Influences n°2

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édito

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PRINTEMPS 2014

Influences et humeurs printanières

A

Par Michel Vino

pparu au cœur de l’hiver, Influences, votre magazine saisonnier renaît au printemps pour un deuxième numéro plus prospectif que jamais. Mais pour humer l’air du temps et voir se dessiner demain, il faut parfois aussi savoir se retourner. Ce que nous avons fait en capitalisant notamment sur l’année Capitale passée pour être sûr que Marseille-Provence 2013 n’a pas été qu’un feu de paille. Nous sommes retournés sur les lieux, ceux à qui le succès du Mucem a sans doute volé un peu la vedette, mais qui continuent à battre. Chic, le Frac, la Villa Méd, pas le club, la Friche, ah ! la Friche, et l’autre Mucem, plus réservé mais néanmoins ouvert, et en premier lieu au public, ou encore le Mamo, perché, restent en effet à découvrir, demain encore plus qu’hier. Une balade post-année culte bien de saison. Pour célébrer le printemps et ses lumières et tonalités revenues,nous avons exploré également le côté plus obscur de nos villes et la nuit infinie quand elle tourne court sous l’effet des LED (des beaux) et des sunlights. On vous aura prévenus, il est grand temps de ressortir vos lunettes noires pour nuits blanches, si tant est qu’elles vous aient quittés... Dans les rues, nous sommes également allés interroger d’autres artistes à qui on a bien voulu parfois confier les rênes de l’espace public. Nous en sommes encore tout retournés. Et comme dans ce monde de brut de décoffrage, il faut savoir surfer sur la tendance au risque de s’y perdre, nous avons plongé les pieds droit dans le béton, mais pas n’importe quels bétons... Moralité, le béton, au XXIe siècle, de toutes les matières, c’est souvent celle qu’on préfère. Enfin, printemps oblige toujours, nous avons apporté à ce cocktail printanier une touche arabe grâce à un carnet de voyage rapporté de Tanger ; nous avons zoomé, sans papier, sur les plis du nouveau conservatoire de musique et de danse d’Aixen-Provence, et pour finir, nous nous sommes penchés, utopie mon amour, sur la quatrième dimension de l’être. N’en déplaise aux esprits chagrins/rétrogrades/tristes/sans entrain/ complétez la liste à votre guise... Influences, le magazine de grande dimension qui scrute dans toutes les directions, est bel et bien de retour. Bonjour chez vous.

Influences est une publication des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille Service commercial : 09 81 80 63 79

Rédacteurs en chef : Julie Bordenave - j.bordenave@8e-art-magazine.fr & Michel Vino - m.vino@8e-art-magazine.fr

Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr

Ont participé à ce numéro : Jonathan Azeroual, Emmanuelle Gall, Olivier Levallois, Marie-Line Lybrech.

Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr

Conception graphique et direction artistique : Jonathan Azeroual - j.azeroual@8e-art-magazine.fr

Conception/Réalisation : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS - Tél. 04 90 68 65 56 En couverture. L’art du pliage du papier appliqué au conservatoire de musique et de danse

d’Aix-en-Provence. © Photos : Jean-Claude Carbonne / Mairie d’Aix-en-Provence

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sommair e

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PRINTEMPS 2014

INFLUENCES 08 marseille la nuit l’entretien 10 Yann Kersalé

14 Les lumières de la ville

16 D’émotifs motifs lumineux et originaux

18 Ceux qui aiment prendront le train à l’Eden

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artistes dans la ville

mp 2013,

22 L’effet « Pas perdus » perdure

prolonger l’expérience

28 Sur les chemins du périurbain

46 Les équipements culturels

24 Design civique pour utopie de proximité

de MP 2013 en dates

30 Le tram d’Aubagne s’habille chez Di Rosa

48 Chic frac à la joliette

total béton

52 La Friche fait un tabac

34 Le béton fibré nous fait vibrer

56 L’autre Mucem

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38 Tout est bon dans le béton !

42 Nouvelle apparition, le béton invisible

à bon marché

58 Villa Méditerranée : 20 000 lieux

entre ciel et mer 60 Mamo, Le Corbusier si beau

en son miroir 61 Musées de stars en perspective

portfolio 64 Ode à l’origami

utopie

74 La quatrième dimension de l’être

carnet de voyage 76 Voyage à Tanger

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© Joel Assuied

INFLUENCE

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Sortir

VILLE

la

ténèbres

des

C’est beau une ville la nuit. Surtout quand les architectes (André Stern), designers (Yann Kersalé) et autres spécialistes de l’art de l’éclairage (Blachère Illuminations…) font briller de mille feux basse conso, développement durable oblige, l’écran urbain de nos nuits blanches.

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L’ENTRETIEN /

YANN KERSALÉ

L’ÉCLAIRAGE COMME UN ART Numéro un en la matière, Yann Kersalé défend l’idée d’un éclairage artistique pour l’espace public. En sculptant la lumière, celui qui a embelli ainsi la nuit le Vieux-Port et le Mucem, cherche à sublimer un patrimoine comme à révéler l’âme intérieure des bâtiments. Rencontre. Propos recueillis par Julie Bordenave • Photos : Joël Assuied

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u musée du quai Branly à l’aéroport de Bangkok, du port de Saint-Nazaire aux tours Jean Nouvel de Doha, Yann Kersalé use de la lumière comme d’une matière première à modeler. D’une élégante sobriété, ses pulsations lumineuses parfois infimes soulignent l’aspect organique d’une construction, tel un « électrocardiogramme » révélant les mouvements internes d’un monument (opéra de Lyon, 1993). Pérennes ou éphémères, ses réalisations rendent hommage à la mémoire d’un patrimoine préexistant – comme au VieuxPort –, ou cherchent à capter l’âme d’un bâtiment tout juste sorti de terre à l’instar du Mucem. Aimant à collaborer avec d’autres corps de métier - scientifiques, architectes... -, cet expert conçoit ses mises en lumière comme des actes artistiques contextuels. Dans la cité phocéenne, son travail se fond dans les opérations d’aménagement urbain réalisées l’an dernier : transformer le Vieux-Port en espace piétonnier par le désenclavement des quais et la création d’une agora moderne autour de l’Ombrière de Norman Foster ; et faire naître une promenade littorale sur le môle J4, au centre duquel trône désormais contraintes inhérentes au travail de commande dans l’espace le bâtiment en dentelle de béton réalisé par Rudy Ricciotti public, sans se réduire à une prestation de service décorative. pour le Mucem. Quels étaient les enjeux de la mise en lumière du Vieux-Port ? De quelle manière abordez-vous vos créations dans l’espace Y. K. : Le groupe de travail dont je faisais partie, sous la houpublic ? lette de Michel Desvigne, avait pour idée de rendre les quais Yann Kersalé : Un artiste contemporain peut ne pas être seu- aux Marseillais. Nous avons cherché à rendre ce port un peu lement relégué aux cimaises des white cubes et autres insti- plus poétique, en lui offrant une vraie déambulation, car il le tutions dédiées aux marchands et au marché. Dès les années mérite bien. Avant de penser aux quais, la première opération 70, j’ai refusé de m’inscrire dans ce terme, j’étais proche des a consisté à penser au plan d’eau : partir de la mer pour arriver situationnistes ! Aujourd’hui encore, je suis convaincu qu’il à la terre. Redonner vie à la notion de port, en faire autre chose ne faut pas laisser ce territoire d’expression uniquement aux qu’un simple parking généralisé. J’ai cherché à marquer la mer ingénieurs. Une réflexion peut être menée sur la répartition de par la mise en lumière bleue et blanche des pontons : le blanc la lumière en préservant la notion de parcours géo-poétique au délimite des petits chemins pour circuler, le bleu réfléchit les sein d’une ville. Comme l’a démontré à de nombreuses re- coques des bateaux environnants. prises mon ami Daniel Buren, il est possible de s’inscrire dans Il a fallu ensuite libérer les quais. Or en tant qu’originaire de la thématique urbaine tout en faisant acte artistique. C’est Douarnenez, je suis aussi marin. Je sais donc à quel point les de cette façon que j’ai appréhendé la double sollicitation qui places de bateaux sont importantes ! Il a fallu négocier avec les m’a été faite à Marseille. La lumière urbaine peut absorber les associations locales de pêcheurs et de plaisanciers, qui avaient

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Une réflexion peut être menée sur la répartition de la lumière en préservant la notion de parcours géopoétique au sein d’une ville.


Sous l’effet de sa mise en lumière, le Mucem, dans le noir, vire au bleu.

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Marseille la nuit

L’intention sera encore plus marquante quand la deuxième phase des travaux autour du Vieux-Port aura démarré.

grignoté jusqu’à six mètres sur les quais avec leurs barrières. Nous avons trouvé des interlocuteurs accueillants, qui ont compris et apprécié notre démarche. Aujourd’hui, tout Marseillais peut marcher au bord du quai, y retrouver les magnifiques pierres d’encadrement du port qui avaient fini par disparaître sous les taches d’huile et les bateaux posés là en carénage... Quant aux mâts lumineux, ils répondent à la demande du service public en matière d’éclairage : une source qui donne de la lumière, mais qui puisse aussi intégrer des haut-parleurs et des caméras de surveillance, un gril pour accueillir des éclairages de Noël ou des kakemonos... J’ai dessiné des mâts très hauts – de 16 à 24 mètres pour ceux situés en fond de scène, dont l’écorce réfléchit la lumière de la baie -, sous forme d’aiguilles. Ce fort coefficient d’élancement permet de ne pas les percevoir comme de gros outils techniques, tout en jouant avec la matière réfléchissante des quais elle-même. L’ensemble de l’agora a été conçu avec Michel Desvigne dans un esprit contemporain. La trace de l’histoire est toujours là, elle réside dans l’âme du Vieux-Port. J’espère que nous avons contribué à la sublimer. Quelle réflexion a guidé votre réalisation pour le Mucem baptisée « Mer-Veille »? Y. K. : Lorsque je réalise une installation de lumière sur un bâti, une réelle complicité doit s’instaurer avec l’architecte. Le dialogue était facile avec mon ami Rudy Ricciotti, très attentif à l’art contemporain. L’installation Mer-Veille symbolise une veilleuse, car la position du Mucem est stratégique : à la sortie du port, là où entrent et sortent tous les bateaux de plaisance... J’ai été aussi inspiré par la double peau de ce bâtiment, dans laquelle circulent les visiteurs : le déambulatoire va du sol au sommet, jusqu’à emprunter la passerelle pour rejoindre le fort Saint-Jean. Cette notion de parcours m’interpelle, les ombres portées au sol créent une dynamique. Comment ces réalisations marseillaises s’inscrivent-elles dans l’ensemble de votre travail ? Y. K. : L’accueil réservé va largement au-delà de nos espérances ! A mon sens, des faits marquants jalonnent l’en12

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semble de mon travail : mes premières expérimentations menées avec des scientifiques de l’Ifremer, sur la houle du vent et la force de la marée ; une installation manifeste sur le port de Saint-Nazaire, mettant en valeur le patrimoine industriel de la ville ; ou encore la mise en lumière du Grand Palais en bleu, bravant les normes de l’époque, qui cherchaient à éviter la couleur dans les monuments historiques... Marseille fait partie de ces faits marquants. J’ai eu la chance inouïe d’avoir participé à deux opérations distinctes – l’une émanant de l’Etat, l’autre de Marseille Provence Métropole - qui, finalement, se rejoignent. L’intention sera encore plus marquante quand la deuxième phase des travaux autour du Vieux-Port aura démarré. Si le projet s’achève comme il est prévu, en incluant la Chaîne des parcs (1), la balade devrait inciter à une déambulation sereine. (1) Le projet paysager de la Chaîne des parcs prévoit un espace vert sur la butte du Pharo, ainsi qu’un sentier littoral reliant le fort Saint-Nicolas aux Catalans à horizon 2020.

www.ykersale.com


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Marseille la nuit

LES LUMIÈRES DE LA VILLE Depuis deux siècles, le développement de l’éclairage public constitue l’un des indices du progrès. Crises écologique et économique obligent, la tendance récente des politiques municipales est, en la matière, plutôt à la décroissance et à la basse conso.

