afin de faire découvrir leurs recettes toujours réalisées avec talent et générosité, maîtres-mots de cet évènement. Ainsi, le 28 septembre nos chefs de la région et en devenir seront présents : L’Ecole Hôtelière de la Forbine (Aubagne), Damien Arnaud (Rochebelle, La Ciotat) et Antoine Marret (Romano, Cassis), Laurent Jayne (Cuisinier Vigneron, Cassis), Franck Jamont (L’Atelier Traiteur, Cassis) et Emilie Canu (Fleurs de Thym, Cassis), Jerôme Di Salvio et Sophie Bonnarde
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(Metsens, Marseille), Pierre Giannetti (Le Grain de Sel, Marseille) et Marine Crousnillon (Les Grandes Tables de la Criée, Marseille - Masterchef) et Alexandre Mazzia (Le Ventre de l’Architecte, Marseille). Le 29 septembre Philippe Faure Brac (Meilleur Sommelier du Monde – Rio 1992) donnera le coup d’envoi de cette journée d’exception en nous faisant découvrir toute la riche histoire des vins de Cassis, suivi d’Alain Passard ***(L’Arpège, Paris) , Jean-Marc Notelet (Caïus, Paris), Guillaume Sourrieu* (L’Epuisette, Marseille), Stéphanie Le Quellec (Prince de Galles, Paris – Top Chef) et Ronan Kernen (Coté Cour, Aix en Provence – Top chef), Guy Krenzer (Chef exécutif et Directeur de la Création Lenôtre, Paris - Meilleur Ouvrier de France ) terminera cette journée sur de douces notes sucrées. La transmission du savoir étant une des valeurs incontournables de cet évènement, tous ces chefs seront assistés par les élèves de l’Ecole Hôtelière de la Forbine (Aubagne). Les vins cassidains seront également présents les 29 et 30 septembre et proposeront une dégustation de la plus vielle AOC de France (depuis 1936) avec une exposition de matériel viticole ancien. Cette troisième édition s’achèvera lors de la journée du 30 septembre consacrée au 40e anniversaire de la fête du vin et des vendanges, véritable hommage à la vigne et aux vignerons.
www.les-vendages-etoilees.com
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© MC Kindsmuller
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PRÉAVIS DE DÉSORDRE URBAIN
MYSTÉRIOSCOPE Après plusieurs expositions consacrées au dessin et au graphisme, le studio Fotokino s’aventure sur le terrain du cinéma en exposant, sous forme d’installations, les films d’une dizaine de jeunes artistes européens. Leur point commun : le bricolage numérique, dans la lignée poétique et fantaisiste de Georges Méliès. Egalement présent à travers une sélection de ses ingénieux
« systèmes D » (ci-dessus) programmés dans l’émission Court-circuit sur Arte, le Marseillais Éric Bernaud apportera le 24 septembre quelques-unes de ses inventions. Il prêtera sa steady camskateboard ou sa tondeuse simulatrice de mouvement aux cinéastes en herbe (de plus de 8 ans) qui auront eu la bonne idée de s’inscrire à l’atelier. E.G.
Du 22 septembre au 13 octobre. Studio Fotokino, 33, allées Gambetta, Marseille, 1er. www.fotokino.org
4 HISTOIRES DE FAMILLES
Pour la sixième année consécutive, le réseau Redplexus lance son « Préavis de désordre urbain » sur la ville de Marseille. Soit dix jours de performances réalisées par une trentaine d’artistes européens avec, pour bases arrière, le Théâtre des Bernardines (du 10 au 19 septembre) puis la Friche la Belle de Mai (du 17 au 21 septembre). Cette année, le mot d’ordre est une question : « Comment vivre ces temps de crise en milieu urbain ? » On pourra aller découvrir les réponses au jour le jour, dans la rue, ou si l’on manque de temps, se concentrer sur les soirées « Préavis d’insomnie » (le 18 aux Bernardines) et « Désordres en friche » (le 21 à la Friche). E.G. Du 10 au 21 septembre. Théâtre des Bernardines, 17, boulevard Garibaldi, Marseille, 1er. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 34. www.redplexus.org. Gratuit.
