INFLUENCES n°1

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édito

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AUTOMNE 2013

Euromed II : naissance d’une métropole Par Léa Coste

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la fois populaire et portuaire, Marseille s’apprête, avec l’extension d’Euroméditerranée, à se positionner en véritable métropole. Du village du Canet à l’Est au Grand Port Maritime à l’Ouest, et du Boulevard Capitaine Gèze au Nord à la tour CMA-CGM au Sud, 170 hectares viennent s’ajouter aux 310 hectares initialement alloués à Euromed. Une ville sur la ville qui se présente comme un véritable laboratoire pour la rénovation urbaine en méditerranée. Projet ambitieux. Des réseaux de transports efficaces, l’assurance d’une mixité sociale, un fort potentiel économique sont autant d’exigences à appliquer à ce nouveau quartier, dont la qualité de vie, agrémentée par les espaces verts, devrait être un atout maître. La ville, son urbanisme, son architecture, pensés comme les éléments d’un environnement élaboré par l’humain pour l’humain, se transforme, modelée par des projets de rénovation successifs. Elle est sans cesse re-imaginée par des architectes de renom : Zaha Hadid, Rudy Ricciotti, Jean Nouvel, Jean-Baptiste Pietri, Roland Carta, Yves Lion… De mutations urbaines en mutations sociales, l’homme cherche à se replacer au centre de son environnement. En multipliant les points de vue, en faisant intervenir des architectes comme des historiens de l’art et des designers comme des artistes confrontés à l’espace urbain, nous privilégions dans ce magazine une approche globale. Bonne lecture.

Influences est une publication des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille Service commercial : 09 81 80 63 79 Directeur : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr Impression :

Rédactrice en chef : Léa Coste l.coste@8e-art-magazine.fr Ont participé à ce numéro : Julie Bordenave, Fabienne Berthet, Joël Assuied, Guillaume Panariello, Marie Chareyre, Loïc Lami. Conception graphique et direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr

ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS - Tél. 04 90 68 65 56

En couverture. La passerelle extérieure du MuCEM. Photo : Joel Assuied

© R. RICCIOTTI et R. CARTA architectes / MuCEM 2013

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AUTOMNE 2013

INFLUENCES PENSER LA VILLE ARCHITECTURE l’entretien 08 Manuel Appert

le building 12 Jean Nouvel aux Quais d’Arenc la curiosité 14 L’habitat Social à l’horizontale

une histoire marseillaise 18 Le fantasme oriental de M. Leclerc 20 Entretien avec Nathalie Bertrand

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design L’idée 23 La maison intelligente.

Comment utiliser la domotique ? assis ! 26 Entretien avec Paul Venaille

lumière ! 28 Entretien avec Magali Terzian

urbanisme Art en ville 30 Entretien avec Anne Guiot

34 Un coucher de soleil en pleine nuit

Le Jardin

36 L’insoupçonné jardin de la Magalone 38 Entretien avec Philippe Deliau

40 Euromed,

acte II

42 Le contexte

• Euroméditerranée au fil du temps • Entretien avec François Leclercq 50 Les enjeux

• Une ville sur la ville • Quel usage de la nature en ville ? • Transports doux pour citadins mobiles • De l’innovation technologique au développement économique 56 Les grands projets

• Le parc urbain des Aygalades • La Corniche du littoral • L’Îlot XXL

portfolio 62 Le Mucem, pas à pas

carte blanche 74 Voyage à Porto

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TOUT CMA-CGM

TOUR HORIZON

LA MARSEILLAISE

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INFLUENCE

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L’horizon sera vertical.

Les métropoles européennes érigent leur puissance à la verticale. Les tours se multiplient et grandissent, porteuses d’interrogations concernant leur intégration dans le paysage urbain et leur relation avec certaines activités économiques. A Marseille, les quais d’Arenc changent de visage, modelés par des grands noms de l’architecture : après Zaha Hadid pour la tour CMA-CGM, Jean Nouvel, Jean-Baptiste Pietri, Roland Carta et Yves Lion signeront bientôt leurs projets.

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ar chitectur e

L’ENTRETIEN /

MANUEL APPERT

DE LA VILLE PORT À LA MÉTROPOLE D’AFFAIRES Maître de conférences en géographie à l’université Lyon-2 et spécialiste de la métropolisation de Londres, Manuel Appert nous livre ses réflexions sur la rénovation des Quais d’Arenc. Propos recueillis par Julie Bordenave

Quels sont à votre sens les enjeux identifiés de la rénovation en cours des Quais d’Arenc ? Il s’agit d’abord d’un réinvestissement du port de Marseille et donc d’une continuation du rapport étroit qu’entretient Marseille avec la mer. La redéfinition de la trame et du tissu urbain va permettre à la ville d’étendre son accès à la mer, comme cela a été le cas dans les deux métropoles portuaires, voisines et concurrentes, que sont Barcelone ou Gênes. Mais comme pour ces deux villes, il s’agit de nouveaux usages totalement en rupture avec les fonctions portuaires traditionnelles ; particulièrement à Barcelone, où une véritable gentrification organisée a été menée tambour battant durant les années 1990 et 2000, elle-même partiellement inspirée de la reconversion des docks de Londres. Donc en apparence, une continuité, mais dans les fonctions, un glissement très net de la ville-port au modèle de la métropole d’affaires. Dans ce modèle, les logements construits font la part belle aux catégories sociales supérieures, et les espaces publics sont standardisés pour répondre aux attentes de ces nouvelles populations. Les transformations actuelles des quais d’Arenc ne sont enfin pas étrangères au processus de gentrification du quartier du Panier. Le pouvoir transformateur est important, au risque, comme dans de nombreuses métropoles européennes, d’une éviction sociale. Quelles sont les symboliques de tels ensembles dans le cadre de la mutation urbaine de Marseille à une échelle plus large ? Le double choix d’ériger une première tour sur le dessin de Zaha Hadid, architecte anglo-irakienne starisée, atteste d’une volonté d’affichage du monde des affaires marseillais. La CMA-CGM, troisième armateur mondial, s’inscrit désormais dans le paysage, et l’architecture verticale choisie révèle une spectacularisation de la ville. Les choix architecturaux s’apparentent à l’adoption de codes et de normes qui rendent le paysage urbain de Marseille beaucoup plus lisible, au moins à l’échelle européenne. Marseille ne bénéficiait pas d’une image 10

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très positive parmi les investisseurs, et particulièrement ceux de l’immobilier. En usant de photographies aériennes, obliques, de vues de skyline, ou de photomontages privilégiant les rendus dans le grand paysage, la maîtrise d’ouvrage et les politiques assurent une double communication normée, à la fois sur les produits immobiliers et sur la ville dans son ensemble. Dans le cas de Marseille et des métropoles françaises plus généralement, cette stratégie est concomitante de l’arrivée du TGV. Comme à Lyon (Part Dieu), Lille (Lille Europe) ou Bordeaux, il s’agit de capitaliser sur les gains d’accessibilité pour attirer des investissements, des activités du tertiaire supérieur et bien sûr, les actifs qui les accompagnent. La verticalité est-elle une réponse à l’étalement urbain ? Non. La plupart des recherches menées sur le sujet montrent à quel point la densité n’est pas corrélée à la hauteur des édifices, mais plutôt à l’intensité d’utilisation du sol urbain. Ainsi par exemple, les îlots de type haussmannien (du type de la rue de la République à Marseille), fournissent une densité bien plus élevée que des ensembles de tours de 20 étages espacées. En effet, généralement, la planification des tours s’accompagne d’espaces de respiration au sol, selon les principes du Corbusier, qu’on y fasse référence implicitement ou explicitement. Les discours qui visent à justifier les tours par leur capacité à réduire les déplacements automobiles et limiter l’étalement urbain sont souvent exagérés. D’une part, parce qu’il faudrait atteindre les niveaux de densité de tours et de transports collectifs de Hong-Kong pour réellement obtenir des résultats convaincants. D’autre part, parce qu’il est désormais clair que la construction de tours dans les villes européennes aujourd’hui correspond davantage au développement d’un marché d’investissement immobilier qu’à une demande sociale locale. Ainsi, à Londres et Barcelone, la plupart des logements dans les nouvelles tours sont vendus à des investisseurs d’Asie du Sud-Est ou du Moyen-Orient. Construire des logements à plus de 5 000 euros du mètre carré à Marseille est difficilement interprétable comme une réponse au besoin de logements.


Les tours participent aussi à la construction de l’imaginaire collectif.

rarchie urbaine pour concerner aussi bien Saint-Pétersbourg que Liverpool, Marseille ou Lyon. Mais le retour des tours s’accompagne aussi de controverses, qui sont autant de signes des difficultés rencontrées par ces villes à intégrer ces objets proéminents susceptibles d’altérer leur paysage. Les acteurs privés qui entendent marquer le paysage de leurs tours et les municipalités qui autorisent les constructions, prennent potentiellement le risque d’altérer la visibilité d’édifices patrimonialisés, eux-mêmes ressource économique, ou de brouiller les références matérielles de la société (édifices ou compositions) qui participent à l’identité collective. Manuel Appert, géographe.

Quelles sont les contraintes à prendre en compte en amont de telles constructions ? A l’échelle de la ville, l’ampleur du stationnement prévu s’avère déterminant. A Marseille, avec une offre de transport collectif modeste, le risque est de générer de nombreux déplacements en automobile. Très localement, ce sont les circulations d’air et l’impact des ombres portées qui sont à maîtriser. Positionnées au sud de l’espace bâti, ces nouvelles tours étendront leur ombre sur les espaces plus au nord. Enfin, on peut se féliciter que les labels écologiques (Breaam, HQE…) soient aujourd’hui importants, y compris pour les investisseurs. Cela dit, même si d’importants progrès ont été réalisés en termes de performances énergétiques, les tours consomment toujours plus d’énergie par rapport à d’autres types d’édifices. Quelles tendances peut-on observer dans les récents ensembles de grande hauteur construits dans d’autres villes européennes ? Depuis la fin des années 1990, de nombreux projets de tours ont été proposés dans les villes européennes, modifiant leurs silhouettes, objets d’acculturation par les médias successifs. Des cabinets d’architectes renommés sont sollicités pour marquer de leur dessin les paysages, et potentiellement les représentations de ces villes : triangle (Paris), cornichon (Swiss Re, Londres), tesson (Shard, Londres)… Autant de formes reconnaissables qui se dressent dans - ou à proximité - des centresvilles, devenus vitrines urbaines. Londres, Madrid, Barcelone ont été parmi les premières à expérimenter le retour des tours. Aujourd’hui, la dynamique se diffuse à Paris, et descend la hié-

Un mot sur la Tour Marseillaise de Jean Nouvel ? Il est toujours difficile de donner un avis sur un projet de tour. En tant que géographe, c’est surtout la relation qu’entretient l’édifice avec son environnement plus ou moins proche qui importe. Plus que d’autres édifices, la proéminence des tours dans le paysage urbain, leurs impacts sur les conditions climatiques locales et les fonctions qu’elles hébergent doivent être compensées. Les tours proposées aujourd’hui à Marseille, et plus généralement en Europe, ne répondent pas aux attentes des populations locales. Si on considère, avec fatalité sans doute, que les municipalités n’ont pas d’autre choix que d’approuver ces projets, elles doivent être exigeantes et s’assurer qu’ils contribuent à l’ensemble de la cité, et pas simplement à des groupes ou individus que l’on souhaiterait attirer ou favoriser. Parce qu’elles constituent des points hauts dans la ligne d’horizon, elles offrent la possibilité de se repérer, de naviguer dans la ville. Elles participent aussi à la construction de l’imaginaire collectif de la ville et lorsqu’on y accède, elles permettent de maîtriser le magma urbain dans sa totalité ou presque ; une capacité que n’ont pas les citadins lorsqu’ils observent la ville au niveau de la rue. Aussi, deux conditions me semblent incontournables : il s’agit d’abord de garantir l’accès des étages élevés à une grande partie de la population, et de fournir des espaces publics et naturels en hauteur, en guise de compensation pour l’espace perdu au sol. Il s’agit enfin, en ces temps incertains, de montrer la plus grande transparence, et de contribuer à enrichir - et non dominer - le paysage urbain. A ce titre, les récentes réalisations de Jean Nouvel sont positives, dans la mesure où l’architecte tente d’extravertir ses réalisations (comme le Sofitel de Vienne, ou son projet de tour phare à La Défense) grâce à la création d’espaces «publics» en hauteur tout en transparence, et par l’utilisation d’éclairages subtils qui, la nuit venue, participent à animer le plafond noir de la ville.