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e 15 juin 2010, à Cesson-Sévigné, en Bretagne, l’éclairage public a été coupé entre 1h10 et 5h10. L’expérience a été renouvelée durant six mois. Près de cinq mille autres communes françaises ont également opté pour l’interruption de leur éclairage nocturne. L’Etat n’est pas en reste puisque depuis le décret du 1er juillet 2012, les nouvelles enseignes et publicités lumineuses doivent être éteintes entre 1 heure et 6 heures. Et depuis le 1er juillet 2013, les bureaux, commerces et bâtiments sont invités à faire de même. « Jusqu’à présent, les villes considéraient l’éclairage comme un acquis, signe de progrès. Aujourd’hui, on commence à prendre conscience que la lumière a un coût, économique et énergétique, et des conséquences sur le vivant », explique Anne-Marie Ducroux, experte en développement durable.

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© Joel Assuied

Par Olivier Levallois

Impulsée par l’article 173 de la loi dite « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 introduisant dans le droit de l’environnement la prévention des nuisances lumineuses, cette évolution répond à plusieurs causes. La pollution lumineuse est produite par certains luminaires urbains qui dispersent jusqu’à 50 % de leur lumière vers le ciel. Une déperdition qui a des effets négatifs sur la faune et la flore. Elle bouleverse l’écosystème, en provoquant la mort de dizaines de milliards d’insectes, en réduisant les déplacements de certains animaux perturbés par ces nuits trop claires, en désorientant des oiseaux migrateurs, ou encore, plus grave, en provoquant la disparition de certaines espèces. Mais plus que les raisons écologiques, c’est la réduction de la facture énergétique - et donc économique – qui éclaire aujourd’hui les élus dans leurs politiques. Réduire la pollution lumineuse…


© Joel Assuied

En France, l’éclairage public représente en moyenne près de la moitié des dépenses d’électricité des communes.

Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’éclairage représente en moyenne près de la moitié des dépenses d’électricité des communes. Pour ces collectivités désireuses de réduire leur consommation et leur pollution lumineuse, le coût de rénovation des équipements est soutenu par une aide publique de ce même organisme. D’après les premières opérations, l’économie réalisée s’étend de 30 % à plus de 80 % suivant les communes et les dispositifs mis en place. En tout, avec un parc de 9 millions de luminaires dont presque la moitié a plus de vingt-cinq ans d’âge, le potentiel d’économie national est estimé entre 50 et 75 %. Reste que ces transformations ne se font pas toujours dans la sérénité et avec la bonne compréhension des usagers. Avec des coupures totales ou partielles, ont ressurgi, ça et là, certaines angoisses et un sentiment d’insécurité. C’était d’ailleurs ce même sentiment qui donna naissance à l’éclairage public. En 1417, Sir Henry Barton promulgua une ordonnance obligeant les habitants de Londres à suspendre des lanternes à la croisée de leurs maisons afin d’éclairer les rues, et ce de la Saint-Michel à la Chandeleur. Londres devint alors la première ville régulièrement éclairée d’Europe. Si aujourd’hui, sur les aspects sécuritaires, la période d’application de ces nouvelles mesures reste encore trop courte pour obtenir des statistiques pertinentes, les chiffres de la gendarmerie quant aux délits commis

… au détriment de la sécurité ?

La pollution lumineuse est produite par certains luminaires urbains qui dispersent jusqu’à 50 % de leur lumière vers le ciel.

la nuit dans la ville de Ballancourt (en Essonne) ayant pratiqué ce « couvre-feu», traduisent au contraire une baisse des cambriolages et des vols de voitures entre 2011 et 2012. D’autres cités européennes, cherchant à concilier les contraintes réglementaires et budgétaires avec les enjeux sociaux et environnementaux, se sont tournées vers des technologies dites « intelligentes ». C’est le cas d’Oslo ou de Lyon, où des éclairages interactifs varient suivant l’affluence et la luminosité. D’autres solutions ont été développées, comme les dispositifs modulables en fibre optique, surlignant le contour des routes, ou bien l’éclairage public à la carte, actionné à l’aide d’un simple appel sur son portable. Autre apport périphérique à ces recherches sur les nouvelles technologies d’éclairage urbain : la création de nouvelles installations et œuvres lumineuses, ouvrant ainsi dans la nuit de nos villes, de nouveaux horizons poétiques. « C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière », disait Edmond Rostand.

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Blachère Illuminations

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Une vague de 30 mètres de long et 10 mètres de large constituée 70 000 points lumineux LED blanc pur et lestée de 15 tonnes pour assurer sa stabilité.

D’ÉMOTIFS MOTIFS LUMINEUX ET ORIGINAUX Avec les nouvelles générations d’éclairages, les créateurs s’éclatent, esquissant un nouvel art à coup de diodes électroluminescentes. Démonstration dans les rues de Marseille. Par Michel Vino

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ans la cité phocéenne, durant les dernières illuminations de Noël, au moment où ont pris fin les festivités de Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture, une vague de lumière - ou plus exactement de LED (diodes électroluminescentes) pilotables -, scintillante et géante de 43 m de long sur 5 m de haut, venait onduler chaque nuit tombée en face de l’hôtel de ville, sur les quais élargis et apaisés d’un Vieux-Port désormais semi-piétonnisé. Cette création originale s’inspirait directement de la fine dentelle de béton du proche Mucem, nouveau musée national qui a sans conteste tenu la vedette au cours de l’an dernier. Pour marquer la fin de l’événement et clôturer en beauté et lumières brillant de mille feux son année de capitale européenne de la culture, la ville de Marseille avait souhaité en effet des illuminations urbaines pour les fêtes encore plus exceptionnelles qu’à l’accoutumée et a pour cela consacré 720 000 euros, hors consommation d’énergie. Pas moins de 300 sites ont été équipés de décors et guirlandes électriques de moins en moins énergivores. Certains des 230 décors animés mis en place (écussons monumentaux de la ville, festons étoilés…) évoquaient les temps forts de l’année Capitale.

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Tous ces motifs originaux, comme la vague géante du quai du Port, ont été spécialement créés en synergie avec les services de la ville par les designers de l’entreprise Blachère, un leader mondial de l’illumination urbaine basé à Apt, dans le Vaucluse. Ces experts en light creation sont rompus à ce type de demande. A Lyon, pour la dernière fête des lumières en date, un must du genre, ils ont opéré sous la conduite artistique du grand couturier Jean-Charles de Castelbajac. L’entreprise est une spécialiste de ces bons coups lumineux. A ce chapitre prestigieux, on lui doit les illuminations des Champs-Élysées, de la tour Eiffel ou encore, plus récemment, de la maison Dior à Paris. Un nouvel art bientôt à la portée de tous. Récemment, lors du salon international de la spécialité, à Francfort, en Allemagne, Blachère Illuminations a dévoilé un tout nouveau procédé interactif permettant de dessiner directement sur sa tablette numérique le motif de son choix qui s’illumine alors immédiatement sur un écran de LED. Magique ! De même, est présente dans son catalogue depuis un an une autre création originale, le Water graffiti, qui, selon le même principe, permet de dessiner son illumination sur un écran de LED, mais cette fois-ci après avoir trempé préalablement un pinceau dans l’eau. Il suffit ensuite de peindre sur l’écran et d’attendre quelques secondes que cela sèche pour voir s’illuminer instantanément le motif esquissé. Artistes, à vos LED ! Créations artistiques


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La Ciotat la nuit

© Kristin S.

CEUX QUI AIMENT PRENDRONT LE TRAIN À L’EDEN A La Ciotat, la résurrection du plus vieux cinéma au monde, l’Eden Théâtre où les frères Lumière firent une des premières démonstrations publiques de leur cinématographe, s’accompagne d’un véritable show visuel projeté sur les façades restaurées du bâtiment et contant l’histoire du 7e art. Par Michel Vino

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Un son et lumière en un tourbillon d’images qui raconte l’histoire du 7e art en une série de tableaux balayant les thèmes les plus prisés du genre : Hollywood, le western, le péplum, le dessin animé, le cinéma d’aventure… « Depuis longtemps, raconte encore André Stern qui a en signé le script, le train en gare rêvait de descendre jusqu’à la mer et de rencontrer l’Eden, Un tourbillon d’images

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UNE NOUVELLE VIE

© Denys Pastré

i le train en gare de La Ciotat n’est pas en fait le premier qui ait été tourné et projeté, contrairement à l’Arroseur arrosé ou ceux sur les sorties en mer et sorties d’usine, ce très court film de quelques secondes est pourtant incontestablement « une icône mondiale, restée dans les mémoires », explique l’architecte et scénographe marseillais André Stern à qui l’on doit, avec son associé Nicolas Masson, la restauration dans cette ville de La Ciotat et « dans son jus », comme il dit lui-même, de la plus ancienne salle de cinéma au monde, l’Eden Théâtre. C’est dans ce lieu en effet qu’à la fin du XIXe siècle, les frères Lumière, venus en voisins, firent une des premières démonstrations et projections publiques de leur cinématographe. Et comme cet architecte, qui a également signé le Mémorial de la Marseillaise et la restauration du château de La Buzine, le « Château de ma mère » cher à Marcel Pagnol, se double donc d’un scénographe, ce dernier a ajouté à la réhabilitation du vieux cinéma mythique, un festival d’effets spéciaux pour une partie plus muséographique et des projections hautes en couleur « qui viennent littéralement habiller le bâtiment comme une chaussette ».

et comme ce bâtiment, hormis son intérêt historique, n’a guère de valeur stylistique, je l’ai transformé en locomotive. » Une locomotive d’or qui au plus fort de ce show visuel vient se confondre avec l’aile de l’édifice restauré au-dessus duquel s’élève alors une cheminée télescopique crachant de la fumée, comme une vraie ! Des effets de théâtre revendiqués haut et fort par un « architecte-scénographe heureux » et au final, un hommage au plus populaire des spectacles qui n’oublie pas non plus d’évoquer le passé naval du port ciotaden et qui a dû faire également avec les contraintes d’un budget serré et des droits à l’image pour lesquels d’ailleurs quelques astuces ont dû être parfois trouvées. Moteur !

Ni cinéma d’essai, ni musée du cinéma, le nouvel Eden Théâtre doit encore trouver sa voie. Ce qui est sûr, c’est que ce nouvel équipement culturel communal entend se tourner à la fois vers le cinéma de patrimoine, mais aussi vers l’avenir à travers notamment son attrait pour le numérique, les nouvelles technologies et les nouvelles images, domaines plus particulièrement confiés à l’Eden des lumières. On doit d’ores et déjà à cette dernière association le développement du Cinégraphe, premier baromètre en direct, connecté aux réseaux sociaux, de l’activité et de la fréquentation des salles de ciné dans le monde. Une application interactive à découvrir absolument (www.edentheatre.com). Dans cette seconde vie, ce nouveau phare pour le front de mer veut être à La Ciotat la locomotive d’une série de nouveaux équipements culturels à venir ou d’actualité plus ou moins liés au cinéma (médiathèque, musée Michel Simon…).


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Ar tistes dans la ville

INFLUENCE

aux

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Demander

POÈTES

RÊVER

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Pour concevoir, animer et illuminer l’espace public, dans nos villes, peu à peu, quand on veut bien leur laisser la place (et les rues), les artistes s’entendent à merveille pour enchanter le paysage urbain. De la démarche des Pas perdus aux Renés qui prendront le tram d’Aubagne en passant par les chemins du GR 2013 et le sens civique de Ruedi Baur dans les quartiers nord, aux armes designers !

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DR

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Ar tistes dans la ville

L’EFFET « PAS PERDUS » PERDURE Depuis une vingtaine d’années, le collectif des Pas perdus libère les imaginaires et recrée du lien. Dans les quartiers de Marseille, où il est basé, mais aussi dans le Nord ou à Arles. Par Emmanuelle Gall

«

Proposer aux habitants de se transformer en « occasionnels de l’art » pour se réapproprier leur cadre de vie et le réenchanter.