Quatre photographes ont dépoussiéré leurs cartons à chaussures pour y dénicher leurs photos de familles et nous raconter autant d’histoires : Anne Karthaus interroge ses origines Entre Belgitude et sous-France ; Françoise Laury fouille dans l’album de sa Petite mythologie familiale, celle d’avant l’exil de 1962, qu’elle confronte à des images contemporaines afin de « briser la chronologie » ; et Alain Marsaud recherche « le stade ultime où l’image se débarrasse de l’anecdotique, du biographique individuel ». Ce qui n’est pas si éloigné de la démarche de Philippe Leroux, dont le projet Réminiscence (ci-contre) s’attache à mettre en valeur le caractère universel de la photographie de famille, même la plus intime. A.L. Bains, 22, avenue des Charrois. www.collectifaquatre.fr. Entrée libre.
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© X. de Jauréguiberry
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LES ARCHITECTURES DE L’EAU
L’histoire est connue : c’est pour célébrer l’arrivée à Marseille de l’eau de la Durance qu’au milieu du XIXe siècle fut érigé le Palais Longchamp. Dès lors, l’eau est partout et les fontaines se multiplient dans la ville : dans les jardins, aux grands carrefours, sur les places. A travers documents d’archives, plans, gravures, sculptures et maquettes, cette exposition nous présente ces architectures parfois monumentales, comme la fontaine Cantini
à Castellane, celle des Danaïdes, aux Réformés, ou encore Estrangin, sur la place éponyme. Qu’elle soit décorative ou utilitaire, le thème de la fontaine s’aborde aussi à travers ceux qui la fréquentent pour leur travail ou leurs loisirs. Dans le « couloir des sens » de l’exposition, le visiteur pourra enfin se laisser porter par les sons des flots du Verdon, et autour de trois « fontaines à palabres », surprendre les conversations qui vont bon train. A.L. e
www.archives13.fr. Entrée libre.
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EGYPTE, CLAIRE ET OBSCURE Au Caire, dans le quartier historique des palais et des mosquées, s’ouvre un dédale de ruelles habitées aujourd’hui par une population modeste. Le photographe Denis Dailleux s’est attaché aux scènes ordinaires de la vie Cairote, aux regards, aux portraits, parfois mis en scène dans des tableaux vivants. Du monde de la rue, des fêtes et des cafés, il glisse vers l’obscurité rafraîchissante des maisons, espaces intérieurs et intimes. Puis le temps des déambulations s’arrête. Car déjà, une insurrection commence… De cela aussi, Denis Dailleux s’est voulu le témoin… B.O. Du 15 septembre au 22 décembre. Mirès, Marseille, 3e 00. www.archives13.fr. Entrée libre.
SALON DES ANTIQUAIRES ET DES GALERIES D’ART
Plus de 80 exposants originaires de toute la France sont attendus au parc Chanot pour cette troisième édition du Salon des Antiquaires : sur plus de 4 000 m2, on se balade au fil des bronzes, pièces d’argenterie, tableaux, tapis, bijoux, meubles, antiquités, chinoiseries… Un cabinet des curiosités, où tout est à vendre. A noter que cette année, la Fondation Regards de Provence exposera quelquesunes de ses plus belles pièces en avant-première de l’ouverture prochaine de son musée. B.O.
