8e art magazine - n°24

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8 e art magazine • mars-avril 2013


8e art est une publication bimestrielle des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille 09 81 80 63 79 Numéro ISSN : En cours d’attribution Dépôt légal : Mars 2013 Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Logistique, diffusion et partenariats : Romuald Protin r.protin@8e-art-magazine.fr 04 91 41 63 79

# 24 MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

mars - avril 2013

Webmaster éditorial : Léa Coste l.coste@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Joël Assuied, Cécile Cau, Léa Coste, Fred Kahn, Marco Jeanson, Olivier Levallois. Service commercial : 09 81 80 63 79 Tirage : 20.000 exemplaires Impression : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56

La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

En couverture. Château La Coste Tom Shannon, Drop, 2009 © Tom Shannon 2012

J

+ 60 : Marseille-Provence 2013 bat son plein et atteint son rythme de croisière. Depuis que les « anges » sont passés, l’offre culturelle est devenue pléthorique. Une aubaine pour les journalistes et les passionnés, mais aussi, parfois, un casse-tête, car le menu ressemble à la carte de certains restaurants chinois : aussi foisonnante qu’énigmatique. Pour guider ses lecteurs et remplir au mieux sa mission, 8e art s’enrichit de nouvelles rubriques. De nouveaux rendez-vous structurent la première partie du magazine comme autant de mise en bouche ou hors d’œuvres. L’occasion de découvrir de nouveaux lieux, s’attarder sur une œuvre, un objet ou un mur marseillais, lire, écouter, se promener dans la région… Suit l’entrée : un « focus » thématique sur Les Mille et une nuits à la mode de MarseilleProvence 2013, c’est-à-dire mijotées par Macha Makeïeff et Angelin Preljocaj, pour ne citer que les chefs étoilés. Le plat principal – de saison – décline une bonne douzaine de manière de prendre un bon bol d’art. Cette sélection de manifestations artistiques à ciel ouvert souligne une tendance actuelle de l’art à sortir de ses cadres traditionnels et institutionnels. Le phénomène est bien plus qu’une mode et révèle la volonté des artistes d’aller à la rencontre du réel comme du public. Initiés ou labélisés par Marseille-Provence 2013, une foule de projets printaniers invitent au voyage. On va pouvoir parcourir le GR®2013, tracé comme une œuvre d’art ; écouter un opéra minéral sur la sainteVictoire ou une symphonie éolienne aux Goudes ; goûter les œuvres – et le vin – du Château La Coste, mais aussi les recettes de chefs proposées par les Grandes Carrioles ; découvrir sous un jour inédit le Panier, la Belle de Mai, les tunnels marseillais et les jardins du Pharo ; explorer la ville ou ses environs en compagnie d’artistes… Pas encore rassasié ? En guise de farandole des desserts, les pages « Sortir » proposent un assortiment de concerts, ballets, spectacles et expositions, ainsi qu’une nouvelle rubrique « enfants ». Bon appétit ! Emmanuelle Gall


SOMMAIRE

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

#24

mars - avril 2013 08

ACTUS

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LA RENCONTRE Stéphane Moginot L’homme (qui) orchestre Watt !

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L’OEUVRE Michelangelo Pistoletto Love Difference, Mar Mediterraneo

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L’ENDROIT La nouvelle Friche, guide de l’utilisateur

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L’ARTISTE Bernard Pesce, photographe pour femmes

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L’OBJET La chaise photographique

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LE MUR Lapins malins

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LE GUIDE Croquis croquants de Malika Moine

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L’ALBUM Raphaël Imbert, Heavens, Amadeus & The Duke

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LA REVUE Esprit de Babel

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LA LIBRAIRIE La salle des Machines

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LE VILLAGE DE David Walters

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LE RESTAURANT Taxi 2, le retour de Fabien Rugi LA BALLADE La Fondation Blachère fête ses dix ans

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FOCUS

LES MILLE ET UNE NUIT DE MARSEILLE-PROVENCE 2013 42

Ali Baba, l’Orient rêvé de Macha Makeïeff

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Les Nuits féminines d’Angelin Prejlocaj

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Murielle Mayette invite l’Orient à la ComédieFrançaise

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A suivre...


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DOSSIER

L’ART PREND L’AIR

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GR®2013 La randonnée à l’œuvre

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Oiseaux tonnerre Des profondeurs aux sommets

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Pierre Sauvageot Créations pour grands espaces

68

Château La Coste De l’art et du vin

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Parcours urbains Recréer la ville

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Quartiers créatifs Jusque dans les tunnels

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JR La Belle de Mai s’affiche

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Bernar Venet Désordre au Pharo

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Les grandes Carrioles Entre street art et street food

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PORTFOLIO Rencontres du 9e art GEORGES ET SES « AFFICHES À JOUER »

98

L’ÉVÉNEMENT La région inaugure ses chefs-d’œuvre

100 SCÈNES 104 MUSIQUES

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110 EXPOS 116 ENFANTS

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ACTUS

LA PHOTO

DES ANGES SONT PASSÉS… Encensée par les journalistes locaux, parfois dénigrée par leurs collègues parisiens, la fête d’ouverture de MarseilleProvence 2013 aura laissé à chacun des quelque 400 000 spectateurs présents une impression et un souvenir différents. Au gré de leur parcours, des rencontres et hasards − heureux ou malheureux −, les Marseillais ont en tous cas vécu une soirée unique et mémorable. Et ceux qui se trouvaient cours d’Estienne d’Orves, à 19 h ou à 23 h, ne 6

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Photo Marco Jeanson

sont pas près d’oublier le passage des anges des Studios du Cirque. S’il ne fallait garder qu’une image de la soirée du 12 janvier, ce serait sans doute celle de l’apparition dans le ciel marseillais des voltigeurs inondant la place de millions de plumes. Un moment de magie et de poésie à l’adresse de tous, sans exception : minots, ados, anciens, touristes ou intellectuels… Puisse 2013 nous réserver d’autres moments comme celui-là.


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ACTUS

CINÉMA

ÉCRANS VOYAGEURS

À LA RENCONTRE DES RÉALISATEURS

Jusqu’au 13 avril, la nouvelle édition des Écrans voyageurs, pilotés par l’association Cinéma du Sud propose un parcours cinématographique – en sept escales – à la rencontre d’autant de réalisateurs invités et de leurs œuvres. Au programme : des rétrospectives, des leçons de cinéma et des cartes blanches, le tout décodé par quelques critiques de la revue Positif. Après Santiago Mitre à Arles, Laurent Cantet à Martigues et Marco Tullio Giordana à Vitrolles, durant le mois de février, l’itinérance cinéphilique se poursuit. Le week-end du 9 et 10 mars, le cinéma Le Mélies à Port-de-Bouc propose une rétrospective Rabah Ameur Zaïmeche, dont le regard porté tantôt sur notre époque (Wesh Wesh, Dernier maquis), tantôt sur les aventures de hors-la-loi du XVIIIe siècle (Les Chants de Mandrin), traduit la permanence d’un questionnement social et politique. L’escale suivante aura lieu à Marseille. Du 20 au 24 mars, L’Alhambra reçoit Walter Salles, le réalisateur de Carnet de voyage et du récent Sur la route (adaptation du livre mythique de Jack Kerouac). Une rencontre placée sous le signe du mouvement et du voyage. Puis, du 5 au 9 avril, on pourra (re)découvrir, à L’Institut de l’Image d’Aix, l’œuvre du Philippin Brillante Mendoza. Son travail, en estompant de manière troublante la frontière entre fiction et documentaire, interroge le sentiment de réel dans une narration fictionnelle. Enfin, la dernière escale nous conduira à Salon-de-Provence, du jeudi 11 au samedi 13 avril, aux Arcades et au Club, avec l’univers burlesque et chorégraphique du duo formé par Dominique Abel et Fiona Gordon. Derrière l’apparence de l’esthétique acidulée de comédie musicale des années 60, c’est l’indicible des sentiments humains, de l’amour à la mort, que ces héritiers de Tati, Chaplin, Keaton ou d’Étienne Decroux mettent en scène. www.cinemasdusud.com

LES RENCONTRES DU CINÉMA SUD-AMÉRICAIN

DES RACINES ET DES HOMMES Cette année, Les Rencontres du cinéma sud-américain, dont l’invité d’honneur est le cinéaste mexicain Jorge Fons, se déroulent du 15 mars au 30 avril. Pour cette 15e édition, la programmation développe le thème de l’errance et des racines, à travers quarante-six films, courts et longs, de fiction ou documentaires, provenant de onze pays sud-américains. L’occasion d’évoquer les destins de ceux qui, du Vieux au Nouveau Monde, immigrés, émigrés ou autochtones, ont été pris dans les grandes migrations de l’Amérique du Sud. Six cinéastes participent aux différents débats. La soirée du 19 mars est consacrée à l’Argentin Juan Pablo Zamarella, avec une rétrospective et une master class sur les techniques d’animation (stop motion). Du 15 au 23 mars, Friche de la Belle de Mai. Et du 24 mars au 30 avril, dans une dizaine de lieux de la région. Renseignements : 04 91 48 78 51. www.cinesud-aspas.org 8

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ACTUS

MP2013

C’EST QUOI CE SOUK (DES SCIENCES) ?

De drôles d’étals itinérants investissent la place publique. On n’y vend rien, mais on y donne : des théories scientifiques, des expériences amusantes, des démonstrations, de physique, d’astronomie, de chimie, de naturalisme, de biologie. « Si tu ne vas pas à la science, la science viendra à toi », pourrait être la devise de ce Souk des sciences, qui fête ses dix ans cette année en s’inscrivant dans la programmation Marseille-Provence 2013. Initié par l’Espace Science et Culture de l’Université de Provence, le propos est de faire se rencontrer chercheurs et grand publique autrement. Cette année le Souk s’installe dans quatre lieux, avec une thématique chromatique pour chacun d’eux : rouge (le 3 avril à Gardanne), vert (le 10 avril à l’Estaque), rose (le 15 mai à Aix) et bleu (le 22 mai à Belsunce).

COLLOQUE DE TANGER, LE RETOUR

En 1975, Le Colloque de Tanger réunissait, dans la ville marocaine, des artistes et intellectuels autour de Brion Gysin et de William S. Burroughs : écrivains, poètes et performeurs de la beat génération. Près de quarante ans après cette initiative de l’écrivain Gérard-Georges Lemaire, le CIPM (Centre International de Poésie Marseille) organise une nouvelle édition de l’événement, en collaboration avec l’Institut français et le Salon du livre de Tanger. La manifestation débute à Tanger et se poursuit dans la région. Plusieurs concerts, lectures, performances, expositions, projections, spectacles vivants sont programmés. Une incitation à se (re)plonger dans l’aventure expérimentale et poétique initiée par la génération pour qui penser, créer et voyager participaient d’un même élan vital.

Renseignements : 04 13 55 10 92. http://maisondessciences.univ-provence.fr

Du 11 au 14 avril, CIPM. Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, Marseille, 2e. 04 91 91 26 45. www.cipmarseille.com

PENDANT CE TEMPS À KOŠICE…

Dans l’autre capitale européenne de la culture, le mois de mars est consacré à l’audiovisuel et au cinéma, à l’occasion du 20e anniversaire du Festival Febio Fest (traditionnellement basé à Prague). Au programme : une sélection de fictions et de documentaires slovaques patrimoniaux ou contemporains, ainsi qu’une rétrospective de l’œuvre de Juraj Jakubisko, un scénariste et cinéaste emblématique de la région. Marseille est aussi à l’honneur des écrans slovaques, avec la présentation de quelques-uns des longs métrages du réalisateur Robert Guédiguian, dans le cadre du programme d’échange entre les deux villes En avril, notre alter ego culturel se tourne vers la bande dessinée et le roman graphique. La Maison Européenne de poésie de Košice présente, à travers plusieurs expositions, une sélection importante de bandes dessinées et romans graphiques franco-belges.

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ACTUS

EN BREF

YES, THEY CAMP

Derrière leur slogan au militantisme empreint d’autodérision, « Yes, we Camp », on trouve l’un des projets les plus enthousiasmants du off de Marseille-Provence 2013. Imaginez un camping de 150 places qui serait en même temps un espace de rencontre créatif, festif et écologique ouvert à tous. Un camping participatif accueillant toutes les bonnes volontés : artistes, bricoleurs, militants, écolos, urbanistes, architectes, voisins ou simple curieux. Imaginez encore que ce camping expérimental se trouve à la fois dans la ville, près des falaises et en bord de mer. Une utopie ? C’est pourtant bien le projet que l’équipe de Yes, we camp s’apprête à réaliser le temps d’une saison estivale. Après la présentation à La Friche d’un « prototype festif » en janvier dernier, lors du week-end d’ouverture de Marseille 2013, un appel à propositions a été lancé. Entièrement financé par contributions, le projet entre à présent dans sa phase de réalisation. Du 1er au 22 avril, débutera le chantier collectif sur le port de la Lave à L’Estaque, zone limitrophe à la frontière nord de Marseille, entre ville et nature, site touristique et zone industrielle. Une fois achevé, le camping sera doté d’une scène, d’une buvette-restaurant, de sanitaires écologiques, de résidences d’artistes, d’échoppes, d’un potager mobile, d’espaces de jeux et de travail pour petits et grands. Les projets retenus se grefferont à ces premières infrastructures. Des animations seront programmées : concerts, ateliers, performances, jeux, et un week-end festif par mois. Pensé sur le modèle du village, le lieu se veut perméable à son environnement proche. Comme le précise Eric Pringels, l’un des initiateurs du projet : « Ce camping ouvre un espace et un temps pour expérimenter une nouvelle pratique d’habitation urbaine. Cette expérience est un mélange entre l’architecture contemporaine, les pratiques écologiques et les campements de Roms, sans chercher cependant à être dans un militantisme direct. » They have a dream… Port de la Lave, l’Estaque, Marseille, 16e. Chantier collectif, du 1er au 24 avril. Ouverture du camping : du 26 avril au 30 septembre. www.yeswecamp.org. 12

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LES MERCREDIS DE MONTÉVIDÉO Non, Montévidéo n’est pas fermé. Le lieu dédié aux pratiques d’écritures contemporaines et aux musiques improvisées lance même un nouveau rendez-vous hebdomadaire, chaque mercredi soir, « de 19h30 à minuit pile ». Au programme : lectures, concerts, performances, ou projections, proposés, notamment par des artistes en résidence à Montévidéo. Le 13 mars, l’écrivain et performeur Christophe Fiat rencontre le musicien et plasticien Nicolas Fenouillat. Le 27 mars, c’est le GRIM qui programme le 3e volet de sa série Impasse Invaders : l’Américain Lee Noble (ambient psyché) et le trio Powerdose (folk improvisée intimiste), formé autour de la pianiste et accordéoniste Annie Lewandowski. Montévidéo. 3, impasse montévidéo, Marseille, 6e. 04 91 37 97 35. www.montevideo-marseille.com


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LA RENCONTRE

Stéphane Moginot

L’HOMME (QUI) ORCHESTRE WATT !

© N.Iko

Propos recueillis par Olivier Levallois

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LA RENCONTRE

STÉPHANE MOGINOT

« LE ‘‘TRAVAILLER ENSEMBLE’’, C’EST QUELQUE CHOSE D’IMPORTANT QUI MANQUE AU TERRITOIRE. » l est aujourd’hui le chef de projet « Musique et Cultures urbaines » de MarseilleProvence 2013. Une fonction que Stéphane Moginot doit à quinze années passées dans l’industrie de la musique, dont une grande partie dans la région. L’homme, qui se décrit comme un « curieux maladif », est un passionné de voyages, de rencontres et de musique. Il raconte avec un enthousiasme communicatif son projet du moment, Watt !, qui a débuté avec des résidences d’artistes, il y a plusieurs mois, et se conclut, en mars, sur trois jours de concerts durant Babel Med Music.

J’imagine que cette première sélection ne s’est pas faite sans difficulté… Déjà, il faut appréhender le territoire, ses acteurs, ses artistes, ses opérateurs. Sans prétendre tous les connaître, à force de travailler dans la région, j’ai une bonne idée de ce qui s’y trame. Cela m’a permis de savoir assez rapidement si les projets étaient viables, et surtout si on pouvait éventuellement rapprocher certaines personnes pour qu’ils travaillent ensemble. Le ‘‘travailler ensemble’’ c’est quelque chose d’important, qui manque au territoire. Ce projet était une opportunité pour favoriser ces rapprochements.

Pourquoi ce nom, Watt ? Watt, au départ, c’est l’unité de puissance électrique des instruments de musique. Mais, ici, ce sont les initiales de la phrase «What about today and tomorrow ?» Qu’en est-il d’aujourd’hui et de demain ?

Sur le papier, Watt ! est protéiforme. Il est international, local, et implique différentes temporalités, différents médiums, et une cinquantaine d’artistes. Pouvez-vous traduire cette apparente complexité ? Watt !, c’est avant tout cinq résidences d’artistes, en Égypte, en Algérie, en Tunisie, et (deux) à Aix, produisant cinq créations. D’une part, il semblait intéressant de mettre en présence des acteurs de la scène des musiques actuelles marseillaises avec la jeunesse du monde arabe, qui a vraiment des choses urgentes à dire. Et, d’autre part, de les faire rencontrer des pionniers de la diaspora arabe, venant de la scène hip-hop américaine qu’ils écoutent tous. Je pense, entre autres, à l’Irakien The Narcisyt et la chanteuse algérienne, Meryem Saci, tous deux installés au Canada, ou encore à Omar Offendum, un Syrien vivant à Los Angeles.

Comment s’est construite la programmation ? On n’est pas parti d’une page blanche. Il y a eu un appel à projet. Il a fallu faire un tri, par rapport à la qualité artistique, la capacité des opérateurs à porter ces projets. Puis, on a dû les agencer dans une programmation cohérente. J’aime travailler avec des contraintes. Je trouve ça plus stimulant que de partir de zéro. Cela m’amène à chercher des choses que, de moi-même, je n’aurais pas eu le temps ou la volonté de chercher.

Comment ont été pensés ces rapprochements ? L’idée n’était pas de jouer au grand manitou et d’envoyer des Égyptiens en Tunisie ou des Libanais au Maghreb sans raison. C’est une mise en relation d’artistes qui ont, selon moi, quelque chose à se dire. Dans la création Sound(Z) of freedom, il y a Kalash l’afro, qui est d’origine tunisienne. On a trouvé intéressant qu’il aille dialoguer avec les rappeurs tunisiens d’Armada Bizerta, qui étaient en première ligne lors de la révolution. Mais on 8e art magazine • mars-avril 2013

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LA RENCONTRE

STÉPHANE MOGINOT

TROIS QUESTIONS À

Ahmad Compaoré

Comment avez-vous intégré le projet Watt ? J’ai répondu à l’appel à projet de Marseille-Provence 2013, qui a retenu mon festival «Musique Rebelle». Stéphane Moginot m’a par la suite rencontré, pour me parler de leur désir de travailler autour du hip-hop arabe méditerranéen. Découvrant mes origines égyptiennes, il m’a proposé de partir au Caire, pour rencontrer des artistes comme Arabian Knightz ou MC Amin. Votre domaine musical habituel c’est plutôt l’improvisation. Comment s’est passée la rencontre avec les rappeurs égyptiens ? À l’origine, je viens de cette culture hip-hop. Travailler avec des rappeurs c’est donc pour moi un retour aux sources. Le fait d’y revenir aujourd’hui, après d’autres expériences, est intéressant. Depuis plus de dix ans, je vais régulièrement en Égypte. Aussi, cette musique, je la connaissais. Mais dans le hip-hop, ici ou là-bas, l’important c’est de mettre en valeur les textes, de créer un son, un groove servant bien le flow du chanteur. C’est aux musiciens de faire ce chemin vers eux. Le rythme tient une place essentielle. Il donne une forme de revendication, d’engagement militant à cette musique.

n’a pas voulu non plus systématiser et plaquer un schéma d’organisation. Pour la création Kheper/ Watt !, on a fait se rencontrer Imhotep d’IAM avec le rappeur Yassin Alsaman, alias The Narcisyst. Ce dernier m’a expliqué qu’il a commencé le rap en écoutant IAM. Là, c’est davantage la diaspora arabe qui rencontre la scène hip-hop marseillaise. Comment s’est concrètement organisée la greffe entre Watt ! et Babel Med Music ? La coproduction entre Marseille-Provence 2013 et le festival a permis de créer une scène supplémentaire dédiée aux nouveaux sons de la Méditerranée, pour y présenter quatre groupes. En outre, le festival accueille les cinq créations de Watt ! pendant trois jours, à raison de trois groupes par soirée. Il y a les résidences, les concerts, mais aussi des films dans ce projet. Pourquoi cette troisième forme artistique ? On a compris que ce projet n’allait pas se gagner uniquement avec du monde devant une scène. Il peut aussi perdurer à travers des films. Voilà pourquoi on a demandé à la journaliste Hind Meddeb d’Arte de nous suivre, afin de réaliser un making of de cinq films de cinq minutes chacun. L’autre contrepoint filmique du projet est une série de cinq courts-métrages musicaux, mis en scène de manière décalée 16

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© Chris Boyer

Batteur et percussionniste marseillais d’origines égyptienne et burkinabé, Ahmad Compaoré est le directeur artistique de Zamalek, la création produite lors de la résidence égyptienne du projet Watt.

Quelle est la particularité du rap égyptien par rapport à d’autres scènes ? Ils ont su utiliser la musique traditionnelle pour se créer une identité propre, sans chercher à copier le son américain. Et il y a aussi un danger, une urgence, un engagement dans le flow des chanteurs. Tu sens qu’ils ont vraiment envie que ça change. Aujourd’hui, ils ont le meilleur esprit pour cette musique. Le 21 mars, 19h30, Théâtre du Bois de l’Aune, 1 bis, place Victor Schoelcher, Aix-en-Provence. 04 42 93 85 43. Entrée libre. (réservation conseillée). Le 23 mars, 19h, Docks des Suds, 12, rue Urbain V, Marseille, 2e, 04 91 99 00 00. 15 €. www.musiquerebelle.com

et poétique par le réalisateur Stéphane Barbato. Produits par Mécènes du Sud et Marseille-Provence 2013, ils ont été réalisés, en qualité cinéma, dans des lieux insolites des entreprises du territoire. Quels sont vos critères personnels de réussite pour ce projet ? Son existence est déjà une réussite. Avoir pu créer ces échanges fait aussi partie intégrante du succès du projet. J’espère que ça va donner envie à tous ces artistes de continuer à dépasser leurs frontières géographiques et musicales. Par exemple, avant la résidence en Égypte, les musiciens de l’électro chaabi et du hip-hop ne travaillaient pas ensemble. Depuis, j’ai appris que Sadat, figure de l’électro Chaabi au Caire, et le rappeur MC Amin viennent de faire un concert commun. Nous, les organisateurs, ne sommes que des chevilles ouvrières, des passeurs.

WATT

Du 21 au 23 mars 2013, au Théâtre du Bois de l’Aune (Aix-en-Provence) et pendant Babel Med Music (Marseille).

WWW.

dock-des-suds.org mp2013.fr.


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L’OEUVRE

LOVE DIFFERENCE, MAR MEDITERRANEO

Michelangelo Pistoletto

LA MÉDITERRANÉE A SA TABLE Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Vincent Ecochard

Michelangelo Pistoletto, Love Difference, Mar Mediterraneo, 2003-2005,

miroir, bois, métal, osier, cuir et laine, 800 x 380 cm, Fonds National d’Art Contemporain.

