8e art magazine -n°25

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8 e art magazine • mai-juin 2013


8e art est une publication bimestrielle des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille 09 81 80 63 79 Numéro ISSN : En cours d’attribution Dépôt légal : Mars 2013 Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr

# 25

Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Logistique, diffusion et partenariats : Romuald Protin r.protin@8e-art-magazine.fr 04 91 41 63 79

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

mai - juin 2013

Retrouvez toutes nos actus sur :

WWW.8E-ART-MAGAZINE.FR

Webmaster éditorial : Léa Coste l.coste@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Joël Assuied, Léa Coste, Marco Jeanson, Fred Kahn, Olivier Levallois, Marie-Line Lybrecht, Jean-Pierre Vallorani. Service commercial : 09 81 80 63 79 Tirage : 20.000 exemplaires Impression : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56 La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

En couverture. Centaure-Camargue © Philippe Praliaud

MARSEILLE ACCUEILLE (TOUT) LE MONDE Par

Emmanuelle Gall Rédactrice en chef

L

e 25 avril dernier, l’Hôtel Intercontinental était inauguré en grande pompe. Installé dans l’ancien Hôtel-Dieu, le troisième cinq étoiles de Marseille ne manque pas d’arguments : une façade classée « Monument Historique », une localisation idéale et Lionel Lévy, l’un des plus grands chefs marseillais, aux fourneaux. Sur 23 000 m2, le bâtiment compte 194 chambres, dont 22 suites, deux restaurants, une salle de réception, une piscine intérieure et un spa. Pour y passer la nuit, il faut compter entre 265 € (la chambre « Deluxe ») et 2182 € (la suite « Prestige »). Le même jour, au port de la Lave, une équipe de jeunes gens torses nus, armés de rouleaux d’adhésif orange, fabriquaient l’enseigne de Yes, we camp. Le camping éphémère imaginé par Marseille 2013 off a failli capoter jusqu’au dernier moment, faute de réussir à obtenir toutes les autorisations. Mais c’est du passé, et toutes les bonnes volontés sont désormais les bienvenues pour participer à l’aménagement du site. Au programme : construction de cabanons, relookage de caravanes et bateaux à sec, fabrication de « mobilier urbain de convivialité »… Yes, we camp est un village écolo (toilettes sèches, douches solaires, vélo-laveurs…) et arty (ateliers, résidences d’artistes, spectacles…). À terme, les organisateurs espèrent proposer 180 places et plusieurs types d’hébergement, de la formule « bivouac » ou « hamac » (13 €) à la « suite » (80 €). Alors que les professionnels du tourisme ne cachent pas leur déception, l’arrivée sur le marché de ces deux nouveaux venus ne devrait pas arranger leurs affaires ni changer la donne. Elle témoigne néanmoins d’une vitalité et d’un dynamisme inédit, engendrés par la capitale. Entre l’Intercontinental et Yes, we camp, le Panier et l’Estaque, les touristes n’ont plus qu’à choisir leur camp…


SOMMAIRE

#25

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

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LA PHOTO

On a marché sur le Rhône. 08

ACTUS

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LA RENCONTRE

Jean-Pierre Vincent et les cinquante amateurs 18

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L’OEUVRE

Coiffe de danse olok, MAAO 20

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L’ENDROIT

Le MasToc, Les Pas perdus investissent Arles 22

L’ARTISTE

Xavier-Adrien Laurent, l’acteur studieux 24

L’OBJET

La kalachnikov 26

LE MUR

Œil pour œil 28

L’ASSOCIATION

Lieux fictifs, l’art pour ouvrir la prison à la société 30

LA GALERIE

La Non-Maison, Art à tous les étages 33

34

Mixatac LE VILLAGE DE

LE RESTAURANT

Le Ventre de l’architecte 38

42

Au commencement était Karwan

44

Le sage et le fou

47

La folle histoire du sport

50

Générik Vapeur construit au J4

54

Le ballet mécanique de Motionhouse

56

L’Estaque, quartier de rêve

LA BALLADE

Le MIAM croque les Philippines

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LA FOLLE HISTOIRE DES ARTS DE LA RUE

L’ALBUM

Fred Sathal 36

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MP 2013 passe

à table !

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Un chef pour la capitale

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Un péché, sept festins

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Six pique-niques sur le GR®2013

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Douze bivouacs pour suivre TransHumance

76

Un pain 2013 et une vigne of Marseille

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Six amuse-bouches

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PORTFOLIO

Les Animaglyphes de TransHumance

p.60

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L’ÉVÉNEMENT

Le MuCEM enfin ! 100 SCÈNES 106 MUSIQUES 110 EXPOS 116 ENFANTS

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LA PHOTO

Révélations, I, Arles © Thierry Nava – Groupe F

ON A MARCHÉ SUR LE RHÔNE Ces extra-terrestres, les Révélateurs, sont les membres du Groupe F, des artistes artificiers basés au Mas Thibert (en Camargue). Habitués à parcourir le monde et à mettre le feu aux monuments les plus prestigieux, ils ont joué à domicile, le 13 janvier dernier, pour le coup d’envoi de Marseille-Provence 2013 sur les berges du Rhône à Arles. Ils reviennent le 18 mai, avec le deuxième épisode de Révélations, dans les calanques de Cassis. Et les fans pourront suivre tout l’été cette saga au fil des eaux : le long des canaux de Martigues (le 6 juillet), à l’embouchure du Grand Rhône à Port-SaintLouis (du 7 au 10 août), au Château d’If (du 4 au 7 septembre)… Et le 30 décembre, le Groupe F signera la conclusion de Marseille-Provence 2013 à Istres. 6

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CINÉMA

© Agnès b

ACTUS

REDÉCOUVRIR PASOLINI

Quarante ans après sa mort, l’œuvre de Pier Paolo Pasolini demeure atemporelle, nourrie par les mythes littéraires et l’inconscient collectif. Son audace et sa liberté formelle, le mystère de sa signification inépuisée et sa radicalité lui confèrent un caractère irréductible, celui d’un tempérament frondeur et novateur. Plusieurs structures se sont associées pour rendre à l’artiste un hommage à la hauteur de son génie. Temps forts de la manifestation : une exposition au CIPM et la rétrospective intégrale de l’œuvre cinématographique de Pasolini. De 1961 à 1973, date de sa mort brutale, le cinéma marque un tournant créatif dans sa carrière. Avec la caméra pour nouvelle plume, Pasolini réalise des films de fictions sur des scénarios originaux (Accatone, Mamma Roma, La Ricotta, Théorème…), des adaptations de chefsd’œuvre littéraires (Les Mille et une nuits, Œdipe roi, Médée, Le Décaméron…), ainsi que des documentaires et journaux filmés (Repérages en Palestine, Enquête sur la sexualité…). Sa filmographie compte ainsi une vingtaine de films, courts et de longs métrages. Des lectures, performances, conférences, débats, expositions, et diffusion de documentaires viennent compléter la (re)découverte de celui qui écrivait : « La mort, ce n’est pas de ne plus communiquer, c’est de ne plus être compris. »

© MMXII Futurikon

Du 14 mai au 8 juillet, CRDP, CIPM, FID, Centre de La VieilleCharité, Friche de La Belle de Mai, MuCEM, Villa Méditerranée, Marseille, Institut de l’Image, Aix. www.mp2013.fr

PREMIÈRES RENCONTRES INTERNATIONALES DES CINÉMAS ARABES Un festival des cinémas arabes à Marseille semble, a posteriori, une évidence. L’association AFLAM, qui diffuse depuis douze ans des films arabes dans la région, a pourtant dû attendre cette année – et le soutien de MP 2013 – pour voir naitre ces premières rencontres. Durant six jours, une cinquantaine d’œuvres vont être projetées dans cinq salles. Certaines sont déjà reconnues (Wadjda, Rengaine), mais la plupart restent inédites. Répartie en cinq sections (« À la une », « Jeunes talents », « Un cinéaste, un parcours », « Un critique, deux regards », « Le cousin de… »), la manifestation accueille soixante invités venus d’une quinzaine de pays. Elle met également à l’honneur l’Égyptien Ibrahim Batout (Winter of discontent), primé en 2012 à la Mostra de Venise. Préférant parler de « rencontres » plutôt que de « festival », les organisateurs entendent mettre l’accent sur les échanges et débats entre le public et les professionnels (réalisateurs, producteurs, comédiens, critiques…), autour des questions et des éclairages portés par ces films. Loin du fantasme d’un monde arabe homogène, la programmation démontre que, du Maghreb au Moyen-Orient, les réalités géographiques, 8

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Chroniques d’une cour de récré, Brahim Fritah, 2013.

sociales et culturelles, à l’image des conditions de productions et de diffusion des films, sont extrêmement variées. De la puissante industrie du cinéma commercial égyptien aux réalisations indépendantes de jeunes auteurs saoudiens, s’il existe un cinéma arabe, il se conjugue nécessairement au pluriel. Du 28 mai au 2 juin, Villa Méditerranée, Cinéma Les Variétés, Maison de la Région et CRDP, Marseille. 04 91 47 73 94. 5 € la séance (+ formules d’abonnement et tarifs réduits) www.lesrencontresdaflam.fr


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ACTUS

EN BREF

LA PUB SE MÊLE D’ART

Quel publicitaire ne s’est pas rêvé en Maurice Saatchi, publicitaire anglo-irakien, devenu, dans les années 80, un galeriste londonien de réputation mondiale capable de faire et défaire des réputations ? Quand les quatre associés de l’agence de publicité marseillaise MarsatWork ont décidé de confier un rhinocéros du Funny Zoo à l’artiste Jonone, ils y pensaient bien un peu. À leur mesure. « Ça nous a permis, déjà pour nous-mêmes, de passer à une autre dimension », raconte Alexandre Contencin, directeur associé. Jonone, classé au 496e rang mondial par Artprice, les a obligés à casser leur tirelire : « Au final, c’est plus cher qu’une campagne d’autopromotion dans les médias, mais nous nous sommes fait un beau cadeau », avoue-t-il. Qu’on se rassure, l’artiste américain n’a pas été choisi sur sa seule réputation : « il correspond à notre sensibilité artistique et nous avions déjà travaillé avec lui pour un catalogue ». Une performance a été organisée à l’agence en mars, et les cordonniers n’étant pas toujours les plus mal chaussés, avec opération de relations publiques auprès des clients à la clé. Les webmasters maison ont filmé et rediffusé le travail de l’artiste sur un site, You tube et Twitter. En attendant que l’animal soit installé en belle place, entre le Pavillon M et l’Hôtel de Ville. Une autre agence marseillaise, Culture de Marque, a aussi profité de MP 2013 pour se jeter à l’eau, en créant dès avril, et dans ses murs, les Apér’art : des miniexpositions d’œuvres collectives « associant des talents qui travaillent pour l’agence et les invités qui le souhaitent, sur un thème précis », précise François Cadiergue, le patron. L’amour était celui du premier épisode. À suivre. 10

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ANIMAL DESIGN Le Centre Design Marseille Provence transforme la galerie Montgrand en zoo. À travers une quarantaine d’objets, l’exposition rappelle combien le règne animal inspire aussi les designers. Comme référent esthétique (les flacons Baccarat Zoo en forme de singe, ours ou canard, les tabourets « ailes de papillon » Butterfly Stool), comme réminiscence de l’enfance (le lapin Usagi, le coussin doudou CO9 XS), comme modèle de technicité ou de texture (les structures en nid d’abeille, les surfaces en peaux d’éléphant de matériO’), comme symbole de la nature (le mobilier d’Ibride)… Autant de manières d’insuffler une part de vivant aux objets qui nous entourent. Jusqu’au 29 juin. Galerie Montgrand, 41, rue Montgrand, Marseille, 6e. 04 91 33 11 99. Entrée libre. www.designmarseille.org.


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MP2013

© Reza /Webistan

© DR

ACTUS

FELICE VARINI À SALON-DE-PROVENCE L’atelier de Felice Varini, c’est la ville, et en l’occurrence, Salonde-Provence où l’artiste franco-suisse est en résidence depuis le mois d’avril. Revendiquant une pratique de l’« ici et maintenant », il crée des formes peintes qui viennent s’inscrire dans les perspectives des paysages urbains, et que le spectateur est invité à découvrir depuis un point de vue particulier. À Salon, Felice Varini a jeté son dévolu sur la terrasse nord du château de l’Empéri. De là, il sera possible d’appréhender dans sa totalité Deux cercles évidés par les toits : une monumentale fresque réalisée au moyen de bandes d’aluminium adhésives apposées sur les façades et cheminées du centre ancien. Pendant le mois de mai, le public pourra assister à l’installation de la pièce, nécessitant l’assistance de dix techniciens. Du 24 mai au 1er décembre. Point de vue du Château de l’Emperi, Montée du Puech, Salon-de-Provence. Accès libre. www.mp2013.fr

REZA À CASSIS Pour la troisième année consécutive, entre les calanques et le Cap Canaille, la falaise du château se transforme, le temps d’une soirée, en un monumental écran de quarante mètres sur cinquante. Après Peter Beard, Yann-Arthus Bertrand, Nicolas Henry et Titouan Lamazou, l’association Wallfor a choisi d’inviter cette année Reza. Une quarantaine de ses images surplomberont la plage, commentées en direct par ce voyageur infatigable, récompensé par les prix les plus prestigieux. Qu’il photographie la guerre, les enfants, l’exil économique, c’est toujours avec empathie et sans misérabilisme. On pourra également écouter sa conférence, dès 19h30 à L’Oustau Calendal, puis assister à un concert des solistes de l’Orchestre National de Paris et terminer la soirée avec Orange Blossom (électro orientale) sur la plage. Le 29 juin, à partir de 19h30. Cassis. Entrée libre. www.wallfor.fr

© Daniel Buren

DANIEL BUREN À ISTRES Après le Grand-Palais à Paris ou le parc archéologique de Scolacium en Italie (photo) l’année dernière, Daniel Buren est invité à investir la Pyramide à Istres. Cet ancien complexe de loisirs nautiques, fermé depuis 2008, a été réaménagé suivant les recommandations de l’artiste : comblement du bassin et installation d’un plateau de 1400 m2. Et si aucun obstacle de dernière minute ne se présente, le public pourra découvrir à partir du 5 juillet le site métamorphosé par Daniel Buren. Une autre de ses œuvres, pérenne celle-là, devrait être installée sur le parvis du nouvel hôtel de ville. Du 5 juillet au 31 décembre, La Pyramide, place Champollion, Istres. www.mp2013.fr

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LA RENCONTRE

JEAN-PIERRE VINCENT ET LES CINQUANTE AMATEURS Propos recueillis par Emmanuelle Gall • Photos : Vincent Lucas 14

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LA RENCONTRE

epuis plus d’un an, Jean-Pierre Vincent dirige une troupe de cinquante comédiens amateurs en vue de monter Les Suppliantes d’Eschyle au Gymnase. À soixantedix ans, le metteur en scène multiplie les projets et milite pour un théâtre humaniste, opérant un retour aux fondamentaux et élargissant « le cercles des spécialistes ». Iphis et Iante en janvier, Les Suppliantes en juin, Marseille-Provence 2013 vous gâte ! J’étais même censé créer un troisième spectacle. À Toulon, je devais monter un petit opéra de Karl Maria von Weber, Abu Hassan. Un très beau conte des Mille et une nuits écrit en hommage à Mozart. Mais Toulon s’est retiré de la course. Ma présence dans Marseille-Provence 2013 est le fruit de l’amitié qui me lie à Dominique Bluzet, le directeur des Trois théâtres. Nous nous sommes battus pendant deux ans pour monter Iphis et Iante : un pari difficile compte tenu du titre imprononçable de la pièce et de son auteur inconnu. Dans l’intervalle, Dominique Bluzet a eu d’autres idées et notamment celle d’une collaboration avec des amateurs. J’étais évidemment d’accord, tout en sachant que ce n’est pas un petit engagement. Il a fallu trouver et réunir les comédiens, puis les faire travailler, à raison d’un rendez-vous hebdomadaire pendant un an et demi. Heureusement, j’ai deux coadjutrices formidables : Marie Provence et Caroline Ruiz. Pourquoi avoir choisi Les Suppliantes ? J’ai souvent travaillé cette tragédie dans le passé, notamment à l’occasion de stages organisés pour les enseignants, et je voulais la monter à Marseille. J’ai toujours pensé que cette ville était le point de rencontre, d’aboutissement, de tous les peuples méditerranéens, plus encore que Barcelone, Gênes ou Athènes. La variété de sa population est exceptionnelle. Et il me semblait intéressant de monter ici l’histoire de ces cinquante femmes, les Danaïdes, qui arrivent d’Égypte pour demander asile et protection à Argos. Elles sont les descendantes d’Io,

JEAN-PIERRE VINCENT

originaire de cette cité grecque. Transformée en vache par Zeus et, poursuivie par un taon, Io est allée jusque sur les bords du Nil pour accoucher. Les Danaïdes veulent échapper à un mariage forcé avec leurs cousins. Le roi d’Argos ne peut refuser de les accueillir, mais il sait que cette décision entraînera une guerre. Il consulte son peuple qui opte pour l’asile… et la guerre.

« CEUX QUI NE SE SOUVIENNENT PAS DU PASSÉ SONT APPELÉS À LE REVIVRE. »

Comment adapter une tragédie vieille de vingtcinq siècles au public contemporain et à cinquante comédiens amateurs ? Chez Eschyle, il y a vingt-quatre femmes et un mystère. Car, à la fin de la pièce, le chœur est divisé en deux : les suppliantes et leurs esclaves. On ne sait pas si à l’époque, il y avait sur scène vingt-quatre ou quarante-huit comédiens. Au Gymnase, elles seront trente et c’est déjà bien. Par ailleurs, dans l’Antiquité, il n’y avait, outre le chœur, que deux acteurs : le protagoniste et le deutéragoniste, qui jouait tous les autres rôles. Comme nous avons gardé une cinquantaine de comédiens sur les cent soixante-dix candidats qui nous ont écrit, nous avons choisi de dédoubler certains rôles. Quant au texte, que j’ai traduit avec l’aide de Bernard Chartreux, il est très respectueux de la lettre. J’ai très peu coupé, beaucoup moins que pour Iphis et Iante. Il s’agit de comprendre et faire comprendre la logique de l’œuvre. Revenir à la tragédie grecque, c’est renouer avec les fondamentaux pour savoir où nous en sommes. Les Grecs anciens eux-mêmes utilisaient le passé pour soigner leur présent. Aujourd’hui, le lien avec l’histoire s’est affaibli, alors que nous sommes des êtres 8e art magazine • mai-juin 2013

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JEAN-PIERRE VINCENT

© Vincent Lucas

LA RENCONTRE

TROIS QUESTIONS À

Marion Sallée

Cette jeune néphrologue, actuellement engagée dans un programme de recherche, a su trouver le temps de participer à l’aventure des Suppliantes.

historiques. Comme le rappelle l’avertissement en exergue du film Lacombe Lucien, « ceux qui ne se souviennent pas du passé sont appelés à le revivre. » Cela dit, nous avons ajouté un prologue contemporain, inspiré d’Œdipe à Colonne. Il agit comme un sas qui permet d’entrer dans le spectacle et fait que la pièce semble sans âge. Quel est l’intérêt, pour un metteur en scène de votre envergure, de travailler avec des amateurs ? Parce qu’à quinze ans, en entrant dans le théâtre du lycée, j’ai compris que j’y passerais ma vie, je ne refuse jamais de rencontre ou d’intervention dans des établissements scolaires ou des écoles de formation d’acteurs. C’est le monde ! Le théâtre me semble indispensable à l’humanité, donc il faut trouver toutes les formes pour permettre au théâtre – et à l’humanité – de survivre. C’est une question à l’ordre du jour, dans un monde découragé, où l’homme semble de plus en plus réduit à l’état d’animal ou de robot. Je suis cependant conscient de n’être qu’une petite goutte d’eau dans le tonneau des Danaïdes, je me considère comme le Stéphane Hessel du théâtre. Et puis, je pense comme Brecht qu’il faut « élargir le cercle des spécialistes ». Ce projet est une entreprise de dignification du théâtre amateur.

LES SUPPLIANTES

Du 10 au 13 juin, 20h30, le 12, 19h. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre-Français, Marseille 1er. 08 20 13 20 13. 5 €.

WWW.

lestheatres.net.fr 16

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Comment avez-vous découvert le projet de Jean-Pierre Vincent et quelle a été votre motivation pour vous engager ? J’ai découvert le projet dans la Lettre du Gymnase. Je faisais du théâtre depuis quelques mois avec un réel plaisir et l’idée de pouvoir m’inscrire dans un groupe et de vivre une nouvelle expérience m’a séduite. Ce n’est ni le metteur en scène ni la pièce choisie qui ont guidé ma décision, mais le fait de faire partie d’un projet théâtral d’envergure dans un projet pour Marseille 2013. Après une année passée à travailler sur la pièce, quel bilan dressez-vous de cette aventure ? Il y a certes eu quelques déceptions, mais le bilan est franchement positif. Quand nous avons travaillé pour la première fois avec JeanPierre Vincent, c’était un moment de grâce. Pendant quatre jours, nous avons fait du théâtre non-stop, et quelque chose est né entre lui et nous, mais aussi avec Marie Provence et Caroline Ruiz qui nous encadrent depuis le début. Ensuite, il y a eu la distribution des rôles et les déceptions de certains, une coupure de trois mois et une baisse de motivation pour d’autres. Le retour à la réalité et aux aléas de la vie a modifié le groupe : une bonne dizaine de personnes a abandonné. Il a fallu un certain temps pour qu’une nouvelle dynamique se crée. Elle est moins magique, mais probablement plus réelle. C’est un travail de longue haleine, astreignant, et le texte est ardu. Au fil du temps, on arrive à se l’approprier et à l’aimer. Chaque jeudi, j’ai l’impression d’avoir avancé, même si je ne me rends pas compte de ce que ça donnera… Si c’était à refaire, je resignerais. On apprend sur soi, on rencontre des gens, on prend des risques. Et puis, il est très facile de travailler avec Jean-Pierre Vincent. Il prend son temps, il est prêt à remettre en question ses idées pour nous écouter. Cette expérience a-t-elle modifié votre approche du théâtre et vous donne-t-elle envie de vous y consacrer davantage ? Cette expérience a modifié ma façon de faire du théâtre, mais aussi ma façon d’y aller et a développé mon sens critique. De là à me consacrer pleinement au théâtre… Il est vrai que quand on s’engage dans ce genre de projet, on a cette espèce de rêve « d’être découverte », de devenir la « nouvelle star »… Mais j’adore mon travail dans la vie réelle et je vois bien que je ne « mange pas théâtre », que je ne « suis pas théâtre » au point de tout remettre en question et de me lancer.


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L’OEUVRE

COIFFE DE DANSE OLOK

LEUR TRUC EN PLUME

© 2011 Musées de Marseille

Texte : Emmanuelle Gall • Photo : David Giancatarina

Elément d’une coiffe de plumes olok, Wayana, Rio Jari, Para, Brésil.Don Marcel Heckenroth. Coton, plumes, 75 x 50 cm.