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ar chitectur e LE BUILDING

JEAN NOUVEL AUX QUAIS D’ARENC Le quartier d’Arenc se prépare un nouveau visage à l’horizon 2016 : dans le cadre de la rénovation de ses quais, Jean Nouvel signe une tour de grande hauteur aux couleurs marseillaises. Par Julie Bordenave

a tour CMA-CGM a ouvert une brèche en 2010 : Marseille se dote désormais de gratte-ciels ambitieux, qui défient le ciel et l’horizon en modifiant le skyline de la ville. Sur le site des anciens entrepôts Entrecausse démolis en 2010, à proximité d’Euromed Center, le promoteur Constructa s’attelle depuis 2002 au « plus grand projet mixte privé de France » : sur 94 000 m2, les Quais d’Arenc regrouperont quatre bâtiments labellisés HQE, dont trois immeubles de grande hauteur. Choisi après consultation auprès des habitants, le nom du projet fait écho à ses objectifs : réinvestir les quais pour requalifier la façade maritime de Marseille, doter la ville de surfaces de bureaux afin d’attirer une clientèle internationale, et proposer logements de standing bénéficiant des qualités exceptionnelles du site - une vue panoramique sur la ville et la mer. Quatre architectes de renom se sont saisis du projet : Jean Baptiste Pietri a conçu le H99, abritant des logements sur mesure ; Yves Lion a imaginé la tour hôtelière Horizon ; Roland Carta, le Balthazar, un immeuble de bureaux acquis par AG2R La Mondiale. Enfin, la tour la plus haute du projet est portée par Jean Nouvel : La Marseillaise culminera à 135 mètres, et compte parmi ses premiers locataires Marseille Provence Métropole, qui y déménagera ses locaux en 2016. Sur 31 étages se déclineront des plateaux plurivalents spacieux et modulables, des jardins suspendus, une vue sur mer à 180°… Considérant l’« architecture comme un témoignage d’époque », Jean Nouvel perçoit son bâtiment comme une « césure végétale » : un hall d’entrée magistral accueillera les visiteurs pour recréer un « effet patio » (10 mètres de hauteur sous plafond, mezzanine arborée, 11 mètres de jardin intérieur). En façade, des couleurs rappelant la Méditerranée (bleu azuréen, ocre de la brique marseillaise), et un jeu de micro-trames créeront un effet d’art optique. Les quatre bâtiments seront reliés entre eux par un « strip » (une rue commerçante et végétalisée, éclairée de nuit), pour faire de ce nouveau quartier « la plus belle vitrine de Marseille », selon Constructa. www.lesquaisdarenc.fr

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© Michael Sirois

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INFLUENCE

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Vivre ensemble, 100 dessus dessous

Construire massivement et à moindre coût fut l’un des grands défis du XXe siècle. L’habitat social constitue un terrain d’expérimentation et un vivier de réflexion pour les architectes et les urbanistes, à la recherche de nouvelles manières de vivre ensemble.

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ar chitectur e LA CURIOSITÉ

L’HABITAT SOCIAL À L’HORIZONTALE Elément incontournable de l’architecture Montréalaise, Habitat 67 se pose comme une alternative aux tours d’habitation, entre densité urbaine et sociabilité. Par Léa Coste

« Il nous faut rendre vivante cette maison neuve qui n’a point encore de visage. La vérité pour l’un fut de bâtir, elle est, pour l’autre, de l’habiter. » Cette citation, extraite de l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry Terre des Hommes fut à l’origine, en 1967, de l’exposition universelle qui s’est tenue à Montréal. Habitat 67 en est devenu le symbole. Le bâtiment a été développé à partir des travaux de l’architecte (alors étudiant) Moshe Safdie, en combinant les systèmes de construction modulaire tridimensionnelle et les idéaux portés par le mouvement socialiste dans les années soixante. La thèse alors développée par l’architecte explorait de nouvelles solutions pour répondre à la double problématique de design urbain et d’habitat à forte densité humaine. L’édifice est composé de blocs modulaires imbricables. En partie préfabriqués et produits en masse dans une usine installée directement sur le chantier, les 354 modules ont été hissés et positionnés par d’immenses grues, de manière à ce que les toits des étages inférieurs servent de terrasses, ou de jardins, aux étages supérieurs. 16

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Avec cette réalisation, Moshe Safdie veut proposer une alternative aux grandes tours d’habitation, et prouver que la densité du centre ville n’est pas incompatible avec les avantages de la banlieue : posséder un jardin, et développer une sociabilité comparable à celle qui existe, supposément, dans les villages. Partant de ce constat, il est intéressant de noter que le projet initial de l’architecte ne comprenait pas seulement des habitations, mais aussi des écoles et des boutiques. La présence de ces espaces de sociabilité indique que l’enjeu n’est pas seulement la construction d’un logement social, mais la recréation d’un environnement, écrin d’une communauté. Cette approche n’est pas sans rappeler celles explorées au cours du 19e siècle par Charles Fourier à travers le Phalanstère (structure supposée regrouper tous les éléments nécessaires à la vie harmonieuse d’une communauté), ou un peu plus tard, par Le Corbusier à travers la Cité Radieuse à Marseille.

La cité Radieuse, ou Maison du Fada, fut construite à Marseille entre 1945 et 1952 par Charles-Édouard Jeanneret-Gris, alias Le Corbusier. Cette réalisation est la réponse de l’architecte aux problèmes de logement que connaît la France au sortir de la guerre. L’unité d’Habitation cherche l’équilibre entre logement collectif et intimité, veut choyer l’individu avec des intérieurs aux détails soignés : harmonie des proportions, choix minutieux des matériaux, insonorisation, ensoleillement… Mais aussi faire le lien entre logement social et sociabilité, en incluant terrains de sport et de loisirs, jardin, commerces et services de proximité. Le bâtiment s’adresse à l’humain, et en reprend les proportions avec l’utilisation du modulor, système de mesure permettant de déterminer tout espace destiné à l’homme, en se basant sur la hauteur moyenne d’un individu.

© Marie Chareyre

© DR

Logement collectif : le concept de la cité Radieuse.


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ar chitectur e UNE HISTOIRE MARSEILLAISE

LE FANTASME ORIENTAL DE MONSIEUR LECLERC Elle trône fièrement face à la plage de l’Estaque. La blancheur de sa façade attire l’œil, puis la rondeur de ses arcs, associée à la grâce de son échauguette, termine de titiller notre imagination. En s’approchant on lit, au-dessus de la porte : « Villa la Palestine ». Son entrée est déjà une mise en scène. Par Léa Coste • Photos : Loïc Lami

“Une entrée qui est aussi, par sa décoration, une entrée en matière pour la villa la Palestine.”

Portrait de Monsieur Leclerc, commanditaire de la Villa la Palestine.

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ux alentours de 1900, Monsieur Leclerc se rend à une exposition universelle. Originaire de Bourges, il a fait fortune dans la couture, en tant que tailleur pour homme. En se promenant dans les allées de l’exposition, il se trouve face à une maquette, une maison de style oriental. « Je veux la même », se serait-il exclamé. Cette maison, il la fera construire dans le quartier de l’Estaque, lieu prédestiné à la villégiature. En 1903, ce n’est pas un grand architecte orientaliste qui termine les travaux, mais un petit entrepreneur de Saint-Henri, l’entreprise Olive Frères. Comme beaucoup de maisons orientalistes, la Villa Palestine est un rêve, un fantasme. Monsieur Leclerc y laisse s’exprimer son imagination : il intègre des éléments art déco, pare sa loggia de peintures à l’ocre avant de la fermer avec des vitraux, ajoute une aile et une échauguette.

« Comme beaucoup de maisons orientalistes, la Villa Palestine est un rêve, un fantasme. » La maison grouille de vie, et, parmi les visiteurs, il y a Madame Madeleine Ricou. Lingère, veuve d’un boulanger de Salon-deProvence, elle vient à la maison apporter les draps de Monsieur Leclerc, repassés et brodés. Lorsqu’il veut en faire sa maîtresse, elle répond simplement que c’est le mariage, ou rien du tout. Cette aventure, leur arrière-petite-fille, Martine Ricou, la raconte entourée de documents. A mesure qu’elle commente plans, cartes postales et photos, c’est son histoire qu’elle nous transmet, en même temps qu’une infime partie de l’histoire de ce quartier.

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1. La blancheur de la façade

5. La ligne de merlon, ici en dent de scie

2. Une volumétrie éclatée comprenant souvent un élément vertical qui rappelle le minaret. 3. Les arcs outrepassés, qui forment ici une loggia

6. Echauguette faisant office de belvédère. Ce type de décrochements, fréquent, permet de créer des jeux d’ombre et de lumière et de privilégier un point de vue.

4. Les arcs outrepassés, qui sont parfois surbaissés, peuvent être ornés de faïences ou autres décorations.

7. Le palmier, élément essentiel du jardin exotique qui accompagne généralement les villas.

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© Guillaume Panariello

UNE HISTOIRE MARSEILLAISE

« L’ORIENTALISME N’EST PAS L’ORIENT » Nathalie Bertrand, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste de l’architecture contemporaine revient avec nous sur le mouvement orientaliste qui a marqué le XIXe siècle. Par Léa Coste

La présence du style orientaliste dans l’architecture méridionale est le reflet des échanges culturels entre Orient et Occident. Quelle a été l’origine de ces échanges ? Les échanges entre Orient et Occident ne datent pas du XIXe siècle mais vont se renforcer au XIXe siècle. Ils vont être commerciaux, militaires et diplomatiques avant de devenir culturels. On considère la campagne d’Egypte de Napoléon (1798) comme le point de départ de différents échanges commerciaux, où Marseille, en tant que port de commerce, aura un rôle majeur. Les messageries maritimes et la navigation à vapeur vont également contribuer à la circulation des hommes et des biens autour de la méditerranée. Ensuite, le canal de Suez (inauguré en 1869) ouvre une porte sur la méditerranée, sur l’Orient, et favorise les échanges et la navigation. Les termes d’Orient et d’orientalisme naissent au XIXe siècle et sont propres à cette période, mais auparavant, il y avait des échanges et des communications. Comment identifier les éléments de l’architecture orientaliste ? Les éléments de l’architecture orientaliste sont assez simples et récurrents : il y a la blancheur des façades, le minaret qui va devenir belvédère, l’arc outrepassé, les faïences, les céramiques et la ligne de merlons. On a donc un vocabulaire assez réduit d’éléments architecturaux qui vont être réadaptés et à chaque fois réutilisés sur différents édifices, parfois de manière très subjective. Il faut bien comprendre qu’en ce qui concerne l’orientalisme en architecture, il n’y a aucun souci d’authenticité, l’orientalisme n’est pas l’Orient, on est presque à la création, l’invention d’un concept architectural, d’une écriture architecturale, mais il n’y a pas de souci d’imitation servile d’un modèle. La différence majeure va se faire au niveau du plan et de la décoration. La maison arabe, par exemple, est extrêmement introvertie, elle ne laisse rien paraître extérieurement de sa décoration, de son luxe et de sa somptuosité, à part sa porte de bois. Elle est organisée autour d’un plan centré, d’une cour, d’un patio ou d’une fontaine, et elle dévoile ensuite la richesse de ses matériaux et de sa décoration : les stucs, les zelliges et les faïences. L’orientalisme, 20

