Donald Trump.
Un nouveau modèle pour l’Afrique ? (Ici, Abidjan.)
Xi Jinping.
Quel voyage demain ?
Le défi de l’environnement.
Andry Rajoelina.
LE MONDE
D’APRES
La pandémie de Covid-19 a bouleversé des « équilibres » déjà particulièrement instables. Bienvenue dans une planète hyperconnectée, où les crises s’imbriquent les unes aux autres. Et nous aurons besoin de résilience et d’audace !
ET AUSSI N’Goné Fall
LA CHEFFE D’ORCHESTRE
Pamela Badjogo L’INDIGNÉE
Nahla El Fatiha Naili Bouhired
LE HIRAK PLUS QUE JAMAIS
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA ISSN 0998-9307X0
Mehdi Qotbi
LA FOI DE L’ARTISTE N °4 0 5 - JUIN 2020 L 13888 - 405 - F: 4,90 € - RD
édito PAR ZYAD LIMAM
LE CONTENU EST ROI Au moment où vous lirez cet exemplaire, notre nouveau site, afriquemagazine.com, sera en ligne. C’est une étape importante dans notre volonté d’intégrer la chaîne numérique. Et une manière en quelque sorte d’illustrer, aussi, le thème du « monde d’après », qui sert de fil rouge à ce numéro. Un monde d’après marqué par la pandémie du nouveau coronavirus et ses conséquences stupéfiantes. Un monde d’après marqué par l’épuisement de modèles (ÉtatsUnis, Chine, Europe, capitalisme financier…) et la montée inexorable d’immenses dangers systémiques (changement climatique, raréfaction des ressources, nouvelles pandémies…). Un monde d’après modelé par cette révolution numérique multiforme, véritable rupture technologique, sensorielle, organisationnelle, deux siècles après les bouleversements de la révolution industrielle… On nous l’a dit et redit, les médias écrits traditionnels, « figés » dans le papier, le physique, seraient les premières victimes de cette digitalisation transformatrice. Notre business model traditionnel basé sur la publicité et les métiers connexes, comme la communication, l’édition ou l’événementiel, est violemment remis en cause (sans parler du Covid-19…). Il faut parler à nos lecteurs différemment. S’orienter vers de nouvelles offres et ressources. La vague digitale ne touche pas que la presse écrite. Aujourd’hui, on ne consomme plus la télévision et la radio « à l’ancienne », en attendant sagement les programmes. Aujourd’hui, nous pouvons choisir l’émission, le moment et le timing de notre attention. Certains grands médias écrits (« print »), en particulier les quotidiens, ont pris le virage depuis quelques années. Leurs abonnements numériques dépassent dorénavant leurs ventes physiques. Le vénérable New York Times (fondé en 1851) compte 5 millions d’abonnés digitaux, pour une diffusion print de 1 million d’exemplaires. Une performance obtenue en multipliant les promotions mais aussi les offres rédactionnelles à des publics ciblés : parentalité, immobilier, cuisine, mots croisés… Les réseaux sociaux (RS) sont venus accentuer cette phase aiguë de disruption médiatique. Ils ont transformé le champ de l’opinion publique. AFRIQUE MAGAZINE
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405 – JUIN 2020
Chacun peut être son propre média. Chacun peut mettre en scène sa vie, exprimer ce qu’il pense ou chercher à orienter ce que les autres doivent penser… Les bouleversements sont spectaculaires. Ils impactent nos systèmes démocratiques, le pluralisme de nos sociétés. Des influenceurs peuvent recruter des millions d’abonnés, qui sont autant d’électeurs. Et Donald Trump, président des États-Unis, s’adresse sans filtre à sa base, directement via Twitter et Facebook, sans passer par les médiateurs habituels que sont les journaux ou les shows politiques télévisés… Nous sommes projetés dans un territoire temps différent, où l’immédiat apparaît comme la valeur cardinale, et où le recul, la perspective peuvent apparaître comme des valeurs démodées. Les RS, technologies magiques de l’expression pour tous, sont aussi les instruments privilégiés de la manipulation et du cynisme politique. Les fake news, les faux comptes, la désinformation plus ou moins subtile, vont bien au-delà de ce que les médias traditionnels auront pu inventer dans ce domaine… Les technologies digitales ne sont pas une fin en soi. Le numérique reste avant tout un outil. Une opportunité aussi, le moyen pour nous-même d’explorer le monde plus facilement, de nous mettre à l’écoute de ce qui vibre aujourd’hui. Le moyen de dépasser nos frontières, nos limites, d’atteindre des lecteurs différents, plus jeunes, et de nous adapter à une nouvelle demande. Le moyen de décloisonner notre pensée. Mais l’outil ne changera pas les exigences de notre métier. Un média est avant tout un vecteur d’information, de mise en perspective, avant d’être un vecteur d’influence. Et nous sommes journalistes, essentiellement. Notre objectif est de décrire, d’expliquer, de décrypter notre réel. Plus que jamais, dans le bruit que génère cette profusion digitale, le contenu sera roi. « Content is king » comme disent nos amis anglosaxons. C’est notre objectif. Produire de l’information et un magazine de qualité, du mieux possible. Jouer notre rôle de décrypteur dans une époque charnière, de ruptures, de dangers, mais aussi de promesses. Et proposer ce contenu (et d’autres à venir) sur un nouveau support, afriquemagazine.com. Tout en s’assurant de la pérennité du print. Et de sa spécificité. ■ 3
N °4 0 5 J U I N 2 0 2 0
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ÉDITO Le contenu est roi
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ON EN PARLE
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par Zyad Limam
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C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
Peter Beard, l’œil du monde
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par Astrid Krivian
50
C’EST COMMENT ? Manger Afrique ! PORTFOLIO World Press Photo 2020 Le monde d’avant CE QUE J’AI APPRIS Awa Ly
60
Nahla El Fatiha Naili Bouhired, le Hirak plus que jamais N’Goné Fall, la cheffe d’orchestre Mehdi Qotbi, la foi de l’artiste par Anne-Cécile Huprelle
VINGT QUESTIONS À… Yacine Boularès par Astrid Krivian
Demain, l’avion? par Cédric Gouverneur
par Astrid Krivian avec Emmanuelle Pontié
par Astrid Krivian
90
Covid-19 Une course au vaccin sans freins… et sans morale ?
par Anne-Cécile Huprelle
56
par Zyad Limam
74
par Zyad Limam
par Cédric Gouverneur
PARCOURS Bai Kamara Jr.
par Emmanuelle Pontié
68
TEMPS FORTS Le monde d’après
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Pamela Badjogo, l’indignée par Anne-Cécile Huprelle
P.42 P.34
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps. Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : afriquemagazine.com.