Du 20 au 28 octobre, de 10h30 à 19h. Parc Chanot - Palais de l’Europe, Rond-Point-due . www.salondesantiquaires.fr. 124
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DESTINATION - TUNIS
DREAM CITY A Tunis, les artistes s’emparent de l’espace public dans le cadre de la biennale Dream City. L’occasion d’aller voir de plus près les bouleversements à l’œuvre de l’autre côté de la Méditerranée. Par Alexandre Lévêque
« UNE QUARANTAINE DE PROPOSITIONS ARTISTIQUES SONT APPELÉES À ENVAHIR LA MÉDINA QUI PRENDRA, POUR CINQ JOURS, DES ALLURES DE ‘‘CITÉ DE RÊVE’’ » la cité et dans les replis d’une Histoire en train de s’écrire ? » Un peu plus qu’un simple festival des arts de la rue, Dream City souhaite questionner les mutations qui traversent la société tunisienne, entre montée des extrémismes et renaissance de la société civile. La manifestation devient ainsi prétexte à une forme de marche citoyenne au cœur de cette Tunisie nouvelle… Le monde entier est convié à en être témoin. C’est une quarantaine de propositions artistiques qui sont appelées à envahir la labyrinthique médina qui prendra, pour cinq jours, des allures de « cité de rêve » : Dream City s’explore à travers quatre itinéraires conduisant les visiteurs d’un lieu à un autre et d’une œuvre à une autre. Installations vidéo, photo ou musicales, performances chorégraphiques, projections cinéma et spectacles de rue aborderont (entre autres) les thèmes de la surveillance, de l’univers car126
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Une « cité de rêve ensemencée d’actes citoyens et artistiques » ; une campagne électorale « pour le pouvoir artistique »… Voilà à quoi rêvent les artistes en Tunisie. Et bientôt, ces rêves risquent fort de devenir réalité. Car ils rythmeront la biennale d’art contemporain dans l’espace public Dream City, dont la troisième édition se déroulera à Tunis du 26 au 30 septembre. En choisissant d’explorer le thème « L’artiste face aux libertés », Selma et Sofiane Ouissi, les organisateurs, s’inscrivent dans la droite lignée des bouleversements politiques à l’œuvre dans leur pays. « Les artistes se réinventent (…) et opèrent une forme de résistance artistique en même temps qu’ils œuvrent à la reconstruction d’un espace social et politique. Quel rôle peuvent-ils jouer dans
céral, de l’étranger, de la démocratie… Des problématiques évidemment particulièrement vivaces dans l’esprit des nombreux artistes tunisiens participants au festival. Ils ne seront pas seuls. A leurs côtés, une quinzaine de plasticiens venus d’Europe, de Chine et d’Afrique confronteront leurs regards avec ceux de leurs hôtes. Ainsi, une grande exposition photographique à ciel ouvert jalonnera les rues de la ville, les voies du métro, les stations de bus, et présentera des images réalisées par des artistes internationaux. Œuvre collective, Dream City va, par la suite, se déplacer à Sfax (du 5 au 7 octobre), avant de s’exporter à Marseille, en mai 2013, dans le cadre de la Capitale européenne de la culture. Dream City A Tunis du 26 au 30 septembre A Sfax du 5 au 7 octobre www.lartrue.com Vols directs vers Tunis au départ de Marseille-Marignane à partir de 90 € www.airfrance.fr
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Une toute nouvelle adresse où trouver les nouvelles collections des marques les plus prestigieuses. Une sélection pointue des meilleurs modèles horlogers et maintenant 3 corners exclusivement dédiés à Dior, Messika et à de jeunes créateurs qui se succéderont au fil des saisons pour vous insuffler de nouvelles envies. boutique en ligne www.frojo.com
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CREMIEUX Sous l’impulsion d’une nouvelle association avec la famille Equateur, la boutique Daniel Cremieux retrouve ses couleurs dans un nouvel espace dédié aux hommes.
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ÉTAPES GOURMANDES
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AU BOUT DU QUAI Encadré de son nouveau décor floral, le bout du quai affiche une inédite terrasse estivale. Moderne, design, et cosi à la fois, elle est à l’image du restaurant et de sa décoration contemporaine. Spécialiste de la pêche, l’équipe du bout du quai réserve sa plus grande place sur l’ardoise aux poissons frais et arrivage alléchant tout en restant dans l’authenticité de nos recettes marseillaises. Simple, goûtu et copieux, le bout du quai est tout simplement une adresse dans l’air du temps.