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c’est l’inverse, c’est du façadisme, la richesse et la décoration s’exposent donc en façade. L’influence orientale a-t-elle été réinterprétée ou seulement imitée ? Il y a en fait eu appropriation. Edward Said disait d’ailleurs que l’orientalisme était une forme de colonisation, que c’était l’Orient créé par l’occident. Et il est vrai que c’est une création, après, le débat sur la colonisation, c’est autre chose…

« En ce qui concerne l’orientalisme en architecture, il n’y a aucun souci d’authenticité » Cette appropriation répond-elle à un besoin spécifique, à une fonction spécifique ? Oui. Cela est lié à l’émergence d’une architecture domestique renouvelée, au XIXe siècle, avec la création d’un programme architectural nouveau qui s’appelle la villa. On s’autorise alors de l’éclectisme, la multiplicité des références stylistiques, géographiques, historiques, et l’Orient en particulier participe à cette envie de voyage architectural. Quels édifices de la région pourrions-nous visiter pour parfaire notre culture de l’architecture orientaliste ? Vous pourriez partir de la villa la Palestine à Marseille, pour ensuite vous rendre à la Villa Tamaris, la construction de Michel Pacha à la Seyne-sur-mer. Puis jeter un coup d’œil à l’oeuvre de Chapoulart le long de l’autoroute vers Toulon, qui s’appelle la villa Helvetia (comme la Suisse, j’ignore pourquoi ils lui ont donné ce nom, c’est curieux !). Enfin, terminer votre périple à Hyères avec les villas de Chapoulart pour Godillot.


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design L’IDÉE

AU DOIGT ET À L’OEIL

Piloter sa télévision, modifier l’intensité lumineuse ou la température ambiante en un clic, c’est possible grâce à la domotique. Cet ensemble de techniques permet de centraliser différents systèmes pour satisfaire vos besoins de confort, de sécurité et de communication dans votre environnement domestique. Vous n’aurez jamais été mieux servi par vous-même. Par Fabienne Berthet

n geste sur l’écran d’un smartphone et l’écran plasma s’allume, l’alarme s’active et les rideaux se ferment. Vous êtes dans le monde de la domotique et cotoyez un peu le rêve d’Alexandre le bienheureux qui, de son lit, régissait via quelques cordons et poulies les nécessités domestiques. Aujourd’hui les applications de la « maison intelligente » couvrent un champ extrèmement large et sont, pour la plupart, controlables depuis un smartphone. Un smartphone tout-puissant

« L’objectif est de fluidifier la vie courante et, via un seul support, de pouvoir piloter l’ensemble de sa maison », explique Alexis Nazarian en charge d’un bureau d’étude marseillais spécialisé, Domotic (www.domotic.fr). L’Iphone et Ipad sont les supports les plus plébiscités et assurent la centralisation des requêtes, mais tout autre tablette tactile ou smartphone peut assurer le service. « Il s’agit d’organiser des systèmes en fonction de situations récurrentes, d’harmoniser les différents protocoles » relève l’expert. Le public se laisse peu à peu séduire par les atouts de la domotique. Autant pour ses services de confort (harmonisation des lumières, centralisation des commandes, etc.) que pour ses avantages en terme de sécurité et de protection de son habitat. « Les dispositifs comme l’alarme automatisée ou la détection de gaz toxique sont des arguments à haut potentiel », précise un amateur. Cette technologie révèle aussi d’autres vertus, comme la possibilité de maintenir à domicile des personnes dépendantes. Grâce à 22

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des détecteurs de présence, des robots multitâches et tout un ensemble de fonctionnalités qui facilitent le quotidien, la domotique n’est plus l’apanage des foyers passionnés de modernité, c’est aussi une solution qui peut rendre l’habitat bienveillant et adapté aux spécificités de chacun. De nouvelles fonctionnalités

La réglementation incitant les foyers à surveiller leur consommation d’énergie, la domotique se charge également de contrôler vos dépenses de courant pour un ajustement optimal de vos frais d’électricité. La rationnalisation de cette consommation s’opère en maintenant vos appareils en veille et en les allumant uniquement lorsque c’est nécessaire. C’est cette nouvelle facette de la domotique, accessible, utile et polyvalente, qui tend à faire de cette technologie un compagnon domestique de plus en plus sollicité. « Pour un bon équipement, on est aujourd’hui sur une base de 200 euros le mètre carré. » A terme, l’objectif est de permettre aux différents éléments de la maison, comme les appareils électroménagers, l’alarme, les stores, de dialoguer entre eux. Les coûts devraient toutefois se réduire du fait de l’augmentation de la demande et de l’adaptation des services au plus grand nombre. Centralisé autour d’une box via un écran et connecté à internet, la domotique devrait, à l’avenir, investir nos foyers et nous permettre de connaître les privilèges réservés à ceux qui pouvaient jouir des services d’un majordome, comme une forme d’anoblissement numérique.


DOMESTIQUES NUMÉRIQUES Equipement indispensable de la maison du futur, la domotique se décline à travers différents dispositifs. En voici un petit échantillon.

Pour les économies d’énergies, une station météo sur votre toit permettra aux volets roulant de s’actionner automatiquement en fonction du temps. www.maison-et-domotique.com

En panne de tenue ? Le dressing fait sa sélection en fonction de ce qui reste dans vos placards. www.maison-et-domotique.com

Pour les accros à la connexion, c’est depuis le plan de travail de la cuisine que vous lirez vos mails, sur un écran tactile intégré. www.semageek.com

Pour les mélomanes compulsifs, il est possible de planifier sa playlist d’une pièce à l’autre.

Pour être sûr de ne pas louper son dîner, la cave connectée, alerte quand le niveau du stock atteint un stade limite.

Pour les matins brumeux, le grille pain vous sert vos tartines à l’heure souhaitée.

www.monprojetdomotique.fr

www.touteladomotique.com

www.blog-city.info

Il est aussi possible de servir ses boissons à distance, grâce à une application permettant de contrôler à distance une cafetière nouvelle génération

Pour les inquiets, une tablette regroupe les différentes vues prises par vos caméras de surveillance au sein d’une même interface.

Les maniaques de l’hygiène apprécieront la brosse à dent connectée qui permet d’obtenir, sur son smartphone, des informations sur le temps de brossage et d’établir des statistiques.

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design ASSIS !

ENTRETIEN /

LA CH’AIR DE PAUL VENAILLE De Xavier Pauchard à Arne Jacobsen en passant par Charles Eames, les créateurs les plus productifs ont livré leur interprétation de l’assise. Fonctionnelle, confortable, esthétique, en matière de design elle se taille la part du lion. Comment et pourquoi ? Explications avec Paul Venaille, jeune designer à l’origine de Ch’air.

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Par Fabienne Berthet

L’assise est-elle aujourd’hui le produit phare du design ? D’une façon générale, l’audience du design est de plus en plus importante. De plus en plus de personnes s’y intéressent pour une pièce, une lampe. Certaines grandes enseignes, dont Ikea, ont encouragé cette culture du mobilier dessiné, pensé mais accessible financièrement. Et à ce titre, les assises, fauteuils, chaises, tabourets etc. sont des objets d’achats privilégiés. En tant que créateur, c’est souvent ce qui m’a marqué dans le travail des designers. Il existe de nombreuses pièces emblématiques comme l’Egg d’Arne Jacobsen, l’Ant de Verner Panton, un des premiers modèles moulés par injection, la chaise longue LC4 Corbusier. Le finlandais Alvar Aalto par exemple, un de

«Une assise s’avère à la fois visible, utile, rarement encombrante, représentative d’un choix artistique et souvent innovante.» mes designers préférés est un maître de l’organique des années 30. Il inspire aujourd’hui le travail de nombreux créateurs. Une assise s’avère à la fois visible, utile, rarement encombrante, représentative d’un choix artistique et souvent innovante. Existe t-il des modes en la matière ? Il m’importe de faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire tout en restant en phase avec notre époque. Maintenant le plus souvent, le projet s’impose simplement. Mais il existe des tendances fortes, des matériaux peuvent être privilégiés à une époque - aujourd’hui on travaille beaucoup sur les alliages mais l’objet doit rester fonctionnel et économiquement envisageable, pas uniquement innovant - à d’autres ce sera plutôt la performance technique, ou encore l’aspect spectaculaire mais le confort et l’usage s’avèrent toujours prédominants. C’est souvent la combinaison de tous ces aspects qui rend un objet exceptionnel. 24

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Pourquoi avoir choisi de créer la Ch’air ? Une sorte de défi, normal pour un jeune designer ! Entre le moment où j’ai travaillé sur un bureau « Subduction » pour mon diplôme et aujourd’hui, où j’interviens sur un projet de table basse, j’ai eu envie de créer quelque chose de différent, d’aller au-delà des contraintes techniques, de travailler dans l’absolu en quelque sorte. Il s’agit pour l’instant d’un prototype. C’est une assise qui consiste en une feuille dépliée en une seule courbe. Mon ambition a été de lui conserver une apparence aérienne et de réussir une performance technique puisqu’elle est composée de fibre de verre et de carbone. Une première expérience dans la résine et le moulage. Je suis à la recherche d’entreprises ou éditeurs, pour une réalisation plutôt en fibre de verre. Pour des raisons de fonctionnalité et d’économies.

Paul Venaille, jeune designer et créateur de Ch’air


CH’AIR

La Ch’air, créée par le designer Paul Venaille, est un prototype d’assise combinant le confort d’un fauteuil à l’ergonomie d’une chaise. Le jeune créateur a utilisé un alliage de fibre de carbone et de fibre de kevlar pour modeler, à partir d’une feuille unique, les courbes élégantes de ce siège. Une initiative intéressante qui s’affranchit de l’assemblage des pièces, et préfigure les attributs des objets de demain.

INCEPTION CHAIR

Dix cadres de chaises s’imbriquant les uns dans les autres forment l’Inception Chair, créée en 2011 par Vivian Chiu pour la Rhode Island School of Design (RISD). Chaque cadre est paré de chevilles et d’encoches lui permettant d’accueillir le modèle inférieur, et de réunir en un seul volume tous les éléments du projet. Par ce montage en perspective, la designer nous invite à une immersion dans la substance de l’objet.

FLIP Des meubles high tech et multifonction, sortis tout droit de l’esprit résolument ludique du designer japonais Daisuke Motogi. La série Flip permet à chaque meuble d’avoir plusieurs usages : une fois retourné, un fauteuil devient rocking chair, une table haute se transforme en une version basse. Le polyuréthane, carac-

téristique du design Sixinch, confère à la Flip une légèreté surprenante. « Même un enfant, sans aide, peut jouer de cette polyvalence » souligne le designer, qui, après un premier prototype créé en 2011, s’oriente maintenant vers le mobilier pour enfant.

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design LUMIÈRE !

