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Exclusif - Renault 4CV by Jean Tinguely
EXCLUSIF «JE NE SAVAIS PAS QU’ELLE AVAIT ÉTÉ DESSINÉE PAR TINGUELY»
CETTE RENAULT 4CV TRANSFORMÉE EN BOLIDE ULTRALÉGER PAR JEAN TINGUELY PARTICIPA AUX 24 HEURES DU MANS,
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EN 1958. Par Pierre Thaulaz
Agathe et Jean-Marie Haymoz
C’est une belle et étrange histoire que nous conte JeanMarie Haymoz, propriétaire d’une Vernet-Pairard (du nom des deux concepteurs) avec mécanique de Renault 4CV. Une barquette pas tout à fait comme les autres: «J’avais un garage à Rosé et juste à côté un camion de ferraille. Jean Tinguely est venu trois ou quatre fois chercher toutes sortes de pièces, des échappements, des roulements, des roues, et à 10 mètres de lui il y avait cette voiture. Elle était sous une bâche, il n’a jamais su qu’elle était là et moi je ne savais pas encore qu’il l’avait dessinée…»
AUTO : Depuis quand possédez-vous cette voiture ? Jean-Marie Haymoz : Je l’ai achetée en 1980, mais c’était tout par hasard. Je suis tombé sur une petite annonce qui disait : «Vends Renault 4CV de course». Quand j’ai vu la photo, en toute honnêteté j’étais déçu. Pour moi elle ne ressemblait pas à une 4CV de course.
Vous auriez préféré une 4CV de course style Rallye de Monte-Carlo, plutôt qu’une barquette ? Exactement. Le vendeur, un jeune moniteur auto-école niçois, est venu un jour en Suisse avec quelques amis. Ils se sont fait arrêter par la police bernoise car ils faisaient un peu les fous sur l’autoroute. Il m’a téléphoné : «Vous étiez intéressé par la voiture, on peut vite venir vous la montrer ?» Ils ont dormi chez nous, ils étaient un peu fauchés et finalement j’ai acheté la voiture, presque pour leur rendre service. plusieurs fois la voir. Il voulait absolument l’acheter, il me disait qu’elle ne valait rien, j’avoue que ça m’a un peu titillé. Pourquoi la voulait-il tellement puisqu’elle ne valait rien ? Je connaissais une personne qui travaillait au Patrimoine Renault, j’ai décidé de la contacter. C’est elle qui m’a mis sur la piste, en me donnant différentes adresses, dont celle du peintre Paolo Vallorz. A la fin des années 50, plusieurs artistes, dont Jean Tinguely, logeaient chez lui. C’est Tinguely qui a fait découvrir le monde des courses à Vallorz, et c’est encore lui qui l’a attiré vers ce projet de voiture.
Une barquette qui avait déjà participé aux 24 Heures du Mans ? Oui, mais d’année en année la voiture était toujours moins performante car la carrosserie était beaucoup trop lourde. Il s’agissait de l’alléger sensiblement, tout en conservant le même châssis tubulaire. A partir d’octobre 1957, Vallorz et Tinguely se sont retrouvés tous les après-midis au Café du Dôme, à Montparnasse, pour réaliser des


La barquette 4CV sans toit (aux 24 Heures du Mans 1958) et avec toit, ci-dessus (aujourd’hui)

Jean Tinguely dans les années 50 à Paris
esquisses de la nouvelle carrosserie. En utilisant le polyester, ce qui était encore peu courant, ils ont gagné 200 kilos. La voiture de 400 kilos atteignait ainsi les 180 km/h, contre 166 km/h pour la première barquette Vernet-Pairard 4CV, de 1951. C’est par une lettre de Paolo Vallorz que j’ai appris toute l’histoire, en 2008 seulement.
Une vraie enquête policière ? En quelque sorte. Nous rentrons de Cahors où nous avons rencontré le mécanicien qui avait présidé à la construction de la barquette. Il s’appelle Daniel Andrisse, il a plus de 80 ans et il nous a reçus magnifiquement. Il nous a aussi raconté plein d’anecdotes sur Tinguely, les femmes qu’il avait fréquentées à l’époque… C’était la première fois que Tinguely dessinait une voiture de course ? Je crois que c’est la seule qu’il ait dessinée.
On retrouve sa patte ? A l’époque, l’arrière des voitures était plutôt arrondi. Tinguely avait dessiné un arrière droit pour qu’elle soit plus aérodynamique.
Et quel fut son résultat aux 24 Heures du Mans 1958 ? Un très mauvais résultat puisqu’elle a rapidement abandonné suite à un problème de boîte de vitesses. Elle a participé par la suite à des petites courses, avant d’être exposée en 1963 au Musée du Louvre, à Paris. Ensuite elle est partie aux Etats-Unis, où elle a encore un peu couru, puis elle a rejoint la fameuse collection automobile du peintre canadien Riopelle, avant de revenir en Europe…
Pour aboutir chez ce jeune Niçois qui vous l’a vendue ? Pas tout de suite… Le jeune homme en question avait repéré la voiture qui était accrochée à un poteau. C’était l’enseigne d’une démolition ! Il l’a rachetée et a fait fabriquer un toit pour pouvoir rouler sur la route.
Une voiture qui a rarement été montrée depuis 1980 ? On l’avait exposée à Forum Fribourg, en 2004. A l’époque, je savais que c’était une Vernet-Pairard mais j’ignorais encore que Tinguely était dans l’affaire…
Une voiture que vous allez bientôt exposer ? Oui. On la découvrira les 19 et 20 mars à Forum Fribourg à l’occasion du Salon OTM. Et elle roulera également lors du Grand Prix Tinguely, en septembre prochain.
Elle est donc en état de marche ? Elle sera…
Le mot de la fin en forme de clin d’œil appartient à Agathe Haymoz: «On s’est marié le 3 septembre 1994 dans une Renault 4CV et le Grand Prix Tinguely aura lieu le 3 septembre…»