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405 – JUIN 2020
THE CRIMSON MONKEY/GETTY IMAGES - BRIAN SNYDER/FILE PHOTO/REUTERS - EMIRATES
P.26
FONDÉ EN 1983 (36e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com Assisté de Laurence Limousin
llimousin@afriquemagazine.com
P.50 P.60
RÉDACTION Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Jean-Marie Chazeau, Catherine Faye, Glez, Cédric Gouverneur, Anne-Cécile Huprelle, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont.
VIVRE MIEUX Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.
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VENTES EXPORT Laurent Boin TÉL. : (33) 6 87 31 88 65 FRANCE Destination Media 66, rue des Cévennes - 75015 Paris TÉL. : (33) 1 56 82 12 00
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BUSINESS
À quand la vérité sur la dette ? 81 Les Bourses en état de choc 82 Le virus de l’innovation 84 Des monnaies en pleine tourmente 76
Com&Com/Afrique Magazine 18-20, av. Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : (33) 1 40 94 22 22 Fax : (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr
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COMMUNICATION ET PUBLICITÉ Donald Trump.
Quel voyage demain ?
par Jean-Michel Meyer Le défi de l’environnement.
VIVRE MIEUX 86 Sommeil, distinguer le vrai du faux 87 Une crise d’urticaire, d’où ça vient ? 88 Ce que nos pieds disent de notre santé 89 Hygiène, les réflexes indispensables par Annick Beaucousin et Julie Gilles
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Un nouveau modèle pour l’Afrique ? (Ici, Abidjan.)
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La pandémie de Covid-19 a bouleversé des « équilibres » déjà particulièrement instables. Bienvenue dans une planète hyperconnectée, où les crises s’imbriquent les unes aux autres. Et nous aurons besoin de résilience et d’audace !
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08/06/2020 23:23
AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR 31, rue Poussin - 75016 Paris. SAS au capital de 768 200 euros. PRÉSIDENT : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : juin 2020. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2020.
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ON EN PARLE C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode et du design
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Clichés, collages, extraits de journaux intimes, collections et textes composent cet incroyable ouvrage.
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PETER BEARD, Taschen, 770 pages, 100 €.
B E AU - L I V R E
L’ŒIL DU MONDE Alors que PETER BEARD vient de nous quitter, Taschen réédite une édition unique et originale consacrée à ce photographe hors norme, parue en 2006.
DR
IL EST RETOURNÉ À LA TERRE et aux arbres. Peter Beard, l’homme de la nature et de l’art total, s’est éteint au cœur d’une forêt de Long Island, en avril dernier. Cet ultime mouvement, absolu et instinctif – de son combat pour la protection de l’environnement à sa propre disparition –, s’érige en symbole, telle une dernière image floutée sur son parcours hors-norme. Les 700 pages de clichés, collages, journaux intimes, collections et textes de l’ouvrage qui lui sont consacrées reviennent sur la vie du photographe aventurier, jet-setteur excessif, écrivain ou encore défenseur de l’environnement et de la cause animale. Un hommage à l’homme multiple qui a fait de son existence sur les continents africain et américain une œuvre d’art prolifique, dédiée aux beautés du monde. Et une ode au regard et à l’engagement de ce militant singulier, pour qui « l’entière écologie des éléphants est plus similaire à la nôtre que n’importe quel animal ». De bout en bout, son œuvre est un appel à la sagesse. ■ Catherine Faye AFRIQUE MAGAZINE
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ON EN PARLE SOUNDS
À écouter maintenant !
❶ Zenobia
Halak Halak, Acid Arab Records
Basé à Haïfa, en Israël, ce duo palestinien mixe avec entrain mélodies traditionnelles arabes et électro anglo-saxonne, le tout ponctué de dabke. Empruntant leur nom de scène à une ancienne reine de Palmyre, Nasser Halahlih et Isam Elias ont été repérés et soutenus par le groupe Acid Arab, expert en mélange des genres, qui l’a signé sur son propre label. Excellente idée au vu de l’enthousiasme fédérateur de ce premier album baptisé Halak Halak, « Bienvenue » !
DOCU
LE FANTÔME DU CAPITAINE
Que reste-t-il de Thomas SANKARA dans le Burkina Faso d’aujourd’hui ? Un discours peut-être qui n’a rien perdu de sa modernité.
« NOUS FORMIONS UN DRÔLE DE DUO. Imaginez-vous un type avec des carnets de poésie et une Blanche avec une caméra… » Lucie Viver raconte ainsi son tournage, seule avec le poète burkinabè Bitonkine pour une traversée du Burkina Faso au temps de l’après-Compaoré. En suivant la ligne de chemin de fer de Bobo Dioulasso à Kaya, ils croisent des écoliers, des femmes et des hommes au travail ou en pleins débats politiques (« Ma tête est retournée comme une galette grillée ! »), et souvent affleurent le souvenir du capitaine Sankara, avec l’appui de quelques images d’archives. Même si plus de trente ans après son assassinat, l’homme qui a transformé la Haute-Volta ne se retrouve plus que sur le T-shirt d’un marchand de souvenirs, dans le prénom d’une vendeuse de cahiers, et que les traces de sa tombe brisée sont bien difficiles à trouver dans les broussailles, son discours n’a rien perdu de sa modernité… ■ Jean-Marie Chazeau SANKARA N’EST PAS MORT (France), documentaire de Lucie Viver. Avec Bitonkine. En e-cinéma sur sallevirtuelle.25eheure.com. 8
❷ Hanni
El Khatib
Flight, Innovative Leisure D’origine palestinienne et philippine, ce multi-instrumentiste (et styliste pour des marques de streetwear) est avant tout un grand amoureux de la musique américaine, du blues au hip-hop en passant par la soul et le rock’n’roll. En témoigne son nouvel album, Flight, enregistré avec Leon Michels (Aloe Blacc, Lee Fields), toujours lo-fi, brillant d’une énergie renouvelée, entre électrique et synthétique.