ENTRETIEN /

FIAT LUX ET LA LUMIÈRE “FUX” ! Qu’il s’agisse de créer une ambiance ou de dessiner des volumes, les luminaires participent à la mise en scène de nos intérieurs contemporains. Magali Terzian, chineuse professionnelle et propriétaire de l’Uniq Galerie, revient sur les grandes lignes du design lumineux. Par Fabienne Berthet

Quelle place prend aujourd’hui le luminaire dans l’ensemble de la création design ? C’est un aspect fondamental qui a toujours été traité comme tel par les hommes de l’art. Un bel exemple que celui des architectes Franck Lloyd Wright ou le Corbusier qui travaillent la question à part entière, que la lumière soit artificielle ou naturelle. « L’architecture est le jeu, savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière », disait d’ailleurs ce dernier. Il faut le savoir, la lumière a toujours été un élément central de la décoration d’intérieur, elle incarne la vie, la chaleur, le bien être. L’éclairage est-il essentiel ? Lampadaire, abat jour, suspension, applique, liseuse, veilleuse, lustre… La richesse du vocabulaire est en soi indicative de la variété de ces objets de design qui sont devenus indispensables dans nos lieux de vie et de travail. Symboliquement, ils représentent la créativité. Ce sont aussi des objets artistiques et décoratifs qui construisent et finissent une ambiance. La généralisation des ampoules économes en énergie a changé la perception de l’éclairage. La lumière prend son temps, s’avère plus froide, désincarnée mais curieusement elle n’a jamais semblé aussi artificielle et éloignée de celle historique, chaleureuse et première, du feu. Que l’on pense, en effet, aux ambiances tamisées permises par la bougie ou l’incandescence.

Certaines pièces restent-elles plus recherchées que d’autres ? Oui et on le constate tous les jours à travers les pièces que nous chinons. Il existe un vrai engouement du public pour les luminaires. Il existe des pièces fortes en matière de design lumineux. Comme souvent dans le domaine du design, l’apport italien est incontestable. Des créateurs comme Artémide (entreprise fondée en 1960) sont maintenant connus du grand public, alors que certains grands noms du design lumineux, comme Michele de Lucchi ou Achille Castiglioni s’adressent plutôt à un public d’initiés. Généralement, les acquéreurs potentiels ne viennent pas avec des idées préétablies : ils cherchent un lampadaire ou un lustre, un éclairage central ou indirect, ils s’intéressent à une mise en scène. Notre travail consiste à les orienter. Le luminaire peut être purement fonctionnel, se faire oublier ou au contraire s’apparenter à un objet d’art, à une sculpture, être un geste fort. Tout dépend de la personnalité de chacun. 26

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© Joel Assuied

«Le luminaire peut être purement fonctionnel, se faire oublier ou au contraire s’apparenter à un objet d’art, à une sculpture, être un geste fort. »


design LUMIÈRE !

LA LUMIERE AU CHOCOLAT

Le designer suédois Alexander Lervik est à l’origine de la lumière en chocolat. C’est en se questionnant sur la nature des contrastes lumineux et les affrontements entre ombre et lumière que le créateur a imaginé cette oeuvre : « Il faut attendre plusieurs minutes pour que la lumière apparaisse, comme celle d’un levé de soleil le long de l’horizon ». Après environ 15 minutes, le chocolat a fondu, puis se solidifie pour être dégusté.

IT RAIN

La création suspendue it rain 137 a été imaginée en 2012 par le designer Thierry Gaugain. La structure inspirée de la pluie tombante se combine à une nouvelle technologie d’éclairage, l’Oled, développée par la société toulonnaise Blackbody. La composition joue sur les formes et les couleurs pour créer une impression de fluidité.

ORI TABLE LIGHT

Le designer textile Mika Barr s’est associé au studio de design Producks pour imaginer Ori Table Light. Cette création s’appuie sur les techniques de l’Origami (art du pliage japonais) et propose un abat-jour au tissu modulable. Le pliage permet à l’utilisateur d’intervenir à la fois sur la forme finale de la lampe et sur les contrastes lumineux créés par les reliefs.

LITTLE PIXEL BULB

La Little Pixel Bulb a été créée par l’artiste et designer luminaire américain Marcus Tremonto, et présentée en 2010 au salon de Milan. Le créateur livre sa lecture de la pop culture à la lumière des nouvelles technologies, en reprenant la forme initiale d’une ampoule découpée façon pixel. En s’inspirant de l’univers de la bande-dessinée, Marcus Tremonto intègre un élément en deux dimensions dans un environnement en trois dimensions.

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INFLUENCE

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Réveiller la poésie de la ville 28

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INFLUENCES • automne 2013

© Augustin Legall

Eprouver l’espace public, c’est intérioriser sa dimension sociale. Son aménagement traduit un usage, différent s’il s’agit d’une grande place à l’esthétique quasi lunaire, ou d’un petit square ombragé. Mais lorsque la création artistique envahit la ville, elle bouleverse tous les codes pour se livrer au public.

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ENTRETIEN / ANNE GUIOT

DISPOSITIF ARTISTIQUE POUR PLACE PUBLIQUE Pour le lancement de l’édition 2013 de son festival La Folle Histoire des Arts de la Rue, Karwan a fait appel à la compagnie Carabosse pour transfigurer le Vieux-Port. Propos recueillis par Julie Bordenave

Comment est né le projet Le Vieux-Port entre flammes et flots ? Marseille-Provence 2013 nous a invité à réfléchir à la manière d’accompagner les nouveaux aménagements urbains, ce qui rejoignait le désir de Vieux-Port que nous avions dans le cadre de l’écriture de la Folle Histoire. Les intentions de Marseille Provence Métropole autour du projet urbanistique, qui n’existait à l’époque que sous forme de maquette, laissaient transparaitre une forte envie de piétonisation, une volonté de recréer du lien avec la mer, en enlevant les obstacles qui obstruaient la vue. Contrairement à Paris, Lyon ou Toulouse, Marseille

© Augustin Legall

« Le vieux port c’est notre place publique, avec de l’eau et des bateaux au milieu ! »

manque de grandes places publiques. Le Vieux-Port joue ce rôle, il est vécu par tous les Marseillais comme un point de ralliement : c’est notre place publique, avec de l’eau et des bateaux au milieu ! Pour Karwan, il s’est alors agi de magnifier son usage habituel : le traiter comme un espace public, en y rajoutant de l’intimité. L’idée de faire appel à Carabosse a émergé naturellement : ses installations de feu, posées entre chien et loup jusqu’à tard le soir, savent faire naître de la poésie, même dans un dispositif qui s’adresse à 100 000 personnes. Pourquoi avoir fait renaître le pont transbordeur ? Nous avons souhaité aller plus loin sur l’idée de promenade, en investissant le Vieux-Port dans sa totalité, jusqu’à pouvoir marcher sur l’eau ! Le lien avec le passé a surgi très vite : sur les photos d’époque, le pont transbordeur suspendu crée l’illusion d’un grand rideau de scène. Ce pont reste un fantasme, une 30

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© Algo

Anne Guiot, directrice de Karwan à l’origine du projet entre flammes et flots.

Quel est l’impact d’une installation éphémère, aussi monumentale soit-elle, sur la ville au quotidien ? Un projet d’une telle ampleur fait réellement bouger la ville : les décisions politiques ont été assez rapides, il a fallu ensuite que tous les services se mettent en place. C’est là que les arts de la rue sont intéressants : un peu comme dans l’aménagement urbain qui nécessite la mise en œuvre de grands corps de métier, de tels dispositifs sollicitent une multitude de compétences - marins pompiers, police municipale, nationale, préfecture, services de la sécurité, de nettoyage... Toutes ces personnes se sont emparées du projet pour trouver des solutions. La poésie du projet a embarqué tout le monde. (1) Inauguré en 1905, le pont transbordeur, construit par l’architecte Ferdinand Arnodin, reliait les deux rives du Vieux-Port. Il a été détruit en 1944.

© Augustin Legall

trace forte dans la mémoire collective marseillaise. Nous l’avons recréé à fleur d’eau, pour permettre de faire le tour du bassin, et offrir des points de vue inédits sur la baie : c’est une perspective qui est rare ! Cette résurgence nous projette dans le passé ; tandis que la balade nous projette dans le futur, en appelant les prochaines phases d’aménagement du Vieux-Port. C’est lui qui reste le sujet de l’installation, c’est son atmosphère qui crée tout.

www.karwan.info www.ciecarabosse.fr

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« UN COUCHER DE SOLEIL EN PLEINE NUIT » © Augustin Legall

6 000 pots de flammes ont illuminé la nuit marseillaise début mai. Une manière originale d’accompagner la rénovation urbaine du Vieux-Port, entre relecture du patrimoine et inscription dans l’avenir. Par Julie Bordenave

Les deux rives du vieux port, réunies par le pont transbordeur.

Le Vieux-Port de Marseille est un formidable théâtre. Notre projet vise à le magnifier, dans une nouvelle mise en scène » : ainsi s’exprime Eugene Caselli, président de Marseille Provence Métropole, pour présenter l’aménagement urbain du Vieux-Port, dont la première phase a été achevée début 2013 par le paysagiste Michel Desvigne et l’architecte Norman Foster (1). Début mai, ce projet urbanistique a littéralement été transfiguré par une éblouissante scénographie à l’échelle du site : l’installation de feu Entre flots et flammes y invitait à la déambulation poétique le temps de deux soirées. Une nouvelle déclinaison du savoir-faire de Carabosse, qui manie depuis 1997 son vocabulaire de flammes – boules de braise, abat jours, forges, torchères, gyroscopes, lianes, balancelles... –, dans des dispositifs monumentaux à travers le monde. Après avoir illuminé le Jardin des Tuileries (Nuit blanche, Paris, 2007), le parc botanique d’Adélaïde (Womadelaide Festival, Australie, 2008), la Cité impériale de Hué (Vietnam, 2012) ou encore Stonehenge (London Festival, 2012), la compagnie a imaginé pour Marseille sa plus grosse installation jamais réalisée : 6 000 pots de feu répartis sur tout le pourtour du Vieux-Port ; un pont transbordeur flottant de 150 mètres pour en relier les deux rives invitant à marcher sur l’eau ; et un appel au large, via une ligne enflammée à fleur d’eau le long du chenal, débouchant sur un lustre de feu haut de 35 mètres à l’entrée de la passe : « le nouveau phare du vieux port ! » s’amuse Franck Bouilleaux, directeur technique et chef du projet. Une œuvre éphémère, destinée à impulser de nouveaux usages 32

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à un Vieux-Port considéré comme une place publique : ralentir les flux, offrir un instant de contemplation sur cette calanque originelle, l’antique baie du Lacydon, qui séduisit Gyptis et Protis au point d’y fonder Massalia en 600 av JC, murmuret-on à l’oreille des embruns. Une telle prouesse technique s’imagine en étroite collaboration avec les acteurs du VieuxPort - en premier lieu ses 21 sociétés nautiques -, et avec ceux qui le régissent : préfecture, affaires maritimes... Le défi pour des arts qui prennent la ville comme terrain de jeu, c’est de prendre en compte ses usages quotidiens, comme ses mutations en cours : « nous avons pensé le projet à partir des plans d’urbanisme, car le Vieux-Port était alors en chantier. Il faut savoir anticiper et s’adapter, ça fait partie des contraintes des arts de la rue. Pour un tel projet, aucune répétition n’est possible ! », s’amuse Franck Bouilleaux. Ainsi l’ombrière, qui a poussé en début d’année sur le quai de la Fraternité, a été intégrée au projet : « nous nous en sommes servis comme d’un miroir, pour y refléter des objets de feu au sol et lui donner une autre couleur. Un vrai coucher de soleil en pleine nuit ! ». Une manière de détourner l’infrastructure ordinaire de la ville, pour s’immiscer dans la mémoire collective et modifier de manière pérenne le regard sur l’environnement urbain. La deuxième phase de travaux concerne l’entrée du port, à horizon 2020. www.vieuxportdemarseille.fr

« Il faut savoir anticiper et s’adapter, ça fait partie des contraintes des arts de la rue. »


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le jardin

L’INSOUPÇONNÉ JARDIN DE LA MAGALONE Aux abords du boulevard Michelet, à deux pas de la cité radieuse se cache le jardin de la Magalone. Ecrin d’une école de musique, ce parc est également une incarnation du jardin à la française. Par Fabienne Berthet

L

es frères Magalon, riches négociants marseillais ayant fait fortune dans le commerce des armes, firent construire au XVIIIe siècle, dans le neuvième arrondissement de Marseille, une bastide entourée d’un parc. Face à la cité radieuse de Le Corbusier, cet édifice aux allures de villa italienne se détache de la verdure environnante. Un perron en pierre dessine l’entrée, entourée de deux ailes surmontées de balustres. Cette bastide, plutôt éclectique, abrite aujourd’hui une école de musique dans ses murs, et accueille parfois quelques concerts dans son jardin. Etendu sur plus d’un hectare, le parc est une

© Marie Chareyre

Etendu sur plus d’un hectare, le parc est une démonstration de l’ordonnancement du jardin à la française. démonstration de l’ordonnancement du jardin à la française. Les allées définissent plusieurs perspectives, d’où s’échappent des alignements de bassins, des parterres gazonnés et des bosquets fournis. A l’angle des rectangles de pelouse, des statues imposantes et des vases monumentaux ponctuent la visite. Les chemins ainsi crées, comme des invitations à la déambulation, sont en fait des parcours de promenade préétablis, et étudiés pour montrer la bâtisse sous son plus beau jour. Au milieu de cette verdure disciplinée se trouve une chapelle surmontée d’une coupole, que l’on pourrait aisément confondre avec un simple kiosque. Le jardin de la Magalone, peu connu, est un écrin de verdure encerclé de boulevards, un espace vert enraciné dans la ville mais qui produit, parfois, quelques fausses notes.