Mari-Mira, l’esprit cabanon », « Le monde dans un bazar », « La promenade du jardin des Souhaits bricolés », « Le MasToc, un bâtiment décoiffé »… : chaque projet des Pas perdus résonne comme un programme réjouissant. Certains Marseillais se souviennent encore avec émotion de l’étonnant village planté sur le J4 en 2007, hommage aux cases de l’île Maurice, aux cabanons de Beauduc et à ceux des jardins ouvriers. En septembre 2011, après trois années de résidence à Bruay-La-Buissière, dans le Nord, ce collectif d’artistes transformait la Cité des électriciens en musée à ciel ouvert. Deux mois plus tard, à Marseille, il invitait les habitants de la résidence Fonscolombe à sortir leurs chaises sur leur balcon, pour bricoler des illuminations de Noël inédites… Partout où ils interviennent, Guy-André Lagesse, le fondateur du collectif, et ses acolytes, Nicolas Barthélémy et Jérôme Rigaut, proposent ainsi aux habitants de se transformer en « occasionnels de l’art », pour se réapproprier leur cadre de vie, le réenchanter. Ce n’est donc pas un hasard si l’équipe de Marseille-Provence 2013 leur a confié pendant l’année capitale l’un des treize Quartiers créatifs (résidences artistiques dans des zones en rénovation urbaine). Le collectif s’est alors installé pendant deux ans dans un appartement vacant de Griffeuille, un secteur d’Arles pas vraiment réputé pour la qualité de son architecture. « Les grandes avenues bordées de larges trottoirs donnent le sentiment d’un lieu presque vide, désert. On a l’impression que les gens ont été happés par une force centripète vers l’intérieur de leurs habitations », décrit Guy-André Lagesse. D’où l’idée d’inverser la tendance et de construire sur l’esplanade Jules-Vallès un mas d’un nouveau genre : le « MasToc ».

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Un appart. sans Avec des voisins volontaires, les artistes dessus dessous ont construit un bâtiment à partir de

containers recouverts de portes, fenêtres et autres éléments de mobilier lui donnant l’apparence d’un « appartement retourné comme une chaussette ». Comme si « tous les imaginaires contenus dans les appartements, les souvenirs, les fantaisies, les coquetteries étaient offerts, exposés aux yeux de tous, au soleil et au mistral », explique Guy-André Lagesse. Autour de ce « bâtiment décoiffé » ont été déposés une centaine de rochers, histoire de rappeler que bien avant d’être occupé par des logements sociaux, le site abritait des carrières. Au gré des imaginaires, les blocs sont devenus un « rocher à emporter » équipé de bretelles, un « rocher pour danser », entouré de percussions, un « rocher à rien faire », un « rocher-barbecue » ou encore un « rocher-tank », destiné par son locataire à bombarder l’école voisine. Née de la collaboration entre un enfant, une mère de famille ou un ancien du quartier et un artiste des Pas perdus, chaque œuvre a son histoire et ses raisons. « On ne vient pas enseigner, on vient partager et recevoir, précise le fondateur du collectif. La politique cadre les individus, nous leur offrons un espace pour déborder, exprimer leurs désirs et leurs angoisses ». Et la réponse de ces vraiment Pas perdus pour tout le monde aux oiseaux de mauvais augure qui leur prédisaient un échec est sans appel : l’été a été radieux et festif à Griffeuille, son mas et sa bergerie.


Le Salon incandescent et ses chaises chaudes à la résidence Fonscolombe, Marseille (décembre 2011).

© Philippe Piron

La promenade du jardin des Souhaits bricolés à la Cité des électriciens de Bruay-La-Buissière. ( juin à septembre 2011).

Le MasToc, quartier créatif à Arles ( juin-septembre 2013).

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Ar tistes dans la ville

DESIGN CIVIQUE POUR UTOPIE DE PROXIMITÉ Inventeur du concept de design civique, Ruedi Baur met le design urbain au service de la qualification de l’espace citoyen. Pour les quartiers nord de Marseille, il a imaginé, entre La Viste et les Aygalades, des prototypes destinés à déjouer la notion de frontières. Par Julie Bordenave • Visuels : Urs Beck, Civic City 2013

Pallier les incohérences urbanistiques, revaloriser les délaissés urbains, par une réflexion et une action sur la signalétique, le mobilier ou l’espace public.

«

Travailler avec les sons, les silences, les ombres ; introduire des perturbations positives ; utiliser la force du fragile ; engager, enfin, le dialogue avec la ville : voici des exemples de ce qui nous intéresse et qui relève du civisme. Le design peut reconstruire le contrat social » : tel est le postulat de Ruedi Baur, designer graphiste de formation. Après avoir œuvré sur l’identité visuelle du Centre Pompidou, de la Cité internationale universitaire de Paris ou encore de l’aéroport de Cologne au sein de ses ateliers éponymes, il co-fonde en 2011 l’Institut Civic City : un nom qui sonne comme un manifeste, visant à mettre le design urbain au service du vivre ensemble. Pallier les incohérences urbanistiques, revaloriser les délaissés urbains, par une réflexion et une action sur la signalétique, le mobilier ou les fonctionnalités de l’espace public : ses préoccupations sont multiples. Toutes visent à « lutter contre l’incivisme des pouvoirs publics », en faveur d’un « espace civique dans lequel le citoyen se sente respecté. La ville se trouve confrontée à des problèmes auxquels elle apporte des réponses aussi insatisfaisantes que répétitives. Mécontentement, xénophobie, violence, vandalisme, désabusement : autant d’effets d’une insatisfaction sociale et de crispations sur lesquelles on prétend que le designer, qui travaille dans la proximité, peut agir. » Sa pensée est mise en pratique via la formation continue Civic Design, à la Haute école d’art et de design de Genève, conviant des corps de métiers complémentaires : architectes, urbanistes, designers, graphistes, sociologues, politologues...

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Le cimetière des cultures du monde : une enceinte pour respecter la mémoire des morts, comme les habitants du quartier.


Dans le cadre du programme Quartiers créatifs (1), Ruedi Baur a décliné un projet en deux volets pour les quartiers nord de Marseille. Le premier chantier, mené pendant deux ans avec les étudiants de Civic Design, a débouché sur la présentation de prototypes déjouant la notion de frontières : un « Belvédère » surplombant la vallée des Aygalades et destiné à « véhiculer la notion d’élévation, pour pouvoir discuter d’un futur commun » ; en contrebas, une nouvelle enceinte pour le cimetière du quartier visant à le requalifier tout en valorisant sa fonction de mémorial : « la conception d’une limite respectueuse, à la fois des morts, mais aussi des habitants du quartier. » A terme, ce mur jouxterait un chemin ressuscitant la liaison entre le haut et bas de la vallée : « Ce passage ne ferait que restituer des coutumes interrompues par la construction de l’autoroute. » Le deuxième chantier, sous la houlette de la Faiar (2), s’est concentré sur la gare Saint-Antoine, fantomatique halte ferroviaire en voie de réhabilitation. « Nous avons cherché, explique le designer, à réinventer des typologies - une pépinière d’entreprises, une place publique, une mairie de proximité faisant office de gare... - qui permettent de faire vivre un tel lieu, sans que les coûts ne soient supérieurs à ce qu’ils seraient par ailleurs. C’est là que nous touchons à la notion de design de service. » Restituer des coutumes

Relier par un chemin le haut et le bas de la Vallée des Aygalades.

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« En tant que designers, nous avons proposé un projet qui puisse servir de catalyseur de transformation. »

Ces cas d’école lui permettent d’éprouver la vertu quasi thérapeutique du prototype : un outil apte à ouvrir le dialogue entre l’habitant, usager des lieux du quotidien, et les aménageurs qui pensent ces espaces. « Il me semble juste, poursuit Ruedi Baur, de concevoir des prototypes in situ, à taille réelle, dans des situations où les citoyens n’ont pas toujours les outils pour interpeller. Ces prototypes se présentent comme des possibilités. Ils permettent de discuter d’une réalité future dans un lieu. Nous parlons d’utopie de proximité ; en tant que designers, nous avons proposé un projet qui puisse servir de catalyseur de transformation. » Deux jours de présentation, durant les Journées du patrimoine en septembre dernier, ont permis de semer des graines, et de sensibiliser les élus comme les aménageurs, notamment Marseille Rénovation Urbaine. « Nous avons eu plusieurs promesses par rapport au Belvédère, précise encore l’inventeur du design civique. La lutte continue pour le Chemin du Cimetière : nous sommes persuadés que la population en a envie, nous avons peut-être allumé une étincelle qui déplait à certains décideurs... C’était aussi notre volonté : être suffisamment libre dans l’analyse des problématiques pour proposer des choses qui ne soient pas préformatées. » Le prototype comme outil du dialogue

Le Créneau des Artisans : un atelier de transmission, pour impliquer les habitants dans la rénovation du quartier.

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Quel peut être alors son rôle de designer urbain dans la fabrique de la ville ? « En abordant ces questions de manière légère et poétique, répond-t-il, nous sommes capables d’ouvrir des voies qui restent inaccessibles aux métiers ancrés dans le fonctionnel. La dimension symbolique me paraît être un outil excessivement important. » www.civic-city.org (1) Programme de résidence d’artistes implanté au coeur d’une quinzaine de quartiers en rénovation dans le cadre de Marseille-Provence 2013. www.mp2013.fr/quartiers-creatifs (2) Formation avancée itinérante des arts de la rue, www.faiar.org


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Ar tistes dans la ville

SUR LES CHEMINS DU PÉRIURBAIN Inauguré l’an dernier dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, le GR 2013 importe la pratique de la randonnée pédestre en milieu urbain. Un projet culturel, artistique et touristique, destiné à révéler des pépites cachées autour de Marseille. Par Julie Bordenave

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aradoxalement, l’une des réalisations pérennes de Marseille-Provence 2013 reste de prime abord invisible aux yeux du visiteur. Pour autant, elle se présente comme un acte durable appelé à s’inscrire dans la mémoire collective de la métropole provençale. Le GR 2013 est un sentier de grande randonnée qui chemine en milieu naturel, urbain et périurbain : un parcours de 365 km, englobant Marseille et alentour - l’étang de Berre, Aubagne, le massif de l’Etoile... -. Des paysages souvent méconnus, parfois peu amènes, qui recèlent pourtant des pépites, enserrées entre une zone indus- Réconcilier trielle et une forêt domaniale, un lotissement et un étang... la ville et la

Ce sentier métropolitain permettant d’outrepasser des frontières, de relier physiquenature ment et symboliquement des espaces parfois clivés. L’idée du parcours a germé dans l’esprit de Baptiste Lanaspèze, auteur et éditeur passionné de philosophie naturaliste, attentif aux relations entre l’homme et son environnement : « Marseille est marqué par une confrontation très forte entre la ville et la nature : une ligne de littoral peut être modifiée par le port industriel, le niveau du sol creusé par des carrières... Importer en ville la randonnée pédestre n’avait encore jamais été fait. Il s’agissait de créer un grand voyage d’une vingtaine de jours au sein d’une ville qu’on habite parfois sans connaître. » Ainsi en est-il à Marignane. « Le GR 2013 donne à la population les clés pour comprendre le monde qui l’entoure : il relie des espaces où nous passons tous les jours, sans forcément se rendre compte qu’ils existent. Marignane est une ville réputée peu touristique, marquée par son aéroport et une histoire politique stigmatisant. Elle dispose pourtant de nombreuses richesses : des espaces classés Natura 2000, l’étang de Bolmon... », constate Michèle Establier, directrice de l’Office de tourisme.

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Outrepasser des frontières, relier physiquement et symboliquement des espaces parfois clivés.


Au sein de l’Observatoire photographique du paysage, les photographes Geoffroy Mathieu et Bertrand Stofleth ont mis en place un système de veille en images du GR 2013, sur dix ans. Coproduction : Marseille Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture et le Centre national des arts plastiques, commande publique du ministère de la culture et de la communication.