U

Une parure à faire pâlir de jalousie les plumassiers du Lido ou du Moulin rouge ! Tellement moderne dans sa sobriété et pourtant éclatante, loin du kitch souvent indissociable de l’art de la plume occidental ! Cette coiffe olok, conservée au Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens (M.A.A.O.A), raconte à qui veut bien les entendre, une foule d’histoires. À commencer par celle des Cassiques à huppe noire, Toucans de Cuvier et autres Aras rouges : ces oiseaux fabuleux qui partagent la forêt amazonienne avec les Wayana et les Wayampi. Excellents chasseurs, les Amérindiens ont un double usage des volatiles : alimentaire et artistique. Chaque plume devient, entre leurs mains, une parure possible : empenne de flèche, boucle d’oreille, couronne, coiffe... Nettoyées et séchées, les plumules, duvets, caudales ou rémiges sont conservés dans des coffrets de vannerie jusqu’au jour de leur assemblage, à l’aide de liens de coton. Constituées d’un casque, d’un hauban et de deux plastrons suspendus dans le dos du danseur, les coiffes de danse olok figurent parmi les parures les plus sophistiquées. Elles sont utilisées lors de cérémonies nommées maraké : rituels de passage d’une classe d’âge à une autre, de purification et de régénération. Ainsi parés, les individus incarnent leur propre métamorphose pendant de longues danses accompagnées de chants et d’épreuves. La fête terminée, les parures démontées retrouvent leur coffret. 18

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C’est sous cette forme que certaines sont parvenues au M.A.A.O.A, obligeant Marianne Pourtal Sourrieu et son équipe à un long travail de reconstitution. Un vrai cassetête, en même temps qu’une émotion certaine car leur état de conservation est exceptionnel. En 2007, lorsque le docteur Marcel Heckenroth invite l’historienne à venir voir la collection qu’il s’apprête à donner au musée, il ouvre, pour la première fois depuis 1942, la boîte contenant ces trésors. L’homme, qui a exercé les fonctions de médecin colonial en Guyane, entre 1939 et 1942, l’a reçue, en cadeau, de la part du chef wayampi Eugène Inamou. Par sa valeur, ce présent en dit long sur l’implication et l’humanisme de Marcel Heckenroth. Aujourd’hui, ces parures trônent dans la salle des Amériques du M.A.A.O.A., aux côtés des collections – tout aussi extraordinaires – de Pierre Guerre, Henri Gastaut et François Reichenbach.

MUSÉE D’ARTS AFRICAINS, OCÉANIENS, AMÉRINDIENS

Centre de la Vieille Charité 2, rue de la Charité, Marseille, 2e. 04 91 14 58 38

WWW.

maaoa.marseille.fr


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L’ENDROIT

LE MASTOC

LES PAS PERDUS INVESTISSENT ARLES Le seul Quartier créatif arlésien a été confié par l’association MP 2013 aux Pas Perdus. À Griffeuille, le collectif marseillais a construit un « bâtiment décoiffé » et semé cent rochers qu’il transforme avec des « occasionnels de l’art » du quartier. Texte : Emmanuelle Gall • Image : Les Pas-perdus

À

partir du 31 mai, les Arlésiens vont pouvoir ajouter un mas à la longue liste de leur patrimoine : il s’agit du MasToc, situé à Griffeuille, un quartier pas vraiment réputé pour la qualité de son architecture. « Les larges avenues bordées de larges trottoirs donnent le sentiment d’un lieu presque vide, désert. On a l’impression que les gens ont été happés par une force centripète vers l’intérieur de leurs habitations », diagnostique Guy-André Lagesse, le fondateur des Pas Perdus. Avec ses deux collègues, Nicolas Barthélémy et Jérôme Rigaut, il vit à mi-temps dans un appartement vacant du quartier depuis plus d’un an. Dès l’été dernier, ils ont signalé leur arrivée en plantant une foule de panneaux le long du boulevard des Lices et de l’avenue Victor Hugo. Sur chacun était photographié un(e) Arlésien(ne) portant un rocher, à sa façon. Ces Atlas achevaient leur course sur l’esplanade Jules Vallès, inconnue des touristes et peu fréquentée par la population locale. Baptisée De César à Griffeuille, on a trouvé un raccourci, l’exposition à ciel ouvert entendait « replacer Griffeuille au centre du monde » et rappeler que, bien avant d’être occupé par des logements sociaux, le site abritait des carrières. Depuis le mois de septembre − et le retour symbolique des rochers −, l’esplanade Jules Vallès est devenue le théâtre d’une installation baroque. Les artistes ont déposé, en son centre, un bâtiment fait de containers recouverts de portes, fenêtres et autres éléments de mobilier, lui donnant l’apparence d’un « appartement retourné comme une chaussette ». Comme si « tous les imaginaires contenus dans les appartements, les souvenirs, les fantaisies, les coquetteries étaient offerts, exposés aux yeux de tous, au soleil et au mistral », explique Guy-André Lagesse. Bientôt, le MasToc émettra aussi des sons : des témoignages, des bruits de la ville, enregistrés par les Pas Perdus et leur équipe d’« occasionnels de l’art ». C’est le nom donné à tous ceux qui, depuis une quinzaine d’années, partagent les aventures créatives du collectif, à Marseille, en Afrique ou, plus récemment, à la Cité des Électriciens de Bruay-La-Buissière (Nord). À Griffeuille, ils sont une petite centaine. Des enfants, des mères de famille, des anciens…, qui ont eu envie de répondre à l’invitation des Pas Perdus. Toutes les collaborations étant les bien-

« LA POLITIQUE CADRE LES INDIVIDUS, NOUS LEUR OFFRONS UN ESPACE POUR DÉBORDER… »

venues, certains ont choisi leur rocher, parmi les cent qui entourent le MasToc, tel un labyrinthe ou les moutons d’un drôle de troupeau. Jérôme Rigaut, qui accompagne les habitants depuis le choix du rocher jusqu’à sa transformation, les connaît tous. « On choisit un rocher, comme un ermite : à sa convenance, selon sa personnalité… Denise s’est assise sur ce rocher, et a constaté, en l’essayant, qu’il lui manquait juste des accoudoirs ». L’artiste a donc fiché dans la pierre deux beaux accoudoirs de bois. En suivant le guide, on découvre successivement le « rocher à emporter » avec ses bretelles de sac à dos, le « rocher pour danser », entouré de percussions, le « rocher à rien faire », le « rocher barbecue », le « rocher tank » destiné par son locataire à bombarder l’école. Chacun a son histoire et ses raisons. « On ne vient pas enseigner, on vient partager et recevoir, précise Guy-André Lagesse. La politique cadre les individus, nous leur offrons un espace pour déborder, exprimer leurs désirs et leurs angoisses ». Et la réponse des Pas Perdus aux oiseaux de mauvais augure qui leur prédisaient un échec est sans appel : l’été sera beau à Griffeuille, son mas et sa bergerie.

LE MASTOC

Du 1er juin au 29 septembre, esplanade Jules Vallès, quartier Griffeuille, Arles. Entrée libre. Programme complet : www.facebook.com/pages/Les-Pas-Perdus

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lespasperdus.com 8e art magazine • mai-juin 2013

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L’ARTISTE

XAL

« À travers mon travail, je mets en lumière celui des autres et celui des artistes en général. »

Xavier-Adrien Laurent

L’ACTEUR STUDIEUX

Comédien, auteur, metteur en scène, XavierAdrien Laurent, alias XAL, présente tous les samedis, au Pavillon M, des artistes locaux. Texte : Olivier Levallois • Photo : Olivier Allard

© Didier D.Daarwin

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LE P’TIT M. Des artistes présentés chaque samedi au

Pavillon M par un duo improbable de prétendus théoriciens de l’art, censés nous éclairer sur le sens du travail de leurs invités. Interprétés par Géraldine Loup et Xavier-Adrien Laurent, ces deux « passeurs» aux propos volontiers digressifs nous interpellent d’une manière décalée sur la relation de l’art dans la société. Les invités accueillis, musiciens, poètes, beatboxeurs, danseurs, peintres, clowns… réalisent alors une prestation de vingt minutes sur une scène mobile, tantôt sur le parvis, tantôt à l’intérieur du pavillon, au gré du climat.

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on entrée en scène tient de la farce. Né un 17 août, déclaré le 25, la naissance de Xavier-Adrien sera finalement officialisée le 23. Le décalage restera chez lui une seconde nature. Sa famille compte des artistes de cœur : une mère pianiste, un père comédien qui écrit, un grand-père peintre avec qui il dessine. Enfant renfermé, ne brillant ni à l’école, ni en sport, sa mère a une intuition. « Elle me traîne dans un cours de théâtre à onze ans, en me disant que de toute façon, si ça ne me plaît pas, je n’y retournerai pas… » Ça lui a plu. Le cours d’Irène Lamberton, une légende du milieu, lui révèle sa place : « Là, je me suis senti bien et on m’appréciait pour ce que je savais faire ». Entré au conservatoire à seize ans, il annonce à ses parents que l’incitation maternelle a sans doute dépassé l’intention initiale : il abandonne l’école pour vivre pleinement sa vocation. Au conservatoire, son second foyer, il côtoie des apprentis comédiens prometteurs, dont Sam Khebizi et Hervé Lavigne, les futurs coauteurs de son solo Artiste dramatique. Trente ans après son tout premier cours de théâtre, son actualité est riche. Outre ses prestations au Pavillon M, il tourne avec son spectacle solo, collabore aux randonnées théâtres de Maurin des Maures et reste activement impliqué dans La Réplique (centre de ressources régional destiné aux comédiens). Pour lui, le métier de comédien ce n’est pas seulement une carrière : « L’artiste est vraiment un outil de compréhension et de développement de l’humanité. Si la société perd la notion de cette fonction, elle se perd elle-même de vue. »

XAL AU P’TIT M

Tous les samedis jusqu’au 28 décembre, 11h30, 15h00, 16h30. Pavillon M, Place Villeneuve-Bargemon, Marseille, 2e. Entrée libre.

WWW.

leptit-m.com


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L’OBJET

LA KALACHNIKOV

LA KALACHNIKOV Souvent associée à Marseille, à l’occasion de faits divers récents abondamment relayés par la presse, la kalachnikov sévit sur la planète depuis près de soixante-dix ans. Pour le pire, sauf quand les artistes s’en emparent. Texte : Marco Jeanson • Photo : Bran Symondson

Laïla Shawa, Where Souls Dwell, 2012, (cristal Swarovski, pierres du Rhin, poudre d’or japonaise, plumes, aimants et résine), 87 x 30 x 7 cm.

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a (ou le) kalachnikov, objet marseillais ? Au même titre que le « costume marseillais » (survêtement de l’OM), l’iPhone ou la gourmette ? Objet culte à défaut d’être strictement culturel, il faut bien dire que la kalachnikov s’est imposée ces dernières années avec violence dans l’imaginaire autant que dans la réalité de Marseille. Sur les vingt derniers règlements de compte, seize sont à mettre à l’actif de l’Automat Kalachnikova, modèle 1947, avec mort d’homme à l’arrivée. Arme fétiche des talibans, des enfantssoldats africains, des guérilleros, l’AK 47 a été inventé il y a soixante-six ans par Mikhail Kalachnikov, homme le plus décoré de la Russie et involontairement le plus grand serialkiller de tous les temps. Sa créature est toujours en production sous sa forme la plus récente (AK 12) et, tous modèles confondus, il en circule une centaine de millions d’exemplaires dans le monde, soit une « kalach » pour 70 êtres humains… Combien y en a-t-il à Marseille ? « Personne ne sait, dit l’ancien patron de la PJ de Marseille. Mais s’il y en a une cinquantaine, c’est déjà suffisant pour faire beaucoup de dégâts. » D’autant que, à 2000 € pièce, elles sont en général 24

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mutualisées... Certes, il y a des kalachnikovs ailleurs que dans le 13. Mais, comme le dit un policier, « la violence est inscrite dans l’ADN de Marseille ». Comme la vendetta en Corse. S’ajoute à cela le fait qu’ici, les banlieues sont dans la ville. A Paris, ce qui se passe « de l’autre côté du périphérique » a plus de mal à se faire entendre, à tous les niveaux. Et si la « kalach » accroche bien chez les jeunes des cités, c’est aussi parce qu’elle représente, dans le grand foutoir de l’inconscient collectif et de la culture pop, le symbole de l’arme révolutionnaire et de l’anti-américanisme. Reste que ce joujou est une arme de guerre au pouvoir destructeur phénoménal, totalement disproportionné en milieu urbain. Les policiers ne sont ni préparés ni équipés pour en affronter ses rafales : « Même derrière une voiture avec un gilet pare-balles, ça transperce », dit l’un d’eux. Peut-on rêver qu’un jour toutes les kalachnikovs trouvent un usage plus artistique et inspirent d’autres musiques que des requiems ? Telles l’icône pacifique imaginée par l’artiste palestinienne Laïla Shawa pour le projet AKA Peace, ou bien la Kalachcaster de Claire Diterzi ? Ra-tata-tata !


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LE MUR

ŒIL POUR ŒIL

6 RUE CRUDÈRE, 26 AVRIL 2013 Photo : Olivier Levallois

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L’ASSOCIATION

LIEUX FICTIFS

L’ART, POUR OUVRIR LA PRISON À LA SOCIÉTÉ Fondée en 1994, l’association Lieux Fictifs a fait entrer l’art aux Baumettes. Il en ressort des films, des œuvres et des expériences... À découvrir. Texte : Fred Kahn • Photo : Joseph Césarini

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n 2008, le jury chargé de la candidature de Marseille au titre de Capitale européenne de la culture a d’abord été emmené aux Baumettes. C’est Bernard Latarjet, alors directeur de Marseille-Provence 2013, qui avait fait ce choix. Ce jour-là, le jury a vu une étape de Frontières dedans/dehors : un long processus de création et de coopération européenne qui aboutira, en juin, à La Friche. L’association Lieux Fictifs y proposera une installation cinématographique, construite autour de la pièce de Bernard Marie Koltès, Dans la Solitude des champs de coton. Cette œuvre « immersive » (les spectateurs sont placés au centre d’un dispositif de multidiffusion) met en scène dix-huit détenus et neuf habitants de Marseille. Parallèlement, l’association va présenter une exposition de films courts réalisés dans le cadre d’ateliers de création partagée en France, en Europe et en Méditerranée. Toujours dans le cadre de cet événement, un forum européen réunira professionnels de la culture et de la justice afin d’interroger les conditions de la création artistique en détention. Un dispositif aussi ambitieux n’advient pas par hasard. Caroline Caccavale et Joseph Césarini, les deux fondateurs de Lieux Fictifs, se battent depuis plus de vingt-cinq ans pour transformer la prison en un territoire artistique comme les 28

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autres. Ils ont commencé par créer des ateliers de production avec le canal vidéo interne des Baumettes. Puis, ils ont réalisé une série de films sur la vie en détention, notamment 9m2 (coproduit et diffusé par Arte en 2004). Enfin, ils ont obtenu de l’administration pénitentiaire que l’ancien quartier de haute sécurité soit transformé en laboratoire de recherche cinématographique. Désormais, Lieux Fictifs dispose donc, dans Les Baumettes, d’une salle de cinéma de vingt places, de deux salles de montage et d’un plateau de tournage. L’enjeu ? Pousser les murs de la prison, bien sûr. Mais sans misérabilisme ni victimisation. « Certains détenus retrouvent une dignité parce qu’ils la risquent, explique Caroline Caccavale. Elle n’est jamais donnée. Mais encore faut-il avoir la possibilité de prendre ce risque ».

FRONTIÈRES DEDANS/DEHORS

Du 13 au 30 juin. Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 96 37. Entrée libre.

WWW.

lieuxfictifs.org


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LA GALERIE

LA NON-MAISON

ART À TOUS LES ÉTAGES Créée en 2007 par Michèle Cohen, la Non-Maison est tout entière habitée par des œuvres et des artistes. Le temps d’une exposition, d’une conférence ou d’une résidence… Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Yvan Boccara

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hez les Incas, selon Anaïs Nin, on appelle « nonmaison », ou nanankepichu, un jardin secret relié à une demeure par un passage souterrain. À Aix-en-Provence, il s’agit d’une maison de ville, transformée en « micro centre d’art ». Michèle Cohen tient à cette désignation, pour affirmer la dimension réflexive et créative de son projet, mais aussi une certaine prise de risque. En effet, loin d’être une simple galerie, la Non-Maison propose, en plus des expositions mensuelles, une École du Regard et une résidence de recherche. Pendant deux à trois mois, les artistes sont chez eux à la Non-Maison, disposant de l’appartement situé au-dessus de la galerie pour y travailler, à leur rythme et sans contrainte. Chacun vient avec son projet et crée son propre cadre : le dernier en date, Yvan Boccara est arrivé de Tanger à la fin du mois de mars, avec les archives de vingt-cinq ans de photographie pour bagages. L’invitation faite à cet artiste, comme aux autres habitants de cette année 2013, est liée au projet que Michèle Cohen a baptisé « Jo le rouge », en hommage au Marin de Gibraltar de Marguerite Duras. C’est sa participation au colossal itinéraire d’art contemporain Ulysses, initié sur le territoire de MarseilleProvence 2013 par le FRAC (Fonds Régional d’Art Contemporain). Parmi les nombreuses structures associées, la NonMaison est la seule à proposer une programmation de douze expositions. Michèle Cohen voit dans Le Marin de Gibraltar, « une version contemporaine du mythe d’Ulysse, revisité par 30

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une femme, où l’errance et la peur du retour sont des thèmes centraux ». Elle a donné le livre à chacun des artistes. En mai, le photographe Jose Ramon Bas en livrera sa vision, suivi par le plasticien Patrick Sainton, en juin. Ce dernier est, avec Bernard Plossu, Yves Schemoul et Serge Kantorowicz, un des piliers de la Non-Maison. Comme l’écrivain et poète Renaud Ego, qui a fondé l’École du Regard avec Michèle Cohen et l’a inaugurée avec une conférence sur l’art paléolithique. « C’est une école sauvage, libre et gratuite qui propose une conférence par mois », explique sa directrice. Pour répondre à la question « qu’est-ce que voir ? », elle a choisi d’inviter des critiques et des philosophes, mais aussi des scientifiques. Dès le mois de septembre, elle prolongera cette proposition par l’ouverture du programme Critiques d’Art en Herbe. Ou comment initier les enfants et les adolescents à l’art, en leur apprenant à regarder, exprimer et partager, grâce à des rencontres avec les artistes et leurs œuvres.

LA NON-MAISON

22, rue Pavillon, Aix-en-Provence. 06 29 46 33 98

WWW.

lanonmaison.fr


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L’ALBUM

MIXATAC

MARSATAC EN VOYAGE Bamako, Beyrouth, Essaouira… Trois villes, pour trois albums réunissant les scènes musicales marseillaises et locales. Texte : Marco Jeanson

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ttention, malgré son titre en forme de mix, ceci n’est pas une compil, mais bien une création ! Mixatac #1 Bamako est le premier volet d’une collection de quatre albums initiée par le festival Marsatac, et qui se veut en quelque sorte la bande-son de Marseille-Provence 2013. L’origine du projet remonte à 2008, année où Dro, le programmateur du festival se lance dans l’organisation, à Bamako, d’une résidence entre artistes marseillais (Alif Tree, David Walters) et maliens (Issa Bagayogo, Ahmed Fofana, Neba solo...). Ces échanges aboutissent à la création d’un répertoire inédit et à une série de concerts à Bamako, Amiens, Paris et Marseille. Dans la foulée, un album est enregistré au mythique studio Bogolan en mars 2009. Y participent plusieurs artistes incontournables de la scène malienne, avec lesquels il a fallu longuement palabrer pour qu’ils acceptent d’« électronifier » les instruments traditionnels. Mélange d’inspiration mandingue et d’énergie marseillaise électro et hip-hop, le cocktail semble réussi. Du coup, entre

2009 et 2012, l’équipe de Marsatac récidive en proposant à Rodolphe Burger et Fred Nevchehirlian de partir à la rencontre de la scène beyrouthine (Wael Koudaih, Fadi Tabbal, Youmna Saba). Puis ce sera Essaouira pour un troisième volet (placé finalement en deuxième position dans la collection), avec le trio Nasser, Hassan Boussou et Komy. En 2013 : retour au port dans le cadre de Marseille-Provence 2013, avec un quatrième album de remix et un concert exceptionnel qui réunira le 29 septembre, en clôture du festival Marsatac et au théâtre de la Criée, tous les artistes de cette aventure au long cours.

MIXATAC #1 BAMAKO MIXATAC #2 ESSAOUIRA (27 mai) MIXATAX #3 BEYROUTH (9 septembre) MIXATAC #4 REMIXATAC (19 septembre)

Orane - L’Autre distribution/Idol

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LE VILLAGE DE

FRED SATHAL

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Par Emmanuelle Gall

Depuis sa double exposition, au Musée de la Mode et au FRAC, en 2009, Fred Sathal n’a pas cessé de travailler et de voyager. En Afrique du Sud notamment, où elle a conçu une exposition suivie d’un défilé de mode, à l’automne dernier. Inclassable, revendiquant le droit à la diversité des médiums, l’artiste aux mains d’argent est de retour dans sa ville natale. En juin, elle présente ses derniers travaux à L’American Gallery, comme douze autres artistes marseillais mis à l’honneur par La Planque, l’ouvrage édité par l’association L’Art prend l’air en 2011. Elle participe également à l’une des expositions inaugurales du MUCEM, Au Bazar du genre, avec une installation baptisée Aphrodite : « un autel voué au rite magique de la création et des forces reproductrices ». Le Marseille de Fred Sathal est nature, gourmand et un brin nostalgique.

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FRANÇOIS COQUILLAGES « De la cuisine méditerranéenne et des fruits de mer. Un lieu, ouvert midi et soir, à la décoration de navire un peu kitch, mais rétro à souhait. De grands miroirs en oblique plaqués sur les murs permettent de contempler les opulents plateaux de coquillages disposés sur les tables. Ambiance simple et agréable. Il ne faut pas rater les supions frits ! » Une maison familiale, fondée en 1972, qui met l’accent sur la qualité des produits et une préparation sans fioritures. Moules en tous genres et coquillages, poissons, pâtes aux fruits de mer… pour un budget d’environ 45 € à la carte. > 25, avenue du Prado, Marseille 8e.

DROMEL AINÉ

« Une institution où tout est délice et gourmandise. Les marrons glacés sont extraordinaires. Ambiance et décor à l’ancienne. Un émerveillement de douceurs en tous genres. » On ne présente plus ce « chocolatier confiseur depuis 1760 », qui collectionne les prix et les récompenses, réputé pour la qualité de ses chocolats (pur beurre de cacao), mais aussi de ses marrons glacés, pâtes de fruits et biscuits. > 19, avenue du Prado, Marseille, 6e

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LE VILLAGE DE

FRED SATHAL

OX I M I T É R P A L E M A « J’A I L E AV EC L L I E S R A DE M EU N CI EL BL O S , E R U , NAT N ACCEN T O S E M M O C L ES . » I N I M I TA B

MERCERIE CAT « Véritable institution à Marseille depuis cent cinquante ans, c’est le lieu idéal pour dégoter des boutons anciens, des fils particuliers pour la broderie et la couture. Un univers où les idées trouvent souvent une réponse. Un comptoir ou le passé et le présent se mélangent à travers un vaste choix et des fournitures de qualité. » En la matière, on peut faire confiance à une artiste qui a plusieurs défilés de haute couture à son actif. > 9, cours Saint-Louis, Marseille 1er.