❸ Nihiloxica
Kaloli, Crammed Discs
En luganda, « kaloli » signifie « marabout » (l’oiseau échassier)… Déjà remarqué sur moult scènes à l’international, formé en Ouganda, Nihiloxica réunit les DJ anglais Spooky-J et Pete Jones (alias PQ) et le Nilotika Cultural Ensemble. Le résultat : une musique électronique située à la croisée des genres, percussive et hypnotique, tantôt inquiétante, tantôt lumineuse. À découvrir de toute urgence. ■ Sophie Rosemont
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Filmé par la documentariste Lucie Viver, le poète Bitonkine traverse son pays au temps de l’après-Compaoré.
La destinée d’un club, The Eddy, tenu par un Afro-Américain et un Français d’origine algérienne.
ÇA BALANCE PAS MAL À PANAME SÉRIE
LOU FAULON (2)
Une immersion jazzy dans un PARIS MÉTISSÉ, avec Leïla Bekhti et Tahar Rahim en vedette. Et, entre autres, la Marocaine Laïla Marrakchi derrière la caméra. VOILÀ HOLLYWOOD qui s’encanaille dans le Paris populaire d’aujourd’hui. Damien Chazelle, le réalisateur de La La Land (qui ressuscitait la comédie musicale à Los Angeles) et de First Man (reconstituant la mission Apollo 11) a produit et réalisé les deux premiers épisodes de cette série tournée sur les hauteurs de Belleville. La destinée d’un club de jazz, The Eddy, tenu par un Afro-Américain charismatique joué par André Holland (Moonlight) et un Français d’origine algérienne incarné par Tahar Rahim (qui forme dans la série comme dans la vie un couple solaire avec Leïla Bekhti), menacé par des financiers douteux et les errances dépressives de son copropriétaire américain. Pour les six épisodes restants, Damien Chazelle a laissé la caméra, à raison de deux chacun, à son compatriote Alan Poul (Six Feet Under), à la Française Houda Benyamina (Caméra d’or à Cannes et César du meilleur premier film pour Divines) et à la Marocaine Laïla Marrakchi (Rock the Casbah). AFRIQUE MAGAZINE
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Le jazz n’est pas vraiment un genre à la mode, et pourtant on est entraînés, dans un style très documentaire, à la suite de personnages attachants et décalés, dans un tempo qui alterne accélérations de l’intrigue, moments suspendus, improvisations et séances de concert. La série dégage un sentiment d’énergie, de liberté, un peu gâché toutefois par des choix scénaristiques improbables (la commissaire de police qui tombe toujours à pic, l’insupportable ado américaine qui cherche le grand frisson chez les petits caïds des cités, les mafieux de l’Est qui ont forcément la tête de l’emploi, etc.). Les personnages passent facilement du français à l’anglais, à l’arabe ou au polonais, et les musiciens jouent chacun une belle partition, y compris chez les seconds rôles, comme le trompettiste martiniquais Ludovic Louis. Une série polyphonique au swing mélancolique et sans cesse sur le fil. ■ J.-M.C. THE EDDY (États-Unis), série de Damien Chazelle. Avec André Holland, Leïla Bekhti, Tahar Rahim. Disponible sur Netfl ix. 9
ON EN PARLE MUSIQUE
Etuk Ubong
L’Afrique, ici et maintenant
Avec son dernier album, le célèbre CHANTEUR ET TROMPETTISTE nigérian témoigne de nouveau de l’exceptionnelle vitalité de ses propositions solos.
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concerts… La performance scénique, c’est ce qui anime Etuk Ubong depuis ses débuts. Mais le travail de composition lui est précieux et, sur Africa Today, l’enregistrement a aussi été une partie de plaisir : le label Night Dreamer l’a convié au studio néerlandais d’Artone, situé au-dessus d’une usine de pressage. Entouré de musiciens locaux et britanniques, ainsi que du trompettiste nigérian Michael Awosogo, l’artiste a immédiatement pu graver sa musique, sans façonnage dispensable, préservant toute son énergie live. De quoi renforcer la puissance de titres militants comme « Mass Corruption », «Spiritual Change » ou « African Struggle », et d’un style musical qu’Ubong appelle « earthmusic » : « Dans le contexte africain, les politiciens sont élus non pas au mérite mais par toutes sortes d’intérêts égoïstes. Le Nigeria est indépendant des supposés oppresseurs et maîtres coloniaux depuis soixante ans, mais nous n’avons toujours pas de système éducatif de qualité, d’électricité stable, de routes fiables, d’emplois garantis, d’établissements de santé dignes de ce nom, de sécurité assurée pour les citoyens… C’est pour cette raison que je porte la voix des opprimés contre tous les méfaits de notre société. » Ubong président ? On est pour ! ■ S.R.
L’artiste est passé par le Positive Force de Femi Kuti.
ETUK UBONG, Africa Today,
Night Dreamer.