À

l’heure où Marseille-Provence 2013 célèbre la Méditerranée, dans tous ses états, une œuvre « marseillaise » mérite d’être (re)découverte. C’est Love Difference, Mar Mediterraneo de l’artiste italien Michelangelo Pistoletto, acquise en 2007 par le Fonds National d’Art contemporain et conservée au [mac]. L’installation se compose d’une table de huit mètres de long, découpée dans un miroir reproduisant les contours de la Méditerranée, de trois tapis de prière et de vingt-deux sièges disparates. Autant de chaises, fauteuils, poufs que de pays bordant la mer, mais aussi, que de cultures et d’identités aux rapports souvent conflictuels. Dans la salle du musée, rares sont les visiteurs qui osent activer l’œuvre en s’y attablant. Elle est pourtant, dans l’esprit de son créateur, une installation à vivre : il faut choisir son siège et faire face à son propre reflet dans le miroir et/ou à ses éventuels commensaux pour en ressentir la portée. Conçue en 2003, pour la Biennale de Venise, la Tavolo del mediterraneo a souvent voyagé et reçu une foule d’artistes et d’intellectuels concernés par le rapprochement 18

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des peuples méditerranéens. À bientôt quatre-vingt ans, le fondateur de l’Arte Povera entend plus que jamais œuvrer pour une société plus tolérante, comme l’indique son slogan et mouvement « pour une politique interméditerranéenne » : Love difference. Cette utopie pragmatique, née à la très active fondation Cittadellarte, créée par Pistoletto à Biella, sa ville natale, trouve une juste incarnation dans Love Difference, Mar Mediterraneo. Habile métaphore de cette mer, déjà décrite par Gabriel Audisio en 1935, comme « un continent, non pas un lac intérieur, mais une espèce de continent liquide aux contours solidifiés ».

[MAC]

69, avenue de Haïfa , Marseille 8e. 04 91 25 01 07

WWW.

mac.marseille.fr


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FRICHE, GUIDE DE L’UTILISATEUR Grâce au « turbo MP 2013 », la Friche est en passe de devenir l’un des principaux pôles culturels de Marseille, programmant 500 événements par an, générant 500 emplois sur une surface de 45 000 m². Après vingt années de travaux, confiés aux architectes marseillais Mathieu Poitevin et Pascal Reynaud, le site devrait prendre une apparence définitive en 2014. Par Marco Jeanson

ENTRÉE

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LA CARTONNERIE

LA SALLE SEITA

12 rue François Simon

LE PETIT THÉÂTRE

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LE STUDIO

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LES ALGECOS

LES GRANDES TABLES SKATE PARK 41 r

ENTRÉE

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Job

in

CABARET ALÉATOIRE


L’ENDROIT

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LA FRICHE LA BELLE DE MAI

LA VILLA 2013

Située à l’entrée côté rue François Simon, elle doit son nom au fait qu’elle a hébergé l’équipe de la candidature de Marseille à la Capitale européenne de la culture (installée, depuis l’attribution, à la Maison Diamantée). À terme, elle recevra en résidence des artistes de toutes disciplines. 2

L’INSTITUT MÉDITERRANÉEN DES MÉTIERS DU SPECTACLE

L’IMMS, dédié à la formation professionnelle dans le domaine du spectacle vivant (comédiens, techniciens), sera situé entre la salle Seita et la Villa 2013. La livraison du bâtiment est prévue pour mars 2015. 3

LA VILLA DES AUTEURS

Une résidence dédiée à la littérature. Elle abrite, à l’étage, un appartement pour les auteurs et leurs invités et, au rez-de-chaussée, la maison d’édition indépendante Le Bec en l’air et l’association Des Auteurs Aux Lecteurs.

LES NOUVEAUX THÉÂTRES

Il s’agit de deux salles exclusivement dédiées au théâtre, l’une de 400 places, l’autre de 150. Le chantier, estimé à 4 M d’euros n’a pas encore commencé, mais le public devrait pouvoir en profiter dès le mois d’octobre. 4

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L’AIRE DE JEUX

En projet. L’aire de jeux sera un « vrai-faux » train stationné sur une des trois voies encore présentes à la Friche. Deux châssis de wagons de marchandises pour le bonheur des minots.

LES MAGASINS

Bâtiment de 7500 m2 réhabilité en bureaux et ateliers pour les artistes et producteurs résidents – une cinquantaine de « frichistes ». Trois espaces accueillent des visiteurs : L’Atelier du Dernier Cri (qui propose un vernissage tous les 13 du mois), Le Petirama (petite salle d’exposition) et Le Transistor (cybercafé dédié aux arts numériques).

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LA CRÈCHE

Construite en pierre et en bois, cette crèche associative est ouverte à tous. Depuis le 2 avril 2012, elle accueille 50 enfants.

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TOUR-PANORAMA

Pièce de résistance de la nouvelle Friche, la Tour est un ancien bâtiment industriel du XIXe siècle réhabilité en 4 plateaux d’exposition de 750 m2. Au rez-dechaussée, ont été installé un espace d’accueil et une librairie-boutique. Depuis le dernier étage, on accède au Panorama, parallélépipède de plastique blanc trônant au sommet de la Friche, lieu d’exposition le plus haut de plafond de Marseille. Entre les deux et s’étalant vers le nord, un toit-terrasse de 7500 m2, qui deviendra à terme une place publique.

FRICHE DE LA BELLE DE MAI

41, Rue Jobin, 13003 Marseille. 04 95 04 95 04

WWW.

lafriche.org

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L’ARTISTE

« À bientôt soixante ans, je découvre les femmes. Ce sont elles qui font le vrai travail et sauveront le monde. »

BERNARD PESCE

Bernard Pesce

PHOTOGRAPHE POUR FEMMES Installé à Marseille depuis quinze ans, le photographe rend hommage aux femmes de la Méditerranée, en leur donnant la parole… et une image. Texte : Emmanuelle Gall • Portrait : Irène de Rosen

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Bernard Pesce, Marie-Louise, 2013, 90 x 135 cm.

« Personne ne me reconnaît, je suis dans le vide ». Issue d’une famille de Harkis ayant fui l’Algérie, Marie-Louise a découvert la France sous les traits d’un camp militaire. Très sûre de son message, elle a soigné les moindres détails de son apparence : le foulard de sa mère sur la tête, des écharpes rouge et bleu sur un t-shirt blanc. Elle a également fabriqué elle-même la pancarte qu’elle tient à la main et y a inscrit son prénom – si éloquent.

Racontez-moi votre histoire… » En 2008, lorsqu’il a passé cette annonce à l’adresse des femmes marseillaises, dans la presse gratuite locale, Bernard Pesce était loin d’imaginer l’ampleur que prendrait cette aventure. Il était en revanche très déterminé dans son désir d’inverser les traditionnels rôles du photographe et du modèle, de donner à chacune de ces femmes la possibilité d’imaginer sa propre image. Après avoir photographié pendant trente ans les mannequins et les stars pour la presse, il avait envie de rencontrer les femmes autrement, de leur laisser la main. Pour ce faire, il a établi un protocole en trois actes et longuement rencontré ses modèles avant de fixer leur image. Sur les quelque cinq cents femmes rencontrées, quarante sont allées au bout du voyage, en posant à leur guise, devant le même rideau noir. Qu’ont-elles fait de cette liberté ? Le résultat est à l’image de leur diversité. Issues du bassin méditerranéen, du brassage des cultures, ces femmes dévoilent tantôt leur parcours, parfois douloureux, tantôt leurs fantasmes. Si certains de ces portraits peuvent apparaître choquants ou provocateurs, c’est à la mesure des outrages subis et de la violence des secrets longtemps gardés. Dépositaire de ces intimités, Bernard Pesce charge la photographie d’une fonction introspective et/ou cathartique. Au photographe comme à ses modèles, la rencontre aura permis de mieux se connaître. Et, avec cette série, Bernard Pesce affirme autant son humanité que la qualité de son art. BERNARD PESCE

Jusqu’au 6 avril, Loges de la Bastide Saint-Joseph, Mairie des 13e et 14e arrondissements, 72, Rue Paul-Coxe, Marseille, 14e. Entrée libre.

WWW.

planetemergences.org 8e art magazine • mars-avril 2013

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L’OBJET

LA CHAISE PHOTOGRAPHIQUE

LA CHAISE PHOTOGRAPHIQUE Les restaurateurs locaux se les arrachent et les Japonais en demandent. Entre récup et objets photographiques, les chaises créées à Marseille par les Jnoun, alias Philippe Ivanez et Nadi Lagati, sont déjà cultes. Texte : Marco Jeanson • Photos : Jnoun Factory

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l y a eu les chaises à bascule, les chaises musicales, les chaises électriques… Voici venu le temps de la chaise photographique. Gloire à Philippe Ivanez, quarante-sept ans, photographe mais aussi cuisinier, designer, graphiste, vidéaste... Le Français d’origine espagnole, né en Algérie, s’est associé avec une Italo-Berbère née à Lyon, Nadia Lagati, pour fonder l’association les Jnoun (pluriel de jinn, esprit, créature surnaturelle). Leur « factory » a de multiples activités et, la plupart du temps, fait de l’événementiel culinaire pour la Ville, le Conseil général, le Conseil régional, le festival Mimi ou encore le bar du théâtre des Salins. Et quand il ne fait ni vidéo, ni cuisine, ni design, le tandem part un peu partout dans le monde pour rapporter des photos. Et des objets. Et des films. Et des idées de recettes… L’idée de la chaise photographique lui est venue un jour, dans la rue, en trouvant des chaises. Philippe Ivanez cherchait alors un moyen de relier la cuisine des Jnoun au design. C’était il y a six ans. Il fait imprimer ses photos en tirage numérique autocollant avec plastification anti-rayure, antitache et anti-UV. Puis, il les colle sur du 24

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mobilier de cuisine en résine mélamine, type Formica des années 50, un support idéal parce que très lisse. « Une heure et demie de boulot par chaise, dit-il, je démonte et nettoie tout, y compris les crottes de nez. » La suite ? Il y a trois ans, Pierre Hivernat (ancien journaliste aux Inrockuptibles et directeur artistique à La Villette) monte sa galerie, Le Magasin de Jouets à Arles, et lui achète un lot de chaises. « Son réseau m’a fait exploser, reconnaît Philippe Ivanez. De là, j’ai inondé les restos branchés de Marseille : la pizzeria L’Eau à la bouche, Le Rowing Club, Le Café des Epices. » Jusqu’au bar du cinéma Les Variétés, qu’il vient de reprendre et de rebaptiser La Jetée, en hommage à Chris Marker. Philippe Ivanez a déjà vendu plus de mille chaises. On commence à les trouver sur un site marchand, au prix de 120€. Et elles s’exportent en Suisse, au Japon…

WWW.

lesjnounfactory.over-blog.com


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LE MUR

LAPINS MALINS

ANGLE DE LA CANEBIÈRE ET DE LA RUE DES RÉCOLLETTES, LE 7 FÉVRIER 2013 Photo : Marco Jeanson

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LE GUIDE

CROQUIS CROQUANTS

COUPS DE FEU ET COUPS DE PINCEAU Les « croquis croquants » – et craquants – de Malika Moine accompagnent sa sélection de cinquante-deux restaurants marseillais et autant de recettes, livrées par leurs chefs. Un guide en forme de carnet de voyage, qui s’adresse aux gourmands et/ou esthètes. Texte : Cécile Cau • Image : Malika Moine

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n langage culinaire provençal, les croquants sont de délicieux petits gâteaux secs aux amandes, variation des biscotti que les Italiens aiment à tremper dans leur champagne. Malika Moine, elle, en a fait des croquis. Gourmande, férue de cuisine, formée à la sculpture, la peinture et la création de bijoux, Malika s’est forgé, seule, le palais comme le coup de pinceau. Elle a appris à dessiner en dessinant, comme on apprend à manger en mangeant, de tout. Un jour où elle avait oublié son appareil photo, elle s’est mise à témoigner avec son crayon et ne l’a plus lâché. Pour Croquis croquants, elle a réalisé un véritable reportage dessiné, visitant les salles et les terrasses de cinquante-deux restaurants, partant à la découverte de leurs chefs, discutant avec les clients ou les fournisseurs. Comme son premier ouvrage, Tournée générale, 51 bars de Marseille, ce nouvel opus présente, toujours à l’aquarelle, des lieux tantôt connus, tantôt hors des sentiers battus. Et propose, en bonus, des recettes : « En échange de son regard, ils ont donné leurs recettes », explique la préface. On y découvre les fleurs de courgettes farcies à la brousse d’Une Table au sud, les encornets farcis de La Boîte à Sardines ou encore le cas-

soulet de morue des Foulards rouges. Ses « 52 restaurants pour 52 semaines » – qui, chez elle, comptent 5 jeudis – vont du bistrot au gastro, de l’adresse de quartier à la référence locale : « Restos chics étoilés tout comme cantines du midi pas chères. J’avais envie que ça soit un mélange ». À l’image de Marseille, faite de figures et de portraits hétéroclites, ses choix sont divers, guidés par la qualité de la cuisine, mais aussi nourris des atmosphères qu’elle a ressenties. Ainsi, ce coup de cœur pour Loury, rue Fortia : « Un gars extraordinaire qui m’a donné confiance pour me lancer. On se régale à sa table ». Non contente d’observer, échanger, manger, dessiner, l’illustratrice a également publié l’ouvrage dans sa propre maison d’édition, Le Village des facteurs d’images, et demandé aux Petits Papiers d’en réaliser des exemplaires uniques, reliés à la main.

CROQUIS CROQUANTS,

52 restaurants de Marseille et une semaine des 5 jeudis, Éditions Le Village des facteurs d’images. 20€ et 33€ (exemplaire unique). 8e art magazine • mars-avril 2013

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L’ALBUM

RAPHAËL IMBERT

LES CIEUX DE RAPHAËL IMBERT Cinq ans après Bach-Coltrane, le dernier album du saxophoniste marseillais croise les univers lumineux et espiègles de Mozart et Duke Ellington. Par Marco Jeanson

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e 12 janvier, au Silo, Raphaël Imbert et sa compagnie Nine Spirit inauguraient 2013 en fanfare, avec les jeunes cuivres du collège de Port-de-Bouc. Le temps d’une « Grande Clameur gospel » emmenée par la chanteuse Marion Rampal, lançant la foule dans un spiritual de rue digne d’un épisode de la série Treme. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, puisque depuis trois ans, Raphaël Imbert fréquente assidûment La Nouvelle-Orléans pour un projet mêlant nouvelles technologies, improvisation, traditions roots et esprit rebelle du sud (de la France comme des États-Unis). « Le jazz est le geste musical qui permet de jouer avec qui on veut, quand on veut ». Raphael Imbert a trouvé son slogan et, armé de son saxophone, ne cesse de le mettre en pratique, quitte à parfois forcer un peu la main et associer des sons a priori pas faits pour s’entendre. En 2008, il avait ouvert la voie avec un album intitulé Bach-Coltrane. Il récidive avec Amadeus & The Duke. Faire swinguer le Cantor de Leipzig, Jacques Loussier s’y était déjà collé avec son trio Play Bach. Cinquante ans plus tard, Raphaël Imbert 28

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lui associait John Coltrane, qu’il soupçonnait de partager le même mysticisme musical. Aujourd’hui, il se tourne vers Wolfang Amadeus Mozart et Duke Elligton. « La musique n’est pas affaire de style, dit Raphaël Imbert, mais d’état d’esprit, et tout me prouve que ces deux génies avaient le même esprit, un sérieux sens du ludique, de la forme, du spirituel, qu’il soit espiègle ou profond, très souvent les deux à la fois. » Le rapprochement repose aussi, à ses yeux, sur des arguments très concrets. « Faciles » et virtuoses, foisonnantes et légères, les œuvres de Mozart et d’Ellington sont à la fois populaires et savantes. D’où cet album, Heavens, au contenu aussi lumineux que son titre, « parce que, dit Raphaël Imbert, Mozart et Ellington ont illuminé le monde et continueront de le faire pour toujours. »

RAPHAËL IMBERT PROJECT

Heavens -Amadeus and The Duke JazzVillage, février 2013.


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LA REVUE

ESPRIT DE BABEL

L’ESPRIT DE BABEL RÉVÈLE MARSEILLE Depuis 2009, la revue Esprit de Babel trace un sillon original dans le paysage culturel et médiatique local. Son dernier numéro explore les quartiers sud de Marseille, avec un œil sociologique, anthropologique et artistique inédit. Par Olivier Levallois

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e « journal à parution aléatoire gratuit », au format atypique, compte de plus en plus de lecteurs fidèles, qui savent où le trouver (à L’Alcazar, aux Bancs publics ou dans deux cents autres lieux de la région) et attendent chaque nouvelle livraison avec impatience. Depuis peu, ils ont entre les mains un numéro consacré aux quartiers sud, aussi riche et captivant que les six précédents. Portée par l’association Les Bancs publics et réalisée par des contributeurs bénévoles encadrés par un comité de rédaction, la revue fait se rencontrer, à travers une même thématique, des représentations du réel à la fois savantes et populaires. Questionnant des sujets aussi divers que la culture scientifique, les pratiques artistiques des enfants ou les projets participatifs…, elle poursuit une réflexion plus générale sur ce qui fonde la relation complexe entre l’homme, la culture et son environnement. Dans ce dernier numéro, Esprit de Babel rappelle que si l’actualité marseillaise est souvent circonscrite aux quartiers nord et à leurs faits divers, la ville a aussi un sud. Qu’en est-il de ces quartiers moins médiatiques ? Quelle identité pour ce secteur si discret ? D’ailleurs, quelles sont ses frontières ? Où débute et où se termine ce territoire géographique, social et culturel ? Pour répondre à ces interrogations, Esprit de Babel recueille et entremêle les paroles d’individus qui

réfléchissent ou vivent ces quartiers. D’un article à l’autre, des passerelles se tendent entre les mots. Ceux des spécialistes (chercheurs, urbanistes, architectes…) et ceux, plus subjectifs, d’habitants (artistes, responsables de structures, usagers). La cartographie urbaniste dialogue avec une cartographie émotionnelle. Et la carte qui, on le sait, n’est pas le territoire, se confond pourtant bientôt avec celui-ci. On découvre que Marseille recèle des réalités urbaines et humaines, plus discrètes, mais bien plus riches et plus équivoques que celles mises en lumière par sa seule actualité. Les images participent aussi de ces échanges, dans une maquette où le graphisme joue son rôle de plus value artistique. « Ce n’est pas parce qu’on donne la parole à ceux qui l’ont peu qu’on doit faire un truc moche », revendique Benoît Paqueteau, le maquettiste et webmaster de la revue.

Esprit de Babel est distribué gratuitement dans plus de 200 lieux à Marseille et Aix-en-Provence. Les Bancs Publics, 3, rue bonhomme, Marseille, 3e. 04 91 64 60 00.

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esprit2babel.net 8e art magazine • mars-avril 2013

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LA LIBRAIRIE

LA SALLE DES MACHINES

TROIS LIBRAIRES, DEUX ESPACES, UN NOM Dans une ville où, chaque année depuis dix ans, une librairie ferme ses portes, voici une double inauguration de bon augure. Texte : Olivier Levallois • Photos : Marco Jeanson

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a Salle des machines : un même nom pour deux nouvelles librairies inaugurées en janvier à Marseille. L’une – permanente – se trouve à La Friche de la Belle de Mai et l’autre – temporaire – au J1, le temps de l’année capitale. Configuration unique en France, le projet a été fondé par trois libraires indépendants (Histoire de l’œil, Maupetit-Actes Sud et L’Odeur du temps) partageant, dans une même société, leurs compétences respectives et les risques – non négligeables – du défi. Pour les définir, Nadia Champesne, la directrice d’Histoire de l’œil, parle volontiers de librairies « contextuelles », en relations étroites avec les programmations des lieux culturels qui les abritent. À La Belle de Mai, de la littérature au roman graphique, de la photo à la peinture, en passant par le street art et la cuisine, on se consacre essentiellement à l’art. Une place honorable est réservée aux éditeurs, créateurs et artistes locaux, dont certains sont aussi locataires et voisins du bâtiment. Reflet de l’activité d’exposition de La Friche, l’ambition, à terme, est de « s’affirmer comme une librairie de quartier, dans un environnement qui, à ce jour, en était dépourvu », précise Damaris Benz, l’une des libraires. Autre architecture, autre configuration, au J1, juste avant l’entrée de la salle d’exposition. Ici, on s’adresse davantage à un public familial et « de passage », autrement dit touristique. Les nombreux ouvrages sur la citée phocéenne et la Provence, ainsi que les produits (savons, sachets d’herbes, gâteaux, cartes postales…), labélisés Marseille-Provence 2013, invitent le voyageur à approfondir ses connaissances géogra-

phiques, historiques, culturelles, culinaires ou même linguistiques de la région. L’exposition actuelle, Méditerranées, des grandes citées d’hier aux hommes d’aujourd’hui, trouve ici un écho à travers un choix d’ouvrages littéraires, pédagogiques ou graphiques consacrés au bassin méditerranéen.

AU J1

boulevard du Littoral, Marseille, 2e. 04 91 91 57 26 À LA FRICHE DE LA BELLE DE MAI

41 rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 80

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LE VILLAGE DE

DAVID WALTERS Par Olivier Levallois

LA FRICHE DE LA BELLE DE MAI

©Caroline Dutrey

© Daniel Balmat

Deux albums, Awa en 2005, Home en 2009, et des prestations scéniques mémorables ont bâti la réputation de David Walters. L’originalité de son univers, mêlant beats électroniques et folk acoustique afrocaribéenne, lui a permis d’assurer, entre autres, les premières parties de David Bowie, Tracy Chapman, Lenny Kravitz, ou encore Arthur H. C’est justement avec ce dernier que le songwriter se produit sur scène à Marseille, la ville où il a écrit son premier album. « J’ai énormément de respect pour Marseille. Elle a toujours été une terre d’accueil, depuis des siècles. C’est une ville qui m’a adopté et m’a permis de m’épanouir artistiquement. » Le Marseille de David Walters est musical, festif, branché et tourné vers l’avenir.

« C’est un des lieux essentiels de la culture indépendante et alternative de Marseille. Et sa récente rénovation devrait lui donner une place encore plus importante dans les années à venir. » Ouverte en 1992, La Friche accueille une soixantaine de structures artistiques et culturelles multidisciplinaires. Parmi elles, Radio Grenouille où David Walters a officié comme DJ, dans sa première vie musicale. > 41, Rue Jobin, Marseille, 3e.

LE MAMA SHELTER

« Je suis attiré par les gens qui veulent que les choses avancent. J’aime les lieux qui amènent un nouveau visage à Marseille, qui donnent à la ville un nouveau dynamisme. J’y ai fait un concert, j’adore ce lieu ! » Hôtel, bar, restaurant, lieu de concerts avec sa mini-scène, on y va, le soir, pour sa déco (signée Philippe Starck) et son ambiance festive. Ouvert depuis l’automne 2011, le Mama Shelter fait partie de ces « nouveaux lieux » fréquentés par David Walters. > 64, rue de la Loubière, Marseille, 6e.

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LE VILLAGE DE

DAVID WALTERS

LLE « M A R SEI T É ET M’A A DOP IS DE M’A PER M IR M’ÉPA NOU » U EM EN T. A RT IST IQ

LES APÉROS DU BATEAU « J’ai un discours positif sur Marseille. Ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec tout. On peut toujours se plaindre c’est sûr, ou bien voir ce que cette ville offre comme opportunités. Les apéros du bateau, c’est ma plus belle découverte en matière de sortie. » Concept de soirée initié à l’été 2011, ces « apéros » se déroulent sur L’Ilienne, un bateau qui fait un trajet allerretour de trois heures entre le Vieux-Port et les îles du Frioul. Deux cents personnes sont ainsi embarquées chaque dimanche soir, de 19h à 22h30 (du 26 mai au 1er septembre), pour des concerts ou des mix de DJ en live. On danse sur le pont, un cocktail à la main, pendant que le soleil se couche sur la rade de Marseille. Au vu du succès, réservation indispensable. www.borderliner.fr

L’ESPACE JULIEN

« C’est un lieu important de la vie culturelle marseillaise, mais aussi pour moi, en tant que musicien. J’aime jouer dans cette salle : elle offre une réelle proximité avec le public. » C’est LA salle de spectacle historique des musiques actuelles, au cœur du centre-ville. Le chanteur, qui s’y est produit plusieurs fois dans le passé, y fait son retour, le 20 mars, aux côtés d’Arthur H. > 39, Cours Julien, Marseille, 6e.

CONCERT DAVID WALTERS ET ARTHUR H

le 20 mars, 19h30, Espace Julien, 39, cours Julien, Marseille, 6e, 17-23 €.

