8e art magazine - n° 27

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8 e art magazine • septembre-octobre 2013


8e art est une publication bimestrielle des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille 09 81 80 63 79 Numéro ISSN : 2267-4837 Dépôt légal : Septembre 2013 Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr

# 27

Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Logistique, diffusion et partenariats : Romuald Protin r.protin@8e-art-magazine.fr 04 91 41 63 79

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

Sep.-Oct. 2013

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Webmaster éditorial : Léa Coste l.coste@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Joël Assuied, Léa Coste, Marco Jeanson, Eva Journeaux, Fred Kahn, Olivier Levallois, Marie-Line Lybrecht, Jean-Pierre Vallorani. Traduction anglaise : Aaron Ashby / Wall Street Institute Service commercial : 09 81 80 63 79 Impression : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56 La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

OUVERTURES – ET FERMETURES – EN SÉRIE Par

Emmanuelle Gall, Rédactrice en chef

A

lors que le MuCEM vient de fêter son premier million de visiteurs, trois mois après avoir ouvert ses portes, les inaugurations se poursuivent à un rythme effréné : Musée d’Histoire de Marseille et Théâtre Joliette-Minoterie à Marseille, Conservatoire et Centre International des Arts en Mouvement à Aix-en-Provence, Éden Théâtre à La Ciotat… Ce sont autant d’acquis pour « l’après 2013 », autant de paris sur un avenir culturel plus riche et diversifié dans la région. Sauf si les budgets de fonctionnement des nouveaux équipements culturels, que l’on peut supposer colossaux, vident les caisses des collectivités locales et, par voie de conséquence, entraînent la disparition d’autres structures. Cet été, on a appris que le Bureau de Compétences et des Désirs jetait l’éponge, après vingt ans d’existence et une participation active à Marseille-Provence 2013. Et avec lui, la galerieofmarseille, la partie émergée de la structure. Le ballet d’Europe est en redressement judiciaire depuis le mois d’août. Et les rumeurs vont bon train sur d’autres fermetures. Il serait regrettable que le secteur associatif, qui a jusqu’ici fait vivre la culture dans la région, sorte perdant de cette année capitale.

OPENINGS – AND CLOSINGS – IN SERIES

En couverture. Keyframes, installation du Groupe LAPS

dans le cadre du festival e-topies à Aix-enProvence, du 10 octobre au 10 novembre (lire p. 114). © Groupe LAPS

While the MuCEM has just celebrated is first million visitors, three months after opening its doors, other inaugurations are following at a frenetic pace: the Museum of the History of Marseille and the Joliette-Minoterie Theater in Marseille, the Conservatory and International Center for Arts in Movement in Aix-en-Provence, the Eden Theater in La Ciotat...so many accomplishments for “post 2013”, so many wagers on a richer and more diverse cultural future. Except if the operational budgets of these new cultural facilities – which one might assume are colossal – empty the localities’ coffers and, consequently, lead to the disappearance of other structures. This summer, we learned that the Bureau of Expertise and Desires threw in the towel after twenty years of existence and an active participation in Marseille-Provence 2013. And with it, the galerieofmarseille, the visible part of the structure. The Ballet of Europe has been under judicial review since August. And rumors are swirling about other closings. It would be a shame if the non-profit sector, which up till now breathed life in the region’s culture, would be the real loser of this capital year.


SOMMAIRE

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE FR

#27

EN

Sept.-Oct. 2013 06

LA PHOTO

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Partage de lumières THE PICTURE • Sharing

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the Light

ACTUS News

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LA RENCONTRE

Philippe Caubère, la voix du Sud THE INTERVIEW • Philippe

Caubère,

the Voice of the South 18

L’OEUVRE

Le Plan Lavastre, Musée d’Histoire de Marseille THE WORK • The

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Lavastre Map

L’ENDROIT

Le CIAM, Une ouverture magique THE PLACE • The

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24

CIAM

LE VILLAGE DE

Jean-Marie Arnaud Sanchez THE VILLAGE • Jean-Marie Arnaud Sanchez

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L’OBJET

LE RESTAURANT

La Kangoo relookée

L’Arôme

THE THING • The Kangoo gets a new look

THE RESTAURANT • L’Arôme

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LE MUR

LA BALADE

La Bambouseraie

Back to Babel THE WALL • Back

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34

to Babel

THE RIDE • The

Bamboo Garden

L’APPLICATION

Les bons plans de Julia THE APPLICATION • Road

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Food Book

LE SITE

Documents d’artistes THE WEBSITE • Artists’

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Documents

L’ASSOCIATION

Peuples et cultures Marseille ASSOCIATION • People and Cultures Marseille

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L’ARTISTE

Olivier Grossetête, bâtisseur de rêves THE ARTIST • Olivier

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Grossetête

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60

rentrée Une

CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE ! CINEMA(S) IN PROVENCE: LIGHTS, CAMERA, ACTION! 42

La Ciotat se rêve en cinéville

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Produire à Marseille, le cas Shellac

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Le Satis a la technique

54

L’Alhambra ou la fabrique du spectateur

58

Le MuCEM fait son cinéma

86

PORTFOLIO

très

littéraire...

A VERY LITERARY PUBLISHING SEASON 62

Actoral accueille les AEM

66

La vraie histoire des Histoires vraies

70

Mystères en capitale

74

L’invention d’un festival

78

Albert Camus, enfin !

83

Les écrivains jouent à La Marelle

98

L’ÉVÉNEMENT • The event

Métamorphoses 100 SCÈNES • Theater, dance... 106 MUSIQUES • Music

Lucie & Simon suspendent le temps Lucie & Simon freeze time

106

110 EXPOSITIONS • Expositions 116 ENFANTS • Kids 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LA PHOTO

PARTAGE DE LUMIÈRES

Pont de Caronte, 31 août 2013

Photo : Ludovic Alussi

Les pêcheurs qui élisent domicile chaque soir sur les berges du canal de Caronte n’avaient jamais vu ça ! Le 31 août, mis en lumière par le Kolektif Alambik pour la Nuit industrielle, leur pont est passé par toutes les couleurs du spectre. La pêche a-t-elle été meilleure ? Le passage répété des Groove boat et Motor city boat, distillant leur lot de décibels, permet d’en douter. En revanche, le ballet des veilleuses de centaines de cannes à pêche se mêlant aux projections et à la magie des sculptures de lumière, malheureusement impossible à capturer par la photographie, proposait un spectacle d’autant plus extraordinaire qu’impromptu.

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SHARING THE LIGHT The fishermen who make their homes every night on the banks of the Caronte Canal had never seen anything like this! On 31 August, the light show from Kolektif Alambik for Industrial Night, their bridge passed through all of the colors of the rainbow. Did the fishing get any better? The repeated passage of the Groove Boat and Motor City Boat, distillng their fate to decibels, casts doubt on the matter. However, the light ballet of hundreds of fishing poles mingling with the projections and the magic of the light sculptures, sadly impossible to capture with photography, suggested a spectacle even more astonishing than unexpected.


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EN BREF

© C.Martinez - Mairie d’Aix

ACTUS

AIX A INAUGURÉ SON NOUVEAU CONSERVATOIRE AIX INAUGURATES ITS NEW CONSERVATORY It’s here! The Darius Milhaud Music Conservatory of Aix-enProvence has taken the plunge, leaving the Hôtel de Caumont, its 18th century townhouse in the Mazarin district, with its high ceilings, sculptured balconies and convoluted spaces, for a 21st century setting. Conceived by the Japanese architect, Kengo Kuma, the new building, in the form of an origami, stretches over 7 400 m2, in the new neighborhood of Sextius Mirabeau. For Aix, which has never ceased proclaiming itself as the “regional cultural capital”, these facilities are even more symbolic, given that it has just finished the Cultural Forum, “among the most important in Europe”, structured around the City of Books with the Black Pavilion, the Grand Theater of Provence, the Departmental Archives and the Center Arcade. Directed by orchestra conductor, Jean-Philippe Dambreville, the new conservatory will be able to welcome 1 400 students in music, dance and henceforth, dramatic arts, in this building which brings together 62 classrooms, 15 for individual rehearsals and 5 for group rehearsals, as well as a 500 seat auditorium graced with a 250 m2 stage for 100 musicians and 100 choristers, one of the few in France to have a concert organ. Its programming will also get a sizable boost: from 60 to 70 events put on by the establishment up till now, more than 100 should be offered in the future, enough to achieve more than 10 000 entries per year. 8

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Ça y est ! Le conservatoire de musique Darius Milhaud d’Aix-en-Provence a fait le grand saut, quittant son hôtel particulier XVIIIe du quartier Mazarin, l’Hôtel de Caumont, ses plafonds et ses balcons travaillés, mais aussi ses espaces alambiqués, pour un écrin du XXIe siècle. Imaginé par l’architecte japonais Kengo Kuma, le nouveau bâtiment en forme d’origami se déploie sur 7 400 m2, au sein du nouveau quartier Sextius Mirabeau. Pour Aix, qui ne cesse de s’affirmer comme « capitale culturelle régionale », cet équipement est d’autant plus symbolique qu’il vient finaliser le Forum culturel, « parmi les plus importants d’Europe », constitué autour de la Cité du livre avec le Pavillon noir, le Grand théâtre de Provence, les archives départementales et le Centre Arcade. Dirigé par Jean-Philippe Dambreville, chef d’orchestre, le nouveau conservatoire va pouvoir accueillir 1 400 élèves en musique, danse et désormais art dramatique, dans ce bâtiment réunissant 62 salles d’enseignement, 15 de pratique individuelle et 5 de pratique collective, ainsi qu’un auditorium de 500 places doté d’un plateau de 250 m2 pour 100 musiciens et 100 choristes, l’un des rares en France à avoir un orgue de concert. La programmation en sera d’autant plus boostée : de 60 à 70 manifestations organisées par l’établissement jusqu’à présent, on devrait passer à plus de 100, de quoi totaliser plus de 10 000 entrées annuelles. Conservatoire de musique Darius Milhaud 380, avenue Wolfgang Amadeus Mozart, Aix-en-Provence. 04 88 71 84 20 www.aixenprovence.fr/Conservatoire-D-Milhaud


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EN BREF

© Christophe Canis

ACTUS

U.PERCUT,

Comme les chats, les salles de spectacle ont souvent plusieurs vies. Successivement boîte de nuit, puis de strip-tease, scène de Hip-hop et piano-bar, telles sont les existences antérieures de cette adresse. Après plusieurs mois de travaux, elle renaît sous les traits d’une salle de concert toute neuve. Sarah Valimamode, fondatrice de la structure avec Esther Moschkowitz, évoque d’ailleurs l’influence de l’architecture sur leur programmation. « La double cave voutée a inspiré au projet la couleur de sa programmation.» On y écoutera donc du jazz, et ses multiples métissages avec l’électronique, la noise, l’expérimental et le Hip-hop. Les deux créatrices ont souhaité une scène à la fois internationale (miRthon USA, IO Monade Stanca, Jooklo Duo, Italie…) nationale (France,Ibeyi), et locale (Das Simple, Hoax Hoax, Cyril Benhamou…), avec une tête d’affiche, une à deux fois par mois. « Notre ambition est de réussir à construire une programmation à la fois exigeante et audacieuse avec nos modestes moyens.» Outre la diffusion, le lieu se veut un espace de création pouvant accueillir, en journée, des artistes en résidence. Mais la musique ne sera pas son seul attrait. Avec un bar à tapas, vingt-cinq vins bios, une cave à whiskey, les deux directrices misent aussi sur la convivialité d’une cuisine simple mais de qualité. « En fait, on a crée le lieu qu’on a envie de trouver quand on sort le soir », précisent-elles. Leurs vœux, en cette rentrée : « Que les artistes aiment se produire ici, que le public y viennent un jour en confiance sans connaître les groupes. Et que nous réussissions à faire exister cette salle sur le long terme, tout en contribuant à la reconnaissance de nouveaux talents. » U.PERCUT 127, rue Sainte, Marseille 7e. 06 60 96 78 88. www.u-percut.fr 10

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JAZZ ET TAPAS U.PERCUT, JAZZ AND TAPAS Like cats, music halls have several lives. A succession of night clubs, then strip bars, a hip-hop and then a piano bar, these are some of the past lives of this address. After several months of renovation, it has been born again with features of a brand new concert space. Sarah Valimamode, founder of this structure along with Esther Moschkowitz, allude to the influence of architecture on their programming. “The double vaulted cellar influenced the tone of our programming.” There, you can listen to jazz and to its numerous cross-breedings with electronic, “noisy”, experimental and hip-hop musical styles. The two creators wanted a scene that was, at the same, international (miRthon USA, IO Monade Stanca, Jooklo Duo, Italy), national (Ibeyi, France), and local (Das Simple, Hoax Hoax, Cyril Benhamou), with a headliner once or twice a month. “Our hope is to succeed in constructing a programming that is both ambitious and audacious with our modest means.” In addition to diffusion, the location aspires to be a creative space that can welcome, during the day, artists in residence. But music is not its only attraction. With a tapas bar, twenty-five organic wins, and a whisky bar, the two directors are betting also on the conviviality of a simple cuisine, but with a quality. “In fact, we created the place that we ourselves wanted find when we went out in the evening,” they add. Their wish for the autumn: “That artists like performing here, that the public trust us enough to come here even if they don’t know the groups. And that we succeed in making this place exist in the long term, all the while contributing to the recognition of new talent.”


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RENCONTRES

© Alain Moreau

ACTUS

UNIVERSITÉ POPULAIRE « PENSONS LE MATIN » Pourquoi « Pensons le matin » ? Tout simplement parce que les membres de cette association se réunissent depuis trois ans, un samedi matin par mois, à La Friche. Sur le principe des universités populaires, ce collectif regroupe des chercheurs, des artistes, des opérateurs culturels et des citoyens. Leur préoccupation commune ? La transformation urbaine qui risque de creuser encore plus une fracture spatiale, sociale, économique, culturelle, déjà insoutenable… Les échanges portent à la fois sur les questions de démocratie culturelle et sur les multiples processus de ghettoïsation ou de gentrification. PLM ne veut pas penser dans le vide, mais pour agir plus efficacement. Et avec le plus grand nombre possible. Cette première grande rencontre, intitulée « La ville à l’épreuve de la démocratie », ne s’adresse donc pas uniquement à un public d’initiés et de spécialistes. La forme se veut la moins intimidante possible. Autant dire populaire. Trois jours durant, les analyses d’urbanistes et de chercheurs en sciences humaines côtoieront les retours d’expériences de citoyens ; les témoignages d’opérateurs culturels et sociaux voisineront avec des interventions d’artistes ou des balades urbaines… Le vendredi 25 octobre, un colloque international, « Fabriquer la ville », mettra en écho les expériences urbaines, sociales et culturelles de Marseille, Hambourg, Istanbul et Tanger. Le lendemain, il sera question des nouveaux horizons de la culture et de la critique de la « ville créative ». Et le dimanche, deux grands témoins viendront remettre en perspective l’ensemble des débats. Du 25 au 27 octobre. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 04. Entrée libre. www.pensonslematin.org 12

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PEOPLE’S UNIVERSITY “MORNING THOUGHTS” Why “Morning Thoughts”? Simply because the members of this association have been meeting one Saturday morning per month, for the past three years, at La Friche. Following the principle of people’s universities, this collective brings together researchers, artists, cultural operators and citizen. What is their common preoccupation? The urban transformation that risks descending into an already unsustainable spatial, social, economic and cultural divide. The group’s exchanges focus on questions of cultural democracy as well as on the multiple processes of ghettoization and gentrification. “Morning Thoughts” doesn’t want to think in a vacuum, but reflect in order to act more efficiently. And for the greatest number possible. Its first, large forum, entitled “The City put to the Test of Democracy”, is not intended for a public acquainted with the subject matter or for specialists. It seeks the least intimidating possible form: for the people. During three days, urban analysts and researchers in the humanities will rub shoulders with feedback from citizens’ experiences; the testimony of cultural and social operators with artistic interventions and urban walks. On Friday, 25 October, an international colloquium, “Building the City”, will share and echo the urban, social and cultural experiences of Marseille, Hamburg, Istanbul and Tangiers. The next day, it will address the question of culture’s new horizons and the critique of the “creative city”. On Sunday, two important testimonies will put all of the debates and discussions into perspective.


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« SI LES GENS NE LISENT PAS MARSIHO, AU MOINS LÀ, ILS VONT L’ENTENDRE ! »

LA RENCONTRE

PHILIPPE CAUBÈRE, LA VOIX DU SUD Propos recueillis par Olivier Levallois 14

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DR

PHILIPPE CAUBÈRE, THE VOICE OF THE SOUTH


LA RENCONTRE

ien qu’une rupture du tendon d’Achille l’ait obligé à annuler une partie de ses représentations depuis le printemps, Philippe Caubère est plus que jamais présent sur les scènes de sa région natale, pour lui rendre hommage. Après Mémento occitan et Urgent crier, consacrés à André Benedetto, le comédien, auteur et metteur en scène présente Marsiho d’André Suarès, le troisième de ses « spectacles du Sud ». Quand et comment avez-vous découvert l’œuvre d’André Suarès ? Il y a une quinzaine d’années, dans une librairie parisienne, je tombe par hasard sur deux livres : Shakespeare, poète tragique, ou le portrait de Prospéro et, juste à côté, dans la même collection, la biographie de Robert Pariente, André Suarès, l’insurgé. J’ai alors découvert que Suarès était marseillais et qu’il avait écrit un livre sur sa ville. Plus tard, en lisant Marsiho, j’ai eu un choc, parce qu’il décrit le Marseille des années vingt et trente de ma famille paternelle. C’était leur histoire ! Il y a un texte sur la Bourse par exemple, et mon arrière grand-père, fils d’une couturière d’opéra a fait fortune dans la finance. Et puis, surtout, j’y ai retrouvé tous ces sentiments contradictoires que j’éprouve pour ma ville natale. Tout ce qui fait que je peux l’aimer et tout autant la détester était là, écrit dans une langue sophistiquée et puissante. C’est à ce moment que vous avez décidé de mettre en scène ce texte ? Très vite je me suis dit que je pouvais en tirer quelque chose. Et, en juillet 1999, j’en ai fait une lecture, à la tombée de la nuit, dans les anciennes carrières de Carro. Ensuite, je suis reparti dans l’autobiographie, en me disant bien qu’un jour je le monterais. En 2011, j’ai proposé ce projet à Marseille-Provence 2013, parce que ça me semblait cohérent que l’un des écrivains majeurs de la ville y trouve une place. Bernard Latarjet m’a reçu. J’ai évoqué les textes de Suarès, Marsiho et Vue sur l’Europe, mais aussi tout mon projet sur le Sud,

PHILIPPE CAUBÈRE

Although a torn Achilles tendon has forced him to cancel some of his performances since this spring, Philippe Caubère is present, more than ever, on stage in his native region, in order to pay him tribute. After Mémento Occitan and Urgent crier, dedicated to André Benedetto, the actor, author and director presents André Suarès’ Marsiho, the third of his “Spectacles of the South”.

When and how did you discover André Suarès’ work? About fifteen years ago, in a Parisian bookstore, I stumbled on two books: Shakespeare, the Tragic Poet or the Portrait of Prospero, and just next to it, in the same collection, the Robert Pariente’s biography, André Suarès, Rebel. And so I discovered that Suarès was a Marseillais and that he had written a book about his city. Later, while reading Marsiho, I had a shock, because was describing the Marseille of the 20s and 30s of my paternal family. It was their story! For example, there was a text about the Bourse, and my greatgrandfather, son of an opera dress-maker had made a fortune in finance. And then, especially, I found in the text all of the contradictory feels that have for my native city. All of that made me love it and also hate it was there, written in sophisticated and powerful language. Was it at that moment that you decided to direct the text? Very quickly I said to myself that I could draw something from it. And in 1999, I did a reading of it, at nightfall, in the former quarries of Carro. I then started on the autobiography, saying to myself that one day I would direct it. In 2011, I pitched the project to Marseille-Provence 2013 because it seemed to make sense to me that one of the city’s major writers should have a place there. Bernard Latarjet received me in his office. I mentioned Suarès’ texts, Marsiho and View of Europe, and also my project on the south of France, along with Benedetto’s texts, the outdoor performances at Frioul and at La Joliette. The MP 2013 told me that they were interested. Then, nothing. Six months later, Latarjet informed me that he had no more money. So, I developed the project at the Carmes Theater in Avignon. And I said to myself that, if there was a place in Marseille that would make perfect sense to welcome Marsiho, it would be the Toursky Theater. Because it’s a place of values tradition and resists trends. I pitched it to Richard Martin and he said yes right away. How have you staged this text, whose writing is more literary than theatrical? First of all, I am more often moved by writers than by authors of contemporary theater. That has to do, without a doubt, with the manner in which they transcribe reality. 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LA RENCONTRE

PHILIPPE CAUBÈRE

avec les textes de Benedetto, les représentations en extérieur, au Frioul, à la Joliette. Les équipes de MP 2013 se sont dites intéressées… Et puis, plus rien. Six mois plus tard, Latarjet m’annonce qu’il n’a plus d’argent. Du coup, j’ai crée ce projet au Théâtre des Carmes en Avignon. Et je me suis dit que s’il y avait un lieu à Marseille qui faisait sens pour accueillir Marsiho, c’était le Théâtre Toursky. Parce que c’est un lieu de résistance à l’air du temps. Je l’ai proposé à Richard Martin qui m’a tout de suite dit oui. Comment avez-vous mis en scène cette écriture plus littéraire que théâtrale ? Tout d’abord, je suis plus souvent bouleversé par des écrivains que par des auteurs de théâtre contemporain. Cela tient à la manière dont ils transcrivent la réalité sans doute. Chez des auteurs comme Céline ou Proust, et Suarès donc, il y a une transcription de la réalité qui est concrète et pas uniquement symbolique. Pour moi, le plus grand dramaturge moderne, c’est Rolland Dubillard, pas Beckett. Avec Ariane Mnouchkine, dans les années soixante-dix, on travaillait l’improvisation dans des espaces qui n’étaient pas forcément des théâtres. Il n’y avait pas de notion de décor réaliste. J’ai conservé ça par la suite. La mise en scène reste très sobre car, pour moi, c’est avant tout le corps de l’acteur, l’instrument principal de l’œuvre. C’est aussi la direction prise pour Marsiho. Au départ, c’était des lectures en plein air. Aujourd’hui c’est une version adaptée pour le théâtre, avec un public de 300 personnes, mais pas plus. Parce que l’écriture de Suarès demande de la concentration et une réelle implication du spectateur. Il y a des sentiments très divers, mais aussi de l’humour, dans le spectacle, ce sont ceux de Philippe Caubère ou d’André Suares ? On se rejoint. L’intérêt de Suarès c’est qu’il délivre une pensée qui n’est jamais démagogique sur Marseille. Il a un esprit singulier, une cruauté aussi. Il donne de la ville une représentation très différentes de celles qui courent ordinairement sur elle, aujourd’hui encore. Ses sentiments envers sa ville vont de la rage à l’adoration, en passant par le sarcasme et le ressentiment. Autant d’humeurs que je partage. J’ai cherché à jouer ce qui résonne en moi, le regard intérieur, intime, plus que le regard extérieur. C’est l’un des enjeux de cette mise en scène, que de rester au plus près de cet esprit. La plupart des personnes à qui j’ai offert ce livre abandonnent la lecture après vingt pages. Si les gens ne le lisent pas, au moins là, ils vont l’entendre. Cette pièce s’inscrit dans un nouveau cycle que 16

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vous avez nommé les « spectacles du Sud ». Quel en est le propos ? Avec Alain Montcouquiol, dont j’ai adapté le livre, Recouvre-le de lumière, en 2003, puis mon travail sur André Benedetto et aujourd’hui André Suarès, j’ai choisi trois figures de condottiere, de dandys du Sud. Je crois à l’élite et je crois qu’il existe des seigneurs. J’avais envie de chercher l’aristocratie, l’élite de la pensée du Sud telle qu’elle me séduit. Et ce n’est pas facile à vendre de nos jours, parce qu’on est dans une idéologie d’égalitarisme.

With authors like Céline or Proust, and why not Suarès, there is a transcribing of reality which is concrete and not only symbolic. For me, the greatest modern dramatist is Rolland Dubillard, not Beckett. With Ariane Mnouchkine, in the seventies, we worked on improvisation on spaces that were not necessarily theaters. There wasn’t the notion of realistic décor. I’ve kept that ever since. The staging remains quite understated because, for me, the actor’s body is, above all, the principal instrument of the work. It’s same the direction I’ve taken with Marsiho. At the beginning there were open air readings. Today, it’s a version adapted for the theater, with an audience of 300 people, not more. Because Suarès’ writing requires the viewers concentration and a real implication on his part. There is a wide range of feelings in the show, and also a bit of humor. Is that Philippe Caubère’s or from André Suarès’? It all comes together. The interest for Suarès is that shares his thought about Marseille, but is never demagogic. He has a singular mind, but also a cruel one. He puts the city in a very different light that what is usually seen, even today. His feelings for his city go from rage to adoration, passing through sarcasm and bitterness. These are so many moods that I share. I looked to put on something that resonated in me, the intimate, interior gaze, more than an external glance. This is one of the challenges of this staging, staying as close as possible to its spirit. Most people who I’ve offered this book to give up reading it after twenty pages. If people don’t read, at least here, they’ll hear it. This piece is included as part of a new cycle that you have named “Spectacles of the South”. What it is about? With Alain Montcouquiol, with whom I adapted the book, Cover Me with Light, in 2003, then with my work on André Benedetto and today, André Saurès, I’ve chose three figures of condottiere, or Southern Dandies. I believe in the elite and I believe that lords exist. I had this desire to look for the aristocracy, the elite thought of the South such as it has beguiled me. And it’s not easy to sell nowadays, because we are in an ideology of egalitarianism.


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LE PLAN LAVASTRE

MARSEILLE RÉVOLTÉE La maquette réalisée par Fortuné Lavastre au lendemain des émeutes de 1848 retrouve un toit.

The model produced by Fortune Lavastre after riots of 1848 found a roof.

L

Texte : Marie-Line Lybrecht

es 22 et 23 juin 1848, Marseille est en colère, comme Paris, suite à la fermeture des Ateliers nationaux. Fortuné Lavastre, un quincailler, assiste aux émeutes et se met en tête d’en faire un compte rendu en « 3D », soit une maquette de 8 m2 en bois et métal, immortalisant le quartier situé entre l’actuelle rue de la République et le cours Belsunce, aujourd’hui disparu. L’homme monte sur les toits de la ville pour relever les plans exacts de chacune des rues, façades et toitures. Puis, avec l’aide de ses ouvriers, il sculpte et peint 107 blocs de bois constituant les bâtiments répartis autour de 134 rues. En regardant de plus près, on constate qu’une foule de minuscules figurines de plomb (environ un millier) habite ce Marseille de bois. Ce sont les insurgés, aux prises avec la garde nationale. L’œuvre est un témoignage historique d’autant plus précieux que l’essentiel du quartier a été rasé pour laisser place aux projets haussmanniens. Issu du Musée du Vieux Marseille et longtemps confiné dans des réserves, le Plan Lavastre est, depuis le 13 septembre, l’un des objets phares du nouveau Musée d’Histoire de Marseille. Transfiguré par l’architecte Roland Carta, le bâtiment du Centre Bourse donne à voir – mais bien plus encore à imaginer et à comprendre – ce que fut la ville. Avec ses 6 500 m2, il triple la surface dédiée aux collections permanentes et le site archéologique extérieur est intégré à l’ensemble comme une salle à ciel ouvert. Après avoir longtemps enterré ou détruit ses vestiges, Marseille peut désormais se taguer de posséder l’un des plus grands musées d’histoire en Europe, réparant, à lui seul, ces siècles d’oubli. On 22 and 23 June 1848, Marseille was up in arms, as is Paris, following the closing of the National Workshops. Fortuné Lavastre, a shop owner, participated in the riots and had the idea to make a proceed18

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ings of the event in “3D” in the form of an 8 m2 scale model of wood and metal, thus immortalizing the neighborhood situated between the current rue de la République and the Cours Belsunce, which has since disappeared. The man climbed on the city’s roofs in order to have an exact layout of each of street, façade and roof. Then, with his worker’s help, he sculpted and painted 107 blocks of painted wood which constituted the buildings extending over 134 streets. On closer inspection, you sees a crowd of miniscule tin figurines (about one thousand of them) living in this wooden Marseille. These are the insurgents, facing off the National Guard. The work is a vital historical witness to neighborhood that was leveled in order to replace it with Haussmannien styled buildings. A work from the Museum of Old Marseille and for a confined to its storeroom for ages, the Lavastre Map has, since 13 September, been one of the highlights of the new Marseille History Museum. Transformed by architect Roland Carta, this building located in the Centre Bourse shopping center brings to life -- and what’s more, helps us to imagine and understand – the city that was. With its 6500 m2, it triples a surface area dedicated to permanent collections, and the exterior archeological site has been integrated into the whole, resembling an open-air theater. After having buried or destroyed its relics, Marseille can now boast having one of the largest history museums in Europe, having itself made up for centuries of neglect.