DR
« QUAND VOUS ÊTES AFRICAIN, vous devez réfléchir sur un passé douloureux, qui fait de notre continent ce qu’il est aujourd’hui. L’Afrique n’est pas encore libérée et doit décoloniser son esprit. Je dois donc chanter aussi bien les problèmes de l’Afrique que sa beauté, ce qu’on peut ressentir à travers mes nouvelles compositions. » Afrobeat, highlife, jazz, rythmiques ekombi… C’est ce que l’on entend tout au long d’Africa Today, qui témoigne de la richesse du parcours d’Etuk Ubong. Né il y a vingt-huit ans au sud du Nigeria mais élevé à Lagos, il a très vite compris où se trouvait son destin : « À partir du jour où je suis monté sur le kiosque pour jouer du tambour conga dans notre église locale, j’ai su que je deviendrais musicien… Ce qui s’est confirmé lorsque ma mère m’a emmené prendre des cours auprès du trompettiste de la paroisse. » Il est encore adolescent, mais c’est la révélation. Il étudie ensuite la musique au lycée et à l’université, avant de faire ses débuts auprès de l’une des plus grandes figures du highlife, Victor Olaiya. Plus tard, il rejoint le groupe Positive Force de Femi Kuti et multiplie les collaborations (de Nduduzo Makhathini à Theon Cross), tant et si bien qu’il ouvre son propre club, The Truth, à Lagos, où il ne rechigne pas à donner quelques
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ON EN PARLE Des travaux (de gauche à droite) de Seydou Keïta, Jean Depara et Mory Bamba.
PHOTOGRAPHIE
L’HOMMAGE AUX PÈRES
Dédiée aux artistes contemporains, la Fondation BLACHÈRE vous emmène à Bamako.
fondationblachere.org
riche d’environ 1 800 œuvres, dont 700 photographies. Contribuant ainsi au rayonnement de l’art contemporain africain. ■ C.F.
ONLINE
Sur le divan, le monde réel
300 documentaires sont disponibles gratuitement sur le site de l’International Film Festival Amsterdam.
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Le plus prestigieux festival mondial du film documentaire, l’International Film Festival Amsterdam, a mis en ligne plus de 300 docus à visionner gratuitement, pour accompagner les populations en confinement. Une sélection exhaustive issue des différentes éditions de 1988 à 2019, et saluée par la critique. À voir, par exemple, le long-métrage Buddha in Africa, de la Sud-Africaine Nicole Schafer, ou La Bataille d’Alger, un film dans l’histoire, de l’Algérien Malek Bensmaïl. Les thématiques sont diverses (art, culture, économie, design, société, écologie, sport ou encore histoire) et sont à découvrir tout en restant confortablement installé chez soi. ■ C.F. idfa.nl/en/collection/free AFRIQUE MAGAZINE
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SEYDOU KEÏTA - JEAN DEPARA - DR - MORY BAMBA - CAPTURE D’ÉCRAN
« LE BAL DE BAMAKO », Fondation Blachère, Apt (France), jusqu’au 26 septembre 2020.
À LA GALERIE, « Le Bal de Bamako », un hommage aux pères de la photographie de l’Afrique francophone et à la jeunesse des années 1960, expose les années twist des Maliens Mory Bamba, Seydou Keïta et Malick Sidibé, du Nigérien Philippe Koudjina Ayi et du Congolais Jean Depara. Nichée au cœur de la zone industrielle d’Apt, dans le sud de la France, la fondation est adossée à l’entreprise familiale, Blachère Illumination, championne de l’éclairage de rues pour les fêtes. Chaque année, elle accueille en résidence entre six et huit artistes du continent et leur achète, à l’issue de la session, une ou plusieurs réalisations qui rejoignent ensuite sa collection,
Cet oryx, animal emblématique de la savane, est un hommage à ses origines africaines.
DESIGN
HICHAM LAHLOU LES LIGNES PURES
DR - HARCOURT
L’artiste MAROCAIN rejoint le catalogue « Édition d’art » du verrier Daum.
CRÉATEUR À MI-CHEMIN entre le designer et l’artiste contemporain, considéré comme le précurseur du design industriel urbain au Maroc, Hicham Lahlou ajoute un nouveau succès à sa belle carrière. Après avoir signé de grands projets et collections pour des marques prestigieuses (Ecart International, Lip, Aquamass…) et exposé ses œuvres au Vitra Design Museum, à Weil am Rhein (Allemagne) et au musée Guggenheim de Bilbao (Espagne), il rejoint aujourd’hui le catalogue « Édition d’Art » du maître-verrier français Daum. Pour l’occasion, il a imaginé un oryx, animal emblématique de la savane, sublimé par des lignes pures et fluides. Hommage à ses origines africaines, cette œuvre d’art couleur ambre intense, disponible en petite et grande tailles, possède une présence quasi mystique. Les cornes en bronze doré capturent les regards et la lumière, pour un dernier éclat de beauté. ■ Luisa Nannipieri AFRIQUE MAGAZINE
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ON EN PARLE
SÉRIE US
LE RÊVE (AFRO-)AMÉRICAIN ?
CHAÎNES EN OR et baskets de luxe pour une riche famille noire de Californie… Ça balance sans complexes ! partie dus au recours à une caméra unique, qui suit à la trace les personnages) et punchlines bien senties sur l’argent, le travail, l’éducation, le racisme, l’art contemporain ou l’histoire des droits civiques et l’esclavage. Le « AF » du titre ? Une contraction pour « as fuck », de l’argot américain intraduisible, ce qui pourrait donner comme titre en français « Noirs jusqu’au bout des ongles » ! Décapant et sans filtre. ■ J.-M.C. #BLACKAF (États-Unis), série de Kenya Barris. Avec lui-même et Rashida Jones. Disponible sur Netflix.
DR - GABRIEL DELERME/NETFLIX
VOUS AIMERIEZ observer le quotidien d’une famille afro-américaine très « nouveaux riches » ? Regardez cette sitcom de Netflix qui suit les péripéties d’un acteur en vue, incarné par Kenya Barris, scénariste de la série à succès Black-ish sur ABC. Dans ce faux documentaire, il joue un père dépassé, qui ne jure que par ses achats compulsifs de baskets et son amitié supposée avec Jay-Z. Il vit avec sa femme métisse et leurs six enfants dans un quartier huppé de Los Angeles, et la comédie alterne curieux moments de flottement (en
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L I T T É R AT U R E
Gilbert Sinoué
JULIEN FAURE/LEEXTRA - DR
Le portrait du prince Passeur d’histoires, il raconte avec talent les destins extraordinaires. Son nouveau roman est un hommage à CHEIKH ZAYED, cet homme du désert qui créa les Émirats arabes unis.