WWW.

espace-julien.com

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LE RESTAURANT

TAXI BAR

TAXI 2, LE RETOUR DE FABIEN RUGI Fabien Rugi déménage ses loups, ses Marennes et ses cinq cents boîtes de sardines. Pas très loin. Texte : Cécile Cau • Photos : Marco Jeanson

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LE CADRE Fabien Rugi déménage ses loups, ses Marennes et ses cinq cents boîtes de sardines. Pas très loin. La Boîte à sardines traverse le boulevard de la Libération, change de nom, double sa capacité et gagne une baie vitrée. Carrelages, boîtes en fer blanc, plats en inox, banc de poissons… L’ambiance et le concept ne changent pas. « Même déco, même combat », prévient le patron, inventeur du resto-poissonnerie marseillais et du « fishe n’ ships ».

LE CHEF Aux fourneaux depuis presque six ans, Céline a se languit parfois de cuisiner du steak. En même temps, avoir une cuisine ouverte, avec des compliments de clients régalés chaque midi, « ça n’a pas de prix ». Avec elle, ni sauce ni beurre blanc, mais du poisson brut et de l’huile d’olive. Ses cuissons sont saines, sobres et bien timées : une simplicité déconcertante qui ne laisse aucun artifice nuire à la qualité des produits !

L’ASSIETTE L’idée de la Boîte à sardines est joyeusement basique. Coquillages et crustacés, poissons grillés, fromage, un peu de vin.... Tous les produits, de l’eau pétillante au sirop en passant par le blanc et la sardine, sont locaux. Mis à part les incontournables de l’Atlantique et quelques huîtres Tarbouriech sétoises d’exception (c’est la seule adresse qui en propose à Marseille). « Il n’y a que des poissons de chez nous, revendique Fabien Rugi. Comme ailleurs, l’ardoise du restaurant propose des supions, des pâtes à l’encre et de la baudroie, sauf que chez nous, la daurade, elle a le goût de daurade ! ».

TAXI BAR

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2, boulevard de la Libération, Marseille, 1er. Ouvert du mardi au samedi, 8h-19h et 11h-15h pour la restauration. Plat du jour : 15 à 22€.

WWW.

laboiteasardine.com


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LA FONDATION BLACHÈRE FÊTE SES DIX ANS Par

Emmanuelle Gall

Dix ans après sa création, la Fondation Blachère revient sur son histoire et son action. À une heure et demie de route de Marseille, l’entrepôt reconverti en maison de l’art africain contemporain est une belle invitation au voyage.

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st-ce à cause de sa situation, dans une zone artisanale aux portes d’Apt ? Dans la région, la Fondation Blachère n’a pas encore la reconnaissance qu’elle mérite. Elle accueille pourtant, depuis dix ans, les plus grands artistes du continent africain et peut se targuer d’avoir été l’une des premières fondations d’entreprise en France (récompensée par la médaille de Grand mécène de la Culture), comme de faire découvrir l’art africain à tous les écoliers du Pays d’Apt… Pour fêter sa décennie, la structure née de la rencontre entre le numéro un de l’illumination urbaine, Jean-Paul Blachère, et le scénographe 38

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Pierre Jaccaud, revient sur son histoire et propose deux rétrospectives, au printemps et à l’automne. L’occasion, pour les novices, de découvrir l’incroyable programmation de cette fondation, et pour les fidèles, de retrouver leurs expositions favorites. Entre les résidences et ateliers d’été à Joucas, les grandes expositions thématiques (Boxe ! Boxe !, Animal Anima, Ville…), les prix de la Fondation, en partenariat avec les Rencontres de Bamako ou la Biennale de Dakar, ces rétrospectives vont témoigner d’une vingtaine d’expositions et d’un nombre impressionnant de résidences artistiques. Des résidences qui constituent la pierre angulaire de la fondation : permettant à des artistes africains de venir travailler dans des conditions optimales et s’accompagnant d’une politique de production et d’acquisition des œuvres. Ce double objectif – artistique et humaniste – n’est-il pas d’ailleurs le propre d’une fondation ? Pierre Jaccaud, son directeur artistique, est un utopiste réaliste. L’homme a longtemps travaillé dans les théâtres bruxellois avant de s’installer dans la région et d’y créer un réseau intitulé « Le Moine et l’inter-


LA BALADE

© DR

ELLE ACCUEILLE, DEPUIS DIX ANS, LES PLUS GRANDS ARTISTES DU CONTINENT AFRICAIN… naute », des « résidences savantes » chez l’habitant. Pour le premier volet de cette rétrospective, il a décidé de transformer le bâtiment en « entrepôt de la mémoire », où chaque exposition est retracée sous la forme d’un salon, « invitant les spectateurs à revivre fragmentairement les rencontres avec les œuvres ». En outre, il va habiller les murs d’« une fresque composée de textes et d’images, complétant le cheminement historique et ludique ». Tous les directeurs artistiques ne sont pas scénographes, et tous les scénographes ne sont pas des passionnés d’art africain. Pierre Jaccaud, lui, aime construire et réfléchir : « Dix ans, un âge de raison, c’est aussi le temps de faire le point, d’étudier au plus près les expériences passées et d’imaginer une suite... »

FONDATION BLACHÈRE

Du 15 mars au 16 juin. 384, avenue des argiles, zone industrielle les Bourguignons, Apt. 04 32 52 06 15. Entrée libre.

WWW.

fondationblachere.org.

© Adrien Sima

+

LA FONDATION BLACHÈRE

OÙ DORMIR ?

Avant d’être une maison d’hôte, Chambre de séjour avec vue est une résidence d’artistes et une galerie. Installée depuis vingt ans à Saignon, Kamila Regent y a restauré une grande maison de village, pour accueillir des créateurs et présenter leur travail. Écrivains et plasticiens, de renommée internationale (Richard Long, Veit Stratman, Piotr Klemensiewicz…) ou en devenir, se succèdent chez elle à un rythme soutenu, laissant des traces de leur passage sur les murs, dans le salon, la cuisine, les chambres ou le jardin. Chaque année, à Pâques, la maîtresse des lieux inaugure la nouvelle saison de sa maison-galerie avec un grand goûter polonais, clin d’œil à ses origines et son enfance. Cette fois, ce sera l’occasion de découvrir notamment les derniers travaux de Ghislaine Portalis, inspirés par le XVIIIe siècle et le Marquis de Sade, mais aussi La Grappe (un sarment de vigne sculpté) conçue par Marie Denis pour La Collection de Madame L. Une autre initiative de Kamila Regent, qui présente dans un salon dédié, les œuvres commandées à de jeunes artistes dans le cadre de cette collection in progress

dont elle est la conseillère artistique. Le visiteur de passage profite évidemment de ce cadre et de cette passion artistique. Car, Kamila reçoit ses hôtes comme ses artistes, avec intelligence et élégance. Aucun détail, jusque dans la vaisselle savamment dépareillée et les serviettes brodées n’est négligé. Les trois chambres et les deux suites sont remarquablement meublées et décorées. Et le jardin clos, lui aussi peuplé d’œuvres d’art, est un enchantement. Les esthètes et amateurs d’art ne se contentent pas d’y passer une nuit et se réjouissent de pouvoir contribuer à la poursuite de cette belle aventure. Chambre de séjour avec vue, demeure d’art et d’hôtes (ouverte de Pâques à l’automne) 84400 Saignon en Luberon. 04 90 04 85 01. Tarifs : 90 € la chambre double ou 110 € la suite, petit déjeuner inclus. www.chambreavecvue.com.

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Les

Mille et une nuits de

Marseille-Provence Atlas nautique de la Méditerranée anonyme 1665, Alcazar © Fonds rares et précieux

2013

Les Milles et une nuits étaient déjà inscrites, en lettres d’or, dans le dossier de candidature de Marseille. Comme un fil d’Ariane, une thématique à explorer et renouveler. Le coup de foudre de Macha Makeïeff pour Ali baba et la nouvelle création d’Angelin Preljocaj donnent le départ d’un voyage en Orient, qui se prolongera jusqu’à la fin de l’année. Prochaines étapes : la création de Rituel pour une métamorphose, une pièce écrite par le Syrien Saadallah Wannous et mise en scène par le Koweïtien Sulayman Al-Bassam, puis une rétrospective complète de l’œuvre de Pasolini, une exposition consacrée à l’orientalisme érudit en Provence, et une version d’Aladin pour marionnettes…

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MILLE ET UNE NUITS

MACHA MAKEÏEFF

Ali Baba, l’Orient rêvé de Macha Makeieff Arrivée à la tête de La Criée, avec Ali Baba dans ses bagages, Macha Makeïeff est l’une des initiatrices des « Mille et une nuits » de Marseille-Provence 2013. Adapté et revisité par cette artiste aux multiples talents, le conte entraîne le spectateur dans un « Orient de fantaisie », inspiré par une enfance marseillaise. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Joël Assuied

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n s’attend à rencontrer une directrice de théâtre dans son bureau. Macha Makeïeff, qui enchaîne sa deuxième saison à La Criée, reçoit dans la « fabrique » : un atelier installé dans une ancienne salle de répétition, sous les toits du théâtre. Une pièce de damas à la main, elle réfléchit à sa future destination avec Claudine Crauland, qui l’assiste dans la création des costumes : jupe, pantalon ? Margot Clavières et Sylvie Châtillon, ses assistantes à la mise en scène et aux accessoires, participent également à la conversation. Le seul homme de la tribu est l’iconographe, Guillaume Cassar, qui entretient avec Macha Makeïeff une « conversation d’images ». Ensemble, ils conçoivent les affiches comme les programmes de La Criée. Celui de la saison 2013 se présente comme un épais livre d’images, à la couverture et au format atypiques. « Je tenais à ce que le premier objet donné au public soit artistique. Ce n’est pas de la com, il s’agit d’informer tout en témoignant de l’humeur de la saison », précise Macha Makeïeff. Directrice de théâtre et metteure en scène, elle est également − faut-il le rappeler ? − la créatrice des décors et costumes de ses pièces, mais aussi une plasticienne, collectionneuse et « bricoleuse » d’images. Après une carrière éclectique, marquée notamment par l’aventure des Deschiens et sa passion pour Jacques Tati, Macha Makeïeff s’offre un voyage en Orient, au pays d’Ali Baba.

Ali et Shéhérazade. Pourquoi Ali Baba plutôt qu’Aladin ou

Sinbad ? L’attrait de Macha Makeïeff pour le premier tient à son universalité et sa modernité. « L’histoire de cet homme très pauvre, qui devient très riche, parle à tout le monde. Et la morale, fluctuante et transgressive, est très actuelle. Voler un voleur, est-ce encore voler ? Récupérer un objet « tombé du camion » ou spéculer, est-ce voler ? » Parce qu’elle entend s’adresser aussi à « la Shéhérazade des quartiers nord », la metteure en scène a pris soin d’écrire, à partir de ce conte persan du VIIIe siècle, traduit en arabe puis universalisé par la langue française, un véritable scénario. Elle a voulu partager cette création avec l’historien, poète et essayiste palestinien, Elias Sanbar, le temps d’un « compagnonnage passionnant », faisant la part belle à la culture arabe. De même, la distribution du spectacle est volontairement métissée, avec Atmen Kelif, un ancien des Deschiens dans le rôle d’Ali Baba, les danseurs d’origine iranienne, Shahrokh Moshkin-Ghalam et Sahar Dehghan… L’Ali Baba de Macha Makaeïeff s’annonce comme un spectacle total, mêlant théâtre, danse, poésie, cinéma, musique, dans un décor de son invention. Inutile d’essayer d’en savoir plus à ce sujet, l’artiste veut garder la surprise pour les spectateurs : « En travaillant sur le décor, j’ai voulu rendre compte de la mobilité du destin, avec une scénographie évolutive, où le changement peut faire irruption ». Depuis plus d’un an, l’artiste remplit des cahiers avec des notes, dessins, photos

« Nous sommes tous des Ali et rêvons à notre caverne »

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FOCUS

ALI BABA

Macha Makeïeff travaille dans une ancienne salle de répétition, sous les toits de La Criée. 8e art magazine • mars-avril 2013

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MILLE ET UNE NUITS

MACHA MAKEÏEFF

« Je travaille toujours avec ce que je trouve autour de moi, au plus près. »

Dans la « fabrique », le mélange des genres est surprenant.

ou coupures de presse pour préparer le spectacle. On dirait les carnets de voyage d’un artiste. Macha Makaïeff n’a pourtant pas été cherché l’inspiration très loin : « Je travaille toujours avec ce que je trouve autour de moi, au plus près. » La caverne de Macha Makeïeff. Et la première muse de

Macha Makeïeff, pour créer cet « Orient de fantaisie », c’est Marseille, la ville de son enfance. Le désir de renouer avec la vie et l’inspiration marseillaise a d’ailleurs compté dans sa décision de postuler à la direction de La Criée. La « ville camusienne » qu’elle a quittée après ses études au lycée Longchamp, puis au Conservatoire d’art dramatique, lui paraît aujourd’hui « plus pasolinienne et napolitaine ». Elle la redécouvre, la réapprivoise. « Quand je pense à Ali Baba, je pense aux bruits de Marseille, aux bruits du Monde actuel, uni par un même destin. Mon Orient à moi, c’est Marseille de mon adolescence et de mes premiers émois… La beauté des corps des jeunes Arabes, comme dans L’Été de Camus. Je revois aussi ces vieux messieurs, immobiles, avec leur veste un peu trop longue… » Les personnages exilés, déclassés, qu’elle appelle ses « héros », peuplent depuis toujours les créations de Macha Makeïeff, comme les vêtements usagés et les objets récupérés, glanés au fil de ses déambulations. Le rapport – quasi religieux − de l’artiste aux objets constitue la pierre angulaire de son esthétique, et ce depuis ses premières créations, dans les années 80. Une « esthétique du fragment », où chaque objet, porteur d’une histoire et développant sa propre capacité d’évocation, participe d’un ensemble cohérent, doté d’une unité plastique. Dans l’immense et lumineux grenier, cohabitent aujourd’hui, telle une installation, des costumes suspendus, des paires de chaussures alignées, des piles d’étoffes et une rangée de couvre-chefs orientalistes, vestiges d’un précédent spectacle. Le mélange des

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genres est surprenant : entre une blouse fleurie et une djellaba, des babouches brodées et une paire de tennis vertes, un keffieh et une écharpe de soie… Un tapis deviendra un pantalon, une tunique vaporeuse attend le verdict de l’essayage. Macha Makeïeff n’impose pas, elle propose et consulte ses comédiens. « Créer les costumes, c’est déjà entrer dans la direction d’acteur. Le comédien aura-t-il envie de se cacher derrière les franges de ce chapeau, sera-t-il à l’aise dans cette robe de chambre ? » À quoi vont ressembler Ali Baba et ses comparses ? La réponse reste volontairement ouverte. Il faut s’attendre à un Ali Baba « d’inspiration métallique » et une tonalité générale située quelque part « entre Le Voleur de Bagdad et Noailles ».

ALI BABA

Du 13 au 29 mars, 19h (mardi, mercredi), 20h (jeudi, vendredi, samedi). Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 9-24 €.

WWW. theatre-lacriee.com.


LA CRIÉE SE MÉTAMORPHOSE EN CARAVANSÉRAIL Une Nuit du conte, des conférences, des lectures, des projections, des ateliers, des expositions, de la gastronomie orientale et même un concours de formules magiques ! Ali Baba ne débarque pas seul à La Criée. Du 13 au 29 mars, le théâtre va à vivre à l’heure des Mille et une nuits, accueillir « tout un peuple de portefaix et de princesses, de djinns et de rois déguisés en marchands… et laisser entrer en caravane les senteurs et les épices par la porte de l’orient et rencontrer Schéhérazade. » Ce n’est certes pas la première fois que Macha Makeieff, dans son désir de « faire résonner dans cette nef des choses nouvelles et magnifiques », transforme sa « maison théâtre » en lieu de vie et de fête. Mais Les Mille et une nuits lui ont inspiré des propositions inédites. La plus folle est peut-être La Nuit du conte, programmée le 23 mars, à 21h. Jusqu’au lendemain matin, le conteur libanais Jihad Darwiche deviendra Shéhérazade et livrera sa version des Mille et une nuits. Les enfants, dès neuf ans, sont les bienvenus. La Criée leur réserve bien d’autres surprises : ses désormais traditionnelles veillées pendant les représentations (le 16 mars à 20 h et le 24 mars à 15h), en compagnie de la plasticienne Susana Monteiro R., et des ateliers pour écouter des contes ou fabriquer un théâtre d’ombres… Autre temps fort : le premier concert marseillais d’un maître marocain de l’oud, Saïd Chraïbi (le 22 mars à 20h), en partenariat avec le festival Mars en Baroque. Trois conférences exploreront « Les mystères du sérail dans les arts français du XVIIIe siècle » (Carole Blumenfeld et Ridha Moumni, le 15 mars à 18h30), « Les représentations de l’immigré ou la figure de “l’Arabe » à l’écran » (Yvan Gastaut, le 21 mars à 18h30) et « La femme et le travesti » ou la question du travestissement au théâtre (Chantal Aubry et Christine Rodès, le 28 mars à 18h30). Des élèves du Conservatoire de Marseille liront les premières pages des Mille et une nuits, dans la traduction d’André Miquel et Jamel Eddine Bencheikh, (le 24 mars à 14h) et des étudiants d’Axe sud exposeront des affiches et des photos retraçant la création d’Ali Baba par Macha Makeïeff. Durant ces trois semaines, le public pourra également voir, dans le hall, une installation d’Olivier Lubeck, Caravane sérail super8, et une programmation cinématographique gratuite. Programme complet : www.theatre-lacriee.com.

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MILLE ET UNE NUITS

ANGELIN PRELJOCAJ

Les Nuits féminines d’Angelin Preljocaj Angelin Preljocaj a répondu à l’appel méditerranéen de Marseille-Provence 2013 à sa façon : en plongeant dans Les Mille et une nuits. Ces récits vertigineux ont excité l’imagination du chorégraphe et le désir d’Orient a pris la forme d’un poème dansé, magnifiant le pouvoir de la femme. Texte : Fred Kahn

P

our rester en vie, Shéhérazade doit maintenir en éveil la curiosité du sultan. Alors, soir après soir, elle invente la suite d’une histoire merveilleuse. Mille et une nuits et aucune identique. Angelin Preljocaj non plus, ne sait pas à l’avance où son prochain spectacle va le mener. Il a justement choisi ces contes orientaux parce qu’ils sont labyrinthiques, inépuisables, et que leurs origines mystérieuses autorisent toutes les interprétations possibles. « Les Milles et une nuits ne sont pas localisées géographiquement, cette œuvre renvoie à un maillage de traditions qui dépasse le pourtour méditerranéen. Cette multiplicité de cultures aiguise une perception de l’Orient qui me permet d’éviter les clichés ». Le chorégraphe peut ainsi s’inscrire dans le mouvement méditerranéen de Marseille-Provence 2013, mais avec un véritable acte de création. Les mots et les gestes. Angelin Preljocaj n’a d’ailleurs pas

opté pour une approche narrative. « Mon angle d’attaque est beaucoup plus impressionniste. Je me suis laissé guider par des impressions de lecture. Pour moi, ces contes évoquent la résistance d’une femme à l’oppression des hommes. Avec les mots, Shéhérazade réussit à vaincre la mort. Non seulement la sienne, mais aussi celle de toutes les autres femmes dont le sultan a décidé l’exécution pour se venger de l’infidélité de sa première épouse ». Au récit univoque et écrit d’avance de la dictature, s’oppose celui – beaucoup plus foisonnant – de l’imaginaire. Un combat on ne peut plus actuel. « Il y a une forme de féminisme dans les Milles et une nuits qui m’apparaît très contemporaine ». Preuve que le spectacle n’est en rien une adaptation des contes, Preljocaj a choisi un titre très ouvert : Les Nuits. Mais comment renouer avec la puissance originelle de la fiction ? N’est-ce pas en racontant des histoires que Shéhérazade capte l’attention du sultan ?

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Comment restituer ce pouvoir du verbe avec un tout autre langage ? Angelin Preljocaj a déjà su mettre à jour des correspondances, inexplicables et pourtant extrêmement porteuses de sens, entre la littérature et la danse. En 1996, avec L’Anoure, il a confronté les mots de Pascal Quignard à des danseurs qui, comme des anges, semblaient avoir définitivement renoncé à la parole. En 2009, il s’est saisi du Funambule de Jean Genet pour composer un solo d’une incroyable fragilité. Et l’année dernière, le directeur du Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence a adapté Ce que j’appelle oubli, un roman de Laurent Mauvignier inspiré par un effroyable fait divers. La mise en scène, tout en sobriété, donnait chair à ce cri d’angoisse. « Chaque fois, je cherche

« Pour moi, ces contes évoquent la résistance d’une femme à l’oppression des hommes. » les relations secrètes entre les mots et les mouvements. Et pour ce faire, j’évite l’illustration. Ici, on n’entendra pas le texte, mais tout ce qui sera donné à voir aura été inspiré par la lecture des Mille et une nuits. » L’imaginaire oriental. Par ses origines albanaises, Ange-

lin Preljocaj n’est d’ailleurs pas totalement « étranger » à ces influences orientales. « L’Albanie a été très longtemps sous domination ottomane et une grande partie de la population de ce pays est musulmane. Même les catholiques sont imprégnés par


ŠJean-Claude Carbone

Les danseurs du ballet Preljocaj, Fran Sanchez, Patrizia Telleschi et Jean-Charles Jousni, dans Les Nuits. 8e art magazine • mars-avril 2013

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MILLE ET UNE NUITS

ANGELIN PRELJOCAJ

Angelin Preljocaj, photographié par Lucas Marquand-Perrier.

des traditions et des coutumes issues de l’islam. Je me nourris de toutes ces sensations, de toute cette complexité ». L’imaginaire artistique, quand il se propage à partir d’éléments réels, gagne en cohérence et en crédibilité, il résonne alors encore fortement en nous. Toute la scénographie repose sur ces allersretours entre l’incarnation et le fantasme de l’Orient. Ainsi, Preljocaj a commandé des costumes au grand couturier d’origine tunisienne Azzedine Alaïa. « Il est enraciné dans le monde musulman, mais son approche reste très contemporaine ». Natcha Atlas signe une grande partie de la musique et, elle aussi, compose à la confluence des cultures orientales et occidentales. Quant aux décors, ils sont réalisés par Constance Guisset, qui adore provoquer des mariages poétiques improbables entre les matériaux et les univers. À ce principe d’émulation constante répondra, en écho, le mouvement des danseurs du ballet. Le Centre chorégraphique national a les moyens de convoquer sur scène une véritable troupe, et, au-delà de la qualité technique évidente, le nombre fait sens. « Un groupe de gens sur un plateau renvoie immédiatement à la notion de communauté, analyse Angelin Preljocaj. La manière dont les danseurs occupent l’espace, se positionnent les uns par rapport aux autres peut permettre de transmettre une certaine idée de la culture, de la tradition... de la civilisation même. Mais, de la même manière que Shéhérazade est un personnage singulier qui s’oppose au poids écrasant de la tradition, l’enjeu du spectacle consiste

aussi à imposer des individualités ». L’héroïne ne sera donc pas incarnée, mais « éclatée » entre plusieurs interprètes. « Cette figure va circuler entre différentes danseuses qui, à tour de rôle, vont prendre en charge une facette du personnage ». Quelques semaines avant la création, le chorégraphe avoue être encore en pleine période de recherche. « Je découvre les pistes au fur et à mesure de l’avancement du projet. Je ne prédétermine pas le spectacle. Je préfère m’atteler à un thème, m’immerger dedans et découvrir au fur et à mesure ce que je cherchais inconsciemment. Picasso disait : “Si je sais quel tableau je vais peindre, alors pourquoi le peindre ?” Je dois explorer des pistes nouvelles et ne pas me contenter de mettre en œuvre des formes déjà préconçues dans ma tête ».

« Picasso disait : si je sais quel tableau je vais peindre, alors pourquoi le peindre ? »

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CRÉATION

les 29 et 30 avril, 20h 30. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 10-42 €.