AU MÉSO

« Dans le quartier de la Plaine, aux murs couverts de graffiti, un lieu nocturne, ouvert le dimanche soir. J’aime cet endroit pour la bonne humeur communicative de son patron, Christophe, et pour sa clientèle souvent effervescente. Une carte faite pour les gros appétits. » Un bar à vin, aux tarifs raisonnables, qui propose des expositions, des concerts et des soirées très très festives. > 15, rue des Trois mages, Marseille, 1er.

Du 9 au 23 juin, American Gallery, 10 bis, rue des Flots bleus, Marseille, 7e. 06 27 28 28 60

AU BAZAR DU GENRE, FÉMININ/MASCULIN,

Du 7 juin au 6 janvier 2014, MUCEM, 201, quai du Port, Marseille, 2e. 04 91 59 06 88

WWW.

mucem.org

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LE RESTAURANT

LE VENTRE DE L’ARCHITECTE

L’AUTRE ARTISTE DU CORBU

Depuis trois ans, la Cité Radieuse compte dans ses murs un chef qui cuisine en artiste : Alexandre Mazzia. Texte et photos : Marco Jeanson

L’ASSIETTE Au Ventre de l’Architecte, la carte ne cite que les ingrédients et change tous les jours. Ce soir, il y aura peutêtre un « Tourteau, Raifort, Pomme Verte, Concombre » ou un « Langoustine, Condiment Datte, Manioc-Herbacé », ou les deux, ou encore autre chose. « Je cuisine ce que je suis, à l’instant présent, dit le chef Alexandre Mazzia. Parfois, quand je regarde un plat que j’ai fait il y a trois mois, je me déteste. Et puis quand je fais trois assiettes pareilles, je m’ennuie… » Savourer les mets de ce fan d’art contemporain est une expérience assez inédite : c’est un peu comme si on mangeait un Miro ou un Kandinsky… ça se laisse déguster. LE CHEF Parce qu’Alexandre Mazzia (34 ans, 1 mètre 95) emploie des termes comme « crocofondant » ou « salinité ferreuse », on évoque souvent à son sujet les associations à priori antinomiques. « Je ne cherche pas à heurter, se défend-il. J’ai une bibliothèque de goût dans ma tête, je pars d’une matière brute pour essayer d’arriver à quelque chose d’élégant, de soyeux. Il y a des plats qui mûrissent, qui mettent parfois plus d’un an à voir le jour. » De ses douze premières années 36

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passées sur la côte sauvage du Congo, il lui reste un côté à la fois farouche et naïf, et le besoin de proximité avec la mer. « Mais ici, dit-il, je ne suis pas à Marseille, je suis au Corbu. Je n’ai pas le poids de la tradition. »

LE CADRE Effectivement, il y a quelque chose d’étranger à Marseille ici. C’est avant tout « Le Corbu ». Bien assez occupé aux fourneaux, le chef ne s’est pas mêlé de la décoration depuis son arrivée, il ya trois ans. Le Ventre de l’architecte semble se suffire à lui-même et baigne éternellement « dans son jus ». Dominique et Alban Gérardin, les propriétaires des lieux et collectionneurs, l’ont restauré en gardiens du temple.

LE VENTRE DE L’ARCHITECTE

280, boulevard Michelet, Marseille, 8e. 04 91 16 78 23. 32-75 €. Fermé dimanche et lundi.

WWW.

leventredelarchitecte.com


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LE MIAM CROQUE LES PHILIPPINES

Créé par deux artistes en 2000, le Musée International des Arts Modestes (MIAM) est unique, parce que dédié à des formes artistiques méprisées ou ignorées par les institutions. Et chaque nouvelle exposition ressemble à un voyage en terre méconnue. Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Pierre Schwartz

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e MIAM, c’est le musée que l’on envie aux Sétois, à plus d’un titre. Son bâtiment d’abord, installé depuis 2000 dans un chai réaménagé par Patrick Bouchain, un des maîtres d’œuvre de la Friche à Marseille. À taille humaine, et doté d’un sympathique jardin de « mauvaises herbes », le lieu est au service de l’art. Modeste donc, comme son contenu. Il accueille, outre les collections des artistes Hervé Di Rosa et Bernard Belluc, ses fondateurs, des expositions temporaires (à un rythme à peu près trimestriel). Depuis son ouverture en 2000, nombreuses ont fait date : de Mexico ! Mexico !, l’exposition inaugurale, jusqu’aux Vingt ans de Groland, à l’automne dernier, en passant par Kitsch Catch, en 2009. Le dénominateur commun de ces mani38

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festations est un concept qui n’a rien de dogmatique : l’art modeste. Une catégorie susceptible, selon ses créateurs, d’accueillir tout « objet extrait du quotidien, qui n’est pas vraiment utilitaire, mais sollicite fortement l’imaginaire et suscite un plaisir esthétique ». Pour s’initier à l’art modeste, rien ne vaut la visite des vitrines réjouissantes de Bernard Belluc au deuxième étage du musée ! On peut, selon l’humeur, commencer ou terminer sa visite du musée par là. Car l’exposition du moment, Manila Vice – Un regard sur la création contemporaine philippine, n’est pas qu’une partie de plaisir. Orchestrée par Manuel Ocampo, un des très rares artistes philippins à connaître une carrière internationale, elle est introduite par une fresque


LA BALADE

LE MIAM

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LE DÉNOMINATEUR COMMUN DE CES MANIFESTATIONS EST UN CONCEPT QUI N’A RIEN DE DOGMATIQUE : L’ART MODESTE. de sa composition, peinte in situ, qui en dit long sur l’état du pays. Le peintre, qui a grandi aux États-Unis avant d’imposer sur le marché de l’art son iconographie à la fois punk et religieuse, a décidé de s’installer à Manille et d’y œuvrer pour la promotion de l’art contemporain. Parmi les vingt-trois artistes sélectionnés, nombreux sont également des peintres. L’un d’eux, Romeo Lee, excelle lui aussi dans l’art de la fresque. La majorité des œuvres exposées, « pleines, selon Hervé Di Rosa, d’un humour noir désespéré et débordant de matières foudroyantes », témoignent davantage de la pauvreté et la violence de leur environnement que d’un quelconque exotisme. À l’exception peut-être des sculptures à la tronçonneuse anonymes, à l’effigie de Jean-Paul II ou Cory Aquino, ou des Jeepneys, les anciens véhicules de l’armée américaine customisés et transformés en taxis collectifs. Mais comment pourrait-il en être autrement dans cet archipel de 7000 îles, passé du joug – catholique – des Espagnols à l’occupation américaine puis la dictature de Marcos ? Pour prolonger (ou introduire) cette expérience passionnante, il faut se rendre au Carré Sainte-Anne de Montpellier. L’église désacralisée, dédiée à l’art contemporain, présente, au même moment et en collaboration avec le MIAM, une exposition personnelle de Manuel Ocampo.

À SÈTE

Au bout du quai, une terrasse tranche sur ses très nombreuses voisines. Guirlande d’ampoules multicolores, enseignes peintes à la main, assiettes à coquillages kitsch et dépareillées… En sortant du MIAM, on ne peut qu’apprécier ce petit air de bohème. Et il serait dommage de ne pas se laisser séduire, car ces « Demoiselles Dupuy » sont ostréicultrices. Le fondateur du restaurant, Gilles-Marie Dupuy a renoncé à l’architecture (mais pas à la peinture, qui décore la salle du restaurant) pour s’installer au bord de l’étang de Thau. Ainsi, ses huîtres sont fraîches, comme les poissons servis ici, selon l’arrivage du jour. Et si la macaronade est au menu, il ne faut pas hésiter une seconde !

À MONTPELLIER

Adossée au Carré Sainte-Anne, la terrasse acidulée du Pré vert est particulièrement accueillante et il suffit de jeter un œil sur les assiettes servies aux clients pour avoir envie de s’y attarder. Ces fameuses assiettes s’appellent, « Marguerite », « Coquelicot », « Nénuphar » et ont chacune leur spécialité : chèvre à l’abricot, foie gras, carpaccio de Saint-Jacques… Les brunchs proposés le week-end sont à l’avenant : assortiments de tartes salées et sucrées, œuf coque, salade de saison… « La fraîcheur est la base de notre cuisine. Cela demande un peu plus de temps, mais l’attente en vaut la peine », lit-on sur la carte. Ça tombe bien, car une fois installé à l’ombre des grands arbres, on n’est pas pressé de repartir.

OÙ MANGER ?

Les Demoiselles Dupuy, 4, quai Maximin Licciardi, Sète. 04 67 74 03 46. 30 €. www.lesdemoisellesdupuy.fr

Le Pré vert, 10, rue Sainte-Anne, Montpellier. 04 67 02 72 81. 15-20 €

MANILA VICE – UN REGARD SUR LA CRÉATION CONTEMPORAINE PHILIPPINE

Jusqu’au 22 septembre, MIAM, 23, quai Maréchal de Lattre de Tassigny, Sète. 04 99 04 76 44. 2-5 € www.miam.org MANUEL OCAMPO

Jusqu’au 15 septembre, Carré Saint-Anne, 2, rue Philippy, Montpellier. 04 67 60 82 11. Entrée libre. www.montpellier.fr 8e art magazine • mai-juin 2013

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La Folle

Histoire des

Arts de la Rue

Initiée en 2008, La Folle Histoire est devenue dans la région LE rendez-vous des arts de la rue et du cirque. Musclée par un partenariat avec Marseille-Provence 2013, l’édition qui se déroule du 3 au 20 mai prend une ampleur inédite. Après avoir mis le feu au Vieux-Port, en guise d’introduction, elle propose une cinquantaine de spectacles, gratuits, dans six villes du territoire. En voici une sélection, à l’image de la programmation, c’est-à-dire ouverte à toutes les disciplines et euroméditerranéenne. Où l’on croise, aux côtés des ténors – Générik Vapeur et Tartar(e)– de nouveaux venus en France, tels les Anglais de la compagnie Motionhouse et Dream City, la biennale made in Tunis. 8e art magazine • mai-juin 2013

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Au commencement était Karwan Au sein de La Cité des Arts de la Rue, l’association Karwan œuvre pour le développement des arts de la rue et du cirque sur le territoire des Bouches-du-Rhône. La Folle Histoire des Arts de la Rue est leur réalisation phare. Texte : Olivier Levallois • Photo : Karwan

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e vieux port de Marseille qui s’enflamme, l’événement est assez rare pour être soulignée, non seuledes vendeurs cyniques qui bradent une ment par le nombre de représentations, par la diversité des commune au plus offrant, des mousquemodalités d’expression (chanteurs de rue, déambulation, taires de Dumas s’escrimant sur nos places… Phénomène danse, parcours, transformation urbaine, résidence…), par d’hallucination collective ? Non, juste La Folle Histoire des le large panorama culturel et géographique présenté (FinArts de la Rue qui se réinvite sur le territoire en cette année lande, Suisse, Royaume-Uni, France, Chili, Grèce, Tunicapitale. Coïncidence heureuse, la première édition de cette sie…), mais aussi par cette volonté de proposer des œuvres manifestation a vu le jour en qui, pour la plupart, sont des 2008, l’année de la nominacréations in situ ou des pretion de Marseille. Deux desmières. « Le public s’est rendu compte tins qui s’annonçaient déjà Outre la promotion des concomitants. L’association compagnies et la diff usion que cet art peut être exigeant s’était fi xé deux objectifs : des œuvres, l’information artistiquement, mais aussi promouvoir la notion encore auprès des collectivités et politiquement. » inédite de répertoire pour du public constitue un autre cette catégorie de création pan d’action de Karwan. Fer artistique, mais aussi, révéde lance de cette communiler à un territoire qui les héberge sans bien les connaître, la cation pour 2013 : Le Porte-Folie, une semi-remorque d’excompétence de ces compagnies, comme la qualité de leurs position de 55 m2 d’un rouge rutilant. Après avoir sillonné le Maroc l’année passée, l’engin accompagne aujourd’hui œuvres. chacune des représentations dans les six villes d’accueil du Sans rompre avec ces vœux originels, la cuvée 2013 se préterritoire. Moyen de liaison autant qu’outil pédagogique, il sente comme une édition spéciale, reflétant la diversité en présente à travers un parcours multimédia (en français en Europe et en Méditerranée de ces arts dits de la rue. Depuis anglais et en arabe), un panorama témoignant de la grande le 3 mai, cette Folle Histoire investit six villes (Marseille, Madiversité des artistes de rue euroméditerranéens. Et, au fil rignane, Lambesc, Charleval, Port-Saint-Louis-du-Rhône, des années, la pédagogie paie. Anne Guiot, la directrice de Aureille), avec une cinquantaine de représentations, donKarwan, constate que la perception sur les arts de la rue a nées par deux cents artistes, issus de compagnies locales, évolué. « On commence vraiment à comprendre que c’est une nationales, européennes et méditerranéennes. L’ampleur de

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KARWAN

© Sud Side, les ateliers spectaculaires

LA FOLLE HISTOIRE DES ARTS DE LA RUE

Le Porte-Folie, en tournée au Maroc.

forme artistique et pas seulement animatoire. Le public s’est rendu compte que cet art peut être exigeant artistiquement, mais aussi politiquement. » Autre constat d’évolution : ces arts au nomadisme naturel s’avèrent de plus en plus transnationaux. Si les répertoires, à de très rares exceptions près, ne s’échangent pas encore d’une compagnie à une autre, en revanche le métissage culturel s’accentue entre la modernité et la tradition et entre les pays, au gré des rencontres. Anne Guiot souligne aussi la dimension politique des arts de la rue, comme action citoyenne et baromètre de la démocratie. « Par leur gratuité, leur interpellation du public et leurs enjeux avec les pouvoirs publics, les arts de la rue révèlent les limites, voire l’absence de démocratie dans les espaces où ils ont la possibilité de s’exprimer.» La rue est à nous, aux arts citoyens !

LA FOLLE HISTOIRE DES ARTS DE LA RUE

Jusqu’au 20 mai, Marseille, Marignane, Lambesc, Charleval, Port-St-Louis-Du-Rhône, Aureille. 04 96 15 76 30. Entrée libre.

WWW. karwan.info

MOTEURS !

Il a fallu quinze années pour que le projet de La Cité des Arts de la Rue devienne réalité en 2010. Karwan nous invite à y découvrir une création collective de quelquesuns de ses résidents : Gardens, La Fai-AR, Générik Vapeur, Lézarap’art, et Sud Side en capitaine de soirée. Se référant à l’univers graphique et sociétal des stations-services comme espace de vie, Moteurs ! investit les 35 000 m2 de la Cité, pour présenter des créations poético-mécaniques. Des hommes et des machines, au sol et dans les airs, une armada de mobylettes bleues, des stations aux enseignes lumineuses telles des oasis urbaines, et de l’énergie… physique, mécanique et créative, sur fond de rock garage. Philippe Moutte l’un des responsables des ateliers spectaculaires parle pour cette soirée inédite « d’arts de la route ». Le 17 mai, de 21h30 à 2h00. Cité des arts de la rue, 225, avenue des Aygalades, Marseille, 15e. 04 96 15 76 30. Entrée libre sur réservation. www.karwan.info

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Le sage et le fou Invité de La Folle Histoire, Tartar(e) invente sa vie, puis nous la fait partager. L’écrivain voyageur se contente de très peu, mais sait devenir généreux quand il se donne en spectacle et s’attache à dépeindre une humanité aussi attachante que désespérante. Texte : Fred Kahn • Photo : MO Lo cicero

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our faire le portrait de Tartar(e), il faut déteste ce mot. « Dans mon dernier spectacle, je les insulte d’abord s’armer de patience. Car, en ce début pendant trente minutes. Jean-Claude Carrière dit qu’un de printemps frileux, notre homme est au conteur ne parle jamais de lui. Or, je ne parle que de moi ». fin fond du Burkina Faso, sous un soleil avoisinant les 40°. S’il faut à tout prix lui mettre une étiquette, il choisit celle Pourtant, grâce aux technologies de la communication, la d’écrivain : « J’écris comme une petite fille tient son journal distance n’est plus un problème. Nous avons donc rendezintime. J’ai des kilos de cahiers à partir desquels je fabrique vous, via Skype, à onze heures du matin… Il est un peu plus ma confiture ». Au commencement était donc le verbe. de 15 heures quand, enfin, il se connecte. Mais impossible Tartar(e) écrit des histoires inspirées de la « vie du monde » de lui faire remarquer le et il les transforme en « léger » retard. Son sourire spectacle. Il a ainsi commis, désarmant vaut toutes les entre autres, une série « Aller toujours plus vers excuses du monde. Qu’il soit intitulée AAAA, Afrique, à des milliers de kilomètres, Asie, Amérique, Ailleurs. Du l’économie de moyen et de mots… en Afrique, en Amazonie, en bout du monde ou du coin Jusqu’au silence » Inde, ou juste devant vous de la rue, il assemble des sur la scène d’un festival bouts de conversation, mixe européen, impossible de ne des émotions, entremêle le pas sentir à quel point les contingences matérielles ont peu discours politique, la pensée philosophique et la fulgurance de prise sur lui. Ce jour-là, il est hébergé chez un ami, dans poétique. Il est passionné par le comment de l’existence, un village africain dont on n’arrivera pas à retenir le nom. mais se fout de savoir le pourquoi des choses : « On se Il est face à l’écran, vêtu d’un slip. Autres signes distinctifs cherche une destination, alors que c’est la vie qui nous porte de pauvreté revendiquée : la tignasse grisonnante tombante à agir ». Déraciné depuis l’enfance, Tartar(e) est un enfant sur les épaules et, surtout, une barbe d’une longueur de la DASS : « Les gens qui se sont occupés de moi m’ont impressionnante. Attribut de la sagesse ou de la folie ? Les donné énormément d’amour et m’ont appris que rien ne deux évidemment. m’appartenait sauf le monde ». Il revendique d’ailleurs ses origines éminemment populaires. Avec son sens inimitable L’être là de la formule, il résume son CV en trois phrases : « J’ai Tartar(e) est avant tout auteur de sa vie. Ne lui dites pas qu’il toujours vu des tracteurs, j’ai rêvé d’être acteur, je suis devenu est conteur, il vous répondra avec un grand éclat de rire qu’il détracteur ». On pourrait alors croire que notre personnage

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TARTARE

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TARTAR(E)

TARTAR(E) + GARI GRÈU

Tartar(e) est l’invité de Générik Vapeur, le 11 mai.

n’a été qu’à l’école de la rue. Faux. Il est passé par l’Institut de théâtre de la Sorbonne. « Pas pour les diplômes, mais pour piller le savoir universitaire et construire ma propre boîte à outils ». Et quand il doit faire un stage, il choisit le plus grand praticien : Antoine Vitez. « Ce fut une belle gifle, c’est-à-dire une caresse qui se trompe de vitesse ». Tartar(e) poursuivra ensuite ses classes à Marseille. Les bistrots remplis d’Arméniens, de Sénégalais, de Maghrébins, d’Italiens et de Grecs lui offrent ses premiers voyages autour du monde. Puis, il croise la route de la compagnie Générik Vapeur. C’est le coup de foudre réciproque et, pendant sept ans, Tartar(e) participera à presque toutes les créations de la troupe dirigée par Pierre Berthelot et Caty Avram. De tels liens sont inusables. Pour preuve, la prochaine création de Tarata(e) intervient dans le cadre du 17e arrondissement de Générik vapeur (lire ci-dessus). Le dénuement lui va bien Mais le climat, même très ensoleillé, du sud de la France est encore trop rude pour cet homme profondément épris de chaleur humaine. Tartar(e) n’a pas de maison, seulement des cabanes éparpillées sur quelques continents. Dans l’un de ses spectacles, il explique d’ailleurs comment il a financé son premier voyage en Inde. « J’ai vendu ma télé et avec l’argent j’ai pu vivre cinq mois dans un pays où je dépense difficilement plus de cinq euros par jour ». Tartar(e) n’est pas le genre à prétendre transformer le monde. Il le prend tel qu’il est. Et il le commente : « J’ai une nature de procureur, 46

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La Folle Histoire des Arts de la Rue organise une rencontre improbable entre Tartar(e) et Gari Grèu. Le chanteur compositeur du Massilia Sound System va s’emparer des mots du poète. « Je lui livre du bois et lui il fait des meubles », résume Tartar(e). La sonorité et le rythme qui sont le propre du barde à la longue barbe vont être nourris par le sens de la mélodie du musicien. Un spectacle de « danse consciente » qui entend faire bouger autant le corps que les neurones. Ce concert se déroulera au J4 dans le cadre du 17e arrondissement de Générik Vapeur.

de journaliste, d’avocat, de clown... » Il s’empare de la langue et adore provoquer « des courts-circuits linguistiques ». Dernièrement, il a écrit un ambitieux Fictionnaire du Théâtre de la rue et des Boniments contemporains. Dans ce livre de plus de trois cents pages, il démonte la mécanique perverse du langage culturel. Ce FDM (Fouteur de merde) ridiculise ainsi le jargon des professionnels de la profession qui « pour faire plaisir au pouvoir s’enlisent dans la phraséologie ». Dans les années quatre-vingt-dix, son agence Tartar(e) s’était déjà attaquée et avec le même bonheur aux discours médiatiques. Derrière un simple cadre en bois, il dynamitait « l’actualité en direct ». Un dispositif de communication minimal et donc diablement efficace. Ses projets ? « Aller toujours plus vers l’économie de moyen et de mots… Jusqu’au silence ». En attendant cette sagesse suprême, il écrit actuellement sur l’erreur de Bouddha « qui a cueilli des fleurs alors qu’il aurait dû se contenter de les humer ».

TARTAR(E) + GARI GRÈU

Le 11 mai, 21h30. J4, Marseille, 2e. 04 96 15 76 30. Entrée libre.