DANS L’ÉGYPTE ANCIENNE, le faucon se rapporte au dieu Horus. C’est ce même rapace diurne que Gilbert Sinoué, grand connaisseur de l’histoire et des mythes du Moyen-Orient, a choisi pour qualifier Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, « le sage des Arabes », dont il rapporte le destin hors du commun. Raconté comme une confession posthume, le texte, entre conte et roman historique, s’appuie sur les moments clés du parcours du chef tribal de la péninsule arabique, dont le pétrole fit l’un des hommes les plus fortunés du monde. « Une certitude : j’ai mille ans de souvenirs. En cette heure où le jour décline, assis en tailleur au sommet de cette dune de sable, comme du temps de ma jeunesse au milieu des Bédouins de ma tribu, ces souvenirs je les vois qui défilent en cortège sur la ligne d’horizon. » Fin diplomate et redoutable tacticien, ancien émir d’Abu Dhabi, puis fondateur des Émirats arabes unis en 1971, le personnage romanesque et visionnaire ne pouvait que galvaniser la plume de l’auteur de nombreux ouvrages salués par la critique, parmi lesquels Le Livre de saphir et L’Enfant de Bruges. Passionné d’histoire et de fables orientales, le Franco-Égyptien a lui aussi connu un itinéraire plein de rebondissements. D’abord musicien, puis parolier d’artistes à succès, il a notamment coécrit « Helwa Ya Baladi » pour Dalida, que l’Égypte et le Liban qualifient encore d’hymne. À l’approche de la quarantaine, il se lance dans l’écriture. Son rêve. Premier roman, premier succès : La Pourpre et l’Olivier, ou Calixte Ier, le pape oublié, en 1987, qui nous fait découvrir le seizième pape de la chrétienté. Dès lors, son talent de conteur n’a eu de cesse de mettre en lumière des héros de l’histoire. ■ C.F. GILBERT SINOUÉ, Le Faucon, Gallimard,
288 pages, 20 €. AFRIQUE MAGAZINE
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ON EN PARLE
BAB L’BLUZ, Nayda !, Real
World/Pias.
MUSIQUE
BAB L’BLUZ, ROCK THE CASBAH
Formé il y a deux ans à MARRAKECH, ce groupe se nourrit de rock, de funk et de ce que la tradition musicale nord-africaine offre de plus fédérateur. L’OUVERTURE DE L’ALBUM, « Gwana Beat », ne laisse guère de doute quant aux origines du groupe. C’est l’Orient dans ce qu’il a de plus inventif et trépidant qui s’exprime ici, entre chaabi, mélodies berbères ou musique hassanie, mâtiné de blues et de rock psychédéliques américains. Fondé par le compositeur français Brice Bottin et la charismatique chanteuse et joueuse de guembri marocaine Yousra Mansour (fan de Janis Joplin et originaire de El Jadida), le groupe Bab L’Bluz souhaite rendre hommage
à la culture gwana, sans oublier l’effervescence d’une époque qui se permet toutes formes de conjugaisons instrumentales. Ici, l’awicha est maniée telle une guitare, le guembri comme une basse… Et ce premier album, Nayda!, est la bande originale idéale du mouvement culturel créatif marocain du même nom. En arabe dialectal, « nayda » signifie à la fois « se lever » et « faire la fête ». Ainsi, Bab L’Bluz milite pour une Afrique meilleure grâce au pouvoir énergisant de la musique. ■ S.R.
COMPÉTITION
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BAB L’BLUZ - DR - PICASA
Devenir réalisatrice
Le 30 juin, nous connaîtrons les noms des 12 lauréates de l’édition béninoise du concours 7 jours pour 1 film, avec comme thème « Abus et violences sur les filles ». À la clé : l’accès gratuit à un atelier de formation au cinéma et la réalisation d’un court-métrage diffusé par l’un des festivals locaux partenaires. Il y a quelques mois, c’était le Sénégal qui accueillait cette compétition itinérante : Fatoumata Diallo avait pu tourner La Dernière Danse, avec la participation technique des 11 autres finalistes, projeté en ouverture du festival Films Femmes Afrique le 29 février. Des films qui poursuivent leur carrière à travers la planète, comme 28 jours de Jahëna Louisin, réalisé l’an dernier au Togo, qui a remporté en avril une mention spéciale au festival Vues d’Afrique de Montréal. Un beau tremplin pour une cinquantaine de cinéastes formées depuis le début de ce programme. ■ J.-M.C. 7jourspour1film.org
Maïwax, l’Afrique sur les yeux
FA S H I O N
DR - DI MESSINA (2)
Mettre en valeur le savoir-faire français et la CULTURE DU CONTINENT.
L’OPTICIENNE OPTICIENNE FRANCO-SÉNÉGALAISE Maïmouna Tirera Tir a lancé sa marque de lunettes haut de gamme, Maïwax, en 2015. Les montures sont fabriquées à la main en acét acétate de cellulose, une matière plastique extraite du coton, en entre son laboratoire parisien et l’Ain. Leur particularité ? Des inserts de tissus, lesquels sont réalisés avec des imprimés associés à l’Afrique, comme du wax ou du bazin riche, agrémentés de cauris ou de perles. La trentenaire, installée dans le quartier de Château Rouge (où elle s’apprête à ouvrir AFRIQUE MAGAZINE
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une boutique avec atelier de montage), puise son inspiration dans les motifs qu’elle voit. Tant dans les rues de la capitale française qu’au Sénégal, d’où elle revient chargée de ses étoffes préférées. Adepte des petites séries, conçues en fonction des tissus et des coloris, elle s’engage à proposer des lunettes adaptées au visage de chacun, loin de la standardisation européenne. Et depuis peu, elle réutilise les chutes de production pour en faire de très jolis accessoires tendance, du nœud papillon au bracelet. ■ L.N. maiwax.com 17
ON EN PARLE
Les T-shirts et sweaters sont en coton bio.