WWW. lestheatres.net


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MILLE ET UNE NUITS

MURIEL MAYETTE

Muriel Mayette invite l’Orient à la Comédie-Française Première pièce écrite en arabe à entrer dans le répertoire du Français, Rituel pour une métamorphose sera créé à Marseille le 29 avril. Muriel Mayette, qui administre l’institution depuis 2006, est à l’origine de cette évolution et n’a pas choisi par hasard ce conte moral oriental. Propos recueillis par Cécile Cau • Photo : Christophe Raynaud de Lage

Pourquoi faire entrer la langue arabe au répertoire de la Comédie-Française ? J’y tenais vraiment. Fondé initialement sur la seule langue française, le répertoire doit aujourd’hui s’enrichir. Nous sommes gardiens – et devons témoigner – des écritures influentes du siècle. Le répertoire russe n’est rentré qu’en 1954. Il faut désormais introduire, petit à petit, des textes de langue arabe. Le symbole compte, on a un rôle à jouer dans les lectures différentes du monde. Comment le choix s’est-il porté sur la dernière pièce écrite par Saadallah Wannous avant sa mort en 1997, évoquant les traditions de domination masculine ? Cet auteur est une sorte de révolutionnaire pacifique, qui ne cherche pas la provocation à tout prix, mais préfère soulever des sujets délicats. Il contribue à un grand débat critique de la société en parlant de l’humain, de son rapport à la liberté, à l’amour… Et il soulève la question de la capacité d’une société à étouffer tel ou tel sexe. Hier déjà, Molière parlait dans L’École des femmes de la volonté de façonner l’autre. Rituel pour une métamorphose évoque l’acte d’une femme libre. Mais le comité de lecture a aussi dépassé l’idée politique. Notamment parce que, à la lecture de la pièce, les comédiens ont eu envie de la jouer. Nous tenions à rester dans une forme théâtrale de construction classique, sans multiplier les « exotismes littéraires ». La Syrie fait la une de l’information depuis plusieurs mois. Avez-vous eu une volonté de coïncider avec l’actualité ? Pas du tout, mais c’est un acte politique de coopter un texte en langue arabe. La volonté fondamentale de s’appréhender les uns les autres et de se rencontrer, avec la distance que peut y mettre le poète. On ne cherche pas l’anecdote, les grandes pièces parlent toutes de la même chose : l’amour, la guerre, la mort. Les grandes œuvres sont universelles. 50

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Quelle est la portée de ce texte au regard du contexte international actuel ? N’importe quel texte change au regard de l’actualité. Les années passant, on ne lit pas L’Avare de la même façon que l’on soit dans une période faste ou contrainte. Cette pièce a plus valeur de vertu que de témoignage. C’est un long discours pédagogique pour nous faire nous rencontrer, un support. Je fais rentrer leur culture dans nos murs et je veux aller leur montrer leur propre œuvre et ce qu’on a pu en faire. Le théâtre, c’est un vrai boulevard. Un mot sur le choix du metteur en scène, le Koweïtien Sulayman Al-Bassam ? Je souhaitais faire le lien entre les civilisations. Sulayman Al-Bassam parle arabe, français, anglais : il fait un pont sur ce qui nous est étranger du point de vue de la forme et du fond. Et j’espère fortement qu’il puisse emmener ce spectacle dans le golfe arabique. Du coup, la première à Marseille a-t-elle une valeur symbolique ? Aller dans l’iode marseillais, c’est symbolique. La capitale culturelle européenne doit se tourner vers – et coopter – tous les artistes du Bassin méditerranéen. Créer un spectacle là-bas, ça lui donne le goût du voyage.

RITUEL POUR UNE MÉTAMORPHOSE

Du 29 avril au 7 mai, 20h30, relâche les 1er et 5 mai. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre Français, Marseille, 1er. 08 2013 2013. 8-34 €.

WWW. lestheatres.net


« C’est un acte politique de coopter un texte en langue arabe. »

Muriel Mayette, l’administratrice générale du Français, souhaite enrichir le répertoire de l’institution.

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FOCUS

MILLE ET UNE NUITS

Pier Paolo Pasolini, Uccellacci et uccellini - Centro Cinema Città di Cesena

à suivre...

Pasolini, la force scandaleuse du passé On lui doit la plus belle adaptation des Mille et une nuits au cinéma, mais pas seulement. Pour rendre un hommage complet à cette figure emblématique de la Méditerranée, à la fois cinéaste, poète, écrivain et essayiste, quatre structures ont décidé de s’associer. Le CIPM, l’association Alphabetville, l’INA Méditerranée et le FID ont concocté, ensemble, un programme pluridisciplinaire, « entre rétrospective et perspective ». Concrètement, le projet va se décliner en une exposition au CIPM, une programmation cinématographique dans le cadre du FID, et plusieurs rencontres, lectures et publications. Du 14 mai au 8 juillet. Divers lieux à Marseille. Renseignements : www.mp2013.fr 52

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Bibliotheque Méjanes, Détail Coran XVIe siècle © Patrick Houdot

Le Goût de l’Orient, collections et collectionneurs de Provence Ils s’appelaient Fabri de Peiresc, Pitton de Tournefort, Garcin de Tassy, Venture de Paradis, Laurens... Entre le XVIe siècle et 1920, ces érudits ont posé les bases d’un orientalisme savant en Provence. Passionnés par les langues et les cultures de l’espace méditerranéen, ils ont collecté des manuscrits, objets d’art et tableaux, lors de voyages à la rencontre mondes arabes, turcs, berbères, arméniens, grecs, éthiopiens ou séfarades… Conservées dans les collections publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces pièces ont rarement eu l’occasion d’être exposées. Aujourd’hui, la Cité du Livre rend hommage à ces pionniers, en racontant leur histoire. Du 22 juin au 15 septembre. Cité du livre – bibliothèque Méjanes, 8-10, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. 04 42 91 98 88. Entrée libre. www.citedulivre-aix.com.fr. 8e art magazine • mars-avril 2013

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MILLE ET UNE NUITS

© Charles Tordjman

FOCUS

Un Beau matin, Aladin Au commencement, Dominique Bluzet, le directeur du Jeu de Paume, a eu envie de confier Les Mille et une nuits au metteur en scène Charles Tordjman, pas vraiment spécialiste des spectacles pour enfants. Après avoir jeté son dévolu sur Aladin et la lampe merveilleuse, ce dernier a imaginé de transformer sa comédienne fétiche, Agnès Sourdillon, en femme-oiseau conteuse et d’inviter les frères Forman. Avec ces scénographes et marionnettistes de génie, révélés en France par La Volière Dromesko et plus récemment Obludarium, un cabinet de curiosité dans la lignée de Tod Browning et David Lynch, il faut s’attendre à de belles surprises. Du 18 au 26 octobre. Théâtre du jeu de Paume, 17-21, rue de l’Opéra, Aix-en-Provence, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 6-20 €. www.lestheatres.net. 54

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© Vincent Lucas

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L’art prend

l’air

Dossier réalisé par Emmanuelle Gall, Marco Jeanson, Fred Kahn

Est-ce la perspective des beaux jours ? En ce printemps 2013, l’art affirme sa volonté de sortir des musées, la littérature des livres et la musique des salles de concert… pour investir la nature ou la ville, les espaces publics ou privés. Le phénomène n’est pas nouveau. Il y a un siècle, les dadaïstes étaient les premiers à couvrir les murs d’affiches, inonder les places de tracts ou se produire dans des halls de gares. Le public contemporain est familier de ces manifestations « hors-les-murs » : les Documentas à Kassel et les Nuits Blanches des capitales européennes lui ont donné le goût de l’art en liberté. C’est au tour de la Provence de donner l’exemple : de l’inauguration du GR® 2013 aux Grandes Carrioles de la Friche, customisées par des artistes, en passant par une foule des parcours urbains ou bucoliques, il va y en avoir pour tous les goûts.

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GR®2013

La randonnée à l’œuvre

Le GR®2013, un sentier de grande randonnée tracé par des artistes, propose un cheminement inédit à travers les Bouches-du-Rhône. À la fois projet culturel et artistique, enjeu géostratégique, infrastructure de transport pédestre, il invite à de nouvelles pratiques de la ville, voire à un nouvel usage du monde.

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Texte : Fred Kahn

En voiture, il ne faut que quelques minutes pour relier la gare ment est considérée en tant que médium artistique à part d’Aix-TGV à Vitrolles. La relation au territoire reste alors entière. Ces productions, qualifiées de « cinéplastiques » par très superficielle. A pied, le trajet dure deux heures. Bien Thierry Davila, répondent à des motivations nombreuses : qu’au cœur d’une des plus grandes métropoles d’Europe, sculpter l’espace avec son corps, répertorier les pratiques et nous suivons des pistes en terre, débouchons sur des corles usages, interpréter les traces et les indices organiques, niches d’où l’on profite d’une vue imprenable sur l’étang de explorer le « tiers paysage », les délaissés urbains… Quelle Berre, « la petite mer intérieure ». Le topoguide, édité pour que soit la posture, l’enjeu consiste à construire un objet de l’occasion, nous invite ensuite à emprunter une ancienne fiction, sur un mode de partage du sensible. Or, Marseille route départementale, « au bitume crevé de plantes sauet sa région comptent de nombreux artistes engagés dans vages », puis à contourner des processus d’art parun terril de boues rouges tagé. Baptiste Lanaspeze, pour descendre dans des le directeur d’une maison gorges. Nichée sous un rod’édition spécialisée dans Aucun de ces chemins n’est le fruit cher, nous découvrons alors l’écologie culturelle (Wilddu hasard, le GR®2013 a été « dessiné » la naissance de la Cadière, project), a ainsi proposé à un ruisseau qu’il s’agit de l’équipe de Marseille-Propar des artistes marcheurs. suivre jusqu’à son embouvence 2013 un projet un chure dans l’étang de Bolpeu fou : confier à de tels mon. Aucun de ces chemins créateurs le soin de tracer n’est le fruit du hasard, le GR®2013 a été « dessiné » par des un sentier de grande randonnée à travers le territoire de artistes marcheurs. Comme une œuvre d’art ? En tout cas, il la capitale européenne de la culture. Nicolas Memain, qui est l’occasion d’envisager notre environnement périurbain a dessiné le premier le sentier sur une carte, affirme avoir avec un point de vue esthétique. Ce dernier devient alors posé son geste « comme un ingénieur propose les plans d’une « plastiquement » fascinant, à l’image de la complexité et de infrastructure de transport. » L’artiste n’a fait que très pragl’ambivalence de la nature humaine. matiquement induire des usages moins schizophréniques du territoire. Le caractère arbitraire des frontières adminisL’art par le corps. tratives entre les différentes intercommunalités devient flaLa marche est depuis longtemps identifiée comme une source grant. Autrement dit, « la métropole d’usage ne se superpose d’inspiration pour la création artistique. Les flâneries baupas à la carte politique ». delairiennes, les déambulations surréalistes, ou les dérives À l’arrivée, le sentier dessine une double boucle en forme de situationnistes envisageaient déjà le déplacement comme huit, de 365 kilomètres, dont les extrémités sont Miramas un facilitateur, ou un déclencheur, pour l’esprit créateur. et Aubagne. L’épicentre est situé sur la gare TGV d’Aix-enMais depuis une quarantaine d’années, la mise en mouveProvence (soulignant ainsi un nœud de communication

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L’ART PREND L’AIR

GR®2013

©Karine Maussière

Arrivée à Berre-L’Étang, l’une des 39 communes traversées par le GR®2013.

essentiel – mais sous-utilisé – pour le département des Bouches-du-Rhône). Une branche du lasso entoure l’étang de Berre ; l’autre boucle suit les flancs du massif de l’Étoile et du Garlaban. À travers la garrigue ou le long des autoroutes, entre espaces ruraux et citadins, le sentier relie ainsi 39 communes des Bouches-du-Rhône. Ville sauvage. Vue d’avion, la Métropole semble uniforme : un continuum urbain, plus ou moins « mité » par quelques espaces verts. Le GR®2013 nous fait pénétrer dans un territoire beaucoup plus contrasté, où l’urbanisation, bien que très violente, dialogue avec une nature omniprésente. Baptiste Lanaspeze considère d’ailleurs que Marseille est l’une des cités les plus sauvages au monde : « Une ville avec un amphithéâtre de collines non constructibles ; une ville avec le seul Parc national

périurbain d’Europe ; une ville parsemée de trous, de friches végétales, créés par la désindustrialisation et la baisse de la démographie… ». Or, les artistes adorent s’engouffrer dans les interstices, cherchant à révéler des stratégies à l’œuvre de manière souterraine, des agencements autrement invisibles. Ils développent alors une connaissance extrêmement pointue du territoire, de sa topographie et de sa géographie intime. En reprenant la marche en direction de Vitrolles, nous longeons une ligne de crête jusqu’à un calvaire qui offre une plongée panoramique sur la conurbation VitrollesMarignane-Saint-Victoret. Nous voici revenus au cœur de l’urbanisation, dans l’axe des pistes de l’aéroport MarseilleProvence et dans le prolongement des serpents autoroutiers qui s’enroulent frénétiquement les uns au-dessus des autres. Le contraste entre le relatif havre de paix que nous venons 8e art magazine • mars-avril 2013

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L’ART PREND L’AIR

GR®2013

© Geoffroy Mathieu

Le tracé du sentier : une double boucle de 365 kilomètres.

Une balade entre ville et nature. 60

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INAUGURATION ET ANIMATIONS Le tracé du GR sera révélé, du 22 au 24 mars, par une course de relais, avec de multiples étapes. L’arrivée aura lieu sur le Plateau de l’Arbois. Le collectif d’artistes-marcheurs (Laurent Malone, Christine Breton, Hendrik Sturm, Matthias Poisson, Julie de Muer, Dalila Ladjal et Stéphane Brisset du collectif SAFI, Nicolas Memain, Denis Moreau, Geoffroy Mathieu, Philippe Piron, Baptiste Lanaspeze) guidera de manière « sensible » les randonneurs. La Fédération française de randonnée (FFRandonnée), les associations et les collectivités territoriales traversées proposeront aussi des activités et des animations. Plusieurs temps forts seront également organisés tout au long de l’année par MarseilleProvence 2013 et les communes traversées par le GR. Les 27 et 28 avril, un événement festif et gourmand aura lieu du côté de Salon-deProvence. Puis, en mai, le plateau de Vitrolles sera investi par de nombreuses propositions artistiques. Des installations qui jouent avec le paysage, des balades décalées, un pique-nique, des rencontres avec de jeunes plasticiens architectes venus de plusieurs pays d’Europe... Autant de façons de mettre en mouvement notre imaginaire territorial.

« Les Bouches-du-Rhône ressemblent à une œuvre de Land art puisqu’elles ont été profondément modifiées, usagées, par l’homme. » de quitter et cet enchevêtrement urbain est saisissant. La cohabitation du naturel et de l’artificiel serait donc possible ? Souhaitable ? Le GR offre ainsi de multiples agencements apparemment contradictoires. Par exemple, quand après avoir traversé le bois de Boulard (à Cabriès), encore imprégnés par les senteurs forestières, nous débouchons dans une clairière sur un plateau, d’où notre regard embrasse tout Plan de Campagne, l’une des plus grandes zones commerciales d’Europe. Exactement comme une œuvre d’art modifie notre manière de percevoir le monde, cet usage inédit du territoire transforme radicalement notre point de vue sur un environnement pourtant extrêmement familier. Loïc Magnant, chef de projet à Marseille-Provence 2013, évoque encore d’autres portions du GR : « de Miramas à Istres... De Miramas à Salon, ou le cheminement qui relie les différents massifs du Garlaban... » Autant de « séquences » d’un tracé périurbain brouillant la frontière entre ce qui procéderait de l’ouvrage de l’homme, donc de l’artifice, et ce qui relèverait du naturel. Ne nous leurrons pas, cette traversée ne renvoie pas à l’idéal du beau. « Le territoire a été abîmé, il

en a pris plein la gueule, reconnaît Baptiste Lanaspeze. Il n’est pas question de faire l’éloge de notre société, mais de suspendre le jugement pour adopter une posture contemplative. Les Bouches-du-Rhône tout entières ressemblent à une œuvre de Land art puisqu’elles ont été profondément modifiées, usagées, par l’homme. Et ces interventions humaines dans le paysage sont plastiquement fascinantes ». Ainsi, le GR®2013 nous confronterait à un environnement, non pas beau, mais, sublime, car le beau est harmonie, alors que le sublime peut être difforme et chaotique.

GR®2013

Inauguration du 22 au 24 mars. Fête du plateau de Vitrolles, du 24 au 26 mai. 04 42 77 90 27.

WWW.

mp2013.fr vitrolles13.fr 8e art magazine • mars-avril 2013

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OISEAUX / TONNERRE

Des profondeurs

aux sommets Non loin du GR®2013, un projet littéraire et musical construit un pont imaginaire entre la Sainte-Victoire et les anciennes mines de Gardanne. De profondis ad summum, l’opéra de Célia Houdart et Sébastien Roux transforme le spectateur en voyageur. Texte : Emmanuelle Gall • Photo : Graziella Antonini

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Dans la mythologie amérindienne, les oiseaux-tonnerre (thunderbirds) tirent leur nom du fracas produit par le battement de leurs ailes, immenses. Sur la Sainte-Victoire et au Puits Yvon Morandat, à Gardanne, Oiseaux / Tonnerre est un diptyque, constitué d’un parcours et d’une installation sonores : « un petit opéra bruissant et minéral, reliant les sommets et les profondeurs ». Initié par Marseille-Provence 2013, dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée, (des résidences d’artistes dans les entreprises et collectivités de la région), ce projet invite à découvrir, sous un jour inédit, les sentiers battus du massif aixois comme les vestiges du Grand ensemble minier de Provence. Il est l’œuvre des deux artistes marcheurs, l’écrivaine Célia Houdart et le compositeur Sébastien Roux, inspirés par la nature et le génie des lieux. De la mine… On a tendance à l’oublier. Gardanne a longtemps été à la pointe de l’exploitation du charbon en Europe. Jusqu’en 2003, le Puits Yvon Morandat (d’une profondeur de 1109 mètres et d’un diamètre de 10 mètres) battait des records de productivité. Cela ne l’a pas empêché de fermer, provoquant la dernière grande lutte de l’histoire minière en France. Racheté par la mairie, le site de quatorze hectares a été transformé en pépi-

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nière de jeunes entreprises dédiées aux nouvelles technologies. Quand Sandrina Martins, qui pilote les Ateliers de l’Euroméditerranée pour Marseille-Provence 2013, a découvert l’histoire du lieu et sa reconversion, sa décision a été immédiate. Il fallait y créer un atelier, même si les start-up hébergées sur place, souvent précaires, n’ont pas encore la stature de riches mécènes. Au moment où elle pense à contacter Célia Houdart et Sébastien Roux, dont elle a apprécié les parcours sonores à l’occasion du Festival d’Avignon ou d’Evento à Bordeaux, les deux artistes projettent justement d’aller marcher dans la nature et rêvent de la Sainte-Victoire. Le duo s’est rencontré grâce à une passion commune pour le compositeur contemporain Georges Aperghis et un goût pour la littérature et la musique « en situation », hors-les-murs. Et si l’espace urbain a été leur premier terrain de jeu, ils sont un peu las de la saturation sonore des villes et sont en quête d’autres espaces à investir. Heureuse coïncidence – ou signe du destin ? –, la SainteVictoire est aussi haute qu’est profond le Puits Yvon Morandat. Pour ces amoureux de la géologie, désireux d’explorer les reliefs et le sous-sol, la relation entre la Sainte-Victoire et le puits est d’autant plus évidente qu’ils se regardent : « En faisant des repérages sur la montagne, notre regard était souvent attiré par la centrale électrique de Gardanne, et quand nous nous sommes garés sur le parking de la mine, notre première vision a été la Sainte-Victoire », raconte Célia Houdart. Et, après avoir crapahuté en compagnie des oiseaux, les artistes découvrent que la mine est devenue le rendez-vous des hirondelles. Le tandem se met à l’écoute des « bruits » de la Sainte-Victoire et du puits. Ils rencontrent les anciens mineurs, qui leur parlent des craquements, des fracas, jadis entendus dans la mine. Émus par la passion de ces hommes et la puissance évocatoire de ces lieux, intacts malgré leur désaffection, les artistes imaginent une fiction nourrie de toutes les sensations vécues pendant ces mois passés entre nature et histoire, sommets et profondeurs. À un hymne à la nature. Après deux ans de travail, le résultat est un diptyque reliant la Sainte-Victoire aux anciens vestiaires du Puits Yvon Mo-


L’ART PREND L’AIR

OISEAUX/TONNERRE

Célia Houdart et Sébastien Roux, en repérage à la Sainte-Victoire et au Puits Yvon Morandat.

Célia Houdart a écrit le livret pour les êtres de la Sainte-Victoire : le rossignol, le lactaire délicieux, la fauvette, la lune, l’aigle Bonelli…

randat. Dans « cet ancien espace de travail, de passage, qui rappelle l’univers étrange d’Enki Bilal », les artistes ont fait entrer la nature. Y sont diffusés, en continu, des sons semblant issus des profondeurs de la terre, en interaction avec un dispositif de fumée et de lumière « évoquant le ciel avant l’orage ». Dans les anciennes douches, les voix d’une femme et d’un homme racontent leur descente de la Sainte-Victoire, décrivant comme des caméras subjectives les sensations emmagasinées au fil du parcours. Pour Célia Houdart, cette installation « déplace l’imaginaire des lieux sans les modifier, repousse les murs et perturbe l’espace, mais à travers les seules perceptions ». Une façon de redonner vie à la mine, d’y faire entrer un ailleurs, une poésie nouvelle, tout en respectant son histoire. Sur la Sainte-Victoire également, l’intervention des artistes reste discrète, de l’ordre des seules sensations.

Muni d’un casque et d’une carte, retirés à la Maison de la Sainte-Victoire ou téléchargés sur Internet, le spectateur est invité à une balade de deux heures, dont les temps de pause sont autant de concerts privés. Assis sur un promontoire, dans une grotte, puis une ancienne carrière, le marcheur écoute un opéra conçu comme un dialogue entre les règnes, végétaux, animaux et humains. Célia Houdart a écrit le livret « pour les êtres de la Sainte-Victoire » : le rossignol, le lactaire délicieux, la fauvette, la lune, l’aigle Bonelli… Dans cette fiction animiste, confiée à plusieurs comédiens, cohabitent des chants d’oiseaux retranscrits, un chœur d’animaux et un récit à deux voix, celles d’un homme et d’une femme interprétés par Agnès Pontier et Guillaume Rannou. Le tout sur une partition minérale et climatique de Sébastien Roux.

PARCOURS SONORE

à partir du 20 mars. Départ Maison de la Sainte Victoire, D 17, Saint Antonin sur Bayon. Gratuit. 04 13 31 94 70. INSTALLATION

du 13 avril au 12 mai. Puits Morandat, 1480, avenue d’Arménie, Gardanne. 3-5€.