WWW. folle.histoire.fr


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BNM

La folle histoire du sport Le Ballet National de Marseille prend des risques : s’installer sur l’esplanade de la gare Saint-Charles, en haut des marches, et livrer un spectacle gratuit, au milieu du trafic des passagers. Baptisé Sport Fiction, le show porte un titre en forme de définition de la danse. Texte : Marco Jeanson

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© Faculté d’architecture et d’urbanisme UMONS

ne vingtaine de danseurs pivotent sur des axes, dans une imitation de babyfoot grandeur nature, sur une scène de 17 mètres de large et 10 de profondeur, équipée d’écrans géants translucides et sillonnée de lignes tels les couloirs de piscines ou les stades d’athlétisme. Les corps évoluent devant et derrière les images projetées sur les écrans : un mélange de captations live, de vieux footage de Buster Keaton, d’archives de l’OM, de chronophotographies, zoopraxiscopes et autres phénakistiscopes de Marey et Muybridge. Ces précurseurs du cinéma furent les premiers à mettre en évidence la décomposition du mouvement chez les animaux et les sportifs. On l’aura compris, la dernière création du Ballet National de Marseille explore les relations entre la danse et le sport. Selon Frédéric Flamand, chorégraphe belge installé à Marseille depuis 2004, le « J’essaie d’amener d’autres mance : « Le sport est devenu sport est partout, il a infilun état d’esprit, un mode tré tous les recoins de notre spectateurs à la danse avec les de formation du lien social, existence. « Regardez, dit-il risques que cela comporte. » du rapport à soi et à autrui au journaliste venu l’interpour l’homme compétitif que viewer, vous-même portez nous sommes tous enjoints une veste de sport et des basde devenir au sein d’une société de compétition généralikets ! Nous sommes tous des sportifs en devenir ! » Le phésée. » En effet, quel genre de has been adipeux et déconnomène aurait débuté dans le courant du XXe siècle avec la « sportivisation » de la société. Comme l’écrivent Jeannecté sommes-nous, si nous ne portons pas au moins un Pierre Escriva et Henri Vaugrand dans un livre intitulé vêtement Nike, Adidas ou Quiksilver ou ne pratiquons pas L’Opium sportif : « Le corps doit servir de véhicule sportif au moins une activité physique ? dans la vie de chaque individu. Tous les lieux de passage Non content d’être partout, le sport est également, aux du corps sont investis par la sportivisation ambiante. » Ou yeux du chorégraphe, beau. « Je suis fasciné par l’esthétique le sociologue Alain Ehrenberg dans Le Culte de la perforsportive, par la beauté et la précision du geste. Je regarde 8e art magazine • mai-juin 2013

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SPORT FICTION

©J.-C. Verchère

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LE BNM EN MAI

Très impliqué dans Marseille-Provence 2013 depuis la soirée d’ouverture, Le Ballet National de Marseille a un mois de mai chargé. Après la création de Sport Fiction, qui sera repris à La Criée du 18 au 21 décembre, il participera au Festival des arts éphémères au Parc de Maison Blanche. Le 23 mai à 18h30, à l’occasion du vernissage, le danseur Gabor Halasz présentera un solo intitulé That’s how we cry, qui a remporté le Prix du Public aux Hivernales d’Avignon en 2011. Et, pour la 22e édition de ses Ouvertures, le Ballet invite le public dans ses murs, du 23 au 25 mai, à 20h30. Au programme : un solo de la danseuse indienne Hemabharathy Palani et une pièce pour douze danseurs chorégraphiée par Emio Greco et Pieter C.Scholten. Créée en 2012 à l’opéra de Marseille, Double Points : Extremalism puise dans les registres classiques et contemporains, comme dans le répertoire du duo.

les matchs de foot comme des chorégraphies. Ce qui m’intéresse c’est la spatialité du ballet orchestré par l’équipe, qui se distend puis se regroupe… » C’est tout cela que le spectacle aura envie d’interroger. « Mais pas de manière didactique et ennuyeuse, précise le chorégraphe, plutôt avec une certaine ironie et une certaine légèreté. » Le spectacle aborde de nombreux sports, comme la natation, l’athlétisme, l’escrime, avec une chorégraphie opposant une danseuse et un escrimeur – pointe versus pointe… Les débordements du sport sont aussi évoqués (dopage, violence) comme les aspects positifs : convivialité autour du sport, esprit d’équipe... Et bien sûr, le foot… « Forcément, dit malicieusement Frédéric Flamand, nous sommes à Marseille, noblesse oblige ! » Une manière aussi peut-être de séduire un public plus large. « J’essaie d’amener d’autres spectateurs à la danse, explique Frédéric Flamand, avec les risques que cela comporte. Mais Marseille est une ville qui a besoin de cela. »

SPORT FICTION

Les 10 et 11 mai, 21h30. Square Narvik, Esplanade Saint-Charles, Marseille 1er. Entrée libre.

WWW. ballet-de-marseille.com 8e art magazine • mai-juin 2013

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Générik Vapeur construit au J4 Jusqu’au 15 mai, Marseille gagne un arrondissement. La compagnie de théâtre de rue Générik Vapeur est l’architecte de ce 17e arrondissement – quartier utopique : une micro-cité faite de containers installée au J4, à deux pas du MuCEM. Texte : Olivier Levallois

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omme le David au Prado ou la Vieille Charité au géants, sur les cargos ou en transit le long du port. Mais Panier, ce nouvel arrondissement marseillais a jusque-là, rien ne les prédestinait à la fonction d’éléments de son monument : l’Omni Idéal X. Constitué de construction d’une cité utopique. Reste que l’univers indushuit containers, le totem de fer surplombe l’esplanade du triel a toujours eu sa place dans l’histoire et les œuvres de la haut de ses 19 mètres. Symbole démesuré d’une nouvelle relicompagnie Générik Vapeur, créée par Caty Avram et Pierre gion vouée au commerce ? Gardien bienveillant d’un monde Berthelot en 1983. Arrivés à Marseille en 1986 pour trois mois, d’échanges ? Phare ou vigie portant avec espoir ou crainte son ils y sont restés et y vivent désormais depuis vingt-sept ans. La regard sur l’horizon ? Sans doute un peu tout cela à la fois. troupe, alors constituée d’une vingtaine de personnes, y trouve À l’image de son emblème, un environnement propice à l’éphémère quartier est ses désirs et ses projets : une constitué de containers serville portuaire avec son esthé« Pour tous nos spectacles, on vant d’habitats, de lieux putique industrielle, des quarprend un objet du quotidien pour blics, d’ateliers, de sculpture, tiers populaires criblés de de salle de spectacle… On y friches, un réseau artistique le légender, le métamorphoser entre par une grande arche underground actif. Un terrain et en tirer un sens, une surmontée d’une « Horloge de jeu à investir, raconte Caty signification. » parlante du monde » menant Avram. « Le théâtre de rue à l’Agora, la place centrale. À vise naturellement l’émancichaque « heure capitale » inpation du public. Créer de la diquée par l’horloge, ont lieu des rendez-vous, des événements rencontre par un spectacle dans l’espace public est une façon de et autres phénomènes impromptus et singuliers, comme Les rendre aux gens leur territoire, de ne pas laisser se refermer la Tables-longues pour mettre sur le tapis nos questions, ou La rue. » C’est pourquoi Générik Vapeur s’attache volontiers à des Traque des étoiles filantes. lieux atypiques de la ville. Dès l’origine, leur identité est affirDans une ville portuaire comme Marseille, où le premier mée. Leur mode d’expression privilégié est la déambulation, employeur privé est le transporteur maritime CMA-CGM, et ils ont pour médiums : les sons et objets du quotidien, la les containers font partie du paysage. On a l’habitude de voir musique jouée en direct, l’esthétique industrielle, les engins du empilés ces blocs multicolores, semblables à des Legos pour quotidien ou professionnels, la récupération de matériaux et la

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GÉNÉRIK

© Claire Lamri

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GÉNÉRIK VAPEUR

© Carlos Ormazabal

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El reloj parlante à Valpairaso, préfiguration du 17e Arrondissement.

pyrotechnie. Après avoir créé une fausse caravane publicitaire du tour de France (La petite Reine, 1992), mené une colonie de taxis hétéroclites (Taxi, 1997), transformé une roue foraine en couronne mortuaire sur les Champs-Élysées pour le passage à l’an 2000, Générik Vapeur ne cesse de questionner nos rites et rituels modernes, pour mieux en révéler les significations cachées. L’univers marchand et les containers participent eux aussi de longue date à leur univers. L’idée d’aménager différents containers comme un quartier a commencé à faire son chemin en novembre 2011, lors d’une collaboration avec le Festival Teatro Container à Valparaiso au Chili. Cette collaboration a donné lieu à une première création, El Reloj Parlante (l’horloge parlante), qui peut être considéré comme la première étape de l’œuvre actuelle. Mythologies L’utilisation du container comme objet-symbole du 17e arrondissement s’inscrit pour Caty Avram dans la continuité de la démarche habituelle de la compagnie. « Pour tous nos spectacles, on prend un objet du quotidien, la voiture, des bidons alimentaires, des vélos, pour le légender, le métamorphoser et en tirer un sens, une signification. » Une démarche dans la 52

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lignée de Roland Barthes et ses Mythologies. « On reconnait dans l’usage d’un objet le symptôme d’un fait de société », enchaîne Pierre Berthelot. « Les containers n’ont que cinquante ans et ont changé la face du monde. Petit à petit les paysages portuaires sont kidnappés par des murs de containers. Avant, on pouvait voir et vivre cette relation des ports au reste du monde. Aujourd’hui, le monde rentre à Marseille, mais complètement plombé, sans odeur, sans forme. » Le container comme objet de soustraction et de désenchantement du monde ! D’où l’idée de se le réapproprier, de le sortir des zones marchandes et de le mettre au cœur de la cité pour un usage plus familier. Une volonté de montrer que l’homme n’a pas dit son dernier mot face à l’objet.

LE 17E ARRONDISSEMENT – QUARTIER UTOPIQUE

Jusqu’au 15 mai, à partir de 11h00. Esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 91 69 00 06. Entrée libre.

WWW. generikvapeur.com


© Jacques Nicolas

WATERLITZ Proposé par Générik Vapeur dans le cadre de La Folle Histoire des Arts de la Rue, Waterlitz, compression lexicale de Waterloo et Austerlitz, a pour héros L’Omni idéal X, le totem-containers de 38 tonnes. Son nom, il le doit à L’idéal X, bateau qui a transporté, en 1956, 58 prototypes de containers (il en existe aujourd’hui 12 millions). En partant du support de ce grand corps métallique et cubique, un certain nombre d’images sont mises en scène, à travers des projections vidéo à même sa surface, des performancesballets aériens, de la musique jouée en direct, des effets spéciaux, de la projection de matière, de la pyrotechnie. Une heure d’un récit multisensoriel, qui invite le spectateur à redresser la tête pour scruter le monde dans sa verticalité, et rester vigilant face à une mise en boite planétaire. Le titre, qui associe deux batailles opposant les Anglais et les Français, traduit l’une des démarches symboliques de Générik Vapeur. « On cherche à libérer les gens d’une chose qui les fait ou les a fait souffrir. On appuie là où ça fait mal dans l’histoire, mais pour proposer un dépassement de cette souffrance, une ouverture », explique Caty Avram. Utiliser le container dans une mise en scène participe aussi de cette volonté de dépassement. « On prend un objet sérieux, et on joue aux cubes avec, comme dans un grand bac à sable », ajoute Pierre Berthelot. Le duo défend l’idée d’un spectacle poétiquement politique : « À la fois un éloge et une dénonciation du monde, mais de la façon la plus créative possible ». Le 19 mai, à 21h30. Esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 91 69 00 06. Entrée libre. www.generikvapeur.com

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Le ballet mécanique de Motionhouse Les plages du Prado n’avaient jamais vu ça : six danseurs et trois tractopelles réunis le temps d’une chorégraphie de vingt minutes. Traction est l’œuvre d’une compagnie anglaise, Motionhouse, qui fait danser les machines. Texte : Marco Jeanson • Photo : Stephen Tanner & Morgan Lowndes

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u’est-ce qui est jaune, pèse huit tonnes et vie se passe le reste du temps sur des chantiers. « Une machine danse ? Un JCB digger de Motionhouse. garée dans un entrepôt n’a aucun intérêt, dit Kevin Finnan. Traduction : un JCB digger, du nom de Mais lorsqu’elle se met en mouvement comme une extension du son inventeur Joseph Cyril Bamford, plus connu en France corps de son conducteur, elle devient un esprit vivant capable sous les sobriquets féminins de tractopelle ou rétrocaveuse. Et d’émotions. » Il émane ainsi une tendresse inattendue de la Motionhouse est le nom de la compagnie de danse anglaise part de ces monstres mécaniques, doués d’une déroutante qui fait son débarquement capacité expressive. « Nos mace mois-ci sur les plages du chines dansantes présentent Prado avec un spectacle tiré un point de vue inédit sur ce « La chose étonnante à propos de son répertoire « Machine qu’est l’être humain et posent du corps humain est sa capacité Dance » et intitulé Traction. des questions, poursuit Kevin Six danseurs et trois tractoFinnan. Sommes-nous nés à s’inventer des excroissances, à pelles dans une célébration – avec une forme biologique dés’incarner dans des objets animés à haute tension– des rapports terminée ? Jusqu’à quel point et inanimés. » entre l’homme et la machine. sommes-nous capables de Qui est le maître, qui est l’esramifier notre propre corps ? » clave ? Créé par le directeur Entre esthétique de chantier artistique de la compagnie, Kevin Finnan, Traction est un et univers « Transfomers », Traction a tout du spectacle urobjet théâtral non identifié, défiant la gravité et les forces de bain tendance. Cette fois-ci, il sera pourtant adapté au décor la nature, délivrant une animalité mécanique et une émotion balnéaire qu’offrent les plages du Prado, avec quatre jours de inédite. « Chaque fois que nous pensons à la façon dont notre répétition pour vingt minutes de spectacle. Comme le dit un corps va évoluer dans l’avenir, dit Kevin Finnan, nous pensons spectateur anglais ravi : « Traction est peut-être la fusion la aux puces électroniques implantées dans le cerveau. Mais pour plus parfaite entre l’homme et la machine depuis les premières moi, la chose étonnante à propos du corps humain est sa capagreffes de chair sur un exosquelette métallique ! » cité à s’inventer des excroissances, à s’incarner dans des objets animés et inanimés. Les grands joueurs de tennis se prolongent dans leur raquette, le pilote de Formule 1 ne fait plus qu’un avec TRACTION sa voiture. C’est la même chose pour les conducteurs d’engins. Je Les 10 et 11 mai, 15h et 21h30, Plage du Prado nord, voulais explorer ces rapports entre l’homme et la machine, tout Marseille, 8e. Entrée libre. en questionnant les limites du corps et de la danse. » Si les six danseuses et danseurs du show font (très bien) leur boulot de danseurs, la performance semble presque plus extraWWW. ordinaire de la part des opérateurs de tractopelle, dont la vraie motionhouse.co.uk 54

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MOTIONHOUSE

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L’Estaque, quartier de rêve Biennale d’art contemporain créée en 2007 dans la Médina de Tunis, Dream City débarque à l’Estaque. Née comme une utopie défiant le régime de Ben Ali, la manifestation invite les artistes à s’emparer de l’espace public pour penser autrement leur rapport au territoire, à sa population et à la démocratie. Béatrice Dunoyer, un des piliers de l’association tunisienne L’Art Rue, qui fait vivre la biennale, retrace l’histoire douloureuse d’une émergence artistique. Propos recueillis par Jean-Pierre Vallorani • Photo : Orkhan Turki

Quelle est la genèse de Dream City ? Le seul moyen de vaincre ce non-statut de l’artiste, c’était Le premier Dream City a eu lieu en 2007, à l’initiative des de se serrer les coudes et d’apprendre à travailler ensemble, danseurs chorégraphes Selma et Sofiane Ouissi, qui se sont y compris artistiquement. C’est ce qui a fait la magie et l’esretrouvés un jour à la radio tunisienne pour déplorer, en sor des arts de la rue aux USA et en Europe : les disciplines pleine dictature, le fait que le statut d’artiste n’existait pas explosent, l’amalgame et l’osmose deviennent possibles. En en Tunisie. Suite à leur appel aux artistes pour une marche Tunisie, le régime voulait absolument isoler les artistes, il pacifique, la radio a aussitôt s’agissait bien de créer un été censurée par le pouvoir. contre-pouvoir. Dès la deuMais la réflexion a débouché xième édition, Dream City « Les deux premières éditions sur la volonté de s’emparer s’est appuyé sur la présence ont eu lieu sous le régime de Ben de l’espace public. L’idée d’artistes méditerranéens et de cette première édition de compagnies européennes Ali, elles ont permis aux artistes est née, sans autorisation pour mettre en lumière les de respirer et de se fédérer. » aucune, rassemblant des artistes tunisiens qui étaient artistes qui étaient jusquetrès peu connus à l’étranger, là tenus à la marge, sans puisqu’ils n’avaient pas de moyens ni lieux pour travailler. Ils ont investi la Médina, passeport pour voyager ! Certains ont réellement une fatwa le cœur historique et artistique de Tunis, avec ses maisons sur la tête. Pouvoir être montrés ou vivre à l’étranger leur splendides et délaissées. À partir de là, les choses ont pu donne une force en Tunisie, même si elle n’est que psychos’installer politiquement : tout d’abord la mise en place d’un logique, et peut-être un semblant de protection pour eux et travail dans la durée avec les artistes, des spécialistes de leur famille. l’espace public et surtout la population de la Médina, qui a été sollicitée pour héberger les œuvres. Pourquoi cette installation à l’Estaque ? Les premiers contacts avec l’équipe de MP2013 ont eu lieu dès Dream City a vite regardé au-delà des frontières tunisiennes... 2010. Plusieurs idées ont été lancées, jusqu’à ce que Karwan Les deux premières éditions ont eu lieu sous le régime de Ben vienne assister à l’édition 2012, et propose d’accueillir Dream Ali, elles ont permis aux artistes de respirer et de se fédérer. City au sein de La Folle Histoire des Arts de la rue. Dream 56

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DREAM CITY

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DREAM CITY

© M.Maffioli

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Collages urbains, lors de la dernière édition de Dream City à Tunis.

L’ANTILIVRE City, c’est un festival qui s’est fait avec les citoyens, il n’était pas évident de le délocaliser. Selma et Sofiane Ouissi ont choisi l’Estaque pour ses points communs avec la Médina, un cœur ouvrier et artisanal en train de changer, ses ruelles, le regard sur la mer. Avec l’association Rio, ils ont pu repérer les lieux, rencontrer les Marseillais et choisir les œuvres qui avaient un sens dans les espaces offerts, commerces, places, écoles, maisons de quartier... Le but n’était pas de débarquer avec une édition toute faite, ni de travailler sans les habitants, les associations, les artistes installés sur ce territoire. Tout en continuant à faire connaître les artistes tunisiens, le festival s’est donc enrichi d’une programmation marseillaise. Que vient-on voir les 18 et 19 mai ? Le voyage à l’Estaque se déroule en trois parcours, à travers les espaces publics ou privés du village. On y trouvera une vingtaine d’œuvres en vidéo, arts plastiques, théâtre, danse, architecture, mais aussi des performances, des lectures... La pièce de Souad Ben Slimane, Fin de série, sera jouée dans la vitrine d’une boutique de fripes, le groupe Chabbouba investit le Bar des sports pour un concert de Stambeli urbain. Marianne Catzaras présente au Chaudron une installation photographique intitulée Babel, suite et fin. L’Ensemble Télémaque et les marins-pompiers de Saumaty interprèteront la pièce écrite par la compositrice italienne en résidence, Alice Berni. Les élèves de trois classes de 58

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Mustapha Benfodil, journaliste, romancier, auteur de théâtre algérien, a animé avec la bibliothèque de l’Université d’Aix-Marseille un Atelier de l’EuroMéditerranée sur le thème du pilon et de la destruction des livres. Il en a tiré un « objet littéraire farfelu, subversif et impubliable, comme un pied de nez au marché qui nous impose ses livres et sa gamme de goûts ». L’AntiLivre est une réflexion cyclonique autour de l’acte de création, de la censure et du pouvoir qui pilonne, en amont, les auteurs persécutés. Sur les pas de Borges et sa Bibliothèque de Babel, sa lecture-performance pour Dream City est un cri d’amour à la littérature. Le 18 mai, 12h et le 19 mai, 14h.

l’école primaire vont réaliser deux des projets de cabanes en cartons qu’ils ont conçus avec les étudiants de l’École d’architecture de Luminy... Pour les visiteurs qui chemineront, le plan à la main, dans les ruelles de L’Estaque, ce sont autant de graines semées pour créer des sociétés rêvées.

DREAM CITY, VOYAGE À L’ESTAQUE, DE TUNIS À MARSEILLE.

3 parcours d’art contemporain en espace public. Les 18 et 19 mai, 12h-19h, à L’Estaque.

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MP 2013 passe

Dossier réalisé par

Emmanuelle Gall, Marco Jeanson, Fred Kahn, Marie-Line Lybrecht et Jean-Pierre Vallorani 60

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© Les Jnoun Factory ® Nadia Lagati & Philippe Ivanez

à table !


Si l’on en croit le succès des émissions culinaires à la télévision, les Français aiment la gastronomie. Les Marseillais aussi, même si leur ville accuse, en la matière, un certain retard. Marseille-Provence 2013 pourrait bien être l’occasion de changer un peu la donne, de permettre aux chefs locaux de s’exprimer et de montrer, aux yeux du monde, de quoi ils sont capables. Avec l’arrivée des beaux jours, des légumes et des fruits, le territoire se transforme en un gigantesque restaurant. Une manière, pour les organisateurs de MP 2013, d’associer le maximum de villes et villages, comme d’attirer un large public. Il est vrai que les propositions sont alléchantes : des festins ou des pique-niques orchestrés par des chefs pour le prix d’une cantine, mais aussi des dinettes, des « déambulations gustatives »… Les chefs ne sont pas les seuls artistes de l’aventure. De plus en plus de plasticiens ou de comédiens s’emparent des aliments comme médiums. 8e art magazine • mai-juin 2013

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Š Richard Haughton

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MP2013 PASSE À TABLE

chef Un

pour la

GÉRALD PASSÉDAT

Si ce printemps met à l’honneur la gastronomie locale, Gérald Passédat n’y est pas pour rien. Le chef aux trois étoiles, président de la jeune association Gourméditerranée et bientôt aux fourneaux du MuCEM, entend mettre sa notoriété et son franc-parler au service d’une profession qui veut sortir des clichés. Propos recueillis par Marie-Line Lybrecht • Photo : Richard Haughton

capitale Quel est, d’une façon générale, votre rapport à l’art ? Je m’intéresse à l’art contemporain, je voyage, je visite les musées, mais sans démarche intellectuelle précise, comme ce que je fais en cuisine. C’est instinctif, presque animal. Je côtoie des artistes que j’aime comme le peintre Gérard Traquandi, l’architecte Rudy Ricciotti et la designer-styliste Fred Sathal. Ils m’apportent beaucoup, nous avons la même démarche. On vous décrit comme ombrageux. Vous êtes un peu comme eux, finalement ? Oui, on me décrit comme tel. Nous partageons probablement la même sensibilité. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Gourméditerranée il y a deux ans ? Depuis longtemps, les cuisiniers et les instances touristiques régionales discutaient de l’opportunité de créer une structure de promotion de la gastronomie. Au moment du préprogramme de Marseille-Provence 2013, j’ai appris que les organisateurs entendaient faire appel pour la gastronomie à des talents hors du territoire. Ça m’a beaucoup énervé, c’était inconcevable. J’ai tapé du poing sur la table à la chambre de commerce. J’ai donc réuni les copains, Dominique Frérard, Lionel Levy… et Thierry Huck que je connais bien à la Chambre de Commerce, et nous avons créé l’association. Cela a, de toute façon, été une bonne initiative. Je me devais d’ouvrir mon carnet d’adresses aux jeunes qui s’installent. Il faut les aider. C’est d’autant plus difficile à Marseille que nous sommes dans une ville pauvre.

« Nous ne sommes pas au plus haut niveau, mais nous y travaillons, et la prise de conscience est là. »

Avez-vous aussi voulu lutter contre cette imagine réductrice de la gastronomie marseillaise cantonnée à la bouillabaisse et à l’aïoli ? Oui, même si nous travaillons tous la bouillabaisse et l’aïoli qui n’ont rien de péjoratifs. Cette ville a été un désert gastronomique pendant des décennies, ça doit changer. Nous ne sommes pas au plus haut niveau, mais nous y travaillons et la prise de conscience est là. Nous devons nous préparer et utiliser le fait que la cuisine méditerranéenne sera bientôt la plus demandée dans le monde, car c’est une cuisine de mâche (du verbe mâcher, ndlr) et de digestibilité. Quel bilan tirez-vous deux ans après sa création ? L’association compte désormais quarante-quatre membres et couvre toute la Provence puisqu’elle va jusqu’à Menton. Elle nous a donné un statut, a aplani nos relations avec les institutions. Nous sommes d’ailleurs cofondateurs des Tables 2013 (Cf. encadré) et non de simples partenaires. 8e art magazine • mai-juin 2013

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GÉRALD PASSÉDAT

© DR Gourméditerranée

MP2013 PASSE À TABLE

Gérald Passédat, entouré de ses collègues, lors du premier festival Gourméditerranée, en septembre 2012.