LE POUVOIR DU MASQUE
Chez SALYEL PARIS, symbolique et réel se mélangent : pour mieux prendre conscience de soi et s’afficher fièrement.
LE POUVOIR DES VÊTEMENTS, Fatimata Ba le connaît bien. Elle qui pendant ses années passées dans le monde de la finance a porté robes et tailleurs comme des armures, a choisi de créer une marque qui fait du masque tribal bien plus qu’un symbole. L’idée de lancer Salyel Paris est née de son désir de troquer le monde des grandes banques contre celui de la mode. Un secteur dans lequel elle peut retrouver et promouvoir des valeurs qui lui sont chères. Le nom, tout d’abord, provient de celui de sa grand-mère sénégalaise bien-aimée, avec laquelle elle a vécu jusqu’à ses 4 ans près de la frontière mauritanienne. Le concept ensuite : toutes ses pièces – des T-shirts aux sweaters réalisés en coton biologique – affichent un masque aux couleurs et formes disparates. Certains s’inspirent de véritables objets rituels, d’autres sortent tout droit de l’imagination de la styliste : « Le masque n’a pas juste une fonction esthétique. Il a toujours un pouvoir, un rôle précis et fondamental dans la société. » 18
La fondatrice de la marque, Fatimata Ba.
Quand elle dessine ces figures plus ou moins abstraites – un processus créatif qui peut lui prendre des semaines –, elle attribue à chacune une histoire et tient à vérifier avec ses amis et ses parents si chaque récit tient la route. L’objectif est de proposer à ses clients des vêtements non seulement beaux, mais également porteurs d’un sens, dans l’optique de manifester la force et le pouvoir intérieur de ceux qui les portent. Les touches artisanales qu’ajoute la designeuse, comme des broderies, des coquillages ou des inserts en tissu, sont aussi une façon de transmettre une partie d’elle et de son histoire, et de laisser une signature unique sur chacune de ses créations. Bientôt, une collection de jupes et de robes réalisées à Dakar sera ajoutée au catalogue. Un projet qui lui tient particulièrement à cœur, la styliste ayant toujours voulu mettre en valeur ses liens avec le Sénégal. ■ L.N. salyelparis.com AFRIQUE MAGAZINE
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C R É AT R I C E
ESSAI
DÉRIVES DESPOTIQUES
LUTTER CONTRE l’ignorance et l’autoritarisme. Le nouvel essai d’Alaa El Aswany s’inscrit encore une fois dans un combat, volontiers provocateur, où il examine la dictature comme une véritable maladie : circonstances de son émergence, symptômes et complications qu’elle provoque, tant chez le peuple que chez le dictateur. Son diagnostic ? La prévention. « Développer une conscience assez vive pour résister au charisme ou à l’idolâtrie d’un leader ou d’une foi – en d’autres termes, adopter un scepticisme salutaire – est le moyen le plus efficace pour
ALAA EL ASWANY, Le Syndrome de la dictature, Actes Sud, 208 pages, 19,80 €.
prévenir une dictature. » Pour l’heure, la célébrité, qui faisait de l’écrivain un intouchable du régime quand il vivait au Caire, ne le protège plus. Poursuivi par la justice égyptienne, il vit aujourd’hui en exil à New York, où il enseigne la littérature. ■ C.F.
MODE
FACES OF FRIDA
Des accessoires fun et stylés.
LORSQUE LE CLÉZIO lui consacre un roman ainsi qu’à son mari Diego Rivera, autre monstre sacré de l’art post-révolutionnaire mexicain, Frida Kahlo nous apparaît comme un « vrai démon » au talent hors du commun. Artiste totale, en pleine période de contestation du capitalisme et du colonialisme, elle n’incarne pourtant pas en priorité la lutte sociale, mais plutôt la souffrance inscrite dans
EN CRÉOLE, « bélya » signifie à la fois « jeune fille » et « crier de joie ». Rien de plus adapté à cette marque d’accessoires en tout genre créée en 2012 à Dakar par Aïssatou Sene, passionnée de design et styliste autodidacte. Dans son catalogue, on trouve des casquettes, des chaussures, des sacs à dos ou encore des bananes réalisés en wax, en satin et en cuir végan. Chaque pièce est unique, pétillante et jamais monotone. Avec une attention particulière donnée au confort, mais sans oublier le style, les créations signées Bélya sont également légères, pratiques et durables. Et tout, du design aux matériaux, en passant par la main-d’œuvre, est rigoureusement made in Africa. ■ L.N. belyashop.com
PEINTURE
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Bélya
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sa destinée extraordinaire. Avec plus de 800 œuvres picturales et de nombreux effets personnels, cette rétrospective virtuelle proposée par 33 musées et centres d’art du monde entier, via la plate-forme Google Arts & Culture, permet de (re)découvrir ce symbole du féminisme et de l’émancipation artistique. ■ C.F. artsandculture.google. com/project/frida-kahlo
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ON EN PARLE INTE RVIEW
Mamane, l’humour sans frontières
Producteur du spectacle Sans visa, réalisateur de la comédie Bienvenue au Gondwana (2016) diffusée sur Netflix, fondateur du premier comedy club à Abidjan, l’humoriste nigérien s’engage pour l’éducation et l’insertion professionnelle des jeunes.
j’y passe 15 jours [il vit en Côte d’Ivoire, ndlr]. Ce temps long me permet de développer mes projets, comme la construction d’une école d’arts du spectacle et de l’écran à Niamey, qui accueillera des élèves de toute l’Afrique, avec des cours dispensés en français, haoussa, mandingue, wolof, lingala… Il faut donner un espoir et un horizon professionnel à la jeunesse, pour qu’elle ne cède ni aux sirènes de l’émigration, ni aux djihadistes ou aux pasteurs évangélistes. Un système de bourses permettra aux plus démunis d’étudier. Elle fonctionnera grâce à l’énergie solaire. En tant qu’ambassadeur climat pour le Sahel, je m’engage beaucoup sur ce sujet. Vous avez créé une fondation pour l’insertion des jeunes dans les métiers de l’agriculture.