Délimité avec l’aide des baliseurs de la Fédération française de randonnée, le GR 2013 plonge dans une mémoire quasi atavique du territoire. « Marseille a été l’un des lieux de l’invention de la randonnée pédestre, via la Société des excursionnistes marseillais, fondée en 1897 par Paul Ruat », rappelle Baptiste Lanaspèze. Pour agrémenter les balades, l’éditeur fait appel à la scène locale des artistes marcheurs : Mathias Poisson, Nicolas Mémain, Hendrik Sturm ou Radio Grenouille proposent promenades sonores, voyages les yeux bandés, croquis réalisés in situ avec des plantes tinctoriales... « Les excursionnistes du XIXe siècle étaient en lien avec les peintres impressionnistes ; les artistes marcheurs du XXIe siècle se réfèrent pour leur part à Robert Smithson, Richard Long, au land art... Tout a fini par converger. » A l’image de son tracé - une forme de 8 rappelant le symbole de l’infini et dont Patrimoine local

l’épicentre se situe à la gare d’Aix TGV -, le GR 2013 effectue ainsi une boucle symbolique, puisant dans les racines du patrimoine local. Arpenté par plus de 150 000 marcheurs depuis mars 2013, il poursuit sur sa lancée, prévoyant de nouvelles activations artistiques. Et le concept s’exporte déjà : en février dernier a été inauguré un sentier métropolitain dans le sillage du Grand Paris (la Révolution de Paris, 120 km reliant SaintDenis, Créteil et Versailles). « Propager le virus de la randonnée urbaine » : le défi semble bel et bien relevé.

www.mp2013.fr/gr2013 GR 2013 Marseille-Provence, sentier métropolitain autour de la mer de Berre et du massif de l’Etoile, Topoguides, Editions Wild Project.

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© Yves Ronzier

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© anagraphis

Hervé Di Rosa et ses Renés bien installés à bord.

LE TRAM D’AUBAGNE S’HABILLE CHEZ DI ROSA La plus petite ligne de tramway de France sera aussi la plus artistique au monde. Quand la technologie et la créativité s’allient pour un transport en commun qui ne l’est pas. Par Marie-Line Lybrech

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de prolonger son œuvre toujours soucieuse des autres. « Dans le tram, explique-t-il, nous partageons un moment de vie ensemble et ce moment-là doit aussi avoir droit au beau. Travailler à l’embellissement du quotidien donne du sens à mon intervention, poursuit-il, car l’art contemporain doit rester au plus proche des gens, de leur vie. » Cette connivence désirée avec les usagers s’est d’ores et déjà concrétisée lorsque les écoliers à qui l’on a fait découvrir le travail de l’artiste et l’art contemporain, ont été sollicités pour créer leurs propres Renés. « On a ainsi vu naître un René courageux, un René paresseux… et pour que Di Rosa puisse créer ces Renés aubagnais, précise Emmanuel Bois en charge chez Alstom du développement commercial auprès des collectivités locales, nous sommes allés jusqu’à mettre à sa disposition des rames en papier grandeur Il faut dire que les principaux promoteurs réelle pour qu’il s’assure du rendu ». Dix rames supplémentaires Appel de cet appel au peuple se présentent sous les devraient être ensuite également commandées par la collectivité. au peuple traits des fameux Renés du peintre Hervé À Aubagne, c’est sûr, les Renés vont faire des petits. Di Rosa qui a décoré les flancs de l’engin. « Pluridisciplinaire et accessible à tous », l’artiste sétois a été proposé par le fabricant pour répondre à la demande de l’agglomération d’Aubagne qui souhaitait que ce moyen de transport en commun soit aussi « un vecteur d’accès à la culture pour tous ». Pionnier de l’art modeste dans les années 70, Hervé di Rosa a trouvé dans cette commande une autre façon i les premières rames circuleront à l’essai cette année, ce n’est qu’à partir de septembre prochain que les Aubagnais pourront grimper dans les huit rames de « Citadis compact », un tramway de dernière génération commandé à Alstom. Compact comme son nom l’indique et d’une longueur comprise entre 22 et 24 mètres pour circuler dans les rues parfois étroites de la cité provençale, le véhicule est en outre « écologique car peu gourmand en énergie », souligne l’industriel qui le fabrique, et surtout plus accessible aux voyageurs que ses aînés. Ce tram de dernière génération se caractérise en effet notamment par des doubles portes et un large couloir de circulation pour faciliter les échanges. « Montez, montez ! », semble-t-il vouloir dire en substance.

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Total béton

INFLUENCE

#03

Construire

BRUT DE

DÉCOFFRAGE Longtemps décrié sur nos côtes, le bétonnage vit un nouvel âge d’or. Matière de plus en plus techno que les Romains pourtant utilisaient déjà, son retour en grâce s’expose, comme au Mucem, s’épanouit, sous toutes les formes, ou s’efface, quand le béton devient carrément transparent…

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© KIXBERLIN


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LE BÉTON FIBRÉ NOUS FAIT VIBRER Avec la réalisation du Mucem à Marseille, le BFUP, béton fibré à ultra-hautes performances, a acquis ses lettres de noblesse.

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l y a quelques années, lors d’un grand colloque international à Marseille qui se tenait au Pharo où l’architecte du futur Mucem était ainsi venu en « voisin », et surtout en spécialiste, ce dernier avait prédit que « cette technologie allait réformer en profondeur les certitudes et écritures architecturales. Avec les BFUP (comprenez bétons fibrés à ultra-hautes performances, NDLR), avait-il ajouté, intervenant au cours de cet important symposium qui réunissait tout ce que ce domaine relativement nouveau comptait alors comme experts, les frontières sont repoussées liant étroitement ingénierie de haut niveau et vision architecturale ». Réalisée bien entendu ainsi, la fine dentelle de béton enveloppant le bâtiment qu’il a conçu sur le J4 pour le Mucem et qui a tenu la vedette tout au long de l’année dernière au cours de laquelle le musée a été inauguré et ouvert, lui a donné raison. Précurseur en la matière, Rudy Ricciotti s’en est d’ailleurs, pour cette construction, servi à foison (1). Non seulement pour la fameuse résille dont la couleur monochrome change en fonction de la lumière, pouvant passer dans une même journée du noir à l’or via le blanc, mais aussi pour les structures mêmes de l’édifice ; ses étonnants poteaux, ses planchers et jusqu’à la passerelle élancée de 130 m qui le relie au fort Saint-Jean (ainsi que la deuxième qui réunit ce dernier à la ville) !

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Par Michel Vino

Passerelles, résille, poteaux... dans le bâtiment du Mucem sur le J4 tout est en BFUP ou presque.


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« Avec les BFUP, les frontières sont repoussées liant étroitement ingénierie de haut niveau et vision architecturale. » A L’EXPO Il faut dire qu’avec ce béton de dernière génération, fruit de la recherche des années 90 mais qui ne sera vraiment commercialisé à plus grande échelle par les industriels qu’à partir des années 2000, l’architecte du Mucem n’en était pas à son coup d’essai. Pour cela, il collabore en particulier depuis longtemps avec le bureau d’ingénierie spécialisé marseillais Lamoureux & Ricciotti (Romain, son fils, NDLR). Ensemble, ils ont additionné les premières mondiales et pulvérisé les records, que ce soit pour l’élancement de la passerelle piétonnière du Mucem vers le fort St-Jean ou les colonnes de 9 mètres de l’ouvrage par exemple. Plus récemment, la toiture-enveloppe, elle aussi une résille de BFUP, de la reconstruction du stade Jean Bouin qu’ils ont menée à Paris n’est pas non plus passée inaperçue. Intégrant directement du verre, elle a nécessité la mise au point d’un nouveau procédé d’inclusion lors du coulage du béton. Un fruit de la recherche

Matériau désormais programmable, la bonne maîtrise des conditions physico-chimiques et un choix varié d’adjuvants, de fibres et de matériaux inertes, lui ont fait franchir une nouvelle dimension. Les Bétons fibrés à ultra-hautes performances (BFUP) affichent 200 MPA en compression, une résistance à la traction et une ductilité exceptionnelles. Ses adeptes, de plus en plus nombreux, lui trouvent de multiples vertus : esthétique, technique, structurelle, environnementale. De même, selon eux, il ne craint ni la corrosion, ni l’encrassement, et ne demande ni protection, ni entretien. Non poreux, il résiste aussi bien à la pollution, qu’aux chocs et à l’usure. Son secret, outre des granulats de très petite taille, c’est qu’il comprend de 2 à 3 % de fibres métalliques en acier hautement résistant semblables à de petites aiguilles et qui permettent de la sorte de s’affranchir des habituelles armatures métalliques utilisées dans les constructions en béton plus classique.

Ceux qui apprécient le Mucem iront découvrir plus en détail le travail de l’architecte Rudy Ricciotti, grand prix national d’architecture en 2006, grâce à l’exposition « Ricciotti architecte » qui lui est consacrée jusqu’au 18 mai 2014 à la Friche La Belle de Mai. Après Paris, celle-ci, produite par la Cité de l’architecture et du patrimoine, est en effet présentée à Marseille par la Maison de l’architecture et de la ville Paca.

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BIEN D’AUTRES FORMES D’UTILISATION

Les énormes pots à olivier de la place Jules-Verne sont eux aussi en BFUP.

La concurrence Mais parmi les bétons du XXIe siècle, il des BAP et des n’est pas le seul, aux yeux des spécialistes, BAN à présenter encore d’énormes possibilités

d’évolution. A l’heure actuelle, BAP (bétons autoplaçants) et BAN (bétons autonivelants) font tout autant parler d’eux. Pour sa part, le fabricant (2) de la matière première du Mucem, en l’occurrence Lafarge, qui a fourni son BFUP baptisé « Ductal », considère qu’il s’agit là « d’une des innovations les plus importantes dans les matériaux de construction depuis le béton armé ». Le béton armé, un matériau moderne en son temps, qui, rappelons-le, avait lui-même acquis ses propres lettres de noblesse à Marseille, après-guerre, avec la construction de la Cité radieuse par Le Corbusier… Ainsi, et même s’il a aujourd’hui beaucoup évolué comme on vient de le voir, d’un monument d’architecture à l’autre, le béton reste. (1) 13 297 m3 de béton, 711 m3 de béton BFUP, 309 poteaux en BFUP, 1500 m2 de résille en BFUP (soit 384 panneaux). (2) Autres producteurs de BFUP dans l’Hexagone, Eiffage fabrique et commercialise, lui, le « BSI », et Vicat le « BCV ».

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« Une des innovations les plus importantes dans les matériaux de construction depuis le béton armé. »

Grâce à ses qualités intrinsèques, le BFUP peut être utilisé dans de nombreux ouvrages et sous de multiples formes, ouvrages d’art bien entendu, ponts routiers et passerelles piétonnes, mais aussi pour bien d’autres constructions ou éléments de construction : résille, élément de façade complexe, parement, brise-soleil, traverse pour pylône électrique… Sa stabilité dimensionnelle en fait un substitut intéressant à l’acier et aux matériaux composites. Dans un autre domaine par exemple, l’industrie automobile utilise des matrices en béton très haute performance pour emboutir les pièces de carrosserie.



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TOUT EST BON DANS LE BÉTON ! Par Julie Bordenave

Il est loin le temps où le béton restait caché sous les finitions, cantonné au rôle de pragmatique matière première. Désormais, il a gagné le coeur des designers et s’invite dans nos maisons, parfois là où on l’attend le moins. « Le béton est en train de prendre sa revanche : après avoir été uniquement reconnu pour ses qualités constructives, il commence à être valorisé pour ses infinies possibilités esthétiques, la façon dont ses volumes captent la lumière, ses apparences multiples et surprenantes », constate le créateur Francesco Passaniti. Les constructeurs qui s’emparent de ce matériau pour le modeler à leur envie, le parent de toutes les vertus : pureté, minéralité, résistance... Qu’il soit moulé, sculpté, brut ou coloré, monolithique ou dentelé, qu’il intègre des fibres optiques, du métal ou du verre, qu’il côtoie le cuir ou le textile, le béton pourrait bien devenir le nouvel accessoire de mode, allant jusqu’à infiltrer les sphères de la haute couture. Tour d’horizon de la Provence à l’Europe de l’Est.

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TABLE POLLUX

A travers leur marque Esperluettes, Claire de Chivré et Emilie Dezeuze proposent des produits pimpants, joliment malicieux. Telle une madeleine de Proust, la gamme Pollux détourne le piquant de la brosse industrielle pour l’allier au béton dans des tables et des lampes. www.esperluettes.com


PRISE ROSETTA

XIRAL SEGARD

Du béton ajouré pour remplacer le stuc traditionnel des prises murales, voici l’idée lumineuse de la créatrice allemande Phoebe Helmbold, cofondatrice avec Claudia Santiago Aeral du Studio Livalike. Produit réalisé en BFUP, disponible en blanc et gris.