Quels sont vos projets ? Nous avons encore une belle surprise à présenter à l’automne prochain. Il s’agira d’un événement de retentissement mondial, créé à Marseille et signé Passédat. Je n’en dirai pas plus à ce sujet. Que vous a apporté MP 2013 ? En tant que restaurateur, rien, et je n’ai pas le temps de profiter de la programmation étant déjà très occupé et de surcroît organisateur. J’ai surtout trouvé honteux que les travaux du Vieux-Port n’aient pas permis de mettre en valeur les pêcheurs, laissés au bout d’un quai. C’est à la fois catastrophique et alarmant. Il aurait suffi qu’on nous questionne. Il est aussi catastrophique, et je pèse mes mots, qu’il n’y ait pas de marché couvert à Marseille, des halles. Ici, on pense avant tout à faire des ronds-points. Vous avez été choisi pour gérer les restaurants du MuCEM qui ouvrent début juin. Qu’allez-vous y faire précisément ? Il va y avoir deux restaurants en un : un light et rapide, l’autre style bistrot chic, et un café plus populaire installé au fort Saint-Jean, le tout fera environ 1000 m2. J’ai recruté Marie Lamy, ex-directrice du développement international au sein du groupe Pourcel (qui gère une vingtaine de restaurants, dont le Jardin des Sens à Montpellier, ndlr), pour diriger ces établissements. 64

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« Au MuCEM, Il y aura un bar central et la cuisine sera entièrement ouverte sur la salle, sans aucune cloison. »


LES TABLES 2013 N’EN RESTERONT PAS LÀ La Bastide d’Eygalières a été le premier établissement à répondre présent quand Bouches-du-Rhône Tourisme, entité du Conseil général, a entamé le référencement de 253 établissements, sur les 2 500 que compte le territoire, pour l’opération « Les tables 2013 ». « Nous voulions absolument en être », précisent les propriétaires. Utilisation de produits frais et locaux, cuisine élaborée sur place, accueil professionnel, relais d’information de la programmation MP 2013,…, les critères de sélection pour figurer sur la liste des élus étaient précis, même sil ne s’agit pas d’un label au sens strict du terme. Un guide papier a été édité, mais la promotion de ces « ambassadeurs » de l’année capitale associés à différentes manifestations (Festins en Méditerranée, Cuisine en Friche…), se fait aussi via les réseaux sociaux et une application mobile dédiée. Et pour que la dynamique ne s’essouffle pas, une fois l’année échue, des projets sont dans les cartons, comme la création d’un club des restaurateurs ou d’une démarche de labellisation identique pour la filière vitivinicole.

Combien y aura-t-il de couverts, quels seront les tarifs proposés et l’offre gastronomique ? Tout n’est pas encore arrêté. Je ne sais pas précisément combien il y aura de couverts, mais je sais juste que j’ai acheté beaucoup de chaises. Les prix iront de 5 à 70 €. Ce sera surtout un lieu très différent de ce que l’on peut connaître, très ouvert à tous les sens du terme. Il y aura un bar central et la cuisine sera entièrement ouverte sur la salle, sans aucune cloison. La carte changera sans cesse, selon une véritable interactivité entre les expositions et les propositions culinaires. Des échanges avec des cuisiniers de la Méditerranée se feront par le biais de Gourméditerranée. La cuisine proposée sera radicalement différente de celle proposée au Petit Nice. Comment vivez-vous cette aventure ? J’ai des doutes sur le bien-fondé de ce restaurant, au regard du rapport que les gens ont, en France et à Marseille, avec la nourriture. Je ne supporte plus la critique française face aux propositions culinaires et artistiques en général. Les étrangers sont heureux et tellement plus simples dans l’expression des critiques. L’enjeu financier est de taille, il est donc normal que je sois inquiet.

www.mp2013.fr/le-theatre-des-cuisines/les-tables-2013/

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Un

péché,

sept festins Texte : Jean-Pierre Vallorani

S

i l’évocation de la cuisine méditerranéenne amène immédiatement le parfum du thym, de l’huile d’olive, la recette simple d’une grand-mère autour de laquelle se réunit le petit cercle de la famille ou bien quelques amis, on s’intéressera ici à sa version king size. Celle qui n‘a cours qu’en de rares occasions, comme la cérémonie du mariage, la fête du saint patron ou la célébration de la récolte : le banquet, le festin, la ripaille, le bon gros repas inoubliable qui fait saliver des années plus tard, qui fait revenir, en même temps que le souvenir des trognes réjouies, les fumets de plats rares et généreusement arrosés. La Provence agricole cultive depuis toujours cette tradition conviviale autour d’une production : vendanges, moissons, fêtes du riz, aïolis et autres sardinades. Les différentes immigrations venues de tout le Bassin méditerranéen ont enrichi la partition. À tel point que les rendez-vous gustatifs des Festins de Méditerranée seront plus proches de la symphonie que de la musique de chambre, sous les baguettes expertes de cuisiniers locaux enchantés de partager leur passion avec le plus grand nombre. Exigence et partage Parmi les virtuoses sollicités, Fabien Morréale, chef au Garage à Martigues, qui officiera à Port-de-Bouc ainsi qu’à Istres, s’est jeté dans le bouillon sans hésiter. « Il est important de montrer qu’il y a des chefs ici, qu’il y a une façon de travailler, un savoir-faire... Ça me fait vraiment plaisir d’en être, et puis c’est un gros défi pour nous qui faisons habituellement trente couverts par jour. On va accueillir six cents personnes le vendredi soir... ça fait quand même un peu

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De mai à octobre, le péché de gourmandise se décline en sept « festins », dans sept villes du territoire. Le défi : réunir jusqu’à six cents convives autour de menus élaborés par des chefs, pour une addition raisonnable.

La Provence agricole cultive depuis toujours cette tradition conviviale autour d’une production : vendanges, moissons, fêtes du riz…

peur ! Il nous faudra beaucoup de concentration, mais notre réputation est en jeu, on ne lâchera rien ! » Même enthousiasme chez Alexandre Mazzia, du Ventre de l’architecte à Marseille, qui dirigera le second festin à Port-de-Bouc : « Quand on fait appel à vous pour un projet tel que celui-là, on se sent privilégié. Pour moi, c’est un projet de cœur, un grand moment de partage, on n’est pas dans la démonstration, ni dans le côté guindé, ce sera une fête de la mer et du poisson. » Car, chaque festin aura son imaginaire et sa scénographie, du « déjeuner sur l’herbe » à Aubagne (le 4 mai), jusqu’au « dimanche sous les oliviers » à Saint-Rémy-deProvence (le 13 octobre), en passant par « la guinguette des deltas » ou le « retour de pêche »... À chaque chef sa conception du banquet. Pour Georgiana, qui a installé son atelier rue Saint-Jacques à Marseille, la grand-mère initiatrice a joué un grand rôle : « Dans mon enfance au Bénin, il arrivait souvent qu’elle reçoive plus de deux cents personnes. J’ai toujours baigné dans cette ambiance : ma grand-mère était chef d’entreprise, avec un boulot très sérieux, toute une boîte


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FESTINS DE MÉDITERRANÉE

À chaque ville sa thématique et ses ingrédients, accommodés par le graphiste marseillais Tabas. 8e art magazine • mai-juin 2013

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SEPT FESTINS

© Jean-Pierre Vallorani

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LE PETIT PLUS D’AUBAGNE Le 4 mai, les six cents hôtes du Festin d’Aubagne sont repartis avec l’assiette dans laquelle leur ont été servies les entrées. En forme d’écuelle traditionnelle, d’un vert anis printanier, elle a été choisie spécialement par le cuisinier étoilé Christophe Dufau. C’est l’œuvre de Nicolas Veneziano, céramiste de L’Atelier 16-27, qui utilise une technique à la fois simple et élégante : l’engobe coloré aux oxydes est passé au pinceau, séché, puis frotté à l’éponge sur les bords de façon à faire ressortir la couleur naturelle de la terre, avant d’être cuit et verni.

à diriger, mais à côté de ça, elle recevait beaucoup chez nous, pour ses fournisseurs, des gens qui venaient de l’étranger, ou bien des occasions comme les baptêmes et les mariages. Tout le monde était mis à contribution, on pouvait avoir dans la maison trente moutons qu’il fallait abattre, dépecer, plus cinquante poulets à égorger et plumer ! » À Gardanne, Georgiana construira son menu autour d’un plat d’agneau confit, réservant ses notes plus exotiques à l’entrée et au dessert : « Ma cuisine est simple. Je ne la définis pas, c’est la mienne ! Elle est comme moi, instinctive, pas du tout préparée, ni étudiée... Je n’ai pas une formation classique, je suis autodidacte. Ce qui m’importe c’est le goût : en cuisine, on mélange des choses, on les goûte, si c’est bon, ça passe et peu importe alors comment on a moulu, écrasé ou coupé ! » Une sensualité que revendique aussi Alexandre Mazzia, même si son parcours espagnol lui a apporté un solide bagage technique et une patte très contemporaine : « Il faut s’inspirer du site, créer une histoire autour d’un petit port où ont eu lieu les premières arrivées d’épices. Notre thème, c’est la pêche, la mer, c’est complètement mon univers... On m’a demandé de créer six touches de goût, six mets différents, quatre salés et deux sucrés, dans un esprit de tapas. Pour retrouver les effluves iodés du bord de mer, j’ai proposé au scénographe d’utiliser à l’entrée des convives des sprays d’eau de mer aux parfums d’huître... » Valoriser le territoire Aux artistes, les sept villes vont offrir logistique, compétences et la bonne volonté de leur personnel. Comme à Aubagne, où Régis Boschiero, le directeur de la cuisine centrale municipale, supporte sans ciller toute la pression d’un festin d’ouverture. Se mettre au service d’une grande toque, c’est un sacré moment dans sa carrière : « Christophe Dufau 68

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est chef étoilé à Vence, mais il a gardé son côté humain, en proximité avec ses hôtes. Il recherche les produits du terroir, il aime sa région. L’idée de travailler en complicité avec les producteurs locaux et les agents de la ville l’a vraiment motivé et il s’est investi d’autant plus dans le projet. Pour nous qui avons déjà goûté son menu, ça va être une soirée magnifique ! » Fabien Morréale est sur la même longueur d’onde : « Les élèves du lycée hôtelier de Bonneveine sont présents, la mairie me confie ses locaux et son équipe pour pouvoir produire mon menu. Sans eux je ne pouvais rien faire, ce qui me fait plaisir c’est que le public et le privé se mélangent. Ça casse des barrières, on se bat ensemble pour la commune. » Dans chacune des villes, les festins seront aussi l’occasion d’apéros musicaux, de débats autour de l’alimentation ou d’ateliers en direction des enfants. Un petit dessert en guise de conclusion, c’est Georgiana qui régale : « J’ai prévu une salade de fruits, sans doute pêches, brugnons, fraises, accompagnés d’un sirop, peut-être au safran, ou bien des épices comme de la badiane, cannelle, vanille, gingembre... Une fois chauffé, le sirop est versé sur les fruits et va les cuire légèrement... c’est servi tiède, avec des petites meringues au citron vert ! »

LES FESTINS DE MÉDITERRANÉE

Du 18 au 20 mai à Gardanne, le 25 mai à Istres, les 21 et 22 juin à Port-de-Bouc, le 7 juillet à Salon-de-Provence, le 3 août à Arles et le 13 octobre à Saint-Rémy-de-Provence. 15 € (réservation conseillée).

WWW. mp2013.fr/le-theatre-des-cuisines/festins-de-mediterranee


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GR®2013

Six

pique-niques sur le

GR 2013 ®

Avec le Collectif Safi les pratiques les plus quotidiennes, marcher, manger, parler, peuvent devenir des matériaux artistiques. Le GR®2013 va ainsi accueillir des « Piqueniques de point de vue », invitant à goûter le paysage avec tous nos sens. Texte : Fred Kahn • Photo : Estelle Pierson

P

our le collectif Safi, l’art est une nourriture autant pour l’esprit que pour le corps et cet aliment n’a rien d’immatériel. Dalila Ladjal et Stéphane Brisset sont des scénographes et des plasticiens de formation. Ils travaillaient comme les autres artistes dans un atelier. Mais, petit à petit, ils ont éprouvé le besoin de se frotter beaucoup plus directement au monde et aux autres. La ville est alors devenue leur terrain de jeu. Ils ont créé le collectif Safi et développé des projets avec et pour les habitants. Ces artistes ne proposent pas des spectacles ou des œuvres dans une galerie. Ils préfèrent créer à partir des compétences, des savoirs faire, mais aussi des désirs des gens. Ainsi, marcher dans la nature et échanger sur ce que l’on voit, entend, sent et goûte représente, à leurs yeux, une fantastique expérience sensible. Tout naturellement, ils se sont embarqués dans l’aventure du GR®2013 et ont participé au tracé du sentier de grande randonnée. Ils ont longuement arpentés ces chemins de traverse qui permettent de découvrir autrement les Bouches-du-Rhône. Ils en connaissent toutes les saveurs. Safi a même imaginé de nous faire déguster ce paysage. Le collectif a ainsi concocté six pique-niques de point de vue. Gastronomie sur l’herbe Le principe est simple : inviter des chefs cuisiniers en résidence et leur demander de créer des recettes en utilisant, les plantes et les essences récoltées sur place. « Chaque fois, le déjeuner s’inscrit dans un propos, déclare Dalila Ladjal. Le choix des ingrédients, le fait de travailler avec des plantes et des produits locaux instaure une relation particulière avec le lieu. Nous avons également fabriqué un Comptoir des saveurs

« Charbon de Merlu noir fumé aux bourgeons de pin, chips de poisson, pommade de pistache, pain de seigle au beurre clarifié de genièvres et pousses de Jeunes brocolis…. »

dont les tiroirs sont remplis d’éléments issus du paysage. Autant de choses à voir, à sentir, à toucher... ». Des guides proposeront également des micros-balades pour nous permettre de toujours mieux mettre en relation la nourriture et l’environnement. Les chefs ont, paraît-il, été d’abord un peu inquiets. « Les plantes sauvages sont coriaces, explique Dalila Ladjal, avec des goûts souvent très prononcés. Avec l’équipe de Marseille-Provence 2013, nous avons donc choisi des chefs qui comme des artistes, aiment l’expérimentation. Nous avons réalisés des binômes. Ils ne se connaissaient pas forcément avant. Cet esprit d’aventure est essentiel, car il génère de l’émulation ». En tout cas, le casting est particulièrement alléchant. Quelques-unes des meilleures tables de la région ont joué le jeu : Le Grain de sel, Les Pieds dans le plat, l’Atelier, le Salon de gourmandises, La Table de Beaurecueil, L’Abbaye de Sainte-Croix à Salon-de-Provence... Que vontils mijoter ? Voici, en guise de mise en bouche, un aperçu d’un des six menus : charbon de Merlu noir fumé aux bourgeons de pin, chips de poisson, pommade de pistache, pain 8e art magazine • mai-juin 2013

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GR®2013

Dalila Ladjal est devenue une experte en botanique.

À CHACUN SA PART

Cet art, on ne peut plus contextuel car obéissant aux lois dictées par l’environnement, demande une extrême délicatesse et beaucoup de temps de préparation. Safi travaille depuis des années sur de tels projets atypiques. Le collectif s’est plus particulièrement implanté dans le 14e arrondissement de Marseille, au Grand Saint-Barthélémy. Avec le Théâtre du Merlan, il initie, depuis plusieurs années, des aventures artistiques improbables. Safi a ainsi fait pousser un jardin collectif, à deux pas du centre social Agora et au cœur de la cité de la Busserine. Un Quartier créatif était même en chantier. Ce projet participatif porté par la Capitale européenne de la culture ne verra finalement pas le jour. Les cités du Grand Saint-Barthélémy sont dans un tel état d’abandon qu’une initiative aussi institutionnelle ne pouvait que générer beaucoup de malentendus. « Nous ne voulions surtout pas nous imposer, explique Dalila Ladjal. Or, les conditions n’étaient pas réunies pour susciter l’adhésion de tous. Mais nous continuons à travailler avec beaucoup d’habitants du quartier ». Et, en effet, les guides qui accompagneront les pique-niqueurs dans la découverte des Paysages gustatifs sont pour la plupart issus des quartiers nord.

de seigle au beurre clarifié de genièvres et pousses de Jeunes brocolis… Pour autant, l’ambiance sera détendue au possible, familiale. D’ailleurs, les prix (15 € par personne) se veulent vraiment tout public. L’art des lieux Les sites des pique-niques n’ont bien sûr pas été choisis au hasard. À Vitrolles, par exemple, les convives prendront place sur le plateau qui surplombe la ville. Le regard sera face à un tableau étonnant : les constructions urbaines servent de cadre à de vastes étendues naturelles. Et, en cette saison, le béton et le bitume semblent sertis dans les couleurs du printemps. À Istres, la Coline du Castellan, havre de paix situé au-dessus des rives de l’Étang de l’Olivier, accueillera les invités. À Aubagne, au cœur du Garlaban, le pique-nique s’annonce chromatique, avec un jeu entre les tons et les saveurs. Baudelaire a été le premier à évoquer les multiples correspondances possibles entre les sens. La vue, l’ouïe, l’odorat et le goût sont nos principaux outils pour reconfigurer et nous approprier le réel. Encore faut-il prendre l’habitude de les solliciter. En écoutant Dalila Ladjal, on prend conscience de la richesse insoupçonnée du moindre bout de terre. Là où nous ne percevons que du bitume ou des mauvaises herbes, elle voit des écosystèmes extrêmement divers et complexes. Cette passionnée de botanique énumère ainsi un nombre incroyable de plantes sauvages comestibles qui poussent au bord des routes. « La bette maritime, l’oxalis, la népéta, la rue, le cade, la santoline, la mauve... étaient très utilisés avant par les gens simples. J’uti-

lise ces savoir-faire populaires. En parlant avec les habitants, des pratiques de repas refont surface ». Cette quête d’une plus grande symbiose avec l’environnement représente l’un des éléments moteurs de ces Pique-niques de point de vue. « Mieux connaître les écosystèmes permet de les apprécier et donc de devenir plus respectueux avec ce qui nous entoure ». Ici l’approche écologique ne consiste pas à mettre sous cloche la nature, mais à trouver un point d’équilibre avec elle. Il serait suicidaire de ne pas aimer la terre qui nous nourrit.

PIQUE-NIQUES POINT DE VUE

Le 12 mai, à Aubagne : Alexandre Mazzia (Le Ventre de l’architecte, Marseille) / Laurent Favre-Mot (Le salon de Gourmandises, Marseille) Le 26 mai, à Vitrolles : René Bergès (La table de Beaurecueil, Beaurecueil) Le 30 juin, à Istres : Sébastien Richard (La table de Sébastien, Istres) / Georgiana Viou (L’Atelier, Marseille) Le 15 septembre, à Marseille : Arnaud Carton de Grammont (Le café des épices, Marseille) / Laurent Favre-Mot (Le salon de Gourmandises. Sur réservation uniquement.15€.

WWW. mp2013.fr/le-theatre-des-cuisines/paysages-gustatifs 8e art magazine • mai-juin 2013

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Douze bivouacs

pour

suivre

TransHumance

Imaginé par Camille et Manolo, les fondateurs du Théâtre du Centaure, TransHumance est un projet itinérant pharaonique. Hommes et bêtes vont marcher de concert pendant trois semaines et rencontrer le public à l’occasion de bivouacs festifs. Texte : Jean-Pierre Vallorani • Photo : Philippe Praliaud

A

u commencement était le Centaure… Depuis la création de leur compagnie de théâtre équestre en 1989, Camille et Manolo ont fait de cette créature issue de la mythologie grecque leur totem. Elle reste au centre de TransHumance : « Le Centaure sera le guide de cette mythologie contemporaine, car il incarne la réunion de l’Homme et de l’Animal, du Social et du Sauvage, de l’Humain et de la Nature. » Le projet, en préparation depuis trois ans, tient en effet de l’épopée : deux convois, venus d’Italie et de Provence, s’apprêtent à parcourir cinq cents kilomètres, traverser trente-cinq communes et six parcs ou réserves naturelles, avant de se rejoindre à l’Étang des Aulnes puis de marcher vers Marseille. Pendant trois semaines, marcheurs et cavaliers sont conviés à prendre part à un événement qui se veut avant tout participatif. « On invite les gens à quitter leur poste de télévision et à venir nous rejoindre, à marcher dans la poussière des chemins, les pieds dans la boue, la tête dans les étoiles », explique Camille. Le pari de TransHumance est un pari sur le temps : briser le rythme frénétique de l’urbanisation pour reposer ses pas dans les foulées de l’animal, laisser s’épanouir son regard sur le paysage, consentir au hasard. Du reste, des étendues désertiques de la Crau aux sentiers escarpés de la Sainte-Baume, l’homme a longtemps suivi le pas de son chien, de son âne ou son cheval, de ses moutons ou de ses vaches, balisant son environnement à leur échelle, tissant une sociabilité à l’aune de son bras et de son coup d’œil. TransHumance renoue avec cette tradition, tout en lui conférant une dimension artistique et festive. Car, de Cuges-les-Pins (pour le premier convoi), ou de Châteaure-

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« Le Centaure incarne la réunion de l’Homme et de l’Animal, du Social et du Sauvage, de l’Humain et de la Nature. »

nard (pour le second) à l’Étang des Aulnes puis à Marseille, le chemin sera ponctué d’Anymaglyphes (voir portfolio, page 86) et de bivouacs, conçus comme autant de rendezvous avec le public. Échanges, performances, spectacles et autres manifestations vont s’enchaîner dans les villes d’accueil, au gré de leur dimension et de leurs possibilités. Saveurs provençales et italiennes Les bivouacs de TransHumance, prévus pour accueillir les deux cents cavaliers et leurs animaux, s’ouvrent également aux habitants et producteurs des communes traversées, mais aussi aux visiteurs. Composés de tentes identiques en toile blanche, d’une hauteur suffisante pour accueillir trois lits de camp, les campements sont installés de manière à ce que les chevaux passent la nuit autour et à proximité des dormeurs. Les pauses de midi sont animées par des piqueniques en pleine nature, tandis que le matin et le soir, un espace de restauration prépare les produits fournis par la Chambre régionale d’agriculture. Selon la durée des étapes


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TRANSHUMANCE

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TRANSHUMANCE

QUELQUES TEMPS FORTS - Les 17 et 18 mai à Cuges-les-Pins. Accueil des butteri. Démonstrations, marché, concerts, expositions et grand baleti. - Le 23 mai à Saint-Antonin-sur Bayon. Journée « entre ciel et terre », en compagnie d’astrophysiciens. - Le 25 mai à Châtaurenard. Course Camarguaise dans les arènes, banquet provençal, bal (réservation à l’Office du Tourisme de Châteaurenard : 04 90 24 25 50). - Le 26 mai à Lambesc . Soirée Contes en bivouac, dans le cadre du festival Paroles à suivre. -Le 28 mai aux Baux-de-Provence. Expositions, projection, soirée musicale avec le jazzman Raphaël Imbert et Michel Marcelin, astrophysicien. - Le 29 mai à Salon-de-Provence (Domaine du Merle). Animations à partir de 9h30, puis concert à 19h. - Les 1er et 2 juin au Domaine départemental de l’Étang des Aulnes. « Ré-union » de la Provence et de l’Italie : Animaglyphe, démonstration, marché artisanal… Le 1er au soir, le BalBêtes réunit Lo Cor de La Plana, El maya el Asilah et Assurd. - Les 7 et 9 juin à la Campagne Pastré. Dernier bivouac, avec tous les participants, et inauguration de l’Observatoire du bout du monde.

et les villes étapes, celles-ci peuvent prendre en charge des grands repas, comme à Châteaurenard, le 25 mai. Dès le matin, les charretiers offriront le petit déjeuner, qu’on pressent copieux et revigorant, et à midi, est prévu un grand banquet autour du taureau A.O.C. Les Grandes Carrioles de la Friche sont aussi de la partie, aux Baux-de-Provence (le 27 mai), ou à Saint-Martin-de-Crau (le 1er juin). Il va en outre flotter, autour des bivouacs, la délicieuse odeur de l’Italie, et plus précisément de la Toscane. Venu de la Maremme, territoire d’élevage réputé, le groupe de trente 74

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butteri s’apprête à conduire jusqu’à Marseille trente vaches reconnaissables à leurs hautes cornes en forme de lyre, ainsi que trente juments et poulains en liberté. Dès leur arrivée à Cuges-les-Pins, ces « gardians » toscans vont partager leur culture et leur savoir-faire. Sur les grands bivouacs, ils installent leur village de cabanes traditionnelles et le restaurateur Lodovichi propose ses spécialités de Toscane. Au menu : acquacotta maremmana e casentinese, une recette à base de pain, œuf et « herbes spontanées », le spezzatino de viandes Chianina, les salumi et fromages de Toscane, arrosés de Chianti Ruffino, Rosatello, et autres blancs de cépages vermentino et pinot... L’installation du dernier bivouac à la Campagne Pastré, le 7 juin, précèdera l’apogée de TransHumance : la traversée de Marseille, le surlendemain, depuis le Vieux-Port jusqu’à la Campagne Pastré en passant par la Corniche. Aboutissement du parcours, il rassemblera tous les cavaliers, butteri italiens, provençaux, camarguais et toutes leurs bêtes, vaches, moutons, chevaux, autour du village nomade. Dès lors et durant les trois mois qui suivront, L’Observatoire du Bout du Monde, installation artistique multimédia, accueillera toutes les images récoltées pour un retour sur expérience avec l’ensemble des acteurs associés à cette incroyable aventure.

