Ma place Un ancien de l’église adventiste m’a raconté cette histoire alors que nous nous trouvions dans le jardin à côté de sa maison. –– Dick Duerksen
« Je vais vous raconter… » DICK DUERKSEN
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V
oici l’histoire d’un paysan. D’un paysan qui a une vache. Une bonne vache, une vache aux pattes solides et au dos large. Une vache qui connaît le chemin entre son jardin et la route principale. Une vache prête à l’y conduire le jour du marché. Le jour du marché, c’est mardi ! La veille, le paysan cueille les tomates les plus mûres, déterre quelques pommes de terre, récolte quelques légumes-feuilles, et place des œufs d’oie dans son vieux panier, là où il n’y a pas de trous. Ce panier a besoin de nouveaux roseaux, mais il est bien trop occupé à sarcler les mauvaises herbes pour se soucier du tressage. Sa
Juillet/Août 2021 AdventistWorld.org
femme est une bonne tresseuse. Il sait qu’elle va bientôt le réparer. Mardi matin, il traie la vache avant le lever du soleil. Il recouvre ensuite d’un tissu le seau en plastique contenant le lait mousseux et l’apporte jusqu’au feu où sa femme prépare un repas simple pour lui et leurs deux enfants chéris. Là, assis à même le sol à l’extérieur de la minuscule hutte d’une pièce qui leur sert de maison, ils mangent et rient ensemble. Après le repas, le paysan prend le panier, monte sur la vache et la guide du jardin vers la route. *** C’est à une bonne distance. Mais s’il part tôt, il arrivera à temps au magasin abandonné au bord de la route goudronnée pour monter dans une petite camionnette qui l’emmènera au marché de légumes de la ville. Il peut toujours échanger ses tomates et ses œufs avec ses voisins, mais pas contre de l’argent. Et même les quelques pièces qu’il gagnera au marché ne lui permettront pas d’acheter le kérosène et l’huile de cuisson dont sa femme a besoin. En plus, ce voyage est son seul moyen d’aller aux nouvelles et de jouer aux dames avec de vieux amis. Ce mardi-là donc, la vache ne traîne pas en cours de route, de sorte que le paysan arrive avant la camionnette. Il attache sa bête à un arbre poussiéreux, lui dit d’être une « bonne vache », et se cale sur un siège. Une heure plus tard, il se faufile avec précaution à travers le marché. Un vieillard essaie de lui vendre une chèvre galeuse. D’autres crient que le meilleur poisson du marché, c’est le leur ! Des femmes sont assises en silence derrière des piles de choux, d’oignons, d’avocats et de tomates. Des enfants courent partout, jouant à des jeux que seuls les jeunes comprennent. Le paysan se rend à sa place habituelle : près d’un arbre de l’autre côté du marché. C’est ce qu’un propriétaire rusé lui a réservé en échange de quelques œufs frais. Il paie le loyer, étend sa nappe par terre, et dispose rapidement ses tomates en pyramides triangulaires. Avec ses pommes de terre, il forme un cercle sinueux, montrant leurs yeux soigneusement nettoyés. Les légumesfeuilles ? Il les laisse pendre sur le bord du panier. Tout est prêt. Il s’adosse à l’arbre et attend ses clients, lesquels ne manquent Image : Raissa Lara Lutolf Fasel