Je vais commencer par la région d’Agadez, au nord, aux confluents des enjeux géopolitiques mondiaux. Les jeunes sont au chômage, le tourisme n’existe plus à cause du terrorisme, c’est une plaque tournante urnante pour le trafic de drogue, le passage obligé pour our les migrants… La crise sanitaire du Covid-19 a montré les failles de la mondialisation. Chaque pays doit pouvoir compter sur ses propres forces et ressources, disposer d’une autosuffisance alimentaire. Vos sketchs ont une fibre pédagogique… dagogique…
Très écoutés, les humoristess ont une grande responsabilité. C’est dommage, mmage, mais nous avons plus d’influence ce sur les jeunes qu’un professeur ! Il faut donc profiter de cette audience pour élever le public. Je veux lui apporter porter des notions d’histoire, de géographie, raphie, de politique, pour qu’il approfondisse ondisse par lui-même. Et pendant la crise ise du Covid-19, comme beaucoup de mes confrères africains, j’ai sensibilisé isé les citoyens sur les gestes barrière, ère, contre la stigmatisation des malades, alades, à travers des vidéos et des audios. ios. Quels styles d’humour distinguez-vous selon les pays ys ? ?
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Les humoristes ivoiriens pratiquent plutôt le stand-up, avec le rythme « une phrase = un rire ». En Afrique centrale, en RD Congo, au Cameroun, ils racontent une histoire, et pour aborder la politique, ils ont recours au troisième degré, aux fines allusions, car l’expression y est moins libre. En Afrique de l’Ouest au contraire, les attaques envers les hommes politiques sont souvent frontales, le niveau de démocratie étant plus avancé. Imités, raillés, les chefs d’État s’en prennent plein la face et s’en amusent. Ils ont compris que s’attaquer à un humoriste, ou le censurer, est contre-productif. Comment se porte votre Gondwana Club, ouvert à Abidjan il y a un an ?
C’est la maison des humoristes africains. Premier comedy club d’Afrique francophone subsaharienne, il propose un spectacle chaque vendredi soir [comme les autres salles du pays, il est actuellement fermé à cause de la pandémie, ndlr]. La salle est toujours pleine, avec des spectateurs locaux de tout âge, et des Européens, des Canadiens. Les artistes sortent ainsi Ca de leur zone de confort. Et le public non africain fait l’effort de découvrir les référence références culturelles. L’humour est un moyen d’intégration, de p partage. Quand je suis arrivé en France, il m’a beaucoup beauco servi à comprendre la société. Votre film Bienvenue a au Gondwana raconte les élections truquées d d’un président-fondateur…
La politique des d dirigeants africains est la source majeure majeu de nos problèmes sociaux et économiques. Ils sont souvent « élus » économiq par effraction, effractio en bourrant les urnes. Sous un vernis de démocrates, une ve fois au pouvoir, ils ne font rien pour le pou peuple. Ce C film a été un grand succès en Afrique Afriqu car on y retrouve souvent ce schéma. schém J’adore réaliser, et je m’oriente m’orien vers des projets de séries, un genre gen dans lequel on peut vraiment développer des personnages, les faire dévelo évoluer, évolue et approfondir plusieurs intrigues intrigue imbriquées. ■ Propos recueillis par p Astrid Krivian
Les dates de la tournée 2021 de Sans visa 4 retrouver sur cfafestival.fr. sont à retrou
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AM : Comment vivez-vous la situation actuelle ? Mamane : Je suis au Niger auprès des miens. D’habitude,
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LES NAUFRAGÉS DU DÉSERT
CREATIVELAB
Avec son projet au charme troublant, le cabinet namibien NINA MARITZ ARCHITECTS propose une expérience unique : le Shipwreck Lodge. DIX LODGES perdus au milieu de nulle part. Cet hôtel de luxe signé par le cabinet Nina Maritz Architects, basé à Windhoek, est un hommage aux milliers de navires qui ont échoué sur la mythique Skeleton Coast, en Namibie. Situé dans la réserve naturelle de pierre et de sable créée en 1971, où errent les lions et les éléphants du désert, le Shipwreck Lodge se compose de chalets en bois qui reprennent la forme d’une carène de bateau retournée. Une vue qui évoque la désolation de la nature, comme elle a dû apparaître aux naufragés d’autrefois. Et contraste avec le confort de l’intérieur, où les lits AFRIQUE MAGAZINE
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font face aux grandes baies vitrées qui permettent de profiter de la brise de l’océan ou d’admirer les dunes. Pour réduire au maximum l’empreinte écologique, les chambres ont été entièrement assemblées sur place, sont équipées de panneaux solaires et peuvent être complètement démantelées au besoin. Et les pilotis ont été profondément enfoncés dans les dunes pour remédier au problème du sable constamment déplacé par le vent. Une expérience et un design uniques qui ont valu au projet de remporter un prix AHEAD (Awards for Hospitality Experience and Design) en 2019. ■ L.N. 21
PARCOURS
Bai Kamara Jr.
LE BLUESMAN NATIF DE SIERRA LEONE,
Belge d’adoption, explore son héritage africain dans son dernier album, le vibrant et savoureux Salone. Retour sur une carrière partagée entre l’Europe et l’Afrique, entre musique et militantisme.