MUSÉE D’HISTOIRE DE MARSEILLE

Square Belsunce, Centre Bourse, Marseille, 1er. 04 91 90 42 22. 3-5 €.

WWW.

marseille.fr

© Collection musée d’Histoire de Marseille Photographie Gérard Bonnet

L’OEUVRE


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UNE OUVERTURE MAGIQUE A MAGICAL OPENING

Implanté sur le domaine de la Molière, le Centre International des Arts en Mouvement célèbre sa naissance par cinq jours (et nuits) de festivités circassiennes. Situated on the Molière estate, the International Center for the Arts in Movement celebrates its birthday with five days (and nights) of circus festivities. Texte : Fred Kahn • Photo : Justin Nicolas

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endant cinq jours, cinq chapiteaux vont transformer le domaine aixois de la Molière en un village de cirque. Un cabaret chaleureux servira de point de ralliement et de restauration pour ces Jours et [nuits] de cirque(s). Un grand chapiteau (500 places) accueillera Klaxon, la dernière création des acrobates et musiciens de la compagnie Akoreacro. Dans un espace plus intimiste, les Australiens de C!RCA, jongleront avec la danse contemporaine. Et comment faire l’impasse sur la fascinante maison de toile des frères Forman ? Ces jumeaux, fils du réalisateur Milos Forman, sont considérés comme de véritables maîtres de l’art de la marionnette et de l’illusion. Leur spectacle, Obludarium, invite à pénétrer à l’intérieur d’une « boite à chimères », remplie de créatures aussi monstrueuses que merveilleuses. Jours et [nuits] de cirque(s) explorera également les rivages de la magie nouvelle. L’occasion de découvrir, avec le collectif 14:20, d’étonnants manipulateurs de réalité. Puis, à peine la fête finie, l’école de pratique amateur du Centre International des Arts en Mouvement (CIAM) accueillera ses premiers élèves et ses premières résidences d’artistes. Le cirque, comme toutes les disciplines, demande un apprentissage. Il ne s’agit pas forcément de devenir un grand professionnel. La joie de pratiquer pour devenir un amateur éclairé, s’avère une motivation amplement suffisante. À condition bien sûr, de s’inscrire dans une approche contemporaine. Le CIAM se veut en phase avec son temps. Philippe Delcroix et Chloé Béron portent cette démarche de transmission depuis de longues années. Ils connaissent parfaitement l’univers circassien et l’évolution d’une pratique qui a su regarder du côté du théâtre, de la danse, de la musique et des arts visuels. Et, pour ne pas perdre le fil de la mutation, autant faire confiance aux artistes eux-mêmes. Ainsi, la présence artistique, sous la forme de résidences, représente un axe essentiel d’un projet qui vise à rapprocher tradition et modernité, formes populaires et expérimenta20

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tion. Le lieu doit maintenant monter en puissance. L’association a obtenu de la municipalité et de la Communauté du pays d’Aix les financements et l’espace nécessaires pour lancer le projet. Le Domaine de la Molière, vaste terrain situé à l’ouest d’Aix-en-Provence, sur la route de Galice, à quinze minutes du centre-ville, s’aménage progressivement. Lors de l’ouverture, seuls les cours de sensibilisation et d’initiation fonctionneront. Mais rapidement, le programme devrait concerner autant les amateurs que les démarches de professionnalisation. L’ambition est clairement affichée : devenir un des lieux européens incontournables pour l’enseignement des arts circassiens. Rien d’étonnant donc si la fête inaugurale, Jours et [nuits] de cirque(s), joue sur les deux faces d’une même carte : exigence et éclectisme. During five days, five circus tents will transform the Aix estate, Molière, into a circus village. A warmhearted cabaret will serve as the meeting point and food court for Circus Days [and Nights]. The Big Top (500 places) will welcome Klaxon, the latest creation of the acrobats and musicians of the Akoracro company. In a more intimate space, the Australians from C!CRA will juggle with contemporary dance. And how can one resist the fascinating canvas house of the Forman Brothers? These twins, sons of the director Milos Forman, are considered true masters of the art of the marionette and illusion. Their show, Obludarium, is an invitation to delve inside a “box of wishful illusions”, filled with monstrous and magical creatures. Circus Days [and Nights] will also explore the boundaries of new magic. It is the opportunity to discover the Collective 14:20, remarkable manipulators of reality. Then, just moments after the festivities are over, the school for amateur performance at the International Center for the Arts in Movement (CIAM) will welcome its first students and its first artists in residence. The circus, like all other disciplines, requires apprenticeship. It is not necessarily a matter of becoming a great professional. The joy of practicing in order to become an enlightened amateur is a largely sufficient motivation, on the condition, of course, that it’s in keeping with a contemporary approach. The CIAM wants to be in line with its times. Philippe Delcroix


L’ENDROIT

LE CIAM

L’AMBITION EST CLAIREMENT AFFICHÉE : DEVENIR UN DES LIEUX EUROPÉENS INCONTOURNABLES POUR L’ENSEIGNEMENT DES ARTS CIRCASSIENS.

and Chloé Béron have followed this process of transmission for many years. They have extensive knowledge of the universe of the circus and the evolution of a practice with an eye to the theater, dance, music and visual arts. And in order not to lose track of its mutation, what better way than to confide in artists themselves. As such, the artistic presence, in the form of residencies, represents the vital axis of a project that aims to bring together tradition and modernity, and popular and experimental forms. Now, the location must fulfill its potential. The association has obtained the financing and space necessary for launching its project from city hall and the administrators of the Aix locality. The Molière Estate, a vast site situated fifteen minutes southwest of Aix-en-Provence, on the Route de Galice, is being gradually developed. Aside from the opening ceremonies, the only courses in operation will be in awareness and initiation. But the program should very soon in-

volve as many as amateurs as those seeking professional training. The ambition is stated clearly: becoming one of the leading European institutions for teaching the circus arts. So, its inaugural celebration is really nothing surprising. Circus Days [and Nights] is on both sides of the same coin: high expectations and eclecticism.

JOURS [ET NUITS] DE CIRQUE(S)

Du 25 au 29 septembre. CIAM Domaine de la Molière, 4181, route de Galice, Aix-en-Provence. 09 83 60 34 51. 12-16 €.

WWW.

artsenmouvement.fr 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LA KANGOO POSTALE

© C-Ktre

L’OBJET

RELOOKING EXPRESS La Poste met l’art dans la rue : le graphiste Stephan Muntaner a customisé cinquante de ses véhicules jaunes en décomposant et recomposant leur propre image. The Post is putting art in the streets: graphic designer Stephan Muntaner has customized fifty of their yellow vans by decomposing and recomposing their own image. Texte : Marie-Line Lybrecht

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remier partenaire officiel de Marseille-Provence 2013, dès novembre 2012, La Poste a estampillé ses 212 bureaux de poste et ses 950 véhicules (soit la première flotte d’entreprise du département). Se proclamant ainsi « messagère de l’année capitale », timbre officiel à l’appui, l’entreprise publique ne s’arrête pas là. Depuis le 9 septembre et jusqu’à la fin de l’année, ce sont maintenant ses véhicules jaunes, livreurs de colis, de bonnes comme de mauvaises nouvelles, qui vont se transformer en « œuvres » roulantes. Dans le cadre du festival Métamorphoses, organisé cet automne par Lieux publics, La Poste a choisi le graphiste marseillais Stephan Muntaner pour « bousculer le regard que l’on peut porter sur ces véhicules du quotidien qu’on finit par ne plus voir ». « Les facteurs qui conduisent ces véhicules ont d’ailleurs été associés en amont au projet, car nous savons qu’ils vont être interpellés et vont devoir répondre à des questions », confie Laurent Mirallès, au service communication de La Poste. Chamboulé, le regard l’est à coup sûr, le graphiste ayant choisi de photographier les véhicules pour que soient imprimés des stickers grandeur nature de différents montages. De quoi rhabiller les Kangoo dans un désordre bien calculé, qui fait apparaître par exemple plusieurs poignées au milieu d’une aile, un amoncellement de portes ou un capot à l’arrière. Cinq modèles différents de flocage ont été appliqués sur 10 véhicules, soit 50 voitures, circulant à Marseille, Aix, Gardanne, Vitrolles, Rognac ou encore Aubagne. 22

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The first official partner of Marseille-Provence 2013, since November 2012, the Post has stamped its 212 post offices and 950 vehicles (the largest corporate fleet in the department), proclaiming itself “messenger of the capital year”, with an official stamp to back it up. And the public company hasn’t stopped there. Since 9 September and until the end of the year, its yellow vehicles – parcel delivery vans of both good and bad news – have been transformed into rolling “artworks”. As part of the Metamorphosis festival, organized this year by the department of Public Spaces, the Post has chosen Marseille graphic artist Stephan Muntaner to “shake up the perspective that we sometimes have of these every day vehicles that finish by no longer being seen at all.” “The mail carriers who drive these vans have, as a matter of fact, been part of this project from the beginning, because we know that they are the ones who are going to be questioned and who are going to have to give answers,” says Laurent Mirallès of the Post’s communications department. One’s regard is certain to be shaken up, as the graphic designer has decided to photograph the vans and print large-scale stickers with varied montages. These Kangoos have been redressed in a well calculated disorder, which creates, for example, several door handles on the van’s fender, a heap of van doors or a hood at the back of the van. Five models of different panels have been applied to 10 vans and 50 cars, circulating between Marseille, Aix, Gardanne, Vitrolles, Rognac and even Aubagne.


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LE MUR

BACK TO BABEL

33, RUE DES TROIS ROIS, 16 SEPT. 2013 Photo : Olivier Levallois

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L’APPLICATION

ROAD FOOD BOOK

LES BONS PLANS DE JULIA GREAT TIPS FROM JULIA

La journaliste culinaire a eu l’idée de mettre à profit ses années de prospection en réunissant ses meilleures adresses dans un guide-application. The culinary journalist had the great idea to take advantage of her years of exploration and put her list of top places to dine in an application. Texte : Marco Jeanson

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ubliés les LaFourchette, Cityvox ou autre Tripadvisor, truffés d’avis bidons ou invérifiables ! Voici une petite appli locale qui vaut son pesant de chichis frégis : Road Food Book représente en effet à peu près dix ans de travail, un défi impossible à tenir pour n’importe quel autre guide. Le site Internet prévient d’entrée : « Personne n’a payé pour y être. Toutes les additions ont été réglées. » Autant dire qu’un budget colossal a été englouti ! « Je mange, c’est ce que je suis avant d’être journaliste spécialisée », déclare Julia Sammut, la coupable de ce jeu de piste culinaire. Née à Lourmarin, éduquée à Aix, cette fille de restaurateurs est revenue dans le Sud, à Malmousque, après avoir passé dix ans à Paris. Depuis, elle a refusé de reprendre l’affaire parentale et décidé de chasser les lieux authentiques, où « l’on croit qu’on mange chez mamie », sur un territoire subjectif aux contours flous, allant de Marseille à Arles en passant par Aix. On apprend au moins deux choses essentielles dans ce guide-application : où, enfin, boire un café digne de ce nom à Marseille et où, enfin, manger une bonne bouillabaisse. Sachant que, comme le dit Julia : « La bouillabaisse ne se mange pas au resto. » Donc, rue Caisserie pour le café, au Café Club. Et, surprise, au Calypso pour la bouillabaisse : « La même que chez Michel – c’est la même famille –, mais avec le service et le cadre en plus. » Julia Sammut a ses idoles, comme Payany, rue Breteuil : « Il fait des chips à l’huile d’olive, dit-elle comme abasourdie. Elles sont vivantes ! » Mais, déjà, Julia nous laisse, il faut qu’elle aille vérifier une nouvelle adresse : un kebab turc au feu de bois, boulevard Garibaldi…

that’s worth its weight in gold: Road Food Book represents nearly ten years of work, a challenge that no other guide can claim. The website lets you know up front: “No one has paid to be here. All of the entries have been cleared.” Suffice it to say that no colossal budget has been expended! “I eat. That’s what I am first before being a specialized journalist”, declares Julia Sammut, the guilty party in this culinary treasure hunt. Born in Louramarin and educated in Aix, this daughter of restaurateurs returned to the south, to Malmousque, after spending ten years in Paris. Since then, she’s refused to take on the family business and has decided to hunt for more authentic places, where “you feel like you’re eating at Grandma’s house”, following a subjective route with unclear boundaries, running from Marseille to Arles while passing by Aix. At least two fundamental things can be learned from this application: where can you finally find a coffee worthy of its name and where, at last, can you eat a good bouillabaisse, considering that, as Julia says, “A real bouillabaisse is not eaten at a restaurant.” So, rue Caisserie for the coffee at Café Club. And surprise, at Calypso for the bouillabaisse: “It’s the same as Chez Michel – it’s the same family – but with the service and atmosphere on top.” Julia Sammut has her idols, like Payany on rue Breteuil: “They make potato chips with olive oil”, she says, astonished. “They’re alive!” But already, Julie is gone. She’s left us to verify a new address: a Turkish kebab shop with an open-wood fire on Boulevard Garibaldi…

Forget the guides La Fourchette, Cityvox and Trip Advisor, filled with doubtful and unverifiable reviews. Here’s a small, local application

WWW.

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ROAD FOOD BOOK

Disponible sur l’AppStore (3,59 €) et Google play (3,56€). roadfoodbook.com


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DOCUMENTS D’ARTISTES

© Documents d’artistes

LE SITE

L’ART DE DOCUMENTER L’ART CONTEMPORAIN

THE ART OF DOCUMENTING CONTEMPORARY ART Discret mais utile et efficace, le site Documents d’artistes se développe et essaime, en France et bientôt à l’étranger. Discreet but usual and efficient, the website Artists’ Documents is developing and expanding, in France and soon abroad.

À

Texte : Olivier Levallois

La Friche, les visiteurs de l’exposition The Butcher ne manquent pas de tester, juste après l’entrée, la présentation interactive d’Additionaldocument.org. Cette revue web, dont l’interface a été confiée à l’Atelier Van Lieshout, est l’un des derniers projets du site Documents d’artistes. Méconnu du grand public, il est né en 1999, alors qu’Internet commençait à décoller. Cette année-là, Christine Finizio et Marceline Matheron décident de créer un fonds documentaire des artistes plasticiens de PACA. L’année suivante, elles sont rejointes par le webmaster Olivier Baudevin et soutenues par la DRAC. Le projet prend la forme d’un site Internet. Depuis, Christine Finizio a été remplacée par Guillaume Mansart. Sous la forme d’une sobre liste alphabétique de 230 noms d’artistes régionaux reconnus ou émergents, le site se veut une photographie en temps réel de la scène artistique locale. Il offre à chaque artiste sélectionné un « dossier » sur mesure. Outre les informations biographiques, on découvre une mise en page de photos interactives (ou non), de vidéos ou d’extraits sonores, élaborée pour traduire au mieux les pratiques. Marceline Matheron revendique une approche éditoriale singularisée et coopérative : « Nous avons une réelle proximité avec ces artistes dont nous suivons le travail pour certains depuis des années. On essaie de faire correspondre au mieux notre expertise et leurs envies. » Aujourd’hui, l’heure est à la création d’un réseau national (Bretagne, Rhône-Alpes, Aquitaine) qui s’incarnera dans une plateforme dédiée. Il est aussi question d’essaimer en Europe : « Si nos artistes circulent bien au niveau national, le passage est plus compliqué sur l’international. C’est là qu’on a un travail à faire aujourd’hui », constate Marceline Matheron. 28

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At the Friche, visitors to The Butcher exhibition don’t miss testing, just past the entrance, the interactive presentation, additionaldocument. org. This web revue, whose interface has been entrusted to the Van Lieshout Workshop, is one of the latest projects from the website Artists’ Documents. Largely unknown to the public, it was born in 1999, just when public interest in the Internet began to take off. That year, Christing Finizio and Marceline Matheron decided to create a library of visual artists in the Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) region. The following year, they were joined by the webmaster Olivier Baudevin and supported by the DRAC (the Regional Department of Cultural Affairs).The project took the form of an Internet website. Since then, Christine Finizio has been replaced by Guillaume Mansart. In the form of a somber alphabetical list of 230 artists’ names, regionally recognized or emerging, the site provides a snapshot in real time of the local artistic scene. It grants each selected artist a personalized “portfolio”. Beyond the biographical information, one finds interactive (or not) photos, video and sound extracts, devised to convey as best possible the artist’s practices. Marceline Matheron claims a singular and cooperative editorial approach: “We have a real proximity to these artists whose work we have been following, some for many years. We try to bring together to the best of our ability our expertise and their desires.” Today, the creation of a national network (Bretagne, Rhone-Alpes and Aquitaine) is in progress which will have its own platform. It is also a question of expansion in Europe: “If our artists circulate smoothly at a national level, the passage to an international one is more complicated. That’s where we have our work cut out for us today,” observes Marceline Matheron.

WWW.

documentsdartistes.org


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L’ASSOCIATION

PEUPLES ET CULTURES MARSEILLE

« RENDRE LA CULTURE AU PEUPLE ET LE PEUPLE À LA CULTURE » “BRINGING CULTURE TO THE PEOPLE AND PEOPLE TO THE CULTURE” Depuis dix ans, l’association Peuples et Cultures Marseille œuvre pour le développement d’un modèle d’éducation et de culture populaire, hérité des idéaux de la Résistance. For ten years, the People and Cultures Marseille association has strived for the development of a model of education and culture for the people, inheriting the ideals of the French Resistance.

© Peuples et Cultures Marseille

Texte : Olivier Levallois

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égulièrement, des individus se réunissent dans des espaces bibliophiles de la région, autour d’un auteur (parfois présent), d’une thématique, ou d’un livre. Amateurs ou professionnels lisent, écoutent, analysent, évoquent un sentiment, suggèrent une idée ou une autre lecture. Un mot, une phrase, une intervention en entraînent d’autres. C’est le principe des cabinets de lecteurs de Peuples et Cultures. L’association mène ses actions culturelles dans le champ de la littérature et du cinéma, à travers un programme de formation, de création (ateliers d’écriture et de réalisation cinématographique), de résidences d’auteurs et de rencontres, comme lors de ces cabinets de lecteurs. « Notre idée est que la culture se construit ensemble. Chacun peut apporter une connaissance, quel que soit son milieu d’origine », défend Catherine Vivodtzen, la fondatrice de l’association. Amandine Tamayo, chargée de diffusion, complète : « L’essentiel c’est qu’une œuvre ou un film déclenche une discussion et favorise l’esprit critique ». Après dix ans d’existence, l’association constate que son travail a beau être reconnu, elle continue d’être « rangée dans le socioculturel » et que la problématique de la mixité sociale reste d’actualité. « Les dispositifs publics ne favorisent pas la mixité et le décloisonnement. Notre travail est précisément d’essayer de créer, à travers des pratiques culturelles, des passerelles entre les territoires, les populations et les disciplines. » Aujourd’hui comme hier, l’association reste fidèle à ses engagements : combler les fossés culturels et proposer d’autres modèles pédagogiques. Des enjeux majeurs en démocratie. 30

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Regularly, individuals gather in book-lover’s spaces throughout the region, with an author (sometimes present), a theme or a book. Fans and professionals read, listen, analyze, provoke a feeling, suggest an idea or another reading. A word, a sentence, an intervention leads to others. This is the principle of the readers’ circle at People and Cultures. Through these circles, the association leads cultural actions in literature and cinema, through a program of training, creation (writers’ workshops and film direction), writers in residence and meetings. “Our idea is that culture is built together. Each person brings his knowledge, regardless of milieu or origin,” defends Catherine Vivodtzen, the association’s founder. Amandine Tamayo, head of information distribution, adds: “What is crucially important is that a work or a film can trigger a discussion or develop critical judgment.” After ten years of existence, the association has noticed that its work has a difficulty being recognized, it continues to be “categorized as socio-cultural” and the problem of social diversity remains an issue. “Public structures do not promote diversity and decompartmentalization. Precisely, our work is to try to build, through cultural practices, bridges between territories, populations and disciplines.” Today as yesterday, the association remains faithful to its commitments: closing cultural gaps and proposing alternative pedagogical models. These are major issues in democracies.

PEUPLE ET CULTURE MARSEILLE

6-8, rue de Provence, Marseille, 4e. 04 91 24 89 71.

WWW.

peuple-culture-marseille.org


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L’ARTISTE

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OLIVIER GROSSETÊTE, BÂTISSEUR DE RÊVES Fr

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OLIVIER GROSSETÊTE

« J’aime bien l’idée de taquiner l’architecture – et donc le pouvoir – avec un matériau pauvre. »

BUILDER OF DREAMS

À quarante ans, l’artiste marseillais invite ses concitoyens à construire, ensemble, une ville dans la ville. At forty years old, artist Oliver Grossetête invites his fellow citizens of Marseille to build a city within the city, together. Texte : Emmanuelle Gall

A bridge in Aix in 2009, a tower in Aubagne and a lighthouse in Martigues in 2011…the prime contractor of these cardboard monuments (and quite a few others in France) is Olivier Grossetête. As a great admirer of Gandhi, the artist “stirs the masses” to create collective works bearing multiple political and poetic resonances. Constructed – then destructed – with the arms and the enthusiasm of volunteers, these temporary architectural works invite each person to participate as it suits him and to

© Vincent Lucas

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n pont à Aix en 2009, une tour à Aubagne et un phare à Martigues en 2011… Le maître d’œuvre de ces monuments de carton (et de bien d’autres en France) est Olivier Grossetête. Admirateur de Gandhi, l’artiste « soulève les masses » pour créer des œuvres collectives aux résonnances politiques et poétiques multiples. Construites – puis détruites – avec les bras et l’enthousiasme des volontaires, ces architectures éphémères invitent chacun à participer à sa mesure et à goûter au plaisir du faire ensemble. Pour sa première création à Marseille, dans le cadre du festival Métamorphoses, Olivier Grossetête s’apprête à transformer la place Bargemont en Ville éphémère : un ensemble constitué d’une vingtaine de bâtiments, allant de la maison japonaise à la centrale nucléaire, avec pour unique matériau 33 000 cartons. La durée des travaux est estimée à une semaine et l’on attend près de 3000 « artisans ». Si le Mistral ne s’invite pas, la ville devrait culminer à plus de vingt mètres. Un défi inédit pour l’artiste, mais aussi une juste reconnaissance de quinze années de travail et d’une œuvre conséquente. Olivier Grossetête pratique également la vidéo, la sculpture d’objets volants poétiques et le collage. Dans son atelier, où les maquettes de bateaux fabriquées par son grand-père côtoient ses propres travaux, on reste muet devant Le Mendiant : un portrait, grandeur nature, constitué d’une multitude de billets de banque découpés. Dans la même veine, on peut encore voir, jusqu’au 12 octobre, ses Papillomaprocèverbalis (spécimens de papillons en procès verbaux) au Centre d’art d’Istres. Libertaire, Olivier Grossetête ?

experience the enjoyment of building together. For his first creation in Marseille, as part of the” Métamorphoses” festival, Olivier Grossetête plans to transform the place Bargemon into the Temporary City: an ensemble of some twenty buildings, ranging from a Japanese house to a nuclear power plant, made entirely from 33 000 cardboard boxes. The duration of the construction is estimated at one week and almost 3000 “craftsmen” are expected to participate. Assuming that the Mistral winds do not show up, the city should top off at more than twenty meters. This is not only an unprecedented challenge for the artist, but also a due recognition for a body of work spanning fifteen years. Olivier Grossetête also produces video, poetic sculptures of flying objects and collage. In his workshop, where scale models of boats made by his grandfather stand alongside his own works, one is left speechless before Le Mendiant (The Beggar): a life-sized portrait consisting of a multitude of shredded bank notes. In the same vein, one can see, at the Art Center of Istres until October 12th, his Papillomaprocèverais (butterfly specimens made from and named for parking tickets, “butterflies” being French slang for the object). Oliver Grossetête, the libertarian?

LA VILLE ÉPHÉMÈRE

Du 30 septembre au 6 octobre. Place Bargemon, Place de l’Hôtel de Ville, Marseille, 2e. 04 91 03 81 28. Entrée libre.

WWW.

lieuxpublics.com 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LE VILLAGE DE

JEAN-MARIE ARNAUD SANCHEZ L’homme est comédien, auteur, tchatcheur et guide non touristique de promenades urbaines sous influence oulipienne. Ce Toulonnais a priori destiné à l’usine, qui a découvert le théâtre en faisant le mur du collège, pratique et revendique les salvateurs chemins de traverse. Qu’il joue au théâtre ou guide des visiteurs, ce (ré)inventeur des « tchatchades » (jeux oratoires collectifs et ouverts), dit prendre la parole pour mieux réveiller celle des autres. Son Marseille, c’est sa terre d’adoption : l’Estaque. Jean-Marie Arnaud is an actor, a writer and a fast-talking, non-touristic urban tour guide under the influence of the experimental literary movement known as Oulipo. Originally from Toulon and destined to work in a factory, Arnaud discovered the theater while playing the wallflower at school. Since then, he preaches the lifesaving value of remaining off the beaten path. Whether it’s as a stage actor or as a museum or tour guide, this (re)inventor of “fast-talkies” (a collective and open game of word play), he is always ready to speak out so that others, in turn, will speak out too. For Arnaud, his Marseille of adoption is the village of L’Estaque. Texte & photos : Olivier Levallois

L’ESTAQUE

« Toutes les traces d’immigration se voient dans la construction même du village. Chaque habitation peut être rattachée à ses habitants : Italiens, Espagnols, Kabyles... Le traverser, c’est traverser son histoire. » “Even in the construction of the village, you can see all of the traces of immigration. Each home can be connected to its inhabitants: Italian, Spanish, Kabyle. Passing through them is to pass through their stories and history.”

> Marseille, 16e.

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T QUARTIER M’ON « LES NATIFS DU DONNANT INTÉGRÉ EN ME ATCHEUR. » UN NOM : LE TCH

d me by d locals integrate The neighborhoo e: “the Fast-Talker”. giving me the nam


LE VILLAGE DE

JEAN-MARIE ARNAUD SANCHEZ

LA MAISON CONTENEUR

« L’Estaque, ça veut dire “attache” en provençal. J’ai mis vingt ans à trouver comment m’y attacher. Traditionnellement, on construit sa maison avec les matériaux locaux. Il n’y avait pas de bois ni de pierre, mais des containers autour. On a donc construit notre maison avec quinze containers. » “In Provencal, l’Estaque means “connection”. It took me twenty years to figure out how to connect myself to this place. Traditionally, houses are built with local materials. There was neither wood nor stone here. But there were shipping containers all around. So we built our house from fifteen shipping containers.”

> Mourepiane, Marseille 16e.

« C’est la deuxième association enregistrée dès 1901 à Marseille. On parlerait aujourd’hui de salle polyvalente : un accueil, un bar, une salle avec une petite scène. On y faisait de la musique, du théâtre et parfois des activités sportives. Initiées par les habitants, les harmonies formaient un maillage culturel dans la ville où l’on pouvait créer de l’excellence. Il y avait celles des catholiques et celles des communistes. Elles ont eu tendance à disparaître avec la création par l’État des MJC. » “In 1901, it became only the second association recorded in Marseille. Today, people would talk about the community center: a reception desk, a bar, a hall equipped with a small stage. People played music there, theater and sometimes sports. Initiated by its inhabitants, these various harmonies created a cultural fabric within the city where you could achieve excellence. There was the mixing of the Catholics and that of the Communists. They started to disappear when the State created Centers for Youth and Culture.”

> 38 Rue le Pelletier, Marseille 16e.