Xiral Segard aime jouer avec l’imagerie populaire et les icônes pop : ses créations (bougeoirs, lampes, photophores...) détournent des noms mythiques (Jour de fête, Playtime, Wall of fame...). Inspirée des châteaux d’eau, sa table d’appoint en béton Watertower at home « rend hommage à cette architecture monumentale qui ponctue le paysage des campagnes françaises, un îlot de béton au milieu de nulle part. »

www.livalike.com

www.xiralsegard.com

BÉTONNERIE

Créée par les architectes David Rouyer et Julien Debroize, la Bétonnerie conçoit mobilier et aménagements en Béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP) pour l’intérieur et l’extérieur. La collection de mobilier de jardin 100 trous se joue de la végétalisation : percés de trous, les meubles (fauteuil, banquette, table basse, paravent...) se font tuteurs, laissant grimper les plantes comme filtrer la lumière. Equipé d’un caisson en Plexiglas translucide renfermant des LED à variation de couleur, le Tablum sert à plusieurs usages : à la fois tabouret, table d’appoint et luminaire. www.labetonnerie.fr

BAIGNOIRE ONE

Doté d’une insatiable curiosité, Francesco Passaniti formalise depuis plus de dix ans une recherche esthétique et technique autour de son matériau de prédilection, qu’il ne cesse de sublimer : le béton. www.francescopassaniti.fr

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TABLE IMPACT

Créé par les designers Gautier Pelegrin et Vincent Taiani, le Noon Studio répartit ses activités entre Londres et Avignon. La table basse Impact a été inspirée par les cratères de météorites : son plateau en béton possède une vasque, qui peut servir de bac de rangement ou encore accueillir des plantes et même... des poissons rouges ! www.noon-studio.com

VASE ACROBAT

« Nous voulons créer pour séduire, fasciner et émouvoir nos instincts » : tel est le credo de Nathalie et Cyril Daniel, qui cherchent avec Urbanoïd, leur bureau de design marseillais, à créer des objets poétiques, tout en les adaptant aux besoins et désirs contemporains. Parmi leurs produits phares, la gamme de vases Acrobat se présente comme un Culbuto épuré : sur son socle en béton, le tube en verre tournoie, cherchant son point d’équilibre sans jamais tomber. Disponible en trois tailles : Soliflore (16cm x 8cm), vase (30cm x 17cm) et géant (73cm x 42cm). www.urbanoid.fr

IVANKA

PARPAING ERIC ROLLAND

Détourner le parpaing pour en faire un outil de rangement, c’est l’idée maligne de l’Arlésien Eric Rolland. En béton 100 % minéral, sa création se décline sous différentes tailles et couleurs : le mini parpaing se fait pot à crayon, le parpaing moyen se fait range-CD, tandis que le XXL se mue en bibliothèque ou range-bouteilles. www.ericrolland.com

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Le fabricant hongrois Ivanka relève l’audacieux pari de rendre le béton glamour, en l’élevant au rang de matière noble : il le mêle au textile dans une ligne de vêtements et l’affiche aux poignets des dames via de gracieuses pochettes à mains. 700 grammes à bout de bras tout de même... www.ivanka.hu


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NOUVELLE APPARITION, LE BÉTON INVISIBLE

© Ciments Calcia

L’i.light est proposé sous la forme de panneaux de béton prêts à l’emploi.

Les architectes en rêvaient, Ciments Calcia l’a mis au point. Zoom avant sur un béton particulièrement novateur… © Ciments Calcia

Par Michel Vino

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l’heure où le béton cherche notamment à devenir plus vert en utilisant des composés minéraux pour réduire les émissions de CO2, ou s’autonettoie automatiquement grâce à l’incorporation d’oxyde de titane, ce matériau vieux comme le monde, que les Romains connaissaient déjà et qui est celui le plus utilisé en construction, devient aussi aujourd’hui carrément … transparent ! Mise au point par le fabricant Ciments Calcia du groupe Italcementi, cette nouveauté qui se présente sous la forme de panneaux de béton préfabriqués, a été baptisée « i.light ». Cet étonnant mélange d’une matrice cimentaire de pointe et de résines spéciales laisse en effet passer la lumière naturelle ou artificielle tout en produisant un surprenant effet de transparence. Malgré cet aspect translucide, l’i.light se montre en plus particulièrement résistant aux rayons UV, soit l’assurance d’une réalisation pérenne. D’ores et déjà plébiscité par les professionnels, ce béton fort original a notamment servi à la réalisation du pavillon italien imaginé par Giampaolo Imbrighi pour l’exposition universelle de Shanghai, en 2010. Autre référence prestigieuse, il a également séduit l’architecte Richard Meier qui l’a utilisé pour le design intérieur, à Bergame, du laboratoire de R& D du groupe italien Italcementi. Assurément innovant, le produit est adapté à différentes applications non structurelles : éléments décoratifs, parois, gardecorps, escaliers... Les panneaux préfabriqués sont dotés d’une surface transparente maximale de 20 % obtenue grâce à des Des références transalpines

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Le Pavillon italien réalisé pour l’Exposition universelle de Shanghai en 2010 est le premier ouvrage à avoir utilisé ce béton transparent.

polymères spéciaux capables de transporter plus de 90 % de la lumière. La présence d’inserts traversants contribue elle aussi à cette transparence. Facilitant les jeux d’ombres et de lumière, ce béton peut être également personnalisé et s’adapter à chaque projet en modulant les dimensions du panneau ou la couleur de la matrice cimentaire et des résines. Matériau polyvalent, véritable matière première pour les créateurs, architectes et décorateurs, « i. light » laisse ainsi libre cours à l’imagination.


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MP 2013

PROLONGER L’EXPÉRIENCE Que restera-t-il de Marseille-Provence 2013 ? Les infrastructures culturelles ont poussé entre ciel et terre, modifiant le visage de la ville : sur le toit de la Cité radieuse, dans le quartier de la Belle de Mai, sur la darse du J4 ou dans le périmètre d’Euroméditerranée... Tour d’horizon.

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Š Benjamin Bechet


ar t en ville Post MP 2013

LES ÉQUIPEMENTS CULTURELS DE MP 2013 EN DATES Qu’ils aient été érigés, toilettés ou réaffectés pour l’occasion, petit retour sur les équipements culturels qui ont fait la sève de Marseille-Provence 2013. La plupart devrait survivre à l’année capitale... Par Julie Bordenave • Photos : DR

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Entre le J4 et la Joliette, cet immense hangar maritime, réaménagé pour MP 2013, a été l’un des gros succès de l’année capitale, malgré une accessibilité en pointillés. Fermé en décembre, son avenir reste à ce jour incertain...

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JAN.

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TOUR-PANORAMA DE LA FRICHE DE LA BELLE DE MAI

La Friche de la Belle de Mai a entamé de nombreux travaux pour l’année capitale. Dès janvier, le pôle culturel déjà cossu (40 000 m2, dans une ancienne manufacture de tabac) inaugure un nouveau lieu de diffusion dédié à l’art contemporain : la TourPanorama, dotée d’une une terrasse aérienne de 7 000 m2, avec vue imprenable sur la rade de Marseille et la Côte Bleue. Lire p.52

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MAR.

MUSÉE REGARDS DE PROVENCE

La Fondation Regards de Provence a choisi de réhabiliter une ancienne station sanitaire pour y implanter son musée. Trônant aux côtés de la Major, en surplomb de l’esplanade du J4, il constitue le plus important équipement culturel privé parmi les grands chantiers de MP 2013.

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MAR.

GR2013

Premier sentier de grande randonnée en zone péri urbaine, le GR 2013 effectue une boucle de 365 kms reliant 38 communes autour de Marseille. Pour son inauguration, une grande course relais a été organisée durant trois jours, d’Istres à Aubagne. Lire p.28

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MAR.

FRAC

Après dix ans passés dans le quartier historique du Panier, le Fonds régional d’art contemporain ProvenceAlpes-Côte d’Azur migre à la Joliette, en plein coeur d’Euroméditerranée. Réalisé par l’architecte Kengo Kuma, le nouveau bâtiment dévoile en mars sa façade pixellisée, constituée de verre dépoli. Lire p.48


MUSÉE D’HISTOIRE DE MARSEILLE

Sur les lieux d’importantes fouilles archéologiques effectuées dans les années 60, le Musée d’histoire de Marseille rouvre ses portes. Lifté par l’architecte Roland Carta, il devient l’un des plus grands musées d’histoire d’Europe. A l’occasion des Journées du patrimoine, les visiteurs peuvent découvrir les nouvelles collections sur 3 500 m2, et visiter les ruines à ciel ouvert, au coeur de la galerie commerciale du Centre Bourse.

VILLA MÉDITERRANÉE

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MAI

Après une timide pré ouverture en avril, la Région inaugure sa Villa Méditerranée en mai. Les visiteurs découvrent enfin la nouvelle promenade littorale sur la darse du J4. Lire p.58

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SEP.

EDEN THÉÂTRE, LA CIOTAT

C’est un monument du 7e Art qui rouvre ses portes au public : en 1898, l’Eden Théâtre accueillait la première projection privée des frères Lumière. Classée aux monuments historiques depuis 1996, la salle de cinéma a été restaurée par André Stern et Nicolas Masson. Lire p.18

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OCT.

MAMO

Quinze mois après le grave incendie qui a endommagé deux étages de la Cité radieuse, les habitants sont réunis par un joyeux événement : le jeune designer Oraïto inaugure une galerie d’art contemporain sur le toit terrasse du mythique immeuble. Lire p.60

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JUIN

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CONSERVATOIRE DE MUSIQUE ET DE DANSE DARIUS MILHAUD

SEP.

Dans son quartier Sextius Mirabeau en pleine mutation, Aix-en-Provence se dote d’un nouvel équipement culturel : deuxième réalisation de Kengo Kuma dans le cadre de MP 2013, le Conservatoire Darius Milhaud accueille ses élèves dès septembre. Lire p.64

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OCT.

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JUIN

MUCEM

LES PLATEAUX, LA FRICHE

La Friche de la Belle de Mai achève sa mue : en octobre sont livrés les Plateaux, deux nouvelles salles pour les arts de la scène : l’une de 370 places (« le Grand Plateau »), l’autre de 150 places (« le Petit Plateau »). Lire p.52

Pièce maîtresse de l’année capitale, le Mucem ouvre enfin ses portes au public le 7 juin. Si l’imposant monolithe de Rudy Ricciotti focalise tous les regards, il ne doit pas faire oublier les autres équipements du musée national : le fort Saint-Jean voisin, dédié aux arts populaires, et le Centre de conservation et de ressources, délocalisé dans le quartier de la Belle de Mai. Lire p.56

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ar t en ville Post MP 2013

CHIC FRAC À LA JOLIETTE Marseille-Provence 2013 aura été bénéfique pour Kengo Kuma : six mois avant le Conservatoire d’Aix-en-Provence (voir pages Porfoltio), l’architecte japonais livrait les nouveaux bâtiments du Frac Paca. Un cocon de verre dépoli pour accueillir de l’art contemporain, en plein coeur d’Euroméditerranée. Par Julie Bordenave • Photos : Nicolas Waltefaugle

« J’ai cherché à restituer la vitalité des rues marseillaises par le biais d’un outil contemporain. »

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elon Pascal Neveux, directeur du Frac PACA, « l’architecture est une arme de communication. » De fait, Marseille a frappé fort, en faisant appel à Kengo Kuma pour faire sortir de terre le nouveau bâtiment, à l’occasion de la migration de l’équipement du Panier à la Joliette en mars dernier. « L’écriture du projet a débuté en 2006. Il s’agissait de replacer la ville dans la dynamique nationale des trente ans des FRAC », commente Pascal Neveux (cf. encadré). Lauréat en 2007 de l’appel à concurrence lancé dans le cadre du contrat de projet Etat-Région, Kengo aime à dire qu’il veut effacer l’architecture : « L’essence de mon approche réside dans l’utilisation de matériaux naturels et dans la création d’espaces aériens, ouverts et remplis de lumière. L’ensemble doit être léger et calme. La lumière doit filtrer à travers le bâtiment », étaie le lauréat du Prix de l’Institut architectural du Japon. Ses constructions éthérées à la fragilité trompeuse, souvent comparées à des origami, se pensent en porosité avec un environnement immédiat. A Marseille, c’est au coeur de l’opération de rénovation urbaine Euroméditerranée qu’il a dû composer : sur un ilôt urbain sis entre les rues Leblanc et Forbin, jouxtant le passant boulevard de Dunkerque et plusieurs façades d’immeubles en vis-à-vis.