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par Astrid Krivian
l consacre John Lee Hooker en figure tutélaire pour son talent à raconter des histoires universelles et son sens de l’humour. « Car le blues ne se réduit pas à la tristesse. Il est aussi une célébration. Et la sincérité prévaut sur la performance technique. Tu ne peux pas tricher », estime le musicien. Son sixième album, Salone, qui signifie « Sierra Leone » en langue krio, est né d’un cheminement spirituel. Un retour à la source africaine du blues et aux propres racines de l’artiste, installé en Europe depuis l’adolescence. Sa guitare groove ici au rythme de percussions ouest-africaines. « J’ai pris le temps pour être prêt à proposer ma version personnelle du blues, lequel est difficile à réinventer. » Relevant le défi de jouer en studio chaque instrument, il a baptisé le groupe qui l’accompagnerait en tournée « The Voodoo Sniffers », un nom inspiré d’une croyance traditionnelle de Sierra Leone : « Un voodoo sniffer est un chasseur de mauvais esprits. » D’une plume d’habitude militante, le bluesman livre des textes plus intimes. Tel « Homecoming », relatant son retour bouleversant dans son pays d’origine, ravagé par plus de dix ans de guerre civile, de 1991 à 2002. « La Sierra Leone avait changé de façon dramatique, les infrastructures étaient détruites. Mais l’essence de la population était intacte : sa générosité, son hospitalité, son sens du partage. » Né à Bo Town en 1966, d’une mère ambassadrice et d’un père politicien, il grandit à Freetown, la capitale, située sur une péninsule et fondée par des esclaves affranchis à la fin du XVIIIe siècle. Dans un village de pêcheurs, en périphérie, il connaît une enfance idyllique « de paix, de liberté, en communion avec la nature ». À 15 ans, sa mère l’envoie poursuivre sa scolarité en Angleterre. À Bath, dans le froid hivernal, la découverte des guitar heroes a de quoi lui réchauffer l’âme. Ses amis lui font écouter la crème du blues, du rock (Led Zeppelin, Lou Reed, ZZ Top…). À 17 ans, il apprend la guitare en autodidacte, commence à écrire et composer. En 1990, il quitte Manchester pour se rapprocher de sa mère mandatée à Bruxelles, « village globalisé » où il a élu domicile depuis, et plaque ses études de commerce pour se consacrer à la musique. Composant d’abord pour d’autres artistes, il prend vite goût à la scène. Son premier groupe, cosmopolite, Odex Protocole, fusionne soul, jazz, rock et rythmes africains. Une décennie plus tard, en 2002, il signe en solo son premier disque, Living Room/Intrinsic Equilibrium. Tout au long de sa carrière, Bai a mis ses talents au service de causes humanitaires, mobilisé contre les injustices, l’autre ouvrage de sa vie. Membre d’Amnesty International, engagé pour le climat et investi auprès de l’Unicef, il participe en 2001 au disque collectif Building Bridges, piloté par Youssou N’Dour et édité par le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés, dans l’optique de financer l’éducation des réfugiés. Parce qu’il sait la douleur d’avoir des proches dans un pays en guerre, il réunit en 2015, en pleine crise migratoire, des artistes pour une chanson au profit de Médecins sans frontières, « If I Could Walk on Water ». Développer les systèmes sanitaires et éducatifs serait selon lui les priorités en Sierra Leone, victime du tragique enrôlement d’enfants-soldats pendant la guerre civile et de l’épidémie Ebola en 2014. « Tant de jeunes talents ont soif d’apprendre. Le progrès du pays passe par l’éducation. Cela amènerait aussi une meilleure gouvernance, les jeunes décèleraient la corruption et exigeraient la transparence. C’est mon prochain combat. » ■ Bai Kamara Jr. & The Voodoo Sniffers, Salone, Moosicus Gmbh.
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«Tant de jeunes talents ont soif d’apprendre. Le progrès du pays passe par l’éducation.»
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C’EST COMMENT ?
PAR EMMANUELLE PONTIÉ
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MANGER AFRIQUE ! Entre autres tristes conséquences, la pandémie mondiale de Covid-19 aura (re)montré à quel point l’Afrique est dépendante des plans agricole et alimentaire. Pas seulement à cause de la sécheresse ou de la pauvreté. Mais d’abord à cause de politiques totalement dysfonctionnelles. Produire en masse du cacao, du café ou du coton pour l’étranger – sans jamais parvenir à le transformer localement – ou viser l’industrialisation à tous crins de la production de l’anacarde, c’est bien, mais ça ne nourrit pas son homme. Localement. Ni dans le portefeuille, ni dans l’écuelle. La culture vivrière, de proximité, naturellement bio, va devoir s’imposer comme une évidence. Et les gouvernements auront rapidement intérêt à la soutenir, l’encadrer, la promouvoir. En gros, l’Afrique n’arrive pas à produire ce qu’elle consomme et exporte ce qu’elle ne peut pas transformer. On tourne un peu en rond. La dépendance par rapport au riz au Sénégal, qui importe de Chine l’ingrédient principal du thiéboudiène, n’est pas normale. Il faut se débrouiller pour abaisser les coûts de production locaux. Acheter des poulets fumés hors de prix à Libreville, qui les fait venir d’Afrique du Sud, n’a pas de sens. Il faut élever, cultiver made in Gabon, développer les routes pour acheminer les denrées, etc. Bref, la crise du Covid-19, qui a entraîné la fermeture de la plupart des frontières, a été un choc pour les assiettes africaines. Le sujet n’est pas nouveau. Les experts, projets et autres fonds se bousculent au chevet des agricultures du continent, sans jamais finalement résoudre la problématique du consommer local. En Afrique centrale, les ministres font pousser des vergers au village sur les terres de leur résidence, c’est très chic, mais bon… Côté politique pour tous (c’est un pléonasme), pas mal de pays et de peuples attendent encore… Je ne suis pas spécialiste, mais il me semble que revoir en urgence les modèles agricoles et alimentaires est une évidence. Et si deux ou trois mois de crise sanitaire mettent à ce point à mal l’approvisionnement en nourriture de 1,2 milliard d’Africains, que se passera-t-il dans trente ans, quand le continent comptera, selon les projections démographiques les plus raisonnables, 2,5 milliards d’habitants ? Alors créez, innovez, et remettez l’être humain au centre des politiques. C’est juste vital. ■ AFRIQUE MAGAZINE
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