TRANSHUMANCE

Du 17 mai au 9 juin, 3 parcours à travers le territoire.

WWW. mp2013.fr/transhumance


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Un

pain 2013

vigne of et une

Parmi la soixantaine d’Ateliers de l’EuroMéditerranée initiés par MP 2013 dans des entreprises locales, il y a évidemment à boire et à manger. Et justement, deux d’entre eux, ont élu domicile dans la boulangerie du Farinoman fou et la vigne du New hôtel of Marseille. La messe peut être dite…

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oici le Pain 2013, baptisé le « Bouton » : deux petites fougasses liées entre elles par un ruban, une de couleur jaune doré au safran et romarin et l’autre brune aux olives et au thym. Il est l’œuvre conjointe d’un artiste et d’un boulanger : Zareh Sarabian et Benoît Fradette. Le premier vient du Liban et le second du Québec. Et, non content d’être le seul boulanger québécois de France, l’homme est un artiste. « Double Alpha et Triple Oméga », « Chair d’Aphrodite et puissance d’Eros », « Maître Goji et ses deux épeautres », « Manomin des Anoshinobegs »… tels sont les noms dont Benoît Fradette, alias le Farinoman Fou, baptise ses pains. « Les boulangers, dit-il en guise de préambule avec son accent à couper au couteau, faut qu’ils se forcent pour être intelligents… » En France depuis 8 ans, Benoît Fradette est venu « à cause du vélo » et des pentes du Mont Ventoux. Grimpeur émérite, il était chez lui un spécialiste du Mount Washington dans les Appalaches, une des grimpées à vélo les plus dures au monde. « J’avais 600 mètres carré de boulangerie et vingt employés, raconte-t-il. Ici j’ai quatre personnes sur 42 mètres carré, et je paye presque autant de charges. » Situé en plein centre d’Aix-en-Provence, sa minuscule boutique ne désemplit pas. « Les gens rentrent et me demandent ce qu’ils n’ont pas encore goûté », confie-til. Pourtant, selon lui, Il y avait plus de créativité au Québec dans le pain. Quand il débarque à Buis-les-Baronnies à ses débuts en France, il trouve une clientèle très conservatrice.

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Marseille Texte et photos : Marco Jeanson

« Est-ce le vin qui aide à la création ? Je crois que dans le cas qui nous intéresse, la création va aider le vin. »

« Moi, je ne sais pas faire une baguette, même avec le CAP qu’il a fallu que je passe ici pour ouvrir mon commerce. » Quant aux faiseurs de pain… « La plupart des boulangers, dit-il, ne font pas du pain, ils font du prix. » Tous ses produits viennent de ses voisins : le safran, l’épeautre, les olives, la crème d’ail, les abricots. Mais pour lui, pas question d’être identifié au bio, il n’a pas besoin de ça. Il est serein, même en dormant cinq heures par nuit. « C’est le stress qui nous bouffe, qui nous fatigue, je fais un boulot que j’aime, j’ai une vie que j’aime. La boulangerie pour moi c’est les vacances, c’est quand je suis chez moi que je commence à travailler vraiment, j’ai deux hectares à planter ! » Quel est donc son secret pour cuire ces petits pains que tous les Aixois – et bientôt les Marseillais – s’arrachent ? « Je ne pétris pas, explique-t-il. Pétrir, c’est faire rentrer de l’air, donc oxyder,


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Le « Bouton » : deux petites fougasses, une de couleur jaune doré au safran et romarin et l’autre brune aux olives et au thym.

donc enlever à la pâte ce qui est porteur d’arôme, ça neutralise le goût. Les gens pétrissent pour développer, pour gagner en volume, moi je rabats, je tourne, j’évacue le gaz et ensuite la pâte recommence à fermenter. Et j’hydrate beaucoup… Les céréales, c’est comme les vins, elles ont leur propre univers d’arôme. Tout le monde me demande si je mets du miel dans mon pain. » Mais Benoît Fradette n’a pas fait le Pain 2013 tout seul. Les concepteurs de MP2013 lui ont envoyé en résidence, pendant quatre jours entre Noël et le jour de l’an, un designer venu du Liban. Zareh Sarabian est professeur à l’Académie Libanaise des Beaux Arts (ALBA) dans la section Design de Produit. « Au début, je n’ai pas bien compris, confie le Farinoman, mais je me suis dit, ça doit être ça la Méditerranée, toutes ces émotions en pagaille… Cela été épique, dantesque et diplomatique. Il voulait mettre du thym partout, j’ai été obligé d’être doux, de faire de la politique. C’était effrayant au début mais comme c’est quelqu’un qui a un caractère très fort et beaucoup de sens critique, finalement on est arrivés à quelque chose. » La cuvée Simarik Après le pain, on espère le vin. L’idée est partie du New Hôtel of Marseille, qui possède 120 pieds de vignes d’ornement de cépage syrah sur 600 mètres carré de terrain, juste en-dessous des non moins anecdotiques vignes de Saint78

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Victor. Les responsables de l’hôtel en ont parlé à l’association MP2013, qui leur a envoyé un artiste « spécialiste du détournement. » Nicolas Simarik, Picard surréaliste de 35 ans, a écrit un Que sais-je ? sur lui même, publié un catalogue de La Déroute (versus la Redoute) avec les habitants d’un quartier difficile de Toulouse, promène les chaises et les cafetières, sillonne la Bourgogne au volant d’un Ford Transit ou construit des cuisines dans des troncs d’arbres. Lui-même se définit comme un artiste engagé. L’une de ces performances consiste d’ailleurs à se faire embaucher par de grands chefs d’entreprise, pour des CDD allant de 3 à 10 minutes ! Et ça marche ! Entre lui et la vigne, c’est une longue histoire. « J’ai dix-sept ans de vendanges, dit-il, j’ai construit beaucoup de projets culinaires associés au vin. J’ai même rencontré ma femme aux vendanges ! » Et il ajoute, espiègle : « Est-ce le vin qui aide à la création ? Je crois que dans le cas qui nous intéresse, la création va aider le vin.» Son questionnement est le suivant : « Que faire avec une vigne, qui ne sera pas du vin, ni du jus de raisin ? » Il s’agit donc de réfléchir à un liquide, un contenant, une scénographie de la vigne. L’artiste est en résidence au New Hôtel of Marseille depuis le mois de septembre, au rythme de trois jours par mois, ce qui lui a permis de s’imprégner de l’esprit du lieu, de la vigne, des cuisines… Il y a fait des mini-vendanges au terme desquelles, après une heure et demie de pressage et de


« Les céréales, c’est comme les vins, elles ont leur propre univers d’arôme. Tout le monde me demande si je mets du miel dans mon pain. »

filtration, il a extrait un demi-litre de liquide réparti dans quatre petits flacons testeurs gardés précieusement dans les congélateurs de l’hôtel. Avec l’aide d’un vigneron de la région, Matthieu Négrel du Mas de Cadenet, ils ont analysé le breuvage et l’ont soumis à une batterie de tests œnologiques. « Pour savoir jusqu’à quel point je pouvais malmener cette vigne, la triturer, lui rajouter du sol, des arbres… », précise-t-il. La véritable aventure se jouera au mois de septembre prochain : « C’est aussi une histoire et, comme toutes les histoires, elle demande un personnage principal. » Premier chapitre : créer les vendanges 2013, des vendanges participatives, et organiser une scénographie autour de cet événement. « Je n’ai pas les mêmes angoisses que celles d’un vigneron, précise l’artiste, plutôt celles de savoir ce que sera la réception du public. » Deuxième chapitre : la transformation du raisin – en liquide ou en autre chose. « L’idée sera de faire un objet plus qu’un vin », annonce Nicolas Simarik. Sera-t-il dilué, coloré, photosensible, lyophilisé, béni, défendu ? Nul ne le sait aujourd’hui, sauf peut-être l’artiste lui-même. Troisième chapitre et épilogue de l’aventure : restitution de l’objet dans son contenant, avec étiquetage et création éventuelle d’un coffret collector. Que sera ce contenant ? « J’aimerais faire une œuvre majeure », conclut l’artiste-vigneron, l’œil malicieux.

LE FARINOMAN FOU,

5 rue Mignet, Aix-en-Provence NEW HOTEL OF MARSEILLE

71, boulevard Charles Livon, Marseille, 7e.

WWW. new-hotel.com/fr/hotels-marseille/marseille 8e art magazine • mai-juin 2013

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AMUSE-BOUCHES

Tout au long de cette année capitale, les occasions d’associer art et cuisine ne manquent pas. Musicales, plastiques, cinématographiques, les expériences proposées par Fotokino, Mix en bouche, Les Grandes Tables se veulent avant tout créatives et conviviales. Par Emmanuelle Gall

-bouches

Les Grandes Carrioles Sur les treize carrioles initialement prévues, sept ont finalement été inaugurées le 13 avril dernier, à l’occasion de la quatrième édition des weekends Made in Friche. Conçues par des artistes autour d’une recette de chef et d’un type de cuisson, elles vont parcourir le territoire de Marseille-Provence 2013, au gré des temps forts. Évidemment présentes lors des Festins de Méditerranée, sur le parcours du GR 2013 et de TransHumance, elles accompagnent également plusieurs spectacles et événements : l’opération Anapos, cité lacustre (du 31 mai au 9 juin, à Martigues), Phèdre (du 26 au 29 juin à Aix), L’intégrale Guédiguian (du 19 au 30 juin à la La Criée), le Charlie Jazz festival (du 5 au 7 juillet à Vitrolles), les séances de Cinéma sous les étoiles (en juillet et août à Marseille)…

©Ludovic Alussi

Carriole “A tout’ vapeur”, conception Jean-Pierre LARROCHE / Cie Les ateliers du spectacle & Christophe DUFAU, chef étoilé / restaurant “Les Bacchanales” à Vence 8e art magazine • mai-juin 2013

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©Vincent Lucas

Les gourmandises de la Folle Histoire

La Faim des apôtres, un spectacle de la compagnie Ilotopie

Valérie Moureaux et Jacques Livchine en action,

La cuisine est également au programme de l’édition 2013 de La Folle Histoire des Arts de la Rue. Elle est présente dans deux spectacles, comme un médium à part entière – questionné et questionnant notre rapport à l’alimentation. Le 15 mai, une « déambulation gustative », imaginée par la compagnie Ilotopie dans un square de Port-Saint-Louis, invite les spectateurs à « manger sur le dos » de douze comédiens transformés en aliments vivants. L’expérience se veut moins gastronomique qu’existentielle, abordant aussi les problèmes de consommation et de malnutrition. Plus « sexy », la proposition du Théâtre de l’Unité, baptisée Gourmandisiaque, offre au public les plats d’un repas de chef, préparé en temps réel. Les deux comédiens-cuisiniers, Valérie Moureaux et Jacques Livchine, travaillent en bavardant. Leurs sujets de prédilection : l’amour et le pouvoir aphrodisiaque de leurs recettes coquines. La faim des apôtres, Le 15 mai, 20h, Square, Angle rue Henri Leroy et avenue du Port, Port-SaintLouis-du-Rhône.Gratuit sans réservation.

© Université de Mons.

Gourmandisiaque le 17 mai, 19h, Descours et Cabaud, 45, avenue des Aygalades, Marseille, 15e. Gratuit sur réservation. www.follehistoire.fr

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Les dinettes de Fotokino au WAAW Bricoler en buvant de la potion magique, fabriquer un kaakku (gâteau, en finnois) à base de formes géométriques comestibles… Dans la tradition des manifestations imaginées par l’association Fotokino, les enfants (et leur famille) sont les invités privilégiés de ces « dinettes », conçues à leur mesure, dans un esprit ludique et gourmand. Organisés en collaboration avec l’équipe du WAAW (What A Wonderful World), chargée du volet gastronomique, ces goûters-ateliers ont lieu chaque premier dimanche du mois, en écho au vernissage de la veille. Cette année, le studio Fotokino a en effet décidé de donner carte blanche à dix artistes. En juin, le dessinateur Jochen Gerner, amateur de détournement et de recouvrement d’images, propose de « Perdre le nord ». Ainsi, la dinette prévue au Parc Borély, pendant le festival Aires Libres, prendra la forme d’un parcours sensoriel entre chasse au trésors et blind test. Anaïs Tonelli, une jeune illustratrice italienne, a imaginé pour chacun de ces rendez-vous une image sur mesure, inspirée des paper dolls, combinant des éléments animaux, humains et culinaires. Le 2 juin. Parc Borély, Avenue du Prado, Marseille 8e. www.fotokino.org www.waaw.fr 8e art magazine • mai-juin 2013

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AMUSE-BOUCHES

Mix en Bouche et en mer La recette est simple et très efficace : deux chefs + deux DJs dans un bateau. Et, a priori, personne ne tombe à l’eau ! Depuis cinq ans, les soirées festives et gastronomiques organisées par Benoît Chevalier et ses acolytes font un tabac. À Marseille et à Paris, aux Grandes Tables, à La Bergerie, dans une villa d’architecte…, les soirées Mix en Bouche se succèdent et attirent les foules. Au point qu’il faut surveiller leur site Internet régulièrement pour avoir une chance de faire partie des happy few qui embarqueront à bord de L’Ilienne cet été. Les 1er et 29 juin, 20 juillet, 7 et 8 septembre. L’Ilienne, départ du Vieux-Port. 30 €. www.mixenbouche.com

Aires Libres Après quelques années de nomadisme, le festival gratuit, éco-responsable et solidaire rentre au bercail. Le Parc Borély, qui a vu la création d’Aires Libres en 2005, accueillera l’édition 2013 les 1er et 2 juin. Pas encore révélée, la programmation musicale reste tournée vers « l’électro familiale ». Car, rappelons-le, les enfants sont les bienvenus à Aires Libres. Outre la dinette proposée par Fotokino, ils auront droit à 48 heures d’ateliers en tous genres. Et la cuisine ? Bio souvent, en tout cas légère, champêtre et artisanale. Les 1er et 2 juin. Parc Borély, Avenue du Prado, Marseille, 8e. www.aireslibres.wordpress.com 84

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LES ANIMAGLYPHES DE TRANSHUMANCE Photos : Lionel Roux

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près les bivouacs (voir page 73), voici les Animaglyphes. Comme la racine grecque du néologisme l’indique, il s’agit de dessiner dans le paysage, avec des animaux. Le volet plastique de TransHumance se situe donc à la croisée du Land art et du spectacle vivant. Le long du parcours, Camille et Manolo invitent le public à venir participer à la création de huit fresques géantes, qui feront l’objet de prises de vue aériennes. Inspirés par la constellation du Centaure, leur totem, ou la Croix du Sud, ils ont imaginé un répertoire de formes géométriques – point, cercle, spirale, idéogramme chinois représentant l’homme… – à reproduire collectivement sur le terrain. Les photographies de Lionel Roux, prises lors des précédents animaglyphes réalisés dans la région et ailleurs, vont être exposées aux Baux-de-Provence, mais aussi, avec les images collectées pendant l’opération, lors de sa restitution à L’Observatoire du bout du monde, à Marseille. Pendant TransHumance, il sera également possible de découvrir le film réalisé par le Théâtre du Centaure pour les soixantedix vidéoprojecteurs des Carrières de Lumière. Pour participer aux animaglyphes, il est nécessaire de remplir un formulaire d’inscription disponible sur le site du Théâtre du Centaure : www.theatreducentaure.com

PHOTOGRAPHIES DE LIONEL ROUX

Du 27 mai au 15 octobre, Îlot Post Tenebras Lux, Cour de Porcelet et La Citerne, Les Baux-de-Provence. 04 90 54 34 39. Entrée libre. TRANSHUMANCE, LE FILM

Du 28 mai au 11 juin, 19h, Carrières de Lumière, Route de Maillane, Les Baux-de-Provence. 04 90 54 47 37. 7,50-9,50 €

WWW.

carrieres-lumieres.com 86

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© Lionel Roux

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L’ÉVÈNEMENT

LE MUCEM, ENFIN !

Si tout se passe comme prévu, le 7 juin, le MuCEM ouvrira enfin ses portes au public, avec pas moins de six expositions, réparties sur les trois sites occupés par le musée : sur le J4, au fort Saint-Jean et à la Belle de Mai.

Sandra Dukic, Enfante !, tableau textile (2006) exposé dans Au Bazar du genre. © Christophe Fouin - Mucem

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arement ouverture de musée aura suscité une telle expectative ! Il faut reconnaître que la création, à Marseille, d’un musée national, le premier consacré aux cultures de la Méditerranée, construit de surcroît par Rudy Ricciotti, est un événement de taille. Et tous ceux qui ont visité le lieu, lors des portes ouvertes du mois de janvier, attendent son inauguration avec d’autant plus d’impatience. À quoi va ressembler le chef-d’œuvre, une fois rempli de cimaises, vitrines et autres socles ? N’en déplaise à son architecte, le bâtiment, si beau dans sa nudité, va accueillir, dès le 7 juin, trois expositions. Auxquelles vont s’ajouter trois autres expositions : deux au Fort-Saint-Jean et une au CCR, les réserves du musée situées à La Belle-de-Mai. On a tendance à l’oublier : le MuCEM se déploie sur trois sites et offre une surface totale d’exposition de 40 000 m2. Un espace suffisant pour accueillir, en alternance, une collection estimée à près d’un million de pièces, de natures très diverses. Deux tiers sont issus des anciens fonds du musée des Arts et traditions populaires et du musée de l’Homme,

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N’EN DÉPLAISE À SON ARCHITECTE, LE BÂTIMENT, SI BEAU DANS SA NUDITÉ, VA ACCUEILLIR, DÈS LE 7 JUIN, TROIS EXPOSITIONS. le reste consistant en des dizaines de milliers d’acquisitions récentes, centrées sur le Bassin méditerranéen. En juin, une partie de cette collection permanente sera présentée dans La Galerie de la Méditerranée, au rez-de-chaussée du bâtiment de Rudy Ricciotti. L’enjeu de cet accrochage : écrire une histoire de la région en quatre temps – naissance des dieux, monothéismes, démocratie et grandes découvertes. Autre ambiance au fort Saint-Jean, où Le Temps des loisirs réunit des objets associés aux fêtes, rituels et spectacles populaires, des origines à nos jours. Toujours au fort Saint-Jean, le bâtiment de la Légion étrangère abrite une exposition de pho-


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La Méditerranée, d’Aristide Maillol, 1902-1905, exposée dans Le Noir et le bleu. © Jean Alex Brunelle

tographies en quatre volets. Le premier, baptisé Les Choses de ce côté du monde (jusqu’au 29 juillet), réunit huit artistes contemporains de renom, parmi lesquels Ange Leccia, Stéphane Couturier et Waël Shawky, une des révélations de MP 2013. Retour au J4, avec deux expositions temporaires aux thématiques séduisantes. La première, intitulée Le Noir et le Bleu, un rêve méditerranéen a été imaginée par Thierry Fabre, le fondateur des Rencontres d’Averroès devenu l’un des responsables du MuCEM. Débutant au XVIIIe siècle, avec l’expédition de Bonaparte en Égypte, l’exposition entend retracer les différentes représentations de la Méditerranée, d’une rive à l’autre, d’une époque à l’autre. On y verra, outre des archives et documents originaux, des œuvres de Goya, Miro, Maillol, Pistoletto… Au même étage, une autre exposition interroge la notion de genre dans les sociétés méditerranéennes contemporaines. Le commissaire de l’exposition Au Bazar du genre, féminin / masculin est Denis Chevallier, ethnologue et directeur adjoint du Mucem. Il a réuni des objets du quotidien, des œuvres et des films témoignant

des mutations identitaires et sexuelles de notre époque. Le panorama ne serait pas complet si l’on omettait l’exposition proposée au CCR. Présentée vivante propose une sélection d’objets sortis des réserves par Jean Blaise et Patricia Buck autour d’un texte de l’écrivaine Joy Sorman. Plusieurs visites sont donc à prévoir ! E.G. MUCEM, 201, quai du Port, Marseille, 2e. 04 91 59 06 88. 5-8 €. Entrée libre du 7 au 9 juin (9h-22h). www.mucem.org

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FESTIVAL DE MARSEILLE

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prépondérant. Mais ici, le chorégraphe semble beaucoup plus apaisé. Du coup, sa danse, toujours aussi expressive, se teinte d’une intensité formelle fascinante. Autre première à Marseille : la venue de la compagnie israélienne d’Ohad Naharin, la Batsheva Dance Company, les 2 et 3 juillet, au Silo. Le reste de la programmation alternera propositions internationales et créations d’artistes marseillais (en coproduction avec Marseille-Provence 2013). Avec notamment Hubert Colas, Georges Appaix, la chorégraphe berlinoise Sasha Waltz et le plasticien sonore japonais Ryoji Ikeda... F.K. Du 19 juin au 12 juillet. Plusieurs lieux à Marseille. 04 91 99 02 50. 10-31 €. www.festivaldemarseille.com

© Paul B.Goode

La 18e édition du Festival de Marseille s’ouvre sur Bill T. Jones. Un événement en soi, puisque le chorégraphe noir américain ne s’était encore jamais produit à Marseille. Pourtant, avec plus de cent quarante œuvres à son actif, Bill T. Jones est considéré comme l’un des artistes les plus doués de sa génération. Il développe depuis trente ans une danse au style unique, à la fois narrative et militante. En effet, il s’estime triplement rejeté (noir, homosexuel et séropositif) et ce sentiment d’exclusion obsède ses œuvres. Mais, le programme concocté par le Festival de Marseille permettra également de saisir d’autres facettes de ce parcours atypique. Les trois pièces proposées (Ravel : Landscape or portrait ?, Continuous Replay, D-Man in the Waters) nous font ainsi découvrir un Bill T. Jones malicieux et bourré d’humour. Comme dans beaucoup de ses œuvres, la musique joue un rôle


© Chantal Dépagne

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© Daniel Angeli

EN V’LÀ UNE DRÔLE D’AFFAIRE

À LA FRANÇAISE Édouard Baer est chargé, par le ministère des Affaires étrangères, du spectacle d’ouverture du G20, censé témoigner de la grandeur de la nation. Comment présenter la France au monde ? Par sa culture ? Son histoire ? Son sens de l’humour ou de l’amour ? Ses idéaux ? Flanqué d’une équipe de « théâtreux » plus ou moins coopératifs, il tâtonne et improvise sous le parrainage d’un émissaire du ministère (Lionel Abelansky), circonspect ou franchement atterré. On suit donc un work in progress surréaliste,

mu par l’humeur et les caprices de son auteur. Invoquant les clichés sociaux ou culturels du pays pour mieux en révéler les à-côtés, la dérision du ton croise les débats identitaires actuels. Si la France finit par s’incarner quelque part, c’est dans la langue, joueuse, pleine de vitalité, élégante jusque dans ses vulgarités, servie par un fildefériste du verbe, très bien accompagné. O.L.