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Cette situation d’hypercentre, inédite à ce jour pour un Frac, fut source d’inspiration pour l’architecte : « ce site étroit, entouré de rues très vivantes, a été une stimulation. Jai cherché à restituer la vitalité des rues marseillaises, par le biais d’un outil contemporain. La forme complexe de la parcelle était propice à la construction d’un bâtiment qui ne serait pas une boîte. » Pour ne pas faire de l’édifice une tour d’ivoire, mais bel et bien l’insérer dans le corps urbain environnant, il imagine une façade « pixellisée » : une surface enveloppée de 1 600 éléments de verre recyclé émaillé, dont les différentes teintes de blanc réagissent à la course du soleil. Une jonction entre l’art contemporain et l’artisanat traditionnel : « le travail réalisé par le maitre verrier Barrois permet d’être à la fois protégé et en lien avec l’extérieur. » Cette semi transparence permet au maître d’oeuvre de faire évoluer son idée de « rue tridimensionnelle », en écho au « Musée sans murs » de Malraux : « Le Frac est un musée qui a plusieurs fonctions : les prêts d’oeuvres, les résidences d’artistes... Son activité est complexe et toujours vivante. Le concept de rue en trois dimensions est l’expression de ces fonctions multiples. Cette rue ouverte en volumes permet aussi de restituer la lumière de la Méditerranée, faite d’une infinité d’éléments. » Rue tridimensionnelle


DEUXIÈME GÉNÉRATION DE FRAC Pour célébrer les 30 ans des Frac (1) en France, six d’entre eux se sont refait une beauté (Nord Pas de Calais, Bretagne, Centre, PACA, Franche-Comté et Aquitaine). L’exposition itinérante Nouvelles architectures opère un focus sur ces Frac dits de nouvelle génération : maquettes, entretiens avec les agences d’architecture, images 3D... Le contexte dans lequel s’insère chaque bâtiment est étudié : à Orléans, réhabilitation d’une caserne militaire par Jakob et Mc Farlane ; à Bordeaux, implantation dans le nouveau quartier d’Euratlantique, prévue à horiozon 2015... Après son lancement au Centre Pompidou en 2013, l’exposition est accueillie au Frac PACA jusqu’au 2 mars. Un plateau spécial est dédié aux réalisations de Kengo Kuma, pensées pour Marseille et Besançon. (1) Les Fonds Régionaux d’Art Contemporain ont été créés en 1982 dans le cadre de la politique de décentralisation, pour démocratiser l’accès à l’art contemporain en régions.

Exposition Nouvelles architectures, du 21 janvier au 2 mars 2014, www.fracpaca.org www.frac-platform.com

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Deux espaces d’exposition modulables, l’un de 420m2, l’autre de 260m2, accueillent les oeuvres d’art.

Accueillant le visiteur par un rez-de-chaussée transparent, le bâtiment incite ensuite à une déambulation incessante, jouant toujours sur l’intérieur-extérieur : différents niveaux, patio, terrasse urbaine... Un cheminement qui n’est pas sans rappeler les principes architecturaux de Le Corbusier. D’un séjour effectué à Marseille il y a trente ans, Kuma a en effet gardé le souvenir ému de sa visite de la Cité radieuse : « Je me souviens encore du choc que j’ai eu lorsque j’ai découvert cette expression nouvelle de l’architecture, très liée aux déplacements dans le bâtiment. J’ai essayé de continuer le geste de Le Corbusier, en l’actualisant. Je ne voulais pas faire un bâtiment où l’on empile les étages, comme dans un immeuble de bureaux ; mais permettre de respirer l’air, voir la lumière du soleil. » A chaque niveau, correspond une fonction : plateaux d’exposition, café restaurant, espace multimédia, centre de documentation accueillant des bibliothèques éphémères en rapport avec les expositions présentées... Se sentir au Frac comme chez soi ; voire assimiler la visite du bâtiment à un voyage intérieur, tel était le défi de Kuma : « La méthode pour créer l’architecture doit être flexible et ouverte. La structure doit être en harmonie avec le corps humain. J’ai pensé un cheminement possible, inspiré par le système digestif de l’être humain. »

Le Corbusier, figure tutélaire

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Un cheminement incessant jouant sur l’intérieur-extérieur, pour se sentir au Frac comme chez soi.


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LA FRICHE FAIT UN TABAC À BON MARCHÉ Chantier au long cours, la réhabilitation à Marseille de la friche industrielle de la Belle de Mai, ex-manufacture des tabacs, a connu un coup d’accélérateur avec l’aménagement de nouveaux équipements culturels économiques. Explications sur cette façon de « faire sans » par l’un des auteurs de cette métamorphose réussie. Par Michel Vino

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iamétralement à l’opposé du Mucem, dans l’espace, la forme et l’esprit, à l’écart des circuits touristiques plus traditionnels et en particulier de ce nouveau front littoral de la Joliette magnifié à l’occasion de Marseille-Provence 2013, mais à deux pas de la gare Saint-Charles, dans le prolongement de ses voies ferrées, un endroit plus atypique de la cité phocéenne s’est aussi taillé un joli succès l’an dernier. Ancienne manufacture des tabacs transformée en pôle artistico-culturel, ce véritable petit quartier de ville, « un nouveau mode de ville » selon ses concepteurs, a attiré plus d’un demi-million de visiteurs de la capitale européenne de la culture. Et cette Friche Belle de Mai n’en a pas fini de muer.


© Flashback photographie

UNE « OEUVRE » DE LONGUE HALEINE

Une L’un des principaux magiciens auteurs de ce reconfiguration bel happening de transformisme physique économique en est convaincu. Avant même le moindre

budget alloué dans ce sens, Matthieu Poitevin réfléchit déjà à la prochaine pièce du puzzle. « C’est un projet qui n’est jamais terminé, qui se réinvente sans cesse et qui m’a tout appris » explique cet architecte marseillais qui, s’il concourait à un concours de sosie de Jack Bauer (le héros de la série télé « 24 heures chrono », NDLR) grimperait assurément sur le podium. Mais lui ayant choisi - à raison - d’exercer ses talents dans l’architecture, il reconfigure ainsi depuis bientôt vingt ans désormais, avec son agence ARM Architecture et son associé Pascal Reynaud, cet ancien site industriel de 40 000 m2, un îlot de l’ex-Seita constitué de bâtiments disparates des XIXe et XXe siècles dont on devine toujours les traces, tout en mesurant en même temps l’habile transgression opérée. Ici, une ancienne salle de conditionnement, la Cartonnerie, devenue écrin à spectacles, là un autre entrepôt dit des rouleaux ressuscité en restaurant design. Toujours plus étonnant encore, la crèche pour enfants que comprend également le nouveau dispositif, a été aménagée dans un ancien… réservoir d’eau ! Ce qui ne l’a pas empêché d’être en plus écologiquement correcte et à moindres frais.

Une ancienne salle de condi­tionnement devenue écrin à spectacles, un entrepôt ressuscité en restaurant design...

A La Friche, on doit à ARM Architecture le schéma directeur d’aménagement (2001), la Cartonnerie et les Studios (2003), le Campement (1000 m2 de bureaux dans des bungalows de chantier, 2004), la réhabilitation de la salle des rouleaux en restaurant « les Grandes Tables » (2006), le Street Park (2009), skate-park aujourd’hui très prisé, l’étonnante crèche dans le réservoir (2012), les Magasins (1000 m2 d’ateliers, bureaux, studios de production…), la place aérienne (un must) et la Tour-Panorama (5000 m2 d’espaces d’exposition). Sont venues aussi s’ajouter, dernières livraisons en date, deux nouvelles salles de spectacle, les Plateaux, réalisées dans des délais records en structure bois et bardage bois et métallique par le cabinet d’architecture parisien Construire de Sébastien Eymard et Loïc Julienne. Un nouvel ajout qui ne dépareille pas.

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© Kristin S.

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« Les limites financières se sont paradoxa­lement transformées en autant de libertés »

Car l’un des autres immenses mérites de cette reconfiguration générale, outre ses espaces publics, ouverts et généreux – un dédale de rues, artères, terrasses et patios qu’il est plaisant de parcourir pour s’imprégner de l’ambiance exacte régnant en cet endroit à la fois à part et complètement dans la cité phocéenne – est qu’elle ait été menée « dans une économie de moyens maximale et pour un coût de travaux d’environ 800 euros par m2 », précise le maître d’œuvre. « Non par choix, mais contraints, explique encore l’architecte, parce que les investissements consacrés aux équipements où l’on fabrique et où l’on crée la culture, à distinguer de ceux, comme les musées, où on la montre, sont de plus en plus étriqués ». Des limites financières qui se sont paradoxalement transformées en autant de « libertés ». « Les obligations pragmatiques, administratives et réglementaires font qu’un projet est souvent complètement cadenassé. En revanche, dans une friche où rien n’est aux normes ni aux dimensions, le code habituel ne peut s’appliquer et on passe au contraire son temps à expérimenter concrètement ses intuitions de départ, à tirer parti de la plus modeste circonstance constructive. Aujourd’hui, il existe deux types d’architecture, résume Matthieu Poitevin. Il y a d’un côté « l’architecture d’œuvre » où le projet réalisé reste figé une

Une architecture de circonstance

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fois pour toutes, et de l’autre, une architecture de processus qui s’invente sur elle-même. La Friche appartient à cette deuxième catégorie, celle de l’architecture la plus frappante parce qu’elle ne se voit pas. » Les livraisons plus récentes datant de l’année Capitale, qui a bien boosté l’avancement de ce vaste dessein, témoignent elles aussi de cette façon de « faire sans », entendez sans trop de moyens financiers. Revêtue d’un simple bardage ondulé translucide, visible du train et jouant avec les rayons du soleil, la tour-panorama de 5 étages d’espaces d’exposition (5000 m2) disposée en porte-à-faux et belvédère, avec sa grande fenêtre, sur la ville tout entière, traduit bien ce « Less is more » de F.L. Wright revisité, à cheval entre réhabilitation sensée et création ajoutée. « Pourquoi vouloir faire quelque chose de normal dans un lieu atypique où rien n’est habituel ? », avait d’ailleurs un jour retourné la question l’architecte interrogé à ce sujet. Pourquoi, en effet…


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L’AUTRE MUCEM Livré en août 2012, à l’angle des rues Guibal et Clovis Hugues, le Centre de conservation et de ressources (CCR) du Mucem a été conçu par l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni pour abriter près d’un million d’objets, images, films ou documents, mais aussi accueillir le public. Par Emmanuelle Gall

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epuis son ouverture, l’éclatant succès du Mucem fait de l’ombre à ses « concurrents » et même à ses propres réserves de la Belle de Mai. Pourtant, le CCR ne manque pas d’élégance. Véritable usine à gaz sur le plan technique, le bâtiment joue pourtant la carte de la sobriété, loin des effets de dentelle du Mucem. Si sa surface au sol occupe le même carré de 72 mètres de côté, son apparence est nettement plus brute de décoffrage. C’est le parti pris de l’architecte Corinne Vezzoni, qui a imaginé « un monolithe sculpté par la lumière » inspiré de l’univers du sculpteur catalan Eduardo Chillida. « Il creusait des galeries de lumière dans la pierre marbrière brute, pour en révéler la blancheur. Ici, la carapace de béton a été entaillée, excavée, pour laisser entrevoir dans l’épaisseur du bâtiment la luminosité d’un béton blanc réfléchissant. » L’architecte, qui a grandi au Maroc et installé son agence à la Cité radieuse, s’est forgé une solide réputation depuis plus de vingt ans en affirmant « la prise en compte du contexte, plutôt que l’empire du grand geste ». En témoignent notamment, à Marseille, les Archives et bibliothèque départementales Gaston-Defferre (ABD), inaugurées en 2006. La Belle de Mai n’est pas un terrain neutre : « Dans cet environnement de friches