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le jardin

ENTRETIEN / PHILIPPE DELIAU

“INSÉRER LE VÉGÉTAL DANS LE TISSU URBAIN” Philippe Deliau, ingénieur paysagiste chez Alep, à Cadenet (84), aménage des sites à vocation naturaliste ainsi que des parcs et jardins. Il travaille actuellement sur un réaménagement du jardin d’Acclimatation à Paris, dans le cadre du projet de la fondation Louis Vuitton autour du bâtiment phare de Franck Gehry. Par Fabienne Berthet

Philippe Deliau, ingénieur paysagiste, gérant chez Alep.

Ingénieur ou architecte paysagiste, ce métier compte de nombreuses facettes ? Travailler sur le paysage nécessite une pluridisciplinarité et un intérêt pour le vivant. On travaille à développer la scénographie et l’aménagement de sites dits naturels. Il faut bien comprendre que nous avons largement dépassé la notion du végétal pour nous placer à un niveau plus global qui interpelle sur la place que prend le paysage dans la ville, sur son rôle social, son insertion dans le tissu urbain. Il est symbolique de voir que le réaménagement du Vieux-Port de Marseille, site minéral par excellence, est porté par Michel Desvignes, un paysagiste. Vous travaillez à des échelles très différentes ? Oui c’est l’un des intérêts de ce métier. Il est possible d’intervenir sur un petit jardin qui implique beaucoup de minutie ou sur le canal du Midi où un projet de replantation sur 280 km est en gestation ce qui en fait le plus grand parc linéaire planté du monde. Autre échelle en bordure de la fondation Louis Vuitton, dans le jardin d’Acclimatation à Paris, où nous intervenons, près de 90 arbres sont en cours de plantation, érables de Cappadoce, noyers, chênes rouges, tulipiers de Virginie et tilleuls à feuille de cœur… Comment construit-on un paysage ? Au départ, c’est une histoire que l’on veut raconter. Il importe de partir du contenu, de ce qui fait la valeur du lieu, de son rôle, puis de développer les thématiques que l’on souhaite mettre en avant. Par exemple, sur un domaine viticole, type de lieu sur lequel nous travaillons régulièrement, on réfléchit à la fonction du lieu et à ses usages : par où arrive t-on ? Quel est le parcours des visiteurs ? Une fois que l’image que l’on entend donner est identifiée, le travail de composition commence. Il faut garder 36

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Nous avons dépassé la notion du végétal pour nous placer à un niveau plus global qui interpelle sur la place du paysage dans la ville.

toujours en tête, le rôle social de l’espace qui reste aujourd’hui prédominant. L’art des jardins a-t-il beaucoup évolué ? Longtemps ont prévalu deux tendances, d’un côté disons l’art à la française qui veut qu’un jardin soit symétrique et organisé, symbolisant ainsi la puissance du roi et sa capacité à réinventer un paysage, de l’autre celui à l’anglaise, souple et romantique qui montre la réconciliation de l’homme et de la nature avec des cascades, des rochers, des lacs… Aujourd’hui, ce n’est plus si simple d’abord parce que le nombre de paysagistes, qu’ils soient également ingénieurs architectes ou pas, a beaucoup augmenté, ce qui génère forcément des styles très différents. Il existe autant de dessins que de compositeurs. Autre tendance forte, on a réintroduit une grande diversité végétale. De même, le mode de gestion se veut pragmatique, moins pesant. L’écologie joue à plein, désormais pour l’arrosage, les engrais, l’entretien. Les espaces restent ainsi plus sauvages, on fauche moins, on prend aussi davantage en compte la présence de différentes espèces, toute la vie qu’attire un espace vert.


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ar t en ville Euromed

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EUROMED LABORATOIRE DE RÉNOVATION URBAINE

Le projet Euroméditerranée, qui devrait être achevé à l’horizon 2020, est avant tout le témoignage d’une volonté de construire et d’habiter autrement. C’est, aujourd’hui, la plus grande opération de rénovation urbaine d’Europe. L’utilisation de l’énergie verte et l’exploration de modèles basés sur le développement durable, jettent les bases d’une nouvelle ville, à l’équilibre entre espace ouvert et espace bâti. Cette nouvelle ville laisse de côté les considérations relatives au quartier-fonction pour élaborer une nouvelle manière de structurer l’urbain, calquée sur les attentes des habitants : la proximité de la nature, l’adéquation avec les besoins de la vie quotidienne (commerces, écoles), l’accessibilité d’un réseau de transport. Œuvrer pour le développement économique, une meilleure cohésion sociale et la préservation de l’environnement, tels sont les objectifs de la ville de demain.

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ar t en ville Euromed

EUROMÉDITERRANÉE AU FIL DU TEMPS Depuis 1995, Euroméditerranée modifie le paysage marseillais. De la réhabilitation des Docks à l’aménagement du parc des Aygalades, retour sur les projets phares de cette rénovation urbaine.

PÔLE MÉDIA DE LA BELLE DE MAI

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LES DOCKS RÉHABILITÉS

Le bâtiment des docks a été construit entre 1856 et 1866. Ses proportions imposantes (365 mètres de long et 37 mètres de large, pour 30 mètre de haut) devaient permettre le stockage des marchandises du port. Sa restauration, entamée en 1992 et achevée dix ans plus tard, a donné naissance à l’un des centres économique du quartier, avec l’implantation de plusieurs centaines d’entreprises.

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RUE DE LA RÉPUBLIQUE

5 200 logements sont compris dans le périmètre de l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) qui a transformé la rue de la République.

Inauguré en 2004, le pôle média de la Belle de Mai accueille des activités représentant l’ensemble de la filière média : du tournage à la diffusion, en passant par la production et les prestations techniques.

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ARCHIVES ET BIBLIOTHÈQUES DÉPARTEMENTALES

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C’est sur l’emplacement des anciens Moulins de la Villette qu’ont été inaugurés les Bibliothèques et Archives Départementales en 2006.

PÔLE DE TRANSPORT MARSEILLE SAINTCHARLES

Le pôle de transport multimodal de Marseille-Saint Charles a ouvert ses portes en décembre 2007 et regroupe sur un même site trains, bus, métro et parkings.


TOUR CMA-CGM

La conception du siège social du 3e groupe mondial de transport maritime en conteneurs, CMACGM, fut confiée à l’architecte déconstructiviste Zaha Hadid. L’ambition architecturale de cette tour marque une étape dans la bataille d’Euroméditerranée pour faire de la ville de Marseille une métropole.

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Monument du patrimoine industriel marseillais, le Silo s’est transformé pour abriter une salle de spectacle et des bureaux.

LES VOÛTES DE LA MAJOR LE FRAC

Situé dans le quartier de la Joliette, le Fonds Régional d’Art Contemporain abrite espaces d’expositions, de conférences, de ressources documentaires et de restauration.

LE J1

Immense entrepôt ouvert sur la mer, et dernier hangar debout dans le bassin de la Joliette, le J1 est au cœur de la Capitale Européenne de la Culture, malgré sa fermeture estivale.

N JA

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TOUR PANORAMA DE LA FRICHE

Le panorama a été créé dans le cadre du nouveau programme d’extension du projet culturel de la Friche. Il accueille 30 000 m2 d’ateliers et de bureaux, 20 000 m2 d’équipements publics et 7500 m2 de lieux de diffusion.

R MA

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Aux pieds de la cathédrale de la Major, les voûtes se préparent à renaître. Occupées par des commerces entre la moitié du XIXe siècle et les années 90, elles devraient faire peau neuve pour 2014.

LES TERRASSES DU PORT Le projet des Terrasses du Port a pour ambition de créer un complexe commercial et de loisirs dans l’enceinte du Grand Port Maritime.

HORIZON 2020

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PARC DES AYGALADES & PÔLE DU CAPITAINE GÈZE Début des travaux prévu en 2014

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ESPLANADE DU J4 MUCEM ET VILLA MÉDITERRANÉE

Le J4 se situe sous le fort Saint-Jean, à l’entrée du Vieux Port. La démolition du hangar a laissé place au MuCEM et à la Villa Méditerranée.

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LES QUAIS D ARENC Voir p.12

EUROMED CENTER

Signé par l’architecte Massimiliano Fuksas, Euromed center se situe face au Silo, dans le prolongement de la place de la Méditerranée. Cet ensemble accueillera bureaux, hôtel, parc et complexe cinématographique. Appelé à devenir le nouveau pôle tertiaire majeur d’Euroméditerranée.

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Euromed

ENTRETIEN / FRANÇOIS LECLERCQ

« UN TERRITOIRE APPELLE ÉQUILIBRE ENTRE INTENSITÉ ET DENSITÉ » Architecte et urbaniste, François Leclercq est à l’origine du Plan Guide des Opérations qui définit les grandes lignes de l’extension d’Euroméditerranée. Retour sur la manière dont il a imaginé le développement de ce territoire. Propos recueillis par Léa Coste

Quelles ont été vos contraintes et quels éléments vous ont été imposés pour élaborer le plan guide ? Il existait déjà un programme lorsque nous avons proposé notre projet. Quantitatif dans un premier temps, avec un certain nombre de mètres carrés, par rapport à un programme habité, travaillé, et pour une ville très équipée, avec des parcs et des espaces verts. Ensuite, il y avait des contraintes plus qualitatives, comme par exemple faire une ville avec une faible consommation d’énergie. Dans tous les concours, il y a une volonté programmatique. Il faut d’abord prendre en compte la viabilité économique d’un secteur. Il est toujours compliqué de savoir si c’est le territoire qui fait le programme, ou le programme qui fait le territoire. Il faut trouver l’équilibre entre intensité et densité, avec des équipements, des commerces, des voisins etc. Si les ambitions sont trop faibles, ça donne des quartiers où on s’emmerde un peu. Êtes-vous d’accord avec l’idée selon laquelle «La ville doit permettre d’habiter, de travailler, de circuler et de se distraire» (Le Corbusier) ? Le Corbusier arrive à réduire à minima l’activité humaine. Dans son fantasme fonctionnaliste extraordinaire, il avait des idées très séparatrices : quand on travaillait, on ne rigolait pas, et quand on rigolait on ne travaillait pas. Il utilisait un système qui correspondait à une époque, marquée par la séparation spatiale : on s’amusait dans les endroits faits pour. On a traîné cette idéologie pendant très longtemps, en fabriquant du zoning : les quartiers où on habite, les quartiers où on travaille, les quartiers où on s’amuse. C’est pour ça qu’il existe des quartiers comme Plan de Campagne, qui sont très spécialisés. Ce qu’on peut espérer, avec l’urbanisme que l’on propose maintenant, c’est que tout cela se mélange vraiment, et ne s’organise pas seulement autour d’une stratification fonctionnelle. La vie est plus compliquée que ça. On peut rigoler, travailler, faire plein de choses, dans un monde où les frontières ne sont pas figées, mais beaucoup plus floues. C’est ce qui est très beau dans de nombreux quartiers de Marseille, et aussi à proximité d’Euromed, c’est le mélange des genres. 42