WWW.

mp2013.fr. 8e art magazine • mars-avril 2013

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PIERRE SAUVAGEOT

Arts pour

grands espaces Lieux publics, la structure dirigée par le compositeur Pierre Sauvageot, a été l’un des principaux moteurs de la construction de la capitale européenne de la culture. À son initiative, en 2013, de nombreux événements vont s’inscrire dans l’espace urbain. Comment l’artiste analyse-t-il ce foisonnement et quels sont ses projets ? Propos reccueillis par Fred Kahn • Photos : Vincent Lucas

Une part importante de la programmation de MarseilleLieux publics est donc présent sous de multiples formes Provence 2013 se déroule dans l’espace public. Vous n’êtes tout au long de l’année 2013 ? certainement pas étranger à ce choix ? Tout d’abord, nous continuons Sirène et midi net. Depuis neuf Lieux publics a en effet été fortement associé à la construction ans, chaque premier mercredi du mois, sur la place de l’Opéra, de la capitale européenne de la culture. Je me suis impliqué des artistes jouent avec la sirène d’alerte qui résonne dans la pour que l’art dans la cité ville. Et le 4 décembre, nous représente un volet strucfêterons la centième de ce turant du projet porté par rituel artistique et urbain. Marseille-Provence 2013. Lieux publics est également à « Les événements que Lieux publics présente Je n’ai qu’un seul regret : l’initiative du Détournement en 2013 sont à la fois contemporains et nous n’avons pas complètede Canebière, l’installation ment réussi à aborder cette monumentale de Pierre Depopulaires : des esthétiques d’aujourd’hui, question de façon globale et lavie, visible depuis le début mais accessibles au plus grand nombre. » transversale. Il y aura beaude l’année sur la façade de la coup de propositions en esChambre de Commerce. pace public en 2013, mais, à mon sens, elles ne se croisent Mais l’actualité la plus impas assez. Nous n’avons pas su casser les murs invisibles qui médiate concerne Champ harmonique, un événement qui subsistent entre les disciplines. Les arts de la rue se heurtent a vocation à fédérer un public très nombreux ? toujours à une sorte de plafond de verre, comme si, par leur Nous allons déployer cette symphonie éolienne pour audidimension populaire, ces formes ne pouvaient pas totalement teurs-marcheurs et cinq cents instruments sur les hauteurs prétendre au statut de création contemporaine. Ce n’est pas des Goudes. Nous attendons 30 à 40 000 personnes dans ce du tout mon approche. Les événements que Lieux publics site absolument somptueux, d’où l’on surplombe tout Marprésente en 2013 sont à la fois contemporains et populaires : seille. Ce « projet de paysage » a été peu présenté en France. des esthétiques d’aujourd’hui, mais accessibles au plus grand De toute façon, à chaque fois, le lieu impose une recréation, nombre. Ainsi, aucun bagage particulier ne sera nécessaire une totale réécriture de l’ensemble du dispositif. Je dois pour entrer dans les propositions. Les manifestations seront composer avec le vent tout en invitant les gens à suivre un lisibles avec des rendez-vous dans des lieux facilement identiparcours, lui-même source de narration. Car Champ harfiables et des règles du jeu simples à comprendre. monique est aussi peuplé de personnages. Ils arpentent et 64

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L’ART PREND L’AIR

PIERRE SAUVAGEOT

Pierre Sauvageot, créateur de Champ harmonique et directeur de lieux Publics.

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Champ harmonique Ă Martigues, en 2010.

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L’ART PREND L’AIR

PIERRE SAUVAGEOT

« Il me semble essentiel de questionner le rapport à l’urbanisme avec un point de vue utopique et en laissant libre cours à l’imaginaire. »

soulignent l’espace musical, organisent des écoutes, posent des images, capturent des histoires et restituent des sons... Et, à l’automne, vous métamorphoserez la ville… P. S. : Nous allons, en effet, créer un rendez-vous international en trois volets. Ces Métamorphoses débuteront dans le bas de la Canebière avec Figures Libres, un spectacle de la compagnie KompleXKapharnaüM. La Canebière sera aussi le lieu d’un banquet, conviant plus de mille personnes : une grande tablée, scénographiée, mise en scène et en paroles, sur plus de trois cent mètres. La deuxième manche de ces Métamorphoses nous conduira à la gare Saint-Charles. Pour l’occasion, l’escalier monumental sera à la fois investi par une création chorégraphique partagée et transfigurée par une coloration. Pour ma part, je proposerai à l’intérieur de la gare une version très personnelle du Sacre du Printemps, car complètement réorchestré avec un instrumentarium électroacoustique. Et nous présenterons également toute une série de performances dans le quartier en coproduction avec In Situ, le réseau international que nous pilotons. Enfin, pour le troisième et dernier temps de ces Métamorphoses, nous avons invité le plasticien Olivier Grossetête qui édifiera, sur la Place Bargemont, une ville éphémère en carton avec des participants amateurs. Il me semble essentiel de questionner le rapport à l’urbanisme avec un point de vue utopique et en laissant libre cours à l’imaginaire.

SIRÈNE ET MIDI NET

tous les premiers mercredis du mois, à midi, place de l’Opéra, Marseille, 1er. CHAMP HARMONIQUE,

du 4 au 28 avril, aux Goudes. MÉTAMORPHOSES,

du 20 septembre au 6 octobre, centre-ville.

WWW.

lieuxpublics.com 8e art magazine • mars-avril 2013

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CHÂTEAU LA COSTE

De

l’art et du

Aux esthètes, que « des jeux et du pain » ne sauraient contenter, le domaine de Château La Coste propose un voyage exceptionnel. Dix ans après son acquisition par l’homme d’affaires irlandais, Patrick McKillen, ce Xanadu provençal recèle une collection d’art contemporain digne des plus grands musées. Par Emmanuelle Gall

vin A

Au détour de la route du Puy-Sainte-Réparade, le domaine du Château La Coste se dévoile progressivement. Passé le seuil, sobrement signalé par l’architecte Tadao Ando, dont l’esprit zen flotte sur l’ensemble du site, le visiteur est d’abord immergé dans un paysage vallonné, de vignes et d’oliviers. En suivant l’allée qui mène au centre d’art, il découvre peu à peu cet édifice sculptural de béton et de verre, gardé par une Crouching Spider (“Araignée tapie”) de Louise Bourgeois, se mirant dans l’eau d’un bassin conçu pour elle. La déambulation dans la librairie, puis le restaurant, offre d’autres spectacles : Infinity d’Hiroshige Sugimoto, une sculpture d’acier à l’image d’une formule mathématique, et un mobile de Calder qui s’anime les jours de mistral. Reste à choisir sa table, et sa vue, pour déguster un repas préparé à partir de produits frais, arrosé par un vin du domaine. Le ton est donné : tout, ici, est luxe, calme et volupté, ou plutôt art, nature et culture de la vigne. La crème de l’art contemporain. Lorsqu’il a acquis le domaine, sa bastide vénitienne de 1682 et ses 125 hectares de vignes, Patrick McKillen aurait pu se contenter de s’y préparer une paisible retraite. Sa passion conjointe pour l’art et le vin lui ont soufflé un autre projet, nettement plus audacieux : créer un breuvage à la mesure des lieux et inviter les plus grands artistes et architectes du moment à cultiver son jardin. Avec une fortune colossale, acquise dans l’immobilier et l’hôtellerie de luxe, l’homme a les moyens de ses ambitions. Il a aussi, en matière d’art, le goût et l’exigence qui font de cet incroyable work in progress un chef-d’œuvre, unique en son genre. Au fil de deux heures de balade dans une nature cultivée depuis l’époque

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CHÂTEAU LA COSTE

© Jean-Michel Othoniel 2012, © Tadao Ando 2012

L’ART PREND L’AIR

Jean Michel Othoniel, Croix (2007-2008), vue dans un reflet de la Chapelle de Tadao Ando (2011).

romaine – en témoignent les vestiges de sentiers pavés et prendre la mesure de cet éclairage quasi surnaturel. Invité de murs en pierres sèches –, le visiteur découvre pas moins d’honneur du domaine, Tadao Ando est également l’auteur d’une vingtaine d’installations, sculptures ou construcd’un pavillon, baptisé Four cubes to contemplate our envitions. D’autant plus exceptionnelles qu’elles ont presque ronment (« quatre cubes pour contempler notre environnetous été conçues, in situ, par les artistes. Ainsi, le peintre ment ») et a semé des bancs (Origami benches, 2011) dans Sean Scully a souhaité réaliser un Mur de lumière, dans l’esdifférents points stratégiques du parcours. Comme autant prit de ses toiles abstraites, d’invitations à s’immerger à partir de blocs de pierre dans le paysage, à prendre issus de carrières différentes le temps d’observer, par et dont les nuances varient exemple, les lames d’acier L’esprit zen de l’architecte japonais, Tadao au gré de la lumière. Plus plantées par Richard Serra… Ando, flotte sur l’ensemble du site. loin, le génie du Land art, Sur le chemin du retour, il Andy Goldsworthy, a creusé ne faut pas rater l’installason Oak room (« chambre de tion de Liam Gillick, perdue chêne ») dans une restanque. dans les arbres. Constituée Dans ce monument souterrain, aux allures de tombeau de de grilles mobiles, aux couleurs vives, et dont la manipuPharaon, l’artiste a conçu le plafond comme un nid inversé, lation génère des perspectives chaque fois différentes, elle constitué de milliers de branches de chêne de Bourgogne semble un jeu d’enfant aux résonnances multiples, entre tressées. L’invitation au recueillement et à la spiritualité se prison et œuvre d’art optique. Autre révélation : la goutte poursuit dans la chapelle XVIe siècle, restaurée par Tadao d’acier (Drop), déposée sous deux chênes centenaires par Ando et signalée par une croix en perles de verre de JeanTom Shannon. Tournant autour d’un axe, le miroir géant Michel Othoniel. L’architecte a enveloppé la bâtisse de pierre capture et reflète la totalité du paysage environnant. Pour d’une paroi de verre et de métal et dirigé la lumière à tracompléter le tableau, il faut également citer les œuvres de vers quelques interstices. Il faut fermer la lourde porte pour Tunga, Fanz West, Michael Stipe, Paul Matisse, Tatsuo 8e art magazine • mars-avril 2013

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CHÂTEAU LA COSTE

© Gehry Partners 2012

L’ART PREND L’AIR

Le Pavillon de Musique de Frank O Gehry (2008)

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Une vingtaine d’installations, sculptures ou constructions, d’autant plus exceptionnelles qu’elles ont presque tous été conçues, in situ, par les artistes.

Miyajima, Guggi… auxquelles s’ajoutera bientôt une installation de Sugimoto. La collection d’architectures de Patrick McKillen est à l’avenant. Outre Tadao Ando, quatre autres lauréats du prix Pritzker (Nobel de l’architecture) sont déjà intervenus dans le domaine ou ont reçu une commande. Le pavillon de musique de Franck Gehry, aux formes inspirées par les catapultes de Léonard de Vinci, a été transplanté de la Serpentine Gallery de Londres pour laquelle il avait été dessiné. Il accueille désormais des concerts dans le cadre du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. On pourra bientôt visiter deux maisons historiques, réalisées par Jean Prouvé, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, pour accueillir les sinistrés de Lorraine. Également, en projet, un auditorium signé Renzo Piano, un hôtel-spa conçu par l’agence Tangram et un bâtiment agricole confié à Oscar Niemeyer… L’accord vin et œuvres. Au « village », où sont regroupés les équipements viticoles, Jean Nouvel a réalisé dès 2008, son premier chai de vinification. L’édifice en aluminium, au toit arrondi pour ruser avec les rayons du soleil, est à la pointe de la technologie. Il se visite à la fois comme une œuvre et un laboratoire, aux exigences techniques multiples. En vin comme en art, Patrick McKillen a voulu le meilleur. Dotant le domaine des machines allemandes et italiennes les plus performantes du moment, il en a confié les rênes à l’œnologue et vigneron de Cahors, Matthieu Cosse. Depuis 2006, ce dernier travaille selon les principes de la biodynamique, c’est-à-dire en préservant le terroir et la qualité de ses sols. Héritier d’un Coteaux-d’Aix-en-Provence et de ses quelques cuvées historiques (Lisa, Rosée d’une nuit…), il assemble les cépages à la manière d’un artiste. Avec une production annuelle de 750 000 bouteilles, réparties en cinq gammes et trois couleurs, toutes labellisées bio, Matthieu Cosse mise à la fois sur la diversité et la qualité. Et les restaurateurs de la région sont de plus en plus nombreux à lui passer commande.

DOMAINE DU CHÂTEAU LA COSTE

2750, route de la Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade. 04 42 61 89 98. 6-19 € www.chateau-la-coste.com 8e art magazine • mars-avril 2013

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PARCOURS URBAINS

Recréer la ville

L’expression « parcours urbain » recouvre des propositions artistiques très diverses : depuis les expositions à ciel ouvert d’œuvres monumentales, tel L’Art à l’endroit à Aix-en-Provence, jusqu’aux performances déambulatoires d’artistes, inspirées par un quartier ou conçues in situ. Le printemps 2013 voit fleurir une foule de parcours et offre l’occasion de vivre des expériences originales, entre street art, collage et happening. Par Emmanuelle Gall

La Nuit de l’instant C’est déjà la quatrième édition de la manifestation proposée par Les Ateliers de l’image dans le Panier. Labellisée par Marseille-Provence 2013, elle gagne en amplitude. La « Nuit » commence le vendredi 12 avril à midi, pour accueillir les scolaires, et se prolonge jusqu’au lendemain à 18h. Le temps fort reste la soirée du vendredi, avec des vernissages dans une vingtaine de lieux. Au total, les œuvres de plus de cinquante artistes sont réunies dans le Panier autour d’une problématique commune : comment aborder l’image fixe de manière transversale ? Autrement dit, ici, la photographie se décline en vidéos, installations, projections, diaporamas, mais aussi peintures ou dessins… Comme lors des précédentes éditions, la Nuit 2013 expose une sélection d’œuvres issue d’un appel à 72

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Didier Petit , Voyons voir, 2011. L’oeil d’Etienne-Jules Marey, papier noir découpé, 225 x 125 cm.

participation international et des pièces choisies dans la collection du FRAC (Fonds Régional d’Art Contemporain) Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle présente, en outre, le résultat de cinq cartes blanches à des structures françaises (Voies OFF, Les Photomnales de Beauvais, Grains de Lumière, CIPM et Supervues) et d’un partenariat avec Košice 2013. Une exposition baptisée Dynamika réunit une vingtaine d’artistes slovaques et provençaux. L’accrochage, réparti entre La Traverse et La Citerne du Panier, se prolongera jusqu’à la mi-mai. Les 12 et 13 avril. La Traverse, 28-38, rue Henri Tasso, Marseille, 2e. 04 91 90 46 76. Entrée libre. www.ateliers-image.fr


L’ART PREND L’AIR

PARCOURS URBAINS

Laurent Lolmède, Art en vitrines, 2013. Dessin préparatoire au projet

L’Art en vitrines Sachant que la ville est le terrain de jeu privilégié de nombreux artistes contemporains, l’équipe de Marseille-Provence 2013 a eu envie d’initier un partenariat original et de transformer les vitrines des magasins marseillais et aixois en cimaises. Ou plutôt en lieu d’expérimentation, car pour Sandrina Martins, qui coordonne l’opération pour MP 2013, « il n’était pas question de se contenter d’installer des œuvres dans les vitrines, il fallait imaginer des projets spécifiques. » Dans les deux villes, de nombreux commerçants ont répondu présents. À Aix-en-Provence, où l’opération a lieu pendant les Rencontres du 9e art (et en partenariat avec la manifestation), le dessinateur Laurent Lolmède s’est régalé : « Imaginez plutôt, trente commerces (re)vus et dessinés à la sauce Lolmède. Du Monoprix au garage Peugeot, en passant par le boulanger et les inévitables marchands de calissons… Trente portraits de boutiques, avec au final des tirages XXL de dessins plus vrais que nature, qui seront mis en place pendant près d’un mois dans chacune des vitrines du lieu qu’ils représentent. » Lors du parcours, les visiteurs sont invités à retirer une carte postale, dans chaque boutique, pour se constituer une « collection de collectors ».

À Marseille, l’opération est orchestrée par l’Atelier Tchikebe, imprimeur et éditeur d’œuvres d’art réputé pour la qualité et l’originalité de son travail. Gilles Pourtier, qui a déjà réalisé plusieurs projets avec la structure, est parti en Martinique, pour photographier la jungle et rapporter à Marseille des paysages inédits. Tirées en très grands formats, ses photos ont été imprimées en anaglyphe : la bonne vieille méthode, issue de la stéréoscopie, pour donner l’illusion de la 3D. Une quarantaine de commerçants de l’hyper centre-ville (Canebière, rues de Rome et Saint-Ferréol) ont accepté de voir leur vitrine entièrement recouverte par ces images. Ainsi, équipé de lunettes 3D et d’un plan (à retirer dans les magasins partenaires), le spectateur se retrouvera immergé dans une incroyable jungle urbaine. Du 2 au 27 avril. Centres-villes d’Aix-en-Provence et Marseille. Renseignements : www.mp2013.fr

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En vadrouille avec Radio Grenouille Une Nappemonde, réalisée lors d’un atelier éponyme, au Merlan. « L’Aire de la Moure », une balade signée Erikm.

La radio marseillaise est, depuis longtemps, réputée pour ses projets hybrides et ses expérimentations tous azimuts. Le 23 mars, elle inaugure un site Internet dédié aux « promenades sonores » qu’elle produit depuis l’année dernière en partenariat avec Marseille-Provence 2013. Il propose (à l’écoute et au téléchargement gratuit) une vingtaine (et, à terme, une quarantaine) de créations « conçues pour les paysages entre ville et nature de Marseille-Provence et du GR 2013 ». Des parcours imaginés par des artistes, auteurs ou documentaristes, en ville ou la campagne, autour de lieux aussi divers que la Cité radieuse, Saint-Barnabé ou Les Aygalades, à Marseille, mais aussi d’autres espaces, à Aix, Salon, Istres, Arles… Sur le site, chaque promenade a droit à sa page, avec un plan détaillé, la durée du parcours, diverses informations sur les auteurs et leurs intentions. Des images et vidéos complètent le tout et donnent franchement envie de partir, casque sur les oreilles, en « promenade sonore ». À partir du 23 mars. www.promenades-sonores.com

Opératour

Officiellement associés au Théâtre du Merlan depuis 2010, les Grenoblois d’Ici-Même aiment Marseille. Ces dix dernières années, le collectif à géométrie variable, constitué selon les projets de trois à trente personnes, y a multiplié les projets et les collaborations, avec notamment Radio Grenouille ou la Gare Franche. Le fruit de leur dernière résidence au Merlan, en partenariat avec Marseille-Provence 2013, s’intitule Opératour et prend la forme d’un carnet de rendez-vous. Pendant le mois d’avril, le spectateur est invité à « vivre un état exploratoire de la ville » et à faire son choix parmi plusieurs propositions, allant de « promenades sonores » à une « randonnée d’intérieur » d’une durée de vingt-quatre heures. Les expériences, les formats et les lieux sont extrêmement variés, avec une prédilection pour les « échangeurs » : Marché d’Intérêt National, gare Saint-Charles, siège social d’une entreprise, plateforme industrielle du courrier, centre urbain du Merlan, plateau de théâtre… Prendre rendez-vous avec Ici-Même, c’est accepter d’être surpris. Le collectif revendique « une pratique protéiforme et transversale, croisant les approches et brouillant les frontières entre les disciplines : jeu d’acteur, création sonore, installation, performance, graphisme, architecture, photographie, écriture, vidéo, sociologie de terrain… » Pour faire connaissance avec ces artistes avant de s’engager, il est encore possible de participer à un atelier Nappemonde. La dernière séance d’exploration collective en prévision d’Opératour aura lieu au Merlan, le 30 mars. Nappemonde, le 30 mars. 10h-13h. Opératour, du 12 avril au 25 mai. Le Merlan, Avenue Raimu, Marseille, 14e. 04 91 11 19 30. 10-30 €. www.merlan.org 74

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L’ART PREND L’AIR

TUNNELS ARTISTIQUES

QUARTIERS CRÉATIFS

Jusque

dans les tunnels Deux des quatorze « Quartiers créatifs », initiés par Marseille-Provence 2013 dans des zones en rénovation urbaine, ont élu domicile dans des tunnels. Desservant la Friche de la Belle de Mai, les tunnels National et Bénédit avaient bien besoin d’un coup de peinture. Ils obtiennent bien plus ! Par Marco Jeanson

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Trous noirs, non-lieux… Les tunnels n’ont, en général, pas bonne réputation, et font plus souvent la une des faits divers que celle des magazines d’art contemporain. Dans la grande famille des tunnels marseillais, National et Bénédit, particulièrement dégradés, apparaissent en outre comme deux checkpoints, symbolisant la fracture nord-sud. Le premier, à tort associé à la Belle de Mai, est situé dans le premier arrondissement et le second, rue Bénédit, est à cheval sur deux quartiers : Saint-Charles et Chutes-Lavie. Il n’est donc a priori pas étonnant que les responsables du programme des Quartiers créatifs, qui consiste à inviter des artistes dans des cités ou des lieux publics en rénovation, aient pensé à ces infrastructures.

en pointillés transversaux sur la voûte et la coupure en son milieu. Aux heures éblouissantes de l’été, elle laisse percer comme une lumière divine. Le tandem est parti pendant six mois à la rencontre des habitants du quartier, pour récolter oralement leurs désirs et leurs souhaits. Leur projet : réaliser une série d’ex-voto sous forme de caissons lumineux à accrocher dans ce tunnel-crypte, en associant la formulation d’un vœu au détail d’une partie du corps. Chacun pourra d’ailleurs se reconnaître dans telle main ou tel oeil. « L’idée était d’inverser la perception que les gens ont de ce passage, explique Maryvonne Arnaud. Il est sale, il est irrespirable, il y a eu quatre-vingts morts lors d’un bombardement pendant la guerre, mais il ne doit pas faire peur. Il faudrait même arriver à initier Des ex-voto un nouveau réflexe : chaque contemporains. fois qu’on passerait dans ce Le tunnel National a été tunnel, on ferait un vœu, on « L’idée était d’inverser la perception que les confié à deux artistes grepenserait à un être cher… » gens ont de ce passage. » noblois, Philippe Mouillon Un grand nombre d’habiet Maryvonne Arnaud, tants ont été sollicités, par spécialisés dans les villes l’intermédiaire d’associaréputées difficiles voire tions et maisons de quar« ébranlées » (Rio de Janeiro, Johannesburg, Alger, Grozny, tier, de foyers de personnes âgées, du foyer pour femmes Sarajevo, Tchernobyl). Il ne manquait plus que Marseille à Honnorat, de l’école Victor Hugo, de l’espace lecture, ou la liste… « On nous a dit que c’était le quartier le plus pauvre encore de la boutique de la fondation Abbé Pierre, située d’Europe, un quartier à part, alors qu’il est en plein centrerue Loubon. Mais pourquoi des vœux ? « Parce que, pourville », dit Maryvonne Arnaud. De leur côté, les deux plastisuit Maryvonne Arnaud, derrière les souhaits se cachent les ciens ont tout de suite été frappés par l’aspect étrangement craintes… » Comme l’exprime l’un de ces ex-voto : « Je vougraphique de ce tunnel, avec sa disposition inédite de néons drais que l’humanité sorte du chaos, vite ! Moi, y compris. » 8e art magazine • mars-avril 2013

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L’ART PREND L’AIR

TUNNELS ARTISTIQUES

Ex-voto réalisés par Maryvonne Arnaud et Philippe Mouillon pour le tunnel National, 2013. 76

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Panneaux en aluminium, recouverts de vernis de carrosserie, réalisés par Frédéric Clavère pour le tunnel Bénédit, 2013.

