1 minute read
LE PRIX DE L’IDENTITÉ
L’histoire vraie d’un jeune MILITAIRE FRANCO-ALGÉRIEN mort noyé lors d’un bizutage à la prestigieuse école de Saint-Cyr.
DES APPRENTIS MILITAIRES chantent à plein poumon « Commando d’Afrique », hommage aux Africains qui ont participé à la libération de la France, avant de se lancer dans une reconstitution bancale et nocturne du débarquement de Provence. Nous sommes à Saint-Cyr, près de Paris, et ce bizutage plus ou moins toléré sera fatal à l’un d’entre eux, Aïssa, seul arabe de la promotion, qui se noie dans des eaux glacées. C’est la scène d’ouverture de ce film inspiré de faits réels, puisque c’est l’histoire du frère du cinéaste. L’école va ensuite proposer une cérémonie aux Invalides, mais le reste de la hiérarchie militaire va s’y opposer, le jeune homme qui s’était pourtant préparé à mourir pour la France n’étant pas tombé au combat… La lutte de la famille pour obtenir une réparation est le moteur du récit. Et tout passe par le regard de son grand frère Ismaël (Karim Leklou), qui va d’abord se souvenir de leur enfance en Algérie : pays que sa mère (impériale Lubna Azabal) a fui avec eux en 1992 durant la guerre civile, laissant derrière elle son mari gendarme (Samir Guesmi, particulièrement émouvant). Ils vont grandir en banlieue parisienne et voir leurs chemins se séparer : pendant qu’Ismaël accumule les mauvais plans, Aïssa (Shaïn Boumedine, voir son parcours en pp. 28-29) poursuit de brillantes études à Sciences Po, le conduisant jusqu’à Taïwan. Cette échappée n’est pas la moindre originalité de ce film qui met à mal bien des images ressassées par le cinéma français sur les familles maghrébines en banlieue. La fresque intime côtoie le message politique sans l’appuyer, chaque membre ayant ses défauts et ses qualités, de même que l’armée française n’est pas vue comme un bloc raciste et colonial. Des nuances portées par une caméra toujours à bonne distance, qui soulève bien des questions sans donner de réponses toutes faites. Dans une note d’intention, Rachid Hami (dont le double à l’écran est incarné avec une grande justesse par Karim Leclou) résume parfaitement sa démarche : « Ni lamentation victimaire et encore moins dénonciation stérile de la chose militaire, ce film propose un périple houleux dans l’intimité de deux frères que la vie a séparés, sous-tendu par une méditation plus large sur le déracinement. Faut-il payer de sa vie le rêve d’appartenir à un pays ? » ■
J.-M.C.
« SENGHOR ET LES ARTS : RÉINVENTER L’UNIVERSEL », musée du quai Branly, Paris (France), jusqu’au 19 novembre. quaibranly.fr