L’HARMONIE DE L’ESTAQUE-GARE

LE FRANÇAIS

« C’est l’ancien siège du Parti communiste français, d’où son nom. J’y vais depuis que je suis arrivé à L’Estaque. J’ai connu trois patrons. Pour s’intégrer quelque part, rien de mieux qu’un bar. C’est l’endroit où l’on rencontre les bandes, les communautés. Il y a le bar des pêcheurs, celui des jouteurs, celui des bobos… Ça marche par génération. » “It’s the former seat of the French Communist Party, thus the name. I’ve been going there since I arrived in L’Estaque. I’ve known three managers. If you want to fit in somewhere, there’s no better place than a bar. It’s the place to meet all of the different groups and communities. There’s the fishermen’s bar, the bar for the water jousters, the one for bourgeois-bohemians. It goes from one generation to another.”

> 80 Plage de l’Estaque, Marseille 16e.

LECTURE-SPECTACLE « À BORD DU REDOUTABLE »

Le 29 septembre, 14h15. Navette Estaque-Vieux-Port. 04 91 03 72 72. 3€.

WWW.

mairie15-16.fr

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LE RESTAURANT

L’ARÔME

LES CHEMINS DE L’ARÔME THE PATHS TO L’ARÔME

Romain et Marylin ont ouvert un petit bistro au charme discret d’une école (buissonnière) et à l’ardoise méditerranéenne. Romain and Marylin have opened a charming and discreet little bistro from a (truancy) school and Mediterranean slate. Texte et photos : Jean-Pierre Vallorani

LE CHEF THE CHEF Dans son repaire, rien ne laisse d’abord deviner le parcours flatteur de l’autodidacte Romain Moullet : L’Hôtel du Castellet, Les Trois Forts au Sofitel Vieux-Port, La Brasserie du David. À trente-sept ans, le chef est un franc-tireur qui en a sous la pédale : « J’avais depuis longtemps l’envie de monter quelque chose à moi ! J’ai parfois eu du mal avec la hiérarchie, mais j’ai acquis une super formation que j’enrichis de toutes mes lectures... » From his sanctuary, there is nothing to give away the flattering resume of the self-educated Romain Moullet: The Castellet Hotel, The Trois Forts at the Sofitel Vieux-Port, The Brasserie of David. At thirty-seven years old, this chef is a maverick with more in store: “For a long time, I wanted to create something for myself! Sometimes I had a hard time with the hierarchy, but I got great training that enhanced all of my reading…”

L’ASSIETTE THE PLATE Avec sa femme Marylin, Romain affectionne une cuisine simple, mais dans les règles de l’art, naviguant entre la Provence et l’Italie : « Tout est frais, je fais mes courses tous les jours, au marché bio du Cours Ju, sur le marché de La Plaine, chez les petits commerçants du quartier... Il y a, juste à côté, un fabricant de pâtes fraîches extraordinaires, où j’achète mon risotto et mes fromages. » 36

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Along with his wife Marylin, Romain is fond of simple cooking, but following the rules of the art, navigating between Provence and Italy: “Everything is fresh, I do my shopping every day, the organic market at Cours Julien, at the market on La Plaine, at neighborhood shops. Just next door, there’s a place that makes exceptional fresh pasta and where I buy my risotto and my cheeses.”

LE CADRE THE SETTING Juste quelques tables et des chaises d’école, une carte géographique de l’Italie pêchée dans une brocante... Le sourire de Marylin complète la modestie de Romain et le boucheà-oreille fait le reste. Just a few tables and school chairs, a geographical map of Italy found in a secondhand store. Marylin’s smile complements Romain’s modesty, and word of mouth does the rest.

L’ARÔME

9, rue des Trois Rois, Marseille, 6e. 04 91 42 88 80. Le plat : 16 €.

WWW.

facebook.com/pages/Larôme/387113151349078


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© Françoise Jolivet

NATURE ET CULTURE DU BAMBOU NATURE AND BAMBOO CULTURE

Au pied des Cévennes, la Bambouseraie réunit sur une douzaine d’hectares plus de mille espèces végétales, dont un quart de bambous. Et chaque année, ce jardin extraordinaire accueille aussi les œuvres éphémères d’artistes contemporains. At the foot of the Cévenne hills, the Bamboo Garden assembles, over twelve hectares, more than one thousand plant species, a quarter of which is bamboo. And every year, this exceptional garden also welcomes the temporary works of contemporary artists. Texte : Emmanuelle Gall

L’

automne est assurément la meilleure saison pour visiter la Bambouseraie : les érables profitent de la disparition des touristes estivaux pour se parer de leurs plus belles couleurs. Et le Vallon du Dragon, imaginé par l’artiste Erik Borja, frôle la perfection. Cet immense jardin japonais, planté en 2000 à l’occasion de l’année du Dragon, est la pierre la plus récente d’un édifice plus que centenaire. Née en 1856, de la volonté d’un passionné de botanique, Eugène Mazel, la Bambouseraie n’a cessé d’évoluer et de s’enrichir au gré des rêves de ses propriétaires successifs. Muriel Nègre, dont la famille dirige le site depuis quatre générations, lui a fait gagner les titres de « Jardin remarquable » et de « Monument historique », tout en l’ouvrant à l’art contemporain. Chaque année depuis 1977, elle transforme le domaine en terrain de jeu pour sculpteurs, plasticiens ou architectes. Au printemps dernier, Dominique Longchampt a transformé les feuilles mortes du Magnolia grandiflora en phasmes courant le long du tronc et des branches de l’arbre. Françoise Jolivet a édifié son Temple des colonnes-bambous dans l’Allée des palmiers de Chine : l’artiste a écrit et dessiné sur des tronçons plantés racines en l’air et disposés en forme de cœur. La photographe Marie-

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Jésus Diaz a choisi d’accrocher ses clichés végétaux au milieu des bambous et l’artiste japonais Ueno Masao a sculpté un cocon-girouette jouant avec le vent. Le visiteur découvre ces œuvres au fil d’une balade qui emprunte l’Allée des séquoias, traverse le Village laotien, la Forêt de bambous, les serres Mazel, le labyrinthe végétal… On se perd volontiers dans les allées de la Bambouseraie, entre les Phyllostachys (bambous bleutés), le vénérable Ginkgo biloba mâle qui domine le Vallon du Dragon du haut de ses cent quarante ans, les immenses magnolias, séquoias ou chênes… Autant de chefsd’œuvre offerts au domaine par dame Nature. Autum is surely the best season to visit the Bamboo Garden: the maple trees seize the opportunity offered by the departure of summer’s tourists by putting their most beautiful colors on display. And the Valley of the Dragon, as imagined by artist Erik Borja, approaches perfection. This immense Japanese garden, planted in 2000 during the Year of the Dragon, is the most recent stone of a structure more than one hundred years old. Born in 1856 of the will of a botanical enthusiast, Eugène Mazel, the Bamboo Garden has never stopped evolving or expanding at the behest of its successive owners’ dreams. Muriel


LA BALADE

LA BAMBOUSERAIE

ON SE PERD VOLONTIERS DANS LES ALLÉES, ENTRE LES PHYLLOSTACHYS, LE VÉNÉRABLE GINKGO BILOBA, LES IMMENSES MAGNOLIAS, SÉQUOIAS OU CHÊNES… Nègre, whose family has run the site for four generations, has earned the garden the titles of “Remarkable Garden” or “Historical Monument”, as well as opening it to contemporary art. Every year since 1977, she’s turned the estate into a playground for sculptors, artists and architects. Last spring, Dominique Longchamp transformed dead magnolia tree leaves into stick insects running the length of the trunk and its branches. Françoise Jolivet built her Temple of Bamboo Columns in the Alley of Chinese Palm Trees: on the planted lengths, the artist drew and molded roots in the air and arranged them in the shape of a heart. The photographer Marie-Jésus Diaz decided to hang her photos of plants and vegetation amidst the bamboos, and the Japanese artist Ueno Masao sculpted a “cocoon-weather vane” dancing in the wind. Visitors discover these artworks over the course of a stroll through Sequoia Alley, crossing the Laotian Village, the Bamboo Forest, the Mazel Greenhouses and the Vegetal Labyrinth. One loses themselves willingly in the Bamboo Garden’s alleys, between the Phyllostachys (bluish bamboos), the venerable male Ginkgo Biloba which dominates the Valley of the Dragon from on high with its one hundred and forty years, the enormous magnolia trees, sequoias or oaks…. Mother Nature graces this estate with so many masterpieces.

LA BAMBOUSERAIE

Du 1er mars au 15 novembre. 552, rue de Montsauve, Générargues. 04 66 61 70 47. 5,20-8,80 €.

WWW.

bambouseraie.com

© Leni Chevasson

+

OÙ MANGER, OÙ DORMIR ?

À première vue, Le Tilleul ressemble à ces bistrots de village d’un autre temps, à la terrasse desquels il fait bon boire l’apéritif en début de soirée. Mais, à peine franchi le seuil, il est évident que l’établissement est bien plus que cela. On découvre d’abord l’agréable terrasse couverte de vigne vierge, puis la salle du restaurant, son bar surmonté d’une incroyable collection de cafetières et, enfin, la grande cuisine ouverte de Leni Chevasson. Le menu du jour, écrit sur un tableau noir, est éloquent : terrine de canard aux pistaches, courgettes de Nice farcies au veau et basilic, Pélardon des Cévennes… Ici, les produits sont frais, locaux et bios, sélectionnés avec soin par la maîtresse de lieux. Après avoir longtemps officié au mythique restaurant de L’Entrepôt à Paris, Leni Chevasson est venue s’installer à Générargues en 1997. Depuis, de début avril à fin septembre, son Tilleul ne désemplit pas. Car, l’hiver, la dame enseigne le ski à la montagne, écrit des livres de cuisine et forme des apprentis cuisiniers à l’étranger. Par chance, la maison de Leni Chevasson compte aussi quatre chambres : simples, mais élégantes, aussi authentiques que la cuisine du Tilleul. At first glance, Le Tilleul (“The Linden Tree”) ressembles a village tavern from another age, on whose terrace it feels just right to have an aperitif in the early evening. Yet, having just crossed the threshold, it becomes clear that this establishment is so much more. First of all, one discovers the pleasant vine-covered terrace, next the dining room and its bar, on which lies an incredible collection of coffee urns, and finally, Leni Chevasson’s huge open kitchen. The daily menu, written on a chalkboard, speaks volumes: terrine of duck with pistachios, zucchini from Nice stuffed with veal and basil, Pélardon cheese from the Cévennes. Here, the produce is fresh, local and organic, selected with the greatest care by the lady of the house. After honing her craft for several years at the L’Entrepôt restaurant in Paris, Leni Chevasson settled in Générargues in 1997. Since then, from the beginning of April until the end of September, her Tilleul is always full. Because in winter, the lady teaches skiing in the mountains, writes cookbooks and trains apprentice chefs abroad. Fortunately, Leni Chevasson’s home also has four bedrooms: simple but elegant, as authentic as Tilleul’s cooking.

Le Tilleul Place du Tilleul, Générargues. 04 66 61 72 32. menu : 26,50 € - chambres à partir de 50 €. www.letilleulrestaurant.com 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Le Lavandou, tournage du film Parenthèse de Bernard Tanguy 40

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CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

© Commission du film du Var

CINEMA(S) IN PROVENCE: LIGHTS, CAMERA, ACTION!

The relationship between the region and the cinema began, from its birth in 1885 with the Lumière Brothers’ first screenings in La Ciotat. Later, in 1933, Marcel Pagnol dreamed of making Marseille a “French Hollywood”. Today, the Provence-Alpes-Côte d’Azur region is the principal shooting location in France for international films and the second for national ones, just after the L’Ile-de-France region. Thousands of jobs and some fifty enterprises are thus directly dependant on this cultural industry. Fully aware of the territory’s attraction, the Region has put into place, in conjunction with Film Boards in Marseille, La Ciotat, Cannes, etc., a policy of support for the sector unique to Provence. It consists of financing (films, festivals, pedagogical projects, assistance for writing and development, etc.) and of technical support (welcoming film shoots, scouting for locations, casting for technicians and actors). All assistance combined, they have gone from 51 projects backed in 2003 to 97 in 2012. A 2010 study concluded that the return on investment of one Euro was, on average, seven Euros in jobs, services, lodging, restoration, etc. Henceforth, from training to distribution, all of the links of the audiovisual production chain exist within the territory. And yet, in spite of this virtuous evolution, the local market is still limited and highly dependent on external projects and investors. Let’s take stock of the situation.

La relation entre la région et le cinéma débute, dès sa naissance en 1895, avec les premières projections des frères Lumières à La Ciotat. Plus tard, en 1933, Marcel Pagnol rêve de bâtir à Marseille un « Hollywood à la française ». Aujourd’hui, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la première du territoire en nombre de tournages internationaux et la seconde pour les tournages nationaux, après L’Île-de-France. Des milliers d’emplois et une cinquantaine de sociétés dépendent ainsi directement de cette industrie culturelle. Consciente de l’attractivité du territoire, la Région a mis en place, en collaboration avec des Bureaux du cinéma (à Marseille, La Ciotat, Cannes…), une politique de soutien à la filière unique en province. Elle consiste en des actions de financement (films, festivals, projets pédagogiques, aides à l’écriture ou au développement…) et d’accompagnement technique (accueil des tournages, recherche de lieux, fiches de techniciens et de comédiens.) Toutes aides confondues, on est passé de 51 projets soutenus en 2003 à 97 en 2012. Une étude de 2010 a conclu que les retombées pour un euro investi sont en moyenne de sept euros en embauches, prestations de services, hébergements, restauration... Dorénavant, de la formation à la distribution, tous les maillons de la chaine de production audiovisuelle existent sur le territoire. Cependant, malgré cette évolution vertueuse, le marché local reste restreint et très dépendant des projets et investisseurs extérieurs. État des lieux... Dossier réalisé par Marco Jeanson, Eva Journeaux, Olivier Levallois, Jean-Pierre Vallorani. 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LA CIOTAT SE RÊVE EN CINÉVILLE

LA CIOTAT, MOVIELAND

Fermé depuis dix-huit ans, l’Éden Théâtre rouvre ses portes le 9 octobre. C’est le premier signe tangible du retour de La Ciotat vers le patrimoine négligé de son identité cinématographique. Closed for eighteen years, L’Eden will reopen its door on 9 October 2013. It’s the first tangible sign of La Ciotat’s return to its neglected cinematic heritage. Texte : Olivier Levallois

E

n choisissant La Ciotat comme lieu de villégiature d’été pour sa famille, Antoine Lumière, père d’Auguste et de Louis, fit de la ville le berceau du cinéma mondial. C’est là, à l’été 1894, que sera réalisée par les deux frères, une partie de la cinquantaine de films au programme des toutes premières projections cinématographiques. Après Paris et Lyon, en mars et juin 1895, les projections ciotadennes auront lieu le 21 septembre au château Lumière, puis le 14 octobre à l’Éden Théâtre. Ne croyant pas eux-mêmes en l’avenir de leur invention hors du champ scientifique, les frères Lumières ne soupçonnent pas qu’ils viennent de faire entrer La Ciotat dans le patrimoine mondial de ce qui deviendra bientôt le septième art. De cet événement, il ne restait que peu de traces jusqu’alors, au-delà du nom du cinéma local. Et, malgré la tentative (avortée depuis) d’implanter le festival du scénariste autour des années 2000, il était difficile de voir en La Ciotat un fief historique du cinéma mondial. La ville a davantage misé sur ses charmes de station balnéaire et sur la rénovation des bateaux de luxe que sur son patrimoine culturel. Cependant, selon Emmanuelle Ferrari, chargée de mission cinéma à la ville, la réouverture prochaine de L’Éden Théâtre, premier cinéma du monde, est à interpréter comme le signe annonciateur d’une volonté municipale de renouer avec cet héritage cinématographique. « La stratégie de la ville pour le 42

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EN 1895, LES FRÈRES LUMIÈRES NE SOUPÇONNENT PAS QU’ILS VIENNENT DE FAIRE RENTRER LA CIOTAT DANS LE PATRIMOINE DU CINÉMA. By choosing La Ciotat as summer retreat for his family, Antoine Lumière, Auguste’s and Louis’ father, made the city the cradle of world cinema. It was then, in the summer of 1894, that the two brothers would make some of the first cinematic projections of about fifty films. After Paris and Lyon, in March and June 1895, the first La Ciotat projections will take place on 21 September at the Chateau Lumière, then on 14 October at the Eden-Theatre. Not even believing, themselves, that their invention had a future other than in the scientific field, the Lumière brothers had no clue that they would make La Ciotat part of the world’s artistic heritage. Of this event, only a few traces remain other than the name of the local movie theater. And in spite of an aborted attempt to create a screenwriters’ festival in 2000, it was difficult to find a historical foothold on world cinema in La Ciotat. The city had instead invested more in its charm as a seaside resort and in its renovation of luxury boats that in its cultural heritage. However, according to Emmanuelle Ferrari, coordinator of the city’s cinema, the future opening of


CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

L’EDEN THÉÂTRE

© Joel Assuied

Eté 2013, les travaux de rénovation conservent l’identité de la salle.

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© NJMH Architectes

Le chantier a été confié aux architectes André Stern et Nicolas Masson de l’agence NJMH.

« CRÉER UN PARCOURS ARTISTIQUE, CULTUREL ET TOURISTIQUE AUTOUR DU CINÉMA DANS LA VILLE. » cinéma est de fédérer les éléments du patrimoine cinématographique qui se trouvent à La Ciotat depuis la fin du XIXe siècle. Le projet, favorisé par l’élan donné par Marseille-Provence 2013, consiste à créer un parcours artistique, culturel et touristique autour du cinéma dans la ville. » Outre L’Éden, cette renaissance s’appuie sur différents lieux tels le Palais Lumière, ancienne résidence de la famille Lumière et le cinéma Lumière, qui pourrait devenir, à terme, une « maison de l’image » avec un centre d’archive consacré aux grands acteurs. La villa Michel Simon trouverait une seconde vie en accueillant des résidences d’écriture en cinéma. L’hospice Saint-Jacques, récemment restauré, devrait accueillir les archives du comédien. Reste la chapelle des Pénitents bleus qui fait déjà office de salle d’expositions liées au cinéma. En ce qui concerne L’Éden Théâtre, un partenariat privilégié est envisagé avec l’Institut Lumière de Lyon pour y délocaliser ses grandes rétrospectives. Et des accords ont été passés avec des structures spécialisées dans la restauration de films, en vue d’y diffuser des films patrimoniaux (muets ou classiques). Si l’ambition annoncée repose principalement sur l’histoire et sur le patrimoine, elle entend aussi se distinguer par la programmation d’événements contemporains de dimensions internationales. Ainsi, la première édi44

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l’Eden – the world’s first cinema – has been taken as a harbinger of the municipality’s desire to renew its cinematographic heritage. “The city’s film strategy had been to unite elements of cinematographic heritage which has been in La Ciotat since the end of the 19th century. The project, promoted by the impetus from MarseilleProvence 2013, consists of creating an artistic, cultural and touristic journey around the city’s cinema.” In addition to l’Eden, this renaissance draws from different locations, such as the Lumière Palace (le Palais Lumière), former residence of the Lumière family and the Lumière cinema, which could become in time the movie theater with an center for archives dedicated to great actors. The Michel Simon villa has found a second life by offering writers’ residencies in cinema. The Saint-Jacques hospice, recently restored, should house the actor’s archives. And finally, the Chapel of the Blue Penitents which already serves as an exhibition hall related to cinema. With regards to L’Eden, a privileged partnership is being contemplated with the Lumière Institute of Lyon where large retrospectives could be housed. And agreements have been signed with structures investing in film restoration, with the perspective of screening films of historical value (silent films or classical ones). If the declared ambition principally rests on history and on heritage, it also intends to distinguish itself with contemporary events programming of an international scale. Thus, the first edition of the short film festival, Cries of the World, structured around the concept of the single sequence shot, will take place at L’Eden from 20 to 23 November. For the inauguration, Juliette Binoche and Isabelle Hupert are hoped to be present. The standing of this vast work is also one of the preoccupations of Emmanuelle Ferrari: “The Lumière Brother’s cult film, The Training Arriving in La Ciotat Station, allows us to focus specific attention on the city as a landmark of cinema throughout the world.”


L’EDEN

© Léon Gimpel

CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

L’AUTOCHROME, LE TRIOMPHE DE LA COULEUR

Léon Gimpel, Exposition au Grand Palais, 1909

En 1907, les frères Lumière inventent l’autochrome : une plaque photographique en verre, sur laquelle on peut fixer la couleur. Commercialisé avec succès, le procédé sera utilisé durant près de trente ans, supplanté ensuite par la pellicule souple de l’américain Kodak au milieu des années trente. La chapelle des Pénitents bleus accueille une centaine d’œuvres, exposées suivant un procédé de rétro éclairage, pour témoigner de la finesse du procédé et de la variété des sujets privilégiés par les photographes de ce début du XXe siècle. Jusqu’au 3 novembre. Chapelle des Pénitents bleus, Esplanade du 8 mai 1945, La Ciotat. 04.42.08.10.11. Entrée libre. www.edentheatre.org

tion du festival de court métrage Cris du monde, autour de la notion de plan-séquence, se déroulera à L’Éden du 20 au 23 novembre. Pour l’inauguration, on espère la présence de Juliette Binoche ou d’Isabelle Huppert. Le rayonnement de ce vaste chantier est aussi l’une des préoccupations d’Emmanuelle Ferrari : « Le film culte des frères lumières, L’Arrivée en gare du train de La Ciotat, nous permet d’obtenir une attention particulière afin de faire de cette ville, un lieu de cinéma repéré dans le monde entier. » Certes, le dessein de cette « cinéville » est séduisant, mais, contrairement au dire du proverbe : vouloir n’est pas pouvoir. Reste en effet à régler la question cruciale des financements que suppose un tel engagement. Le coût de la rénovation de l’Éden (environ 5,5 millions d’euros) a été pris en charge majoritairement par les collectivités territoriales et le ministère de la Culture via la DRAC. MP 2013 a financé les 170 000 euros des trois premières expositions, de la cérémonie d’ouverture et du festival Cris du monde. Mais passé 2013, tandis que le mot d’ordre en matière d’investissement culturel est la parcimonie, dans quelle mesure les instances publiques prolongeront-elles le nécessaire effort permettant de restituer durablement ce lieu à son histoire ?

Of course, idea of this “movieland” is seducing, yet unlike the proverb: where there’s a will, there isn’t necessarily a way. The crucial question of financing resulting from such an engagement remains to be answered. The cost of l’Eden’s renovation (about 5,5 million euros) was paid for primarily by the regional authorities and the Minister of Culture via the DRAC. MP 2013 financed the 170 000 euros needed for the first three exhibitions, the opening ceremony Cries of the World and its festival. However beyond 2013, where parsimony is the watchword in cultural investment concerns, to what extent will government structures prolong the effort necessary to durably re-establish this place to its history?

CÉRÉMONIE D’OUVERTURE

Le 9 octobre. Éden Théâtre, 25, boulevard Georges Clémenceau, La Ciotat. Entrée libre.

WWW.

edentheatre.org 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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PRODUIRE À MARSEILLE, LE CAS SHELLAC

PRODUCING IN MARSEILLE, THE SHELLAC CASE

Les producteurs marseillais ne sont pas légion, et parmi eux, très peu accèdent à une reconnaissance internationale. Installé à La Friche, Thomas Ordonneau exerce avec succès ce métier d’équilibriste. Texte : Olivier Levallois

T

abou de Miguel Gomes, Cherchez le garçon de Dorothée Sebbagh, la collection de courts-métrages Territoires, réalisés pour Marseille-Provence 2013… Autant de projets produits ou distribués par Shellac, une société marseillaise installée dans les Magasins de La Friche. Dans l’industrie audiovisuelle, plus que dans d’autres domaines culturels peut-être, la centralisation parisienne reste pourtant la norme. Mais depuis peu, quelques sociétés locales, dont Shellac, s’affirment avec succès sur le marché national et international. La quarantaine décontractée, Thomas Ordonneau, son directeur, n’a rien du « producteur à cigare » agité et égocentrique tel que le cinéma hollywoodien se plaît à le caricaturer. Malgré un planning que l’on suppose dense, il se tient, attentif, derrière sa table de travail encombrée de dossiers et de DVD, sa collaboratrice Francine Cadet, à ses côtés. Le jeune producteur répond aux questions, le phrasé rapide et les idées claires. Fondée il y a dix ans, Shellac est, à l’origine, une société de distribution et d’édition de DVD parisienne possédant un bureau à Marseille. Il y a cinq ans, Thomas Ordonneau décide de rassembler la société dans le Sud et d’ajouter la production de documentaires et de fiction à son activité. La réussite de son implantation, il l’explique par un secteur local encore peu investi, une politique de soutien de la Région importante et un réseau parisien préexistant. Car si la décentralisation a quelques vertus, dans un marché régional qui reste restreint, le métier de distributeur et d’éditeur de DVD garantit le seuil d’activité nécessaire à la pérennité. Loin du mythe romanesque, être producteur indépendant en région, c’est avant tout affaire de pragmatisme. Il faut sans cesse parvenir à multiplier les projets locaux comme 46

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SHELLAC

© Shellac

CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

Marseille producers are not legion, and amongst them, very few achieve international recognition. Based at La Friche, Thomas Ordonneau practices, with success, this profession’s balancing act. Miguel Gomez’s Tabou, Dorothée Sebbagh’s Looking for the Boy, the collection of film shorts Territories, directed for MarseilleProvence 2013…So many projects produced and distributed by Shellac, a Marseille based company based in the Magasins of La Friche. In the audio-visual industry, perhaps more than in other cultural fields, the Parisian centralization is the mostly the norm. But of late, several local enterprises, amongst them Shellac, have successfully imposed themselves on the national and international market. In his forties and laid-back, Thomas Ordonneau, Shellac’s director, has nothing of the restless and egocentric “cigar-toting producer” that Hollywood cinema so enjoys making a caricature of. In spite of the tight agenda that one imagines, he sits, attentive at his work desk cluttered with files and DVDs, with his associate, Francine Cadet, at his side. The young producer replies to questions with rapid sentences and clear ideas.

Emilie de Preissac et Pierre Lopez dans Beauduc, un film de Laurent Teyssier pour la collection “Territoires”.

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Momo, un film de Jean-François Comminges (à droite) avec Elhadji Samba Diene.

ÊTRE PRODUCTEUR INDÉPENDANT EN RÉGION, C’EST AVANT TOUT AFFAIRE DE PRAGMATISME. nationaux, trouver des financements privés comme publics, pour maintenir l’équilibre budgétaire. Au-delà des aspects strictement économiques, l’éloignement avec la capitale offre un certain confort. « À Paris, on est sans cesse sollicité. Ici, on peut se concentrer davantage sur l’essentiel, sur les films. » Les opportunités professionnelles se font de toute façon principalement sur les marchés internationaux. Le déficit le plus significatif que les deux producteurs constatent entre Marseille et Paris concerne la formation dans les métiers de la production et de la distribution. S’il y a une évolution vertueuse du secteur amorcée à Marseille, elle ne peut se maintenir, selon Thomas Ordonneau, sans davantage d’égard de la part de la profession envers les structures régionales, souvent perçues avec défiance, voir dédain. « Il faut qu’il y ait une meilleure considération des instances publiques parisienne sur le travail fait en région et que le regard des diffuseurs change aussi sur les producteurs en région. Même si, aujourd’hui, cette défiance a tendance à s’infléchir, notamment grâce au travail réalisé et aux résultats obtenus ces dernières années. » 48

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Founded ten years ago, Shellac is, at its origin, a Parisian DVD distribution and editing company with an office in Marseille. Five years ago, Thomas Ordonneau decided to bring the company south and add documentary and fiction production to its activities. As for the installation’s success, he explains it local sector which still has little investment, a notable policy of support from the Region and pre-existing Parisan network. Because if decentralization has its virtues, in a regional market that remains limited, the occupation as DVD distributor and editor guarantees the necessary level of activity for longevity. Far from exotic myth, being an independent producer in the region is, first of all, a matter of pragmatism. Local projects and national ones have to generate continual growth, and private and public financing must be found in order to achieve a balanced budget. Beyond strictly economic issues, distance from the capital provides a certain comfort. “In Paris, you are constantly under pressure. Here you can concentrate more on the essential, on the films.” Professional opportunities come for the most part from international market. The most significant shortfall that the two producers find between Marseille and Paris is with regards to training in the production and distribution fields. If there is momentum


TROIS QUESTIONS À… LIONEL PAYET,

fondateur de La Planète Rouge, structure de postproduction créée en 2008. Pourquoi avoir créé votre société à Marseille ? Suite au constat d’un manque de structure de postproduction de qualité dans le sud. En 2008, les progrès technologiques permettaient d’envisager un tel projet. Travailler sur un long métrage avec une machine coutant 15 000 euros, c’était impossible à peine quelques années plus tôt. Comment s’est développée votre société qui, aujourd’hui, accompagne des projets nationaux et internationaux ? En créant ma société, j’ai compris pourquoi d’autres avaient renoncé avant moi. La plus grosse problématique vient des financements qui restent majoritairement parisiens. Le marché local est un micromarché. Pour s’installer là, il faut avoir une clientèle déjà prête à travailler avec vous ou des fonds importants pour tenir plusieurs années : 60 % de notre volume d’activité est réalisé avec des productions hors région. Comment envisagez-vous le futur de la production audiovisuelle à Marseille ? Malgré la taille réduite du marché local, la ville évolue bien et l’année capitale lui a donné une réelle impulsion. D’ici cinq ans, les choses devraient encore s’améliorer pour ce secteur. Pas seulement à Marseille d’ailleurs, mais dans toutes les régions.

toward a virtuous evolution of the Marseille sector, it could never be sustained, according to Thomas Ordonneau, without greater consideration of regional structures, on the part of the profession, who often perceive it with mistrust, even contempt. “There needs to be a better consideration by Parisian public authorities of the work that is done in the regions and distributors’ perception of regional producers needs to change, too. Even if, today, this mistrust is tending to increase, in particular thanks to the work we’ve done and the results we’ve achieved these past few years.”