Si la peur se tapit derrière le désir, l’humour n’est jamais ric Clavère, c’est un endroit glauque et anxiogène. Je l’ai pris bien loin de la gravité : « Je voudrais une femme, pas comme comme une déambulation forcée. » Spécialiste de la collecte Madonna, une femme sincère. » La Ciccone n’a qu’à bien se d’images de toutes provenances (stickers, hiéroglyphes, tenir ! Du fait de leur juxtaposition et leur répétition, les 135 images Panini, photographies de films…), l’artiste est égavœux sélectionnés laissent une impression douce-amère, lement parti à la chasse aux icônes auprès des habitants et teintée de poésie surréaliste. Certaines formulations sont des usagers du quartier. Il a organisé une série d’ateliers à la d’une simplicité ou d’une tristesse poignante : « Je voudrais Friche et dans les écoles, puis créé un site web participatif être stable, c’est tout » ou « Je (www.1000signes.fr), dédié veux, pour mon anniverà l’événement. En partant saire, aller dans un parc » du principe de la signaléou encore « Je voudrais ne tique routière, il l’a adapté à 460 panneaux en aluminium, recouverts de pas aller en prison quand je sa manière, c’est-à-dire avec vernis de carrosserie, exposés à deux mètres serai grand ». D’autres sont une bonne dose d’humour cinquante de hauteur. volontairement (?) poéet d’ironie. Aux panneaux, tiques (« Je voudrais retrouqualifiés de « polices » dans ver l’étoile brillante que j’ai le jargon des fabricants (les perdue ici » ou « Je veux plus ronds, carrés, octogonaux de ponts et moins de murs »), ouvertes (« Je voudrais renet rectangulaires), il a ajouté le blason et la bulle de BD qui, contrer l’homme ou la femme de ma vie »), paradoxales (« Je elle, restera vierge... Bientôt, 460 panneaux en aluminium donnerais ma vie pour voir mes enfants grandir ») ou même recouverts de vernis de carrosserie seront exposés à deux magnanimes (« Je voudrais que tous les vœux se réalisent »). mètres cinquante de hauteur (dans l’espoir d’échapper aux À défaut d’exaucer tous les vœux, Maryvonne Arnaud et tagueurs). Pour tous les voir, mieux vaut être piétons qu’auPhilippe Mouillon leur permettent de s’exprimer. Et, désortomobiliste ou motard. mais, pour faire un vœu, on saura où aller ! Des panneaux rigolos. Situé juste à la sortie de la Friche, le tunnel Bénédit n’est pas mieux loti que son grand frère du boulevard National. « C’est un non-lieu, un abysse », dit Frédéric Clavère, l’artiste qui s’est attelé à la lourde tâche d’égayer ce trou noir. Le Réseau ferré de France, à qui appartient le tunnel, lui a alloué les lieux tels quels, sans rénovation prévue. La voirie a toutefois refait les trottoirs. « J’emprunte ce tunnel tous les jours pour accompagner ma fille à l’école, poursuit Frédé-

EX-VOTO ET LE TUNNEL DES MILLE SIGNES

inauguration le 30 mars. Tunnel National, boulevard National, Marseille, 1er. www.mp2013.fr Tunnel Bénédit, rue Bénédit, Marseille, 4e. www.1000signes.fr 8e art magazine • mars-avril 2013

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JR

La Belle de Mai

s’affiche

D

Depuis mai 68, les murs avaient la parole. Avec JR, ils ont désormais aussi l’image. Célèbre pour ses affichages dans différents points chauds de la planète, l’artiste travaille avec les habitants de la Belle de Mai, dans le cadre d’un Quartier créatif. Par Marco Jeanson

Deux initiales, une paire de lunettes de soleil et un chapeau. conte JR, on a vu aux informations des mecs cagoulés shooSi JR cultive l’anonymat, ce n’est pas seulement par coquettés au téléobjectif, ça faisait peur, on aurait dit des sauvages. terie artistique. Tout a commencé quand il avait quatorze Mais moi, je ne les reconnaissais pas, ces gars des Bosquets. » ou quinze ans : il taguait son nom sur les toits et dans les Il est retourné les voir, les a photographié avec un objectif tunnels, de manière systématique, dans le seul but d’appo28 mm, de très près, et a collé leurs portraits grand format ser ses initiales. « J’étais à la fois l’artiste et le message, mon dans les rues de Paris, avec leur nom et adresse. Puis, il a but c’était d’exister au sein de la ville. » Un jour, l’adolescent fait la même chose de part et d’autre du « mur de séparatrouve un appareil photo, mais attend un an avant de s’en tion » en Cisjordanie, sur les façades de la favela Morro de servir : « Je n’étais pas très bon en graffiti, mais j’avais enProvidencia à Rio, sur les toits du bidonville de Kibera à vie de raconter ces aventures nocturnes sur les voies ferrées. Nairobi… Voilà comment on devient à moins de trente ans J’ai donc pris des photos et, le « Cartier-Bresson du XXIe ensuite, la première idée qui siècle », représenté par la m’est venue à l’esprit, c’est galerie Emmanuel Perrotin de les coller dans la rue. » À à Paris, Hong Kong et New Voilà comment on devient à moins de trente dix-sept ans, JR fait son preYork. ans le « Cartier-Bresson du XXIe siècle »… mier affichage sauvage : des photocopies A4 encadrées Collages collectifs à la bombe de peinture. à La Friche. Il écrit sur le mur : « Mon Photographe, colleur d’afexpo à moi, c’est la rue ». Plus tard, le message devient « exfiches, voyageur, JR se concentre aujourd’hui sur son activité po2rue », puis « sidewalk gallery » (« galerie du trottoir »), en d’imprimeur, avec deux grands projets colossaux et globalitraversant la Manche. Les formats A4 s’agrandissent en A3 sés qu’il mène de front. Unframed (« Hors-cadre ») et Inside juxtaposés… Toujours en noir et blanc. En 2004, JR rend Out (« Dedans dehors »). L’artiste ne prend plus de photos, visite à un ami, Ladj Ly, dans le quartier des Bosquets, à Climais travaille sur des images d’archives et des portraits. Son chy Montfermeil. Il prend des photos et les compères décibut : « sortir le monde de son cadre » (Unframed), « le retourdent de les imprimer sur des lés de papier peint avant de les ner » (Inside Out). À Marseille, il est venu à la rencontre des coller à l’endroit même où elles ont été prises. Un an passe habitants du quartier de la Belle de Mai dans le « cadre » et les émeutes de 2005 éclatent. La première voiture brûlée de Unframed. La recherche a commencé par une collecte l’est juste devant l’affiche de Ladj, avec sa caméra braquée d’images hétéroclites auprès des vieux, des moins vieux, des comme un revolver. Cette image deviendra emblématique jeunes, pour se faire une idée des mémoires collectives et et fera le tour de la France, puis du monde. « Ensuite, raindividuelles du quartier. Il y est beaucoup question d’émi-

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L’ART PREND L’AIR

JR

Unframed, Man Ray revu par JR, Femme aux cheveux longs, 1929, à Vevey (Suisse), 2010.

Unframed, Robert Capa revu par JR, Troupes américaines durant la bataille de Leipzig, à Vevey (Suisse), 2010.

gration, bien sûr, mais aussi de luttes politiques, d’histoire industrielle et, chez les jeunes, de préoccupations sans rapport avec le quartier. Parce que JR est un artiste sollicité aux quatre coins du monde, l’encadrement du projet ne s’est pas fait sans mal. Pourtant, dès que le bonhomme réapparait autour de la place Bernard Cadenat, l’aventure reprend. Contrairement à son homonyme télévisuel, JR est un jeune homme rempli d’empathie, capable, en quelques mots, de donner une bonne dose d’énergie positive à une bande de collégiens turbulents. « Il est ultra accessible et ne se la pète pas », disent des adolescents qui l’ont rencontré. Après avoir sélectionné les images, JR reviendra à Marseille pour l’installation finale (entre le 9 et 19 mai), à laquelle seront associés les jeunes du quartier. Un gigantesque collage est prévu sur la façade du restaurant de la Friche, donc visible

depuis l’arrivée en train, tandis que d’autres collages seront disséminés dans le quartier de la Belle de Mai et feront même l’objet d’un parcours « Proxi-Pousse », ces rickshaws qui fleurissent à Marseille depuis 2009. JR ayant travaillé sur une nouvelle colle plus résistante, les affiches devraient tenir plusieurs années…

Inauguration les 17, 18 et 19 mai. Friche de la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e, 04 95 04 95 95. Entrée libre.

WWW.

lafriche.org 8e art magazine • mars-avril 2013

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BERNAR VENET

Désordre au Pharo

Bernar Venet, le pape du minimalisme français, a été invité par Marseille-Provence 2013 à investir les jardins du Palais du Pharo. Début mars, le sculpteur viendra installer Désordre face à la mer. Par Marco Jeanson

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Malgré sa monumentale exposition en 2011 au château de ciel toujours dégagé. Mes sculptures rouges, de toute évidence, Versailles, Bernar Venet reste moins connu en France qu’à devraient pouvoir jouer parfaitement avec les effets d’un soleil l’étranger. C’est un peu de sa faute. Né dans les Alpes de toujours présent. » Désordre est une œuvre monumentale Haute-Provence, il y a un peu plus de soixante-dix ans et après conçue spécialement pour la capitale européenne de la culture, avoir fréquenté Arman, César et Jacques Villeglé, il est parti un ensemble de douze groupes d’arcs penchés, immobilisés s’installer aux États-Unis en 1966. « J’y ai appris le formalisme, dans leur chute, chaque groupe étant solidaire et composé de dit-il avec une pointe d’accent méridional, la puissance de cinq à huit arcs, soudés les uns aux autres et mesurant entre l’œuvre d’art américaine. » À New York, il s’impose dans les quatre mètres et quatre mètres cinquante de haut. Le tout années 70 comme l’un des pour un poids total compris chefs de file internationaux entre quarante et cinquante de l’art conceptuel. Il expose tonnes. « Les arcs tiennent aux côtés des tenants de l’art « Les arcs tiennent debout, mais s’agencent en debout, mais s’agencent en minimaliste : Sol LeWitt, quinconce dans un chaos toquinconce dans un chaos total. » Donald Judd, Carl Andre, tal, explique l’artiste. L’aléaDan Flavin, dans les galeries toire faisant partie de la règle Dwan, Paula Cooper… De du jeu, l’objectif est de libérer plus en plus orienté vers la la sculpture des contraintes de sculpture monumentale, il manifeste un attachement personla composition et de critiquer le principe utopique d’un ordre nel persistant pour les formules mathématiques, en se spécialiidéal. » Un désordre volontaire pour répondre aux perspecsant dans les arcs – penchés, verticaux, effondrés – et la torsion tives imposantes du Palais du Pharo. D’autres lieux avaient été de l’acier Corten. L’acier Corten est un acier auto-patiné à corévoqués : Pastré ? Trop loin. Borély ? Pas assez grandiose… rosion forcée, qui a l’aspect d’un acier rouillé, mais qui ne se Convoi exceptionnel. La difficulté consiste maintenant à dégrade pas, très apprécié dans l’architecture. Ses reflets ocre acheminer ces sculptures depuis les différents ateliers où elles lui donnent de superbes colorations lorsqu’il est éclairé par le ont été construites, dans les Vosges, en Belgique et en Hongrie, soleil couchant. « Quand j’ai découvert l’espace du Pharo, dit à travers les rues de Marseille jusque sur la pelouse qui domine Bernar Venet, l’esplanade sublime qui surplombe le Vieux-Port le Vieux-Port. Pierre Garonne, le transporteur qui s’occupe et une partie de la ville de Marseille, mon choix a été immédiat. des installations de Bernar Venet depuis vingt ans à travers le J’avais là, à ma disposition, un lieu idéal où le vert de l’immense monde, est un homme de la région. Cette installation lui tient pelouse rencontrait, telle une ligne d’horizon, le bleu pur d’un tout particulièrement à cœur. Il a prévu cinq convois excep-

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BERNAR VENET

© Patrick de Warren - Studio Bernar Venet / ADAGP Paris 2013

L’ART PREND L’AIR

Arcs penchés, installation au Muy (Var).

tionnels (cinq mètres de large et vingt mètres de long), deux charriots télescopiques (croisement entre la grue et le chariot élévateur) et trois jours de mise en place pour cinq personnes. « L’installation se fera en présence de l’artiste, explique-t-il. Entre le schéma et le montage, on risque de s’apercevoir sur place de certaines impossibilités. Il faudra moduler, déplacer des éléments… » Bernar Venet développe avec ses propres mots : « Ces arcs penchés obéissent au principe d’imprévisibilité. Nous avons là un type d’agencement qui ne recherche pas un ordre idéal, mais où l’inorganisation accepte un inattendu maximal. Je ne cherche plus à trouver la méthode la plus rigoureuse possible pour mettre en place mes œuvres. Étendu à la sculpture, cela induit un type de rapports nouveaux réfutant la notion de composition. » Carcasses de baleines ? Squelettes

de bateaux ?... Dommage que ces arcs gigantesques partent un jour de fin d’été. « Les gens ne sont pas tous convaincus quand on arrive, dit Pierre Garonne. Mais c’est quand on s’en va que ça fait un trou. Aujourd’hui, à Versailles, la place d’Armes semble vide… »

Jusqu’au 23 septembre (inauguration le 2 mai). Palais du Pharo, 57, boulevard Charles Livon, Marseille, 7e, 04 91 14 64 95.

WWW.

palaisdupharo.marseille.fr 8e art magazine • mars-avril 2013

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LES GRANDES CARRIOLES

Street art

et/ou street food Une « grande carriole » est une roulotte fabriquée par un artiste ou un scénographe et animée par un jeune cuisinier formé par un chef expérimenté. Huit de ces drôles d’engins s’apprêtent à sillonner le territoire de Marseille-Provence 2013, en proposant des menus uniques à prix raisonnable.

L

Texte : Marco Jeanson • Photos : Pauline Daniel

Le concept des Grandes Carrioles est né dans le vaste bricla street food inquiète aussi, c’est la mal-aimée des pouvoirs à-brac coloré que constitue l’esprit inventif de Marie-José publics : problèmes éventuels liés « au bruit et à l’odeur », ou Ordener, ex-marionnettiste et grande prêtresse culinaire au respect des règles d’hygiène et de comptabilité. Et il a fallu des Grandes Tables (de la Friche, du J1…). La référence aux ôter de leurs roues pas mal de bâtons, parfois involontaires, marionnettes n’est pas le hasard : à l’arrivée, ces carrioles pour faire avancer ces Grandes Carrioles. Marie-José confie, ont des airs de castelets, en riant, qu’en Égypte on ces décors servant de cadre lui disait que c’est le soleil à Polichinelle, Pinocchio qui assainit les aliments. Ici, et Guignol. Le rapprochele Service d’Hygiène et de La street food n’est une mode ment ne s’arrête pas là, Salubrité publique veille au puisque Marie-José a glissé grain. que sous nos lattitudes. du théâtre de marionnettes aux pianos des cuisines Un chef étoilé pour 8 €. de manière naturelle, en Reste que la street food est commençant par faire de « désormais plus qu’une tenl’événementiel culinaire », soit de la restauration autour des dance. En témoigne, outre-Atlantique, l’engouement pour spectacles. « C’est un peu la même énergie, confie-t-elle. Le les gourmet food trucks, des camions ambulants aux cartes stress monte d’un coup, il y a deux heures de coup de feu, on gastronomiques. « Depuis près de quinze ans, explique le se dit qu’on ne va pas y arriver. » Les chefs avec qui elle a chef Thierry Marx de l’association Street Food en mouvetravaillé pour le projet des Grandes Carrioles ont été senment, de nombreux restaurateurs perdent de l’argent au désibles à ces émotions-là. C’est il y a sept ans, au moment où jeuner. Ils se prennent frontalement le développement phénoMarie-José a monté Les Grandes Tables, qu’est né le projet. ménal du snacking. La street food, par ses spécificités, est un Elle venait de passer quatre ans en Égypte et de découvrir moyen concret de redonner une place aux chefs qui sont des la magie de la street food – qui n’est une mode que sous nos acteurs naturels et évidents de cette offre culinaire renouvelatitudes. Dans les ruelles de Bangkok, sur la place Jemaa el lée. » Cette cuisine de rue répond à un besoin économique Fna de Marrakech, au Mercat de la Boqueria à Barcelone, elle et social. Avec les Grandes Carrioles, on pourra se payer des est souvent l’unique moyen d’alimentation pour une bonne chefs étoilés (quatre sur les huit carrioles) pour moins de 8 partie de la population. Chez nous, personne ne se nourrit euros ! Et, à terme, les grands ne seront pas les seuls concerexclusivement de panisses, de chichis-fregi et de pizzas. Mais nés : n’importe qui pouvant se lancer, la street food pourrait

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L’ART PREND L’AIR

LES GRANDES CARRIOLES

La carriole « Plancha », sur la terrasse des Grandes Tables.

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GRANDES CARRIOLES

À LA CARTE DES GRANDES CARRIOLES Carriole “vapeur” : Pudding Pastaga, gros agnolotti de boeuf Jean-Pierre Larroche / Cie Les Ateliers du Spectacle Christophe Dufau / chef étoilé – restaurant les Bacchanales (Vence - 06)

Carriole “friture” : Cornet de fraises et vermicelle croustillant, menthe frite, cornet de boulettes de poulet au citron, chou blanc au yaourt Christian Carrignon / Ciel Le Théâtre de Cuisine Sonia Ezgulian / auteur et chef cuisinière – restaurant Les Sardines Filantes (Lyon - 69)

Carriole “cru” : Spring-roll de concombre et chèvre frais Martine Camillieri / plasticienne pour Woodmood Armand Arnal / chef étoilé - restaurant La Chassagnette (Le Sambuc - 13) Les carrioles, « Friture », « Vapeur », « Wok » et « Cru ».

créer jusqu’à 50 000 emplois dans les prochaines années. Aussi, bien que ce soit un projet officiellement labellisé par Marseille-Provence 2013, on peut regretter le caractère sporadique des apparitions à venir de ces gargotes ambulantes. La Ville n’a en effet pas souhaité leur donner plus de place que cela, sans doute pour ne pas fâcher les commerçants qui ont pignon sur rue. Et quand on connaît les guerres d’emplacements qui se déroulent dans le petit monde très fermé des camions-pizza, on peut imaginer la suite. Pour l’heure, on pourra les voir – et les tester – le 23 mars à Salon-deProvence où elles seront toutes réunies pour la première fois. Elles seront ensuite présentes sur un grand nombre de manifestations durant l’année et, pas de panique, on pourra les suivre à la trace avec une application dédiée !

À partir du 23 mars, à Salon de Provence, puis sur les principaux événements de Marseille-Provence 2013. Renseignements : www.mp2013.fr et www.lesgrandestables.com 84

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Carriole “plancha” : Calamar à la planche, coulis de bouille Jean-Luc Brisson / artiste & paysagiste Fabrice Biasolo / chef cuisinier – restaurant Une Auberge en Gascogne (Astaffort - 47)

Carriole “wok” : Cornet d’agneau d’Istres, aux légumes de saison et jus de viande Catherine Sombsthay et Bart Kootstra / Cie Médiane Sébastien Richard / chef cuisinier – restaurant La Table de Sébastien (Istres - 13)

Carriole “mer” : Recette à venir Pierre Berthelot / Cie Générik Vapeur Christian Ernst / chef cuisinier – restaurant Le Moment (Marseille - 13)

Carriole “friture” : Recette à venir Jules Bouchié Vegis / designer Jérôme Di Salvo / chef cuisinier et traiteur - JETO (Allauch - 13)

Carriole « bouille-express » : Bouillabaisse Benoît Fincker / constructeur et inventeur pour dispositifs scéniques Marie-José Ordener / marionnettiste et cuisinière – Les Grandes Tables de la Friche (Marseille – 13)



PORTFOLIO

RENCONTRES DU 9 E ART

GEORGES ET SES « AFFICHES À JOUER » Par Olivier Levallois

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es Rencontres du 9e art fêtent leurs dix ans. Avec des moyens accrus par un partenariat avec MarseilleProvence 2013, la manifestation gagne en amplitude, mais ne change pas ses habitudes. Elle se concentre toujours sur un « week-end BD » (du 12 au 14 avril à la Cité du Livre d’Aix), autour d’une grande librairie, de divers ateliers, expositions, tables rondes et rencontres avec une cinquantaine d’artistes invités. Parallèlement, du 16 mars au 25 mai, un programme d’expositions dans différents lieux patrimoniaux de la ville est l’occasion de découvrir les œuvres d’auteurs comme Blexbolex, Herr Seele ou encore Jim Avignon. Les Rencontres continuent ainsi d’affirmer cette identité qui fait leur réputation, en valorisant une bande dessinée contemporaine – pas nécessairement grand public – qui explore les terres de l’illustration et du graphisme. Les éditions lyonnaises Grains de Sel et leur revue, Georges, s’inscrivent pleinement dans cette philosophie. Parmi la diversité des publications destinées aux enfants, cette dernière se distingue par ses séduisantes propositions graphiques au style épuré. Si l’on y retrouve les rubriques traditionnelles des magazines pour enfants (histoires courtes, jeux, minireportages, ateliers pratiques...), le traitement visuel – décalé – fait de chaque numéro publié un véritable livre-objet. D’ailleurs, les numéros ne portent pas de… numéros, mais des noms d’objets (« moustache », « ampoule », « trompette », « valise », « vélo »…), définissant la thématique de chacun d’eux. Pour Les Rencontres du 9e art, l’équipe présente une exposition intitulée Playground : une vingtaine d’affiches à jouer, conçues par des illustrateurs maison.

LES RENCONTRES DU 9E ART

Du 30 mars 27 avril 2013. Cité du Livre, 8-10, rue des allumettes Aix-en-Provence. 04 42 16 11 61. Entrée libre.

WWW.

magazinegeorges.com bd-aix.com 86

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Š Severin Millet

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Š Arnaud Boutin

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Š Bettina Henni

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Š Aurelie Guillerey

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© THTF

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© Hector Dexet

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Š Tom Henni


Š Fabrice Houdry

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Š Agathe Demois

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116 Enfants

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L’ÉVÈNEMENT

FRAC, VILLA MÉDITERRANÉE

LA RÉGION INAUGURE SES CHEFS-D’ŒUVRE

FRAC © KengoKUMA

Aléas des chantiers et des plannings ministériels obligent, la Région a dû attendre le printemps pour inaugurer ses deux nouveaux équipements culturels. Après le Fonds Régional d’Art Contemporain, le 22 mars, la Villa Méditerranée ouvrira ses portes au public au mois d’avril, avec une programmation éclectique, associant parcours d’expositions et événements.

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lusieurs fois retardées, les dates d’ouverture du FRAC et de la Villa Méditerranée se précisent. Pascal Neveux, directeur du premier, l’assure : « L’inauguration officielle de la première exposition, La Fabrique des possibles, aura lieu le vendredi 22 mars, en présence de la Ministre de la Culture et de la communication et de notre Président de Région. » Quant à la Villa Méditerranée, la date du 9 avril, annoncée sur le site Internet, semble très optimiste. Pour mémoire, la réalisation du bâtiment a été attribuée en 2004, sur concours, à l’architecte italien Stefano Boeri. Et le chantier estimé à 70 millions d’euros, entièrement financé par la Région, a débuté en 2010. Multipliant les prouesses – un porte-à-faux de 40 mètres sur un bassin artificiel de 2000 m2, une agora immergée… – l’édifice a l’apparence d’un plongeoir tourné vers le large. « Symbole de la mise en fraternité des peuples méditerranéens », selon le président Michel Vauzelle, l’institution entend devenir une plateforme d’échanges et de ressources, pour les spécialistes de la coopération inter-

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RÉGIS SAUDER, AUTEUR DU TRÈS REMARQUÉ NOUS, PRINCESSE DE CLÈVES, EN 2010, A PLANCHÉ SUR L’AVENIR DE LA MÉDITERRANÉE nationale comme pour le grand public. À partir du mois d’avril, il pourra y découvrir la Méditerranée dans tous ses états, à travers différents « parcours d’expositions ». Baptisé Plus loin que l’horizon et programmé jusqu’en 2016, le premier d’entre eux explore la thématique de la mobilité – marchande, touristique, clandestine – à travers des projections géantes d’images filmées par le documentariste Bruno Ulmer. Un autre réalisateur, Régis Sauder, auteur du très remarqué Nous, Princesse de Clèves en 2010, a planché sur l’avenir de la Méditerranée. Pour 2031 en Méditerranée, nos futurs !, il a animé des ateliers au Liban, en Turquie,


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Présentant des travaux historiques, et notamment ceux du marseillais Richard Baquié, comme des œuvres produites cette année à l’occasion de résidences artistiques dans des laboratoires de la région, l’exposition réunit une trentaine d’artistes, dans deux salles de 420 et 260 m2. Une surface et un volume sans commune mesure avec l’ancienne capacité du FRAC qui célèbre pour l’occasion ses trente ans d’existence. E.G. La Fabrique des possibles, du 23 mars au 26 mai. FRAC, 10, boulevard de Dunkerque, Marseille, 2e. 04 91 91 27 55. Entrée libre. www.fracpaca.org Villa Méditerranée (à partir du 9 avril), Esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 95 09 42 52. 5-7 €. www.villa-mediterranee.org

Villa Méditerranée Est © Boeri Studio

en Tunisie et à Marseille. Invitant des jeunes à réfléchir sur l’existence même de l’espace méditerranéen, puis à envisager son avenir, il a demandé à l’artiste Benoît Bonnemaison-Fitte de traduire, en dessins, les représentations de ses interlocuteurs. Le résultat sera projeté dans quatre « boîtes à images » thématiques : des installations géantes pour « donner la parole à la jeunesse et écouter ses désirs ». Au fil des mois, d’autres parcours suivront, complétés par une programmation de débats, projections, spectacles… autour de la Méditerranée. Prospective également, au FRAC, mais envisagée à travers le prisme de la création artistique contemporaine. Le vaisseau futuriste de Kengo Kuma va accueillir La Fabrique des possibles : une exposition collective autour « des modèles théoriques et scientifiques qui ont façonné notre culture contemporaine, aussi bien dans les domaines mathématique, scientifique que dans celui des sciences humaines. »

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SCÈNES

O MENSCH !, LE NIETZSCHE DE DUSAPIN

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chorégraphie inspirée par un répertoire de postures puisées dans l’histoire de la photographie. Passionné de photo comme d’architecture, Dusapin a également soigné l’espace acoustique et la scénographie. Thierry Coduys a mis au point des effets sonores subtils, consistant à « injecter au sein du public des espaces de réverbération dissemblables », ainsi qu’un dispositif de projection vidéo sur le sol et des voiles transparents. Suffisamment discret pour laisser s’exprimer pleinement la voix et la personnalité impressionnantes de Georg Nigl. C.C. Le 30 avril, 20h30.Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 6-12 €. www.theatre-lacriee.com

© Marthe Lemelle

Cofinancée par une souscription auprès du public en 2011, la création d’O Mensch ! par Pascal Dusapin est originale à plus d’un titre. Ce « petit inventaire non raisonné de quelques passions nietzschéennes » est né de la rencontre entre le compositeur et le baryton autrichien Georg Nigl, notamment à l’occasion d’un Faustus très remarqué en 2006. « Georg chantait et jouait un Faust fanatique et forcené, ne cessant jamais de se plaindre ou de vociférer », se souvient le compositeur, qui a voulu créer une œuvre sur mesure pour cette voix à la palette incroyable. Depuis longtemps fasciné par Nietzsche, sa philosophie et surtout sa poésie, Pascal Dusapin a composé vingt-sept pièces, dont quatre interludes pour piano seul, évoquant, tour à tour, l’humanité, la nuit, la mort, le désespoir, l’amour, la lune… Sur scène, Georg Nigl évolue, seul, aux côtés de la pianiste Vanessa Wagner, dans une


© DR

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© Fabrice Hernandez

SOLARIS

UN CASSE-NOISETTE Dix ans se sont écoulés depuis que le danseur et chorégraphe Bouba Landrille Tchouda a découvert le conte d’Hoffman et la musique de Tchaïkovski. D’abord dans une adaptation de Maurice Béjart (1998), puis de Jean-Christophe Maillot (1999), et enfin de Thierry Malandain (2001). Depuis, l’idée de se confronter au plus mythique des ballets n’a cessé de s’imposer à lui, de manière tenace. C’est chose faite avec Un casse-noisette, ballet né de son désir « de conserver la puissance fan-

tasmagorique du conte originel tout en lui conférant une résonance actuelle ». À partir de l’œuvre de Tchaïkovski, il invente une chorégraphie pour douze danseurs de sa compagnie, Malka (six femmes et six hommes), mêlant les danses urbaines et la musique classique, le récit féérique et l’univers des villes modernes. Une belle histoire d’hier au rythme d’aujourd’hui, avec un prince charmant comme il se doit, une jeune fille pas si sage, une forêt inquiétante et des périls traversés avec l’énergie du hip-hop... Du répertoire bien vivant. O.L.