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Quels réseaux de transports avez-vous imaginé pour ce projet ? Nous travaillons à partir des grandes lignes qui ont été établies. Nous savons que le métro et le tramway vont être prolongés, donc nous regardons, avec les autorités, quel trajet sera le plus adapté. Nous réfléchissons à un itinéraire pour le tramway par rapport à la rue, aux grands équipements, mais aussi par rapport à la densité de ce quartier. Ce quartier est mal perçu, notamment à cause de la multiplicité de ses réseaux, autoroutiers, ferrés etc, alors qu’ils sont la promesse d’une desserte amplifiée. C’est l’idée simple des trains qui s’arrêtent, et pas seulement des trains qui passent. Le pôle multimodal du Capitaine Gèze sera un lieu de mobilité très important, parce qu’il y aura le tramway, le métro, beaucoup de lignes de bus qui vont converger, pour devenir une interface avec les quartiers Nord. On veut créer des réseaux de transports doux qui soient une vraie alternative à la voiture, avec des transports en communs qui seront très abondants, ce qui est assez rare à Marseille. Un réseau de transports comme un vecteur de mixité sociale en quelque sorte ? Il y a un enjeu très important, c’est que ces quartiers situés au Nord ne sont pas très mixtes socialement. Mais il y a toute une préexistence, avec une vie qui s’est faite autour de l’arrièreport, l’économie et l’activité que cela a créée. Il faut rendre ce quartier attractif pour des gens qui veulent être proches des réseaux, proches du centre-ville, et en même temps dans une situation confortable. C’est pour ça qu’on a inventé ce parc, très grand, et la corniche, qui sont des éléments d’attractivité puissants qui feront qu’on aura envie d’habiter là. Le problème de Marseille est qu’elle a une concurrence terrible, parce qu’elle est entourée par une Provence magnifique. Il ne faut pas que le retour à la ville soit une obligation absolue, même si c’est une nécessité pour limiter les transports. Il faut réfléchir à la manière d’aborder le retour à la ville, avec des éléments d’attractivité forts, avec des équipements divers et en misant sur la beauté du paysage urbain.


© Agence François Leclercq

Ce qui est très beau dans de nombreux quartiers de Marseille, et aussi à proximité d’Euromed, c’est le mélange des genres.

Quelle a été votre démarche pour élaborer l’équilibre entre espaces publics et privés ? Les espaces publics doivent être de l’ordre de l’extraordinaire. Nous misons beaucoup sur le parc et sur la Corniche qui sont deux gros investissements. Les rues seront coordonnées par rapport à ces deux éléments. Nous sommes dans un système de continuité urbaine assez simple. Euromed n’est pas un quartier, c’est la continuité de la ville qui est juste à côté, donc on prend les rues à proximité pour les prolonger, et pour qu’elles donnent en perspective, en usage, sur le parc ou sur la corniche. Ce parc faisait partie du projet dès le début. Il a constitué un élément fort pour imaginer le reste ? Ce parc était un élément du programme, on nous demandait un espace vert. Nous, nous l’avons conjugué avec une rivière, celle des Aygalades, actuellement cachée sous la gare du Canet. Ce parcours de l’eau crée le contact avec d’autres quartiers. Nous avions même imaginé un GR, avec la possibilité de remonter jusqu’au plus haut sommet qui entoure Marseille, le massif de l’étoile, et de voir depuis là la nature, la rivière, le fait naturel qui rentre en ville, dans un quartier qu’on dit dur, et très marqué par la transformation de l’homme. Ce projet a été mis en place avec la concertation des habitants. Comment avez-vous combiné votre vision du projet et la leur ? La concertation est assez compliquée pour tout vous dire. Il y a beaucoup d’attente, et beaucoup de crainte. Les gens ont envie que ça bouge pour des tas de raisons à commencer par le confort

de vie. Et en même temps il y a la crainte de ceux qui possèdent une habitation : ils ont peur de se faire virer. Ils ont peur de se retrouver dans un quartier très cher, où la population ne sera plus la même. Donc, avec Euromed, on essaie de répondre de manière individuelle. Nous conserverons un maximum d’habitations, nous raserons le moins possible, d’autant qu’il y a beaucoup de terrains disponibles, et c’est là que nous allons commencer à construire. Il y a une préexistence liée au travail qui est très intéressante dans ce quartier, c’est le marché aux puces qui, personnellement, me fascine. Nous devons trouver un moyen de le maintenir, de le rendre plus efficace, plus aux normes, et faire en sorte qu’il déborde un peu moins sur l’espace public. Il doit pouvoir vivre mieux, continuer de faire ce brassage et de produire cette mixité extraordinaire, et prolonger cette mixité avec la population nouvelle qui va arriver. Il faut considérer les préexistences avec la plus grande attention, et il faut que les immeubles que nous allons construire continuent d’accueillir cette économie là. Vous êtes vous imaginé passer une journée type dans cette extension de ville ? J’imagine toujours 24 heures de la vie d’une femme, pour paraphraser Zweig. Je préfère inventer le support le plus évident, par rapport à toutes les vies, plus ou moins chaotiques, plus ou moins tragiques, plus ou moins heureuses. On travaille beaucoup sur l’environnement méditerranéen, avec le soleil, le vent, comment se protéger du mistral, tout en profitant de la brise marine l’été, comment on ajoute de la verdure, comment on privilégie certains points de vue. On veut habiter bien. Votre lecture de la ville est-elle partie de la mer ? La mer tient une place très importante dans cette ville, et elle est très industrielle, avec le port, qui doit continuer son activité. Nous, nous serons en hauteur, avec les possibilités offertes par la corniche, qui permet une vision sur la mer, et une vision sur le port. C’est un spectacle. J’adore les paysages portuaires. Je ne connais pas d’autres villes qui aient ce même rapport à la mer, avec des plages, des calanques, des corniches, le vieux port, le nouveau port, ce sont des séquences portuaires exceptionnelles.

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UNE VILLE SUR LA VILLE Un peu plus de 3 500 personnes habitent ce coin de ville. 170 hectares entre Cap Pinède et les Arnavaux. Un espace caractérisé par la présence de friches industrielles, vestiges d’une activité économique qui définissait autrefois la fonction de ce quartier. C’est là qu’Euroméditerranée projette sa ville durable. Par Léa Coste • Visuels : Agence François Leclercq

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abellisée écocité par le ministère de l’Écologie, la rénovation urbaine de ce quartier devra intégrer plusieurs contraintes : fournir des aménagements durables et des bâtiments exemplaires en terme de consommation d’énergie, recycler les matériaux et gérer les ressources de manière écoresponsable, fournir des services à la mobilité susceptibles de faire reculer l’utilisation des voitures… Euroméditerranée a décidé d’associer ces objectifs avec le contexte climatique de la région pour respecter, dans la construction des bâtiments, une typologie méditerranéenne. TYPOLOGIE DES BÂTIMENTS ET ENVIRONNEMENT CLIMATIQUE.

Les habitations ont été pensées en fonction du soleil, pour utiliser son énergie, autant que pour s’en protéger. Les bâtiments seront construits autour de patios et de cours ombragées, et devront être suffisamment ouverts pour livrer des points de vue et dégager le paysage. Les logements reprendront les codes de l’architecture méditerranéenne, avec des loggias profondes et des persiennes qui viendront estomper les limites entre intérieurs et extérieurs. Composante majeure du climat marseillais, le mistral a lui aussi contribué à l’élaboration des différents îlots d’habitation. Les vents seront dispersés grâce à des rez-de-chaussée imposants et une volumétrie éclatée des bâtiments, mais aussi canalisés et orientés à l’aide d’écrans d’arbres, pour créer une ventilation naturelle. Enfin l’eau, problématique ancestrale des Provençaux, a fait l’objet d’une attention toute particulière, puisque les eaux de pluie seront récupérées et traitées de manière à fournir une réserve pour l’arrosage des espaces verts et l’usage domestique. En amont de ces dispositifs, un système de gestion de l’énergie plus global, fonctionnant selon une « boucle d’eau de mer », aussi appelée géothermie marine. Le principe : aller chercher de l’eau de mer au large, à une certaine profondeur – et donc à une faible température – puis la faire cheminer vers une usine 44

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« Il était important de garder l’esprit néo-villageois de ces quartiers et de réhabiliter tout ce qu’il était possible de réhabiliter. »

(ou ferme énergétique) équipée d’échangeurs de chaleur qui puiseront des calories pour chauffer les logements en période froide, et rejetteront des calories en période chaude pour les refroidir. RÉNOVATION URBAINE ET TRANSFORMATION DE L’EXISTANT.

« Il était important de garder l’esprit néo-villageois de ces quartiers, de réhabiliter tout ce qu’il était possible de réhabiliter, et de reloger sur place les gens qui y habitent, soit dans des immeubles rénovés, soit dans des immeubles reconstruits. » François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée, exprime clairement les objectifs de cette rénovation urbaine. Le patrimoine du quartier a été inventorié de manière à étendre la ville sur la ville. Les friches industrielles seront transformées en lofts et en ateliers, certains bâtiments se verront surélevés et des parkings seront créés. Le long des rues du quartier du Canet, qui donneront sur le Parc des Aygalades, fleuriront des îlots mixtes tant au niveau des fonctions (commerces, logements) qu’au niveau des prix et des densités. Les immeubles hauts côtoieront duplex et ateliers, en reprenant certains éléments de l’habitat marseillais : cabanon, ombrières, canisses, loggias, toits-terrasses et jardins familiaux.


NOUVEAUX HABITANTS ET MIXITÉ SOCIALE.

Cette nouvelle ville, conçue par Euroméditerranée, mêle le neuf et l’ancien, les logements sociaux et les prestations plus luxueuses, et sert donc l’objectif de la mixité sociale. De nouvelles catégories de ménages sont appelées à venir investir ce nouveau quartier (par ailleurs très peu peuplé), dans l’espoir qu’ils contribuent à une amélioration de la qualité de vie de l’ensemble des habitants. Ces nouvelles arrivées sont la condition sine qua non à la bonne marche du projet, qui doit comprendre des logements et des structures à fort pouvoir d’attraction. Espaces verts, logements de qualité à prix abordables, réseaux de transports efficaces et activités économiques : autant d’arguments pour les ménages et les entreprises à la recherche d’une installation. Sur cette évolution de leur cadre de vie, les habitants historiques ont une opinion à donner. Mais la concertation, achevée en décembre 2012, ne les a globalement pas satisfaits. Une situation qui ne devrait pas entraver l’appropriation du territoire par les futurs arrivants.

Croquis représentant la rue d’Anthoine (en haut) et le Cours Jean Ballard.

EN CHIFFRE

170 HECTARES

14 000 LOGEMENTS NEUFS

1 500

LOGEMENTS RÉHABILITÉS

4 200 LOGEMENTS SOCIAUX

2 100

LOGEMENTS À PRIX MAÎTRISÉS

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QUEL USAGE DE LA NATURE EN VILLE ? La ville peut être repoussante. Laissée à l’abandon, disgracieuse, elle inspire la défiance et produit du mal-être. Les villes nouvelles misent sur les espaces verts et l’introduction de la nature pour améliorer la qualité de vie des citadins. Par Léa Coste • Visuel : Agence François Leclercq

Dans tous les quartiers où Euroméditerranée intervient, la nature participe à la rénovation.