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industrielles, il fallait trouver une réponse architecturale à la mesure du paysage, c’est-à-dire compacte, massive. Nous avons également voulu conserver le maximum d’éléments existants pour ne pas gommer l’histoire du lieu ». De cet ancien terrain militaire, dépendant de la Caserne de Muy, subsistent en effet l’enceinte en pierre de Cassis, l’entrée bordée de platanes et un long bâtiment à la façade ocre, polie par le temps. Ce cadre est à l’origine de la couleur et la texture du CCR, obtenues en coffrant, dans des banches de bois, un béton saupoudré à la main d’ocres de Toscane. À y regarder de plus près, cette enveloppe oscille entre le végétal et le minéral, entre écorce et sédiment : une façon de signaler la fonction protectrice des lieux. Une fois à l’intérieur, on comprend mieux le rôle des puits de lumière latéraux et verticaux. Le hall d’entrée et les différentes pièces attenantes, d’un blanc immaculé, bénéficient d’un éclairage subtil et indirect, jamais agressif. « La surface destinée au public doit être accueillante, elle s’organise autour d’un patio de méditation, invisible depuis l’extérieur, dans l’esprit méditerranéen », explique Corinne Vezzoni. Passé l’accueil, on pénètre dans l’espace dévolu aux expositions temporaires (100 m2). Un peu plus loin, se trouvent les salles de travail destinées aux chercheurs. Au-delà de cet espace public, qui correspond à un


© Corinne Vezzoni

© David Huguenin

Un monolithe sculpté par la lumière, inspiré de l’univers du sculpteur catalan Eduardo Chillida

quart du bâtiment, un grand couloir fait office de sas entre le mode des hommes et celui des objets. Derrière d’immenses portes, se cachent les réserves proprement dites du musée. C’est un labyrinthe à trois niveaux, enchaînant grands et petits espaces, chambres froides et centrales de traitement d’air. Ici, les collections sont réparties selon leur taille, leur encombrement, leur matière, mais aussi leurs besoins en termes de température et/ou d’hygrométrie. Certains objets sensibles, tels les films, les pièces en cire, en fourrure ou en ivoire, sont particulièrement exigeants sur ce point. Leur sont également dévolus, une chambre d’anoxie et différents ateliers. Enfin, un espace de 800 m2 a été aménagé pour recevoir les groupes qui souhaitent visiter les réserves du musée : une première dans l’histoire de la muséographie française.

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© Joël Assuied

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VILLA MÉDITERRANÉE : 20 000 LIEUX ENTRE CIEL ET MER Depuis avril 2013, le J4 accueille sur sa darse la Villa Méditerranée : aussi blanche que le Mucem voisin est sombre, le bâtiment alimente les fantasmes autour de son architecture peu conventionnelle. Par Julie Bordenave

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ne villa dédiée à la Méditerranée, le concept coule de source dans une ville comme Marseille : la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en caressait l’idée depuis déjà 2003. Pour les architectes, le défi a été de s’intégrer à un cahier des charges évolutif : « à l’origine, le bâtiment prévoyait des résidences d’artistes, comme la Villa Médicis. Puis il s’est orienté vers l’accueil d’expositions d’art contemporain (1) liées à la Méditerranée », rappelle l’architecte Ivan di Pol, en charge du projet aux côtés de Stefano Boeri et Jean-Pierre Manfredi. « Nous avons cherché à mettre la Méditerranée au coeur du projet au sens propre, en organisant la forme architecturale autour de l’élément marin : la Villa est tournée vers l’esplanade du J4. Ses volumes s’articulent autour de la darse, que nous avons prolongée pour poursuivre la promenade littorale autour du Fort Saint-Jean, prévue dans le cahier des charges fixé par Euroméditerranée et le cabinet Yves Lion. » De la fantasque forme en C du bâtiment, c’est d’abord le porte-à-faux de 40 mètres de long qui saute aux yeux du visiteur : culminant à 19 mètres, il offre une vertigineuse vue sur le panorama alentour, laissant deviner le sol par son plancher transparent. En effet miroir, la même surface se décline sous la mer, dans un sous-sol accessible par l’escalier intérieur en forme de monumentale spirale.

« Nous avons joué avec les contrastes de ces perceptions, en rapport avec les éléments : le belvédère nous mène au-dessus du vide, en nous projetant vers l’extérieur avec une ouverture très large sur l’horizon ; l’atrium opère ensuite la transition avec l’ambiance souterraine dans l’amphithéâtre. Un visiteur a comparé cette succession à la trilogie de Dante ! », s’amuse l’architecte. La Villa a été aussi pensée en complémentarité avec le Mucem voisin : « Nous avons toujours imaginé la Villa dans des tonalités claires, comme une capitainerie de port. En discutant avec Rudy Ricciotti, qui prévoyait un bâtiment plutôt sombre, nous nous sommes dit que le contraste allait fonctionner. Cette disparité rappelle aussi le côté portuaire : un port n’est pas une composition hausmanienne alignant des bâtiments identiques ; c’est souvent la juxtaposition d’éléments assez dissemblables, un bateau à côté d’un silo... Malgré tout, les volumétries définies par l’aménageur donnent une cohérence à l’ensemble ; les deux bâtiments offrent des géométries très simples, même si le nôtre est creusé de l’intérieur. Certains y voient le yin et le yang ! » Capitainerie de port

(1) La Villa Méditerranée propose cycles de projections, rencontres et conférences en rapport avec les expositions accueillies. Du 14 mars au 31 août 2014 : Sous la mer, un monde, d’Alain Bergala.

www.villa-mediterranee.org

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© Olivier Amsellem

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MAMO, LE CORBUSIER SI BEAU EN SON MIROIR La Maison du Fada a de beaux jours devant elle. Ora-ïto, jeune chien fou du design français, a racheté une partie de son mythique toit terrasse pour y implanter un musée en juin dernier ; ou comment importer l’art contemporain au coeur de la cité verticale. Par Julie Bordenave

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e payer le toit terrasse de la Cité radieuse, l’ambition était de taille. C’est celle qui a animé le jeune designer Ora-ïto, ramené en ses terres marseillaises par son amour immodéré pour Le Corbusier, « l’ogre » selon ses propres termes. En découvrant en 2010 que le gymnase de l’immeuble, fermé au public depuis plusieurs années, cherche acquéreur, il revend sa collection d’art contemporain pour investir. L’enfant terrible du design français – qui s’est fait mondialement connaitre pour ses détournements de marques dans les années 90, avant de travailler pour les plus grandes d’entre elles – rend ainsi à sa façon à sa façon hommage à un symbole marseillais. Deux ans de travaux ont été nécessaires pour réhabiliter le gymnase conformément aux intentions originelles de Le Corbusier, après l’avoir débarrassé de sa « verrue » (un toit à double pente bâti sur le solarium attenant par l’ancien propriétaire). C’est donc dans cet équipement rénové, au sommet de la mythique barre de béton sur pilotis, que prend place son nouveau Centre d’art, malicieusement baptisé Mamo : à la fois clin d’oeil au Moma de New-York, et au Marseille Modulor, ce fameux mètre étalon utilisé par Le Corbusier pour bâtir son unité d’habitation.

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Adoubé par l’assemblée de copropriétaires comme par la fondation des ayants droit de l’architecte, le designer pérennise ainsi l’esprit originel qui anima la création de la Cité radieuse : gageons que cette démocratisation dans l’accès à l’art contemporain n’aurait pas déplu à Le Corbusier, qui avait pour intention d’offrir à ses habitants un cadre de vie quasi autarcique, allant jusqu’à penser une école, des commerces et des bureaux dans son immeuble d’après guerre. Pour 5 euros, le public peut ainsi faire d’une pierre deux coups : arpenter toute une partie du toit terrasse enfin accessible, et y découvrir des collections d’art. L’émotion est toujours la même pour le visiteur qui se hisse jusqu’au dernier étage de la cité verticale, culminant à 56 mètres du sol : une vue à couper le souffle, où le blanc aveuglant du béton le dispute à l’azur du ciel, avec au loin un panorama sur la mer, la ville tentaculaire et la végétation au-delà. « Un vrai combat de boxe entre le paysage et les oeuvres accueillies ! », s’amuse Ora-ïto. Le designer s’est donné pour consigne de ne pas exposer ses propres oeuvres au Mamo, mais d’y accueillir des artistes amis. Ce fut le cas avec l’exposition Architectones de Xavier Veilhan, qui inaugura en juin dernier l’ouverture du musée. Attendu pour l’été 2014 : Daniel Buren. Combat de boxe


© Élisabeth et Christian Portzamparc

MUSÉES DE STARS EN PERSPECTIVE En 2016, Narbonne inaugurera le MuRéNa (musée régional de la Narbonne antique) conçu par Norman Foster et, l’année suivante, le musée archéologique de Nîmes fera place au Musée de la romanité, dessiné par Élisabeth et Christian de Portzamparc. Deux équipements culturels dernière génération qui ambitionnent de jouer dans la cour des grands. Par Emmanuelle Gall

M Face aux massives arènes, la façade du bâtiment joue la transparence, en reproduisant le drapé d’une toge romaine

arseille-Provence 2013 l’a confirmé : pour attirer – et retenir – les touristes, rien ne vaut l’addition au patrimoine existant d’un équipement culturel performant, de préférence conçu par une star de l’architecture internationale. Anticipant « l’effet Mucem », Narbonne et Nîmes ont choisi des prix Pritzker (équivalent du Nobel en architecture) pour abriter leurs collections romaines. La plus ancienne colonie romaine, fondée en 118 avant J.-C., et la cité gauloise, qui demanda à la même époque la protection des Romains, bénéficient toutes deux d’un important patrimoine. Avec sa Maison Carrée, sa tour Magne, ses arènes…, Nîmes peut se targuer de posséder quelques-uns des plus beaux monuments romains français et espère bien être classée prochainement au patrimoine mondial de l’UNESCO. Moins réputé, le patrimoine narbonnais méritait néanmoins d’être réévalué, si l’on en croit Christian Bourquin, le président de la région Languedoc-Roussillon qui a décidé de construire à l’entrée de la ville « un musée qui revalorise ce passé tout en renforçant l’identité régionale ». C’est Sir Norman Foster qui a été choisi pour dessiner le MuRéNa. Le Britannique vient de participer au réaménagement du Vieux-Port à Marseille, en y installant une spectaculaire ombrière. À Narbonne, il a voulu « une architecture classique et romaine à la fois », inspirée de Pompéi. Articulé autour d’un mur de grès de 108 mètres de long (et 7 de haut), souvenir de l’enceinte antique, le bâtiment de plain-pied est élaboré sur le principe dit de poteau-poutre, permettant de dégager de

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© Norman Forster and partners

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grandes surfaces modulables. Le projet se veut sobre sur tous les plans. Et, en effet, la Région s’apprête à débourser à 44 millions d’euros pour le MuRéNa, tandis que le budget prévisionnel du Musée de la romanité est estimé à près de 60 millions d’euros. Une addition d’autant plus salée que, pour l’heure, la municipalité nîmoise ne peut compter que sur 15 millions de subventions de la Région et de l’Agglomération. Il est vrai qu’Élizabeth et Christian de Portzamparc, qui ont remporté en 2012 le concours nîmois devant Richard Meier et l’incontournable Rudy Ricciotti, ont vu les choses en grand. Face aux massives arènes, la façade du bâtiment joue la transparence, en reproduisant le drapé d’une toge romaine au moyen d’une mosaïque de carreaux de verre. Le musée se prolonge le long de la rue de la République, dont il conserve les anciennes façades rénovées, et donne sur un jardin archéologique valorisant les vestiges de l’enceinte conservés sur le site. « Conçu comme une cinquième façade », le toit végétalisé est équipé d’une table d’orientation géante signalant les principaux monuments nîmois. Plus cher, le musée nîmois est aussi plus grand : 10 000 m2, contre 9 000 m2 pour le MuRéNa. Et il abritera 10 000 pièces de plus, soit 25 000 inscriptions, monnaies, lampes, sculptures, mosaïques et autres chapiteaux de la collection nîmoise. En revanche, les deux musées se rejoignent autour d’une conception high-tech de la muséographie. À Nîmes comme à Narbonne et dans la grande majorité des nouveaux équipements culturels, l’heure est à la réalité augmentée, c’est-à-dire à l’usage des nouvelles technologies pour replacer les vestiges dans leur contexte spatio-temporel. La muséographie contemporaine se veut innovante, interactive et ludique : écrans tactiles, projections 3D et éclairages sophistiqués remplacent désormais les vitrines d’antan.