Du 21 au 25 mai, 20h30, le 22, 19h. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre-Français, Marseille 1er. 08 20 13 20 13. 8-34 €. www.lestheatres.net.fr

À LOUER

© Herman Sorgeloos

En quelques spectacles, le groupe belge Peeping Tom, constitué autour des chorégraphes Gabriela Carrizo et Franck Chartier, s’est taillé une belle réputation que vient confirmer leur dernière création, À louer. Dans une écriture imprévisible, mêlant la danse, le théâtre et le chant, ils imaginent une étrange demeure, peuplée de personnages burlesques, piégés autant que les spectateurs entre rêve et réalité. Une canta-

La comédienne et chanteuse Nathalie Joly redonne vie à Yvette Guilbert qui fut l’une grande figure des cabarets parisiens des années 1900. Cette plongée dans le passé a tout d’un bain de jouvence. Les chansons sonnent comme de véritables petits bijoux d’émotion. Les réflexions sur le métier et la posture d’engagement féministe sont d’une étonnante modernité. Jusqu’au style « parler-chanter » totalement en phase avec ce qu’aujourd’hui on appelle le slam. En un peu plus d’une heure, on est traversé par différents états : coquin, comique, dramatique, douloureux... Jusqu’aux larmes d’une hallucinante Morphinée : poignant portrait de femme aux prises avec le manque. F.K. Du 21 au 25 mai, 20h30, les 22 et 23, 19h. Théâtre de Lenche, 4, place de Lenche, Marseille, 2e. 04 91 91 52 22. 8-16 €. www.theatredelenche.info

trice fantasque, un mari et son fils, un valet attentionné… tous évoluent sans repère ni boussole dans un décor baroque, où le geste s’inscrit dans un espace aux références cinématographiques. F.K. Les 15 et 16 mai, 20h30. Pavillon Noir, 530, Avenue Mozart, Aix-en-Provence. 08 11 02 01 11. 10-25 €. www.preljocaj.org

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© Christophe Raynaud de Lage

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LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD Deux nobles demandent à leurs valets de se faire passer pour eux, afin de découvrir la vérité des sentiments de l’autre. Le Jeu de l’amour et du hasard est la pièce de Marivaux la plus représentée, tant en France qu’à l’étranger. Selon Jean-Claude Carrière, la tradition du conte la plus difficile, est l’art de raconter une histoire à des gens qui la connaissent déjà. Comme l’intrigue est connue, le metteur en scène bulgare Galin Stoev s’est donc surtout intéressé aux personnages. Bien lui en a pris : la direction d’acteurs est remarquable. Chaque rôle trouve dans cette troupe de la Comédie française, un interprète parfait pour faire entendre, par des tonalités de caractère diverses, les fragiles nuances des sentiments se jouant sous les masques de la comédie sociale. O.L. Le 29 mai, 19h, du 30 mai au 1er juin, 20h. Théâtre de la Criée, 30, quai Rive neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 12-34 à 24 €. www.theatre-lacriee.com

UN, DEUX, CINQ… CERVANTES

les grands vins. Deux clochards célestes relativisent le monde et c’est terriblement drôle. Dans Le sixième jour (1995), le clown Arletti réinvente la Genèse et nous fait oublier que Dieu n’existe pas. Avec Le Concert (2005), la farce métaphysique devient musicale. Enfin, Carnages, qui a été créé cet hiver à la Friche la Belle de Mai, relève d’un travail de troupe. Les clowns, en assumant leur indéfectible solitude, forment la plus belle communauté qui soit. F.K.

© Brigitte Enguerand

L’auteur et metteur en scène de théâtre basé à Marseille, François Cervantes, a inventé une figure de clown qui pourrait être la symbiose entre le Godot de Beckett et le Charlot de Chaplin. Et la comédienne Catherine Germain s’est littéralement glissée dans la peau de ce personnage absurde, fragile, maladroit et terriblement humain. Le Théâtre de la Criée programme quatre spectacles emblématiques de cette aventure artistique. La Curiosité des anges, créée en 1987, s’est bonifiée avec les ans, comme

Les 4 et 5 juin, 19h, les 6 et 7 juin, 18h et 21h. Théâtre de la Criée, 30, quai Rive neuve, Marseille, 7e.04 91 54 70 54. 9 à 24 €. www.theatre-lacriee.com

TRILOGIE ESCHYLE Olivier Py possède une qualité inestimable : il sait rendre limpides les histoires les plus alambiquées. Son dernier projet nous ramène aux fondements même du théâtre. Le metteur en scène et dramaturge s’est en effet attaqué à la trilogie d’Eschyle. Les Suppliantes, Les Sept contre Thèbes, Les Perses, composent une tragédie implacable, une œuvre de la démesure, fondatrice pour le théâtre occidental. Mais ce retour aux sources est © Alain Fonteray

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avant tout un bain de jouvence. Un « théâtre d’intervention » qui, sans aucune fioriture inutile, touche directement nos sens. Le spectacle proposé par les Amis du Théâtre Populaire (ATP) est programmé dans différents lieux du Pays d’Aix. F.K. Du 5 au 14 juin. Pays d’Aix,plusieurs villes. 04 42 26 83 98. 5 à 10 €. www.atpaix.com


©Alain Fonteray

PHÈDRE LES OISEAUX

Phèdre, la scandaleuse, arrive sur notre territoire après avoir traversé bien des langues « étrangères ». Ce projet artistique est porté par Jean-Baptiste Sastre, metteur en scène, et Frédéric Boyer, écrivain. Le texte traduit et travaillé dans plusieurs langues a déjà été présenté sur des scènes théâtrales en Espagne, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, en Inde. Les représentations au Bois de l’Aune à Aix, dans le cadre de Marseille-Provence 2013, marquent l’achèvement de l’aventure. Nous sommes en effet invités à circuler à travers les différentes adaptations de cette œuvre. Et, en écho à l’infinie solitude de l’héroïne, le chœur « participatif » sera constitué d’hommes et de femmes compagnons d’Emmaüs d’un peu partout en France et en Europe. F.K. Les 28 et 29 juin, 1er et 2 juillet. Bois de L’Aune, 1, place Victor Schoelcher, Aix-en-Provence. 04 42 93 85 40. Entrée libre. www.agglo-paysdaix.fr

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CIRQUONS FLEX Un acrobate, un musicien, un danseur. Au centre de l’espace de jeu, un mât chinois de six mètres de haut. Le corps est bien sûr engagé dans une conquête de la verticalité. La chute est alors interdite. Mais la rencontre intervient aussi à terre, par la danse, la capoeira et le hip-hop. Et quand les mots résonnent, ce sont ceux de la poésie créole. Tous ces échanges se font au son d’une contrebasse et d’une guitare rock. La compagnie Cirquons Flex crée ainsi un étonnant alliage, au croisement des arts réunionnais et du cirque contemporain. Les stratégies qui sont mises en œuvre ici assurent la sauvegarde de notre dignité humaine. Dobout an bout pose une question universelle : comment rétablir un rapport poétique avec un monde qui perd son humanité ? F.K. Du 14 au 21 juin, 21h30. Pays d’Aix, plusieurs villes. 04 42 93 85 40. Entrée libre. www.mp2013.fr

JULES ET MARCEL

mutuelle de l’auteur et du comédien. Raimu, intuitif, roublard, truculent et cabot est campé par un Michel Galabru tonitruant. Philipe Caubère, déjà familier du personnage, tempère l’humeur de son complice en jouant un Marcel Pagnol à la diplomatie malicieuse. Sur scène, cela donne une réjouissante joute verbale à quatre voix, éclairant cette amitié unique nourrie de la même passion pour leur art. O.L.

© Vincent « c@ctus » Vanheck

Depuis ce jour de 1929, où l’inconnu Marcel Pagnol apporte sa pièce Marius à Raimu, jusqu’au décès du comédien en 1946, les deux hommes ont beaucoup échangé, notamment par lettres. De cette correspondance, Pierre Tré-Hardy a tiré un spectacle. En un peu plus d’une heure, Jules et Marcel relate cette amitié méridionale, nourrie de querelles, de bons mots, de mauvaise fois et d’une grande admiration réciproque. D’une lettre à l’autre, on découvre l’influence

Le 18 juin, 21h30. Théâtre Silvain, Chemin du pont de la fausse monnaie, Corniche Kennedy, Marseille, 7e. 04 91 31 40 17. 25 €. www.capsur2013.fr

INTÉGRALE GUÉDIGUIAN

© DR

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Après la Cinémathèque française en février dernier, c’est dans sa ville natale qu’a lieu la rétrospective intégrale de l’œuvre du plus marseillais des cinéastes, Robert Guédiguian. Décor de prédilection des premiers comme du dernier de ses films (Dernier été, Marius et Jeannette, Les Neiges du Kilimandjaro…), la citée phocéenne s’offre à lui pour présenter ses dix-sept œuvres, en salle et en extérieur. Au théâtre de la Criée, dans l’escalier

de la gare St-Charles, au Plan d’Aou, et bien évidemment dans son fief, à L’Estaque, sur la plage et dans la salle de L’Alhambra, centre névralgique et affectif de sa passion pour sa ville et le cinéma. O.L. Du 19 au 30 juin. Théâtre de la Criée, Cinéma L’Alhambra, L’Estaque, Plan d’Aou Marseille. www.mp2013.fr


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MUSIQUES ©Mathieu-Mangaretto

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FESTIVAL MIMI En juillet, pendant trois jours, comme chaque année depuis vingt-huit ans, l’A.M.I. (Aide aux Musiques Innovatrices) installe son festival à l’hôpital Caroline, sur les îles du Frioul. L’insularité du lieu s’accorde avec la singularité des propositions privilégiant la création. Coproduit par Marseille-Provence 2013, l’opus de cette année, tout en présentant un certain nombre d’artistes reconnus ne déroge pas à son credo d’innovation. Shadoks Beforever, crée en résidence par le Théâtre de Ajmer s’inspire des Shadoks de Jacques Rouxel. En trente fragments de deux minutes, la musique créée par eRikm (coproduite, en duo, avec Catherine Jauniaux) fait référence à l’univers sonore des célèbres créatures télévisées. Improvisations musicales, cris, mélopées accompagnent cinq acteurs-performeurs, revisitant les relations complexes des Shadoks et de leurs ennemis héréditaires les Gibis. Avec Jeff Mills et sa

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création inédite The Gateway, on part dans un autre univers, la galaxie techno. Jeff Mills est tout simplement une légende de la scène originelle de Detroit. Depuis ces temps héroïques, le DJ a voyagé de par le monde, pratiquant sa musique sur d’autres terrains de jeu, comme le cinéma muet, le VJ (v pour vidéo), ou les compositions orchestrales. Féru de science-fiction, admirateur inconditionnel du 2001 de Stanley Kubrick, Jeff Mills ouvre au Frioul, une « porte » des étoiles sonores et visuelles (installation de projections vidéo en mapping 3D). Une performance transformant, pour une heure, l’île en vaisseau spatial. O.L. Du 4 au 7 juillet, 20 h. Hôpital Caroline, île Ratonneau, Archipel du Frioul, Marseille, 7e. 04 95 04 95 50. 18-25 € la soirée, 49 € pass trois jours (traversée incluse). www.amicentre.biz


© DR

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©David Ignaszewski

BILLIES’S BLUES

JORDI SAVALL Le Catalan Jordi Savall, violiste, violoncelliste, et compositeur réputé, est considéré comme un maître dans l’univers des musiques anciennes (médiévale, de la Renaissance et baroque). Archéologue de partitions oubliées, il est connu du grand public par ses dix années de recherches tenaces sur la viole de gambe. Un instrument disparu qu’il a fait renaître, lui offrant une consécration publique par son interprétation des œuvres de Marin Marais dans Tous les matins du monde d’Alain Corneau. Pour cette Sublime Porte, accompagné de son ensemble Hes-

pèrion XXI (voix, flute, instruments à cordes pincées, percussions), il redonne vie à des œuvres ottomanes, grecques, sépharades ou arméniennes. Istanbul, ville frontière mythique sert de trait d’union – et de brassage – entre Orient et Occident. Les instruments anciens d’Hespèrion XXI, avec leurs cordes à la fois âpres et sensuelles jouant des mélodies oubliées, et leurs percussions lancinantes, sont de voluptueuses machines à voyager dans l’histoire et les géographies. Cette musique s’offre à nous tel l’écho d’un passé mystérieux. Sublime. O.L.

Le 16 mai, 20h30. Grand théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 10-42 €. www.lestheatres.net

Se confronter au répertoire de Billie Hollyday est toujours une gageure intimidante. Peu s’y risquent. C’est que la voix seule, aussi belle et émouvante fût-elle, ne suffit pas. Il y faut un supplément d’âme. Laure Donnat et son compagnon contrebassiste Lilian Bencini ont su trouver cette voix de l’âme. Et comme interpréter n’est pas imiter, ils la portent dans une autre tonalité, moins torturée, plus lumineuse. C’est un dialogue entre la chanteuse d’aujourd’hui et celle d’hier auquel on assiste, où le bouleversant Strange Fruits réplique à celui de 1939, comme un chant de consolation. Les arrangements mélodiques jazz de la contrebasse modernisent la forme sans nuire au fond. Un bel hommage à la grande dame du blues. O.L. Le 1er juin, 20h30. Médiathèque Municipale, 2, chemin de la glacière, Barbentane. 04 32 60 16 21. Entrée libre. www.barbentane.fr

© Benoit Peverenni

STEPHAN EICHER Stephan Eicher n’avait pas sorti d’album depuis cinq ans. Tout l’univers d’Eicher est là, dans son petit dernier, L’Envolée, sorti à la fin de l’année dernière. Un univers fait de nouvelles rencontres (le folkeux Mark Daumail de Cocoon, l’inclassable bidouilleur electro-pop Fred Avril, William Tyler de Lambchop) et de collaborations avec les vieilles connaissances : Miossec,

Martin Wenk de Calexico, Martin Suter pour trois textes fiévreux chantés en bernois, et bien sûr son alter ego littéraire, Philippe Djian, qui cosigne même la musique d’un titre ! M.J. Le 16 mai, 20h. Salle de l’Étoile, 10, avenue Léo Lagrange, Châteaurenard. 04 90 95 34 39. 27 € www.etoile-chateaurenard.com

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MUSIQUES

© Jean-Baptiste Mondino

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ANTONIO ZAMBUJO Quinto, comme les cinq doigts de la main qu’il tend sur la pochette de son dernier album, remplaçant les lignes de son destin par son nom fièrement affirmé. Enfant de l’Alentejo, le sud profond du Portugal, Antonio Zambujo a très tôt vibré aux chants polyphoniques des hommes de son pays. Évoluant naturellement vers le fado, qui le pousse à Lisbonne où il attire très vite les projecteurs, Zambujo ne restreint pas son inspiration aux grands noms qui l’ont fait grandir. Amalia bien sûr, mais aussi Tom Waits, Chet Baker, et le grand Caetano, qui lui fait franchir l’Atlantique et séduire le public brésilien. Les deux pieds dans son Portugal en pleine crise, il reste avant tout musicien, perfectionniste, intimiste et chaleureux. J.-P.V.

LUZ CASAL

Les Espagnols ont de la chance, ils ont encore leur Barbara. Mais les Espagnols sont partageurs et ils nous la prêtent de temps en temps. Pour la plupart, Luz Casal reste cette voix envoutante de la chanson Piensa en mí du film Talons aiguilles de Pedro Almodovar. Plus de vingt ans après cette révélation, le plaisir d’entendre ce timbre à la fois chaud et rocailleux ne s’est pas épuisé. « Je ne fais pas de chanson que je pourrais détester dans vingt ans. Ce n’est pas juste

une formule, c’est un propos rationnel », revendique la chanteuse. Elle a bien raison, nous sommes toujours là à écouter ses tubes intemporels et à les savourer comme des madeleines… Un Ramo de rosas est son dernier album : une compilation de ses plus grands succès internationaux (Piensa en mi, un Año de amor…) et de quelques inédits. Un autoportrait musical de la diva, classique, élégant et sensuel, tel un bouquet de roses ! M.J.

Le 30 mai, 20h30. Le Pasino, 21, avenue de l’Europe, Aix-en-Provence. 04 91 80 10 89. 39-44 €. www.casinoaix.com

© Goncalo F. Santos

Le 25 juin, 20h. La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 6-34€. www.theatre-lacriee.com

MARSEILLE ROCK ISLAND Fort de son succès de l’année passée, le festival « des musiques mixées » va retrouver le fort d’Entrecasteaux pour trois soirées résolument festives. Des pionniers de la scène électroniques comme Laurent Garnier ou Sébastien Tellier aux révélations comme Kavinski (Bo de Drive) ou Breakbot et ses mixes très funky, le festival affirme son identité sonore entre électro-pop et pop-électro. En tout, une vingtaine de prestations de DJ et de musiciens confirmés, d’ici ou d’ailleurs, se produiront dans ce site magique, entre ciel étoilé et bord de mer. Une entrée musicale dans l’été. O.L. © DR

Du 27 au 29 juin, 19 h. Fort d’Entrecasteaux, 2, Boulevard Charles Livon, Marseille, 7e. 35 € (soirée) ou 95 € (pass 3 soirs). www.marseille-rockisland.fr

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©Pieter M. van Hattern

CHARLIE FREE FESTIVAL Au fil des ans, le Charlie Free festival a su imposer sa programmation à la fois fédératrice et audacieuse. Et l’édition 2013 s’annonce comme un excellent cru, avec notamment Ibrahim Maalouf, Kellylee Evans et son quintet, le Roy Hargrove Quintet... La soirée d’ouverture de cet événement jazz vitrollais nous permettra de découvrir un ensemble créé spécialement pour la Capitale européenne de la Culture. Prenez des jazzmen accomplis, mélangez-les avec vingt-quatre musiciens de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, et vous obtiendrez le Mediterranean Charlie Orchestra. Cette création, imaginée par Raphaël Imbert, rendra hommage aux grands « Charlies » de l’histoire de la musique américaine : Mingus, Parker, Haden, Ives. Puis Raphaël Imbert nous entraînera dans une création très free, inspirée des récits de Joseph Conrad. F.K. Du 5 au 7 juillet. Domaine de Fontblanche, Allées des artistes, Vitrolles. 04 42 79 63 60. 17 € (soirée) - 65 € (pass). www.charliefree.com

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EXPOS

PRINTEMPS DE L’ART CONTEMPORAIN Rien de tel que le désormais traditionnel P.A.C. pour prendre le pouls de l’art contemporain à Marseille. Avec plus de 14 000 visiteurs l’année dernière, la manifestation créée en 2009 par le réseau Marseille expos se porte bien et peut se targuer de fédérer toutes les forces vives locales. 2013 oblige, la cinquième édition espère faire encore mieux et annonce 41 expositions, un colloque autour des Ateliers de l’EuroMéditerranée (au Palais de la Bourse, les 15 et 16 mai), ainsi que deux soirées. La première se tiendra à la Maison de Ventes Damien Leclère (le 17) et la seconde à La Friche (le 18), en partenariat

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avec 48h chrono. Répartis sur trois jours, les trois parcours proposés permettent de faire un tour complet des lieux dévolus à l’art à Marseille : galeries évidemment, mais aussi écoles, associations, institutions… L’expérience le prouve : en la matière, le mélange des genres est aussi dynamique que profitable. Le coup d’envoi sera donné le 17 mai à 11 h, dans les quartiers de La Plaine, du Cours Julien et de Préfecture, et la manifestation s’achèvera le 19 mai, à 22 h, entre Longchamp et Belle de Mai. Le public est invité à emprunter les parcours proposés, plan à la main (disponible dans les lieux par-

tenaires), ou en suivant, chaque soir, la fanfare. Il pourra également emprunter gratuitement des pousse-pousse entre le Palais Longchamp, La Friche et le Château de Servières. À moins d’avoir envie d’arpenter la ville à « contre-temps ». C’est le titre choisi pour cette édition, et c’est possible, car tous les lieux participants ouvrent dès le 17 mai. E.G. Le 17 mai, La Plaine - Cours Julien – Préfecture Le 18 mai, Vieux-Port – Panier - Belzunce Le 19 mai, Longchamp - Belle de Mai www.marseilleexpos.com


© Serge Assier

NUAGE

SERGE ASSIER On ne devrait plus avoir à présenter Serge Assier. À soixante-sept ans, le photographe signe deux expositions, en forme d’hommages. La première revient sur son amitié et ses collaborations avec le poète René Char. La seconde investit quatre conteneurs, en face du Pavillon M. Anvers, Barcelone, Marseille, Rabat : Serge Astier a photographié ces quatre ports, avec toute l’humanité acquise au

fil de son histoire. Cet autodidacte, tour à tour berger, docker, mécanicien, clochard… a eu le temps d’exercer son regard avant d’entrer dans la presse. Pour accompagner les clichés noir et blanc, Fernando Arrabal a écrit des « Arrabalesques » et Michel Butor quatre-vingts quatrains. Encore des poètes – et des amis. E.G.