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a bétonisation massive, dont on trouve maints exemples dans la construction des grands ensembles, cristallise nos angoisses citadines. On lui oppose aisément la cité-jardin (théorisée par l’urbaniste Ebenezer Howard), qui n’a été qu’une transition vers ces grandes réalisations habillées d’espaces verts, se révélant finalement impropre à créer le bien-être attendu pour ses habitants. L’espace imaginé par Euroméditerranée comprend pas moins de 14 hectares d’espaces verts, dont la plus grande partie se concentre sur le Parc des Aygalades (voir page 52). Plusieurs fonctions lui seront attribuées, il jouera un rôle dans la régulation des crues et des inondations, deviendra un stock de carbone pour lutter contre les gaz à effet de serre, et constituera un îlot de fraîcheur pour contrebalancer la chaleur écrasante de notre été méditerranéen. Il est un argument écologique autant qu’un élément de séduction. Beaucoup de citadins sont à la recherche de ces espaces verts, et veulent lui attribuer plusieurs utilités : se retrouver et échanger (aires de jeux, terrains de pétanque, etc.), mais aussi rêvasser (parcours de promenade et recoins propices à la méditation). Si la nature n’est qu’un ornement, qu’elle n’est pas appropriée par les habitants, elle ne remplit pas son rôle de génératrice de mieux être, et ne participe pas à l’amélioration de la vie du quartier.

Cette condition, François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée, l’a bien intégrée : « Les habitants seront associés à l’étude des futurs usages du parc, dans le cadre de la concertation. C’est un point fondamental auquel les villes sont associées. Nous ne pouvons pas nous permettre de livrer des grands espaces publics si les habitants ne se les approprient pas. Sinon ils sont vandalisés. L’appropriation par les habitants de ce parc est fondamentale. » La manière d’aborder les nouvelles villes n’est pas indépendante des questionnements qui sont au centre de nos sociétés occidentales contemporaines. Une forte préoccupation environnementale, associée à une réflexion participative sur les usages, qui trouve d’ailleurs écho dans le web 2.0 participent à la création de quartiers qui placent la qualité de vie au centre de leur démarche. Pour Euroméditerranée, cela se traduira par la création du parc et de nombreux espaces verts, l’aménagement de trottoirs plus larges, l’implantation d’équipements sociaux et de services publics, et une grande accessibilité, dans ces espaces, à une connexion internet à haut débit.

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TRANSPORTS DOUX POUR CITADINS MOBILES TER, bus, tram, métro, véhicules électriques… L’extension d’Euroméditerranée ambitionne de désengorger la ville en créant un réseau de transports capable de fournir une alternative à l’automobile. Par Léa Coste • Visuels : Agence François Leclercq

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es réseaux de transports jouent un rôle très important dans la mise en place des repères spatiaux de la ville. Leur accessibilité sera d’ailleurs un argument déterminant pour les ménages qui viendront s’installer dans le quartier. Les citadins sont extrêmement mobiles. Ils devront pouvoir effectuer leurs trajets quotidiens pour se rendre au travail, avoir la possibilité de faire des déplacements ponctuels et, bien sûr, accéder aux différents équipements urbains. Les transports sont aussi un moyen pour le quartier de s’inscrire dans la ville. Le temps de transport, notamment pour rejoindre le centre-ville, permet, ou justement ne permet pas aux populations de s’approprier le territoire. Marseille est une ville à forte dépendance automobile. La voiture occupe une place démesurée dans l’espace public, au détriment des trottoirs et autres espaces piétons, parce qu’elle est parfois la seule alternative à un réseau de transports encore insuffisant.

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Le pôle multimodal et la gare routière de Capitaine Gèze.

L’enjeu principal est donc de désengorger la ville, de dépasser l’opposition entre transports individuels et collectifs pour développer une intermodalité, c’est-à-dire une organisation permettant de passer aisément d’un moyen de locomotion à un autre. Fournir une alternative viable à la voiture nécessite de se positionner sur tous les plans. François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée, envisage volontiers l’extension d’Euroméditerranée comme une ville systémique. En passant en revue des aspects très pragmatiques des transports, il évoque en filigrane les enjeux de cette organisation. « Le métro sera prolongé jusqu’à Capitaine Gèze, avec un pôle multimodal et une gare routière connectés qui desserviront les quartiers nord : hôpital Nord, Château Gombert et Saint Jérôme. 650 places de parking seront disponibles dans un parc relais, pour que les gens venant travailler dans le centre-ville déposent leurs voitures en périphérie et poursuivent en métro.


La voiture occupe une place démesurée dans l’espace public, [...] parce qu’elle est parfois la seule alternative à un réseau de transports insuffisant. Cela va être un élément structurant, organisé autour d’une place qui sera aménagée avec des commerces et un hôtel bon marché. Nous allons créer un véritable espace de centralité, qui irriguera la mairie du XVe, les collèges autour et toute la zone industrielle des Arnavaux, donc un espace de vie, qui viendra se rapprocher des zones économiques et d’habitat. »

Les transports en commun, au même titre que les espaces piétons et publics, engagent les individus pour les faire évoluer dans un environnement diversifié, et contribuent à forger les relations entre les habitants et leur quartier. On peut opposer cette relation à celle induite par l’usage de la voiture qui est assimilable à un prolongement de l’espace privé. Mais les réseaux de transports publics favorisent-ils la fréquentation d’un quartier, ou est-ce le dynamisme du quartier qui amène les réseaux de transport ? Sont-ils un outil de mesure de l’attrait d’un espace public ? Il semblerait qu’ils ne créent pas le dynamisme d’un quartier, mais renforcent et développent son attractivité. Le véritable enjeu pour Euroméditerranée sera donc de créer un quartier à la fois dynamique, attractif et efficacement desservi.

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DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Comment rendre un territoire économiquement viable ? Cette question s’est posée lors de la mise en forme de l’extension d’Euroméditerranée, de la même manière qu’elle se pose aujourd’hui lorsqu’est évoqué l’avenir de l’économie nationale, en crise. Une partie de la solution semble résider dans la recherche, le développement et l’innovation. Par Léa Coste • Visuel : Agence François Leclercq

Carte représentant la répartition des activités sur le territoire.

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’innovation est un phénomène difficile à appréhender. Il a cependant été théorisé dès 1912 par l’économiste Joseph Schumpeter dans Théorie de l’évolution économique. Il définit cinq grands types de changements assimilables à des innovations : la fabrication d’un bien nouveau, l’introduction d’une méthode de production nouvelle, la réalisation d’une nouvelle organisation, l’ouverture d’un débouché nouveau, et la conquête d’une nouvelle source de matières premières. La recherche de l’innovation, devenue indispensable au développement des entreprises contemporaines, s’applique peu à

peu au « redressement » des États et à la recherche de développement économique des villes. « Sur Euroméditerranée 1, 20 000 emplois environ ont été renouvelés. L’idée est d’avoir des objectifs aussi ambitieux sur Euromed 2, mais avec des modèles qui doivent être ceux de l’économie de demain. » François Jalinot, directeur général d’Euroméditerranée, est optimiste. Pour y parvenir, il semble indispensable d’attirer les entreprises avec des arguments de poids relatifs aux charges, aux ressources humaines, à la logistique, etc. Les territoires à fort potentiel d’innovation sont, par ailleurs, généralement à proximité de grandes universités où sont formés les jeunes entrepreneurs. Il n’est cependant pas question pour Marseille d’aller concurrencer la Silicon Valley, mais plutôt de miser sur un modèle hybride qui combinerait des activités économiques nouvelles et traditionnelles. « Nous allons poursuivre l’accueil des activités économiques, que ce soit dans le domaine tertiaire, ou pour les activités liées à l’économie résidentielle, c’est-à-dire les services liés au fonctionnement d’une très grande ville, que ce soit les services à domicile, les commerces, l’artisanat… Mais il faut aussi réfléchir à l’accueil des activités productives de nouvelle génération, qui ne soient pas des usines du XIXe siècle, mais des activités productives fondées sur l’innovation, la recherche et la production, sur des modes type FabLab. (Un FabLab est un atelier de fabrication numérique)» Les caractéristiques de l’extension d’Euroméditerranée témoignent d’une nouvelle dynamique urbaine, liée aux nouvelles manières de produire, de travailler, de communiquer qui nécessitent de coordonner des politiques d’urbanisme, de transport, de l’habitat, de l’environnement, et du développement économique. La ville se forge à l’image de la société, prenant en compte à la fois ses contraintes et les évolutions qu’elle opère dans sa manière de fonctionner. Ainsi, l’extension d’Euroméditerranée intègre simultanément de nouvelles activités économiques, les technologies de l’information et de la communication et les modèles de développement durable.

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LE PARC URBAIN DES AYGALADES Nouvelle résurgence de nature en ville, le parc urbain des Aygalades prévoit d’exploiter les richesses hydrauliques de Marseille pour implanter un poumon vert au coeur de la cité. Par Julie Bordenave • Visuels : Agence François Leclercq

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’un des projets les plus ambitieux d’Euroméditerranée II, et le plus apte à modifier la physionomie et les usages du quartier, réside sans conteste dans le parc urbain des Aygalades : 14 hectares d’espaces verts en pleine ville, combinant des préoccupations paysagères, hydrauliques, climatiques et sociales. Dans la continuité du Parc François Billoux, cette nouvelle coulée verte se présentera comme une véritable vallée, permettant d’arpenter la ville, de la mer (création d’un cours arboré sur la rue d’Anthoine) à la montagne (extension jusqu’au Massif de l’Etoile). Le projet repose sur un dispositif innovant, adapté aux spécificités méditerranéennes de la vallée humide des Aygalades : réceptacle naturel des eaux pluviales, le parc prévoit un bassin de rétention d’une capacité de 150 000 m3, permettant de prévenir le risque d’inondations en cas de pluies torrentielles. Exhumé de terre pour en exploiter sa force vive, le ruisseau des Aygalades permettra d’irriguer

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Le parc servira de réceptacle pour les eaux de pluie, et participera à la lutte contre les risques d’inondation.

la totalité des plantations, en évitant l’arrosage artificiel. Des études sont en cours entre météo France et le CNRS pour réguler les émissions de chaleur dues à l’activité urbaine voisine. La physionomie du parc exploitera le caractère naturellement étagé de la vallée : le long du ruisseau des Aygalades, une succession d’îlots alternant nature domestiquée et sauvage, prévoit d’explorer la diversité de l’écosystème méditerranéen - prairie humide, prairie fleurie, sous bois, roselière... Un paysage appelé à se modifier suivant les variations des niveaux d’eau. Au nord est, sur la droite du boulevard du Capitaine Gèze, un belvédère haut de 10 mètres proposera une vue plongeante sur le parc. Sur la rive sud est, à droite du métro Bougainville, une vaste esplanade équipée (bars, services...), ombragée et aboutissant sur un plan d’eau, accueillera le promeneur à son arrivée. Sur les deux rives du cours d’eau, 60 000 m2 de pelouses aménagées accueilleront des équipements déployant des activités polyvalentes


« 14 hectares d’espaces verts en pleine ville, combinant des préoccupations paysagères, hydrauliques, (repos, pique-nique, course, jeux, badminton, vélo, skate...) climatiques et sociales. » Pièce maîtresse du dispositif Euroméditerranée II, le parc des Aygalades est appelé à opérer le lien naturel avec les quartiers voisins (Le Canet, les Crottes), et vise ultérieurement à drainer d’autres espaces verts dans ses environs. Sur le modèle revendiqué d’autres process de renaturation en ville (La Villette, les plages du Prado...), ce nouveau poumon vert s’intègre dans un modèle de développement durable méditerranéen encore unique à ce jour, désireux d’inventer le parc du XXIe siècle. Suivre l’avancée du projet : http://www.euromediterranee.fr/carte-interactive.html