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Une architecture classique et romaine à la fois, inspirée de Pompéi.


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Por tfolio

CONSERVATOIRE DARIUS MILHAUD D’AIX­-EN-­PROVENCE

ODE À L’ORIGAMI Dernière pièce sur l’échiquier du Forum culturel de la ville d’Aix-en-Provence, le nouveau Conservatoire Darius Milhaud, conçu par Kengo Kuma et inspiré de l’origami, l’art japonais du pliage du papier, se déploie sur 7 400m² entre le Pavillon noir et le Grand Théâtre de Provence. Dans ce lieu de formation, de diffusion et de création où chaque façade a son propre rythme, les différences de matériaux, de formes et d’ombres symbolisent la musique, les notes et la grande variété d’instruments de musique. Ce bâtiment atypique abrite en particulier une grande salle de concert de 500 places à l’acoustique exceptionnelle et réalisée essentiellement en bois. Inauguré en septembre 2013 après deux ans de travaux, il est le deuxième équipement culturel, avec le Frac Paca de Marseille, réalisé par cet architecte japonais pour l’année Capitale. 1 400 élèves en danse, musique et théâtre, en apprécient dorénavant ses équipements et ses dimensions.

Photos : Jean-Claude Carbonne / Mairie d’Aix-en-Provence

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Utopie

LA QUATRIÈME DIMENSION DE L’ÊTRE Recréer l’homme, dans toutes ses proportions, dans un autre espace, sous une autre forme… De la manipulation d’objet à distance au smartphone comme scanner 3D, les dernières avancées de la technologie tendent à nous prolonger dans un monde numérique. L’être, dématérialisé, pourrait ainsi vivre sa quatrième dimension. Par Jonathan Azeroual

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Un corps qui s’étend au-delà de sa propre fin et nous lie ainsi à un réel bien plus grand.

es avancées de la recherche en 3D, tant elles Une image De manière plus immatérielle, la mobilité semblent promettre un incroyable futur, pa- de soi sans d’un corps peut être analysée et reproduite raissent tout droit sorties de la science-fiction qui a nourri notre limite. dans un univers purement numérique. Deimaginaire. Les esprits des scientifiques actuels ne sont certainepuis quelques années déjà, la technique des ment pas vierges de ces influences. points de tracking permet de reproduire fidèlement les expressions d’un visage et les attitudes corporelles pour donner vie à des Bouge Exister physiquement au-delà de son propre personnages en 3D. Aujourd’hui c’est le corps entier qui peut être de là-bas. corps est un défi auquel s’attèlent de nou- intégré, instantanément, dans un univers de synthèse où il sera le veaux programmes scientifiques. Un labora- « squelette » d’un personnage. Comme on a pu le voir dans le matoire de recherches du célèbre MIT vient de king-of de Star Wars 7 (youtube.com/watch?v=CdsFEMDceNg), présenter inFORM (cf. encadré), une table de morphing 3D qui un stormtrooper ou C3PO peuvent alors être contrôlés, en temps peut reproduire des mouvements physiques d’un sujet. A l’aide réel, par un comédien en chair et en os. Cet « être-ailleurs » qui se d’une caméra capturant les mouvements en 3D et d’un volumi- présente à nous augure d’incroyables perspectives. Imaginez une neux système de pistons les reproduisant, les gestes de l’individu autre vie dans un monde totalement numérique, une Second Life sont recréés à distance. La mise en scène de l’expérience par le la- où notre corps entier servirait de manette... boratoire permet de voir la table animée comme un prolongement Plus proche de nous, de nouvelles applications pour smartphone, des bras du sujet installé dans une autre pièce et le résultat est sai- semblent également préfigurer cet avenir où nos trois dimensions sissant ! Projet aux applications limitées pour l’instant, inFORM s’exporteront. Une application de scanner 3D (cf.encadré) a été pourrait notamment être utilisé à des fins de modélisation 3D ins- mise au point par un groupe de recherche suisse. Vous pourrez tantanée. En effet, lorsque le capteur de mouvement est positionné bientôt utiliser votre mobile pour capturer le volume d’un objet au-dessus de la table, les mains peuvent modifier en temps réel la ou d’un corps. En déplaçant votre téléphone devant le sujet, petit à structure, construire et ajuster les volumes. L’outil pourrait donc petit des photographies recouvriront un volume en 3D et recréeêtre utilisé par des architectes ou des urbanistes pour illustrer leur ront la source. La réalisation demande encore des développements vision, présenter leurs maquettes... mais le procédé permettra à l’avenir de transmettre des données Avec ce même dessein de « téléporter » nos actions, WiTrack pour analyser des objets à distance ou, pourquoi pas, faire des (cf. encadré) nous propose de suivre nos déplacements sans uti- visio-conférences en 3D. liser une caméra et même à travers les murs ! Où que vous soyez dans votre appartement, le module repère votre corps et peut Toutes ces techniques ont ouvert une nouvelle dimension pour convertir ses données en commande numérique. La précision l’être. Une projection de notre moi plus loin de nous-même. Un de WiTrack étant, selon ses concepteurs, de 10 à 20 centimètres, corps qui s’étend au-delà de sa propre fin et nous lie ainsi à un réel vous pourrez d’un simple geste monter le volume de la télévision bien plus grand. A l’avenir, de nouveaux développements s’adjoinen étant dans la cuisine ou éteindre toutes les pièces depuis votre dront à ceux cités pour transporter nos actions et notre volonté lit. La technologie pourra également avoir des applications moins dans d’autres lieux et sous d’autres formes. triviales comme l’aide aux personnes à mobilité réduite ou l’assistance à domicile.

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© ETHZ © WiTrack

scanner 3d modéliser le monde Un groupe de recherches de l’Institut Fédéral Suisse de Technologie de Zurich (ETHZ), a décidé de démocratiser la scannerisation 3D en proposant, en alternative à des scanners coûteux et encombrants, une application sur smartphone. Vous pourrez bientôt utiliser votre mobile, sous iOs ou Android, pour capter en trois dimensions le volume d’un objet ou d’un corps. www.actinnovation.com

witrack la volonté passe-muraille

http://witrack.csail.mit.edu

inform La table vivante Le Tangible Media Group vient de présenter inFORM, une table de morphing 3D pouvant reproduire des mouvements physiques à distance. InFORM est constitué d’un carré de 900 cubes qui se déplacent verticalement et créent des volumes en étant entièrement contrôlés dynamiquement. Couplée avec les données d’une caméra 3D filmant les mouvements d’un individu, la table reproduit physiquement les gestes à distance, jusqu’à manipuler des objets. http://tangible.media.mit.edu/project/inform

© Tangible Media Group

WiTrack nous propose de suivre nos déplacements sans utiliser une caméra et même à travers les murs ! Sur le même principe que la technologie Kinect, qui analyse nos mouvements, WiTrack va plus loin avec un set d’émetteur/récepteurs qui s’affranchit des cloisons grâce à une technique de résonnances radio. Ces données pourront être utilisées comme commandes domotiques ou pour l’aide aux personnes à mobilité réduite, la détection des chutes ... Son utilisation pour les consoles permettra une interaction encore plus grande avec les jeux vidéo. Qui n’a jamais rêvé de surgir de derrière le canapé pour abattre l’ennemi ?

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VOYAGE À

TANGER

UNE

RENAISSANCE INTERNATIONALE Textes : Emmanuelle Gall • Images : Olivier Levallois

Tanger, belle endormie, refuge pour les nostalgiques de la Beat Generation et du temps révolu de la Zone internationale ? Si la ville conserve les vestiges d’un passé glorieux – qu’elle a parfois du mal à entretenir –, elle se tourne désormais vers l’avenir. Après l’avoir symboliquement choisie pour son premier déplacement royal, en 1999, Mohamed VI ne cesse d’affirmer de grandes ambitions pour Tanger. Une politique de grands travaux sans précédent est en train de changer le visage et l’image de la ville blanche.

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RUE D’AMÉRIQUE

LA LÉGATION AMÉRICAINE Seul monument national appartenant aux États-Unis hors de leur territoire, ce palais hispano-mauresque du XVIIIe est l’un des symboles de mosaïque tangéroise. Après avoir été occupé par la mission diplomatique américaine entre 1821 et 1956, il a été transformé en musée en 1976.

RUE DE MURILLO

LE GRAN TEATRO CERVANTES Tout juste centenaire, le théâtre Cervantès n’a pas eu cette chance. Construit par Diego Jiménez à la demande d’un compatriote fanatique d’opérettes, ce bijou de l’art nouveau est fermé depuis 1962, après avoir accueilli Caruso et d’autres stars des années folles. Propriété du gouvernement espagnol dès 1929, puis de la ville de Tanger à partir de 1974 (moyennant un dirham annuel), il attend toujours d’être rénové.

AVENUE PASTEUR

L’IMMEUBLE ACCORDÉON Les Espagnols ont marqué Tanger par leur nombre et leur mainmise sur l’urbanisme de la ville dans les années dix et cinquante. En témoigne notamment, avenue Pasteur, l’immeuble expressionniste Goicoechea, surnommé « Accordéon » en raison des plis de sa façade. 78

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LE MARSHAN

VILLA ART DÉCO Face à la mer, le Marshan devient à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle le quartier des notables désireux d’échapper à la saturation du centre-ville. De riches Américains, Anglais, Français et Espagnols s’y font construire des villas, et parfois même des palais, à la dernière mode européenne.

GRAND SOCCO

CINÉMA RIF Cette salle de cinéma mythique des années cinquante a bien failli, comme la majorité de ses consœurs, baisser définitivement son rideau de fer. Depuis sept ans, grâce à la ténacité de l’artiste franco-marocaine Yto Barrada et au travail de l’architecte Jean-Marc Lalo, spécialiste dans ce genre de restauration, il est devenu la Cinémathèque de Tanger : le repaire des jeunes et intellectuels tangérois.

CAP SPARTEL

UN PHARE FRANÇAIS À 14 kilomètres à l’ouest de Tanger, le phare du cap Spartel qui domine le détroit de Gibraltar a été construit en 1864 par l’ingénieur Jacquet et géré jusqu’en 1957 par un corps diplomatique international.

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AVENUE MOHAMED VI

LE PORT

Le cabinet français Reichen & Robert, associé au Britannique Norman Forster, a été choisi, devant notamment Zaha Hadid, pour reconvertir ce site de 84 hectares en un port de plaisance, de croisière et de pêche d’ici 2016. À la clé également, l’aménagement de la zone située entre le port et la médina, avec la construction de deux hôtels 5 étoiles, d’un palais des congrès, d’un complexe de cinéma et d’un centre commercial. Il est même prévu d’installer un téléphérique qui relierait le port à la place de Faro, mieux connue sous le nom de « place des paresseux ».

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OUED RMEL, PROVINCE FAHS ANJRA

TANGER MED

C’est le projet phare – et pharaonique – lancé par Mohamed VI en 2004, et en activité depuis 2007. Situé à 22 kilomètres de Tanger, près de l’enclave espagnole de Ceuta, il ambitionne de devenir le premier port de Méditerranée pour le transport des marchandises comme des passagers. Avec un trafic actuel de 3 millions de containers, il pourrait en accueillir plus du double à l’horizon 2016 et environ 7 millions de voyageurs. Toujours en cours, la deuxième phase des travaux prévoit notamment l’ouverture prochaine d’un centre d’affaires signé par Jean Nouvel.

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