Le 19 mars à 19h30, le 20 à 14h30, le 21 à 10h et 14h30, le 22 à 14h30 et 19h30. Le Pavillon Noir, 530, avenue Mozart. Aix en Provence. 08 11 02 01 11. 8-20 €. www.preljocaj.org

LES LARMES RENTRÉES

Mars, le récit d’un jeune Suisse rongé par un cancer, analysant sa maladie comme la conséquence de son éducation bourgeoise, fascine depuis sa parution française, en 1979. D’abord mu par « un très fort désir d’acteur », Laurent de Richemond a opté pour une mise en scène radicale. Dans un décor couvert de carrelages blancs, il incarne le héros, entouré de deux femmes enceintes (Edith Amsellem et Anne Naudon) tour à tour

Solaris est un roman de science-fiction métaphysique qui a notamment inspiré le réalisateur russe Andrei Tarkovsky. Le récit nous entraîne à la limite de ce que l’entendement humain peut admettre. François-Michel Pesenti creuse à cet endroit-là. Il est un véritable artiste, peu médiatique, car n’ayant « rien à vendre ». Se confronter à ses spectacles « inadéquats et déconcertants » relève d’une prise de risque. Que dit-il de sa lecture de Solaris, à l’intérieur d’une installation plastique créée par les Brésiliens Angela Detanico et Rafael Lain ? « Expliquer, c’est déjà justifier et justifier, c’est amoindrir la peur que l’on a de faire les choses. Les artistes devraient ouvertement assumer qu’ils n’ont rien à dire, cela les contraindrait – j’aime le verbe contraindre – à faire, comme le disait Beckett, «pire encore». Je veux faire pire encore. » F.K. Le 19 avril, 20h30 et le 20 avril,19h30. Théâtre des Bernardines, 17, boulevard Garibaldi, Marseille, 1er. 04 91 24 30 40. 3 à 12€. www.theatre-bernardines.org

pleines de compassion puis de révolte. Sous la table, un couple de danseurs nus (Frédéric Pichon et Barbara Sarreau) évolue en silence, « comme un inconscient refoulé et dissimulé aux yeux de celui qui parle ». E.G. Le 20 mars, 20h30, le 21 mars, 19h. Théâtre Antoine Vitez, 29, avenue Robert Schuman, Aix-en-Provence. 04 42 59 94 37. 4-16 €. www.theatre-vitez.com

© Thomas Fourneau

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SCÈNES

© Enguerand

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LE VOCI DI DENTRO Eduardo de Filippo était en quelque sorte le Molière du XXe siècle. Ses personnages populaires, hauts en couleurs, nous parlent immédiatement. Dans Le Voci di dentro, il installe tout ce petit monde dans un immeuble à Naples. Le quotidien des habitants, fait de disputes, de plaintes et de railleries, va exploser à la suite d’une accusation de meurtre... L’adaptation de Toni Servillo offre la quintessence de cette comédie. Il exploite tous les registres de la pièce : le rire et les larmes, le drame et la farce, le grotesque et le sublime. D’ailleurs, cette gouaille napolitaine (le spectacle est surtitré en français) rappelle franchement la faconde marseillaise. F.K. Du 20 au 23 mars, 20h30. Théâtre du Gymnase, 4, rue du ThéâtreFrançais, Marseille 1er. 08 20 13 20 13. 8-34 €. www.lestheatres.net

En 1999, Peter Brook créait Le Costume aux Bouffes du Nord : l’adaptation d’une nouvelle écrite dans les années 50 par l’écrivain sud-africain Can Themba. L’histoire de cette femme adultère, surprise par son mari et condamnée à cohabiter avec le costume abandonné par l’amant dans sa fuite, a fait le tour du monde. Si, aujourd’hui Peter Brook reprend la pièce dans une version anglaise surtitrée, ce n’est évidemment pas par paresse. À quatrevingt-sept ans, le metteur en scène préfère

d’ailleurs parler de « suite » que de reprise. Parce que sa nouvelle version, montée avec sa collaboratrice de toujours, Marie-Hélène Estienne, et le compositeur Franck Krawczyk, innove à plus d’un titre. Cette « pièce chantée » pour trois comédiens et trois musiciens, où Schubert côtoie Myriam Makeba, est davantage ancrée dans son contexte initial, l’apartheid. Entre vaudeville et conte cruel, dans un décor simplifié à l’extrême, le spectacle gagne encore en intensité. E.G.

Du 19 au 23 mars à 20h30, le 20 à 19h. Théâtre du Jeu de Paume, 17-21, rue de l’Opéra. Aix en Provence. 08 11 02 01 11. 8-34 €. www.lestheatres.net

BELLE DU SEIGNEUR (EXTRAITS)

Le chef-d’œuvre d’Albert Cohen, publié en 1968, narre la passion de Solal, juif, haut responsable à la Société des Nations et d’Ariane d’Auble, jeune aristocrate protestante et épouse d’Adrien Deume, petit bourgeois à l’âme étriquée. Les pensées des personnages s’y entrecroisent en un réjouissant canevas d’oralité. De cet écheveau originel, les metteurs en scène, Renaud Marie Leblanc et JeanClaude Fall et la comédienne Roxane Borgna ont tiré © Marc Ginot

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un fil : celui d’Ariane, justement. Tantôt midinette candide, épouse cruelle, amoureuse passionnée et sensuelle, l’héroïne soliloque dans l’intimité de sa salle de bain. Elle délivre ses réflexions les plus intimes : de l’aversion physique pour son mari, à sa passion brûlante et absolue pour Solal. Un bel hommage à l’amour, à la femme, et à la langue lyrique et exaltée d’Albert Cohen. O.L. Du 12 au 23 mars, 20h30, les 14 et 21 mars, 19h. Théâtre de Lenche, 4, place de Lenche, Marseille, 2e. 04 91 91 52 22. 17€. www.theatredelenche.info

© Mimmo Paladino

THE SUIT / LE COSTUME


© Vincent Arbelet

QUE FAIRE ? (LE RETOUR) Un couple dans une cuisine équipée prépare le diner... La pièce de Jean-Charles Massera, mise en scène par Benoit Lambert, débute sur un quotidien banal. Mais le tri de la bibliothèque devient prétexte à jauger notre héritage culturel et idéologique. « La Révolution Française, on garde ? », demande nonchalamment l’homme à sa compagne. « Et mai 68 ? » Que doit-on conserver ou jeter ? Comme souvent chez Massera, le quotidien cohabite avec le gigantisme intimidant de l’Histoire. Alors que faire ? À l’instar de ce duo : soumettre nos références majeures à notre jugement de non-spécialiste et demander des comptes. L’exercice porté ici avec allant par les comédiens (Martine Schambacher et François Chattot) est jubilatoire… et libérateur. Que faire de notre aliénation à l’histoire ? Jouer avec, pour mieux la déjouer.O.L. Le 2 avril, 20h30, le 3 avril, 19h. Théâtre Antoine Vitez, 29, avenue Robert Schuman, Aix-en-Provence. 04 42 59 94 37. 4-16 €. www.theatre-vitez.com

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MUSIQUES

ABD AL MALIK CHANTE CAMUS

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été élevé par une mère seule ? Une rencontre déterminante avec un enseignant ? Le soleil de l’Afrique ? Une enfance difficile ? Abd al Malik a choisi de revenir aux origines de l’œuvre d’Albert Camus, son ouvrage de jeunesse écrit à vingt-deux ans, L’Envers et l’endroit. « La préface qu’il fait à la réédition de ce petit livre vingt ans plus tard, confie Abd al Malik, a toujours été pour moi une sorte de feuille de route. » Camus y écrit ceci : « Je sais que ma source est dans L’Envers et l’endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu… Si j’ai beaucoup marché depuis ce livre, je n’ai pas tellement progressé. » À se replonger dans les pages du jeune Albert, on

se dit qu’il est effectivement difficile d’aller plus loin : « Ce qui compte, c’est d’être vrai et alors tout s’y inscrit, l’humanité et la simplicité. Et quand donc suis-je plus vrai que lorsque je suis le monde ? Je suis comblé avant d’avoir désiré. L’éternité est là et moi je l’espérais. Ce n’est plus d’être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d’être conscient. » La balle est désormais dans le camp d’Abd al Malik. M.J. Du 12 au 16 mars, 20h30, relâche le 14 mars. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 11 02 01 11. 8-34 €. www.lestheatres.net.

© Fabien Coste

C’est l’un des événements de MarseilleProvence 2013 au Grand Théâtre de Provence : un dialogue au sommet entre Abd al Malik, slameur soufiste, et Albert Camus, prix Nobel et romancier de l’absurde. Une faille temporelle leur a permis de se rencontrer puisque le Pied-Noir est mort depuis quinze ans quand le petit Parisien d’origine congolaise voit le jour. « Qu’y a-til de commun entre Albert Camus et moimême ? » se demande Abd al Malik. « Il n’y a aucune prétention dans la question que je me pose, mais plutôt une aspiration. Car j’ai toujours vu en Camus un idéal dans la manière d’être artiste, un élan dans la façon d’habiter l’écriture. » Est-ce le fait d’avoir


© Franck Loriou

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DOMINIQUE A

Le 21 mars, 20h30, Grand Théâtre de Provence. 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. 10-42 €. www.lestheatres.net

Le 19 mars, 19h30. Espace Julien. 39, cours Julien, Marseille, 6e. 04 91 24 34 10. 30 €. www.espace-julien.com

© Alix Laveau

RICHARD GALLIANO

A comme Artiste interprète masculin de l’année. Après des années de nominations dans la catégorie « révélations », l’auteur de Vers les lueurs remporte cette année sa première Victoire de la Musique. A comme anniversaire. Après avoir fêté, l’année dernière, ses vingt ans de carrière par des rééditions, un nouvel album, des concerts à guichet fermé et une nouvelle incarnation sous la forme d’un personnage de BD, Dominique A est parti faire une tournée en Espagne. Il rentre au bercail, nous faire profiter de sa plénitude et ses chansons au cordeau, dans le cadre du festival Avec Le Temps. Il partagera la soirée à l’Espace Julien avec Ushtiax, lui aussi ex-chanteur intimiste. M.J.

Faut-il encore présenter Richard Galliano ? Ce musicien exceptionnel, qui joue depuis l’âge de 4 ans, a fait traverser tant de frontières et de styles musicaux à son accordéon. Parti du jazz, aux côtés de Chet Baker, Michel Petrucciani ou de Martial Solal, il n’a eu de cesse d’explorer d’autres contrées : la chanson française (accompagnant Barbara, Greco, Nougaro, Aznavour ou Les Rita Mitsouko) et le tango, avec son ami

Astor Piazzola. Il a en outre offert, à cet instrument voué à la musique populaire, une interprétation de Bach hautement inspirée. Aujourd’hui, avec sa relecture des musiques de film de Nino Rota, il nous convie à un retour dans l’Italie de Fellini, pays d’origine de son père Luciano, auquel il doit sa passion pour la musique, l’accordéon et les rencontres transfrontalières. O.L.

© Hadrien Denoyell

WAX TAILOR Après une grande tournée aux ÉtatsUnis et en Europe, puis une annulation à la Fiesta des Suds en automne dernier (en raison de la météo), Wax Tailor revient sur scène avec son quatrième concept album sorti en septembre dernier : Dusty Rainbow from the Dark. Une sorte de film audio à l’écriture travaillée comme un scénario. On y retrouve les fameux dialogues scratchés propres à

Wax Tailor et son goût pour les cocktails d’ambiances : trip hop cinématique, down tempo hypnotique, hip-hop baroque, soul jazz bollywoodien. Atmosphère, atmosphère… M.J. Le 14 mars, 21 h. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. 23,80-26 €. www.lemoulin.org

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MUSIQUES LES MONDES DE RORÉ La proposition n’est pas banale, puisqu’il s’agit d’un « concert (monu) mental de haut-parleur, empruntant à l’univers de l’installation, mais aussi du concert sous casque ». Cette création des musiciens Jonathan Pontier, Lucien Bertolina et Lionel Kasparian, produite par Radio Grenouille et présentée dans le cadre du festival Les Musiques est l’aboutissement de quatre années de travail à la Belle de Mai et Saint-Lazare. Après avoir rencontré 350 habitants de ces quartiers, animé 120 heures d’atelier et enregistré 200 heures de « matière sonore », les artistes ont décidé de composer « un chœur polyphonique et œcuménique d’histoires simples qui, se croisant, écrivent aussi l’Histoire ». E.G.

© Cie Lubat

Le 5 avril, 18h30, 20h30 et 22h30. La Cartonnerie, Friche de la belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 6 € . www.lafriche.org

L’AMUSICIEN D’UZ, NUIT DE L’ANARCHIE

grands noms du jazz et de la chanson : Stan Getz, Michel Portal, Claude Nougaro… Cette fois il monte seul sur scène, pour un One jazzman show « autobiograffitique ». Durant deux heures, le grand gamin facétieux puise dans ses souvenirs et nous entraîne dans un univers musicalo-anarco-poétique. Il s’amuse et émerveille. Du Lubat quoi ! O.L.

Le 29 mars à 21h. Théâtre Axel Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 19-26 €. www.toursky.org

© Rouge

Comme dans la célèbre chanson, Bernard Lubat a deux amours. Lui, c’est la musique et les mots. « Malpoly-instrumentiste » comme il aime à se définir, le verbe généreux, il fait swinguer les deux avec humour et truculence depuis près de quarante ans. Le créateur du festival d’Uzeste (sa ville natale) et de la compagnie Lubat, « compagnie transartistique de divagation », a accompagné quelques

HORACE ANDY ET JOHNNY CLARKE Il n’y aura pas beaucoup d’énervés, dans les parages du Moulin, le 23 mars. Le temple du reggae marseillais propose une soirée spéciale roots. La tête d’affiche, Horace Andy, est une légende vivante du reggae jamaïcain. Il a prêté sa voix douce et sucrée aux pionniers du trip-hop neurasthénique de Bristol, Massive Attack. Pour lui faire écho, son compatriote Johnny Clarke et, en première partie, les Banyans toulousains, nourris au biberon jamaïcain depuis leur tendre enfance. M.J. © DR

Le 23 mars, 20h30. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. 21,80 €. www.lemoulin.org

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© Caroline Doutre

LE FESTIVAL DE PÂQUES Pour sa première édition, le Festival de Pâques affiche, tant par sa densité que sa programmation, l’ambition de devenir une manifestation majeure pour la musique classique. Il est le fruit de la collaboration entre le violoniste Renaud Capuçon, et Dominique Bluzet, le directeur du Grand Théâtre de Provence. Avec une vingtaine de concerts, réunissant des artistes plus que confirmés, comme Radu Lupu, Hélène Grimaud ou Gidon Kremer, des talents en devenir comme Daniil Trifonov et Khatia Buniatishvili, et des orchestres prestigieux tels le Mariinsky de Saint-Pétersbourg, l’excellence devrait être au rendez-vous. La diversité aussi, puisque les invités d’honneur du festival ne sont autres que Bach, Puccini, Saint-Saëns, Brahms, Beethoven, Bartók, Mendelssohn, Liszt, Rachmaninov, Strauss, Schubert, Gounod, Bellini ou encore Poulenc… Concerts, répétitions, masterclasses, un luthier en résidence (Pierre Barthel), une conférence (Alfred Brendel) et des concerts pédagogiques ponctuent également ces deux semaines musicales. O.L. Du 26 mars au 7 avril. Grand théâtre de Provence et Théâtre du Jeu de Paume, Renseignements : 08 20 13 20 13. 8-66 €. www.festivalpaques.com

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MUSIQUES

© Osman Balkan

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© Michel Cavalca

ASAF AVIDAN AND BAND

ANGÉLIQUE IONATOS & KATERINA FOTINAKI Aggelikí Ionátou a fui la Grèce des colonels à quatorze ans mais n’a cessé d’habiter – littéralement – sa langue depuis le début de sa carrière. C’est d’ailleurs cet amour de leur langue maternelle qui les a réunit, elle et Katerina Fotinaki, ainsi que leur passion pour la guitare. Le maître (Angélique) et le disciple (Katerina) proposent un récital d’une intensité typiquement “ionatienne”.

Mélange de compositions personnelles et de traditions folkloriques, voire antiques, Anatoli donne vie aux mots des grands poètes et paroliers grecs de tous les temps : Sappho, Elytis, Hadjidakis. Assurée, chaude, la voix d’Angélique couve celle, timide mais lumineuse, de Katerina, et des frissons vous remontent l’échine. Opa ! M.J.

Le 5 avril, 21 h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 23-29 €. www.toursky.org

PUGGY

© khuong Nguyen

Un guitariste et chanteur anglais, Matthew Irons, un bassiste français, Romain Descampe et un batteur suédois, Egil “Ziggy” Franzén. Puggy est donc un groupe belge… Une pop-rock qui, en huit ans et trois albums (le dernier, To Win the world, sort en avril), a eu le temps de s’étoffer sérieusement : premières parties de Incubus, Smashing Pumpkins ou Deep Purple… Les gaillards tutoient aujourd’hui les producteurs Eliot James

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C’est l’année Asaf Avidan. Une voix souvent comparée à celle de Janis Joplin ou de Robert Plant et pourtant impossible à confondre. Le leader du groupe de folk-rock israélien Asaf Avidan & the Mojos, après trois albums avec ses compères les Mojos, présente, en même temps, un nouveau groupe – de filles – et son deuxième album solo, Different Pulses (sorti en janvier). Moins rock, musicalement plus sophistiqué et aventureux, le nouvel Asaf emprunte claviers électroniques et beats à Tamir Muskat de Balkan Beat Box. De nouvelles atmosphères pour enrober sa voix toujours aussi écorchée et inoubliable, à vous donner des frissons. M.J. Le 18 avril, 20h30. Cabaret Aléatoire, Friche de la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 09. 23€. www.lafriche.org

(Bloc Party, Two Door Cinema Club) et Mark Plati (David Bowie, Hooverphonic, Robbie Williams…). Un son énorme, des harmonies taillées sur mesure pour un déluge de décibels. Entre Girls in Hawaii et Muse. Admirateurs et admiratrices de ces trois beaux garçons, n’oubliez pas vos bouchons ! M.J. Le 12 avril, 20h30. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04.91.06.33.94. 25 €. www.lemoulin.org


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EXPOS

© Musée Rodin, Paris

© Musée des beaux-arts de Marseille, Palais Longchamp/ Photographie Jean BERNARD

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L’INSPIRATION ANTIQUE D’AUGUSTE RODIN Le Discobole le montrait clairement. Rodin aimait l’Antique ! C’est une évidence quand on déambule au milieu de ses marbres. Plus qu’une inspiration, l’art grec était fondateur dans la pratique du sculpteur, mais aussi une source de plaisir : « Chez moi, j’ai des fragments de dieux pour ma jouissance quotidienne. Leur contemplation me procure le bonheur de ces heures solennelles à partir desquelles désormais l’Antique vous parle toujours », écrivait-il en 1904. Rarement mise en évidence, cette inspiration esthétique et expressive de Rodin, est scénographiée au musée départemental Arles Antique pour son exposition phare pendant Marseille-Provence 2013, Rodin, la lumière de l’antique. À partir des années

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1890, le sculpteur démarre une collection effrénée : il finira par accumuler quelque 2500 pièces, grecques, romaines et gallo-romaines. À la fois modèles et prototypes, quelques-unes sont exposées à Arles dans un jeu de miroir entre les œuvres de Rodin et l’Antiquité. Cent trente-deux Rodin juxtaposés à autant de pièces antiques exceptionnelles qui ont habité la vie et l’esprit du sculpteur. Ces marbres, arrivés dans son atelier parisien parfois sans doigt ou sans main, ont influencé l’artiste. « Pour la contempler, la voir vivre, je n’ai pas besoin des doigts », écrit-il en créant la sculpture de L’Homme qui marche, « mutilée comme elle est, elle se suffit malgré tout parce qu’elle est vraie ». Le parcours met en

lumière ces sources, par simple face à face. Une trentaine de prêteurs privés et publics, dont le British Museum et bien entendu le musée Rodin à Paris (qui coproduit l’exposition et proposera une version synthétique du projet en 2014), ont contribué à cette exposition-événement, déployée sur 800 m2, aux côtés du chaland antique Arles Rhône 3... C.C.

Du 6 avril au 1er septembre. Musée départemental Arles antique, Avenue 1ere division France libre, Presqu’île du cirque romain, Arles. 04 13 31 51 03. 5-8 €. www.arles-antique.cg13.fr


EXPOS

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© Carolle Bénitah

ÉROS ET THANATOS

TISSER DES LIENS Le Pavillon Vendôme accueille, jusqu’à la fin de l’année, une exposition en trois volets, en partenariat avec le projet Ulysses du FRAC. Tisser des liens met en lumière la création contemporaine féminine, en présentant quatorze Pénélopes du Bassin méditerranéen. Jusqu’au 16 juin, la première exposition collective, sous-titrée « Au fil du temps », présente les travaux de huit grandes dames de l’art contemporain, installées pour la plupart dans la région. Isa Barbier,

Carolle Bénitah, Pierrette Bloch, Marie Ducaté, Aïcha Hamu, Anne-Marie Pécheur et Michèle Sylvander ont répondu présentes à l’invitation de Christel Roy et Caroline Clément (les commissaires) : elles ont travaillé sur le même matériau, le fil, et ont tenu à créer des pièces in situ. Il est vrai que la folie dédiée par Louis de Mercœur à Lucrèce de Forbin-Solliès, constitue un fabuleux terrain de jeu pour les artistes. E.G.