TERRITOIRES,

Une collection de 7 courts métrages. Co-production Le G.R.E.C et Shellac.

WWW.

shellac-altern.org 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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LE SATIS A LA TECHNIQUE SATIS HAS THE TECHNIQUE

Créé dans les années 80 à Aubagne, le département Sciences, arts et techniques de l’image et du son de la Faculté d’Aix-Marseille est devenu un vivier de techniciens et de créateurs. Creating in the 1980s in Aubagne, the Department of Science, Arts and Techniques of the Image and Sound at the University of Aix-Marseille has become the incubator for technicians and creators. Texte : Jean-Pierre Vallorani

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ief de la céramique, Aubagne est désormais également réputée pour son département Sciences, arts et techniques de l’image et du son (Satis), installé dans l’ancienne école Lakanal. L’artiste égyptien Waël Shawky, qui a tourné l’année dernière le deuxième volet de son Cabaret Crusades (« Cabaret croisades ») dans la Chapelle des Pénitents noirs, peut en témoigner. Cette adaptation de l’essai d’Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, mettant en scène des marionnettes réalisées par les céramistes locaux, a été mise en lumière, tournée, mixée et montée par les étudiants du Satis. Remarqué au FID et à la Documenta, le film poursuit aujourd’hui une carrière internationale et se verra consacrer une exposition à Aubagne en novembre. Un succès de plus pour le Satis, qui fait aujourd’hui figure d’incontournable parmi les filières publiques de formation aux métiers de l’audiovisuel. À côté des prestigieuses Fémis et école Louis-Lumière à Paris, les universités françaises comptent six masters analogues, à Aubagne, Brest, Valenciennes, Marne-la-Vallée, Toulouse et Nancy. Les trois premiers sont à dominante scientifique, les trois autres littéraire, certains plus orientés vers la télévision et les programmes de flux (antennes régionales, journaux télévisés ou magazines), d’autres, tel le Satis, vers les programmes plus longs, la fiction et le documentaire. Mais pour un futur étudiant attiré par l’image et le son, qu’est-ce qui va faire la différence ? « Le Satis est vraiment très ancré dans la pratique, sur des projets de réalisation de films qui vont aller jusqu’au bout », précise Rémi Adjiman, le directeur du département. « Les films sont complètement aboutis, diffusés si possible, ce qui demande une organisation complexe, liée à la double contrainte d’être à 50

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« LE SATIS EST VRAIMENT TRÈS ANCRÉ DANS LA PRATIQUE, SUR DES PROJETS DE RÉALISATION DE FILMS QUI VONT ALLER JUSQU’AU BOUT. » THE place for ceramics, Aubagne is now just as known for its Department of Science, Arts and Techniques of the Image and Sound (Satis), based in the former school Lakanal. Egyptian artist Waël Shawky, who shot the second part of his Cabaret Crusades in the Chapel of Black Penitents, can attest to this. The adaptation of the Amin Maalouf essay, The Crusades seen by the Arabs, puts on stage marionettes created by a local ceramics maker, was brought to light, filmed, mixed and edited by Satis students. Noticed at the FID and at the Documenta, today the film pursues its international career and will have an exhibition in Aubagne dedicated to it in November. Yet one more success for Satis, which figures as one of the greats in the public fields of training for the audiovisual profession. Alongside the prestigious Fémis and the Louis-Lumière School in Paris, French universities counts six analogous masters, in Aubagne, Brest, Valenciennes, Marne-la-Vallée, Toulouse and Nancy. The first three are more scientific, whereas the three others are more literary, some of them are more oriented toward television and emissions (regional channels, televised journalism and magazines), while others, such as Satis, are dedicated to longer programs, fiction and documentary. But for a future student drawn by image and sound, what makes the difference? “Satis is truly anchored in practice, on film creation projects that will be seen through to the end,” specifies Rémi Adjiman, the department’s director. “The films are finish in their entirety, diffused if possible, which requires a complex organization, tied to the double obligation of falling within a pedagogical framework and being a real production at the same time, with its concerns of costs, rights and planning.” Divided into


SATIS

© Ludovic Alussi

CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

Le tournage de Cabaret Crusades, à la Chapelle des Pénitents noirs.

la fois dans un cadre pédagogique et dans un cadre de production réelle, avec ses problèmes de coûts, de droits, de plannings. » Répartis en promos de 45 élèves (en licence 3, master 1 et master 2), les 135 étudiants vont pouvoir finaliser 18 films par an, prêts à être diffusés dans les salles de cinéma, participer aux concours et festivals. Pour certains, le département est une étape avant la voie royale pour le cinéma que sont la Fémis et Louis-Lumière. Les réalisateurs Laurent Cantet, Christophe Blanc, ou bien le réalisateur de télévision Jacques Malaterre, sont de grands professionnels

classes of 45 students (in their 3rd year of Bachelors and 1st and 2nd year of Masters), the 135 students will be able to make 18 films per year, ready to be shown in movie theaters, participate in film competitions and festivals. For some of them, the department is the first step on the main path to the cinema schools Fémis and Louis-Lumière. The directors Laurent Cantet, Christophe Blanc and the television director Jacques Malaterre, are great professionals who passed this way. But Rémi Adjiman refuses to be a “dream salesman”: “To be a director, you need unflagging energy, an absolutely mad determination. You need to know how to build a project, carry it on your shoulders for three years while eating only pasta and 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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© Jean-Pierre Vallorani

Réunion entre Waël Shawky et les étudiants du Satis, lors du tournage de Cabaret Crusades.

« NOUS AVONS AUJOURD’HUI UN IMPACT RÉEL. UN GRAND NOMBRE DE SOCIÉTÉS DE PRODUCTION ONT FAIT APPEL À NOS ÉTUDIANTS. » passés par là. Mais Rémi Adjiman ne veut surtout pas être un « vendeur de rêve » : « Pour être réalisateur, il faut une énergie sans faille, une détermination absolument dingue, il faut savoir monter un projet, le porter à bout de bras pendant trois ans en mangeant des pâtes et du riz, il faut se constituer un réseau, avoir l’autorité pour diriger une équipe... il faut tellement de choses que l’on n’apprend pas forcément à l’université ». Le Satis est par ailleurs fortement impliqué dans le développement régional du secteur : membre depuis ses débuts du PRIMI, la structure qui fédère l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel, labellisée PRIDES par la Région Paca, l’école s’efforce d’adapter ses formations aux besoins régionaux croissants. « Nous avons aujourd’hui un impact réel. Un grand nombre de sociétés de production ont fait appel à nos étudiants (les Films du Soleil, les Films du Tambour de soie...). Notre logique d’école, sa solidarité, aboutissent à un réseau solide. De nombreux étudiants travaillent sur Plus belle la vie ou pour l’Unité régionale de production (URP) qui fabrique des contenus pour le réseau national. » Enfin, plusieurs anciens étudiants ont pu monter leur propre structure, en région ou dans leur région d’origine : un vrai signe du dynamisme de l’école. 52

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rice. You need to build a network and have enough authority to lead a team. You need so many things that we can’t necessarily teach at university.” Satis is, in fact, strongly implicated in the regional development of the field: a member since its beginnings of PRIMI, the structure brings together the ensemble of audio-visual companies; with the label PRIDES from the PACA Region, the school commits itself to adapting its training programs to growing regional needs. “Today, we have a real impact. A significant number of companies call on our students (Films du Soleil, Films du Tambour de soie, etc.). Our school’s culture, its solidarity, results in a solid network. Many students work for [the television series] Plus Belle la Vie or for the Regional Production Unit which produces content for national networks.” Finally, several former students have been able to build their own structure, in the region or in their home region. It’s a true sign of the dynamism of the school.

DÉPARTEMENT SATIS

Faculté des Sciences, Université d’Aix-Marseille 9, bd Lakanal, Aubagne.

WWW.

satis.univ-provence.fr


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Une des photographies de la série réalisée par Meyer pour l’exposition itinérante L’Enfant spectateur.

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CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

L’ALHAMBRA

L’ALHAMBRA OU LA FABRIQUE DU SPECTATEUR L’ALHAMBRA OR THE SPECTATOR MAKER

À l’heure des multiplexes, le cinéma municipal de Saint-Henri a choisi de mettre « l’enfant spectateur » au cœur de sa politique. Retour sur une philosophie exemplaire. Texte : Marco Jeanson

© Meyer

U

ne place bordée de platanes, un café à l’angle, une petite rue adjacente, une authentique façade Art Nouveau… Ici, rien ne semble avoir bougé depuis des décennies. Dans cinq ans, l’Alhambra sera centenaire. Pourtant, il bouillonne d’énergie. Modernisé il y a trois ans (3D et numérique), il est l’un des rares cinémas mono-écran (12 mètres sur 7) de la région – et la seule salle des quartiers nord – avec 234 places assises, qui débordent souvent. Passé le seuil, on comprend qu’il s’agit d’un lieu de cinéphilie, au sens premier du terme. Avec son comptoir à l’ancienne et ses affichages aux antipodes du mercantilisme décomplexé d’autres salles, l’Alhambra rend au cinéma sa dimension rituelle et magique. Dans le hall, se dresse la lune de Mélies « grandeur nature » et le praxinoscope rappelle les prémisses du septième art. Devenu, en 1999, l’un des premiers « pôles régionaux d’éducation artistique et de formation au cinéma et à l’audiovisuel », L’Alhambra s’est doté d’un arsenal d’outils pédagogiques unique, complété par un studio permettant l’organisation d’ateliers de réalisation. Au programme : pas moins de huit séances scolaires par semaine contre une petite vingtaine de projections publiques. En termes de charge de travail, c’est au moins inversement proportionnel. « On insiste sur le rituel “aller au cinéma”. Chaque gamin a son ticket, c’est un geste important pour la mise en condition », dit Amélie Lefoulon, chargée des partenariats scolaires. « On les entend arriver en hurlant, mais, dès qu’ils entrent dans le hall, ils sont calmés. Ils tiennent une heure trente devant un film en noir et blanc et avec des soustitres ! » Huit mille enfants, de 3 à 18 ans, viennent trois fois dans l’année, dans le cadre de dispositifs nationaux comme « École et cinéma » ou « Collège au cinéma ». Arrivés en 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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© Marco Jeanson

La facade Art Nouveau du cinéma quasi centenaire.

CM2, certains ont vu une vingtaine de films, de Keaton à Lee Jung-hyang en passant par Fritz Lang et Lubitsch. Une éducation cinéphile largement au-dessus de la moyenne et qui doit beaucoup à la philosophie de Jean-Pierre Daniel, directeur de l’Alhambra de sa réouverture en 1990 jusqu’en 2010. À ses yeux, « Le grand écran implique un public rassemblé, multiple, vibrant et même parfois applaudissant les ombres projetées… Le cinéma est un spectacle vivant, une expérience à vivre avec son corps, ses émotions, sa pensée et toute sa mémoire ». Son objectif a toujours été de ne pas dissocier la pratique du spectateur de la pratique du cinéaste comme de susciter le désir de rencontrer un film, sachant que le déplacement d’une classe de collégiens turbulents pour aller voir un film est un acte social, aux ramifications relativement complexes. « Le jour où les élèves vous disent que quand ils vont au cinéma avec l’école, c’est pour voir des films bizarres, c’est gagné : ils sont devenus curieux… », conclut William Benedetto, qui a succédé à Jean-Pierre Daniel après avoir longtemps été aux commandes de la programmation. 56

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At a of multiplexes, the municipal cinema of Saint-Henri has chosen to put the “child spectator” at the heart of its interests. A look at an exemplary philosophy. A square bordered by plane trees, a café at the corner, a small adjacent street, an authentic Art Nouveau façade, here nothing seems to have changed in decades. In five years, l’Alhambra will celebrate its one hundredth anniversary. And yet, it is teeming with energy. Modernized three years ago (3D and digital), it is one of the rare movie houses with one single screen (12 meters by 7) in the region – and the only cinema in the North Quarter – with 234 seats that are often full. Crossing the threshold, one understands that this is a film lover’s dream, in the true sense of the word. With it ancient counter and its posters at the opposite end of unabashed commercialism of other theaters, l’Alhambra returns the cinema to the dimension of ritual and magic. In the lobby is Mélies’ “life-sized” moon and the praxinoscope reminds us the premises of the seventh art. Having become, in 1999, one of the first “regional axes of artistic education and training for cinema and audiovisual arts”, l’Alhambra is graced with an arsenal of unique pedagogical tools, supplemented with a


CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

« LE GRAND ÉCRAN IMPLIQUE UN PUBLIC RASSEMBLÉ, MULTIPLE, VIBRANT ET MÊME PARFOIS APPLAUDISSANT LES OMBRES PROJETÉES… » studio that allows for the organization of directors’ workshops. On the program: not less than eight school screenings per week with about twenty public projections. In terms of workload, it’s inversely proportional. “We focus on the ritual of ‘going to the cinema’. Each kid has his or her ticket and that’s an important act of preconditioning,” says Amélie Lefoulon, manager of school partnerships. “They tend to come in screaming, but as soon as they enter the lobby, they calm down. They stay that way for an hour and a half in front of a black and white film and with subtitles!” Eight thousand children, from 3 to 18 years old, come three times a year, as part of national initiatives such as “School and Cinema” or “Grade School at the Movies”. By the time they reach 5th grade, some of them have see over twenty films, from Keaton to Lee Jung-hyang, passing by Fritz Lang and Lubitsch. It’s a moviegoers education that is much higher than average and owes much to the philosophy of Jean-Pierre Daniel, the l’Alhambra director from its reopening in 1990 until 2010. From his point of view, “The big screen involves a public that is assembled, numerous, vibrant and sometimes even applauds the projected cast shadows…The cinema is a living spectacle, an experience that is lived with one’s body, one’s emotions, one’s thoughts and all of one’s memory”. His objective has always been to avoid disassociating the spectator’s practice from the filmmaker’s in order to kindle a desire to meet a film, taking into account that bringing a class of turbulent junior high school students to see a film is a social act, with relatively complex ramifications. “The day when pupils say to you that they are going to the cinema with their school and that they are going to weird movies, then the battle is won: they have become intrigued,” concludes William Benedetto, who succeeded Jean-Pierre Daniel after having long been at the helm of programming.

L’ALHAMBRA

2, rue du Cinéma, Marseille 16e 04 91 03 84 66

WWW.

L’ALHAMBRA

CINÉMAS DU SUD Dans la lignée de l’Alhambra et en étroite collaboration avec lui, l’association Cinémas du sud creuse le sillon et déroule les bobines à l’attention de nos chères « têtes blondes » depuis vingt-cinq ans, dans une cinquantaine de salles de la région PACA. À la tête de l’association depuis dix ans, Vincent Thabouray a dans son carnet d’adresses 150 lycées et CFA sur la région et 70 collèges dans le département. Soit 19 000 lycéens et 12 000 collégiens, à qui Cinémas du sud propose trois films par an et la participation ponctuelle d’un intervenant. Les lycéens doivent s’acquitter de la place pour 2,50 €, tandis que les collégiens sont invités par le Conseil général. « C’est plus dur avec les collégiens, reconnaît Vincent Thabouray. Surtout avec les classes de 4e, c’est de notoriété publique. Mais on a parfois des surprises. L’Aurore de Murnau marche très bien. En fait, plus c’est décalé, plus il y a de retours. » Comme le constate un intervenant : « Ils trouvent ça chiant, mais ils arrivent quand même à en parler pendant plus d’une heure ! » Parfois, ça marche carrément, ainsi Certains l’aiment chaud et son fameux « Nobody’s perfect », devenu le temps d’une saison LA blague de récré.

CINEMAS OF THE SOUTH In line with the l’Alhambra and in close collaboration with it, the association Cinéma du Sud has, for the past twenty five years, paved the way and unwinds the reels for our dear “young minds” in fifty or so movie theaters in the Provence-Alpes-Côte d’Azur region. At its head for the past ten, Vincent Thabouray has 150 high schools and vocational school, as well as 70 of the department’s junior high schools in his address book. That’s 19 000 high school students and 12 000 in junior high school to whom Cinéma du Sud propose three films per year and occasional participation of a guest speaker. Places are 2.50€ for high school students, whereas students in junior high school are given free admission thanks to the General Council. “It’s harder with junior high school,” admits Vincent Thabouray. “Especially with 8th grade students, it’s common knowledge. But sometimes there are surprises. Murnau’s ‘Sunrise’ works very well. In fact, the quirkier it is, the better the reaction.” As one guest speaker remarks, “They find it incredibly boring, but they still manage to talk about it for over an hour!” Sometimes, it works great, as is the case with “Some Like It Hot” and its famous last line “Nobody’s Perfect”, which for a season was THE joke of the school playground.

41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 91 95 99 01 www.cinemasdusud.com

alhambracine.com 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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© Double Cadence

LE MUCEM FAIT SON CINÉMA THE MUCEM ON THE SILVER SCREEN

Les cinéphiles vont pouvoir se réjouir : le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée s’ouvre aussi au cinéma, avec une programmation tout public. Film lovers will soon be rejoicing: the Museum of European and Mediterranean Civilization is also opening its doors to cinema, with programming for all ages. Texte : Eva Journeaux

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ans un centre-ville plutôt déserté par les salles de cinéma, pouvoir se faire une toile dans le site magnifique du MuCEM est une excellente nouvelle. Que ce soit dans l’auditorium Germaine Tillion situé au sous-sol du musée sur le J4 ou, lors des beaux jours, en plein air au fort Saint-Jean, on profite d’abord de la vue sur le large. Pour un prix très modique en regard de ceux pratiqués dans les multiplexes, on peut y (re)découvrir des films de fiction, documentaires, courts-métrages et autres ciné-concerts lors de la dizaine de séances hebdomadaires proposées à partir du mois de septembre. D’abord pensée en relation avec les expositions temporaires et la Méditerranée, la programmation cinéma du MuCEM s’ouvre à « d’autres propositions audiovisuelles, qui sont à la lisière du cinéma, de l’art contemporain et de la performance, en lien avec les secteurs spectacle vivant et débat d’idées du musée », explique Geneviève Houssay, chargée de mission cinéma et audiovisuel au sein de la structure. Le plus : les projections sont régulièrement accompagnées de rencontres avec des personnalités invitées (réalisateurs, mais aussi critiques, philosophes, écrivains ou sociologues) pour creuser davantage les thématiques abordées. La diffusion du patrimoine et les archives audiovisuelles des collections du MuCEM ou d’autres cinémathèques françaises et européennes sont bien sûr également mises en avant. Des structures régio58

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In a downtown rather lacking in movie theaters, being able to catch a film in the magnificent MuCEM is great news. Whether it’s in the Germaine Tillion auditorium, situated at museum’s lower level on the J4, or in the open air of the Saint-Jean fort during warm, sunny days, you can take full advantage of the coastal view. For a very modest price when compared to multiplexes, on can (re)discover fiction films, documentaries, short films, or other cine-concerts during the dozen weekly showings offered starting in September. First of all, thought of in relation to the temporary exhibits and the Mediterranean, MuCEM’s cinema programming opens its horizons to “other audio visual propositions, which lie at the cusp of cinema, contemporary art and performance, in connection with the museum’s performing arts and debate sectors,” explains Geneviève Houssay, the cinema and audiovisual project manager . The bonus: the film projections are regularly accompanied by meetings with guest speakers (directors, and also critics, philosophers, writers and sociologists) in order to develop the presented themes in depth. Presentations of the audiovisual archives and heritage of the MuCEM’s collection as well as of other French and European film libraries are equally highlighted. Existing regional structures, such as the FID


CINÉMA(S) EN PROVENCE : ÇA TOURNE !

MUCEM

Femmes pionnières du cinéma, un ciné-concert conçu par l’association Double Cadence.

FICTIONS, DOCUMENTAIRES, COURTS-MÉTRAGES ET CINÉCONCERTS SUR GRAND ÉCRAN. nales existantes sont par ailleurs associées à la programmation, tels le FID, les Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, ou encore le festival Horizontes del Sur... Enfin, si l’envie vous prend d’emmener vos chers bambins voir un film dans une vraie salle, sachez qu’un accent particulier est mis sur le jeune public, « avec une nouvelle proposition chaque semaine en direction des familles et des scolaires, et à partir de 2014 un temps fort annuel d’une dizaine de jours », complète Geneviève Houssay. Un grand écran pour tous et pour tous les goûts, avec en prime la balade en bord de mer en sortant de la séance !

(the International Documentary Film Festival), the International Meeting of Arab Cinema and even the Southern Horizons festival, are also associated with the programming. Finally, if you feel like taking your dear kids to the see a film in a real movie theater, you should know that a particular emphasis has been made for young audiences, “with a new proposal every week for families and students, and starting in 2014, an annual two-week festival is planned,” adds Genviève Houssay. The big screen for all and for all tastes, and to top it off after viewing the film, a stroll along the water’s edge!

AUDITORIUM GERMAINE TILLION, MUCEM,

1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 3 séances le mercredi, 2 séances le samedi, 3 séances le dimanche. 04 84 35 13 13. 3-5 €.

WWW.

mucem.org 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Š Isidro Ferre

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rentrée Une

très

littéraire... A VERY LITERARY PUBLISHING SEASON

Tandis que les salons parisiens s’apprêtent à distribuer les prix, la rentrée littéraire marseillaise ne démérite pas. Publications, rencontres, lectures et autres formes innovantes vont permettre au public de (re)découvrir les œuvres écrites à l’occasion de Marseille-Provence 2013. Dès la fin du mois de septembre, le public est invité à faire plus ample connaissance avec Sonia Chiambretto, Christophe Fiat, Anne-James Chaton et Mustapha Benfodil, les quatre auteurs qui ont participé à des Ateliers de l’Euroméditerranée. Il va pouvoir lire l’ouvrage de François Beaune, le glaneur des Histoires vraies de Méditerranée, et les douze nouvelles réunies dans Les Mystères de la Capitale. Discrète et jusque-là un peu noyée dans la masse des manifestations culturelles, la littérature est enfin à l’honneur et gagne un nouveau festival : L’Invention du réel. Cerise sur le gâteau, Camus, longtemps exclu des festivités, se voit consacrer un parcours d’exposition à Aix et plusieurs hommages. Et pendant ce temps, les résidences d’écrivains s’enchaînent à La Marelle… Whereas Parisian salons are preparing to distribute its prizes, the autumn publishing season in Marseille is not less worthy. Publications, literary meetings, readings and other innovative forms will give audiences the opportunity to (re)discover written works in the context of Marseille-Provence 2013. Starting in September, audiences are invited to make the acquaintance of Sonia Chiambretto, Christophe Fiat, Anne-James Chaton and Mustapha Benfodil, four authors who took part in the Euromediterranean Workshops. The public will be able to read the works of François Beaune, the collector of True Histories of Marseille, and the twelve short stories in The Mysteries of the Capital. Discrete and, until now, submerged in a mass of cultural events, literature finally holds the place of honor and has earned a new festival: The Invention of the Real. The icing on the cake: Camus, long excluded from the festivities, the writer-philosopher find himself consecrated with an exhibition in Aix and several tributes. And during this time, writers in residence follow one after the other at La Marelle.

Dossier réalisé par Emmanuelle Gall, Fred Kahn,

Olivier Levallois et Jean-Pierre Vallorani.

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{

Une rentrée très littéraire

}

Actoral accueille

les ACTORAL WELCOMES THE AEM

Pilier de cette rentrée littéraire, Actoral.13, c’est soixante-dix représentations dans une vingtaine de lieux à Marseille : théâtres, musées, galeries et librairies, mais aussi le centre commercial Bonneveine ou encore la Maison de l’Avocat.

Texte : Emmanuelle Gall

I

nventer, pour chaque artiste invité, la forme et l’espacetemps adaptés à sa proposition, c’est la singularité de ce « festival des écritures contemporaines » exigeant et plus soucieux de faire découvrir de nouvelles démarches que de collectionner les têtes d’affiche. Un partenariat – de la première heure – avec Marseille-Provence 2013 aura permis à cette édition « capitale » d’obtenir des moyens supplémentaires, mais aussi d’offrir une visibilité à des projets inédits. Quatre écrivains invités dans le cadre des Ateliers de l’Euroméditerranée, des résidences d’artistes dans des entreprises ou des collectivités, vont partager avec le public le fruit de leur travail « en immersion » dans des lieux aussi divers que la Maison de l’Avocat, le château de la Buzine, la bibliothèque de l’Université d’Aix-Marseille ou les bureaux de proximité de la mairie de Marseille.

Creating a form and space adapted to each guest artist’s proposal what is unique about this challenging “festival of contemporary writing”, more attentive to making people discover new approaches that to collecting big names. As one of its earliest partners, Marseille-Provence 2013 not only made it possible for this “capital” edition to obtain extra funding, but also to offer a wide visibility for original projects. Four writers invited as part of the Euroméditerranée Workshops – writers in residence in companies and communities – will share the fruit of their labor with the public through “immersion” in sites as varied as the Lawyers’ Guild, the Buzine Chateau, the University of Aix-Marseille library or branch offices of Marseille’s City Hall. 62

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© Andy Moor

The pillar of this autumn literary season, Actoral 13, is an assemblage of seventy representations in twenty or so sites throughout Marseille: theaters, museums, galleries and bookshops, as well as the Bonneveine shopping center and even the Lawyers’ Guild.


© Helen Rinderknecht

MUSTAPHA BENFODIL IN THE REMAINDER PILE The Anti-Book – or the mad Borgesian pamphlet that escaped from the jaws of a remainder pile of books duly destined for destruction. The Rabelasian title of the project created by Mustapha Befodil during his residency at the Fernand Pouillon Space at the University of SaintCharles cannot be more explicit. The Algerian novelist, dramatist and poet, equally known for his work as a journalist at El Watan, when to visit the university library’s “dark room” where books destined for the remainder pile are stored. In collaboration with students, teachers, librarians and enthusiasts, he dug out the matter for an “anti-book”, inspired by Jorge Luis Borges’ Babel’s Library. During Actoral, the public is invited to the MAC to listen to one of the readings, proposed by Mustapha Benfodil, of this atypical literary object: “Between paper waste and poetic recycling, a book is written with detritus. With the Ruined. A book that comes back from a long way.” Evidently, with a thought for “all of the books, victims of book-burnings, of inquisitions, of censuring and of all sorts of ‘bibliocausts’ and who are remaindered not as much for economic reasons as for political ones.”