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SOFITEL MARSEILLE VIEUX PORT
ESCALE D’EXCELLENCE AU CŒUR DE LA CITÉ PHOCÉENNE UN CADRE D’EXCEPTION. D’ordinaire, le visiteur apprécie une ‘‘chambre avec vue’’. Au Sofitel Marseille Vieux Port, c’est l’hôtel tout entier qui déploie un panorama exceptionnel. Escale d’excellence, entre la Côte d’Azur, la Camargue et le Lubéron, à quelques brasses du Château d’If et des Calanques, cet établissement recèle bien d’autres trésors... HALTE GOURMANDE AU RESTAURANT LES TROIS FORTS. Dominique Frérard, Maître Cuisinier de France et Membre de l’Académie Culinaire, fait de la gastronomie un élément essentiel de l’art de vivre à la française. Il renouvelle sa carte tous les quarante cinq jours pour offrir de nouveaux horizons aux voyageurs. Un avant goût pour la rentrée : langoustines, fraîcheur de légumes de Provence, vinaigrette à la coriandre ; turbot, mousseline de courgette, girolles, émulsion au lait d’amande ; tarte fine à la pêche blanche, quenelle glacée à la verveine... BAR LOUNGE LE CARRÉ. Côté bar, Le Carré est aussi un lieu de rencontre cher aux Marseillais qui ne désemplit pas : hommes d’affaires, amateurs de cigares et artistes s’y retrouvent pour un café, une restauration légère et délicate ou encore pour déguster les tous derniers « cocktails signature », presque les pieds dans l’eau ! SO SPA. Baigné par le soleil, embrassé par la mer et caressé par le vent, le So SPA bénéficie de l’emplacement exceptionnel du Sofitel Marseille Vieux Port, au cœur même des anciennes fortifications de Marseille. Un véritable écrin de beauté qui enchante les sens… où règnent en maître absolu confort, calme, luxe et raffinement !
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CHEZ MICHEL
Où manger une bouillabaisse vraiment authentique ? Question sensible à Marseille, à laquelle 8e art vous répondra sans aucune hésitation : chez Michel ! Sur la rue des Catalans, en face du cercle des nageurs, ce restaurant a été créé en 1946 par Michel Visciano. Depuis 3 générations, la famille Visciano perpétue ainsi la tradition des bons petits plats à base de poisson. Le secret de cette longévité exceptionnelle ? “Amabilité, savoir recevoir et... poisson frais !” selon Michelle Visciano elle-même, héritière des secrets de fabrication d’une cuisine qu’on peut, pour une fois, qualifier sans crainte de vraiment “familiale”.
LE BOUCHON PROVENÇAL C’est dans un lieu totalement rénové où s’entremêlent modernité et tradition que vous pourrez venir découvrir la carte du Bouchon provençal pour des saveurs teintées de notre douce Provence. S’attabler au Bouchon «nouvelle version», c’est adhérer a l’idée qu’il est possible d’associer création, goût et décontraction ! Le Bouchon c’est un prix, c’est du goût, c’est un mode de vie, un concept... La promesse qu’une autre cuisine est possible.
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LA VILLA L’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affirme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jardin, ombragée l’été et chauffée aux jours friquets. Sa cuisine offre un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée.
LA RÉSERVE Véritable écrin posé sur le bleu du Parc Naturel des Calanques - LA RESERVE - Restaurant de l’Hôtel Pullman Marseille Palm Beach, impose l’élégance d’une cuisine aux goûts frais, variés et colorés du Sud, basée sur des produits locaux et sa pêche du jour.
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CHÂTEAU DE LA PIOLINE Cessez de cherchez un lieu différent...Venez !
Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence. Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel
contact@chateaudelapioline.com
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www.chateaudelapioline.com
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LE LUNCH
Notre équipe vous accueille dans ce lieu magique qui nous est offert par la nature, la calanque de Sormiou. Nous nous efforçons de travailler le plus proprement possible pour le respect de celle-ci dans le choix de nos produits. Ici, ce sont la mer, les pêcheurs de Sormiou et de Marseille, qui agrémentent vos assiettes. Les maraîchers et fruitiers régionaux les complètent aux couleurs des saisons. Le soleil d’ici remplira vos verres… Que notre sourire vous accompagne dans la paix de ce lieu et cette découverte culinaire.
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