Jusqu’au 16 juin. Pavillon Vendôme, 13, rue de la Molle, Aix-en Provence, 04 42 91 88 75. 3,5 €. www. mairie-aixenprovence.fr

Une galerie marseillaise qui fête ses vingt ans : le phénomène est suffisamment rare pour être souligné. N’en déplaise à son fondateur, JeanFrançois Meyer, également directeur (de publication) de l’excellent Journal Sous Officiel, sa galerie est devenue une institution. Où se sont succédé les figures de la poésie expérimentale marseillaise et une foule de jeunes artistes. Plutôt qu’une rétrospective, Jean-François Meyer a préféré proposer, à quarante d’entre eux, un sujet de dissertation philosophique : Éros et Thanatos, Éros ou Thanatos, Éros et/ ou Thanatos… Les réponses vont du tableau à l’installation, en passant par la performance. Le 23 mars à 19 h, le (vrai) docteur Jean-François Chermann propose aux volontaires de se prêter à un test neuropsychologique très sérieux, à la recherche du point G. E.G. Jusqu’au 11 mai. Galerie Jean-François Meyer, 43, rue du Fort Notre-Dame, Marseille, 1er. 04 91 33 95 01. Entrée libre. www.marseilleexpos.com

© Christiane Ainsley

ÉVACUER (M)

En réponse à l’excès de communication ambiant, la Galerieofmarseille a choisi de présenter une exposition collective silencieuse, sans cartel ni notice explicative, au titre un brin provocateur. L’accrochage est parfait, ménageant une vraie place à chacun des neuf artistes (d’Yto Barrada à Sarkis) et traçant, dans le même temps, un parcours très cohérent. Histoire de rappeler, entre autres, que la galerie n’a pas attendu 2013 pour s’intéresser à la Méditerranée. E.G. Jusqu’au 28 avril. Galerieofmarseille, 8, rue du chevalier Roze, Marseille, 2e. 04 91 90 07 98. Entrée libre. www.galerieofmarseille.com

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© Jean-Michel Bruyère / LFKs

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© Christine Bardy

EXPOS

VISITER LE CHANTIER

VITANONNOVA #3 Jean-Michel Bruyère pratique l’art en « parfait émeutier » et en bande organisée. Avec LFKs, son groupe d’interventions, il réalise des performances immersives en lien étroit avec un contexte politique et/ou social. Ce collectif entremêle ainsi les films, la performance, la littérature, la musique, le théâtre, les arts plastiques... Depuis 2011, LFKs a engagé un cycle de création, VitaNONnova, autour des notions de ghetto

urbain, d’identité et de violences urbaines. Après Toulouse et Aix-enProvence, Arles, et plus précisément la Grande Halle des ateliers SNCF, est leur nouveau point de chute. L’installation évoque les mouvements révolutionnaires des années 1960 et 1970 aux États-Unis. Les ghettos noirs ont enfanté les Blacks Panthers. Que produiront nos quartiers « ségrégués » ? F.K.

© Richard Monnier / CIRVA

Du 28 mars au 5 mai. Grande Halle, Parc des Ateliers SNCF, avenue Victor Hugo, Arles. Entrée libre. www.mp2013.fr

Les chantiers, comme tout ce qui est éphémère, fascinent les photographes. Avec son projet, Visiter le chantier, Christine Bardy a voulu saisir en pleine action ce processus de changement de la ville, exacerbé par l’approche de Marseille-Provence 2013, tout en en rendant hommage aux femmes et aux hommes qui ont contribué à l’extraordinaire transformation de Marseille. Elle met en scène un parcours de photographies à travers la cité, imprimées sur d’énormes blocs de béton, sortes de stèles à la gloire des ouvriers, ingénieurs, géomètres. L’inauguration est prévue en avril, au fort d’Entrecasteaux (partie supérieure du fort Saint-Nicolas), puis les œuvres seront exposées tout au long de l’année, en différents points de la ville. M.J.

D’avril à décembre. Fort d’Entrecasteaux, 1, boulevard Charles Livon, Marseille, 7e. Entrée libre. www.mp2013.fr

DE MAIN EN MAIN

De Pierre Puget à Richard Baquié, en passant par les incontournables créateurs du XXe siècle (Germaine Richier, André Masson, César…), la Galerie d’art du Conseil général déroule le fil historique qui a permis au Midi de devenir un foyer pour la sculpture. L’exposition De main en main suit ainsi les contours d’une géographie artistique dont le sud de la France serait l’épicentre. Ce parcours rend compte d’une continuité, d’un « état esprit » vis-à-vis de la sculpture. Un héritage peut-être inconscient, mais qui, pourtant, se transmet d’artiste en artiste. F.K. Du 5 avril au 9 juin. Galerie d’art du Conseil général des Bouches-du-Rhône, 21 bis, cours Mirabeau, Aix-en-Provence. 04 13 31 50 70. Entrée libre. www.culture-13.fr/galerie-d-art-d-aix-en-provence

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© Remed

THIS IS (NOT) MUSIC Marseille s’apprête à célébrer les cultures underground pendant quarante jours. Concept global, This is (not) music entend faire fusionner musique, arts visuels et sport, pour créer un événement susceptible d’intéresser les amateurs d’art contemporain comme les passionnés de trash car (performance de destruction de véhicules). Le programme s’organise autour d’une grande exposition, intitulée La nouvelle vague, consacrée à ces pratiques sportives individuelles, génératrices d’une esthétique devenue culture pour toute une génération d’artistes (la board culture). Parmi eux, on trouvera des pionniers, tels Robert Longo ou Ari Marcopoulos, compagnon de route de Warhol, des artistes surfeurs (Kevin Ancell) ou skateboardeurs (Julien Beneyton ou Benjamin Chasselon) et des stars de l’art contemporain (Gilles Barbier, Julien Prévieux…) Si le festival, qui compte également cinquante concerts et une foule d’événements, rencontre le succès, il pourrait s’inscrire durablement dans le paysage culturel local. L.C. Du 25 avril au 9 juin, Friche la Belle de Mai 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 04. www.lafriche.org

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EXPOS

© Javier Perez / CIRVA

© Succession Picasso 2012

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L’ÎLE DE MONTMAJOUR PAR CHRISTIAN LACROIX

PICASSO CÉRAMISTE ET LA MÉDITERRANÉE Quelle ville pouvait – mieux qu’Aubagne – accueillir une exposition consacrée au travail de Picasso sur la céramique ? À travers les cent cinquante œuvres présentées au Centre d’art des Pénitents noirs, le visiteur est invité à découvrir une autre facette de la personnalité de l’artiste, plus intime. On décèle dans cet ensemble des racines résolument méditerranéennes et populaires, où des pignates (marmites) sont érigées en chefs-œuvre

de l’art antique, où des poêlons deviennent des masques aux motifs mythologiques, et où les gourdes en terre cuite (gus) se muent en insectes bleus. Organisée dans le cadre du Grand Atelier du Midi, en avant-première des expositions estivales, De Van Gogh à Bonnard (Palais Longchamp) et De Cézanne à Matisse (Musée Granet), Picasso céramiste promet d’être l’un des temps forts de l’année capitale. L.C.

Du 27 avril au 13 octobre. Centre d’art des Pénitents noirs, Les aires Saint-Michel, Aubagne. 04 42 18 17 26. 6-8 €. www.mp2013.fr

En général, quand Christian Lacroix revient à Arles, son lieu de naissance, c’est pour renouer avec ses amitiés de jeunesse. Au printemps, il réinvestit un terrain de jeu privilégié de son enfance et de son adolescence : l’abbaye de Montmajour. Il y met en scène une sélection de pièces appartenant aux collections du CIRVA (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques), accompagnée d’objets sacerdotaux, de photos, de costumes... Le créateur rend ainsi hommage à cette structure méconnue, comme au matériau. « Le verre m’apparaît comme le lien idéal entre le Sacré et le Profane, le Vide et le Plein, l’Ascèse et le Baroque… Le verre est lumière. Et à Montmajour, elle est chez elle. » M.J. Du 5 mai au 3 novembre. Abbaye de Montmajour, Route de Fontvieille, Arles. 04 90 54 64 17. 4,50-7,50 €. www.montmajour.monumentsnationaux.fr

MARSEILLE VUE PAR 100 PHOTOGRAPHES DU MONDE Cent photographes. Cent images. Comme un puzzle géant, un rébus dont la résolution figure Marseille. Certains de ces photographes n’ont fait qu’y passer, d’autres la connaissent mieux. Au générique : Morten Andersen (Norvège), Lina Pallotta (Italie), Denis Dailleux, Albert Grondahl (Danemark), Arja Hyytiäinen (Finlande), Tom Pope (Angleterre), Ali Taptik (Turquie), entre autres... À l’arrivée, une mosaïque de photos concoctée par Antoine d’Agata, pour composer un portrait géant et exceptionnel de la ville. M.J. © Ali Taptik

Du 18 avril au 10 août. Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône, 20, rue Mirès, Marseille, 3e, 04 13 31 83 08. Entrée libre. www.biblio13.fr

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ENFANTS

© Helmo

SORTIR

© DR

HELMO

LA MER… UN TRÉSOR D’où viennent les poissons que l’on mange ? Quel est l’instrument préféré des baleines ? Les réponses à ces questions et à bien d’autres se trouvent, en ce moment, dans une quinzaine de bibliothèques du département. La manifestation Bibliothèques en herbe, propose aux enfants de cinq à douze ans de s’immerger dans l’univers marin pour en découvrir toute la richesse. À travers des ateliers expérimentaux

(organisés par Les Petits débrouillards) ou artistiques (animés par la plasticienne Pascale Lefebvre), des concerts du contrebassiste Bernard Abeille, diverses animations et projections de films d’animation, des débats et des rencontres… il s’agit de permettre aux jeunes générations de mieux comprendre notre relation essentielle à la mer, pour mieux la préserver. O.L.

Jusqu’ au 15 avril, dans une quinzaine de bibliothèque du département. Renseignements : Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône 20, rue Mirès. Marseille 3e. 04 13 31 83 08.

À la Fabrique de Fotokino, au J1, on produit des images, des textes, des dessins… Bref, on laisse des traces. Au cours de l’année, plusieurs fabricants d’image proposent des outils pour propager la création graphique. En mars, c’est Helmo (Thomas Couderc et Clément Vauchez) qui prend le relais avec 17576 faces. Les deux artistes ont imaginé plusieurs éléments, des formes simples, abstraites, géométriques, plastiques, susceptibles de représenter un visage, ou plutôt 17576 visages. Comme les 26 lettres de l’alphabet, ils ont ainsi crée 26 paires d’yeux, 26 nez et 26 bouches, qu’il s’agit ensuite de combiner. Chaque combinaison, une fois photocopiée, viendra s’ajouter à une galerie de portraits, jusqu’à recouvrir les murs de l’atelier. L.C. Du 22 mars au 11 avril. La Fabrique de Fotokino, J1 , Atelier du Large, Quai de la Joliette, Marseille, 2e. 04 91 88 25 13. Entrée libre. www.fotokino.org

L’ENFANCE DE L’ART

© Patrick Moquet

À l’initiative du tout nouveau tout beau musée Regards de Provence, l’artiste figuratif Patrick Moquet a conçu une immense fresque de 65 m², inspirée du patrimoine architectural, culturel et culinaire de la ville. Composée de huit panneaux, mise en couleur par les enfants des écoles de tous les quartiers, elle s’expose progressivement, à partir de début mars pour finir par se révé-

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ler – complète –au mois de juin. Au total, près de 2000 enfants ont été impliqués dans le projet. Ça promet de la couleur ! M.J. Musée Regards de Provence, Allée Regards de Provence, avenue Vaudoyer, Marseille, 2e. 04 96 17 40 40. www.museeregardsdeprovence.com


SORTIR

LE MALADE IMAGINAIRE Déjà vu Le Malade imaginaire ? Peutêtre pas dans la mise en scène du Badaboum théâtre, qui parvient à faire entrer le Grand Siècle dans un mouchoir de poche et à emballer les enfants à partir de 4 ans. On y savoure la langue de Molière, la musique de Lully et Charpentier, mais aussi les tubes de Serge Lama ou Claude François, Gaston Ouvrard ou Serge Gainsbourg… Sur scène, Laurent Vignaux-Argan, très drôle, est entouré par Jocelyne Monier et Édith Amsellem, qui se partagent tous les autres rôles. En une heure, le trio offre une leçon de théâtre qui vaut tous les devoirs de vacances. En plus, un atelier-goûter propose aux enfants (seulement) de prolonger la séance en s’initiant à la mise en scène. E.G.

© Davide Venturini

Du 9 au 19 avril, 14h30. Badaboum théâtre, 16, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 40 71. 5-8 €. www.badaboum-theatre.com

BABAYAGA à base de capteurs, de danse et de projections. Et mon tout est un spectacle de cinquante minutes où les enfants sont invités à rejoindre le plateau le temps d’une expérience artistique dynamique et immersive, chacun devenant le héros de ce conte mystérieux. M.J.

Du 3 au 5 avril, 10h, 14h30 et 19h.Théâtre la Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 96 17 80 00. 6-12 €. www.theatre-lacriee.com

© Richard Melka

Mon premier est une sorcière russe unijambiste particulièrement méchante (Baba Yaga). Mon deuxième est une illustratrice française, Rébecca Dautremer, connue notamment pour son album Princesses oubliées et le film Kérity. Mon troisième est une compagnie de théâtre italien, baptisée TPO, spécialisée dans le show interactif pour enfants,

FESTIVAL DE CERFS-VOLANTS DE MARTIGUES Coup de chance, la huitième édition du festival de cerfs-volants de Martigues se déroule pendant les vacances de printemps, du 15 au 21 avril. Parmi les animations proposées, sont bien sûr prévus des ateliers de fabrication ou d’initiation à la voile de traction, mais aussi des démonstrations réalisées par une vingtaine de cerfs-volistes venus du monde entier, un jardin des vents ou encore des lâch-

ers de bonbons. Avis donc aux amateurs, sachant que cette année, ils auront droit à un festival « sans pieux dans le sol et sans kevlar » ! M.J. Du 15 au 21 avril, Plage du Verdon. La Couronne, Martigues. 06 85 56 99 01. Entrée libre. www.festivaldecerfvolant.com

© Marco jeanson

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DESTINATION - ISTANBUL

MODERNITÉ ? PERSPECTIVES DE TURQUIE ET DE FRANCE Onze artistes, venus de France et de Turquie, livrent leur vision de la modernité au musée d’art moderne d’Istanbul. Leurs dix-sept œuvres montrent combien les mutations socioéconomiques, les médias sociaux et les nouvelles technologies viennent alimenter les relations complexes qui se tissent entre art visuel et modernité.

L

La modernité n’est ni un concept sociologique, ni un concept politique, ni proprement un concept historique. Ce rêve universel de renouveau est une notion confuse, où les utopies sont confrontées à la vie moderne telle que nous la vivons. Il n’est donc pas étonnant d’entendre Çelenk Bafra, le commissaire de l’exposition, déclarer qu’ « il a fallu deux ans de travail avec les participants du projet - onze artistes de différentes générations mais ayant tous la thématique de la modernité au cœur de leur pratique artistique - pour aboutir à une décision sur le choix des œuvres et de la scénographie. » Pour mettre en valeur la pluralité des points de vue, l’espace de l’Istanbul Modern s’envisage comme une succession de petites galeries, où chaque artiste présente une mini-exposition. Parmi eux se trouve l’artiste turque Ayşe Erkmen, qui a choisi de placer Rame Rame au centre de son espace. Cette barque en métal est élaborée sur le modèle de celles qui accostent tous les jours à Istanbul, à la différence près que celleci ne flottera pas : la légèreté du voyage évoquée par l’objet est écrasée par le poids de sa construction. De son côté, Thomas Hirschhorn présente The One World : un autel en carton sur lequel une foule de bras soutiennent un globe terrestre. L’artiste appelle ainsi de ses vœux une collectivité unie, et, à travers le questionnement du passé et du présent, suggère la possibilité d’un avenir meilleur. Un hommage est également

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Ayşe Erkmen, Rame Rame, 2012, Métal, peinture. 93 x 266 cm. Commande de Istanbul Modern Courtesy de l’artiste

À TRAVERS LE QUESTIONNEMENT DU PASSÉ ET DU PRÉSENT, L’ARTISTE SUGGÈRE LA POSSIBILITÉ D’UN AVENIR MEILLEUR rendu au réalisateur, écrivain et photographe français Chris Marker, disparu en 2012, avec son installation Zapping Zone (Proposals for an Imaginary Television). Cette œuvre multimédia traduit la prolifération anarchique de l’information à l’ère de la globalisation. En utilisant films, sources sonores, photographies et programmes interactifs, déclinés sur plusieurs écrans, l’artiste définit une « zone » d’expérience, proposant une vision fragmentée de la modernité. L’exposition porte ainsi un regard critique sur la relation entre modernité et arts visuels, idéalisation et réalité. L.C. www.istanbulmodern.org

Vol direct au départ de l’Aéroport Marseille Provence à partir de 79 € www.airfrance.fr


Thomas Hirschhorn, The One World, 2007 Carton, bois, photocopie colorée, les bras en résine, peinture, tissu, polyuréthane mousse, tréteau, impression.310 x 220 x 190 cm. Courtesy de l’artiste et Galerie Chantal Crousel, Paris

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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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RESTAURANT

AU BOUT DU QUAI

Encadré de son nouveau décor floral, le Bout du quai affiche une inédite terrasse estivale. Moderne, design, et cosy à la fois, elle est à l’image du restaurant et de sa décoration contemporaine. Spécialiste de la pêche, l’équipe du Bout du quai réserve sa plus grande place sur l’ardoise aux poissons frais et arrivages alléchants tout en restant dans l’authenticité de nos recettes marseillaises. Simple, goûtu et copieux, le Bout du quai est tout simplement une adresse dans l’air du temps.

1, avenue de Saint-Jean 13002 Marseille 04 91 99 53 36 • 06 86 52 16 96

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HÔTEL RESTAURANT

LE RHUL

Perché sur un rocher de la Corniche, l’hôtel restaurant Le Rhul est le spécialiste incontesté de la bouillabaisse marseillaise. Les plats gastronomiques sont à déguster en profitant d’une vue imprenable sur la rade marseillaise et les îles du Frioul. Les chambres trois étoiles de cet établissement accueillent les clients qui désirent prolonger leur séjour. Infos & Réservation 04 91 52 01 77

269 Corniche du Président John F Kennedy 13007 Marseille

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RESTAURANT PIZZERIA DONATELLO Situé Place aux Huiles, à deux pas du Vieux-Port, dans un cadre agréable et une ambiance décontractée, le Donatello vous propose de déguster une cuisine simple et savoureuse de type méditerranéen et d’influence italienne (Viandes au feu de bois, Linguini alle Vongole, Magret de Canard au Miel…), sans oublier ses fameuses pizzas au feu de bois ! Le tout se passe en terrasse (bâchée ou en plein air) ou à l’intérieur sous un lustre tout en délicatesse en contemplant une fresque monumentale représentant le quartier à l’époque du Canal de la Douane. Infos & Réservation 04 91 54 06 07

17, Place aux Huiles • 13001 Marseille

LA VILLA L’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affirme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jardin, ombragée l’été et chauffée aux jours frisquets. Sa cuisine offre un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée. Infos & Réservation 04 91 71 21 11

113 Rue Jean Mermoz • 13008 Marseille

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RESTAURANT

ALBERT CAFÉ

PASSEZ À TABLE DANS UN JARDIN À BOMPARD... Au déjeuner comme au dîner, venez profiter du calme du jardin du Newhotel Bompard où oeuvres d’art et végétation méditerranéenne vous dépayseront. Dans une ambiance cosy l’hiver ou aux beaux jours sur la terrasse du jardin, le restaurant Albert Café vous accueille dans une ambiance détendue autour d’une cuisine de saison. Parking privé gratuit - Ouvert tous les jours - déjeuner et dîner Infos & Réservation 04 91 99 22 22

2 rue des Flots Bleus • 13007 Marseille • info@albertcafe.com • www.albertcafe.com

RESTAURANT

L’ENTRECÔTE DU HUITIÈME

Après vingt ans passés sur le port, L’Entrecôte du huitieme vous accueille tous les jours, à l exception du dimanche soir, pour déguster sa pièce de bœuf et sa fameuse sauce accompagnée de frites maison. Infos & Réservation 04 91 25 07 06

386 Avenue du Prado • 13008 Marseille

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RESTAURANT

CHEZ MICHEL

Où manger une bouillabaisse vraiment authentique ? Question sensible à Marseille, à laquelle 8e art vous répondra sans aucune hésitation : chez Michel ! Sur la rue des Catalans, en face du cercle des nageurs, ce restaurant, créé en 1946 par Michel Visciano, est de nouveau étoilé en 2013, et renoue avec le prestige passé. Depuis 3 générations, la famille Visciano perpétue ainsi la tradition des bons petits plats à base de poisson. Le secret de cette longévité exceptionnelle ? “Amabilité, savoir recevoir et... poisson frais !” selon Michelle Visciano elle-même, héritière des secrets de fabrication d’une cuisine qu’on peut, pour une fois, qualifier sans crainte de vraiment “familiale”. Infos & Réservation 04 91 52 30 63

6, rue des Catalans • 13007 Marseille

RESTAURANT

VAPIANO

Entre l’ambiance décontractée d’un restaurant de quartier et le cadre soigné d’un lieu où il fait bon dîner, VAPIANO conquiert le territoire marseillais à un rapport qualité-prix imbattable. Voici donc un nouveau concept en France, déjà présent en Europe et en Amérique du Nord avec plus de 100 établissements VAPIANO au décor italien à la fois moderne et chaleureux. Venez découvrir la fraîcheur des produits, la préparation sous vos yeux par nos Vapianisti – avec le sourire! - de la composition que vous avez choisie, que ce soit une pizza, une sélection parmi onze types de pâtes fraîches et vingt recettes différentes, ou encore votre grande salade garnie. Tout ceci en totale liberté, vous pouvez prendre votre temps, manger rapidement, ou emporter votre repas. Votre carte individuelle VAPIANO consignera ce que vous avez dégusté, que ce soit au bar, ou sur les pôles de restauration Pizzas, Pâtes, et Salades. Infos & Réservation 04 91 48 83 35

20 Avenue du Prado • 13006 Marseille

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HÔTEL & RESTAURANT

CHÂTEAU DE LA PIOLINE

Cessez de cherchez un lieu différent...Venez !

Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence. Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel 260 rue Guillaume Du Vair 13546 Aix en Provence • 04 42 52 27 27 contact@chateaudelapioline.com • www.chateaudelapioline.com

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RESTAURANT

LE COMPTOIR MARSEILLAIS

Installé sur la Corniche avec vue sur la mer de la terrasse ou de la salle, Le Comptoir Marseillais, vous reçoit pour déguster une cuisine Bourgeoise. Les cartes évoluent au gré des saisons pour vous proposer à midi un déjeuner simple et rapide et le soir un diner plus élaboré, des vins à choisir dans une magnifique cave en verre. Le dimanche le brunch vient compléter la carte. Et tous les soirs des apéritifs ou digestifs dans notre espace bar. Si vous avez besoin d’un lieu pour vos évènements : www.lecomptoirmarseillais.com Infos & Réservation 04 91 32 92 54 • www.lecomptoirmarseillais.com

5 Promenade Georges Pompidou • 13007 Marseille

RESTAURANT

L’INSOLITE

UN LIEU, UNE EXCEPTION… A découvrir absolument ! Niché au fond d’une allée à 50 m de la préfecture, dans un cadre exceptionnel. Nous vous attendons pour déguster nos pizzas au feu de bois, et découvrir notre cuisine gourmande et colorée. Repas de groupe - Privatisation du restaurant sur demande. Infos & Réservation 04 91 43 91 51

5 rue d’Italie • 13006 Marseille • Facebook : resto.linsolite

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Juin 2013 urbanisme / Architecture / Design 130

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