Anne-James Chaton fait les poches des avocats

Parrain de cette treizième édition d’Actoral, le poète et plasticien aux multiples collaborations a une prédilection pour la « littérature pauvre » : l’immense matière textuelle qui environne notre quotidien. En demandant à ses interlocuteurs de « vider leurs sacs » ou leurs poches, il compose des Portraits, constitués des mots et des chiffres figurant sur les divers documents ou tickets recueillis. L’idée d’une résidence à la Maison de l’Avocat est venue des connotations judiciaires de ce geste artistique. Le poète montpelliérain a ainsi eu droit, pendant un an et demi, à un bureau dans les locaux de la rue Grignan. C’est-à-dire dans un observatoire privilégié de la profession, puisque c’est le siège de l’ordre des avocats à Marseille, mais aussi de tous ceux qui sont amenés à y passer. L’artiste a ainsi réalisé douze Portraits : plaignant, juge, comptable, bâtonnier, policier, huissier… Pendant Actoral, la restitution de cette aventure humaine et artistique va prendre trois formes : une lecture d’une sélection de Portraits dans les lieux mêmes de leur création, une exposition de leur version plastique, en grands formats, à la galerie Porte-Avion, et la publication d’un catalogue aux éditions Al Dante. LECTURE SONORE,

Le 24 septembre, 18h30. Maison de l’Avocat, 49, rue Grignan, Marseille, 6e. 04 91 94 53 49. Entrée libre sur réservation. EXPOSITION

du 24 septembre au 12 octobre, Galerie Porte Avion, 96, boulevard de la Libération, Marseille, 4e. 04 91 33 52 00. Entrée libre. www.actoral.org

Mustapha Benfodil passe au pilon

L’Anti-livre – où le farfelu opuscule borgésien qui s’évada de la gueule du pilon à partir des livres, justement destinés au pilonnage. Le titre rabelaisien du projet élaboré par Mustapha Benfodil lors de sa résidence à l’espace Fernand Pouillon de la Fac Saint-Charles est on ne peut plus explicite. Le romancier, dramaturge et poète algérien, également réputé pour son travail de journaliste à El Watan, est allé visiter « le magasin aveugle » de la bibliothèque universitaire, où sont stockés les livres destinés au pilon. En collaboration avec des étudiants, des enseignants, des bibliothécaires et des amateurs, il y a puisé la matière d’un « antilivre », inspiré par La Bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges. Pendant Actoral, le public est invité à écouter, au MAC, une des lectures proposées par Mustapha Benfodil de cet objet littéraire atypique : « Entre déchets papiers et recyclage poétique, un livre écrit avec des détritus. Avec du Détruit. Un livre qui revient de loin ». Avec, évidemment, une pensée pour « tous les livres victimes d’autodafés, d’inquisitions, de censure, et de toutes sortes de ‘‘bibliocaustes’’ et qui sont pilonnés non plus pour des raisons économiques mais pour des raisons politiques. » L’ANTILIVRE (FRAGMENTS DE DÉCHETS LITTÉRAIRES)

Le 3 octobre, 19h. Musée d’Art Contemporain de Marseille, 69, avenue de Haïfa, Marseille, 8e. 04 91 25 01 07. 3-5 €. www.actoral.org

ANNE-JAMES CHATON POCKETS THE LAWYERS Lead sponsor of this thirteenth edition of Actoral, the poet and visual artist of multiple collaborations has a predilection for “poor literature”: the immense textual matter that encircles our daily lives. In asking his interlocutors to “empty their bags” or their pockets, he composed Portraits, made up of words and letters figuring on various documents and collected tickets. The idea of a residency at the Lawyers’ Guild came from the judicial connotations of this artistic gesture. And so, the Montpellier poet had the right, for a year and a half, to a desk in their offices on rue Grignan. In other words, he found himself in a privileged vantage point of this profession, as this is the seat of the Bar Association of Marseille, and also because all those involved in it come through here. He thus made twelve Portraits: plaintiff, judge, accountant, chairman, police officer, bailiff. During Actoral, the restitution of this humane and artistic adventure takes three forms: a reading of a selection of Portraits in the same location as their creation, an exhibition, in large-scale formats, of their plastic version at the gallery Porte Avion and the publication of a catalogue from publishers Al Dante. 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Christophe Fiat visite le château de Pagnol

Autre compagnon de route de longue date d’Actoral, Christophe Fiat affectionne les icônes de la pop culture. Après avoir écrit sur Batman, Stephen King, mais aussi une foule de femmes dont, récemment, « l’électrique » Cosima Wagner, il a profité de l’invitation lancée par Marseille-Provence 20013 pour se pencher sur le cas Pagnol. Or, ce n’est sans doute pas le hasard, aucune entreprise sollicitée n’a accepté d’être associée à un projet autour de l’écrivain marseillais. C’est donc la Maison des Cinématographies de la Méditerranée, alias La Buzine, qui a accueilli Christophe Fiat pendant sa résidence. Dans le château de sa mère, Fiat a relu Pagnol et découvert ce « dramaturge intarissable inspiré par Shakespeare, découvreur du cinéma parlant dans les années 30 puis écrivain académique littéralement – il était pensionnaire de l’Académie française ». Le temps d’un après-midi, le performer et musicien va enchaîner une « visite téléguidée » du château, une lecture et un concert (avec Christophe Fenouillat) « pagnoliens ». Son objectif : déconstruire le mythe provençal, pour faire entendre « une expérience de la liberté ». LES SUPERPOUVOIRS DE MARCEL PAGNOL

Le 28 septembre, 14h. Château de la Buzine, 56, traverse de la Buzine, Marseille, 11e. 04 91 45 27 60. 6-12 €. www.actoral.org

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CHRISTOPHER FIAT VISITS PAGNOL’S CHATEAU Another long time companion of Actoral, Christophe Fiat has affection for pop culture icons. After having written about Batman, Stephen King and a bunch of women, the most recent of whom being the “electric” Cosima Wagner, he takes advantage of the invitation extended by Marseille-Provence 2013 in order to address the case of Pagnol. Is it at all surprising that not a single company that he sought out accepted being associated with a project about the Marseille writer? Instead, the Guild of Mediterranean Filmmakers, also known as La Buzine, has welcomed Christophe Fiat during his residence. In the chateau of his mother, Fiat reread Pagnol and discovered this loquacious dramatist, inspired by Shakespeare, discoverer of the talking picture in the 1930s, then entirely academic writer – he was a member of the Académie Française”. During an afternoon, the performer and musician strings together a “remote controlled tour” of the chateau, a ‘Pagnolesque” reading and concert (with Christophe Fenouillat). His goal: to deconstruct the Provencal myth, for ‘”an experience of freedom” to be heard.


ACTORAL

© Patrick Laffont

UNE RENTRÉE TRÈS LITTÉRAIRE

Sonia Chiambretto dialogue avec l’État civil

Pour Sonia Chiambretto, dont l’œuvre poétique et théâtrale est traversée par la question de l’identité, le choix d’une résidence nomade dans une douzaine de Bureaux de proximité de la Ville de Marseille s’est imposé quasi naturellement. À raison d’une semaine par mois pendant un an, l’écrivaine s’est installée dans ces espaces censés faciliter les démarches administratives des Marseillais. Elle a découvert « des lieux de tension incroyables », où sont, en permanence, soulevées « des questions qui révèlent nos faiblesses et nos limites ». Passionnée par les différents états ou registres de la langue et ce qu’elle nomme « les langues françaises étrangères », Sonia Chiambretto a « cousu » un dialogue entre L’État civil et différents interlocuteurs. À l’occasion d’Actoral, le collectif marseillais Ildi ! Eldi essuie les planches du tout nouveau théâtre de la Minoterie en proposant une adaptation scénique d’État civil. Considérant le théâtre comme « un mélange, une cuisine ingénieuse où toutes sortes d’ingrédients, de matériaux et de textes peuvent avoir du goût », Sophie Cattani, Odja Llorca et Antoine Oppenheim n’en sont pas à leur première collaboration avec Sonia Chiambretto. Leur lecture de Polices !, était déjà au programme des Mercredis de Montévidéo en juin dernier.

SONIA CHIAMBRETTO TALKS WITH CIVIL STATUS For Sonia Chiambretto, whose poetic and theatrical work is marked by the question of identity, the choice of a nomadic residence in a dozen branch offices of Marseille’s City Hall seems an almost natural one. For one week every month over the course of a year, the writer lived in places that were supposed to make Marseille’s administrative processes easier. She discovered “sites of incredible tension”, where “questions that reveal our weaknesses and our limits” were continually asked. Captivated by the different states and registers of language and by what she calls “French foreign languages”, Sonia Chiambretto has “sewn” a dialogue between the Civil Status and different interlocutors. For Actoral, the Marseille collective Ildi ! Eldi breaks in the brand new Minoterie theater with an scenic adaptation of Etat Civil. Considering the theater as “a mix, an ingenious kitchen where all sorts of ingredients, materials and texts can be flavorful”, Sophie Cattani, Odja Llorca and Antoine Oppeneheim are not participating in their first collaboration with Sonia Chiambretto. Their reading of Police! had already been on the program of Wednesdays in Montévidéo last June. ÉTAT CIVIL

Les 11 et 12 octobre, 19h30. Théâtre Joliette-Minoterie, Place de la Méditerranée, Marseille, 2e.

L’objet des mots Actoral soigne ses écrivains. Depuis cinq ans, en partenariat avec la SACD, le festival propose un dispositif original qui consiste à mettre en relation un auteur avec un artiste de la scène. Le résultat de leur collaboration, une représentation d’une demi-heure, est rendu public pendant Actoral. Cette année, c’est au tour du tout nouveau théâtre Joliette-Minoterie d’accueillir les performances et autres mises en espace de cinq duos inédits : le poète Jean-Michel Espitallier et le metteur en scène Yves-Noël Genod, la rappeuse Casey et la danseuse Latifa Laâbissi, l’écrivaine Nathalie Quintane et la compagnie du Zerep, le romancier Grégoire Bouillier et la chorégraphe Olivia Grandville accompagnée du comédien Manuel Vallade, le Dramaturge Nicolas Doutey et le scénographe Marc Lainé. Un festival en soi, très apprécié des connaisseurs.

THE OBJECT OF WORDS Actoral looks after its writers. Since five years ago, in partnership with the SACD, the festival has proposed an interesting plan which consists of putting an author and a performance artist in contact. The result of their collaboration – a representation of a half an hour – is made public during Actoral. This year, it’s the brand new Joliette-Minoterie Theater’s turn to welcome the performances and other staging of five original duos: the poet Jean-Michel Espitallier and director Yves-Noël Genod, the rapper Casey and the dancer Latifa Laâbissi, the writer Nathalie Quintaine and the Zerep Company, the novelist Grégoire Bouiiier and the choreographer Olivier Grandville accompanied by the actor Manuel Vallade, the dramatist Nicolas Doutey and the scenarist Marc Lainé. A festival in itself, greatly appreciated by connoisseurs.

Du 8 au 12 octobre, Théâtre Joliette-Minoterie, Place de la Méditerranée, Marseille, 2e. 04 91 90 07 94. 4-8 €. www.actoral.org

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Une rentrée très littéraire

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La

vraie histoire histoires vraies des

THE TRUE STORY OF TRUE STORIES

Pendant un an et demi, le jeune romancier François Beaune a voyagé dans treize pays du Bassin méditerranéen, pour collecter des histoires vraies. Aujourd’hui, les 1300 récits recueillis vont rejoindre la collection permanente du MuCEM, tandis que l’écrivain en publie sa propre sélection dans un recueil à paraître le 23 septembre. During a year, the young novelist François Beaune traveled to thirteen countries in the Mediterranean Basin, gathering true stories. Today, the 1300 collected narratives are going to be part of the MuCEM’s permanent collection, while the writer will publish his own collection, to be published on 23 September. Propos recueillis par Olivier Levallois

Comment est né ce projet de collecter des histoires autour de la Méditerranée ? Tout a commencé avec la lecture, en 2005, de l’anthologie d’histoires vraies américaines que Paul Auster a publiée en 1999. Je me suis dit que ce serait intéressant de faire la même chose en France. Après mon premier roman, j’ai été invité en résidence pendant Les correspondances de Manosque en 2011, puis à La Marelle à La Friche, où j’ai commencé ma collecte d’histoires vraies. Et puis est arrivé l’appel à projet de Marseille-Provence 2013, qui a fait évoluer l’idée vers sa dimension méditerranéenne actuelle. Je me disais que ce serait bien de créer une grande bibliothèque d’histoires vraies, mises en commun, au-delà – ou en deçà – des frontières. Pour vous qui êtes romancier, auteur de fiction, qu’est-ce qu’une histoire vraie ? En fait, on a repris la définition donnée par Paul Auster, qui dit qu’une histoire vraie est courte, qu’elle a un début et une fin, et une dramaturgie qui la fait ressembler à de la fiction. La part de fiction d’une histoire vraie est intéressante si elle permet de séduire le récepteur et de continuer ainsi à faire vivre l’histoire. L’auteur de romans que je suis a plus l’habitude de raconter ses propres histoires que d’écouter celles 66

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des autres. Pour moi, au début, ce n’était pas évident d’écouter. J’ai dû apprendre à devenir un écrivain au service des gens. D’ailleurs comment peut-on faire de l’art sans écouter ce que les gens ont à dire ? Comment se sont passées la collecte et la diffusion de ces récits, d’ailleurs toujours en cours ? Il n’y avait pas de protocole particulier au départ. Je suis parti sans savoir comment faire. J’ai passé à peu près un mois dans chaque pays, en essayant d’aller dans plusieurs villes. J’ai collecté moi-même une bonne partie des histoires, mais il y avait parfois d’autres collecteurs. Notamment des enseignants et leurs élèves, qui les recueillaient dans leurs familles et leurs quartiers. La différence avec le projet de Paul Auster, c’est l’usage d’Internet. Les histoires peuvent être proposées – et sont diffusées – sous forme de texte écrit, d’enregistrement sonore ou de vidéo. L’éditorialisation de ces récits en ligne a été faite en étroite collaboration avec Fabienne Pavia des éditions du Bec en l’air. Elles ont d’abord été traduites sur le site, tout en conservant leur forme brute. Et puis, à partir de janvier 2013, certaines ont été regroupées par dix, autour d’une thématique mensuelle. Ce qui fera 120 histoires à la fin de l’année. La seconde phase éditoriale se poursuit avec la


© C.Hélie

François Beaune, émule de Paul Auster et écrivain voyageur.

How was this project to collect stories from around the Mediterranean born? Everything started with a reading, in 2005, of an anthology of true stories that Paul Auster published in 1999. I’d said to myself that is would be interesting to do the same thing in France. After my first novel, I was offered a residency during The Manosque Correspondences in 2011, then at La Marelle at The Friche, where I began collecting my true stories. Then, there was the call for projects for Marseille-Provence 2013, which developed the idea into its actual Mediterranean form. I said to myself that perhaps it would be a good idea to create a huge library of true stories, pooled together, beyond – and within – borders. For you the novelist, a writer of fiction, what is a true story? In fact, you can consider the definition that Paul Auster gave. He said that a true story is short, that it has a beginning and an end, and its dramatic structure resembles fiction. The role of fiction in a true story is interesting if it able to seduce the reader and as such brings the story to life. The novelist that I am is more used to telling his own stories rather than listening to those of others. For me, at the start, I had a hard time listening. I had to learn to become a writer at the service of others. Furthermore, how can anyone make art without listening to what people have to say?

How did you gather and circulate these narratives, which incidentally, are still going on? At the beginning, there wasn’t a particular protocol. I started without really knowing what I was doing. I spent about a month in each country, trying to go to several cities. I put together most of the stories myself, but sometimes there were other collectors, notably teachers and their students, who gather them from their families and their neighborhoods. The difference from Paul Auster’s project was the Internet. The stories can be given – and circulated – in the form of a written text, a sound recording or a video. The editing of these narratives on line was done in close collaboration with Fabienne Pavia of publisher Bec en l’Air. First, they were translated on the site, all the while keeping their original, raw form. And then, starting in January 2013, some were grouped by ten around a monthly theme. By the end of the year, there will be 120 stories. The second editorial phase follows with the publication of the book, The Moon in the Well from Verticales publishers, and will provide a background for the published stories. The stories are categorized according to about twenty or so themes on the website. Does a Mediterranean identity take shape throughout these stories, in particular through a common theme? I’m from Auvergne. I have no preconceptions about the Mediterra8e art magazine • septembre-octobre 2013

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publication du livre La Lune dans le puits chez Verticales, qui reviendra sur le contexte des histoires publiées. Les histoires sont classées selon une vingtaine de thématiques sur le site. Est-ce qu’une identité méditerranéenne se dessine à travers cette somme, notamment autour de thèmes communs ? Je suis auvergnat. Je n’ai pas d’idée préconçue sur la Méditerranée. Je ne crois pas qu’il y ait d’unité méditerranéenne. Je n’en cherchais pas non plus. Je suis parti du principe que, dans notre monde globalisé, on est plutôt semblable que différent. Mais ces histoires disent que la Méditerranée n’est pas réduite à des dates historiques et à des territoires politiques. C’est aussi des évènements personnels. À travers l’histoire particulière de quelqu’un, on se fait une idée de l’histoire collective. Si unité il y a entre ces gens, c’est leur rapport à la pratique-même de se raconter. Se raconter à travers une anecdote est plus une tradition anglo-saxonne, le fameux storytelling. En revanche, faire l’effort de choisir, dans le récit de sa vie, une histoire que l’on va partager avec le reste du monde, n’est pas toujours évident pour les Méditerranéens. Les gens sont plus méfiants, plus pudiques aussi. Ils sont dans une culture où la parole est plus collective qu’individuelle. Les récits du livre ont été réécrits à la première personne, comme la voix d’un individu collectif. Quel avenir pour ces Histoires vraies ? Ces histoires traduisent une réalité de la vie des gens. Il me semble important que cette collecte se poursuive, qu’on continue à emmagasiner des histoires, que l’on s’en serve, qu’on les raconte, qu’il y ait des chercheurs, des étudiants, des artistes qui les utilisent. C’est dans ce sens que, jusqu’en février, il y aura des ateliers d’écriture d’histoires vraies au MuCEM. Raconter des histoires, c’est être actif par rapport au monde.

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À travers l’histoire particulière de quelqu’un, on se fait une idée de l’histoire collective.

nean. I don’t believe that there is a unity of Mediterranean identity. Nor was I looking for that. I started from the assumption that, in our globalized world, there are more similar than different. But these storied tell us that the Mediterranean cannot be reduced to historical dates or political territories. It is also about personal events. From someone’s individual story, we have an idea of the collective story. If there is indeed a unity, it is drawn from the practice itself of telling one’s story. Telling a story through an anecdote is more of an Anglo-Saxon tradition, the famous “storytelling”. On the other hand, making the choice to tell one’s story, in a form of a narrative, and to share it with the rest of the world has never been easy for Mediterraneans. People are more cautious, also more modest. They are part of culture where the word is more collective than individual. The narratives of this book have been rewritten in the first person, as part of a collective voice. What future for these True Stories? These stories reflect a reality of people’s lives. I think it’s important that this project continue, that we continue to accumulate stories, that we use them, that we tell them, and that there are researchers, students and artists who use them. It’s in this direction that, until February, there will be writing workshops for true stories at the MuCEM. Telling stories is having an active relationship with the world.


HISTOIRES VRAIES DE MÉDITERRANÉE

© Patrice Terraz

UNE RENTRÉE TRÈS LITTÉRAIRE

Illustrations de Patrice Terraz pour Les Histoires vraies de Méditerranée.

LA LUNE DANS LE PUITS

RENDEZ-VOUS AVEC LES HISTOIRES VRAIES « RACONTEZ VOTRE HISTOIRE VRAIE ! »

La collecte des histoires vraies se poursuit à travers un atelier d’écriture avec François Beaune au MuCEM. Il s’agit de rédiger sous une forme littéraire une histoire entendue qui rejoindra les autres récits dans les collections du musée. The gathering of true stories continues through a writing workshop with François Beaune at the MuCEM. It involves writing, in a literary form, an extended story which will join other narratives in the museum’s collection.

Recueil d’une sélection de récits glanés par François Beaune durant son périple méditerranéen. Textes, voyages et rencontres sont commentés par l’auteur au fil des pages. A collection of selected narratives, chosen by François Beaune during hs Mediterranean journey. Texts, travels and encounters are commented on by the author within the pages. Sortie en librairie le 26 septembre. Éditions Verticales. 514 pages. 20 €.

LE CABARET DES HISTOIRES VRAIES

Dans le cadre du festival L’Invention du réel, La Criée reçoit François Beaune pour un Cabaret d’histoires vraies installé dans le hall du théâtre : une lecture réalisée par des comédiens de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes (ERAC).

15 février, 10h-17h30. MuCEM,

In collaboration with the Invention of the Real festival, the theater La Criée welcomes François Beaune for a Cabaret of True Stories set up in the theater’s foyer: a reading will be done by actors from the Regional School of Actors of Canne (ERAC).

1, esplanade du J4, Marseille 2e.

Le 17 octobre, à partir de 16h30. Théâtre de La Criée,

Adulte, tout niveau. 40 €.

30, Quai Rive neuve, Marseille 7e.

Réservations obligatoires par téléphone (04 84 35 13 13) ou à :

04 96 17 80 00. Entrée libre.

reservation@mucem.org.

www.theatre-lacriee.com

Les samedi 12 octobre, 16 novembre, 14 décembre, 18 janvier ou

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Une rentrée très littéraire

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Mystères capitale en

THE CAPITAL AS A SERIAL NOVEL

La publication des Mystères de la Capitale aux éditions Le Bec en l’air marque l’aboutissement, mais pas encore le point final, d’une aventure littéraire collective débutée en janvier dernier, avec Marseille et sa région pour cadre. The publication of the Mysteries of the Capital, from the publishers Editions du Bec, have a sense of completion – but not still not the final word – of a collective literary adventure that started last January with Marseille and its region as the backdrop. Par Emmanuelle Gall

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ans la presse et la littérature contemporaines, Marseille semble abonnée aux séries noires. Faits divers sanglants, règlements de compte, détournements de fonds et braquages spectaculaires font la une des journaux et n’en finissent pas d’inspirer les auteurs d’une « école marseillaise » volontiers nihiliste. Hasard ou fait exprès ? Les douze nouvelles, publiées dans La Marseillaise chaque vendredi depuis le mois de janvier, offrent une tout autre vision de la région. Il est vrai que Marseille n’y occupe pas le rôle principal, et qu’en commandant à onze écrivains, un duo et un photographe des textes ancrés dans des lieux ou des villes du territoire, l’équipe de MP 2013 a posé les règles d’un jeu favorisant l’éclectisme. Se référant à la tradition du roman-feuilleton rendue célèbre par Les Mystères de Paris, publiés par Eugène Sue dans Le Journal des Débats entre juin 1842 et octobre 1843, Les Mystères de la Capitale (et non « de Marseille », titre déjà pris par Zola et restrictif au regard du territoire de MP 2013) en conservent surtout le nom et le principe de la publication épisodique dans la presse. Car la commande adressée aux écrivains est, elle, inédite : un texte (ou une bande dessinée), en quatre ou cinq épisodes, inspiré par une résidence d’un mois dans le site ou la ville de leur choix et donnant lieu à un rendez-vous avec le public.

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In the press and contemporary literature, Marseille reads like a noir crime novel. Bloody crimes, violent reprisals, misappropriated funds, spectacular hold-ups make the headlines and never cease to inspire the consciously nihilistic writers of the “Marseille School”. Is it luck or on purpose? The twelve short stories, published every Friday since January in the newspaper La Marseillaise, give an entirely different view of the region. True, Marseille is not the main character, and in commissioning articles from eleven writers, a duo and a photographer, set in places and cites in the region, the MP 2013 team made the rules of a game which favors eclecticism. In a reference to the serial novel made famous with Mysteries of Paris, published by Eugène Sue in The Journal of Debates between June 1842 and October 1843, Mysteries of the Capital (and not “of Marseille”, because title had already been taken by Zola and is restrictive with regards to the MP 2013 territory) seeks to preserve particularly the name and the principle of the episodic publication in the press. The guidelines given to writers are unprecedented: writing a text (or a cartoon), in four or five episodes, inspired by a month-long residency at the site or in the city of their choosing, and then a meeting with the public.

OF MEN AND PLACES In order to select the residencies as well as the writers, Guillaume Bourgain, the head of the project, had to juggle between local booksellers, geographical requirements, a willingness to shake up the field


© Emmanuelle Trousse © Louise Leblanc

© Anne Le Van Ra

En commandant des textes ancrés dans des lieux ou des villes du territoire, l’équipe de MP 2013 a posé les règles d’un jeu favorisant l’éclectisme.

© Jean-François Robert

De haut en bas : Jakuta Alikavazovic, Claudine Galea, Marcus Malte et Zeina Abirached.

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© Lobato

De gauche à droite : Sid Ahmed Semiane, Ariel Kenig, Bruno Boudjelal, et Valérie Zenatti.

DES HOMMES ET DES LIEUX F Pour sélectionner les résidences comme les écrivains, le pi-

lote de l’opération, Guillaume Bourgain, a dû jongler entre les opérateurs du livre locaux, l’impératif géographique, le désir de balayer tous les champs de la littérature, les envies et disponibilités des écrivains sollicités. Le résultat est à la hauteur de ces exigences multiples. Cinq ans après la sortie de Corniche Kennedy, Maylis de Kerangal est revenue à Marseille et a inauguré le dispositif en s’installant à La Commanderie, le centre d’entraînement de l’Olympique de Marseille, dès le mois de novembre 2012. Le temps d’écrire « quatre épisodes de 5000 signes chacun » pour une publication programmée au début du mois de janvier. « Les Fervents » mettent en scène Agnieszka, une jeune novice polonaise débarquant au monastère de la Serviane, et Cosmo, un minot de la Plaine, bien décidé à assister à l’entraînement de ses idoles. Leur improbable rencontre sur « l’Olympe » s’achève sur un chant d’amour au foot et « à tous ces types qui donnent leur chemise pour que ça vive ». Changement de décor, en février, avec Jakuta Alikavazovic. La romancière a choisi Istres, et plus précisément une vue sur l’étang et la Sainte-Victoire photographiée depuis le belvédère, comme point de départ d’une enquête littéraire. En mars, période des Rencontres du 9e Art, l’illustratrice Zeina Abirached a posé ses valises à Aix, pour croquer l’histoire de la Fondation Vasarely, de la Cité du Livre et des Carrières de Bibé-

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of literature, and the desires and availabilities of the solicited writers. The result lives up to the expectations of its many demands. Five years after publishing Corniche Kennedy, Maylis de Kerangal returned to Marseille to kick off the project in November 2012. Settling in at La Commanderie, the training camp of Olympique de Marseille, she had time to write “four episodes, each one 5000 signs” planned for publication in January. “Les Fervents (The Enthusiasts)” gives us Agnieska, a young novice from Poland who arrives from the Serviane monstery, and Cosmo, a kid from the neighborhood La Plaine and who is determined to see the training session of his idols. Their unlikely meeting at “Olympus” ends with a love song to football and “to all those who give up everything they’ve got so that it lives”. In February, a change of scenery with Jakuta Alikavazovic. The novelist chose Istres, specifically a view of the harbor and the Saint-Victoire mountain photographed from the belvedere, as the point of departure for a literary inquiry. In March, at the same time as the “Meeting of the 9th Art”, illustrator Zeina Abirached put down her suitcase in Aix in order to sink her teeth into the story of the Vasarely Foundation, the City of Books and the Bibémus quarry. Claudine Galea, formerly a journaliste at La Marseillaise, has woven a drama around the canal waters of Craponne in Salon. The noir novelist, Marcus Malte, has imagined how Marcel Duchamp’s urinal, also known as R. Mutt’s Fountain, could land in a hotel in Cassis. After him, the Marseillais Christian Garcin has once again dived into the Sylvacane Abbey of the Middle Ages. In July, the youthful Ariel Kenig wanted to experience Marseille during the Europride festival, and next Serge Joncour settled down in La Ciotat. Since the beginning of Sep-


LES MYSTÈRES DE LA CAPITALE

© Patrice Normand

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UNE RENTRÉE TRÈS LITTÉRAIRE

Quatre épisodes hebdomadaires de 5 000 signes publiés dans La Marseillaise.

mus. Claudine Galea, jadis journaliste à La Marseillaise, a tissé un drame autour des eaux du canal de Craponne à Salon. L’auteur de romans noirs Marcus Malte a imaginé comment l’urinoir de Marcel Duchamp, alias la Fontaine de R. Mutt, avait atterri dans un hôtel cassidain… Après lui, le Marseillais Christian Garcin a replongé l’Abbaye de Sylvacane au Moyen-âge. En juillet, le jeune Ariel Kenig a voulu vivre à Marseille pendant l’Europride, puis Serge Joncour s’est installé à La Ciotat. Depuis le début du mois de septembre, on peut lire dans La Marseillaise, les messages échangés par Ian Monk et Olivier Salon. Ces deux membres de L’Oulipo ont innové en posant les bases d’une résidence croisée. Sur le même principe, en octobre, on pourra lire la correspondance entre l’écrivain Sid Ahmed Semiane et le photographe Bruno Boudjelal. Puis, deux romancières associées à la littérature jeunesse se succèderont en novembre et décembre : Axl Cendres à Aubagne pendant le Salon du livre et Valérie Zenatti au Collège International des Traducteurs Littéraires (CITL) à Arles. À l’occasion de chacune de ces résidences, le public pourra rencontrer les auteurs dans le cadre des différentes manifestations littéraires du moment. C’est l’un des enjeux des Mystères de la Capitale : permettre aux lecteurs d’échanger avec les écrivains, à l’heure où les séries télé ont largement remplacé les romansfeuilletons dans le cœur des Français. En leur temps, Les Mystères de Paris avaient fait un tabac !

tember, an exchange of messages between Ian Monk and Olivier Salon can be in the pages of La Marseillaise. These two members of Oulipo experimental literature movement have innovated by crisscrossing their residencies. Following the same principle in October, we will be able to read the correspondence between writer Sid Ahmed Semiane and photographer Bruno Boudjelal. Afterward, two novelists with ties to young readers’ literature follow one after the other in November and December: Axl Cendres in Aubagne during its book salon and Valérie Zenatti at the International College of Literary Translators (CITL) in Arles. Each of these residencies provides an opportunity for the public to meet the authors in the context of different literary manifestations of the moment. This one of the major challenges of Mysteries of the Capital: to offer readers an exchange with writers, especially at a time when TV series have largely replaced serial novels in the heart of the French. In its day, the Mysteries of Paris had been a hit!