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L’ÎLOT XXL Projet phare d’Euroméditerranée II, l’îlot XXL s’érigera sur l’emplacement de l’actuel marché aux puces, pour y faire converger des activités polyvalentes. Par Julie Bordenave • Photos : Agence François Leclercq

our que les grandes manifestations se diffusent au-delà de la Cité de la Méditerranée (le front de mer rénové dans le cadre d’Euroméditerranée I, du Fort St Jean à Arenc), l’implantation d’un nouvel équipement conséquent est prévu dans le périmètre sis entre les rues de Lyon, le Boulevard Gèze et la rue André Allar : l’Îlot XXL, un site clé pressenti pour devenir l’épicentre d’Euroméditerranée II. Sur un espace de 14 hectares surplombant le littoral, à proximité de la future station de métro Capitaine Gèze, ce nouveau pôle économique sera dédié au commerce et à l’événementiel. En premier lieu, la réorganisation de l’historique marché aux puces du Chemin de la Madrague de la Ville, « afin d’améliorer ses conditions d’hygiène, de sécurité et d’accessibilité » ; rebaptisé Marché des Cinq Continents, le centre commercial devrait conserver « un pôle commercial fort, principalement dédié à l’alimentaire et à la brocante. » Un enjeu social important, selon François Leclerq, l’un des maîtres d’oeuvre du projet : « il est nécessaire de mixer les populations et les usages, d’apporter d’autres activités et de la densité. Le nombre d’habitants va augmenter sur ce territoire. (...) Le nouveau quartier de l’extension conserve plus de relations avec les préexistences, notamment son économie et son voisinage. Le travail avec les puces en est un exemple. La concertation mise en place par Euroméditerranée est importante : ateliers, visites, coproduction sur les projets, enquête pour la relocalisation des entreprises. Tout est fait pour qu’un maximum d’habitants et d’entreprises puisse rester sur le lieu », étayait en mars dernier l’architecte lors d’une rencontre publique. 54

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« Ce nouveau pôle économique sera dédié au commerce et à l’événementiel. » L’inauguration d’une salle Arena, d’une jauge estimée de 15 000 places, apte à accueillir notamment de grands événements sportifs, se profile aussi sur l’Îlot XXL à horizon 2017, année de la Capitale européenne du sport pour laquelle Marseille est candidate. En prévision également, des hôtels, des commerces, et la possibilité de ménager un espace pour la plus grande place publique de la ville, d’une superficie de 2 hectares... Par sa taille et sa situation, l’Îlot XXL se présente comme un endroit unique, conçu pour entrer en résonance avec les infrastructures (hôtel, casino) du Belvédère voisin, et la refonte annoncée de l’échangeur du Cap Pinède. Une nouvelle étape dans « l’affirmation du statut métropolitain de Marseille », conclut François Leclerq.


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LA CORNICHE DU LITTORAL A l’horizon 2020, les Marseillais pourront arpenter une nouvelle parcelle de littoral, pour jouir de l’incomparable vue sur mer jusque-là réservée aux automobilistes de l’A55. Par Julie Bordenave • Photos : Agence François Leclercq

« A 15 mètres au-dessus du port, les promeneurs pourront ainsi jouir d’une vue panoramique sur la mer durant 2 kilomètres »

arseille devra bientôt compter avec une nouvelle Corniche : en miroir de sa grande soeur du 7e arrondissement, c’est dans les quartiers Nord qu’une nouvelle promenade littorale verra le jour dans les prochaines années, dans le cadre du deuxième volet du projet Euroméditerranée. Le défi est de taille : il s’agit de recouvrir d’un sarcophage une partie de l’A55, emblématique Autoroute du Littoral de Marseille avec son fameux travelling offrant un point de vue incomparable sur la rade à l’approche sur la ville. A l’issue de l’enfouissement du viaduc entre la tour CMA-CGM et le Cap Pinède - remplacée par une voie rapide semi enterrée dans le talus surplombant le triage d’Arenc -, une corniche piétonne sera créée dans le prolongement du Boulevard de Paris. A 15 mètres au-dessus du port, les promeneurs pourront ainsi jouir

d’une vue panoramique sur la mer durant 2 kilomètres, avec espace végétalisé, débouchant au Nord sur l’îlot XXL. « Le développement de nouveaux quartiers mixtes s’opère à travers la recherche d’une continuité avec l’existant, en prolongeant les trames urbaines, en révélant des vues sur le grand paysage. Côté mer, une substitution de l’ouvrage autoroutier actuel au gabarit insuffisant par un sarcophage, permet de développer en surface, un boulevard singulier, le boulevard de Corniche. Cet espace public s’offre aux Marseillais pour une nouvelle séquence nord sur le littoral, entre les calanques au sud et la côte bleue à l’ouest », étaie l’architecte François Leclercq, l’un des maîtres d’oeuvre du projet.

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Por tfolio

LE MUCEM, PAS À PAS Crédit photo : Joël Assuied

L’inauguration du bâtiment signé Rudy Ricciotti sur l’esplanade du J4 a été un événement. Attendu avec impatience par les Marseillais, le MuCEM promet de devenir un édifice emblématique de la ville. Déambulant entre le fort Saint Jean et le Panier, puis circulant le long des côtés de ce carré parfait, les visiteurs pourront -au delà des expositions qu’il contient- appréhender le musée comme une œuvre d’art en soi, admirer la mer depuis les passerelles intérieures, à travers les dentelles de béton, pour finalement se prélasser sur la terrasse panoramique. Élément structurant du paysage culturel des Marseillais, le monument est aussi une invitation à flâner. 57


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© Serge Laroche

car te blanche

Cinq étudiantes de l’école d’architecture de Marseille sont allées passer quelques jours à Porto. De ce voyage elles ramènent des images, assorties de quelques réflexions. Partons donc en voyage aux côtés des architectes de demain. Dossier réalisé par : Justine Grongnet, Marion Laï, Andréa Coste, Mathilda Peluso-Garcia et Salomé Ramonatxo.

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VOYAGE À PORTO

L’architecture est une affaire de culture.

Un voyage à Porto au Portugal suffit pour se rendre compte que l’architecture ne se résume pas à des murs. Provocatrice d’émotions, de sensations, elle influence nos humeurs, nos idées, nos envies et crée le paysage urbain dans lequel nous évoluons chaque jour. Au détour de chaque rue, qu’elle soit grandiose ou ordinaire, l’architecture mérite notre attention. Découvrez au fil de ces quelques pages, les inspirations de nos voisins portugais.

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STADE AXA SOUTO DE MOURA

PARQUE NORTE, DUME, 4710 BRAGA, PORTUGAL Amateurs de football, venez assister à un match sous tension dans un stade en pleine nature, hors du commun. Se faire face, se battre l’un contre l’autre, ses gradins sans virages suggèrent toute la réelle dualité d’un match de football. De par l’implantation du stade dans la topographie, roche et paysage prennent vie et deviennent finalement les virages connus de tous. Alors que les deux équipes s’affrontent acier et roche ne font qu’un pour servir de décor et de support à ce modeste ouvrage qui en devient monumental et vertigineux.

L’a rchitecture est

UNE AFFAIRE SOCIALE. Tel un sport l’architecture rassemble les hommes et les lie à la nature. A l’ascension des gradins, on prend conscience qu’elle peut nous guider vers un intérêt commun et une certaine harmonie.

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VOYAGE À PORTO

CASA DA MUSICA OMA

AVENIDA BOAVISTA 604, PORTO, PORTUGAL Laissez-vous surprendre par une météorite au cœur du centre ville, un objet incongru et étrange, dont l’intérieur est tout aussi cosmique. La gravité disparait, et laisse place, dès le seuil franchi, à une perte de repère, entre sol et toiture. Pour aller y écouter un concert ou simplement par curiosité, ce gigantesque prisme vaut le détour. Comme une sculpture, on peut tourner autour, l’appréhender sous tous ces angles, l’aborder de tout coté, pour mieux la comprendre et l’observer. Finalement l’entrée est un grand escalier, à la mesure de l’objet, il la connecte à une place minérale, que les portugais s’approprient à leur façon.

L’a rchitecture est

UNE AFFAIRE D’AMBIANCE. Chaque espace de la Casa est un univers, une couleur, une sonorité, une aspérité propre à une activité particulière, quelque fois étrange. De la moquette, de la mousse, du bois, de la faïence traditionnelle, de la tôle perforée, du béton, du verre ondulé, éveillent nos sens et plus particulièrement le toucher.

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© Porto Convention & visitors bureau

VOYAGE À PORTO

L’a rchitecture est

UNE AFFAIRE DE GÉNÉROSITÉ. Le blanc, à la fois froid, commun et distant révèle tout un décor. Le paysage s’imprime sur le bâtiment, le transforme, l’anime, le fait vivre.

FONDATION SERRALVES ALVARO SIZA, PORTUGAL

CHAPELLE SANTA MARIA DE CANAVESES ALVARO SIZA, PORTUGAL Vous n’avez pas besoin de croire pour entrer dans une chapelle et l’apprécier. Se laisser guider par un mur, découvrir peu à peu la chapelle, elle se dévoile au fil de vos pas. C’est alors qu’entre une petite fenêtre, et une porte monumentale votre rapport à l’échelle est perturbé. En pénétrant dans la chapelle, le plein se transforme en vide, baigné par la lumière naturelle. Certains espaces se démarquent par la matérialité et ce traitement si particulier de la lumière. Le recueillement est privilégié par la simplicité des formes, la couleur blanche et l’absence d’artifices.

L’a rchitecture est UNE AFFAIRE DE DÉTAIL.

Une porte démesurée vous fait tout petit, une fenêtre étroite et étendue vous grandit et vous fait dominer le paysage. Un détail suffit pour changer le regard porté sur un bâtiment. © JPMM

© Rodrigo Saldanha de Almeida

L’arrivée se fait face à un mur blanc, ce fameux blanc de Siza, ce fameux blanc du Portugal. La visite du musée commence avec une déambulation, et la contemplation des œuvres d’art. Une fois celle-ci terminée ce mur blanc n’est plus le même, il prend un tout autre sens et devient luimême une œuvre faite d’ombre et de lumière. A la fois claires et nettes, à la fois floutées et foncées ces formes sont muables et vivent au rythme de la course du soleil, ce qui leur confère un caractère unique.

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© Trevor Patt

car te blanche

L’a rchitecture est

UNE AFFAIRE D’APPROPRIATION. Roche et béton font corps : cherchez où poser le pied, où s’asseoir et se lover dans les rochers. La roche, élément naturel, fait parti intégrante du bâtiment et devient architecture.

PISCINE DAS MARÈS Depuis la rue, seuls les toits en tôles sont visibles. Rapprochez vous du bord de mer pour vous engouffrer dans la pente et entrer dans la piscine. Enfilez vite vos maillots dans les vestiaires, sombres et étroits, une transition entre la rue et les bains extérieurs. Sortez de l’obscurité pour être éblouis par la lumière et l’océan. Ayez le luxe de vous baigner dans l’océan avec le confort d’une piscine.

© Trevor Patt

ALVARO SIZA LEÇA DA PALMEIRA, PORTUGAL

CASA DE CHA DE BOA NOVA ALVARO SIZA LEÇA DA PALMEIRA, PORTUGAL Après la baignade dans ces bains, venez vous désaltérer au pavillon du thé, au bout de la promenade littorale. Niché entre mer et rocher, le bâtiment disparaît. Un escalier souligne un horizon. Tout est une question de point de vue, et d’hauteur d’œil. En montant ces quelques marches, l’architecture donne à voir.

L’a rchitecture est UNE AFFAIRE DE RAPPORT.

Chaque objet architectural trouve une place précise dans le paysage pour dialoguer avec celui-ci. Une architecture sans contexte n’a pas lieu d’être.

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