Travaux communs, Jusqu’au 27 mai. Espace Culture, 42, la Canebière, Marseille, 1er. 04 96 11 04 60. Entrée libre. Quatre rives et un regard, Jusqu’au 31 mai. Esplanade Villeneuve-Bargemon, Face au Pavillon M, Marseille, 2e. Entrée libre. www.sergeassier.com

© Francoise Coutant

SORTIR

Ancré dans la courbure du Rhône qu’il contemple de ses larges baies, le musée Réattu a décidé de lever les yeux plus haut, vers les nuages. Dans la tradition de ses accrochages mêlant les genres et exploitant, au mieux, tous ses recoins, il présente cent vingt œuvres, d’une cinquantaine d’artistes. De Marina Abramovic à Yohji Yamamoto, en passant par Jean Arp, Brassaï, Piero Manzoni, Jacqueline Salmon ou Andy Warhol, tous ont interrogé la fascination universelle qui s’attache au nuage. Objet métaphysique par excellence, à la fois messager de l’infini et projection de nos émotions les plus intimes. Nuage-cacahuète, nuagepoussette, nuage-oreiller, nuage-microsillon… Même lesté de plomb il reste insaisissable. J.-P.V. Du 16 mai au 31 octobre. Musée Réattu, 10, rue du Grand Prieuré, Arles. 04 90 49 37 58. 6-8 €. www.museereattu.arles.fr

© Laurent Perbos

FESTIVAL DES ARTS ÉPHÉMÈRES Pour la cinquième année consécutive, le parc et la bastide de Maison Blanche sont investis par une vingtaine d’artistes professionnels et des amateurs des ateliers publics de l’ESADMM (Beaux-Arts de Marseille). Un « mélange des genres » judicieux, auquel s’ajoute un mélange des arts, puisque la musique et la danse sont également au rendez-vous. Au programme cette année, un best of des éditions précédentes, trois artistes engagés dans des Ateliers de l’EuroMéditerranée (Ilana Salama Ortar, Anne-Valérie Gasc, Karine Rougier) et une dizaine d’artistes dont l’excellent duo Gethan&Miles. E.G. Du 23 mai au 13 juin, Jardin et salons de Maison Blanche. 150, boulevard Paul Claudel, Marseille, 9e. 04 91 14 63 50. Entrée libre. www.marseille9-10.fr

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EXPOS

© Daniel Knorr

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© Alexandre Gérard

EXPOS

« VOUS AUSSI VOUS AVEZ L’AIR CONDITIONNÉ »

LE PONT

Si le MAC a dû fermer ses portes pendant deux mois pour préparer cette exposition, c’est qu’elle est d’une ampleur inédite. Comme les hellénistes l’ont compris, le « pont » (de pontos, la mer), dont il est question ici, c’est la Méditerranée, envisagée comme un lien et non un obstacle. Pour en convaincre le public, le MAC reçoit cent quarante-cinq artistes internationaux et s’associe à vingt-sept autres lieux marseillais pour présenter cer-

taines œuvres. On pourra ainsi voir une pièce d’Absalon à l’hôtel de la Cité radieuse, de Yan Pei Ming sur la Corniche, ou de William Kentridge à l’église Notre-Dame du Rosaire… L’exposition se prolonge également à travers une programmation cinématographique en collaboration avec le FID, et une série de performances et conférences dans le musée. La suite dans notre prochain numéro. M.J.

© François Morellet

Du 25 mai au 31 octobre. MAC,69, avenue d’Haïfa, Marseille 8e. 04 91 25 01 07. 4-8 €. www.marseille.fr

Certains l’ont sans doute déjà remarqué en visitant la galerie du 5e : il est difficile de faire abstraction du système de climatisation. La curatrice Camille Videcoq a décidé de prendre au mot ce contexte et d’en tirer parti. De l’air conditionné à la notion de conditionnement – physique, psychique et culturel –, il n’y a qu’un pas. Franchi allègrement grâce aux œuvres de treize artistes, marseillais pour la plupart, sélectionnées dans les galeries du réseau Marseille expos. Walldrawings, sculptures, installations, textes et vidéos s’attaquent avec humour et/ou gravité à nos conditionnements. E.G. Jusqu’au 15 juin, Galerie du 5e, Galeries Lafayette, 40, rue saintFérréol, Marseille, 1er. Entrée libre. www.marseilleexpos.com

FRANÇOIS MORELLET, 5 X 3 Une star de l’abstraction géométrique et du minimalisme dans les quartiers nord ! Le phénomène n’est pas fréquent. Dans les anciens abattoirs de la ville de Marseille, le fonds de dotation M-ARCO a transformé l’ancien box d’assommage en une galerie d’art contemporain, où se succèdent depuis 2011 des artistes abstraits. Pour l’occasion, François Morellet a choisi de montrer trois œuvres issues de cinq séries différentes, soit quinze œuvres, dont neuf inédites. Dans la tradition « mathématique » de sa production, 5 x 3 est constituée de variations autour de médiums divers : peinture et néon, plaques de tôle noire et ruban adhésif. E.G. Du 24 mai au 20 septembre, Le Box, Anse de Saumaty, 765, chemin du Littoral, Marseille, 16e. 3-5 €. www. m-arco.org

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PARC Camp de transit de sinistre mémoire, puis bidonville, Zone Urbaine Sensible, la Cayolle a tout connu. Terrain de jeu idéal pour un artiste comme Stefan Shankland, qui conçoit et réalise des projets intégrés aux processus de transformation dans des contextes urbains ou industriels. Invité à Marseille dans le cadre des Quartiers créatifs, il a vu là un croisement entre Pagnol et le western, un genre de « Cayolliwood ». L’artiste et son équipe ont découvert qu’il existait ici une légende urbaine locale autour d’un gros rocher bien réel appelé la « pierre tombée », poussée par une sorcière pour écraser une maison avec ses habitants. Ils ont décidé de rendre hommage à ce quartier en déshérence en lui offrant le temps d’un été un monument : une reproduction à l’identique de cette « pierre tombée », érigée juste après le rond-point de l’hypermarché. Les artistes siègeront au « Bar du rond-point » (construction temporaire), avec une liste de propositions pour l’avenir du quartier, autour de projections de films, de débats conviviaux, d’ateliers de fabrication d’idées et de parcours imaginés par les enfants de l’école des Calanques encadrés par un artiste marcheur. M.J. Du 7 au 16 juin 2013, Bar du Rond-Point, Rond-point chemin de Sormiou / avenue Colgate, Marseille, 9e. www.mp2013.fr

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EXPOS

© Didier Marcel

© Sam Mertens

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LES ARCHIPELS RÉINVENTÉS / 2

LES TERRASSES DE KADER ATTIA Fermée au public depuis une quinzaine d’années, la digue du large est en partie rendue aux Marseillais, le temps d’un été et d’une installation. Devant l’entrée du Vieux-Port, à l’endroit où la jetée fait un angle et prend le nom de digue Sainte-Marie, l’artiste multimédia franco-algérien établi à Berlin, Kader Attia, installe une « sculpture-architecture » évoquant un petit coin d’Alger ou un village grec. La hauteur de chaque terrasse varie pour

offrir au spectateur des points de vue aussi bien sur le large que sur la ville de Marseille, des espaces où s’asseoir, se détendre, s’allonger en regardant le ciel, en famille, seul ou en couple. « Le visiteur est invité à s’approprier ces Terrasses en les explorant, précise l’artiste. Elles proposent au public de vivre une expérience : celle d’un cheminement dans l’œuvre, qui s’apparente à une promenade sur les toits d’une ville méditerranéenne. » M.J.

Du 25 mai au 29 septembre, Digue du large, Accès par navettes maritimes gratuites. Départs toutes les 20 minutes depuis la darse du J4, quai de la Tourette, Marseille 2e. www.mp2013.fr

Pour un jeune artiste, remporter le Prix Fondation d’entreprise Ricard équivaut à un billet d’entrée dans le plus prestigieux des musées français : le Centre Georges Pompidou. Chaque année, depuis 1999, un jury de critiques et de collectionneurs décerne ce prix à un artiste exposé par un commissaire indépendant et lui achète une œuvre, ensuite offerte puis exposée au Centre. En 2009, ce dernier présentait Les Archipels réinventés : une rétrospective des dix premiers lauréats. La deuxième édition se déroule à Marseille, à la Vieille-Charité et réunit les quinze artistes récompensés. On notera la présence, parmi eux, de Boris Achour et du duo Berdaguer & Péjus, marseillais d’origine et en pleine ascension artistique. E.G. Du 28 mai au 22 septembre, Centre de la Vieille-Charité 2, rue de la Charité, Marseille, 2e. 04 91 14 59 18. 5-8 €. www.culture.marseille.fr

JOCHEN GERNER

© Jochen Gerner

« Imaginons que je suis quelqu’un qui découvre un pays. Je vais plutôt aller vers la zone qui n’a pas encore été explorée, m’écarter des chemins qui me semblent déjà balisés », confie Jochen Gerner. Pour un homme du nord, le sud peut se révéler une expérience particulière. L’artiste vit et travaille à Nancy. Il vient confronter ses dessins à l’expérience du soleil, du mistral et des embruns. Bande dessinée, illustration, dessin de presse ou décor d’opéra, Jochen Gerner déconstruit tout ce qu’il touche et s’affranchit de toutes les contraintes en préservant l’acuité de son regard analytique et radicalement poétique. J.-P.V.

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Du 1er au 23 juin, Studio Fotokino , 33, allées Léon Gambetta, Marseille, 1er. 09 81 65 26 44. Entrée libre. www.fotokino.org

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ENFANTS

© Jean-Luc Beaujault

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© Karine Barbier

L’APRÈS-MIDI D’UN FOEHN

L’ENFANT SAUVAGE Qui n’a pas trébuché sur l’apprentissage, le rapport à la norme et plus simplement la différence ? L’Enfant sauvage de Bruno Castan, que Marie Provence a choisi de mettre en scène avec sa compagnie 7e ciel, entre au cœur de tout cela. « La vie m’a amenée à rencontrer des parents d’enfants différents en détresse, confie-t-elle, cette pièce est comme une reconnaissance pour eux ». Elle est ainsi menée de bout en bout avec un autre langage, dans une volonté de décalage avec la réalité qui la rend ouverte à tous à partir de neuf ans. Si le film de

François Truffaut est présent dans les mémoires, Marie Provence a tenu à s’en éloigner, pour travailler plutôt la relation corporelle entre les acteurs. Et ce, dans un décor épuré, propre à l’imagination, pour incarner ce « langage parallèle » qu’elle veut faire entendre. Petit à petit, son Victor à elle trouve sa place et « entre dans la lumière ». Un Victor renversant, joué par Flavio Franciulli, brésilien, comédien et acrobate. La pièce sera ensuite au festival d’Avignon (Théâtre du Petit Chien). M.-L.L.

Les 14 et 15 mai, 19h. Théâtre du Jeu de paume, 17-21, rue de l’Opéra, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 6-20 €. www.lestheatres.net

Les enfants, c’est bien connu, jouent avec des bouts de ficelle. Phia Ménard qui s’est plu à jongler avec des boules de glace, s’entoure maintenant de sacs plastiques qui s’enflent et volent. Elle leur donne vie grâce au vent. Invisible, toujours en mouvement, seul son déplacement permet de le sentir. Et ce sont ici ces sacs plastiques qui viennent lui donner corps en devenant marionnettes. Tout au long de cet étrange ballet sur les notes de Claude Debussy, les corps de plastique traversent l’air avec fluidité et créent des rencontres fortuites au gré des phénomènes thermiques. Objets de moins que rien, ils sont alors transfigurés en danseuse étoile ou en monstre, avec le brio d’un esprit d’enfant. M.-L.L. Du 25 au 27 juin, 10h et 14h30. Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 6 à 12 €. www.theatre-lacriee.com

GRENADE, LES VINGT ANS

© Leo Ballani

Il n’est pas trop tard pour découvrir ce spectacle créé par Josette Baïz pour ses danseurs, petits et grands, à l’occasion des vingt ans de la compagnie Grenade, en 2012. Les sept pièces offertes par les plus grands chorégraphes français (Bel, Découflé, Gallotta, Kelemenis, Lagraa, Maillot, Preljocaj) sont dansées par les enfants et leurs aînés avec une

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virtuosité, une énergie et un humour qui enthousiasment tous les publics. Une formidable initiation à la danse contemporaine ! E.G. Le 31 mai, 20h30. Théâtre de Fos, Avenue René Cassin, Fos-sur-Mer. 04 42 11 01 99. 3-15 €. www.scenesetcines.fr


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WESTERN

© Helico-fascination

Quel enfant n’a pas inventé ses héros, reproduit ses propres drames ? Hier, on coloriait des châteaux de carton, aujourd’hui on agite Playmobils et autres personnages de plastique. Massimo Schuster a ainsi choisi de revenir au décor léger et éphémère du théâtre de papier pour donner plus d’ampleur à sa verve de conteur autour de cette grande mythologie contemporaine qu’est le Western. Pas un ingrédient ne manque : des cow-boys, des Indiens, un saloon, un ranch, une guitare, des bottes, des chevaux, des amours, des coups tordus, des coups de feu, du courage, des trahisons et la justice qui triomphe, enfin. M.-L.L. Le 18 mai, 19h. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. 5-10 €. www.theatre-des-salins.fr

MUSÉE DE L’AVIATION

sauvegarder, acquérir et mettre en valeur le patrimoine aéronautique et technologique régional. Depuis, dans un ancien gymnase, mirages, hélicoptères, broussard, soit une vingtaine d’aéronefs fièrement retapés, exposent leurs carlingues rutilantes. Fabriqués pour la plupart dans l’usine Eurocopter voisine, ils côtoient, à l’étage, une escadrille de 2 500 maquettes à faire rêver plus d’un.

M.-L.L. © Daniela Nieri

Ce n’est pas le Musée de l’air et de l’espace du Bourget, mais le musée aéronautique de Saint-Victoret n’a pas à rougir. Inauguré en grande pompe en mars dernier, ce musée est pourtant né en 2006, après que la commune a décidé d’acquérir une cabine désossée de Canadair et un Pélican 46. Une association portée par un bataillon de bénévoles, souvent retraités de l’aéronautique voisine, a depuis porté l’envol de ce musée avec une mission :

147, boulevard Abbadie, Saint-Victoret. 04 42 34 59 16. 2 €. www.saintvictoret.fr/Histoire-et-patrimoine/Le-Musee-de-l-aviation

WAGON JEUX En juin, la Friche de la Belle de mai inaugure une aire de jeux. Le collectif Encore Heureux, mandaté pour cette création intégrée dans l’un des Quartiers créatifs de Marseille-Provence 2013, n’a pas hésité longtemps avant de choisir cette thématique, en lien direct avec

l’histoire industrielle du lieu. C’est donc un vrai wagon de marchandises que l’on a transporté là, sur les rails encore présents. Il a été « habillé » d’une plateforme à deux niveaux, dont partent des toboggans. On circule dessus, devant et autour, en toute sécurité, grâce aux filets de protection et au sol en caoutchouc. M.-L.L. Friche de la Belle de mai, 41 Rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 04. Entrée libre. www.lafriche.org

©Encore Heureux

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DESTINATION - TEL AVIV

TEL-AVIV, CAPITALE ORIENTALE DE LA (GAY) CULTURE © DR

Chaque année, pendant le premier week-end du mois de juin, la capitale culturelle et économique d’Israël accueille la seule Gay Pride du Moyen-Orient.

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Plus de 100 000 personnes étaient au rendez-vous, l’année dernière, pour parader fièrement à travers la ville blanche, célébrer la culture gay et applaudir une performance remarquée de Madonna, mettant en scène la présidente du Front National. Cette année, et pour sa quinzième édition, la parade israélienne promet d’être un nouveau rendez-vous incontournable pour la communauté homosexuelle. Une communauté dynamique et qui a d’ores et déjà acquis de nombreux droits : reconnaissance des mariages homosexuels contractés en dehors du pays, légalisation des adoptions par des couples de même sexe, entre autres. La parade israélienne partira du Gan Meir Park, lieu emblématique de la communauté gay, puis cheminera vers Gordon Beach où le défilé se transformera en carnaval jusque tard dans la nuit. Un mois plus tard, c’est l’Europride marseillaise qui rassemblera, du 10 au 20 juillet, la communauté gay internationale pour un évènement militant, artistique, culturel et festif organisé à travers la ville. En devenant capitale européenne de la culture et capitale européenne LGBT, la ville promet d’être sous le feu des projecteurs. Alors que le débat sur le mariage pour tous se radicalise, la cérémonie d’ouver-

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DE TEL-AVIV À MARSEILLE, LES GAY PRIDE VONT MILITER POUR LA RECONNAISSANCE DU DROIT À LA DIVERSITÉ SEXUELLE ET À LA DIVERSITÉ DE GENRE EN MÉDITERRANÉE. ture pourrait bien faire grand bruit, avec la célébration du mariage de 2013 couples sur le parvis du MuCEM. De TelAviv à Marseille, les Gay Pride vont militer pour la reconnaissance du droit à la diversité sexuelle et à la diversité de genre en Méditerranée. L.C. www.gaytelaviv.fr www.europride2013.com

Vol au départ de l’Aéroport Marseille Provence à partir de 139 € www.airfrance.fr


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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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RESTAURANT

LE PÉRON

Là, nous avons affaire à une véritable institution datant de 1880 ! Depuis la réouverture en 2001 avec une décoration très années 40 (teck, cuivres, acajou et marbre), Peron est resté un lieu d’exception que l’on savoure de génération en génération. Le point fort étant évidemment une vue merveilleuse sur la baie. L’endroit romantique par définition. La carte, haut de gamme, fait évidemment la part belle aux poissons. Un établissement étoilé au guide Michelin en 2008.

56, Corniche Kennedy 13007 Marseille 04 91 52 15 22

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© Francis Amiand

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HÔTEL RESTAURANT

MAMA SHELTER

Plus qu’un endroit où dormir, le Mama Shelter est un centre de vie, un lieu où l’on se rassemble autour d’un « Live » de musique ou d’un plat à partager sur les tables d’hôtes. Une cuisine simple, conçue par les chefs Alain Senderens et Jérôme Banctel en hommage à la cuisine moderne de la Méditérranée. Au menu, Burrata fougasse aux olives, Beignets de Calamars, Cabillaud en croute de café poids gourmands goma sésame, grand baba de la Mama..pour le plaisir de tous ! Pour les aficionados de l’apéritif une dégustation s’impose au bar à anis : Une Boukha, un Raki, un Pastis, un Gambetta avec de la Poutargue coupée finement sont, entre autres, le moyen d’échapper un instant à la tourmente de la vie moderne afin de prendre le temps de ne rien faire tout simplement. Et après le repas, le ton est donné très vite avec un baby-foot de 4 mètres de long pour jouer à 8 ou 16, près de la scène « Live » et ses instruments de musique suspendus dans le vide. Mama loves you! Réservation restaurant 04 84 35 21 00 ou sur mamashelter.com

64 Rue de la Loubière 13006 Marseille

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RESTAURANT -PLAGE PRIVÉE

L’ACAPULCO

Élue plus belle plage de l’année 2010-2011, cette plage privée est réputée pour son cadre de rêve, son restaurant et... ses jolies filles qui s’y retrouvent le vendredi soir pour des apéros devenus célèbres des Lecques à Saint Cyr ! Depuis 1963, on vient tous «chez Nono» pour commencer l’été, le prolonger, et même plus... Ouvert tous les jours du 15 avril au 15 octobre. Infos & Réservation 06 09 51 64 30

Les Lecques

RESTAURANT

LA VILLA

L’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affirme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jardin, ombragée l’été et chauffée aux jours frisquets. Sa cuisine off re un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée. Infos & Réservation 04 91 71 21 11

113 Rue Jean Mermoz • 13008 Marseille

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RESTAURANT

ALBERT CAFÉ

PASSEZ À TABLE DANS UN JARDIN À BOMPARD... Au déjeuner comme au dîner, venez profiter du calme du jardin du Newhotel Bompard où oeuvres d’art et végétation méditerranéenne vous dépayseront. Dans une ambiance cosy l’hiver ou aux beaux jours sur la terrasse du jardin, le restaurant Albert Café vous accueille dans une ambiance détendue autour d’une cuisine de saison. Parking privé gratuit - Ouvert tous les jours - déjeuner et dîner Infos & Réservation 04 91 99 22 22

2 rue des Flots Bleus • 13007 Marseille • info@albertcafe.com • www.albertcafe.com

RESTAURANT

L’ENTRECÔTE DU HUITIÈME

Après vingt ans passés sur le port, L’Entrecôte du huitieme vous accueille tous les jours, à l exception du dimanche soir, pour déguster sa pièce de bœuf et sa fameuse sauce accompagnée de frites maison. Infos & Réservation 04 91 25 07 06

386 Avenue du Prado • 13008 Marseille

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SALON DE THÉ - BOUTIQUE DE DÉCORATION

AD CAFÉ

Installez-vous une seule fois ici, et l’AD café deviendra votre seconde maison… Un lieu idéal pour se ressourcer quelques heures et oublier ainsi le chaos de la ville le temps d’un déjeuner, d’un thé ou d’une pâtisserie maison… le tout dans une ambiance jazzy. L’AD Café est aussi une véritable malle aux trésors, un endroit remplit d’idées déco : horloges, lampes, miroirs, bougies, fioles, boites… etc. sélectionnés avec soin par Céline dont la décoration est à l’origine le métier. Il est aussi possible d’organiser une séance coaching-déco à domicile pour les plus séduits par l’originalité de l’endroit. Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 18h • Infos & Réservation 09 82 39 14 42

7 Boulevard Notre Dame 13006 Marseille

RESTAURANT

LE COMPTOIR MARSEILLAIS

Installé sur la Corniche avec vue sur la mer de la terrasse ou de la salle, Le Comptoir Marseillais, vous reçoit pour déguster une cuisine Bourgeoise. Les cartes évoluent au gré des saisons pour vous proposer à midi un déjeuner simple et rapide et le soir un diner plus élaboré, des vins à choisir dans une magnifique cave en verre. Le dimanche le brunch vient compléter la carte. Et tous les soirs des apéritifs ou digestifs dans notre espace bar. Si vous avez besoin d’un lieu pour vos évènements : www.lecomptoirmarseillais.com Infos & Réservation 04 91 32 92 54 • www.lecomptoirmarseillais.com

5 Promenade Georges Pompidou • 13007 Marseille

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HÔTEL & RESTAURANT

CHÂTEAU DE LA PIOLINE

Cessez de cherchez un lieu différent...Venez !

Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence. Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel 260 rue Guillaume Du Vair 13546 Aix en Provence • 04 42 52 27 27 contact@chateaudelapioline.com • www.chateaudelapioline.com

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RESTAURANT

VAPIANO

Entre l’ambiance décontractée d’un restaurant de quartier et le cadre soigné d’un lieu où il fait bon dîner, VAPIANO conquiert le territoire marseillais à un rapport qualité-prix imbattable. Voici donc un nouveau concept en France, déjà présent en Europe et en Amérique du Nord avec plus de 100 établissements VAPIANO au décor italien à la fois moderne et chaleureux. Venez découvrir la fraîcheur des produits, la préparation sous vos yeux par nos Vapianisti – avec le sourire! - de la composition que vous avez choisie, que ce soit une pizza, une sélection parmi onze types de pâtes fraîches et vingt recettes différentes, ou encore votre grande salade garnie. Tout ceci en totale liberté, vous pouvez prendre votre temps, manger rapidement, ou emporter votre repas. Votre carte individuelle VAPIANO consignera ce que vous avez dégusté, que ce soit au bar, ou sur les pôles de restauration Pizzas, Pâtes, et Salades. Infos & Réservation 04 91 48 83 35

20 Avenue du Prado • 13006 Marseille

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Juin 2013 urbanisme / Architecture / Design 130

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