LE ROMAN-FEUILLETON OU LES MYSTÈRES DE LA CAPITALE

Sortie en librairie le 3 octobre. Éditions LeBec en l’air. 216 pages. 12 €. Présentation du livre avec les auteurs lors du festival L’Invention du réel, du 17 au 20 octobre.

WWW.

becair.com 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Une rentrée très littéraire

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L’invention d’un festival

THE INVENTION OF THE FESTIVAL

En octobre, La Criée accueille un nouveau festival baptisé L’Invention du réel. Associée aux désormais traditionnelles Littorales, la manifestation se veut ambitieuse et innovante. In October, the theater La Criée will welcome a new festival baptized The Invention of the Real. In collaboration with the traditional Littorales, the event is an ambitious and innovative undertaking. Par Emmanuelle Gall

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i la musique et la danse ont chacune leurs festivals prestigieux à Marseille, la littérature fait un peu figure de parent pauvre. En observant la scène locale, Guillaume Bourgain, chef de projet au sein de l’association MP 2013, est parvenu à un double constat : « Il existe certes de nombreux opérateurs du livre dans la région et plusieurs manifestations littéraires, mais elles ont du mal à attirer les foules. » D’où l’idée d’offrir un temps fort à la littérature, qui viendrait compléter Les Littorales, le rendez-vous annuel organisé par les libraires indépendants à l’automne. Créée en 2007, cette manifestation est en pleine croissance. Le partenariat avec MP 2013 lui permet de développer, cette année, un véritable parcours dans la ville (en fédérant plusieurs institutions) comme d’offrir une place accrue à la littérature jeunesse. La collaboration ne s’arrête pas là puisque le fil rouge des Littorales 2013, « l’invention du réel » est aussi le titre du festival organisé par Marseille-Provence à La Criée. Et la proximité géographique entre le théâtre et le cours d’Estienne d’Orves, centre névralgique des Littorales, devrait attirer un plus large public. Inventer le réel ? C’est tout un programme, inspiré d’une réflexion de l’écrivain anglais J.G. Ballard : « La fiction est déjà là. La tâche de l’écrivain est d’inventer la réalité. »

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If music and dance each have their prestigious festivals in Marseille, literature is little like their poor cousin. Observing the local scene, Guillaume Bourgain, project head in the MP 2013 association, has arrived at a double observation: “Admittedly, there are several book traders in the region and several literary shows, but they have a difficult time drawing crowds.” Thus, from the idea of putting literature in the spotlight, comes Les Littorales, the annual autumn rendezvous organized by independent booksellers. Created in 2007, this event is in full expansion. The partnership with MP 2013 has allowed it to develop a genuine itinerary in the city (by uniting several institutions) as well as offering a larger place to literature for young readers. The collaboration doesn’t stop there as the common theme of Littorales 2013, “the invention of the real”, is also the title of the festival organized by Marseille-Provence at La Criée theater. In addition, the geographic proximity between the theater and the Estienne d’Orves square, the epicenter of Littorales, should draw a large audience. What exactly is “inventing the real”? It’s a whole program, inspired from reflections of the English writer J.G. Ballard: “The fiction is already here. The task of the writer is to invent the reality.” Concretely speaking, during five days, the festival will occupy different spaces in La Criée, to the great joy of Macha Makeïeff, determined since her arrival to create “a generous house, open to numerous disciplines”. With Alaa al-Aswany, author of The Yacoubian Building, among the guests of honor, and writers such


© Sibran

La Criée, une maisond e théâtre ouverte à toutes les disciplines.

L’Invention du réel se met à l’heure méditerranéenne et affiche une ambition internationale. Concrètement, pendant cinq jours, le festival va investir les différents espaces de La Criée, à la grande joie de Macha Makeïeff, soucieuse depuis son arrivée d’en faire « une maison généreuse et ouverte à de nombreuses disciplines ». Avec Alaa al-Aswany, l’auteur de L’Immeuble Yacoubian, parmi les invités d’honneur, et des écrivains tels Roberto Saviano, Crito Chryssopoulos, ou Sid Ahmed Semiane, L’Invention du réel se met à l’heure méditerranéenne et affiche une ambition internationale. Le festival a également pour vo-

as Roberto Saviano, Crito Chryssopoulos or Sid Ahmed Semiane, The Invention of the Real adopts a Mediterranean rhythm and boasts an international ambition. The festival equally aims to promote the literary adventures which have marked the capital year: True Histories of the Mediterranean (see p. 64) and Mysteries of the Capital have been given a place of honor among the fifty or so meeting, readings and concerts, naps and other literary balls. The primary originality of The Invention of the Real resides most certainly in its desire to cross literature with other artistic fields all this while presenting innovative installations. 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Les affiches – à scanner – de Maïa D’Aboville et Ferdinand Dervieux.

Croiser la littérature avec d’autres champs artistiques tout en proposant des dispositifs innovants.

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cation de mettre en valeur les aventures littéraires qui ont jalonné l’année capitale : Les Histoires vraies de Méditerranée (voir p. 64) et Les Mystères de la Capitale (voir p. 70) se voient réserver une place de choix, parmi la cinquantaine de rencontres, lectures et autres concerts, siestes et autres bals littéraires. La principale originalité de L’Invention du réel réside certainement dans sa volonté de croiser la littérature avec d’autres champs artistiques tout en proposant des dispositifs innovants. Le scénographe Marc Lainé a conçu pour le hall du théâtre un dispositif entre peep-show et « bibliothèque vivante », où des amateurs comme des auteurs confirmés viennent parler de la question du genre. À l’heure du tout numérique, l’artiste vidéaste Pierre Nouvel a conçu un mur de Kindle pour afficher, en temps réel, les textes et les images envoyés par Joy Sorman, Jean-Charles Masséra et Thomas Clerc. En « résidence live » dans des lieux de leur choix, les trois écrivains joueront le jeu d’une écriture en direct pour les visiteurs de La Criée. De leur côté, les street artistes Maïa d’Aboville et Ferdinand Dervieux prévoient de coller aux environs de la Criée, des « affiches-bibliothèques » équipées de flashcodes, renvoyant à des textes autour de Marseille… Autant de formes susceptibles de séduire une nouvelle génération de lecteurs. 8 e art magazine • septembre-octobre 2013

The set designer Marc Laine has conceived for the theater’s lobby an installation somewhere between peep show and “living library”, where amateurs as well as published writers can meet to discuss questions of literary genre. At a time of everything digital, the video artiste Pierre Nouvel has devised a Kindle wall in order to post, in real time, texts and images sent by Joy Sorman, Jean-Charles Masséra and Thomas Clerc. In “residency live” in locations of their choosing, the three writers play a game of writing, broadcast live, for La Criée’s visitors. The street artists Maïa d’Aboville and Ferdinand Dervieux, for their part, plan to paste poster-libraries equipped with flashcodes, throughout La Criée’s surroundings, each one referring to texts about Marseille. With so many forms, a new generation of readers is likely to be seduced.

L’INVENTION DU RÉEL

Du 16 au 20 octobre. Théâtre de La Criée, 30, quai Rive neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54.

WWW.

theatre-lacriee.com mp2013.fr


© Maïa D’Aboville et Ferdinand Dervieux.

La Fête du livre à Aix-en-Provence Organisée par Les Écritures croisées, donc résolument exigeante et internationale, l’édition 2013 de la Fête du livre aixoise propose une mise en miroir de l’Europe et de la Méditerranée. Avec des auteurs de grand talent (Etel Adnan, Vassilis Vassilikos, Roberto Calasso...), il va s’agir d’emprunter des fleuves, de naviguer sur le Rhône, le Rhin, L’Elbe et le Danube et de suivre ainsi les différents courants de pensée qui traversent notre humanité plurielle. Dans ce voyage au long court de la Baltique à la Méditerranée, il sera notamment question de résistances, de mythes fondateurs, d’ancrages et de rivages. Et comme d’habitude, cette fête du livre sera ponctuée d’expositions (Philippe Apeloig, Ernest Pignon Ernest), de musique (Hanna Schygulla) et de cinéma (programmation en collaboration avec l’Institut de l’image). F.K. Organized by Crossed Writings, and thus resolutely demanding and internations, the Book Festival of Aix 2013 proposes to hold a mirror to Europe and to the Mediterranean. With highly reputed authors, it’s a matter of following rivers, navigating on the Rhone, the Rhine, the Elba and the Danube, and to follow its different currents of thought which cross our plural humanity. During this long distance journey, going from the Baltic Sea to the Mediterranean, it is, amongst others, a question of resistances, of founding myths, of anchorings and of shores. And as usual, this book festival is punctuated by exhibitions (Philippe Apeloig, Ernest Pignon Ernest), by music (Hanna Schygulla and Jean-Marie Sénia) and by film (programming in collaboration with the Image Institute).

Du 17 au 20 octobre. Cité du livre, 8-10, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. 04 42 26 16 85. Entrée libre. www.livre-paca.org

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Une rentrée très littéraire

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Albert

Camus, enfin

ALBERT CAMUS, FINALLY Figure tutélaire du dossier de candidature de Marseillaise-Provence 2013, Albert Camus était jusqu’ici le grand absent de la manifestation. La Cité du livre lui consacre, cet automne, un vaste parcours d’exposition. The figurehead of the candidacy application for Marseille-Provence 2013, Albert Camus has been, up till now, largely absent from the event. This autumn, the Cité du Livre (“City of the Book”) dedicates a huge exhibition to him.

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Par Emmanuelle Gall

lbert Camus aurait eu cent ans le 7 novembre. L’anniversaire coïncidant avec la capitale européenne de la culture, Marseille-Provence 2013 se devait d’accompagner un événement d’envergure autour de cette figure intellectuelle. Mais si Camus est considéré comme l’un des plus grands penseurs du XXe siècle, c’est bien parce que, dans sa quête de la vérité, il a su déjouer tous les pièges idéologiques. Et aujourd’hui encore, cette lucidité n’a rien de consensuel. À tel point que l’hommage a bien failli ne pas avoir lieu. Pourtant, tous les éléments étaient réunis. Aix-en-Provence ne pouvait en être que l’épicentre puisque la ville abrite, dans sa Cité du Livre, le fonds Albert Camus, autrement dit l’ensemble des matériaux indispensables (textes, manuscrits, documents sonores et iconographiques…) pour nourrir une exposition de dimension internationale. On s’en souvient, l’entreprise a d’abord été confiée à Benjamin Stora, un historien certainement très compétent, mais à l’ego quelque peu démesuré. En tout cas, son approche a été jugée trop univoque par, Catherine Camus, fille et ayant droit du philosophe-écrivain. L’éviction de Benjamin Stora a servi de prétexte à une polémique non dénuée d’arrièrepensées politiques. Dans une ambiance assez délétère, Michel Onfray s’est lancé dans l’aventure. Mais, le philosophe controversé, dont les travaux sont dénigrés par certains intellectuels influents, a été l’objet d’attaques très virulentes. Au point de jeter, à son tour, l’éponge. La dernière tentative

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Albert Camus would have been one hundred years old on 7 November. His birthday coinciding with the European Capital of Culture, Marseille-Provence 2013 was supposed to follow through with major event dedicated to this intellectual figure. But if Camus is considered as one of the great thinkers of the 20th century, it is indeed because, in his quest for the truth, he was able to thwart all ideological traps. Even today, this lucidity has not has been a basis for consensus, to such a point that the homage almost didn’t happen. Yet, all of the aspects finally came together. Aix-en-Provence could only be the epicenter of it, as the city houses, the Cité du Livre, the Albert Camus collection, in other words, the whole of the essential material (texts, manuscripts, audio and visual documents, etc.) necessary to create an exhibition on an international scale. We recall the project was initially entrusted to Benjamin Stora, without a doubt a very competent historian, but with an rather oversized ego. In any case, his approach was determined too unequivocal by Catherine Camus, daughter of and beneficiary of the writer-philosopher. The eviction of Benjamin Stora served as a pretext for polemic not lacking in ulterior political motives. In a noxious atmosphere, Michel Onfray took up the adventure. But the controversial philosopher, whose works have been denigrated by other influential intellectuals, was the object of particularly scathing attacks. He was on the verge of throwing in the towel. The final attempt was the right one. In order to forestall any accusation of exploiting Camus’ thought, the commissioner of the exhibition did not select on single person, rather a scientific committee composed of four academics: Sophie Dou-

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© U.S.I.S. - Yacine Aït Kaci

Le portrait de Camus retenu pour l’affiche et la couverture du catalogue de l’exposition.

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© Yacine Aït Kaci

L’animation conçue par Yacine Aït Kaci pour Albert Camus, citoyen du monde.

Le parcours entend montrer à quel point Albert Camus a su habiter le monde et mettre en adéquation sa pensée et ses actes.

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aura été la bonne. Pour prévenir toute accusation d’instrumentalisation de la pensée de Camus, le commissariat de l’exposition n’a pas été attribué à une seule personnalité, mais à un comité scientifique, regroupant quatre universitaires : Sophie Doudet, Pierre-Louis Rey, Agnès Spiquel et Maurice Weyembergh. La pluralité de points de vue semblant, en effet, le meilleur moyen de cerner au plus juste la trajectoire d’un homme attaché par-dessus tout à sa liberté de pensée. Restait alors, tout en préservant la rigueur objective des faits, à inventer une proposition la plus vivante possible. Bien plus qu’une simple exposition, Albert Camus citoyen du monde, se présente comme une expérience sensorielle. La scénographie a été conçue par un artiste multimédia : Yacine Aït Kaci. Ce dernier s’est appuyé sur les ressources des technologies numériques pour proposer une « immersion vibrante au cœur de la pensée d’Albert Camus ». La « narration », ni chronologique ni biographique, retrace autant les lieux, les amitiés intellectuelles et humaines, les engagements et les combats, le travail sur la langue et le souci du « parler juste »… Le parcours entend montrer à quel point Albert Camus a su habiter le monde et mettre en adéquation sa pensée et ses actes. Plusieurs temps forts accompagnent cette exposition, et ce dès le 5 octobre, jour de l’inauguration. La Cité du livre propose, dans le même temps, une « Saison Camus » avec des conférences-débats, mais aussi des approches artistiques (lectures, mises en espace...). Quant à l’Institut de l’Image, il programme des week-ends autour de Camus et le cinéma. Finalement, le cadeau d’anniversaire s’annonce copieux. 8 e art magazine • septembre-octobre 2013

det, Pierre-Louis Rey, Agnès Spiquel and Maurice Weyembergh. The multiplicity of viewpoints seemed, in fact, the best way to find the clearest trajectory for a man who believed, above all else, in the freedom of thought. All that was left was to create a proposition that was as lively as possible, while preserving its objective rigor. Much more than a simple exhibition, Albert Camus, Citizen of the World, reveals itself as a sensory experience. The scenography was conceived by a multimedia artist, Yacine Ait Kaci. He drew from digital technological resources in order to offer a “vibrant immersion at the heart of Albert Camus’ thought”. The “narration”, neither chronological nor biographical, retraces the numerous places, the human and intellectual friendships, the commitments and combats, the work on language and the concern for “speaking justly”… The exhibition sets out to show the point to which Albert Camus was able to live in the world, finding the balance between his thoughts and his acts. Several high points will accompany this exhibition, starting on 5 October, the day of its inauguration. At the same time, the Cité du Livre is proposing a “Camus Season” with conference-debate and artistic approaches (lectures, displays, etc.). With regards to the Image Institute, it has programmed several weekends on the subject of Camus and film. In the end, the birthday present will be plentiful.

ALBERT CAMUS, CITOYEN DU MONDE

Du 5 octobre au 4 janvier 2014. Cité du livre, 8-10, rue des allumettes. Aix-en-Provence. 04 42 91 98 88. Entrée libre.

WWW.

citedulivre-aix.com


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Une rentrée très littéraire

Les

écrivains jouent à

La Marelle THE WRITERS PLAY LA MARELLE

Hébergée depuis trois ans à de la Friche Belle-de-Mai, La Marelle, villa des auteurs déploie un projet multiforme autour de la littérature. Housed for the past three years at La Friche Belle-de-Mai, La Marelle, an authors’ villa has developed a multiform project about literature.

© Patrick Gerdhoussi

Par Jean-Pierre Vallorani

La Marelle, ancienne villa du directeur de la SEITA à La Friche.

À

La Marelle, les résidences se suivent sans se ressembler. Cet été, l’Argentin Eduardo Berti matérialisait des objets littéraires imaginaires. La romancière voyageuse Ingrid Thobois lui a succédé, le temps de collecter des « secrets de cuisine » et de concocter des ateliers pour le festival Cuisines en Friche. En octobre, c’est le romancier italien Roberto Ferrucci qui prendra possession des lieux, puis l’auteur allemande Doris Gercke, qui rencontrera René Fregni et Cédric Fabre autour du polar. Hors les murs, Olivier Truc, auteur français installé à Stockholm, sera reçu dans le cadre de Parole d’auteur à la Bibliothèque départementale, le 15 octobre… Lorsqu’en 2009, Philippe Foulquié, directeur de La Friche, proposait à Pascal Jourdana de reprendre le projet d’un lieu de résidence élaboré par Jean-Claude Izzo et d’installer sa structure, La Marelle, dans l’ancienne villa du directeur de la SEITA, rien ne leur

At La Marelle, the residences follow in succession without resembling one another. This summer, Argentine Eduardo Berti materialized imaginary literary objects. The travel novelist Ingrid Thobois succeeded him, enough time to collect “secrets of cooking” and to concoct workshops for the Cuisine at the Friche festival. In October, it’s the Italian novelist Roberto Ferrucci’s turn to occupy the place, then the German author Doris Gercke, who will meet René Fregni and Cédric Fabre to discuss the crime novel. Beyond the walls, Olivier Truc, a French author living in Stockholm, is invited for the Writer’s Word at the Departmental Library on 15 October. When in 2009, Philippe Foulquié, director of La Friche, off ered Pascal Jourdana to take over a residency project developed by Jean-Claude Izzo and installed his own structure, La Marelle, in the former villa of the director of SEITA, no one could have predicted the success of the transplant. Since settling into one of these forgotten places that 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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Š Jean-Pierre Vallorani

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« Une résidence à La Marelle est une plongée dans un milieu effervescent, un espace urbain complexe. »

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permettait de prévoir le succès de la greffe. Depuis son arrivée dans l’un de ces lieux oubliés que recèle Marseille l’endormie, Pascal Jourdana peut enfin faire vivre la conception foisonnante de la littérature qu’il porte avec La Marelle : « Il y a quelque chose de malléable dans cette ville. C’est le paradoxe de Marseille, une ville telle un gros bateau figé pendant vingt ans et en même temps quelque chose de très souple, avec de l’espace vide, des terrains vagues, de la place pour innover... » Les résidences sont vite devenues l’activité principale de l’association, le centre de gravité autour duquel naissent les rencontres et les idées : « La Marelle fait un peu l’inverse de ce qu’on trouve ailleurs : loin d’être une retraite paisible pour écrivain, une résidence à La Villa des auteurs est une plongée dans un milieu effervescent, un espace urbain complexe ». Accompagnée de rencontres avec le public, d’autres artistes, d’autres thématiques... Le projet de La Marelle, adossé à la maison d’édition Le Bec en l’air, vise aujourd’hui à augmenter sa possibilité d’hébergement, à développer les croisements, les coproductions et les relations avec l’International. Sous les projecteurs de l’année capitale : « Les politiques se mettent à penser d’eux-mêmes à l’après 2013, c’est plutôt bon signe ». is harbored in Marseille. Pascal Jourdana may finally bring to life the proliferating conception of literature that he has supported with La Marelle: “There is something malleable in this city. It’s the Marseille paradox, the city as a huge boat frozen for twenty years and at the same time, something very flexible, with is empty spaces, vacant lots, a place for innovation…”. The residencies have quickly become the main activity of the association, the center of gravity around which meetings and ideas are born: “La Marelle does the opposite of what is found elsewhere. Far from a peaceful retreat for writers, a residency at the Authors’ Villa is to be thrust into a fast-paced environment, a complex urban space.” Accompanied by meetings with the public, with artists and other themes, the La Marelle project, backed by the publishing house Le Bec en l’air, aims to increase is housing possibilities, and to develop the junctions, the coproduction and the relations with the International. Under the spotlight of the capital year: “The politicians have themselves begun to think about post-2013, and that’s a pretty good sign.”

LA MARELLE, VILLA DES AUTEURS

41, rue Jobin, Marseille, 3e.

WWW.

villa-lamarelle.fr 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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PORTFOLIO

Forum romanum, Rome, 2012, 40 x 50 cm, tirage baryté monté sur aluminium


LUCIE & SIMON SUSPENDENT LE TEMPS LUCIE & SIMON FREEZE TIME Par Emmanuelle Gall

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epuis 2002, le Centre Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du Patrimoine (CICRP) œuvre loin des micros et des caméras. Pièce maîtresse du Pôle Patrimoine de la Belle de Mai, il est en relation avec les musées de la région et d’ailleurs, grâce à son expertise en matière de grands formats ou d’art contemporain notamment. Disposant de laboratoires et d’outils à la pointe de la technologie, l’équipe du CICRP réalise, chaque année, une centaine de restaurations et autant de diagnostics. Invitée légitime de Marseille-Provence 2013, l’institution a choisi de s’exposer sous un jour inattendu à la Vieille-Charité. Considérant, à l’instar de Jacques Rancière qu’il faut « fictionner le réel pour le rendre lisible », le directeur du projet, Bernard Conques, a invité des photographes à travailler sur les concepts philosophiques qui « sous-tendent l’activité du CICRP ». Son objectif : soutenir la création contemporaine tout en suscitant une approche renouvelée des notions de patrimoine et de restauration. Cinq artistes et un duo ont ainsi chacun créé une œuvre monumentale à partir d’une problématique élaborée avec les scientifiques, conservateurs et restaurateurs du centre. Antoine d’Agata s’est confronté à l’altération, José Ramon Bas à la transmission, Matthias Olmetta à l’investigation, Lisa Ross à l’apparence et Alfons Alt au passage. Avec Silent World, le tandem franco-allemand Lucie & Simon a abordé le rapport au temps. « En créant un espace-temps suspendu sur les places symboliques du monde, nous avons souhaité créer un univers imaginaire et inconnu dans ces lieux connus de tous. Le temps d’exposition de la photographie rend ces images possibles, et laisse pour unique témoin d’une présence humaine les vestiges architecturaux anciens et modernes, qui ont passé les époques et donnent une identité si particulière à chaque lieu, à chaque culture, en révélant leur histoire. »

INSTEMPS

Du 25 octobre au 5 janvier. Chapelle de la Vieille-Charité, 2, rue de la Charité, Marseille, 2e. 04 91 14 58 80. Entrée libre.

WWW. cicrp.fr

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Panthéon de Rome, Rome, 2012, 40 x 50 cm, tirage baryté monté sur aluminium


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Eglise Saint-Sulpice, Paris, 2012, 40 x 50 cm, tirage baryté monté sur aluminium

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Place de l’Opéra, Paris, 2012, 150 x 190 cm, tirage baryté monté sur aluminium

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Madison square, New York, 2012, 40 x 50 cm, tirage barytĂŠ montĂŠ sur aluminium


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L’ÉVÈNEMENT

LES ARTISTES JOUENT AVEC LA VILLE THE ARTISTS PLAY WITH THE CITY

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maginé par Lieux Publics (centre national de création), Métamorphoses se déroule en trois actes et autant de sites du centre ville. Les 20 et 21 septembre, la Canebière devient le point de départ d’une déambulation créée par KompleXKapharnaüM, troupe emblématique de l’art en espace public. Le public va être entraîné dans les quartiers Saint-Lazare et Villette, à la rencontre du « corps social » de ces territoires populaires. Cette création s’articule autour d’un dispositif audiovisuel mobile, combinant en direct diff usions sonores, projections d’images et mise en lumière architecturale. Le lendemain, la Canebière accueille également Le Grand Bavardage : un vaste banquet artistique conviant plus de mille personnes à une tablée de trois cents mètres de long. Une vingtaine de compagnies marseillaises composent le menu de cette œuvre à la carte. Les Métamorphoses s’attaquent ensuite à la gare Saint-

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© Vincent Muteau

Dix sept projets artistiques (dont douze créations) vont débouler dans les rues et sur les places de Marseille. Pour tous, une seule et même consigne : métamorphoser la ville en un vaste terrain de jeu.

Charles. Le grand escalier devient l’enjeu d’embrouilles chorégraphiques, mixes de cinq duos réalisés par Jany Jérémie, Guy Carrara, Lidia Martinez, Aline Nari et Ali Salmi. De son côté, Pierre Sauvageot, le directeur de Lieux Publics, propose une version très personnelle du Sacre du Printemps sur les quais de la gare. S’y ajoutent de multiples « actes forains », commis par des artistes venus de toute l’Europe. Le dernier acte de ces Métamorphoses se déroule place Bargemon. Le plasticien Olivier Grossetête chapote une performance collective, un chantier de construction éphémère, mais marquant. Une ville en carton va être édifiée par plus de trois mille personnes. Une semaine de construction collective, où l’utopie et l’imaginaire du rapport à l’urbanisme seront questionnés, avant l’inévitable destruction... Qui, elle aussi, s’annonce inventive et joyeuse. F.K.


© Vincent Lucas

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Seventeen artistic projects (twelve of which are new creations) will roam through the streets and public spaces of Marseille. Each of them with the same guideline: transform the city in one big playground. Imagined by the national center for creation, Lieux Publics (Public Spaces), Métamorphoses unfolds in three acts and at many sites throughout downtown. On 20 and 21 September, the Canebière becomes the starting point for perambulation created by KompleXKapharnaüM, a troupe emblematic of the art of the public space. The public will be lead through the neighborhoods of SaintLazare and Villette, toward an encounter with the “social fabric” of these working class territories. This creation revolves around a mobile audio-visual apparatus, combining live sound broadcasts, visual projections and architectural light show. The next day, the Canebière will also welcome Le Grand Bavardage (the Big Chit-Chat): a huge artistic banquet gathering more than a thousand people at a table three hundred meters long. Twenty of so Marseille artistic companies concoct the menu of this à la carte work. Métamorphoses attacks the Saint-Charles train station next. The

grand staircase becomes the center of a choreographic mash up with the “mixes” of fi ve duos directed by Jany Jérémie, Guy Carrara, Lidia Martinez, Aline Nari and Ali Salmi. For his part, Pierre Sauvageot, director of Lieux Publics, off ers a very personal version of the Rites of Spring on the train station’s quays. In addition, there are several “fair attractions”, commissioned by artists from all over Europe. The final act of this Métamorphoses takes place at Place Bargemon. The visual artist Olivier Grossetête heads a collective performance, temporary but memorable construction work site. A city of cardboard will be built by more than three thousand people. One week of construction, where utopia and the imaginary will question their relationship with urbanism, before its inevitable destruction, which in itself should be inventive and joyous.

Métamorphoses Du 20 septembre au 6 octobre. Canebière, gare Saint-Charles, place Bargemon, Marseille. 04 13 25 19 01. Entrée libre. www.lieuxpublics.com

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SCÈNES PETER BROOK INAUGURE LE THÉÂTRE DE LA JOLIETTE-MINOTERIE Après plus de vingt-sept ans d’existence, le Théâtre de la Minoterie a dû fermer ses portes, le temps de construire un nouvel espace plus grand et fonctionnel. L’équipe, dirigée par Pierrette Monticelli et Haïm Menahem, ne change pas de quartier ni de philosophie. Outre les représentations du soir, cette « maison » de théâtre contemporain sera aussi ouverte entre midi et deux, parfois l’aprèsmidi, et se déplacera dans les appartements, les lieux de travail et les écoles. Le spectacle inaugural traduit aussi cette volonté de rendre l’art populaire, car Peter Brook incarne bien la possibilité d’un mariage heureux entre l’exigence la plus haute et l’accessibilité la plus grande. Dans sa vision facétieuse et dépouillée de La Flûte enchantée de Mozart, le metteur en scène n’a gardé de l’opéra que la substantifique moelle : une version intime « piano-chant-jeu ». Durant le week-end du 19 et 20 octobre, le théâtre invitera le public à prendre possession des lieux. Les artistes en résidence (Xavier Marchand, Cartoun Sardines, Alexandra Tobelaim) guideront les gens dans le théâtre. L’occasion de découvrir des univers poétiques très divers et le résultat de travaux participatifs menés, hors les murs, la saison dernière. F.K .

Une Flûte enchantée Du 28 septembre au 5 octobre. Théâtre de la Joliette-Minoterie, Place Henri Verneuil, Marseille 3e. 04 91 90 07 94. 3-20 €. www.theatrejoliette.fr

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© Alicia Peres

After more than twenty-seven years of existence, the Minoterie Theater closed its doors in order to construct a larger and more functional new space. The team, led by Pierrette Monticelli and Haïm Menahem, has changed neither its neighborhood nor its philosophy. In addition to its evening performances, this “house” of contemporary theater will also be open between noon and two, some afternoons and will move from apartments, to office spaces and schools. The inaugural spectacle equally conveys this desire to make art for the people because Peter Brook well incarnates the possibility of a happy marriage between the greatest demands and the broadest accessibility. In his mischievous and stripped down version of the Mozart’s The Magic Flute, the director has only conserved its very essence: an intimate version of “piano-song-play”. During the weekend of 19 and 20 October, the theater invites the public to take possession of the site. The artists in residence (Xavier Marchand, Cartoun Sardines, Alexandra Tobelaim) will guide people through the theater. It’s the occasion to discover a particularly diverse poetic universe and to witness the results of the collective projects completed last season beyond the walls.


DR

© Agnes Mellon

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LE DERNIER JOUR DU JEÛNE

AZIMUT En 2003, Sanae El Kamouni, une jeune Tangéroise, a l’idée de faire écrire une œuvre contemporaine pour des acrobates traditionnels marocains. Ces derniers se produisent depuis des siècles dans les rues et sur les plages marocaines et leur virtuosité est unique au monde. Mais jusque-là, ils se cantonnaient à reproduire à l’identique des numéros de divertissement populaire. Sanae El Kamouni passe commande à Aurélien Bory, l’une des figures les plus passionnantes du nouveau cirque. Le metteur en scène et jongleur crée Taoub, un spectacle qui connaît un succès international amplement mérité. Dix ans plus tard, les artistes n’ont rien perdu de leur agilité. À l’invitation du Grand Théâtre de Provence, ils vont explorer d’autres pistes aériennes en mêlant art populaire, danse contemporaine, chant et vidéo. « Nous avons les corps, nous avons l’espace, nous avons les fous, il nous reste alors à trouver le chemin », déclare Aurélien Bory. Azimut ou comment défier l’apesanteur et apporter un peu de légèreté à une Méditerranée qui en a terriblement besoin ? F.K.

In Morocco, there exists an ancestral acrobatics, unique in the world, that is produced by family troupes, in the streets, on squares, at the beach and in the circus. In 2003, Sanae El Kamouni, a young woman of Tangiers, had the idea of having a contemporary work written for these acrobats which, up till then, were confined the produce the same numbers for popular entertainment. She presented her request to director and juggler Aurélien Bory. It would be Taoub: the first contemporary creation of acrobatics from Morocco. Since then, the acrobatic troupe from Tangiers has gone on to a successful international career. The Grand Theater of Provence opens its stage for the reunion of the author and the troupe. Ten years later, the artists, who have lost none of their virtuosity, continue to explore other aerial paths, mixing popular art, contemporary dance, song and video. “We have bodies, we have space, we have crazy people, now we just need to find our way,” declares Aurélien Bory. It’s title, Azimut, or how to defy weightlessness and bring a bit of levity to a Mediterranean in terrible need of it.

Du 20 au 27 septembre, 20h30 et le 22,15h. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 2013 2013. 5-34 €. www.lestheatres.net

Six femmes méditerranéennes, comme autant de possibles féminins, achèvent le grand jeûne. Attendant la nuit, enfermées dans le huis clos de leur tradition et de la place que leur concèdent les hommes, elles se (dé)livrent par la parole. Une parole méridionale qui jaillit volubile, aussi drôle que cruelle, poétique que vulgaire, en commérages, sentences, plaintes ou regrets. Derrière cette faconde, d’autres mots s’entendent, pudiques, blessés, ou consolateurs. Simon Abkarian, auteur, comédien et metteur en scène conte la tragédie domestique de « ces femmes qui n’ont pas le droit à la verticalité, à l’envol, qui sont embourbées dans le temporel, le concret, le matériel. » O.L. Six Mediterranean women, like so many possible women, end their long fast. Waiting for the night, locked by the closed door that is their tradition and the place that their husbands have confined them, these women give us their words. The southern word that gushes forth, as funny as it is cruel, as poetic as it is vulgar, through gossip, sentences, complaints or regrets. Behind this loquacity, other words are understood, modest, wounded or sympathetic. Simon Abkarian, author, actor and director narrates the domestic tragedy of “these women who don’t have the right to move vertically, to take wing, who are weighed down in the worldly, the concrete, the material.” Du 24 au 28 septembre, 20h30, le 25, 19h00. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre Français, Marseille, 1er. 04 91 24 35 24. 8-34 €. www.lestheatres.net

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SCÈNES

© John Hogg

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SLOBODIJA ODYSSEIA, MON AMOUR ! Quand le récit d’Ulysse et de son odyssée croise ceux de Roms originaires d’Europe centrale, cela donne une réflexion poétique sur le déracinement, la fuite, l’errance, d’hier et d’aujourd’hui. Par les mots, la danse, les chants et la musique, cinq comédiens français, autrichiens, allemands et cinq musiciens roms de la compagnie Bahamut font entendre les voix habituellement inaudibles des apatrides. Projet développé pour Marseille-Provence 2013, en coproduction avec le Théâtre Toursky, le Loft City à Vienne et le théâtre de Kosice, il a été défendu par Stéphane Hessel. Cette œuvre rend aussi hommage à celui qui n’a cessé de se soucier, tout au long de sa vie, de la dignité humaine. « Le théâtre est le commencement de toute politique », disait-il. O.L.

BEAUTY REMAINED FOR JUST A MOMENT… … Then Returned Gently To Her Starting Position (La beauté resta un moment puis retourna gentiment à sa position de départ). La chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin est de retour à Aix pour présenter sa dernière création au titre fleuve. Accompagnée des huit danseurs de la compagnie Moving Into Dance Mophatong, Robyn Orlin conserve sa marque de fabrique habituelle : une danse très théâtrale, alliant vidéo, textes, chants, arts plastiques dans une mise en scène à laquelle le public est largement invité à participer. Humour, poésie et provocation sont au rendez-vous, autour d’une réflexion sur ce qu’est la beauté sud-africaine. Le recyclage et l’inventivité du continent noir sont également célébrés à travers les costumes colorés et farfelus de Marianne Fassler, créés à partir d’objets du quotidien. Si la beauté prend finalement la forme que chacun veut lui donner, elle est aussi symbolisée par le soleil africain qui demeure un court instant pour retourner à sa position de départ... Robyn Orlin mêle gaieté et profondeur, brossant un portrait positif et déluré de l’Afrique d’aujourd’hui. E.J.

… Then Returned Gently To Her Starting Position (La beauté resta un moment puis retourna gentiment à sa position de départ). The South African choreographer Robyn Orlin returns to Aix to present her latest creation with a flowing title. Accompanied by eight dancers of the Moving Into Dance Mophatong Company, Robyn Orlin conserves her usual hallmark: a very theatrical dance, blending video, texts, song and visual arts in a staging that invites audience participation. Humor, poetry and provocation are the order of day, for a reflection on what is South African beauty. The recycling and inventiveness of the dark continent are equally celebrated through colorful and eccentric costumes by Marianne Fassler, fabricated from household objects. If beauty finally takes the form that each person wants to give it, it also symbolized by the African sun which remains for a short moment only in order to return to its starting position. Robyn Orlin mixes joyfulness with depth, painting a bright and brazen portrait of Africa today.

When the Ulysses and his odyssey cross paths with those of Roma immigrants originating from Eastern Europe, the result is a poetic reflection on uprooting, escape and roaming, from the past to the present. Through words, dance, song and music, five French, Austrian and German actors and five Roma musicians from the Bahamut Company make us hear the usually inaudible voices of the stateless. A project developed for Marseille-Provence 2013, in co-production with the Toursky Theater, Loft City of Vienna, and the Kosice Theater, it was defended by Stéphane Hessel. This work also gives tribute to a man who, throughout his life, never stopped being concerned with human dignity. “The theater,” he said, “is the starting point of all politics.” Le 4 octobre, 21 h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 20-27 €. www.toursky.org

DR

Du 10 au 12 octobre, 20h30. Pavillon Noir, 530, avenue Mozart, Aix-en-Provence. 04 42 93 48 14. 10-25 €. www.preljocaj.org

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© Michele Laurent

MARSIHO

Quand il a créé Marsiho pendant le off d’Avignon l’année dernière, Philippe Caubère espérait légitimement être invité à Marseille en 2013. C’était sans compter sur la persistance de la malédiction dont semble être frappé Suarès. Les institutions l’ayant, une fois de plus, ignoré, c’est au Toursky, que l’on pourra enfin gouter à l’esprit du poète. Historien, critique, ascète et auteur prolifique, il fut tout au long de sa vie – et jusqu’à aujourd’hui – l’enfant boudé de Marseille. Respecté par Malraux et Montherlant, pilier de La Nouvelle Revue Française dans les années dix aux côtés de Gide, Claudel et Valéry, il a été durablement éloigné des honneurs par son caractère indépendant et solitaire. Son œuvre Marsiho (Marseille en provençal) dépeint, en de fulgurantes images, la ville dans les années trente. Comme toute passion sincère, celle de Suarès pour sa cité est faite d’adoration et de ressentiment, d’allégresse et de dépit. Philippe Caubère, grand admirateur de l’homme et de l’œuvre qu’il considère comme « le plus beau livre jamais écrit sur Marseille » a souhaité réparé le préjudice, en portant à ses contemporains cette voix si mal-entendue. When he created Marsiho during the Off Festival of Avignon last year Philippe Caubère was hoping to be legitimately invited to Marseille in 2013. That wasn’t counting the persistent affliction which had seemed to strike Suarès. Other institutions having ignored him, yet again, we will finally be able to have a taste of the poet’s mind at the Toursky. Historian, critic, ascetic and prolific author, he lived his entire life – up till today – as the shunned child of Marseille. Respected by Malraux and Montherlant, pillar of La Nouvelle Revue Française at the turn of century alongside Gide, Claudel and Valéry, Suarès was distanced from honors due to his independent ad solitary character. His work, Marsiho (Marseille in Provencal), depicts, in dazzling images, the city of the 1930s. Like any genuine passion, the one that Saurès felt for the city was made from adoration and bitterness, elation and chagrin. Philippe Caubère, a great admirer of the man and his work which he considers “the most beautiful book ever written about Marseille”, hoped to right the wrong, by bringing this very misunderstood voice to his contemporaries.

Les 11 et 12 octobre, 21 h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 20-27 €. www.toursky.org

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SCÈNES

GOLGOTA

A pioneer of equestrian theater, Bartabas wasn’t satisfied with including only horses in its performances. It invented a plural form of art, at the meeting point of circus, dance and music. For its latest creation, it has worked with Andrés Marin, a star of modern Flamenco dance. The two artists have set out on a quasi mystical quest, with the clearly stated goal of opening new paths in their respective disciplines. With them, the Grand Theater of Provence may well become a site of a “reality without limits, a reality of animal and divine humanity.” Du 31 octobre au 6 novembre (relâche le 3), 20h30. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence. 08 2013 2013. 8-34 €. www.lestheatres.net

EL CACHAFAZ La Friche la Belle de Mai inaugure un nouveau théâtre, Les Plateaux, avec une création de Catherine Marnas. En guise de crémaillère, l’univers très acide de Copi et en l’occurrence El Cachafaz : un livret d’opéra satyrique, probablement l’œuvre la plus politique du dramaturge. Pour transformer en spectacle jouissif ce pamphlet contre toutes les formes de dictatures, Catherine Marnas a été secondée par le compositeur Alain Aubin. Ensemble, ils ont élaboré un langage poétique qui se tient en équilibre sur la frontière entre théâtre et tango, entre oratorio et drame lyrique. La folie et la démesure sont les seules règles qui vaillent ici, les seules armes capables de détrôner l’injustice qui règne en maître dans un monde aussi cruel qu’absurde. Alors, les pauvres affamés finissent par dévorer ceux qui veulent faire appliquer des lois qu’ils refusent. Le cannibalisme nous sauvera-t-il de la faim ? Cette « tragédie tango » pour trois personnages, quatre instrumentistes, trois choeurs mixtes et un dispositif électroacoustique est à consommer sans modération. F.K.

The Friche la Belle de Mai inaugurates a new theater, Les Plateaux, with a creation from Catherine Marnas. By way of a housewarming party, she gives us the acerbic universe of Copi and in this case, El Cachafaz: a satiric opera libretto, quite possibly the most political work of the dramatist. In order to transform it into a thrilling spectacle, this pamphlet counters all forms of dictatorships. Catherine Marnas is backed up by the composer Alain Aubin. Together, they formulate a poetic language that manages to find a balance between theater and tango, between oratorio and lyric drama. Madness and excessiveness are the only rules of any worth here, the only weapons capable of dethroning the injustice that reigns supreme in a world is as cruel as it is absurd. Here, the starving poor end up devouring those who want to impose laws that they refuse. Will cannibalism keep us from being hungry? This “tango tragedy” of three characters, four instrumentalists, three mixed choirs and an electro-acoustic unit is to be consumed without moderation.

Du 19 au 25 octobre, 20h, le 20, 16h. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 8-18€. www.lafriche.org

© Hugo Marty

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© Ma Minniti

Pionnier du théâtre équestre, Bartabas ne s’est pas contenté d’inclure des chevaux dans ses spectacles. Il a inventé un art pluriel, à la jonction du cirque, de la danse et de la musique. Pour sa dernière création, il s’est associé à Andrés Marin, étoile du flamenco contemporain. Les deux artistes se sont engagés dans une quête quasi mystique, avec l’objectif avoué d’ouvrir de nouvelles voies dans leur discipline respective. Avec eux, la scène du Grand Théâtre de Provence pourrait bien devenir le lieu d’un « réel sans limites, un réel d’humanité animale et divine ». F.K.

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MUSIQUES © Gilbert Cohen

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ZOMBIE ZOMBIE, LA PÉPITE DE MARSATAC

Marsatac 2013 : dix jours de prog, une dizaine de lieux Marsatac 2013: ten days of programming, ten locations extenrépartis entre Nîmes et Marseille, plus de 80 concerts. ding from Nîmes to Marseille, and more than 80 concerts. Quite Une mine bien évidemment. Et dans le dédale des gale- clearly a mine. And in the maze of galleries, a gem – a tiny, black ries, une pépite… Un petit diamant noir, froid dehors diamond – cold without and hot within, like an inversion of a choet chaud dedans, comme une profiterole au chocolat à colate profiterole: Zombie Zombie. Its name is a tribute to John l’envers : Zombie Zombie. Un nom en hommage à John Carpenter and his soundtracks (to whom the group has even Carpenter et ses bandes originales de films (auquel le dedicated an album). And then, like Dupont and Dupond, there groupe a même consacré un album). Et puis, comme are two of them. To my left, Zombie A: Etienne Jaumet, forty-two Dupont et Dupond, ils sont deux. À ma gauche, Zom- years old, a dabbler in sound and a bargain-hunter of old synthebie A : Étienne Jaumet, quarante-deux ans, bricoleur de sizers. To my right, Zombie B: Cosmic Neman, thirty-seven, drumsons et chineur de vieux synthés. À ma droite, Zombie mer for the pseudo-folk singer Herman Dune. The duo’s sound is B : Cosmic Neman, trente-sept ans, batteur des faux unprecedented: a mix of tribal groove, bitter rhythms and vintage folkeux Herman Dune. Le duo produit un son inédit : techno; it’s as if Kraftwerk had been bewitched while eating mafé. mélange de groove tribal, de rythmiques âpres et d’élec- Listening to some of their tracks, one has the impression of stumtronique vintage, un peu comme si Kraftwerk avait été bling onto an unpublished track from Pink Floyd. The two partners marabouté en mangeant du mafé. À l’écoute de certains site Steve Reich, John Cage, Richard Pinhas and Pierre Henry, as de leurs titres, on a l’impression de tomber sur un inédit well as many other things even more obscure, such as Lard Free, des Pink Floyd. Les deux compères citent Steve Reich, Alpes and Catherine Ribeiro. Neman goes so far as to dig up from John Cage, Richard Pinhas ou Pierre Henry, mais aussi his subconscious his childhood memories from the Chapi Chapo des trucs beaucoup plus obscurs, tels Lard Free, Alpes soundtrack, composed in 1974 by François de Roubaix! et Catherine Ribeiro. Neman va même jusqu’à dénicher dans son subconscient des réminiscences enfantines du Le 28 septembre. Dock des Suds, générique de Chapi Chapo, composé en 1974 par Fran- 12, rue Urbain V, Marseille, 2ème. 04 91 99 00 00. 32 €. www.marsatac.com çois de Roubaix ! M.J.

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© Louis Vincent

© Guillaume Aricique

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TITI ROBIN

A STAFF BENDA BILILI On n’avait pas vu cela depuis les papis cubains du Buena Vista Social Club. C’est arrivé il y a quatre ans, via l’excellent label indépendant bruxellois Crammed Discs (qui produit entre autres Balkan Beat Box, Shantel, Zuco 103 et des dizaines d’autres pépites de la world music) et un film tourné par deux documentaristes français, Renaud Barret et Florent de La Tullaye. En linguala, benda bilili veut dire : « mets en valeur ce qui est dans l’ombre ». Soit une dizaine de musiciens de rue miséreux, dont plus de la moitié handicapés poliomyélitiques, jouant de la rumba congolaise sous les arbres du zoo de Kinshasa avec des guitares pourries (qui s’accordent avec des tenailles), assis sur des machines bricolées – croisements de fauteuils roulants et de vieilles bécanes - et devenus en l’espace de quelques années des stars internationales. Un groove dévastateur et un son venu de l’espace… presque trop clean depuis la célébrité. M.J.

We haven’t seen this since the Cuban grandpas of Buena Vista Social Club. It all happened four years ago, via the excellent Brussels independent label Crammed Discs (who produced, amongst others, Balkan Beat Box, Shantel, Zuco 103 and dozens of the gems of World Music) and film made by two French documentary makers, Renaud Barret and Florent de La Tullaye. In Linguala, benda bilili means “highlight that which is in shadow”. That being so, a dozen destitute street musicians, more than half disabled by polio, playing a Congolese rumba beneath the trees of a Kinshasa zoo with decayed guitars (that have been tuned with pilers), are seated on home fabricated machines – a mix of wheel chairs and old scooters – and in the space of several years, have become international stars. A killer groove and an unearthly sound…that has become almost too polished since their stardom.

Le 21 septembre, 21h. L’Usine, Route Nationale 569 (ancienne route de Fos), Istres. 04 42 56 02 21. 27,50 €. www.scenesetcines.fr

Sorti il y a presque dix ans chez Naïve, le double album Alezane concentre l’univers musical du gitan d’adoption qu’est Titi Robin. Un univers qui fait s’entrechoquer toutes les influences harmoniques de la planète : Titi Robin invente la rumba écossaise, le tango grec, le reggae pakistanais… Aucun cocktail ne rebute ce natif d’Angers ! Du coup, on l’a un peu vite catalogué « musiques du monde ». Depuis son premier groupe, Johnny Michto, Thierry, dit Titi, trace sa route et sa musique, en nomade. Pour le spectacle Alezane, il est accompagné par l’accordéoniste Francis Varis, le percussionniste brésilien Zé Luis Nascimento et la danseuse et chanteuse Maria Robin. M.J. Issued almost ten years ago from Naïve records, the double album Alezane is a concentration of the musical universe of the gypsy by adoption Titi Robin. A universe which brings into collision all of the harmonic influences of the planet: Titi Robin invents Scottish rumba, Greet tango and Pakistani reggae. No musical cocktail puts off this Angers native! Right away, he was a bit too quickly put in the “World Music” category. Since his first group, Johnny Michto, Thierry, also called Titi, traces his path and his music as a sort of nomad. For the Alezane concert, he is accompanied by accordionist Francis Varis, percussionist Zé Luis Nascimento, and dance and singer Maria Robin. Le 27 septembre, 20h30. Cité de la Musique, 4, rue Bernard du Bois, Marseille, 1er. 04 91 39 28 28. 18€-15€. www.citemusique-marseille.com

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MUSIQUES

© Blair Allen

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© montreuxjazzlive.com

SHAKTI

RAUL MIDÓN Imaginez Bobby McFerrin pour le chant a cappella et Keziah Jones pour le jeu de guitare percussif, le tout réuni dans un même corps (en un peu moins sexy quand même, on ne peut pas tout avoir) ! Véritablement habité par la musique, comme peuvent l’être certains musiciens aveugles, Raul Midón transmet une incroyable force musicale. « J’ai su très tôt que je voulais faire de la musique, dit-il. J’entendais de la musique partout, dans le bruit des clignotants, des klaxons… » Cet ancien choriste de Shakira et fan de Stevie Wonder a, entre autres, produit sept albums depuis 1999, composé pour Spike Lee, et développé dès le début une technique guitaristique bien à lui, « une approche combative » selon ses propres termes. Pour le reste : « Mon éducation jazz me permet de chanter mes chansons différemment chaque soir. Non seulement ça rend le show plus intéressant pour moi, mais aussi pour le public, qui vient voir comment ça sera ce soir !... » Okay, on arrive. M.J.

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Imagine Bobby McFerrin singing a capella and Keziah Jones for the percussive guitar play, and all that in the same body (a little bit less sexy, of course, you can’t have it all)! Completely possessed by the music, in the way some blind musicians can be, Raul Midon transmits an incredible musical force. “I knew very early that I wanted to play music,” he says. “I heard music everywhere, in the sound of turn signals, in horns…” This former backing vocalist for Shakira and fan of Stevie Wonder has, amongst others, produced seven albums since 1999, composed for Spike Lee, and developed his own guitar techinique. In his own words, “A combative approach.” As for the rest : “My jazz education allows me singing my songs differently every evening. Not only does that make the show interesting for me, but for the public too, who comes to see how it will be this evening!”... Okay, here we come.

Le 8 octobre, 21h. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 23 €. www.leposteagalene.com

L’élégant, respectable, très britannique et un brin mystique John McLaughlin est connu pour ses collaborations avec les plus grands : Miles Davis, Tony Williams, Carlos Santana (qu’il vient de croiser cet été à Monaco) ou encore Jimi Hendrix… Fondateur du Mahavishnu Orchestra, l’homme n’a cessé de multiplier et combiner les expériences musicales. Il a choisi le mot sanskrit shakti, qui signifie « la puissance ou la Mère divine », pour évoquer un voyage débuté en 1975, avec son vieil ami Zakir Hussain, le maestro du tabla. McLaughlin reforme aujourd’hui ce quintette mythique et mystique pour une nouvelle virée aux confins du jazz fusion et de la musique indienne. M.J. The elegant, respectable, very British and slightly mysterious John McLaughlin is known for his collaborations with the greatest musicians: Miles Davis, Tony Williams, Carlos Santana (who he met up with last summer in Monaco) and even Jimi Hendrix. Founder of the Mahavishnu Orchestra, the man has not stopped multiplying and combining musical experiments. He chose the Sanskrit word shakti, which means “force or the Divine Mother”, as an allusion to a voyage which he undertook in 1975 with his old friend, Zakir Hussain, the maestro of the table. Today, McLaughlin has brought together again the mythic and mysterious quintet for a new excursion to the limits of fusion jazz and Indian music. Le 24 octobre, 20h30. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvenal, Aix-enProvence. 04 42 91 69 70.34 €. www.lestheatres.net


© Mr Cup

PIERS FACCINI

Un père italien, une mère anglaise, une grand-mère rom. Le songwriter Piers Faccini vit avec sa femme et ses enfants dans les Cévennes et se sent déraciné partout. C’est peutêtre pour cette raison que ces chansons sont si tristes. Piers Faccini a découvert sa voie (et sa voix) en écoutant Skip James et Boubacar Traoré : deux champions toute catégorie de la tristesse en musique, mais pas de n’importe quelle tristesse. De celle qui fait du bien… « La musique mélancolique me rend heureux, dit-il, cela me rappelle combien la vie est belle ». Il vient dévoiler son nouvel album Between Dogs And Wolves dans l’intimité du Poste à Galène, avec Jules Bikoko à la contrebasse et Dom Nena au chant et au violoncelle. M.J. An Italian father, an English mother, a Roma grandmother. The songwriter Piers Faccini lives with his wife and children in the Cevennes and feels uprooted everywhere. That might be the reason why his songs are so sad. Piers Faccini discovered his vocation (and his voice) while listening to Skip James and Boubacar Traoré: alltime champions of musical sorrow, but not just any old sorrow. It’s the kind that does good. “Melancholy music makes me happy,” he says, “which reminds me how beautiful life is”. He’s just unveiled his new album, Between Dogs and Wolves, in the intimacy of the Poste à Galène, with Jules Bikoko on the double bass and Don Nena on the cello and singing.

Le 7 novembre, 21h. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 15 €. www.leposteagalene.com

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EXPOS © Fondation Le Corbusier

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MARSEILLE RENOUE AVEC LE CORBUSIER

Il est loin le temps où les Marseillais traitaient Le Corbusier de fada. La Cité radieuse abrite désormais le MAMO et le J1 lui consacre son exposition de rentrée. Pas « fada », mais « brutaliste » : c’est l’adjectif qui convient pour qualifier l’esthétique de l’architecte entre 1945 et 1965, autrement dit pendant les vingt dernières années de sa vie. Dans la bouche des critiques et historiens qui l’emploient, le terme n’a rien de péjoratif. Au contraire, il fait écho à l’usage du béton brut de décoffrage par Le Corbusier autant qu’à son désir de trouver une troisième voie entre modernisme et primitivisme. Cette esthétique, dont l’Unité d’habitation de Marseille (construite entre 1945 et 1952) peut être considérée comme le manifeste, est l’aboutissement d’années de recherche et de voyages d’un architecte artiste : peintre, dessinateur, sculpteur, signant à l’occasion des émaux et des tapisseries. Le choix du J1 pour présenter ces œuvres associées aux projets architecturaux et autres maquettes est judicieux. L’ancien môle d’embarquement, traversé par Le Corbusier à l’occasion de ses voyages en Grèce ou en Algérie, étant lui-même un spécimen intéressant de Brutalisme. E.G.

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It’s been a while since the Marseillais called Le Corbusier loony. The Radiant City now houses the MAMO and the J1 has dedicated an exhibition to it this autumn. Not “loony”, but “brutalist”: the adjective used to designate the architectural esthetic between 1945 and 1965, in other words, during the last twenty years of his life. From the mouths of art critics and historians, there is nothing pejorative about the term. However, it echoes Le Corbusier’s use of exposed concrete as much as his desire to find a third path somewhere between Modernism and Primitivism. This esthetic, of which the “vertical cities” of Marseille (built between 1945 and 1952) can be considered as its manifesto, is the end result of years of an architect-artist’s research and travels: a painter, a designer, a sculptor, who along the way, made enamels and tapestries. The decision of J1 to present these works accompanied by architectural projects and other models is wise move. The former jetty, from which Le Corbusier embarked on voyages to Greece and Algeria, is itself an interesting specimen of Brutalism.

Le Corbusier et la question du Brutalisme Du 11 octobre au 22 décembre. J1, Place de la Joliette, Marseille 2e. 5-10 €. www.mp2013.fr


© Jean-Pierre Vallorani

© Hans Bellmer

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JEAN-JACQUES RULLIER Confrontés à la collection d’ex-voto provenant de la chapelle NotreDame-des-Marins, sur les hauteurs de Martigues, les dessins de JeanJacques Rullier interrogent les rituels et les croyances humaines. Depuis ses carnets de voyage en Inde, Israël, Japon ou Australie, l’artiste recompose des images du monde tenant à la fois du reportage, de la cartographie ou de la vision mystique, tissant des liens entre les trois monothéismes, poussant jusqu’à l’Orient. Tantôt dépouillé jusqu’à la trame du papier, tantôt fourmillant de détails et d’impressions, chaque dessin est un univers qu’il faut prendre le temps de découvrir, comme un voyage à pied dans un pays inconnu. J.-P.V. Confonted by the votive collection from the Notre-Dame-des-Marins Chapel, situated in the heights of Martigues, the drawings of Jean-Jacques Rullier bring into question rituals and human belief. From his travelogues of India, Israel, Japan and Australia, the artist recomposes images of the world that are at the same time reporting, cartography and mystical vision, weaving links between three monotheisms, extending as far as the Orient. Sometimes just the sparse weave of paper, sometimes swarming with details and impressions, each drawing is a universe that requires time to discover it, much like a voyage on foot in an unknown country. Jusqu’au 13 octobre. Musée Ziem, Boulevard du 14 juillet, Martigues. 04 42 41 39 60. 5-8 € www.ville-martigues.fr

CRÉER POUR RÉSISTER Le Camp des Milles a le triste privilège d’être le seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact et accessible au public. Il est également réputé pour avoir vu passer entre ses murs un grand nombre d’intellectuels et d’artistes jugés « indésirables » par le gouvernement français entre 1939 et 1942. Plus qu’un simple lieu de mémoire, le site propose aussi une remise en contexte de l’Histoire et une programmation culturelle variée. Le deuxième volet de l’exposition en trois temps, Créer pour résister, se focalise plus particulièrement sur quatre personnalités qui ont séjourné au camp, sans doute les plus célèbres : Max Ernst, Hans Bellmer, Wols et Ferdinand Springer. Sont exposés les dessins et aquarelles qu’ils ont réalisés durant leur détention, mais aussi dans les mois qui ont précédé leur internement et qui ont suivi leur libération. La puissance de vie qui émane de certaines œuvres permet de ressentir à quel point la poésie et l’imagination sont de puissants contrepoisons à tout système d’oppression. F.K.

The Milles Camp has the unfortunate privilege of being the only sizable French concentration and deportation camp still intact and accessible to the public. It is equally reputed for having seen within its walls a great number of intellectuals and artists deemed “undesirable” by the French government between 1939 and 1942. More than a simple memorial, the site also proposes a reframing of History and a diverse cultural programming. The second component of an exhibition in three parts, Creating for Resisting, focuses primarily on four personalities that stayed at the camp, beyond a doubt the most famous: Max Ernst, Hans Bellmer, Wols and Ferdinand Springer. The drawing and watercolor paintings that they made during their detention are on display, as well as works they created in the months preceding their confinement. The life-force that emanates from certain works allows us to feel the extent to which poetry and imagination are powerful antidotes to a system of oppression.

Jusqu’au 15 décembre. Site-Mémorial du Camp des Milles, 40, chemin de la Badesse, Aix-en-Provence. 04 42 39 17 11. 6-13.5 €. www.campsdesmilles.org

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EXPOS © Atelier Van Lieshout

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NO TIME FOR EXTRA TIME À peine le rideau tombé sur le Mas-Toc à Arles (visible jusqu’au 29 septembre), les Pas perdus rentrent jouer à domicile. On va enfin pouvoir découvrir, à Marseille, l’installation qu’ils ont présentée en Afrique du Sud, pendant la Coupe du monde de 2010. Partis, « ballon au pied » à travers le continent africain, Guy-André Lagesse, Doung Jahangeer et Peter McKenzie ont chacun réalisé un film du même périple. Projetés simultanément dans un même « paysage sonore », leurs portraits de « supporters flamboyants, philosophes des rues, poètes du quotidien, artistes excentriques, rois et reines... » bouleversent tous les clichés. E.G.

Invité à La Friche, l’Atelier Van Lieshout Invited to the Friche, the Van Lieshout Workshop a trouvé dans la Tour et le Panorama, un has found, in the Tower and the Panorama, a setcadre adapté à l’envergure de ses instal- ting well adapted to the scale of its installations, lations, entre design, architecture et arts somewhere between design, architecture and viplastiques. Déployé sur près de 700 m2, sual arts. Extending over nearly 700 m2, the Slave le projet Slave city (2005-2008) présente City (2005-2008) project presents a prototype le prototype d’une société de 200 000 of a society of 200 000 individuals, ecologically individus, écologiquement correcte et correct and generating almost eight billion euros générant près de huit milliards de béné- in annual profits. Scale models, maps, statistics, fice annuel. Maquettes, plans, statis- paintings and sculptures display the theory and tiques, peintures et sculptures exposent practice of the “best of all possible worlds”, where la théorie et la pratique de ce « meilleur one works fourteen hours a day and where each des mondes », où l’on travaille quatorze act is justified. From utopia to dystopia, it is someheures par jour et où chaque geste est times just a step away. The Blast Furnace, set up in rationalisé. De l’utopie à la dystopie, il the Panorama, aspires to be a human scaled blast n’y a souvent qu’un pas... Installé dans furnace and a work camp. This gigantic installale Panorama The Blast Furnace tient à la tion seeks to “reinvent the Industrial Revolution” fois du haut-fourneau à taille humaine at a time when the Occident is gradually losing its et du campement. Cette gigantesque means of production, outsourced to the other side installation entend « réinventer la révo- of the world. It’s a post-industrial spectacle, somelution industrielle » à l’heure où l’Occi- where between pragmatism and science fiction. dent perd progressivement ses moyens de production, délocalisés à l’autre bout Jusqu’au 31 décembre. Friche la Belle de Mai, du monde. Un spectacle postindustriel, 41, rue Forbin, Marseille, 3e. entre pragmatisme et science-fiction. E.G. 04 95 04 95 04. 3-6 €. www.lafriche.org

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Du 5 octobre au 10 novembre. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. Entrée libre. www.lafriche.org

© Guy-André Lagesse

THE BUTCHER

Just moments after the curtain comes down on the Mas-Toc in Arles (until 29 September), the Pas Perdus (Lost Steps) come home to play. We will finally be able to discover, in Marseille, the installations that they presented in South Africa, during the 2010 World Cup. Crossing the African continent, “the ball at their feet”, Guy-André Lagesse, Doung Jahangeer and Peter McKenzie have each directed a film of the same journey. Projected simultaneously in the same “aural soundscape”, their portraits of “flamboyant fans, street philosophers, daily poets, eccentric artists and kings and queens” shake up all clichés.


© Samer Mohdad

BEYROUTH MUTATIONS

À peine sorti du Parc des Ateliers à Arles, le photojournaliste libanais de l’agence Vu, Samer Mohdad, est exposé à Marseille. Il avait huit ans quand la guerre civile a éclaté au Liban. Une adolescence marquée par les bombes, les combats, l’exil et la mort, l’a conduit à étudier la photo à Liège. Depuis plus de vingt-cinq ans, il s’emploie à essayer de comprendre le Proche et le Moyen-Orient, à travers une douzaine de pays. De cette tache immense et ingrate, était déjà sorti, en 1999, un livre magnifique : Mes Arabies. Aujourd’hui, les éditions Actes-Sud publient Beyrouth Mutations, tout aussi essentiel pour saisir les transformations de la capitale libanaise. Samer Mohdad, à l’origine de la Fondation arabe pour l’image et du site d’informations Menassat.com, sait s’effacer derrière la complexité et la richesse infinies de son propos. Avec lui, la photographie semble simple, comme s’il n’y avait qu’à appuyer sur le déclencheur pour que quelque chose s’imprime sur la pellicule ou la carte mémoire. M.J. Just finished at the Parc de Atéliers in Arles, the Lebanese photojournalist of Vu Agency, Samer Mohdad, has an exhibition in Marseille. He was eight years old when civil war broke out in Lebanon. An adolescence scarred by bombs, combat, exile and death led him to study photography in LIège. Since he was twenty-five years old, he has sought to understand the Near and Middle East, across a dozen countries. From this immense and ungrateful task, he published in 1999 a magnificent book: My Arabias. Today, the publishing house Actes-Sud produced Beirut Mutations, just as necessary to understanding the transformations of the Lebanese capital. Samer Mohdad, at the initiative of the Arab Photography Foundation and the information website menassat.com, knows how to disappear behind the complexity and the infinite richness of his material. With him, photography seems simple, as if he only had of click on the shutter release in order for something to print on the film or the memory card.

Jusqu’au 18 janvier 2014. Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône, 20, rue Mirès, Marseille, 3e. 04 13 31 82 00. Entrée libre. www.biblio13.fr

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EXPOS

© Groupe Laps

SORTIR

© Ewen Chardronnet

GAMERZ 09

E-TOPIE

Voici une programmation multiple, au croisement de l’art et de l’innovation technologique. À l’initiative du projet : une plateforme d’opérateurs aixois qui ont su profiter de l’opportunité offerte par la Marseille-Provence 2013. La manifestation dure un mois et additionne deux festivals. L’un, Gamerz, (lire cicontre), existe depuis 2006. L’autre, Chronique des mondes possibles, ne fête que sa première édition. Une jeunesse toute relative, car Seconde nature, l’association qui porte l’événement, accompagne depuis de longues années des productions de musique électronique et d’art multimédia. Résultat : Le parcours d’exposition et les spectacles proposés par Seconde nature impliquent quelques-uns des artistes les plus excitants du genre (on devrait parler ici de transgenre). Les trois jours d’inauguration vont permettre de circuler d’un site à l’autre pour découvrir les oeuvres, d’assister à un video mapping de Ryoji Ikeda sur la façade de la fondation Vasarely, à un ballet de silouhettes lumineuses mis à scène par le groupe Laps au Pavillon noir ou encore à un spectacle d’Alain Béhar, avec des anges plus ou moins virtuels. F.K.

Here’s a varied programming at the crossroads of art and technological innovation. The impetus for the project: a platform of operators from Aix who figured out how take advantage of the opportunity provided by Marseille-Provence 2013. The manifestation lasts one month and brings together two festivals. The first, Gamerz (read below), has been in existence since 2006. The other, Chronicles of Possible Worlds, is celebrating its only first edition. A relatively young age, because Second Nature, the association that is promoting the event, has accompanied productions of electro music and multimedia art for many years. The result: the series of exhibitions and spectacles off ered by Second Nature involve several of the most exciting of the genre’s artists (we should be talking here about transgenre). The three day inauguration will permit visitors to venture from one site to another in order to discover the works, and to attend a video mapping from Ryoji Ikeda on the façade of the Vasarely Foundation, a ballet Keyframes from the group Laps at the Pavillon Noir and perhaps a performance from Alain Béhar with angels that are more or less virtual.

Du 10 octobre au 10 novembre. Fondation Vasarely, École d’Art, façades du Pavillon noir, Seconde Nature et Bois de L’Aune. Aix-en-Provence. www.mp2013.fr

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M2F Créations propose, depuis 2006, le festival Gamerz consacré à l’univers des jeux multimédias et à leur détournement par l’art contemporain. Cette année, l’événement réunit une cinquantaine d’artistes internationaux dans différents lieux culturels d’Aix-en-Provence. Au-delà de ses aspects récréatifs et culturels, le circuit d’expositions (entièrement gratuit) interroge les métamorphoses de notre société. À l’École Supérieur d’Art, des artistes explorent la dualité technologie/nature et tentent de mesurer l’incommensurable. A l’Arcade Paca, la consigne commune est de transgresser l’usage normatif des jeux vidéo. Enfin, la galerie Susini accueille France Cadet, une scientifique qui a été détournée par l’appel de l’art. Ses installations et ses robots font grincer la frontière entre l’artificiel et le vivant. F.K. M2F Creations has proposed, since 2006, the Gamerz festival dedicated to the universe of multimedia games and to their (mis)appropriation by contemporary art. This year, the event unites some fifty international artists in different cultural spaces throughout Aix-enProvence. Beyond its recreational and cultural aspects, the exhibition circuit (completely free) questions the metamorphosis of our society. At the Ecole Supérior of Arts, artists explore the duality of technology/nature and measure the immeasurable. At the PACA Arcade, the common guideline is to transgress the normal use of video games. To finish, the Susini Gallery welcomes France Cadet, a scientist qui was diverted by the call of art. Her installations and robot push the boundary between the artificial and the living. Du 10 au 20 octobre. École supérieure d’art, galerie Susini, Arcade PACA, Bois de L’Aune. Aix-enProvence. 04 88 05 05 67. Entrée libre. www.festival-gamerz.com



ENFANTS © Cie ZonZons

SORTIR

LE PETIT ATELIER DU MIDI Un atelier de peintre du XIXe reconstitué, quatre paysages, signés François Barry, Alfred Casile, Joseph Garibaldi et Félix Ziem passés à la loupe, une invitation à la contemplation puis au dessin ou à la peinture que l’on compose soi-même… Le Grand atelier du Midi du Palais Longchamp a son pendant junior au Préau des Accoules, atelier à l’appui, pour mieux comprendre comment travaillaient les artistes de l’époque pour réaliser de tels paysages. Si l’exposition est en accès libre (16-18h, du mardi au dimanche), l’inscription est obligatoire pour l’atelier.

MUCEM FOR KIDS

Depuis l’ouverture du musée, les enfants Since the museum’s opening, children have been sont accueillis (sans réserver) le week- welcomed (without reservation) the weekend, end, le mercredi et pendant les vacances, Wednesdays and during school holidays for The pour L’Odyssée des enfants : un parcours, Odyssey for Children: a tour, digital tablet in hand, tablette numérique en mains, permet- offering a discovery of the permanent collection tant de découvrir l’exposition perma- in the guise of a game. Starting on 15 September, nente à travers un jeu. À partir du 15 the MuCEM is putting into place a series of acseptembre, le MuCEM déploie une série tivities for 6 to 12 year olds, “chosen more with fun d’animations pour les 6-12 ans, « choisies in mind than learning,” clarifies Cécile Dumoulin, dans une perspective de divertissement manager of the General Audiences Department. plus que d’apprentissage », précise Cécile On offer are films, circus workshops, collective Dumoulin, responsable du département storytelling, puppet shows and theater, etc, free des publics. Films, ateliers de cirque, for the most part, especially during the school contes participatifs, spectacles de ma- holidays, starting with Toussaint. Often in relarionnettes ou de théâtre… seront le plus tionship to the exhibitions, these representasouvent gratuits, notamment pendant tions are nevertheless independent of museum les vacances scolaires et dès la Toussaint. visits: “First of all, we want to encourage families Souvent en rapport avec les expositions, to come regularly with their children. They will be ces représentations sont néanmoins in- able to leave them for some activities.” After havdépendantes des visites : « Nous voulons ing taken care of their primary “target group” of d’abord inciter les familles à emmener 6 to 12 year olds, the museum will address 3 to 6 régulièrement les enfants. Elles pourront year olds, then their most challenging audience, les laisser pour certaines activités ». Après teenagers. s’être préoccupé de ce « cœur de cible » des 6-12 ans, le musée se penchera sur les Mucem, 1 esplanade du J4, Marseille, 2e. 3-6 ans, puis sur le public plus complexe 04 84 35 13 13. www.mucem.org des adolescents.

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A reconstructed artist’s 19th century workshop, four landscapes, signed by François Barry, Alfred Casile, Joseph Garibaldi and Félix Ziem under the microscope, an invitation to contemplation then to the drawing or the painting of a composition that one does themselves…. The Grand Workshop of Midi at the Palais Longchamps has its little sibling at the Préau des Accoules, with its supporting workshop, in order to better understand how artists worked at the time when these landscape paintings where done. While admission to the exhibition is free (4pm-6pm, from Tuesday to Sunday), registration for the workshop is mandatory. Du 29 octobre au 15 mai 2014. Préau des Accoules, 29, montée des Accoules, Marseille, 2e. 04 91 91 52 06, Entrée libre. www.preau-des-accoules.marseille.fr


© Christophe Le Dévéha

SORTIR

© Jackowski

EXPÉDITIONS IMAGINAIRES

Pour valoriser le fonds jeunesse ancien et moderne conservé par les bibliothèques, l’Agence régionale du livre a demandé à cinq illustrateurs du territoire de concevoir des parcours d’exposition, associant scénographies, créations multimédias, extraits à lire ou à écouter… L’objectif étant de « mettre à hauteur d’enfants » des textes choisis parmi les grands classiques : Robinson Crusoé, Alice au pays des merveilles et L’Île au trésor. Les trois expositions seront respectivement visibles à Marseille, à la BMVR et dans les douze bibliothèques du réseau ainsi qu’à Vitrolles, tandis qu’un module itinérant circulera dans le département. In order to promote its ancient and modern collection of for young readers held by libraries, the Regional Book Agency had asked five illustrators from the region to create an exhibition, bringing together scenography, multimedia creations, and reading and listening extracts. With the objective of “being up to children’s expectations”, the texts that have been selected are among the great classics: Robinson Crusoe, Alice in Wonderland, and Treasure Island. The exhibitions will be visible respectively in Marseille, at the BMVR l’Alcazar and in the network’s twelve libraries, including Vitrolles, whereas a mobile unit will circulate throughout the department. Du 12 octobre au 5 janvier 2014. BMVR, 58, cours Belzunce, Marseille, 1er. 04 91 55 90 00. Entrée libre. www.livre-paca.org

À L’ABORDAGE AU BOIS DE L’AUNE Situé dans le quartier populaire du Jas de Bouffan à Aix-en-Provence, le théâtre du Bois de l’Aune voit sa mission peaufinée et redéfinie avec MP 2013 : il entend être le théâtre de l’ouverture à tous les publics. Avec la programmation automnale jeune public, le Bois de l’Aune s’applique toujours un peu plus à s’ouvrir sans se brader. « Ce sont les grands mythes qui sont remis aux goûts du jour grâce à la diversité des formes, des styles et des propos », précise Catherine Laugier, responsable des programmations. Quatre spectacles, dont deux créations, sont au menu : La Bataille Débrid’arts), Rose is a rose (Zabraka), Attention pirature fraîche (compagnie Arsène) ou encore Rouge (Macompagnie), plus accessible aux adolescents. Chaque spectacle a lieu deux fois à Aix, puis dans deux autres villes de la communauté de communes. Attention : c’est gratuit, mais sur réservation.

Situated in the working-class neighborhood of Jas de Bouff an in Aix-en-Provence, the Bois de l’Aune theater has seen its mission finetuned and redefined by MP 2013: it intends to be the theater open to all audiences. With its autumn programming for young audiences, the Bois de l’Aune makes an even more of an eff ort to be open without selling out. “The great myths have been updated to the present day thanks to the diversity of its forms, styles and subject matter,” explains Catherine Laugier, director of programming. Four shows, of which two creations, are on the menu: The Battle (Débrid’arts), Rose is a Rose (Zabraka), Warning Fresh Pirating (Compagnie Arsène) or Red (Macompagnie) are the most accessible to teenagers. Each show has two performances in Aix, then in two other cities in the surrounding municipality. Attention: it’s free, but reservations are necessary.

Du 15 octobre au 2 novembre. Bois de l’Aune, 1 bis, place Victor Schœlcher, Aix-en-Provence. 04 42 93 85 40. Entrée libre. www.aixpaysdaix2013.com

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DESTINATION - MARRAKECH

BERNARD PLOSSU,

MAROC ET AUTRES SITES BERNARD PLOSSU, MORCOCCO AND OTHER SITES Figure emblématique de la Beat Generation, Bernard Plossu est un photographe nomade. Il présente aujourd’hui ses images du Maroc à la Galerie 127 et à l’Institut Français de Marrakech. An emblematic figure of the Beat Generation, Bernard Plossu is a nomadic photographer. Now, he is presenting his images of Morocco at the Gallery 127 and at the French Institute of Marrakech.

E

En 1975, Bernard Plossu s’apprête à traverser la Méditerranée. Son voyage au Maroc commence à Casablanca, se poursuit à Marrakech, et s’élance sur les routes du sud, de Tiznit à Ouarzazate en passant par Tafraout et Agdz. « Il cherchait certainement à retrouver, dans ces parties désertiques du Maroc, sahéliennes, presque africaines qui le fascinent, l’ambiance du Niger traversé quelque temps auparavant. Le désert reviendra toujours dans son travail comme une rémanence. Paysages originels, peuplés d’ombres fugitives, il les retrouvera le long du Nil en Égypte, au Sénégal, ou même plus tard encore

dans les contreforts pelés de l’Andalousie, ou dans la proximité de l’aridité rocailleuse des calanques de Cassis dans le sud de la France où il séjourne désormais », analyse Bernard Millet, Directeur de L’Institut Français de Rabat et commissaire de l’exposition. Bernard Plossu maîtrise l’art de l’instantané, du moindre détail, de l’éphémère posture. Les photographies présentent des enfants qui courent, une femme agenouillée, des silhouettes qui s’évaporent, le vent qui s’engouffre dans les vêtements. Partout où il va, Bernard Plossu ne donne pas à voir les caractéristiques du pays exploré, mais la poésie contenue dans certains moments ordinaires. L’exposition a été construite autour d’une série d’images réalisées au Maroc dans les années 70, et pour partie inédites. D’autres photographies, extraites d’autres séries réalisées par Bernard Plossu, la complètent et donnent à voir un ensemble rétrospectif de son œuvre. L.C. 118

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© Bernard Plossu

BERNARD PLOSSU DONNE À VOIR LA POÉSIE CONTENUE DANS CERTAINS MOMENTS ORDINAIRES.

www.if-maroc.org www.galerienathalielocatelli.com MARRAKECH Vol direct au départ de l’Aéroport Marseille Provence à partir de 79 € www.airfrance.fr


© Bernard Plossu

In 1975, Bernard Plossu was preparing to cross the Mediterranean. His voyage to Morocco began in Casablanca, followed by Marrakech and he embarked on the southern route from Tiznit to Ouarzazate, passing through Tafraout and Agdz. “He was most certainly trying to find, in the arid parts of Morocco – in the Sahelian, almost African landscapes that fascinated him – the atmosphere of Niger that he had crossed some time before. The desert constantly resurfaces in his work as a persistent element. Original landscapes, populated with fugitive shadows, he found them along the Nile in Egypt, in Senegal and even later in the stripped down buttresses of Andalusia, or in proximity to the rocky aridity of the Calanques of Cassis in the south of France, where he has lived ever since,” analyzes Bernard

Millet, Director of the French Institute of Rabat and commissioner of the exhibit. Bernard Plossu masters the art of snapshot, the smallest detail, the ephemeral posture. The photographs present running children, kneeling women, evaporating silhouettes, the wind wafting through clothes. Everywhere he goes, Bernard Plossu does not define the characteristics of the country he explores, but the poetry contained in certain extraordinary moments. The exhibition has been structured around a series of photographs that he took in Morocco in the 1970s, and are new for the most part. Other images, extracts from other series assemble by Bernard Plossu, complete it, giving us a retrospective vision of the ensemble of his work.

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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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RESTAURANT

L’INSOLITE

Un lieu, une exception à découvrir absolument ! Niché au fond d’une allée à 50 m de la préfecture, une terrasse sur les toits les pieds dans la pelouse vous attend pour déguster nos pizzas au feu de bois, une cuisine gourmande et colorée. • Le mercredi, soirée voyance ou karaoké. • Le jeudi, soirée illusionniste ou soirée humour. • Le vendredi soirée concerts en live. • Possibilité de privatiser le lieu.

5 rue d’Italie 13006 Marseille Infos & Réservation 04 91 43 91 51 Facebook : resto.linsolite 8e art magazine • septembre-octobre 2013

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RESTAURANT

LA VILLA

L’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affirme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jardin, ombragée l’été et chauffée aux jours frisquets. Sa cuisine off re un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée. Infos & Réservation 04 91 71 21 11

113 Rue Jean Mermoz • 13008 Marseille

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BRASSERIE - RESTAURANT

LE DAVID

La brasserie le David, véritable institution marseillaise, vous reçoit dans un cadre exceptionnel en bord de mer. À toute heure de la journée ou de la soirée, vous pourrez y prendre un verre entre amis ou vous restaurer en appréciant la fraîcheur des produits, la qualité de la cuisine du chef, et l’accueil toujours souriant du personnel.

99 Promenade Georges Pompidou • 13008 Marseille 04 91 79 99 63

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RESTAURANT

LE BOUCHON PROVENÇAL

C’est dans un lieu totalement rénové où s’entremêlent modernité et tradition que vous pourrez venir découvrir la carte du Bouchon provençal pour des saveurs teintées de notre douce Provence. S’attabler au Bouchon «nouvelle version», c’est adhérer a l’idée qu’il est possible d’associer création, goût et décontraction ! Le Bouchon c’est un prix, c’est du goût, c’est un mode de vie, un concept... La promesse qu’une autre cuisine est possible.

6 place aux huiles - 13001 Marseille Infos & Réservation : 04 91 33 44 92

RESTAURANT

ALBERT CAFÉ

PASSEZ À TABLE DANS UN JARDIN À BOMPARD... Au déjeuner comme au dîner, venez profiter du calme du jardin du Newhotel Bompard où oeuvres d’art et végétation méditerranéenne vous dépayseront. Dans une ambiance cosy l’hiver ou aux beaux jours sur la terrasse du jardin, le restaurant Albert Café vous accueille dans une ambiance détendue autour d’une cuisine de saison. Parking privé gratuit - Ouvert tous les jours - déjeuner et dîner Infos & Réservation 04 91 99 22 22

2 rue des Flots Bleus • 13007 Marseille • info@albertcafe.com • www.albertcafe.com

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SALON DE THÉ - BOUTIQUE DE DÉCORATION

AD CAFÉ

Installez-vous une seule fois ici, et l’AD café deviendra votre seconde maison… Un lieu idéal pour se ressourcer quelques heures et oublier ainsi le chaos de la ville le temps d’un déjeuner, d’un thé ou d’une pâtisserie maison… le tout dans une ambiance jazzy. L’AD Café est aussi une véritable malle aux trésors, un endroit remplit d’idées déco : horloges, lampes, miroirs, bougies, fioles, boites… etc. sélectionnés avec soin par Céline dont la décoration est à l’origine le métier. Il est aussi possible d’organiser une séance coaching-déco à domicile pour les plus séduits par l’originalité de l’endroit. Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 18h • Infos & Réservation 09 82 39 14 42

7 Boulevard Notre Dame 13006 Marseille

RESTAURANT

L’ENTRECÔTE DU HUITIÈME

Après vingt ans passés sur le port, L’Entrecôte du huitieme vous accueille tous les jours, à l exception du dimanche soir, pour déguster sa pièce de bœuf et sa fameuse sauce accompagnée de frites maison. Infos & Réservation 04 91 25 07 06

386 Avenue du Prado • 13008 Marseille

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RESTAURANT

LE COMPTOIR MARSEILLAIS

Installé sur la Corniche avec vue sur la mer de la terrasse ou de la salle, Le Comptoir Marseillais, vous reçoit pour déguster une cuisine Bourgeoise. Les cartes évoluent au gré des saisons pour vous proposer à midi un déjeuner simple et rapide et le soir un diner plus élaboré, des vins à choisir dans une magnifique cave en verre. Le dimanche le brunch vient compléter la carte. Et tous les soirs des apéritifs ou digestifs dans notre espace bar. Si vous avez besoin d’un lieu pour vos évènements : www.lecomptoirmarseillais.com Infos & Réservation 04 91 32 92 54 • www.lecomptoirmarseillais.com

5 Promenade Georges Pompidou • 13007 Marseille

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HÔTEL & RESTAURANT

CHÂTEAU DE LA PIOLINE

Cessez de cherchez un lieu différent...Venez !

Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence. Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel 260 rue Guillaume Du Vair 13546 Aix en Provence • 04 42 52 27 27 contact@chateaudelapioline.com • www.chateaudelapioline.com

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Oct. 2013 urbanisme / Architecture / Design 130

8e

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dĂŠcouvrez le nouveau titre de 8e art


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